Lettre 230
Cher Membre du Parlement Européen:
Vous vous apprêtez à adopter la feuille de route qui définira la Société de l’Information dans les années à venir. L’enjeu du paquet législatif sur les télécoms ne peut être limité à la seule question du déploiement croissant des réseaux et de la gestion du spectre. En effet, cette révision du cadre règlementaire des communications électroniques peut certes stimuler les marchés et promouvoir l’innovation, mais doit également définir les contours d’une société « en ligne » dans laquelle nous sommes amenés à vivre quotidiennement.
Comme toute société, celle-ci doit être basée sur le respect de tous ses acteurs. Ainsi, dans un environnement qui offre à chaque individu le pouvoir d’agir en « communicateur de masse », il est primordial de respecter et de protéger les droits et libertés d’autrui. Dans ce contexte, nous en appelons à vous afin que (1) vous introduisiez les règles nécessaires pour assurer que les fournisseurs de services et de réseaux de communications électroniques jouent pleinement leur rôle dans la prévention et la lutte contre les comportements en ligne illicites et dangereux et que (2) vous instauriez un équilibre entre, d’une part, la protection des données personnelles et de la vie privée et, d’autre part, la protection des droits et libertés d’autrui.
Au sein de l’Union européenne, les victimes de comportements illicites en ligne se trouvent souvent dans une situation délicate où les voies de recours contre la source de leurs maux sont limitées et parfois même inexistantes. On ne peut que constater la multiplication quasi quotidienne d’agissements illicites en ligne. Il y a seulement quelques années, peu de personnes avaient subi (ou même entendu parler) de « cyber-mobbing » ou de « happy slapping » et des conséquences dramatiques que ces comportements peuvent entrainer. La facilité avec laquelle les mineurs peuvent aujourd’hui accéder à des contenus dangereux vicieusement dissimulés parmi des copies illégales d’œuvres protégées, est devenue un sujet de préoccupation légitime. De même, les risques de diffamation sur Internet durant les campagnes électorales (avec le déploiement des campagnes en ligne et des sites de candidats), les comportements abusifs et insultants dans les forums de discussion et les blogues, les intrusions dans la sphère privée des individus, les photos prises et utilisées hors contexte – et sans l’accord de ces personnes – sont malheureusement des illustrations de plus en plus courantes de ces abus sur Internet. Et malheureusement, tout ceci se déroule sur les mêmes réseaux que l’Union européenne entend promouvoir pour fonder une Société de l’Information florissante et solidaire. A une époque où les réseaux de communications électroniques jouent un rôle central dans le fonctionnement notre société, il apparait clairement que ceux-ci doivent être fondés sur les mêmes principes qui régissent notre société « physique » et que tous les acteurs de cette société, que ce soit le citoyen, le consommateur ou le secteur privé, puissent bénéficier d’un degré identique de protection que celui attendu à tous les niveaux de nos sociétés démocratiques. Pour mémoire, la déclaration française des Droits de l’Homme de 1789 reconnait qu’une liberté ne peut être reconnue comme telle que si son exercice ne vient pas menacer les droits et libertés d’autrui . Ce principe fondateur de toute société civilisée est également reflété à l’Article 52.1 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union européenne. Pourquoi en serait-il différent en ligne ?
A l’heure actuelle, le chainon manquant est évident: les fournisseurs de services et réseaux de communications électroniques ne sont pas enclins à coopérer avec les victimes de comportements illicites en ligne. En tout état de cause, il semble inconcevable que le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil des Ministres aient eu pour intention de créer des obstacles à une coopération efficace pour mettre fin aux comportements illicites et dangereux en ligne. Pourtant, depuis que les premières règles régissant les communications en ligne ont été adoptées en 2002, les opérateurs de réseaux et fournisseurs de services de communications électroniques les ont systématiquement mises en avant pour refuser toute coopération avec les victimes de comportements illicites en ligne. En lieu et place, ils ont suggéré que toute victime devrait se tourner vers la police. Une telle suggestion, loin d’être idéale pour tous, ne prend pas en compte les ressources limitées des forces de l’ordre et les priorités de la justice criminelle. Souhaitons-nous réellement que le recours aux forces de police constitue la seule issue pour résoudre les conflits et différends sur Internet?
Il est nécessaire de mettre en place des règles permettant à toutes les parties prenantes de jouer un rôle actif pour une société civilisée et responsable en ligne. Dès aujourd’hui, vous pouvez inciter les opérateurs de télécommunications et les FAI à assumer pleinement leurs rôles dans la protection des droits et libertés de tous ceux qui vivent et interagissent dans la Société de l’Information. Big offensive from the entertainment lobby.
Cher membre du Parlement,
A l’occasion de la révision du Paquet Télécom, nous vous invitons à prendre
en compte que :
• l’une des tâches des autorités nationales de régulation soit d’assurer que l’attribution des licences aux opérateurs de communications électroniques soit conditionnée explicitement à la coopération dans la prévention et la lutte contre les comportements illicites en ligne, y compris en prévoyant que chaque contrat indique clairement au consommateur souscrivant un service les conséquences de tels comportements; • un équilibre soit établi entre, d’une part, la protection des données à caractère personnel et, d’autre part, les droits et libertés d’autrui dans le cadre des communications électroniques, comme préconisé par la jurisprudence de la Cour de Justice Européenne, et ce afin d’éviter que les auteurs d’agissements illicites en ligne ne puissent se réfugier abusivement derrière les règles de protection de la vie privée.
Nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint la liste de ces signataires.
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