JeanPierreBrard : Différence entre versions

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===== 31/03/2009 [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090210.asp Débats HADOPI :] =====
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===== 31/03/2009 [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090210.asp Débats HADOPI : répression, recours, liste noire, sanctions, exemples étrangers, pirates] =====
  
 
<blockquote>Ceux qui liront plus tard le compte rendu de nos débats verront à quel point le Gouvernement s'enfonce dans l'archaïsme.</blockquote>
 
<blockquote>Ceux qui liront plus tard le compte rendu de nos débats verront à quel point le Gouvernement s'enfonce dans l'archaïsme.</blockquote>
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<blockquote>Pourquoi donc ne pas nous donner ces informations qui, peut-être, alimenteraient la discussion ? Le fond de l'affaire, c'est que votre objectif n'est pas, contrairement aux intentions affichées, de défendre la création mais de beurrer la tartine des majors. Comme ce n'est guère glorieux, vous tentez de le faire discrètement. Mais notre rôle, à nous, c'est de vous montrer telle que vous êtes.</blockquote>
 
<blockquote>Pourquoi donc ne pas nous donner ces informations qui, peut-être, alimenteraient la discussion ? Le fond de l'affaire, c'est que votre objectif n'est pas, contrairement aux intentions affichées, de défendre la création mais de beurrer la tartine des majors. Comme ce n'est guère glorieux, vous tentez de le faire discrètement. Mais notre rôle, à nous, c'est de vous montrer telle que vous êtes.</blockquote>
 
<blockquote>[...]</blockquote>
 
 
<blockquote>Monsieur le président, je souhaitais brièvement vider le différend sémantique qui a surgi entre nous. La chose n'est pas négligeable, surtout dans ces temps où notre langue est tellement martyrisée. Qu'est-il écrit, dans le Littré, à l'article « Subterfuge » ? « Moyen détourné et artificieux pour se tirer d'embarras. » C'est tout à fait votre situation, monsieur le rapporteur. Un peu plus loin, on lit cette citation : « Tous ces petits subterfuges compromettaient la dignité de la couronne. » Je pense, madame la ministre, que cette phrase a été écrite en pensant à vous. Qui porte la couronne, aujourd'hui, et que vous représentez ici ? Certes, à l'époque, les rois n'avaient pas de ministres femmes : nous avons donc progressé.</blockquote>
 
  
 
<blockquote>[...]</blockquote>
 
<blockquote>[...]</blockquote>
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===== 31/03/2009 [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090209.asp Débats HADOPI :] =====
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===== 31/03/2009 [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090209.asp#P402_75095 Débats HADOPI : écoute des parlementaires, labellisation, ARCEP, CNIL] =====
  
 
<blockquote>Monsieur le président, vous n'avez pas souhaité me donner la parole tout à l'heure alors que je l'avais demandée, mais je ne peux croire qu'il s'agit là d'une discrimination à l'égard du groupe GDR.</blockquote>
 
<blockquote>Monsieur le président, vous n'avez pas souhaité me donner la parole tout à l'heure alors que je l'avais demandée, mais je ne peux croire qu'il s'agit là d'une discrimination à l'égard du groupe GDR.</blockquote>
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===== 30/03/2009 [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090208.asp Débats HADOPI :] =====
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===== 30/03/2009 [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090208.asp Débats HADOPI : Allemangne, magnétoscope, autorité judiciaire, CNIL] =====
  
 
<blockquote>Notre débat est irréel. Certaines avancées technologiques ouvrent des espaces de liberté, notamment pour les jeunes. Depuis hier, avec le président Accoyer, nous recevons des collègues du Bundestag. Ce midi, monsieur le président, nous leur avons expliqué ce que le Gouvernement entend faire avec l'Internet.</blockquote>
 
<blockquote>Notre débat est irréel. Certaines avancées technologiques ouvrent des espaces de liberté, notamment pour les jeunes. Depuis hier, avec le président Accoyer, nous recevons des collègues du Bundestag. Ce midi, monsieur le président, nous leur avons expliqué ce que le Gouvernement entend faire avec l'Internet.</blockquote>

Version du 29 mai 2009 à 14:49

Sommaire

Mémoire politique : Jean-Pierre Brard, député

Jean-Pierre Brard

Informations générales

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Contact
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  • Assemblée nationale 126 rue de l'Université, 75355 Paris 07 SP
    Tél. : 01 40 63 92 00 - Fax : 01 40 63 61 24


Fonctions à l'Assemblée nationale

  • Commission : Commission des finances (Secrétaire)
  • Délégation et Office : Membre de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
  • Groupe d'amitié : Yemen (Président), Allemagne (Vice-Président), Israël (Vice-Président), Mali (Vice-Président), Vietnam (Vice-Président)
  • Groupe d'études : Cinéma et production audiovisuelle (Vice-Président), Sectes (Vice-Président)
  • Mission d'information : Membre de la Mission d'évaluation et de contrôle (commission des finances)

Mandats

  • Mandats et fonctions en cours à l'Assemblée nationale
    • Élections du 17/06/2007 - Mandat du 20/06/2007 (élections générales)
  • Anciens mandats et fonctions à l'Assemblée nationale
    • Élections du 12/06/1988 - Mandat du 13/06/1988 (élections générales) au 01/04/1993 (Fin de législature)
    • Élections du 28/03/1993 - Mandat du 02/04/1993 (élections générales) au 21/04/1997 (Fin de législature)
    • Élections du 01/06/1997 - Mandat du 01/06/1997 (élections générales) au 18/06/2002 (Fin de législature)
    • Élections du 16/06/2002 - Mandat du 19/06/2002 (élections générales) au 03/02/2003 (Annulation de l'élection sur décision du Conseil constitutionnel)
    • Élections du 23/03/2003 - Mandat du 24/03/2003 (élection partielle, suite à l'annulation de l'élection d'un député : M. Jean-Pierre Brard) au 19/06/2007 (Fin de législature)
  • Organismes extra-parlementaires
    • Membre titulaire de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement
  • Mandats locaux en cours
    • Membre du Conseil municipal de Montreuil, Seine-Saint-Denis (90588 habitants)
  • Anciens mandats locaux
    • Conseil municipal de Montreuil (Seine-Saint-Denis)
      • Mandat du 15/03/1984 au 19/03/1989 : Maire
      • Mandat du 20/03/1989 au 18/06/1995 : Maire
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Maire
      • Mandat du 19/03/2001 au 16/03/2008 : Maire
    • Conseil régional d'Ile-de-France
      • Mandat du 17/03/1986 au 13/06/1988 : Membre du conseil régional

Prises de positions

Sources d'informations

Positions

Merci d'enrichir cette partie en y rapportant les prises de positions de Jean-Pierre Brard concernant les sujets traités par La Quadrature du Net (consultez la page Aide:Memoire_politique pour savoir comment faire).

09/04/2009 Débats HADOPI :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour mettre la touche finale à cette usine à gaz, à cette absurdité législative dictée par les lobbies, qu'est la loi relative à la diffusion et à la création sur Internet.

Tout au long des débats, nous avons été cernés en quelque sorte par les sentinelles muettes, monsieur le rapporteur, et dédaignés par les intermittents de la séance, qui furent nombreux à droite...

Je ne parle pas de vous, mon cher collègue : vous êtes plutôt un « permittent », puisque vous êtes là ! Tout le monde ne peut pas en dire autant.

Nous voulons donc saluer tous les internautes, sentinelles particulièrement actives qui se sont adressées à nous tous. Vous avez reçu un certain nombre d'e-mails, monsieur le rapporteur, si je ne me trompe. Vous les avez lus, mais vous n'en avez malheureusement pas tenu compte : c'est dommage ! Le jeune parlementaire que vous êtes ne sait sans doute pas encore qu'il faut mieux écouter nos concitoyens.

Il pourrait être mon fils, c'est vrai mais ce n'est pas du tout dans cet esprit que je m'adresse à lui : je lui dis simplement qu'il devrait profiter de l'expérience des parlementaires plus chevronnés !

Monsieur Mothron, même dans les plaines de la Brie, dont le rapporteur est député, je vous assure que le vent apporte parfois le son de la voix, y compris de celle qui s'exprime par les urnes !

Mais revenons à notre sujet. Nous avons souligné encore et toujours l'absence de volonté gouvernementale de favoriser la création : rien dans ce texte ne concerne la rémunération des artistes, problème essentiel. Malgré nos propositions, l'histoire se répète, car vous légiférez toujours de la même manière : de même que la loi DADVSI n'a pas apporté un centime supplémentaire aux artistes et a échoué à endiguer le phénomène du téléchargement, le texte que vous allez voter – puisque son sort, au moins au moment où nous sommes, semble scellé – ne comporte aucune disposition novatrice permettant de diversifier les modes de financement de la création. Après la loi DADVSI, jugée inopportune par la plupart des professionnels, vous vous apprêtez à mettre en place une nouvelle loi d'exception qui subordonne les libertés publiques et la présomption d'innocence aux impératifs des industries du cinéma et du disque.

Je veux rappeler que nous avons été quelques-uns à ferrailler dans cet hémicycle contre les déclarations du Gouvernement. Nous nous sommes battus contre les constats de départ faussés qui ont motivé l'écriture de cette loi ; en effet, l'hypothèse du lien entre baisse des ventes et téléchargement ne repose sur aucun fondement sérieux ; mieux, des études ont montré que ceux qui téléchargent le plus sont aussi les plus grands consommateurs de biens culturels.

Nous nous sommes battus contre votre conception d'Internet, qu'il faut bien qualifier de réactionnaire et d'obsolète : les internautes qui partagent des fichiers ne sont pas des pirates, encore moins des criminels. Nous avons combattu l'arsenal répressif et inégalitaire du dispositif de la HADOPI : vous inversez la charge de la preuve, vous vous passez du juge, vous instituez une double peine, sinon pire.

Nous nous sommes élevés contre les absurdités techniques qu'impliquent la sécurisation des lignes et le dédain pour le logiciel libre : comment un simple citoyen réussirait-il là ou les professionnels ont échoué ?

Nous avons protesté contre le coût des moyens de contrôle que vous voulez instaurer – plusieurs dizaines de millions d'euros d'investissements compensés par l'État, donc par le contribuable, pour surmonter les obstacles techniques qui empêchent aujourd'hui d'appliquer votre texte sans rupture d'égalité entre citoyens devant la loi.

Enfin, nous nous sommes élevés contre les inexactitudes, les tâtonnements et les approximations qui font de ce projet de loi un texte inutile, inapplicable, coercitif à outrance et contraire au sens de l'histoire.

À l'origine, le droit d'auteur à la française, que vous prétendez défendre ici, a été conçu pour protéger les artistes contre les appétits des marchands.

Or ce texte, sous couvert de défense des droits des auteurs et des droits voisins, accorde en réalité un blanc-seing aux appétits mercantiles des intermédiaires de l'industrie culturelle, au premier rang desquels se trouvent les majors de l'industrie du disque et les gros producteurs de cinéma – dont Pascal Nègre et Marin Karmitz.

[Un ami !] Pas vraiment : nous ne nous parlons que dans les prétoires des tribunaux, mais, comme il a bien plus d'argent que moi, cela ne lui coûte pas grand-chose – par rapport à sa fortune, à peine l'épaisseur d'un trait ! Mais ce n'est pas l'objet de notre discussion.

Contrairement à ce que vous martelez pour justifier votre texte, ces industries se portent bien, mais restent arc-boutées sur des modèles économiques surannés et inadaptables, faute de volonté, aux nouveaux modes de diffusion de la culture. Vous faites donc peser sur tous les citoyens la menace d'une mort électronique par coupure de leur accès à Internet, qui peut pourtant constituer un outil de travail indispensable et un moyen d'accès à l'information, à la communication et à l'éducation – droit fondamental, je vous le rappelle, et réaffirmé à trois reprises par le Parlement européen.

Les autres pays qui se sont engagés dans cette voie ont fait machine arrière depuis. Permettez-moi de citer Brigitte Zypries, ministre allemande de la justice : « Je ne pense pas que [la riposte graduée] soit un schéma applicable à l'Allemagne ou même à l'Europe. Empêcher quelqu'un d'accéder à Internet me semble être une sanction complètement déraisonnable. Ce serait hautement problématique d'un point de vue à la fois constitutionnel et politique. Je suis sûre qu'une fois que les premières déconnexions se produiront en France, nous entendrons le tollé jusqu'à Berlin. » Selon les ministres suédoises Lena Adelsohn Liljeroth et Beatrice Ask, chargées respectivement de la culture et de la justice, « la proposition, contenue dans le rapport Renfors, d'autoriser et d'obliger les FAI à couper les abonnements à Internet des internautes dont la connexion a été utilisée de façon répétée pour violer le copyright a été fortement critiquée. Beaucoup ont noté que la coupure d'un abonnement à Internet est une sanction aux effets puissants qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l'accès à Internet est un droit impératif pour l'intégration sociale. Le gouvernement [suédois] a donc décidé de ne pas suivre cette proposition. Les lois sur le copyright ne doivent pas être utilisées pour défendre de vieux modèles commerciaux ».

Mais vous, vous persistez dans une politique qui isolera la France du reste de l'Union européenne, qui ne fera que diviser les citoyens, qui opposera les artistes à leurs publics et la jeunesse au Gouvernement. Dans un contexte de fracture entre une partie de la population et le pouvoir politique, de crise, de baisse du pouvoir d'achat et de montée du chômage, vous soutenez des majors qui n'ont fait aucun effort pour baisser leurs prix ou pour diversifier leur offre et vous punissez des citoyens qui, à bon droit, partagent de la culture. Ce partage remonte pourtant à la nuit des temps : c'est ainsi que la culture se diffuse et s'enrichit !

Vous entendez punir des citoyens pour n'avoir pas su sécuriser leur ligne. Vous discréditez une fois de plus l'autorité de la justice indépendante en lui substituant une haute autorité. Vous renforcez encore et toujours les pouvoirs du Président, qui, après s'être arrogé le droit de nommer et de révoquer les présidents des chaînes publiques, pourra nommer, par l'intermédiaire du Gouvernement, celui de la HADOPI.

Madame la ministre, s'il me fallait résumer cette loi, je dirais qu'elle se borne à sanctionner plus pour obliger à consommer plus. Pour cette raison, nous nous y opposons farouchement et nous voterons contre, une fois de plus.

Permettez-moi d'exprimer enfin un regret, madame la ministre. Il est des domaines où vous avez su nous entendre : ainsi, vous défendez le cinéma d'art et d'essai, ce qui est tout à votre honneur. J'aurais donc aimé que, s'agissant d'Internet et du téléchargement, vous soyez sensible aux capacités d'innovation des nouvelles technologies, portées par la jeunesse, et qui nous permettent d'avoir une confiance absolue en l'avenir. Il est vrai, chers collègues de la majorité, que ce n'est pas d'avenir que vous êtes porteurs, mais d'un passé dont vous êtes les vestiges !


02/04/2009 Débats HADOPI :

Nous suivons toujours la même logique et je suis sûr que même le rapporteur ne va pas me dire que l'amendement [n° 361] est déjà satisfait.

En effet, vous êtes ipso facto, dans l'esprit, opposés à cet amendement dans la mesure où notre démarche vise à protéger les libertés, en l'occurrence à permettre à la CNIL, garante ultime de la bonne tenue des fichiers, de jouer tout son rôle.

M. Tardy est gentil avec vous quand il ne vous prête aucune malice. Mais on ne peut toujours l'exclure et, pour vous protéger contre vos instincts, ou plutôt vos élans, nous proposons de réintroduire la Commission nationale de l'informatique et des libertés dans le dispositif, même si tel n'est pas votre souhait, comme nous l'avons bien compris lorsque nous avons proposé que la CNIL soit membre de l'HADOPI. Cependant, madame la ministre, nous vous offrons la possibilité de venir à résipiscence en adoptant cet amendement car il n'est jamais trop tard pour bien faire.

[...]

Cet amendement [n° 363] vise à éviter l'écueil auquel se heurtent la quasi-totalité des fichiers français traitant des données personnelles. Les récentes révélations sur la gestion du fichier STIC auraient dû vous pousser à verrouiller votre texte dans le bon sens. Comme vous ne l'avez pas fait, nous vous proposons de vous tenir la main afin que les abonnés ne pâtissent pas des futurs incidents de gestion du répertoire HADOPI.

À la lecture de cet amendement, madame la ministre, vous allez certainement nous opposer les dispositions de l'alinéa 109 qui précise que « la commission de protection des droits peut conserver les données techniques mises à sa disposition pour la durée nécessaire à l'exercice de ses compétences – ce qui ne veut pas dire grand-chose – [...] et, au plus tard, jusqu'au moment où la suspension de l'accès prévue par ces dispositions a été entièrement exécutée ».

Seulement, cet alinéa est lui-même en contradiction avec l'alinéa 113 – encore une preuve, si nécessaire, que votre texte n'est pas bien écrit et contient tant de contradictions qu'il génère une insécurité juridique inacceptable pour les parlementaires que nous sommes. L'alinéa 113 prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise la durée de conservation des données collectées – on se demande bien, d'ailleurs, pourquoi ce n'est pas l'affaire du Parlement.

Que devons-nous donc retenir ? Que les données seront conservées jusqu'à la fin de l'exécution de la sanction de suspension ou bien que le décret pourra fixer un délai différent dans la mesure où, en 2006, Nicolas Sarkozy affirmait vouloir – écoutez bien, monsieur Lefebvre, qui êtes le thuriféraire du Président de la République – « tout voir et tout savoir » ?

Nous soupçonnons que la volonté du Gouvernement soit de surveiller la Toile et les réseaux, attitude qui va à l'encontre du principe de protection des données personnelles. En outre, comment fera un internaute qui souhaiterait changer d'opérateur s'il est toujours inscrit au répertoire des personnes sanctionnées au-delà de la fin de l'exécution de sa sanction ?

C'est pour pallier ce risque que nous proposons une garantie supplémentaire pour les abonnés en introduisant une disposition visant à obliger les fournisseurs d'accès à « informer la commission de protection des droits de la fin de la suspension afin que celle-ci procède à l'effacement des données stockées ». J'espère, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que vous nous entendrez.

[...]

Depuis quinze jours, du point de vue de l'opposition qui défend les libertés, vous vous trouvez sur le chemin de Damas ! Nous n'en sommes pas encore aux Stations du Chemin de Croix, mais, à chaque fois que survient un tel événement, je tiens à souligner que nous marquons notre cheminement difficile face à vous, d'une pierre blanche. Il s'agit de petites pierres, certes, mais elles sont si rares qu'elles méritent d'être marquées.

[...]

Cet amendement [n° 245] est dans la même veine que notre amendement [n° 363] précédent. Et comme ce dernier a été accueilli favorablement par notre rapporteur, vous me voyez rempli d'espoir.

Le présent amendement se propose de supprimer une des deux dispositions contradictoires – il vous aide donc à toiletter votre texte – concernant la durée de conservation des données personnelles collectées pour alimenter le répertoire. En l'espèce, il propose de supprimer le renvoi à un décret des dispositions sur la durée de conservation.

Cela permettrait de régler le problème saillant de l'accès disproportionné aux données personnelles, le problème du respect de la vie privée, ainsi que celui de la surveillance de l'Internet, qui peut faire l'objet d'un certain parallèle avec la vidéosurveillance.

La CNIL, consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l'égard des traitements automatisés de données personnelles, a estimé dans son rapport sur le projet de loi que le traitement automatisé qu'il permettait ne respectait pas le principe de proportionnalité au regard des objectifs poursuivis. Il faut écouter la CNIL. Sinon, à quoi cela sert-il d'avoir des autorités indépendantes ?

Nous proposons donc cette précision : supprimer le renvoi au décret pour la définition des délais de conservation des données à caractère personnel, et prévoir que cette durée de conservation ne pourra excéder le terme des procédures et sanctions mises en œuvre par l'HADOPI.

[...]

Ce que nous venons d'entendre est tout à fait intéressant. D'une certaine manière, le rapporteur invente, pour les internautes qui violeront la règle, la peine de sûreté, c'est-à-dire trois ans minimum. Écoutez, pour un jeune qui a dix-huit ans, trois ans minimum, c'est presque la perpétuité ! Je trouve que la sanction est très sévère, et disproportionnée.

[...]

J'en viens à l'amendement n° 365. L'alinéa 115 prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès aux données les concernant. Or, l'accès à ces données par les personnes intéressées est déjà prévu par la loi. Nous faisons donc, de nouveau, une loi inutilement bavarde, en ajoutant davantage de confusion. De la confusion, il y en a déjà suffisamment dans votre texte ! D'une certaine manière, nous vous permettons, à travers cet amendement, même si nous sommes en désaccord fondamental avec votre projet de loi, de faire au moins un texte plus lisible, qui souffrira moins de contestation.

Quant à ce que disait M. le rapporteur, il y a une notion dans notre droit : c'est le droit à l'oubli. Nous avons tous, dans nos circonscriptions, des exemples de concitoyens qui ont fait l'objet, à un moment donné, d'une condamnation qui reste inscrite dans un fichier alors même que son terme est largement dépassé. Ils portent cette condamnation comme une croix, en en ressentant le poids, mais sans voir la croix, puisque, selon eux, ils en ont été libérés depuis longtemps.

Avec votre texte, vous créez une nouvelle possibilité de voir l'inscription de nos concitoyens dans un fichier leur porter préjudice.

[...]

Comme beaucoup des amendements de notre collègue Tardy, celui-ci [n° 135] est très fondé.

Madame la ministre, vous êtes ministre de la culture. Et comme je vous l'ai déjà dit hier, l'alternative est simple. Ou bien votre nom est destiné à rejoindre un jour ceux des grands ministres de l'agriculture, de la culture, pardon, comme André Malraux. Mais parmi les ministres de l'agriculture, il y a eu Jacques Chirac, auquel vous tenez beaucoup aussi.

Ou bien Christine Albanel restera un prénom. Comme il y a eu le fichier Edvige, il y aura le fichier Christine.

Donc, soit vous rejoignez le Panthéon, soit vous donnez son nom de baptême à un fichier. Voilà l'alternative qui s'offre devant vous. Et très franchement, madame la ministre, je préfère pour vous le premier terme de l'alternative. C'est une façon plus glorieuse d'entrer dans l'histoire. Et je vois, madame de Panafieu, que vous êtes jalouse de l'avenir que je promets à Mme Albanel.

Peut-être serez-vous un jour ministre de la culture. Et peut-être est-ce en vous regardant, madame de Panafieu, que j'ai fait le lapsus tout à l'heure. Je devais penser à la campagne « Suivez le bœuf », rappelez-vous.

[...]

Avec ma collègue Martine Billard, nous avons bataillé pied à pied tout au long de l'examen de cet article 2.

Je me mets à la place de Mme Albanel un instant. C'est un peu comme dans le Tour de France : heureusement que M. Karoutchi est arrivé, car M. Karoutchi est à Mme Albanel ce que la caravane du ravitaillement est aux coureurs du Tour dans le col de l'Iseran !

Vous imaginez la peine du coureur qui depuis tant de temps fait des efforts et qui aspire à la descente.

[Je suis là pour la soutenir] Je le sais fort bien, vous y êtes d'ailleurs obligé.

Il y a entre nous une différence fondamentale, mesdames et messieurs de la majorité, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État. Pour nous, Internet doit être un espace de liberté, et non un espace fermé.

Le laisser-faire, c'est pour les banquiers avec les normes comptables qui ont été modifiées !

C'est avec votre laisser-faire que nous sommes dans la crise aujourd'hui. Tout est dans tout et réciproquement, dit le philosophe.

J'ai sous les yeux le texte d'un internaute.

C'est à nous qu'ils écrivent, parce qu'ils savent que vous ne savez pas lire leurs messages !

Quelle est la teneur de ce message ? « En 2006-2007, le Gouvernement – et vous assurez la continuité, madame Albanel – s'était engagé à évaluer l'efficacité de la loi DADVSI. Nous sommes en 2009, la HADOPI fait suite à la loi DADVSI et elle est en discussion à l'Assemblée : toujours pas d'évaluation. Il y a certainement une bonne raison à cela. Pourtant, cette évaluation ne prendrait pas beaucoup de temps. Faisons-la ensemble, ajoute l'internaute. Nombre de décisions prises par l'autorité chargée de la régulation des mesures de protection technique : zéro. Nombre d'internautes condamnés pour contournement de mesures de protection technique : zéro. Et pourtant, les coupables s'étaient dénoncés. Impact sur le piratage de musique et de films par les internautes : aucun. Impact sur les revenus des artistes : aucun. Si le Gouvernement évaluait l'efficacité de la loi DADVSI, il serait forcé de reconnaître qu'elle n'a servi à rien et serait dans une situation encore plus délicate pour défendre la HADOPI qui n'avait pas d'utilité. En réalité, vous concevez l'espace Internet comme un espace qui doit être réglementé. »

Qu'on réprime la criminalité sur Internet comme ailleurs, il faut évidemment le faire ! Mais nous n'en sommes pas là. Je vous rappelle, monsieur Lefebvre, les propos des jeunes pop – comme vous les appelez – d'Asnières. Ils sont solidaires avec vous. Ils ne sont pas émus par les privilèges, par les nominations autoritaires du Président de la République en faveur de François Pérol, par exemple.

En revanche, en dépit de nos différences, nous avons des choses en commun : l'amour de la liberté que vous sacrifiez. Les jeunes pop d'Asnières ont eu des jugements sévères à votre égard.

D'un côté, la liberté, de l'autre, le business.

Comment peut-on imaginer la culture sans la liberté ?

La question du financement de la création se pose évidemment. Vous avez les moyens de le régler en faisant contribuer les majors.

Avec cette loi, vous créez un espace d'enfermement des internautes avec à l'entrée une porte blindée avec quelques œilletons que sont les amendements que nous avons réussi à faire adopter. Mais ce que l'on verra d'abord, ce ne sont pas les œilletons, qui sont encourageants dans un futur rapport de forces, c'est la porte blindée que vous avez installée pour cadenasser les internautes.

[...]

J'observe que vous poussez un soupir de soulagement, madame la ministre, après le vote de l'article 2 ! Pour autant, vous n'êtes pas au bout de vos peines ! Il y a quelquefois des faux plats !

Le déroulement de nos débats a montré les insuffisances, les approximations, voire les absurdités de votre loi.

Nous proposons que tout ce qui concerne la riposte graduée, des moyens de saisine par les ayants droit jusqu'aux modalités de sanction, fasse l'objet d'une évaluation dans un délai de deux ans, à l'issue d'une période d'expérimentation. Vous ne faites ni évaluation, ni étude d'impact pour anticiper une loi. Je vous rappelle que, dans quelques mois, vous ne pourrez plus présenter un projet de loi sans une étude d'impact préalable. Le Conseil d'État n'examinera pas vos projets de loi s'ils n'ont pas fait l'objet d'une étude d'impact. Vous vous affranchissez du texte constitutionnel qui a été voté parce que la date fatidique n'est pas encore arrivée. Cette loi part du postulat que deux phénomènes différents – baisse de la croissance de l'industrie du film et du disque et téléchargement – sont liés. Pour la suite, il faudra produire des rapports plus rigoureux afin de déterminer ce qu'il en est.

En ce qui concerne les différentes étapes de la riposte graduée, il faudra pouvoir en prouver la pertinence et s'assurer que ce ne sont pas en majorité des innocents qui seront sanctionnés si cette sanction est réellement mise en place. Quelles seront les modalités pratiques de la transaction ? Cette loi porte en elle des dangers que nous n'avons cessé de souligner, particulièrement en ce qui concerne le fichier qui nécessite un suivi vigilant et régulier. Que coûtera effectivement cette véritable usine à gaz – en termes financiers et d'effectifs – qui ne manquera pas de faire s'accumuler les contentieux, les recours en justice et les mécontentements.

Il convient également de mesurer l'impact de cette loi sur la rémunération des artistes et la diversification de l'offre légale puisque la HADOPI se donne également pour mission de promouvoir et d'encourager cette offre.

Enfin, et c'est la raison la plus évidente, Internet appartient à un domaine technologique extrêmement mouvant, dynamique, qui évolue très rapidement et qui offre des possibilités exceptionnelles que votre loi ne met pas du tout en valeur. Une évaluation a posteriori est donc nécessaire comme on peut le faire pour les lois de bioéthique selon les rapides progrès de la science afin de rester en phase avec cette réalité sociale incontournable qu'est l'espace Internet et d'arrêter de produire des lois bâclées, orientées, a priori obsolètes et certainement liberticides.

[...]

[Retirez-vous votre amendement n° 411, monsieur Brard ?] Non, monsieur le président.

[...]

Des collègues de l'UMP comme M. Tardy et Mme de la Raudière, ou M. Dionis du Séjour pour le Nouveau Centre, se sont battus, un peu comme la chèvre de Monsieur Seguin, qui, le jour se levant, ...

Le loup, c'est vous, monsieur Gosselin !

Ou, pire, M. Lefebvre, qui est assis devant vous et qui est votre chef d'orchestre !

Mme la ministre et M. le rapporteur ne manquent pas d'audace lorsqu'ils nous disent que l'évaluation aurait lieu dans six mois. Or, selon certains, la mise en place des outils techniques permettant d'appliquer votre loi demandera dix-huit mois.

Expliquez-moi comment il sera possible, dans six mois, de procéder à l'évaluation d'un dispositif qui ne marchera pas car les outils techniques ne seront pas encore en place ? Je suis pour ma part cartésien, mais peut-être cela sera-t-il possible grâce à la fameuse « échelle de Riester » évoquée par Christian Paul, une échelle qui marche à l'envers ! Ce qui est sûr, c'est que, même en Seine-et-Marne, la machine à remonter le temps n'existe pas !

Mon amendement [n° 411] prévoyant une évaluation dans un délai de deux ans est infiniment meilleur que les six mois évoqués par M. Riester. Mme la ministre a, certainement par inadvertance, soutenu M. le rapporteur alors que ses arguments ne tiennent pas la route.


01/04/2009 Débats HADOPI :

Monsieur le président, il y a des circonstances où majorité et opposition peuvent se retrouver : le président de la commission des lois fait œuvre de patriotisme face à ceux qui, comme le disait Anatole France, ne peuvent pas emporter les usines à la semelle de leurs chaussures.

Cet amendement [n° 211] devrait du reste inspirer d'autres mesures patriotiques, comme celle d'interdire aux footballeurs qui sont domiciliés à Monaco de jouer en équipe nationale.

J'approuve totalement la proposition du président Warsmann, parce qu'il s'agit, enfin, d'une mesure de justice, peut-être la première depuis trois jours !

[...]

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, la procédure ne prévoit déjà pas le contradictoire, ce qui est exorbitant du droit commun !

Votre texte, globalement, ne vaut déjà pas un clou !

Sept jours francs, c'est un faux nez, ce n'est pas un droit. C'est un alibi, que vous consentez. En effet, il suffit que la personne se soit absentée pour un déplacement familial ou pour une hospitalisation pour qu'elle ne puisse plus former de recours. En réalité, vous ne lui reconnaissez pas ce droit ! C'est la raison pour laquelle j'ai rédigé à toute vitesse un sous-amendement. Or, monsieur le président, en même temps que je vous le passais, je me suis rendu compte de sa limite puisqu'il ne propose que trente jours, ce qui ne fait pas beaucoup !

Je vous rappelle que j'ai fait adopter, en matière de fraude à la Carte bleue, un délai de soixante-douze jours, car il correspond à deux relevés bancaires mensuels. Le délai de sept jours n'est pas acceptable et celui de trente jours est sans doute trop court.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, si nous pouvions nous mettre d'accord sur un délai raisonnable, nous reconnaîtrions aux victimes de votre démarche un vrai droit, dont vous voulez aujourd'hui les priver.

[...]

Madame la ministre, tout cela sent l'impréparation, l'improvisation. Et j'imagine que les gens qui nous regardent doivent être assez impressionnés, mais pas dans le bon sens.

Le rapporteur nous dit que la durée du délai est une question technique. Mais il ne s'agit pas seulement d'un temps de recours. Un droit que l'on n'a pas le temps de mettre en œuvre, ce n'est pas un droit, c'est une illusion. Cela va donc bien au-delà de la technique.

Tout à l'heure, le président Warsmann, en aparté, proposait que l'on ajoute au délai le délai de recours au juge, pour qu'il soit également suspensif. Cela permettrait peut-être de trouver une solution de compromis, qui serait protectrice des droits de la personne.

Et l'on ne peut pas confondre, monsieur Nicolin, un contrat commercial qui a été signé entre un client et un fournisseur de services, d'une part, et la loi, d'autre part. En faisant la loi, nous édictons des règles et nous formulons des droits, qui doivent être protecteurs du citoyen.

Et quand je vous vois vous acharner sur les fraudeurs, je voudrais bien que vous vous acharniez sur les gros, par exemple M. Forgeard, l'ancien patron d'EADS, ou Johnny Hallyday, qui pratique l'évasion fiscale.

Vous voulez que je continue la liste ? Il suffit de prendre la revue Capital, ou Challenge, et vous en avez des centaines, servis sur un plateau. Et alors là, compte tenu de l'état des finances publiques, je peux vous dire que ça vaut le coup, parce que ceux-là, pour frauder, ils s'y connaissent, et ils fraudent beaucoup.

Tandis que vous, vous vous acharnez sur les petits poissons. C'est peut-être parce que ce sont des poissons rouges qu'ils ne vous plaisent pas.

Ici, ce sont plutôt des poissons roses et rouges. Les poissons verts, c'est plus exotique, madame Billard.

Monsieur Nicolin, il faut savoir raison garder. Si vous ouvrez la boîte de Pandore sur les fraudeurs, vous ouvrez une mauvaise boîte, parce que vous vous acharnez sur les petites gens. L'internaute qui télécharge, ce n'est pas un grand voyou. Il ne respecte pas la loi à un moment donné, mais vous reconnaîtrez avec moi que, pour prendre une référence religieuse, c'est un péché véniel et non pas un péché mortel.

Il faut que nous trouvions un compromis, et M. Warsmann y était prêt. Quant à vous, monsieur Riester, il ne faut pas vous emballer. Vous avez pour vous l'excuse de la jeunesse, y compris dans cet hémicycle. L'erreur est pardonnable, et nous sommes prêts à vous donner l'absolution, à condition que vous ne persévériez point dans le péché.

[...]

Toujours pour faire écho à nos échanges, je vais vous raconter une histoire qui va beaucoup vous intéresser sur la fraude. Le Gouvernement vient de remettre 3 milliards d'euros à Renault. Simultanément, savez-vous ce que fait M. Carlos Ghosn, qui est un grand éviteur d'impôt ? Il organise deux sociétés, deux coquilles vides, pour frauder. D'un côté il reçoit de l'argent, de l'autre il fraude, pour récupérer – vous êtes bien assis ? – 25 millions d'euros au titre du crédit d'impôt recherche, à la suite d'une manipulation complètement frauduleuse. Mais, monsieur Nicolin, vous qui cherchez à écraser le petit fraudeur qui est, par rapport à Carlos Ghosn, un moustique comparé à un éléphant, cela ne vous empêche pas de dormir !

Vous défendez les voleurs. Moi, je défends les pauvres gens. C'est cela, la différence !

Vous, vous défendez les victimes ? Les victimes du grand capital, elles sont de ce côté-ci. Vous, vous êtes du côté des fondés de pouvoir.

Mais j'en viens à l'amendement n° 390. M. Riester, à l'appui du refus d'un amendement similaire, a indiqué que le caractère suspensif du recours dépendrait de la décision du juge saisi. D'habitude, ce n'est pas ainsi que cela se décide. Ou c'est suspensif, ou ce ne l'est pas. Ce ne peut pas être laissé à l'arbitraire d'une décision aléatoire. La demande que nous réitérons ici n'aurait donc pas lieu d'être.

Premier écueil : les éléments de preuve. Le tribunal de Guingamp – auquel il a été maintes fois fait référence dans notre hémicycle – a très récemment jugé que l'adresse IP ne pouvait pas être considérée comme une preuve matérielle suffisante, pour des raisons évidentes qui ont déjà été développées. Le juge n'aura donc pas d'élément matériel tangible pour décider de la matérialité du manquement. Je ne reprendrai pas l'excellent argumentaire de Mme Marylise Lebranchu, auquel je souscris. Nous n'irons pas plus loin dans les discussions avec le président de la commission.

Mais, au-delà de la création d'un nouveau référé, l'imprécision de votre texte à cet égard soulève un problème de taille. L'internaute incriminé se trouvera sous le coup d'une décision de sanction administrative, donc exécutoire, contre laquelle il pourra former un recours, qui sera nécessairement non suspensif, devant l'autorité judiciaire.

Il y a d'autres lacunes dans votre texte. Vous ne dites nulle part comment la décision dont l'internaute est l'objet – ou plutôt la victime – sera notifiée. Si, dans le texte, vous ne réglez pas cette question, vous ouvrez une zone d'incertitude juridique. L'internaute, indûment sanctionné, exécutera, subira la sanction et ne se verra rétablir dans son bon droit qu'à l'issue d'une procédure judiciaire normale, c'est-à-dire après plusieurs mois, voire plusieurs années, car il y aura toujours le même problème de matérialité des faits reprochés.

Vos réponses avalisent, en fait, le caractère particulièrement répressif et non pas pédagogique de votre texte. C'est pourquoi nous réitérons notre proposition d'inscrire noir sur blanc que le recours de la décision est suspensif.

Monsieur Warsmann, si j'ai bien compris ce que nous disions pendant la suspension de séance incline plutôt pour cette solution.

Pour ceux qui ne seraient pas convaincus, je rappelle que j'ai travaillé avec d'autres collègues sur la fraude et que nous avons découvert des erreurs terribles sur le plan fiscal.

Monsieur le président, il s'agit des libertés : cela vaut la peine de prendre cinq minutes.

Il y a eu des erreurs terribles d'homonymie. Le bien d'une personne avait été saisi, vendu par l'État. L'erreur a été reconnue trois ans après. Où peut se trouver la réparation lorsqu'une telle erreur est commise ?

Il faut donc que le texte soit le plus protecteur possible. Et dans la mesure où le président de la commission des lois – il est assez grand pour s'exprimer seul – semblait favorable à l'ajout de cette disposition, nous pourrions trouver un compromis utile.

[...]

Cet amendement [n° 434] est assez proche de celui [n°127 ] de M. Tardy.

Je tiens pour ma part à insister sur le caractère bloqué de la discussion. Décidément, l'UMP, son gouvernement et son rapporteur sont droits dans leurs bottes ! Ce n'est, hélas, pas la première fois dès lors qu'il s'agit de défendre ce qui est capital, si je puis dire, au sens de La Fontaine : « intérêt et capital ». On voit bien que vous êtes tous là sur instruction, comme des sentinelles. Même M. Mallié, qui ne travaille que le dimanche est présent !

Chers collègues de la majorité, vous n'avez pas bougé sur le bouclier fiscal pas plus que sur la nomination des présidents de l'audiovisuel, et encore moins sur le règlement de l'Assemblée nationale. Chaque fois, vous êtes là sur instruction.

Vous ajustez le bâillon de ceux qui sont là pour représenter nos concitoyens. M. Tardy a dit des choses fort justes, notamment que vous refusiez de tenir compte de l'avis de l'Union européenne. Nous ne sommes pas des fanatiques des avis de l'Union européenne mais lorsque ces avis sont, pour une fois, favorables aux libertés, il faut sans réticence les relayer.

Il fut des périodes, monsieur Jacob, où, fort heureusement, gaullistes et communistes ont eu des connivences : quand il s'est agi de défendre la liberté du pays contre l'occupant nazi ! Permettez-moi de le rappeler en passant.

Non, il y a eu aussi les ouvriers de la vingt-cinquième heure. Je ne parle pas de vous, cher collègue, car comme moi, vous étiez trop jeune !

Notre amendement [n° 434] s'appuie sur le principe juridique Non bis in idem selon lequel nul ne peut être poursuivi ni puni administrativement et pénalement à raison des mêmes faits. Nous nous opposons à la possibilité pour les ayants droit de poursuivre pénalement les personnes ayant manqué à l'obligation inscrite à l'article L. 336-3. Certes, madame la ministre, vous me rétorquerez que l'obligation inscrite à cet article diffère de l'incrimination à raison d'un acte de contrefaçon. C'est là votre subterfuge. Je sais que vous n'aimez pas ce mot mais, si vous le contestez, j'irai à nouveau chercher le Littré à la bibliothèque et je vous démontrerai à quel point son usage est en l'occurrence pertinent.

C'est donc là le subterfuge le plus malin, mais aussi le plus pernicieux, voire le plus pervers, de votre texte. Je n'en disconviens pas, il fallait bien en passer par là pour mettre en place ce que vous appelez la riposte graduée. Au fond, il s'agit bien des mêmes faits et c'est la raison de notre amendement qui vise à vous faire sortir de votre acharnement – qui tourne à l'obsession – dans la répression.

[...]

Pas du tout. Et n'espérez pas nous avoir à l'usure, nous sommes increvables ! Nous sommes là pour défendre les gens que vous voulez museler, et nous tiendrons le temps qu'il faudra.

Voire au-delà.

Madame la ministre, la procédure de transaction transforme l'HADOPI en une sorte de procureur spécial. La Haute autorité dispose déjà de pouvoirs habituellement dévolus à la seule autorité judiciaire, notamment l'accès aux données de connexion des fournisseurs d'accès et la restriction des libertés publiques que représente la suspension de l'accès à Internet. Je rappelle pour la énième fois – non pas tant pour nos collègues de l'UMP, qui font exprès de débrancher leur sonotone, que pour les gens qui assistent à nos débats – que cela fait partie de la dérive autoritaire, voulue, organisée...

Bien sûr qu'elle est liberticide, comme l'idole devant laquelle vous vous prosternez : sa majesté impériale ! Ce texte fait partie de la dérive autoritaire du régime actuel, qui voudrait museler toutes les libertés.

Pour cela, vous mettez en place une véritable juridiction pénale d'exception. La transaction proposée est présentée de manière unilatérale. Il n'est même pas fait mention dans le texte des conditions de la négociation. De plus, celle-ci ne diffère en rien de la sanction initiale, à part la réduction de la suspension d'un an à trois mois. Quel avantage l'abonné trouvera-t-il à se plier à cette transaction, et sur quelle base la Haute autorité pourra-t-elle la proposer ou non ? Si l'on peut se demander si la transaction sera proposée lorsque le téléchargement concernera un obscur artiste débutant et dont les ayants droit n'ont pas pignon sur rue, il y a fort à parier que la coupure sera immédiate si le téléchargement en cause fait intervenir des ayants droit suffisamment puissants. Même si nous voulons croire à l'impartialité des membres de la commission, il serait plus juste que les critères soient définis clairement ou, à défaut, que cette disposition soit supprimée.

Que vous le vouliez le dissimuler, on peut le comprendre, mais il est tout de même évident qu'il y a là une sorte de privatisation de la justice. On m'a appris qu'il fallait faire confiance à la justice de mon pays. Ce n'est manifestement pas votre cas, puisque vous soustrayez progressivement des secteurs importants de l'activité sociale à la justice, pour confier le rendu de décisions à des structures au service d'intérêts privés, ceux des majors.

[...]

Je me demande si la séparation des pouvoirs est encore assurée quand je vois Mme la ministre répéter de plus en plus fidèlement ce que dit le rapporteur alors que le Gouvernement n'a pas, en principe, à s'aligner sur l'avis du Parlement.

Certes, du moment que Mme la ministre et M. le rapporteur n'ont pas le même conseiller souffleur !

Par ailleurs, vous savez, madame la ministre, qu'il y eut au Moyen Âge une querelle théologique sur le point de savoir s'il était possible de peser les âmes. La transaction dont il est question n'est en fait rien d'autre qu'un arrangement, un deal, comme on dit parfois dans les cités. Ce ne sont pas des critères objectifs qui vont entraîner la décision finale, mais une discussion dont on ne connaît ni le contexte, ni l'environnement. Cette transaction sera marquée par l'arbitraire, puisque vous vous défiez des juges et préférez vous en remettre à une structure qui n'est là que pour servir la soupe à ceux qui exploitent les créateurs, les artistes pour lesquels il existe un véritable problème de rémunération, que vous ne voulez pas régler en faisant contribuer ceux qui profitent de leur travail.

[...]

Monsieur le président, nos travaux se sont déroulés dans la plus grande confusion du fait de la médiocre qualité du texte gouvernemental, mais en même temps dans la sérénité. Vous y avez d'ailleurs certainement contribué. J'ai cependant le sentiment que vous changez de ligne. Il est légitime que nous puissions nous réunir lorsque nous avons besoin de nous concerter.

Sont présents en séance trois rapporteurs, le président de la commission des lois et la ministre. Mais ils restent cois bien qu'il s'agisse d'une disposition importante. Certes, lorsqu'on n'a rien à dire, il vaut mieux se taire que dire des sottises.

Il n'est pas acceptable que ni les rapporteurs ni la ministre ne répondent plus. C'est comme si l'électro-encéphalogramme était plat.

Certes, nos interventions répétées vous ont repoussés dans les cordes et vous ne savez plus comment vous défendre. Vous ne savez plus quels arguments nous opposer parce que nous avons arraché le masque. Vous croyez au dialogue républicain ou vous n'y croyez pas. En tout cas, monsieur le rapporteur de la commission des lois, si vous avez fait une belle expérience avec ce texte, on a le sentiment que vous avez maintenant perdu le don de la parole.

Ou bien les rapporteurs et la ministre nous répondent, ou bien, monsieur le président, il vaut mieux aller se coucher. Et s'ils ne nous répondent pas et que la séance n'est pas levée, nous allons multiplier les demandes de suspension.


01/04/2009 Débats HADOPI :

Ces rappels au règlement sont utiles, au moment où nous reprenons l'examen du texte car, en situant le débat, ils permettent que nos travaux se déroulent paisiblement par la suite.

Nous avons beaucoup parlé de pédagogie, car nous avons à cœur d'expliquer avec méthode les enjeux du texte aux personnes qui nous écoutent. Le rapporteur aussi, parle de pédagogie ; mais la sienne, c'est celle du knout, qui était en vigueur avant l'Émile de Rousseau ! Nous allons donc continuer d'expliquer et de démontrer que vous voulez bâillonner les libertés de tous ces jeunes qui ont recours à Internet et auxquels vous voulez infliger des punitions.

Toutefois, un élément nouveau nous laisse espérer que la position du Gouvernement peut évoluer. En effet, il semble enfin que l'on revienne à la norme – même si c'est dans un domaine différent de celui qui nous occupe –, puisque nous avons appris que M. Pérol faisait l'objet d'une enquête préliminaire, après sa nomination arbitraire par le Président de la République.

J'espère que cette mesure sera étendue à M. Milhaud et à M. Forgeard, notamment. Mais nous verrons ! Ce n'est pas le sujet...

Madame la ministre, en tant que membre du Gouvernement, vous connaissez certainement les intentions du Premier ministre. Aussi, pourriez-vous nous indiquer si vous entendez renoncer à votre dispositif coercitif et à son espèce de juridiction d'exception, pour revenir à des pratiques plus républicaines, plus respectueuses de notre droit, et laisser la justice faire son œuvre ? En bref, allez-vous renoncer à l'article 2 du projet de loi ? Cela nous permettrait d'avancer beaucoup plus vite vers la conclusion de notre discussion, puisque l'essentiel de nos amendements n'aurait plus d'objet.

[...]

Notre discussion est très intéressante, car elle permet de faire comprendre à ceux qui nous regardent la réalité des intentions gouvernementales.

Tout à l'heure, monsieur Riester, vous nous avez accusés de nous répéter. Mais mieux vaut se répéter que se contredire.

Du reste, vous-même marchez comme ces 78 tours rayés : vous répétez toujours la même chose, avec de plus en plus de grésillement, si bien que votre propos est de moins en moins intelligible.

Madame la ministre, tout à l'heure Mme Billard, en citant Frédéric Aidouni, le concepteur du logiciel de la gendarmerie, a démontré à quel point nous étions dans l'irréel, car vous voulez réglementer ce qui n'est pas véritablement réglementable.

En réalité, vous refusez d'écouter la voix de la jeunesse qui vient des profondeurs du pays, cette jeunesse qui prépare l'avenir. Vous êtes enfermée dans votre conservatisme, au sens étymologique du terme.

Vous êtes réactionnaire, comme on le disait sous le second Empire – puisque maintenant nous sommes sous le troisième.

Nous sommes en train de sombrer dans l'absurde. Jusqu'à présent, l'absurde c'était plutôt Kafka, l'empire austro-hongrois en train de mourir.

Vous dites que nous sommes des pionniers. Peut-être êtes-vous une pionnière dans l'esprit du sapeur Camember ! Au cours de l'histoire, nous avons souvent été des pionniers : avec la déclaration des droits de l'Homme, avec le 20 septembre 1792, avec les lois sur l'école de 1881, 1882 et 1883, avec le droit de vote des femmes même s'il est intervenu un peu tardivement, avec l'abolition de la peine de mort. Madame la ministre, si vous voulez rejoindre au Panthéon de la culture, quand le moment sera venu, André Malraux, Michel Guy ou Jacques Duhamel, renoncez à votre projet liberticide !

D'une certaine manière, vous êtes une pionnière puisque vous inventez une nouvelle sorte de muselière pour une technologie nouvelle. Comme l'a dit Martine Billard, parce qu'investi par le Président de la République, M. Lefebvre veut commander aux technologies. Mais cela ne peut pas marcher ! Décidément, il ressemble de plus en plus à son homonyme et il faut le qualifier de lefebvriste. Il est comme l'évêque du même nom : un intégriste !

Que signifie le monde de la création pour le Président de la République ? Doc Gynéco, M. Karmitz ou un salmigondis de tout cela ?

Je demande aux internautes d'envoyer des mails à M. Lefebvre – L-E-F-E-B-V-R-E –, pour lui dessiller les yeux, le mettre enfin en contact avec la vie réelle et l'aider à renoncer à être seulement le porte-parole des privilégiés.

Monsieur Lefebvre, tout à l'heure, quelqu'un a dit que vous étiez ici une sorte d'intermittent.

En réalité, vous venez pointer vos collègues, comme les surveillants d'internat.

Avec cet amendement [n° 393], nous voulons respecter le principe du contradictoire qui doit s'appliquer à tous les moments de la procédure.

Si la matérialité des faits n'est pas prouvée, si aucune preuve tangible ne démontre que l'abonné a téléchargé ou mis à disposition des œuvres protégées par un droit d'auteur, si l'abonné n'a pas les éléments pour se défendre, alors ce que vous appelez une procédure contradictoire n'est qu'une mesure d'affichage.

[...]

Madame la ministre vient de tenir des propos aussi importants qu'inexacts : elle a dit des magistrats de l'HADOPI qu'ils étaient des juges – ce qui n'est pas le cas !

Leur rôle n'est pas de juger ; c'est la justice qui juge. Quand on se trouve à ce point dans la confusion, je me demande comment on peut rédiger une loi clairement.

Je rappelle qu'il y a une tierce partie à nos débats : les internautes, qui nous regardent et nous envoient des courriels. Je prendrai l'exemple de celui que j'ai reçu de Mme Isabel Saij et de M. Jean-Pierre Dubois qui écrivent : « Pouvez-vous dire [à Mme Albanel] de cesser d'affirmer ce qui est totalement faux ? Les artistes ne se composent pas que de chanteurs ou musiciens. Il y a d'autres pratiques artistiques (arts plastiques, littérature, [...].) Dans TOUS les domaines artistiques, les artistes qui publient sous licence libre sont opposés à la loi idiote et inapplicable proposée [...]. Cette dernière parle de création "libre de droit". Cette affirmation est également fausse. Les licences libres, comme la licence art libre, se basent sur le droit d'auteur. Elles ne sont aucunement "libres de droit". Enfin, l'affirmation [de Mme Albanel] sur les "créations libres" faciles à télécharger quand, dans le même temps, il est question de labellisation, prête pour le moins à caution. »

Je souhaitais apporter cet avis au débat et terminerai en citant M. Xavier Niel, actionnaire majoritaire de Free, : « Nous avons d'abord envie de nous battre contre la loi HADOPI qui crée une haute autorité de lutte contre le piratage sur Internet, un organisme destiné à donner des coups de bâton sur les doigts des Français. »

Madame Militello, où vous croyez-vous ? Nous ne sommes pas au Soviet suprême, ici !

Nous sommes à l'Assemblée nationale et nous avons le droit de nous exprimer librement ! De quel droit voulez-vous me bâillonner ? Nous avons tous la même légitimité et la mienne est même double car, en plus d'être présent ici, je suis fidèle à l'intérêt de ceux qui m'ont élu et je ne suis pas là, madame Militello, pour défendre les intérêts des majors !

[...]

Certains collègues de l'UMP embrument le débat. Tout à l'heure, M. Gosselin, avec des trémolos dans la voix, voulait nous faire croire que la chute des ventes était liée au téléchargement.

C'est comme si vous disiez, monsieur Gosselin, que si la tempête souffle au moment où vous êtes frappé d'un infarctus, c'est la tempête qui l'a provoqué.

Vous pratiquez le sophisme pour tromper les gens qui nous regardent. C'est si vrai que Xavier Niel, que je citais tout à l'heure et qui est au premier rang des gens concernés, puisqu'il est fournisseur d'accès, déclare ceci, en parlant du téléchargement : « Économiquement, cela n'a aucun impact sur nous, mais certaines de ses dispositions nous paraissent liberticides. Car ce qui se dessine, en dépit de l'opposition de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, du Conseil d'État et du Parlement européen, c'est bel et bien le flicage systématique de nos abonnés. »

Avec cet amendement, de quoi s'agit-il ? Tout d'abord, la sanction de réduction du débit ou celle de suspension de l'accès est déjà doublée du paiement de l'abonnement alors que la connexion est coupée ou ralentie. Double peine, déjà. Mais en outre, c'est comme au casino : les frais de résiliation sont également au frais de l'internaute. Triple peine !

Tout cela ne saurait s'accompagner d'autres sanctions, comme l'injonction à prendre des mesures de sécurisation ou la publication dans les journaux, aux frais de l'internaute, ce qui serait une quadruple peine.

De plus, le texte précise que « la ou les » sanctions peuvent être prononcées. Mais comment sera fait l'arbitrage entre les sanctions ? À la tête de l'internaute ? Au contenu téléchargé ? Si ce sont des artistes connus, y aura-t-il coupure ? Si ce sont des artistes en devenir et encore inconnus, y aura-t-il simple limitation de l'accès? Si ce sont des produits culturels diffusés par les majors, ce sera la coupure plus la publication dans les journaux ? C'est le règne de l'arbitraire.

Le vide juridique laisse donc la place à cet arbitraire que nous ne voulons pas, alors que vous avez refusé, et ceci est significatif, qu'un membre de la CNIL entre dans le collège de l'HADOPI, et alors que le président de la commission sera nommé quasiment à l'instar des présidents des chaînes de l'audiovisuel public, renforçant ainsi la mainmise du pouvoir présidentiel sur la société française.

[...]

On aura tout entendu dans cet hémicycle ! Le rapporteur, Franck Riester, n'a-t-il pas prétendu que la coupure d'Internet ne serait pas grave et qu'il suffirait d'aller à la mairie ou chez son voisin ? M. Riester est maire de Coulommiers et député d'une partie de la Brie. Au cas, où vous ne le sauriez pas, chers collègues, la Brie est une région exposée au vent, sans végétation, avec des maisons isolées lorsque vous vous dirigez en direction de Meaux, la circonscription de M. Copé, l'aiglon de Meaux ! Je vous laisse imaginer la scène : une coupure d'Internet un soir du mois du décembre et il faut sortir dans le froid et le vent pour aller chez son voisin ou à la mairie !

Mais peut-être s'agissait-il d'une annonce destinée aux seuls habitants de Coulommiers ? M. Riester a peut-être voulu annoncer que la mairie de Coulommiers resterait ouverte aux internautes n'ayant plus de liaison Internet. J'en doute fort !

Il a été tout à l'heure question d'un rapport d'un député grec dont M. Riester a, fort loyalement, lu un extrait : « L'accès à Internet doit être garanti ». Il y a là une différence de fond entre nous. Pour notre part, nous considérons que la liberté de communication est une liberté fondamentale et nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi. Je vous invite, chers collègues de la majorité, à consulter le site des « jeunes pop » d'Asnières, autrement dit les jeunes de l'UMP, car on y lit des choses extraordinaires. Écoutez, madame la ministre – ce sont les vôtres qui parlent ! – ce qu'ils pensent de votre projet de loi : « C'est un projet de loi archaïque ». Ils ont de l'humour ! « Ce projet revient à construire un gratte-ciel pour récupérer un chat apeuré perché dans un arbre. » Ou encore : « L'autisme a atteint nos ministres et députés, espérons que l'Europe les envoie se faire soigner ! »

Je poursuis les citations : « Remerciez l'UMP et la femme du Président, si on perd les prochaines élections, ce genre de broutilles anti-démocratiques peut coûter très cher. » Un autre « jeune pop » déclare quant à lui : « Je serai pour cette loi le jour où elle respectera les procédures pénales, la présomption d'innocence et non de culpabilité. »

Je terminerai en citant une autorité, un sage depuis longtemps. Ancien gaulliste, puis UDR – les jeunes comme Franck Riester n'ont pas connu l'UDR ! –, encarté pendant des années il déclare : « Je ne peux cautionner une loi aussi liberticide et arriérée. Même à mon âge, on ne peut admettre qu'une milice privée fasse la chasse aux internautes sans possibilité de se justifier devant un juge. »

En dépit de la grande urbanité de notre collègue Martin-Lalande, il y a une divergence entre nous dans la mesure où il est, lui aussi, obsédé par la punition. Nous, nous sommes obsédés par la protection des libertés.

Selon M. Martin-Lalande, la punition ne pourrait s'appliquer à certains, dans un intervalle de dix-huit mois, parce que le dispositif technique ne sera pas efficient.

Monsieur Martin-Lalande, chers collègues de l'UMP, écoutez vos jeunes de l'UMP ! Donnons dix-huit mois de sursis aux internautes afin qu'ils ne soient pas sanctionnés tout de suite et au Gouvernement afin qu'il sorte de son aveuglement et de son erreur.

Si d'aventure, on votait l'amendement [n° 470] de M. Martin-Lalande, les jeunes seraient punis tout de suite. Je vous invite à faire preuve de mansuétude à l'égard du Gouvernement. Donnez-lui la possibilité de revenir sur son erreur et ne votez pas l'amendement de M. Martin-Lalande !

[...]

Il est dommage que l'amendement [n° 471] précédent soit tombé. C'était un amendement de repli, mais qui ne touchait pas au fond de la loi, qui nous déplaît.

Un internaute, étudiant en IUT d'informatique, nous a envoyé un très long mail ; il nous dit que le téléchargement illégal ne se limite pas au peer-to-peer : nous allons voir arriver en masse des forums donnant des liens vers un serveur sur lequel un mot de passe permettra de télécharger des fichiers. Comment, demande cet internaute, la HADOPI détectera-t-elle ce type de téléchargement sans espionner les connexions, c'est-à-dire sans violer de façon éhontée la vie d'autrui ?

Les propositions des amendements précédents amélioraient la proposition gouvernementale. Or Mme la ministre propose, vous l'avez entendu, une sorte d'amende au quotient familial.

C'est quelque chose que l'on n'a encore jamais vu, mais il faudra soumettre cette proposition à Mme Alliot-Marie, pour les radars.

Notre amendement n° 389 renvoie quant à lui à l'alinéa 68 de cet article 2 : « Les mesures prises par la commission de protection des droits sont limitées à ce qui est nécessaire pour mettre un terme au manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3. »

Il est simpliste de penser que suspendre la ligne ne servirait qu'à empêcher les personnes de continuer à télécharger. Une coupure d'Internet, d'un mois à un an, peut entraîner – suivant l'excellente formule de Didier Mathus – une forme de mort sociale électronique.

Si vous étiez cohérente, madame la ministre, vous conviendriez que, dans un souci de pédagogie – je parle de la vraie pédagogie, celle qui est issue de la meilleure pédagogie française, je pense à Rousseau, à Condorcet, non à la Sarkologie qu'évoquait tout à l'heure notre collègue Roy...

Je ne veux pas vous faire offense, monsieur Gosselin, mais moi qui ai appris mon métier à l'école normale, je n'ai pas encore détecté en vous, malgré ma volonté de vous être agréable, des talents de pédagogue.

Pour l'instant, ma réserve de bons points est intacte. Vous n'en avez gagné aucun.

Madame la ministre, si vous étiez cohérente, vous conviendrez, puisque vous brandissez la pédagogie comme un étendard depuis le début du débat, qu'une suspension d'un an, c'est beaucoup ; cela correspond presque à la perpétuité pour un jeune de dix-huit ans. Cette mesure peut avoir des conséquences bien trop lourdes, bien trop coûteuses sur la vie des citoyens, disproportionnées par rapport au délit.

Vous n'avez cessé d'insister, tout au long de ces débats, sur la dimension pédagogique de la loi. Permettez-moi de m'interroger sur la pertinence de votre pédagogie quand celle-ci consiste à couper les citoyens d'un accès au réseau Internet, donc à les déconnecter d'un pan énorme du monde de la culture, du monde de l'information, de la vie sociale, surtout quand ils vivent, comme dans la circonscription de M. Riester, dans un habitat isolé.

Monsieur Riester, pensez à vos électeurs du village de Pommeuse : ils seront informés de ce que nous avons dit et ils sauront que vous ne les avez pas défendus.


31/03/2009 Débats HADOPI : répression, recours, liste noire, sanctions, exemples étrangers, pirates

Ceux qui liront plus tard le compte rendu de nos débats verront à quel point le Gouvernement s'enfonce dans l'archaïsme.

Le rapporteur parle de pédagogie. Pour moi qui suis instituteur, c'est plutôt la pédagogie de la trique ou bien la bastonnade.

Ce n'est pas cela la pédagogie, monsieur Riester. En tout cas, des pédagogues comme vous, je n'en voudrais pas pour mes enfants parce que leur avenir serait largement compromis.

Vous ne lui confieriez pas les vôtres non plus d'ailleurs !

Ce serait alors l'enfance en danger et vous seriez des parents indignes.

Le texte proposé par le rapporteur se substitue aux alinéas 69 à 74. Si on le lit méticuleusement, on s'aperçoit qu'il est encore plus liberticide.

Dans le précédent, la confidentialité est préservée, les recommandations motivées. Dans le nouveau texte, ces protections disparaissent, et l'on ajoute du facultatif : la commission peut adresser de nouvelles recommandations. À son gré, la commission protégera plus ou moins les utilisateurs. Ce n'est pas du tout recevable.

Le sous-amendement [n° 502] que je défends porte sur le cinquième alinéa de l'amendement, que je lis : « Le bien-fondé des recommandations adressées sur le fondement du présent article ne peut être contesté qu'à l'appui d'un recours dirigé contre une décision de sanction prononcée en application de l'article L. 331-25. » Si nous décodons cela, sans langue de bois, cela veut dire que vous ne respectez pas le principe du contradictoire, principe général du droit français. En outre, vous allez complètement à l'inverse de la jurisprudence européenne, puisque vous n'offrez pas de délai de recours. C'est complètement liberticide.

Tout à l'heure, monsieur le rapporteur vous avez trouvé le moyen de dire dans la même phrase : « Ce n'est pas à la tête du client, ce sera automatique, non un dispositif généralisé. » Je suis plutôt cartésien, et je n'aime pas qu'une chose dite soit contredite trois mots plus tard. Or vos propos sont totalement contradictoires, ce qui prouve que vous défendez un projet que vous n'avez pas le courage d'assumer.

Ce que nous demandons, et que vous n'acceptez pas, monsieur le rapporteur, madame la ministre, c'est qu'il n'y ait pas d'exception au droit commun, qu'il n'y ait pas cette structure d'exception que constitue la HADOPI. Nous avons confiance en la justice de notre pays, non en ces structures d'exception que vous mettez en place et qui n'ont d'autre but que d'enfermer la liberté à laquelle nous sommes tant attachés dans notre pays. Oui, vous êtes moins attachés à la liberté que nous, et vous le prouvez, ne vous en déplaise, par ce texte que vous défendez !

[...]

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous entendons vos explications de plus en plus embarrassées.

Vous vous prenez les pieds dans le tapis. C'est un peu la brasse coulée. Comme dirait notre collègue Christian Paul, « l'échelle de Riester » est de plus en plus perturbée.

Monsieur le rapporteur, je vous parle de la commission et vous me répondez « internautes ». Je lis votre texte : « la commission peut », et vous me répondez : « l'internaute peut ». Pour essayer de vous en sortir, vous dites que ce sera automatisé et non à la tête du client. Si ce n'est pas à la tête du client, la machine automatique ne réfléchit pas, quant à elle, en termes de « peut » ou « ne peut pas », et il faut donc supprimer tout caractère facultatif.

Sur ce point, vous n'êtes pas clairs, et ce délibérément, parce que vous voulez nous embrumer, ainsi que – et surtout – les internautes. Vous voulez dissimuler vos actes liberticides... Vous protestez parce que nous vous prenons les doigts dans le pot de confiture ! Et comme dirait Mme Billard, avec vous, ce n'est même pas de la confiture bio ; c'est de la confiture OGM ! On en mourrait, autant avec la confiture qu'avec votre pratique d'Internet !

[...]

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, les réponses que vous nous fournissez sont invraisemblables. Martine Billard propose, s'il est constaté que quelqu'un a été illégitimement soupçonné, que son nom soit retiré du fichier. Monsieur le rapporteur, vous nous dites : « Le nom sera retiré du fichier. » Mais nous, on vous propose de l'inscrire dans la loi parce qu'on vous connaît !

Après le fichier EDVIGE, il y aura, avec Mme Albanel, le fichier Christine ! Ce fichier aura comme des relations de cousinage avec un lointain Fouché.

« Cachez ce sein que je ne saurais voir », semblez-vous dire, chers collègues de l'UMP ! Mais les références historiques vous sont douloureuses parce que nous mettons précisément le doigt là où ça fait mal, et nous arrachons ainsi votre masque : vous apparaissez liberticides !

Le sous-amendement [n° 503] qu'a défendu Mme Billard est très clair. Je vais le relire, non pas pour vous, madame la ministre, parce que vous avez débranché votre sonotone depuis longtemps, ni pour vous, mes chers collègues, puisque vous êtes là en sentinelles, muettes la plupart du temps, pour protéger une cause indéfendable. Je vais le relire, disais-je, pour les internautes qui nous regardent : Sont effacées du fichier de la Haute Autorité « les personnes faisant l'objet d'une procédure dès qu'elle constate la bonne foi de ladite personne quant à son absence de responsabilité pour les faits mis en cause au 1er alinéa du présent article. » Mais c'est ce dont vous ne voulez pas. Vous refusez d'effacer, vous refusez de prendre une décision claire qui serait inscrite dans la loi. Il faut que les gens qui nous regardent le sachent ! Il faut que vous apparaissiez pour ce que vous êtes.

[...]

Je crois aux vertus de la vraie pédagogie, pas à la méthode Riester. Deux choses n'ont pas été dites après l'intervention de M. Gosselin. Vous avez affirmé que vous étiez d'accord avec nous sur le fond, monsieur Gosselin. Quelle meilleure façon de confesser que vous étiez à court d'arguments ! Les personnes présentes auront été impressionnées de constater que, puisque vous êtes d'accord avec nous, vous refusez notre amendement.

Monsieur le président, vous avez souligné que l'adoption de l'amendement n° 52 de la commission faisait tomber tous les amendements suivants. Les personnes qui nous regardent doivent savoir qu'il s'agit d'un subterfuge : il suffit de rédiger autrement un texte, dans un sens plus liberticide comme je l'ai montré, pour faire disparaître tous les autres amendements.

Dans le cas particulier, ceux qui défendent les libertés sont privés de la présentation de trente-cinq amendements. Je tenais à le dire car si nous sommes habitués à cette pratique, les personnes qui nous regardent ne la comprennent pas forcément. Vous ne voulez pas que l'on explique à nos concitoyens comment fonctionnent les institutions ?

Les alinéas n° 75 à 96 précisent les conditions de suspension de lignes Internet. Or, si cette mesure peut probablement satisfaire les majors pour lesquels vous êtes aux petits soins, ou les membres du Gouvernement dans leur logique revancharde sur la liberté que se sont octroyés les internautes, elle ne peut être la réponse à la carence en financement pour les artistes créateurs ou à l'éducation des citoyens au respect du travail des artistes.

Alors, à quoi sert-elle ? Cette mesure purement répressive ne trouve aucun fondement dans le réel, n'apporte aucune solution au problème du soutien à la création. Elle organise une exclusion sociale de la culture et de l'information, et institue une double peine pour l'internaute : plus de connexion mais paiement de l'abonnement. Encore une fois, elle est le fruit d'un manque de discernement sur la sécurisation des lignes, qui est quasiment impossible actuellement, comme cela a été excellemment démontré par Martine Billard.

Une fois la sanction prononcée, le seul recours des internautes sera de saisir la justice à leurs frais. Cela pourra prendre des mois pendant lesquels les citoyens supporteront les conséquences lourdes et injustes de cette décision, alors que beaucoup seront totalement innocents.

Que faire quand la coupure de la ligne intervient dans un foyer, privant ainsi toute une famille de sa connexion : la mère qui télétravaille, les enfants scolarisés qui se documentent et regardent la télé sur Internet ? On revient à la pédagogie Riester ! C'est la punition collective ! Elle est inacceptable, contraire aux principes du droit, et laisse à penser aux individus qu'ils peuvent être punis sans raison, sur simple envoi d'une lettre.

Pensez-vous réellement que les personnes sanctionnées, déjà grandes consommatrices de produits culturels légaux selon les études désormais connues de chacun, dépenseront encore plus d'argent en biens culturels ? Dans un contexte de crise, de montée du chômage, de baisse du pouvoir d'achat, où une grande partie des foyers a du mal à se loger, votre soutien aux velléités des majors ressemblerait presque à du racket. Aux pseudo-pirates, vous opposez de véritables corsaires.

Pire : il est prévu que les abonnés sanctionnés voient leur nom publié dans des journaux choisis par la HADOPI, à leurs frais. C'est une stigmatisation publique !

Dans ce cas, j'aimerais autant que soient publiés également les noms des actionnaires qui empochent les dividendes des entreprises qui licencient, des bénéficiaires du bouclier fiscal, des fraudeurs du fisc, de tous ceux qui ont réussi leur vie, comme dirait Séguela, et possèdent une Rolex.

Tout au long de ces débats, vous n'avez cessé d'insister sur la dimension pédagogique de la loi. Permettez-moi, madame la ministre, de m'interroger sur la pertinence de votre pédagogie, quand celle-ci consiste à couper les citoyens d'un accès au réseau Internet, et à les déconnecter d'un pan énorme du monde, de la culture et de l'information. Quelle didactique !

[...]

Je vous remercie, monsieur le président, pour votre mise au point de tout à l'heure, qui aura attiré l'attention des internautes sur le fonctionnement de notre assemblée. Je n'ai jamais dit qu'un tel subterfuge n'avait jamais été utilisé dans le passé pour faire tomber des amendements et empêcher la discussion ; mais cela ne le moralise pas pour autant. ,

Je vous propose, pendant la suspension, d'aller consulter le Littré : vous verrez que nous tomberons d'accord sur le sens des mots.

Par ailleurs, je remercie sincèrement le président Warsmann pour sa colère : il s'est rendu compte que le miroir que nous tendions montrait la vraie image de la politique gouvernementale. Que les internautes se reportent au texte, et seulement au texte ! On verra qui a raison.

Enfin, notre collègue Jean Dionis du Séjour – et Dieu sait qu'il est modéré – a dressé un réquisitoire accablant, dont, madame la ministre, vous ne tenez aucun compte.

Vous n'avez eu de cesse, madame la ministre, d'évoquer des dispositions adoptées à l'étranger. Or vous avez été contredite sur ce point ; on vous a même énuméré tous les pays qui ont fait marche arrière, et vous n'avez toujours pas été en mesure, à cette heure, de citer ceux où vos mesures répressives fonctionnaient.

Pourquoi donc ne pas nous donner ces informations qui, peut-être, alimenteraient la discussion ? Le fond de l'affaire, c'est que votre objectif n'est pas, contrairement aux intentions affichées, de défendre la création mais de beurrer la tartine des majors. Comme ce n'est guère glorieux, vous tentez de le faire discrètement. Mais notre rôle, à nous, c'est de vous montrer telle que vous êtes.

[...]

M. Gosselin vient de nous dire qu'il était attaché à certains mots, même s'ils ne sont pas reconnus par les meilleurs dictionnaires. Pour faire écho aux propos de M. Christian Paul qui soulignait qu'il était illégitime d'user de mots excessifs tels que « pirate », je vous donne la définition du Littré qui se rapproche le plus de ce dont nous débattons : « Pirate : Tout homme qui s'enrichit aux dépens d'autrui. » Ce ne sont tout de même pas les internautes qui s'enrichissent aux dépens d'autrui ?

Ce sont les majors qui s'enrichissent aux dépens d'autrui ; ce sont les fournisseurs d'accès, au détriment des créateurs et des artistes !

Madame Albanel, vous n'êtes pas seulement la ministre d'Internet, vous êtes aussi celle de la langue française et vous devez veiller à ce que les mots soient utilisés dans un sens qui se rapproche le plus possible de celui que retient le Littré.

L'alinéa 75 de l'article 2 du projet de loi précise que, « lorsqu'il est constaté que l'abonné a méconnu l'obligation définie à l'article L. 336-3 dans l'année suivant la réception d'une recommandation adressée par la commission de protection des droits et assortie d'une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date d'envoi de cette recommandation et celle de sa réception par l'abonné, la commission peut » proposer des sanctions sous certaines conditions. Madame la ministre, vous voulez donc mettre sous surveillance pendant un an les internautes sur lesquels pèse une simple suspicion de comportement fautif – sachant, vous l'admettez, que nous ne parlons nullement du téléchargement, mais de l'absence de sécurisation de la connexion Internet. En l'absence de toute procédure contradictoire, mettre sous surveillance pendant une année entière des internautes qui, en l'état des techniques, sont dans l'incapacité d'apporter la preuve de leur innocence, n'est clairement pas acceptable.

C'est pourquoi nous proposons que ce délai d'un an soit ramené à un mois : un mois en ayant un mouchard en permanence chez soi, cela semble suffisant.

[...]

Il est très intéressant de constater à quel point vous êtes sévères et sans pitié envers les internautes. Savez-vous, monsieur le rapporteur, que M. Milhaud et les autres dirigeants de banques qui ont dispersé des milliards d'euros ne font même pas l'objet d'une enquête préliminaire ? Comme disait La Fontaine, « selon que vous serez puissant ou misérable,... »

Avec les personnes qui commettent des actes pour lesquels il n'y a tout de même pas de quoi fouetter un chat, vous êtes inexorables.

Mais nous l'avons dit aux artistes, parce que nous, contrairement à vous, nous ne tenons pas un double discours. Le vôtre n'est d'ailleurs pas double, mais à multiples facettes.

Avec les gens modestes, disais-je, vous êtes intraitables, inexorables.

En revanche, à ceux qui ont ruiné l'économie du pays, vous passez tout. Savez-vous comment on appelait cela autrefois, monsieur Riester ?

Vous avez des excuses, car vous êtes jeune. Eh bien, on appelait cela la politique de classe : la classe des privilégiés face à ceux qu'ils écrasent et au détriment desquels ils se sont enrichis, pour reprendre la définition du Littré que je citais tout à l'heure.


31/03/2009 Débats HADOPI : écoute des parlementaires, labellisation, ARCEP, CNIL

Monsieur le président, vous n'avez pas souhaité me donner la parole tout à l'heure alors que je l'avais demandée, mais je ne peux croire qu'il s'agit là d'une discrimination à l'égard du groupe GDR.

Toutefois, si cela devait se reproduire, il faudrait tout de même se rendre à l'évidence.

Il a été question, tout à l'heure, de la qualité de notre dialogue. Il est très important, lorsque l'on dialogue, que l'on se tienne face à face. Comme souvent dans notre pays, dès lors qu'il est question de protection des libertés, nous ne sommes pas divisés par le traditionnel clivage gauche-droite, mais séparés entre ceux qui partagent certaines valeurs – celles qu'a exprimées Lionel Tardy, et auxquelles j'adhère – et les autres.

Pour ce qui est du déroulement de nos travaux, je vous avoue être très perturbé, madame la ministre, de voir l'un de vos collaborateurs vous parler sans cesse à l'oreille. Même s'il s'agit, ce dont je ne doute pas, d'un fonctionnaire d'une grande qualité, il est assez gênant de constater que, depuis le début de notre débat vous montrez une nette préférence pour ce mode de communication consistant en une espèce de dialogue à trois, alors que vous devriez privilégier le dialogue direct avec les parlementaires. Je ne vous cache pas qu'à force, cela me gêne et me stresse.

[...]

Ce débat est irréel. Il suffit d'écouter avec attention les uns et les autres pour comprendre que ce système est impraticable. Mais, plus choquant encore, on institue une sorte d'art officiel, en donnant une sorte d'imprimatur.

Eh oui ! Nous sommes quelques-uns à avoir suffisamment combattu ce qui se passait ailleurs pour ne pas l'introduire chez nous.

Je vois M. Lefebvre sourire...

Monsieur Lefebvre, je vous croyais le fils spirituel de Nicolas Sarkozy ; en réalité, vous êtes le fils spirituel – et probablement illégitime – de Leonid Brejnev. Voilà la réalité !

Grâce à l'inventivité de M. Riester, vous voulez enrégimenter...

Vous souriez, mais on tire les leçons de l'histoire ou on ne les tire pas ; et quelqu'un disait que lorsqu'elle se répète, c'est en farce. Mais cette répétition peut aussi être tragique.

Vous devriez vraiment, je crois, écouter vos propres collègues de la majorité. On ne peut pas les soupçonner de parti pris idéologique ; ils partent de la réalité. Mais je sais bien qu'à toujours citer MM. Dionis du Séjour et Tardy, nous risquons de leur nuire.

Au rythme où vont les choses, c'est bientôt le secrétaire du comité central de l'UMP qui donnera l'imprimatur !

[...]

C'est le comble : le rapporteur se déclare d'accord à 100 % avec notre collègue Dionis du Séjour alors que celui-ci vient de dire le contraire de ce qu'a dit Mme Marland-Militello !

On voit bien votre gêne.

Madame Marland-Militello, vous avez dit quelque chose de très important tout à l'heure, vous avez dit que cela permettrait de retirer le label à ceux qui ne respecteraient pas les règles.

Mais, madame Marland-Militello, les choses changent tous les jours. Qu'entendez-vous par « périodiquement » ? La labellisation devra être revue de façon quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, toutes les heures ? On est en plein Kafka !

Au Vatican, les œuvres que l'on veut soustraire sont inscrites à l'Index – je ne parle pas de l'index du Pape où on met le préservatif, je parle de la liste noire des œuvres qui ouvrent les portes de l'enfer. Voilà ce que vous proposez, parce que vous avez peur des libertés.

Vous voulez tout enrégimenter.

Vous parliez d'idées fausses tout à l'heure. Vos idées à vous sont des idées liberticides.

Comme je le faisais remarquer en aparté à ma collègue Martine Billard, certains parmi vous sont libéraux et conséquents, mais la plupart d'entre vous n'êtes même pas des libéraux.

Vous êtes des gens de droite, obtus...

Vous agissez comme les fées de la nuit dans la flûte enchantée venues cadenasser la bouche de Papageno.

[...]

Ces réponses sont en effet déconcertantes. Il en faut beaucoup pour nous déconcerter, mais Mme la ministre atteint des sommets. Voilà qui augure bien de la suite ! Elle nous assure que l'ARCEP et l'HADOPI se parleront, et cela paraît si évident qu'il n'est pas utile d'articuler leur travail. C'est invraisemblable : pourquoi refuser d'introduire dans la loi ce qui semble aller de soi ? Les traits tourmentés du rapporteur trahissent bien sa gêne.

En l'espèce, nous voulons prévenir tout risque de porter atteinte à la neutralité des réseaux. Les expérimentations dont il a été question présentent un intérêt général : elles portent sur le degré d'innovation de ces réseaux, sur leur viabilité économique, sur leur impact sur le développement de la production française et européenne des services de télécommunication et de communication au public, et sur leur impact potentiel sur l'organisation sociale et le mode de vie. L'association de l'ARCEP serait une garantie supplémentaire contre le risque d'atteinte à la neutralité des réseaux qu'introduit le texte.

Madame la ministre, vous ne vous en sortirez pas par des circonlocutions ou des réponses laconiques. Argumentez ! Essayez de nous convaincre ! Si votre point de vue est solide, nous vous écouterons et nous réagirons. J'ajoute que l'ARCEP pourrait opportunément jouer un rôle de veille en matière de diversité culturelle en ligne : elle pourrait prévenir le favoritisme de tel fournisseur d'accès envers un partenaire commercial, comme l'a suggéré M. Tardy.

Vous avez refusé que des membres de la CNIL siègent au sein du collège et de la commission. Vous avez fait voter un amendement visant à ce que le président de l'HADOPI soit, dans les faits, désigné par sa majesté impériale. Le refus des sous-amendements en discussion ne ferait que confirmer votre volonté délibérée d'organiser, sous couvert de protection de la création, ce qu'il faut bien appeler d'un mot trivial le flicage des réseaux. Voulez-vous servir des intérêts mercantiles et obsolètes ? Contrôler toutes les communications électroniques des internautes ? Quelle raison vous pousse à vous arc-bouter ainsi sur vos positions ?


30/03/2009 Débats HADOPI : Allemangne, magnétoscope, autorité judiciaire, CNIL

Notre débat est irréel. Certaines avancées technologiques ouvrent des espaces de liberté, notamment pour les jeunes. Depuis hier, avec le président Accoyer, nous recevons des collègues du Bundestag. Ce midi, monsieur le président, nous leur avons expliqué ce que le Gouvernement entend faire avec l'Internet.

[Et ils ne vous ont pas cru !] Tout à fait ! Les Allemands sont des gens organisés : les règles, ils connaissent.

Les progrès de la technologie, madame la ministre, vous font peur et vous tétanisent.

Pour les transports, on va sans doute revenir à la chaise à porteurs et à la marine à voile ! Et, pour l'éclairage, à la lampe à huile !

Il faut au contraire avoir confiance, madame la ministre. Or vous préférez un système en dehors de la justice, ou plutôt, un système qui constitue une justice d'exception, car vous n'avez pas confiance en la justice. Toutes ces hautes autorités, qui visent à museler le droit d'expression, témoignent, elles aussi, de la dérive autoritaire du régime.

Je vais vous donner la preuve, monsieur Geoffroy, que vous voulez nous faire revenir à la préhistoire.

Ce sont les échanges avec nos collègues du Bundestag qui sont stimulants !

Permettez-moi donc de vous lire un article de la revue Science & Vie de mai 1980.

En effet, pour les jeunes, c'est déjà la préhistoire. Et qu'écrivait-on, en cette période préhistorique ?

« En 1978, lorsque la firme Sony annonça aux États-Unis qu'elle allait commercialiser son magnétoscope Betamax, deux des plus grosses firmes de cinéma, Universal et Walt Disney Productions, contre-attaquèrent aussitôt et déposèrent plainte, demandant que Sony cesse la fabrication et la distribution de son appareil, ou le modifie de façon qu'il ne puisse enregistrer des films protégés par les lois sur les droits de reproduction. »

Vous êtes, aujourd'hui, dans la même situation. Est-ce que Walt Disney ou Universal ont fait faillite ? Bien sûr que non ! Leurs préventions ont été balayées par les évolutions de la technologie. Des espaces de liberté se sont ouverts, et c'est ce que vous refusez aujourd'hui.

Nous, nous ne nous inscrivons pas dans une logique répressive. Notre collègue Jean Dionis du Séjour se bat avec courage, mais toujours dans la demi-mesure, ce qui est normal pour un centriste.

M. Dionis du Séjour, la mort dans l'âme, s'inscrit donc néanmoins dans une logique répressive, contrairement à nous.

Dans un certain sens, madame la ministre, défendre cet amendement [n° 352], c'est une façon de vous aider à éviter la censure du Conseil constitutionnel.

En permettant à l'HADOPI de demander l'identification des personnes utilisant une adresse IP collectée par les sociétés d'auteurs en dehors de toute intervention de l'autorité judiciaire, le projet de loi est en effet contraire à la décision du Conseil constitutionnel. Notre amendement propose de combler l'une des béances juridiques de votre projet en renonçant à la procédure d'exception et en réintroduisant l'autorité judiciaire dans le dispositif.

[...]

Je constate que ni le rapporteur, M. Riester, ni la ministre, Mme Albanel, n'ont répondu à propos des exemples pourtant très convaincants que j'ai évoqués et qui prouvaient que la majorité est hors du temps et des évolutions.

Sans doute M. Riester a-t-il des circonstances atténuantes : à l'époque dont je parlais, il était en culottes courtes et je peux comprendre qu'il n'ait pas l'épaisseur de l'histoire pour adopter une position plus raisonnable. En revanche, vous, madame la ministre, vous pouviez être épaulée par vos services.

Ne voyez aucune malice dans ce propos !

Vous appelez la CNIL à la rescousse, madame la ministre, mais vous n'en voulez pas dans la loi HADOPI !

Vous dites que l'on pourra avoir recours au juge, mais ce sera après qu'on aura été injustement harcelé, après qu'on aura vu, dans certains cas, son ordinateur perquisitionné. Vous savez bien que tout cela est possible. Imaginez ce que vivra une personne démunie, ignorante des pratiques. Avoir recours au juge, cela coûte de l'argent. Cette façon de grignoter les libertés n'est pas supportable ; vous refusez pourtant cet amendement modeste, de compromis.

Il faut donc chercher, derrière tout cela, votre véritable intention. Votre objectif n'est pas de protéger les créateurs ou les artistes, sinon vous interviendriez pour que les majors les exploitent moins et leur restituent une plus grande part de ce qu'ils touchent. Mais, cela, vous ne voulez pas en entendre parler. Vous roulez donc pour le compte des majors et vous habillez votre discours pour dissimuler votre objectif principal, sous l'œil vigilant de M. Copé.

12/03/2009 Débats HADOPI : procédures de l'AN, avis CNIL, HADOPI représentant de la France dans les organisations internationales

Monsieur le président, cet après-midi, vous vous êtes comporté à mon égard avec une grossièreté que je n'ai jamais constatée dans cet hémicycle depuis plus de vingt ans que je m'honore de la confiance de mes concitoyens. Aux lettres de cachet de Mme la ministre, vous avez ajouté le bâillon.

Cette assemblée est régie par des règles que vous avez bafouées. D'ordinaire, on laisse les députés s'exprimer, surtout au cours d'un débat d'une telle importance. En m'empêchant de prendre la parole avant le vote d'un amendement, ce n'est pas seulement moi que vous avez agressé, ce sont les personnes que nous défendons ici, qu'il s'agisse des internautes ou de celles et ceux que nous représentons.

Au-delà de ma personne – nous vous connaissons : des incidents-limite ont déjà eu lieu cet après-midi à l'égard de nos collègues socialistes –, votre comportement déshonore, et je pèse mes mots, la fonction que vous exercez. Bien sûr, un tel incident ne saurait se répéter, mais le seul fait qu'il se soit produit est déjà indécent.

Pour ce qui me concerne, je ne suis pas prêt à l'accepter. Je demande donc une suspension de séance.

[...]

Monsieur le président, vous récrivez l'histoire. Évidemment, vous êtes gêné, parce que vous vous rendez compte que vous avez commis une bévue, tout à l'heure, à vingt heures dix. C'est votre faute si nous sommes allés jusqu'à cette heure. Nos collègues Christian Paul et Patrick Bloche avaient demandé que la séance soit levée plus tôt, précisément pour ne pas faire les choses à la va-vite.

Vous avez fait un autre choix. C'est exclusivement à vous qu'il appartenait d'en décider. À la limite, je dirai que nous n'avons pas à avoir d'opinion sur ce point.

Ce qui a été à l'origine de l'incident, et dont vous êtes seul responsable, c'est que lorsque, après que nos collègues se sont exprimés, j'ai demandé la parole, au nom du groupe GDR, vous me l'avez refusée d'une façon complètement arbitraire, avant le vote, et alors même qu'il s'agissait d'un débat où les positions sont très opposées et très identitaires.

Est-ce une bévue, un faux-pas ? Peu importe. Que vous le vouliez ou non, le résultat est le même : alors que votre position doit être obligatoirement une position de neutralité, parce qu'ainsi le veut notre règlement, et parce que c'est ainsi que le débat fonctionne bien, vous m'avez privé de la parole au moment où nous sommes en pleine confrontation avec le Gouvernement. Vous êtes ainsi apparu, à tort ou à raison, comme manipulant le bâillon au moment où je voulais répondre au Gouvernement. C'est inacceptable, pour les raisons que j'ai dites tout à l'heure.

Comme tous mes collègues, je représente des points de vue et je représente nos concitoyens. Nous sommes des élus de la nation. Et le président doit veiller à l'équité dans le débat. Vous n'avez pas été équitable, et vous le savez. C'est l'opinion qui s'exprimait tout à l'heure dans les couloirs, une opinion partagée par nos collègues.

Ne récrivez pas l'histoire, comme vous venez de le faire à propos de la suspension de séance. Cette demande de suspension de séance n'était que l'écho de votre comportement à vingt heures dix.

Si vous voulez que le débat se déroule convenablement – ce que nous souhaitons tous, sauf vous, peut-être –, il faut que vous nous disiez comment vous avez pu ainsi me priver de la parole tout à l'heure.

Monsieur le président, je suis prêt à arrêter cette confrontation de procédure. Mais vous m'avez privé de la parole. Vous avez appelé le vote en me refusant la parole. Il peut arriver, au perchoir, que l'on ne voie pas un orateur qui demande à s'exprimer. Notre collègue Patrick Bloche a fort bien expliqué cet après-midi comment le champ visuel peut se rétrécir. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit tout à l'heure. Vous m'avez explicitement refusé la parole. Et ce n'est pas acceptable.

Oh, moi, je suis prêt à pardonner, je suis prêt à tout ce que vous voulez, à condition que le président reconnaisse au moins qu'il m'a privé de la parole, ce qu'il ne dit même pas, pour l'instant.

Vous n'avez pas bien compris, monsieur le président. Est-ce que vous garantissez un déroulement normal du débat, ce soir ?

Monsieur le président, est-ce que je peux conclure de ce que vous venez de dire que vous vous engagez à ne pas renouveler le comportement qui a été le vôtre à la fin de la séance de cet après-midi ?

J'en prends acte, et j'interprète cela comme des excuses publiques.

[...]

Monsieur le président, madame la ministre, il est utile de retrouver la sérénité.

Monsieur le président de la commission, les excès ont été commis par Mme la ministre. Personne d'autre qu'elle, ici, n'a fait référence à la police politique hitlérienne.

Il peut arriver que la langue fourche, mais le dérapage verbal a au moins une fonction.

L'excès de la parole ministérielle, disais-je, aussi malheureux fût-il, a au moins une fonction. Il permet de déplacer le débat et de discréditer ceux qui contestent la position gouvernementale, en faisant passer cette contestation pour excessive. Ce n'est pas convenable.

Revenons au fond. Nous n'avons pas l'intention de vous convaincre. Nous savons bien que vous êtes en service commandé. Nous nous adressons à nos collègues et plus encore à ceux qui nous regardent et qui doivent savoir la vérité.

Nous considérons que votre texte – nous l'avons démontré – est une atteinte insupportable aux libertés. Soyons concrets. Notre collègue Martine Billard a cité des exemples. Pensons à un jeune de dix-neuf ans ou à une personne âgée de quatre-vingt-cinq ans qui se retrouveront confrontés à vos fameuses lettres recommandées. Ils ne sauront pas comment réagir. Les choses vont empirer.

Vous ajoutez à cela le renversement de la charge de la preuve, qui est heureusement, dans notre droit, une disposition d'exception. C'est à la personne qui est accusée de prouver qu'elle n'a pas fraudé.

Je vais raisonner par analogie pour me faire comprendre. Quand vous êtes accusé par l'administration fiscale d'avoir donné un dessous de table sur la base duquel vous êtes taxé, alors même que ce n'est pas vrai, comment pouvez-vous faire la démonstration que vous n'avez rien donné ? C'est impossible. C'est le règne de l'arbitraire total.

Tout à l'heure, monsieur le rapporteur, vous faisiez référence à un avis très ancien de la CNIL, comme si 2008 était si loin de nous !

Très ancien ! Le Sénat a adopté le texte à la fin du mois d'octobre. Ce n'est pas ancien, c'est très actuel. Et cela éclaire notre débat.

L'avis de la CNIL est accablant. Monsieur le rapporteur, le poids de vos notes pour forger votre réflexion est certainement très important mais, en termes législatifs, cela ne vaut rien.

Seule la note de la CNIL vaut quelque chose. Celle-ci nous a été partiellement lue par Christian Paul. C'est un véritable réquisitoire, qui montre à quel point votre loi est attentatoire aux libertés.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, qu'il y aurait des amendements pour « perfectionner ». Mais on ne perfectionne pas ce qui est liberticide. On y renonce ou on le confirme.

Le fait que vous mettiez un peu de miel autour ne change rien à la perversion du texte.

Tout cela confirme la cohérence de votre politique et la dérive monarchique et autoritaire du régime.

Il y a eu la loi sur l'audiovisuel, où l'on a bâillonné les médias. Il y a la loi sur le règlement de l'Assemblée avec l'affaire du temps de parole, qui va dans le même sens. Maintenant, on bâillonne les internautes. C'est la dérive autoritaire du régime. Il est très important que les personnes qui nous regardent aujourd'hui comprennent bien la cohérence de votre politique. Il n'y a pas de hasard. C'est construit. Le grand organisateur réside au palais de l'Élysée, les ministres ne sont que les exécutants puisque, la plupart du temps, ils apprennent par les médias les textes qu'ils devront défendre ou les décisions qu'ils devront prendre, même quand ils ne sont pas d'accord avec elles.

[...]

M. le rapporteur a beau être jeune, il manie la langue de bois comme un vieux politicien !

Décodons son propos, pour ceux qui nous regardent : sur le fond, il est d'accord, mais il ne faut surtout pas adopter l'amendement ! Or, d'une certaine façon, l'amendement [n° 222] de M. Martin-Lalande vise à combattre la prohibition. Chacun sait que la retenue et la prohibition ouvrent le terrain aux trafiquants, comme au temps d'Al Capone pour l'alcool. Certes, comparaison n'est pas raison, mais le système est similaire. Dès lors, M. Martin-Lalande est très bien avisé de favoriser la fluidité afin que les internautes aient accès dans de meilleures conditions aux produits qui leur sont offerts.

En vous écoutant, monsieur le rapporteur et madame la ministre, je me demande quelles sont vos marges d'appréciation réelles. Qu'est-ce que les arbitrages rendus par Matignon et surtout l'Élysée vous donnent l'autorisation d'accepter ? Nous gagnerions beaucoup de temps si vous nous disiez d'emblée que vous n'avez aucune marge et que tous les amendements seront refusés. Cela ne nous empêchera d'ailleurs pas de les défendre, mais au moins n'aurez-vous pas à répondre à chaque fois en langue de bois pour nous dire que, malgré l'intérêt qu'ils suscitent en vous, vous réprouvez leur adoption.

Je constate que M. Dionis du Séjour, qui est lui aussi un député très expérimenté, partage mon opinion – ce qui n'est pas toujours le cas, puisque nous ne siégeons pas sur les mêmes bancs.

Nous sommes de connivence. Si d'aventure M. Martin-Lalande renonçait à son amendement, il va de soi que je le reprendrais !

[...]

C'est le début de la sagesse, mais ce n'est pas une position de principe. Quelle légitimité a l'HADOPI pour participer à la représentation française dans les organisations internationales ? Aucune ! La légitimité du suffrage universel ? Absolument pas ! Le fait d'avoir été nommé un jour sans que l'on connaisse vraiment les critères de la nomination ? Certainement pas !

Je vais raisonner par analogie. Il y a une délégation française aux droits de l'homme auprès de l'OCDE, avec deux personnages censés représenter la France. Récemment, il y a eu un débat sur les organisations sectaires. Alors que, sur ce sujet, le gouvernement français a une position très claire, l'un des deux représentants de la France a mis la France en cause pour sa politique dans ce domaine.

Voilà ce qui arrive quand vous laissez représenter la France par des gens qui n'ont aucune légitimité pour le faire ! Le fait d'être nommé par décision discrétionnaire du prince ne suffit pas à conférer la légitimité. Ce n'est pas la démocratie, c'est le retour à l'Ancien régime !

12/03/2009 Débats HADOPI : propagande, sanctions, autorité judiciaire, SPRD, répartition des revenus, financement de la création, principe du contradictoire, industrie du divertissement

Mes collègues viennent de soulever de vrais problèmes. Mme Billard, avec une intégrité rare – je connais d'autres membres des Verts qui n'ont pas cette qualité –, a pratiqué son autocritique.

Nous attendons, madame la ministre, que vous fassiez la vôtre. Ce matin, nous vous avons fait une proposition d'apaisement visant à ce que chacun des quatre groupes présents dans notre assemblée puissent disposer d'une tribune pour exposer sa position, le débat démocratique nourrissant ensuite l'échange avec les internautes.

Si vous faisiez un geste en ce sens, le débat serait fortement apaisé et pourrait se poursuivre dans de bonnes conditions.

Je rappelle que des clivages existent à l'intérieur de certains groupes, en particulier l'UMP, ce qui permettra des rapprochements et même des positions communes autour d'amendements susceptibles de satisfaire les revendications des internautes en reconnaissant la communication électronique comme un droit fondamental. J'entends bien que vous n'aimez pas cette épithète : laissons donc « fondamental » entre parenthèses et parlons simplement de « droit ».

Madame Albanel, vous êtes ici présente en tant que ministre libérée de ses tutelles habituelles, je veux parler de celles de la rue du Faubourg Saint-Honoré. Vous avez la possibilité de nous répondre directement : c'est vous et vous seule qui êtes comptable à cette heure de la politique du Gouvernement.

Je suis persuadé – mais je ne veux pas parler au nom de mes collègues socialistes – que si vous faisiez ce geste, le débat en progresserait d'autant.

[...]

Les propos de Mme la rapporteure étaient à l'évidence inexacts puisqu'elle soutient qu'avec la procédure administrative tout ira bien. En réalité, si vous aviez, hier, la paire de menottes aux poignets, vous en avez désormais une autre paire aux chevilles. La première vous est mise sans que le délit soit prouvé et vous n'avez pas la possibilité de vous défendre à moins d'avoir recours à l'autorité judiciaire. J'entends déjà Mme la ministre ou Mme la rapporteure affirmer que l'on peut avoir recours au juge. Vous pensez bien ! Vous allez pousser les gens dans la bureaucratie et surtout dans l'arbitraire contre lequel ils ne pourront pas se défendre.

La rémunération des œuvres prévue aux articles L. 214-1 à L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle ne permet pas à certains ayants droit de se faire rémunérer pour l'usage global de leurs œuvres, dès lors que celles-ci sont diffusées sous forme de licence, de rémunération proportionnée ou de forfait. Dans les faits, c'est l'organisme collecteur qui a la charge de la redistribution des sommes aux ayants droit, au prorata des passages radio, sur la base d'une information qui se révèle lacunaire à l'heure actuelle.

L'amendement [n° 413] que nous vous soumettons a donc pour ambition de pallier cette carence d'information en obligeant les utilisateurs à fournir aux organismes collecteurs les statistiques précises des titres diffusés, afin que la répartition des rémunérations soit réellement représentative de l'audience que cumulent les œuvres.

Sans résoudre le problème abyssal de la disproportion entre la rémunération des artistes et la part du lion que se taillent la SACEM, le CNC et les majors sur les recettes générées par les biens culturels qu'ils gèrent, une telle mesure va dans le sens d'une plus grande équité de la rémunération des artistes, et d'une plus grande transparence.

Nous touchons là au cœur du problème. Vous nous avez dit, vous appuyant sur la liste des dix mille, que nous ignorions la demande des créateurs, des auteurs. Nous, nous vous disons qu'il y a une solution. Même si vous êtes encore récente dans le champ, madame Albanel, vous savez bien que l'on juge les hommes et les femmes politiques, non pas à ce qu'ils disent, mais à ce qu'ils font. Aujourd'hui, vous avez l'occasion de poser un acte en donnant le feu vert à notre amendement. Nous verrons si vos affirmations sont vérifiées par la position que vous allez prendre sur notre amendement. Nous faisons la loi, nous pouvons délibérer tout de suite et rendre une plus grande justice, au bénéfice des créateurs.

Je comprends, madame la ministre, que votre souffleur vous empêche de m'écouter. Je sais que vous avez des talents pour la stéréophonie. Néanmoins, je préférerais que vous m'écoutiez, moi, qui ai la légitimité du suffrage universel, plutôt que votre collaborateur qui vous souffle la réponse, ou M. Lefebvre, qui ne fait pas confiance à votre collaborateur, parce qu'il dispose, lui, de la partition récemment écrite.

Madame la ministre, nous tenons beaucoup à ces amendements, puisqu'il ne s'agit pas seulement du nôtre : plusieurs disent la même chose. Vous voyez bien que c'est l'un des nœuds de ce projet de loi. Allez-vous le dénouer, ou allez-vous serrer la corde au cou des créateurs ?

[...]

Madame la ministre, vous avez fait tout à l'heure une référence à mon intervention, et montré votre affection pour les artistes par une preuve d'amour chiffrée à 9 millions d'euros. Ce n'est quand même pas cher comparé au paquet fiscal : 14 milliards, ça c'est de l'amour vrai ! Vous n'êtes pas prête à acheter les créateurs, puisque vous leur donnez trois fois rien.

Nous, nous proposons un partage équitable : que ceux qui se sont donné, en fin de compte, seulement la peine d'accumuler de l'argent pour l'investir après partagent plus les bénéfices retirés avec ceux qui sont la véritable source, c'est-à-dire l'intelligence, la création. Ceux-là, vous n'augmentez leur part qu'à un niveau de 9 millions, une aumône quand notre proposition va beaucoup plus loin en reconnaissant le talent et en rémunérant l'intelligence. Vous ne voulez pas l'entendre, car vous n'êtes pas dans le champ de la rémunération de l'intelligence ; vous êtes dans celui de la rémunération du capital investi. Nous ne sommes pas du tout au même endroit – nous sommes plus proches de l'Académie et vous de la Bourse –, et nous n'avons pas les mêmes choix. C'est tout !

[...]

Cette fois, madame Albanel, vous poussez le bouchon un peu loin. Jusqu'à présent, vous étiez restée assez raisonnable dans votre aveuglement ; mais vous ne manquez pas d'audace lorsque vous affirmez que les Français approuvent la loi sur l'audiovisuel.

Votre manière de poser la question induit la réponse. Vous demandez aux Français si la disparition de la publicité sur les chaînes publiques est une bonne chose.

Or, les auditeurs et les téléspectateurs préfèrent naturellement ne pas être perturbés par la publicité. Vous auriez pu poser la question autrement : est-ce une bonne chose de réduire les ressources de l'audiovisuel public et d'accroître celles du privé ? Est-ce une bonne chose que le président de la République ait le pouvoir de nommer et de révoquer instantanément les présidents des chaînes ?

En posant la question en d'autres termes, vous avez obtenu la réponse que ceux-ci induisaient. Or nous avons connu bien des régimes autoritaires qui pensaient justement s'en sortir en présentant une vision du réel conforme à leurs fantasmes. Mais l'histoire est sévère, et punit toujours ceux qui sont en retard sur la réalité !

Les créateurs que vous évoquez ne sont pas avec vous, cela n'est pas vrai. Vous avez réussi à vendre vos salades à certains d'entre eux en leur présentant de fausses évidences. En voici quelques exemples. « Le Président roule en Citroën ; l'action Renault a perdu 90 % de sa valeur ; donc l'action Renault a baissé parce que le Président roule en Citroën. » « Il pleut ; le chômage augmente ; donc le chômage augmente parce qu'il pleut. » « Les ventes de CD diminuent ; les internautes téléchargent de la musique ; donc les ventes de CD baissent parce que les internautes téléchargent. »

C'est en égrenant ces sophismes que vous parvenez à tromper – provisoirement. Mais, lors de la dernière cérémonie des Césars, à laquelle vous avez assisté, quelques propos ont dû écorcher vos chastes oreilles. Du calme, monsieur Gosselin !

Attendez donc [votre tour] paisiblement, sans quoi vous introduirez des tensions dans un débat qui mérite la sérénité.

Je disais donc que les créateurs exigent la liberté, et ils savent bien qu'elle n'est pas de votre côté ; ce projet de loi le montre. Ils l'ont dit dans les formes que vous connaissez lors de la soirée de remise des Césars.

Quant à être isolés, madame Albanel, nous le sommes dans bien des domaines : le droit à la santé ou la laïcité, par exemple. Le mimétisme que vous préconisez, et qui nous ferait renoncer à ce qui constitue, là encore, l'exception française, doit-il devenir une politique ? Certainement pas ! Notre histoire est riche d'enseignements…

[...]

Sans doute pouvons-nous, au-delà des clivages partisans, nous accorder sur cet amendement [n° 419]. Au risque de nous répéter, nous avons déploré que votre projet ne prévoie pas la rémunération des artistes, alors même que vous prétendez parler en leur nom – tout au moins en celui de 10 000 signataires – et que vous dites les aimer. Mais vous ne pouvez témoigner de la sincérité de vos affirmations que par des actes. Comment pouvez-vous, madame la ministre, défendre un texte presque exclusivement répressif au nom de la création sans même prévoir de nouvelles rémunérations pour les artistes ?

Vous êtes pourtant bien placée pour savoir que l'immense majorité des artistes sous contrat – ne parlons pas de ceux qui ne trouvent pas de producteur sous prétexte que leur création ne serait pas rentable – ne vivent pas de leurs œuvres, en raison de la part exorbitante des recettes d'exploitation que s'octroient les sociétés de répartition des droits et les majors.

Cette situation contredit les mots de Hermann von Keyserling qui, dans son Analyse spectrale de l'Europe, décrivait les Français comme « le peuple européen de la culture par excellence ». Ainsi, l'exception culturelle française que vous brandissez comme un étendard – encore pourrait-on dire qu'il existe une exception culturelle française comme il existe des exceptions culturelles allemande ou italienne, chacune ayant ses caractéristiques propres –, est en passe de n'être rien de plus qu'une économie de la culture régie par des principes mercantiles.

C'est pourquoi, madame la ministre, nous avons souhaité, sur tous les bancs de cette assemblée, vous soumettre cet amendement afin que vous vous saisissiez de l'occasion pour prévoir, au bénéfice des artistes interprètes, une rémunération attachée à leur personne, du fait de l'utilisation de l'impact commercial de leur interprétation comme outil de vente d'espaces publicitaires en ligne. Il ne s'agit pas ici de légitimer la pratique du téléchargement illicite, mais bien de combler l'insuffisance du montant de la rémunération aujourd'hui perçue par les artistes interprètes du fait de l'utilisation licite de leurs prestations en ligne, par rapport au volume total des recettes perçues.

Les artistes ne perçoivent actuellement de rémunération que sur le prix de vente des enregistrements. Or de nouveaux modèles économiques d'exploitation ont émergé ces dernières années, qui s'appuient sur la commercialisation d'espaces publicitaires. Aucune part de ces rémunérations publicitaires n'est reversée aux artistes interprètes. La juste rémunération consisterait en une rémunération sur la publicité parallèle à la mise à disposition des œuvres. Cette rémunération serait reversée par les bénéficiaires des ressources publicitaires à la SPRD représentative des artistes en cause, qui la répartirait au vu des déclarations faites par l'exploitant des contenus protégés.

Nous sommes bien conscients que cette proposition n'offre pas de solution miracle à la faiblesse de la rémunération des artistes, mais elle constitue une piste de réflexion sur laquelle nous souhaiterions entendre votre avis, madame la ministre ; à défaut, vous apporteriez la preuve du peu de cas que vous faites des créateurs, que vous prétendez défendre.

[...]

Il s'agit d'un problème très important, celui de la reconnaissance ou non du droit, pour les créateurs, à vivre de leur travail en trouvant une source de revenu stable et transparente. J'appelle votre attention, madame la ministre, sur le caractère récurrent de ce débat. La question s'est déjà posée pour la loi DADVSI, mais aussi pour le statut des intermittents.

Nous ne le répéterons jamais assez : malgré la défense de la création dont vous vous targuez, votre texte est d'un silence assourdissant sur la problématique de la rémunération des artistes. Le fait que cet amendement soit soutenu par les trois principaux groupes de notre assemblée devrait vous pousser à y réfléchir et, nous l'espérons, à y donner un avis favorable.

L'un des principaux freins à la vente de contenus musicaux ou à leur écoute en ligne réside dans la difficulté d'obtenir l'autorisation des maisons de disques, qui refusent de manière quasi systématique l'utilisation de leur catalogue. Ce phénomène est dommageable pour le consommateur, mais également pour les artistes. Il empêche en effet que se développe une offre innovante, à un prix correspondant à ce que les consommateurs sont disposés à payer, et prive les artistes de nouvelles formes de revenus et d'un mode de distribution capable de rivaliser avec le téléchargement dit « illégal ».

Les amendements proposés visent à instaurer un système de licence collective étendue, déjà utilisé pour la diffusion des œuvres musicales protégées par un droit d'auteur sur les radios françaises.

À l'heure actuelle, les radios ne paient pas de droits d'auteur titre par titre, mais s'acquittent d'un forfait à la Société pour la rémunération équitable, laquelle en répartit le produit aux différents ayants droit par l'intermédiaire des organismes collecteurs. En étendant ce type de dispositif et ces accords à la Toile, le présent amendement rend possible l'émergence de nouvelles offres en permettant l'existence d'un marché créatif, pour l'heure inexistant. Tout acteur voulant réaliser ce type d'activité aurait pour seule obligation de payer un forfait dont le montant pourrait être fixé par une commission administrative paritaire. Ce régime permettrait que soit intégré automatiquement tout acteur n'ayant pas pris part aux négociations. Ainsi, aucun artiste ne serait lésé. De plus, il permettrait aux artistes qui ne souhaiteraient pas intégrer une licence collective de négocier de manière individuelle et indépendante.

Voilà, madame la ministre, une proposition concrète et constructive, qui ne coûtera rien à l'État et marquera un geste fort en direction de la création, si vous décidez de la retenir. La rejeter, en revanche, apporterait la preuve flagrante de la sujétion de votre ministère aux lobbies de l'industrie du disque, ainsi que de votre mépris pour les artistes, que vous dites tant aimer, Thomas Dutronc, Mireille Mathieu et Vanessa Paradis en tête ! Vous ne pouvez plus reculer, madame la ministre. Soit vous acceptez cet amendement, et nous essayons d'avancer à tâtons, avec la part d'expérimentation que comporte notre volonté de trouver des solutions pour donner des revenus stables aux créateurs et aux artistes.

Vous devez nous donner une réponse, au moins proposer une ouverture. Vous devez faire honneur, madame la ministre, à votre titre et à la place prestigieuse que vous occupez dans ce gouvernement. Comme l'a rappelé Patrick Bloche, c'est le cinquantième anniversaire de la création de votre ministère. Marquez cet anniversaire d'une pierre blanche, en montrant que vous avez le souci des artistes et des créateurs et que vous voulez, vous aussi, leur apporter des revenus stables, grâce à une création rémunérée. Ainsi, nous ne retomberons pas dans les discussions que nous avons eues lors du débat sur les intermittents du spectacle, dans le cadre du comité présidé par notre collègue Étienne Pinte.

Lorsque nous avons interrogé M. Gautier-Sauvagnac, qui représentait le patronat... Je ne sors pas du débat : il s'agissait de rémunérer la création et le travail des artistes. M. Gautier-Sauvagnac nous avait répondu que ce n'était pas son problème !

Madame la ministre, vous devez trancher.

[...]

L'article 2 est en effet essentiel.

Une fois de plus, la preuve est faite qu'une réforme, en France, ne peut s'envisager sans que soit créée une nouvelle autorité administrative indépendante, permettant au ministre concerné – en l'occurrence vous, madame Albanel – de se débarrasser de ses responsabilités. Sous couvert de hautes autorités, l'État abdique sa propre autorité en la confiant à des experts, comme par hasard proches du pouvoir, et souvent autoproclamés.

L'article 2, autour duquel est construit le projet de loi, contient à lui seul tout le dispositif répressif. Or cette riposte graduée, que vous drapez d'atours pédagogiques, pose un certain nombre de problèmes qui en font un dispositif juridique inacceptable, inefficace et dangereux. Revenons très rapidement – car nous aurons l'occasion d'en rediscuter – sur les aspects juridiques. Votre texte est avant tout contraire au principe fondamental du droit à un procès équitable permettant à un accusé d'assurer sa défense à l'occasion d'une procédure contradictoire : l'usager n'aura pas le loisir de connaître les contenus des éléments qu'il est accusé d'avoir téléchargés, et ne pourra contester la sanction qu'a posteriori, devant les juridictions judiciaires, et, bien entendu, à ses frais. C'est bien à vous, qui avez été à Versailles, qu'il revenait de rétablir la lettre de cachet !

Cette procédure est d'autant plus choquante qu'elle induit une inversion de la charge de la preuve : c'est à l'usager, désormais, de prouver qu'il n'est pas coupable, que sa connexion était sécurisée ou qu'elle a été utilisée à son insu. Souhaitons donc bien du courage à ces usagers souvent néophytes, que l'on condamne en raison d'une aptitude technique qu'ils n'ont pas, ou dont on met en cause, par le fait d'autrui, la responsabilité. En outre, vous exposez l'usager à une triple peine : une sanction de suspension qui ne l'exonère pas de payer pour un service dont il ne jouit plus, et qui n'empêchera pas une potentielle action en contrefaçon devant les juridictions judiciaires.

Ces quelques éléments mettent en évidence, s'il en était besoin, la défiance de votre gouvernement vis-à-vis de la justice, défiance qui n'a d'égale que la quête du chiffre : 360 000 suspensions de connexion constituent « un objectif raisonnable », annoncez-vous calmement ! Voilà le véritable Graal dont M. Sarkozy parlait le 23 novembre 2007 en matière de lutte contre la piraterie ! La culture du résultat chère au Président de la République se traduit donc par 360 000 suspensions de connexion comme par 28 000 expulsions d'immigrés ; dommage que vous n'ayez pas les mêmes objectifs pour la lutte contre la délinquance et la fraude !

Mais la perfidie qui consiste à stigmatiser l'échange de pair à pair en le qualifiant, de manière anxiogène, de piratage des œuvres culturelles, sert en définitive des intérêts mercantiles ; elle vous permet de brouiller l'écoute des citoyens et de l'opinion au nom de la défense de la culture et des créateurs.

En réalité, contrairement à ce que vous voulez faire croire, l'Internet n'est une menace ni pour la culture ni pour les artistes ; en revanche, c'est une réelle opportunité pour l'industrie de prendre le contrôle de ce qui échappe encore à son marché. En instaurant la riposte graduée à la demande des industriels, vous cautionnez la crispation de secteurs qui renâclent à opérer leur mue et demandent encore quelques instants de répit au réel, arc-boutés qu'ils sont sur des taux de rentabilité qui constituent des outrages aux artistes.

Nous considérons, madame la ministre, que la culture est un bien commun universel, qui s'échange et circule depuis la nuit des temps, notamment par la copie. Octavio Paz écrivait : « Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l'inverse, c'est de l'isolement que meurent les civilisations. »

Souhaitez-vous réellement, pour satisfaire l'industrie culturelle, apparaître dans l'histoire comme la ministre qui aura mis en place une sanction pénalisant la diffusion de la culture et favorisé les positions dominantes des distributeurs et des majors sur l'Internet, sans pour autant revoir les modes de rémunération des artistes que vous prétendez défendre ?

Fidèle à la philosophie qui anime votre gouvernement, vous présentez cette riposte graduée comme le seul rempart pertinent pour protéger les créateurs. Serez-vous la ministre de la culture, ou celle des petits sous pour les majors ?

[...]

Le présent projet de loi, madame la ministre, ne sert qu'aux industries culturelles – deux mots qui ne vont pas très bien ensemble –, incapables de se remettre en question face à la fonte de leurs profits, et qui font semblant de trembler face aux menaces de piraterie et de culture gratuite.

Les formes traditionnelles de distribution culturelle et de protection des œuvres volent en éclat en même temps que la diversité culturelle. Et l'usine à gaz que vous inventez ne vise en réalité qu'à protéger des formes archaïques, fossilisées. À cet égard, il est intéressant de noter, chers collègues, le parallèle entre ce texte et le projet de loi sur l'audiovisuel public auquel nous nous consacrions il n'y a pas si longtemps.

Ce sont donc les seuls et uniques impératifs financiers et économiques des grandes entreprises médiatiques qui voient leurs chiffres d'affaire baisser qui vous occupent. Il y a deux mois, vous punissiez France Télévisions de trop bien gérer l'entreprise publique, aujourd'hui, vous vous attaquez aux internautes partageurs, autrement dit aux citoyens lambda.

La création artistique, libérée des contraintes commerciales, doit être encouragée par la possibilité de court-circuiter les majors, de dépasser leur politique frileuse de standardisation à grand renfort de campagnes de marketing. Comme le disait notre collègue Dionis du Séjour, quelle valeur ajoutée créent-elles donc ?

Contrairement à ce que vous semblez penser, Internet accélère les croisements entre les cultures, multiplie les occasions d'échanges donnant naissance à de nouvelles formes artistiques. Effectivement, cet Internet participatif et interactif fait du spectateur consommateur un acteur à part entière, qui ne remplit plus les attentes des entreprises de communication. Elles perdent aujourd'hui la main, une main graissée par les intérêts économiques et agitée par la mécanique du marketing : une perte qui, à nos yeux, relève plutôt du gain.

Avec l'émergence de l'idée d'un contrôle des ordinateurs individuels aux fins d'assurer la survie du système, nous entrons au cœur de l'ambiguïté entre libéralisme et liberté où les tentations plus ou moins voilées de contrôle de l'espace privé voient le jour. Et vous êtes, madame la ministre, là où les multinationales vous demandent d'être afin qu'elles puissent enfin contrôler ces espaces de temps libre et de libertés individuelles de nos concitoyens. Oui, madame la ministre, vous êtes la sentinelle de ces groupes mercantiles.

Permettez-moi de revenir sur un aspect dont on parle peu mais qui est, malgré tout, au cœur de ce projet de loi : Internet et le téléchargement illégal participent de l'abandon progressif des moyens de contrôle sur la production de symboles indispensables à la culture occidentale. En effet, c'est tout le système de valeurs morales économiques et politiques de l'Europe de l'Ouest, porté par les produits culturels conformes, qui est ébranlé. Comment ne pas se réjouir de ce mouvement qui augure d'un monde nouveau ?

Avec cet article 2, toutes les conditions sont réunies pour que l'internaute partageur retrouve le droit chemin, celui du respect des sacro-saintes règles commerciales, celui du respect du profit à tout prix pour des majors incapables de se remettre en cause.

Finalement, les seuls qui se voient punis avec votre projet de loi, ce sont l'internaute partageur et, on l'oublie trop souvent, l'artiste dont la rémunération ne sera pas augmentée pour autant.

Pour faire vite, une Haute autorité indépendante, sans contrôle de l'autorité judiciaire, autrement dit une instance d'exception, pourra punir l'usager d'Internet à partir de l'identification de l'adresse IP, seule preuve de l'infraction, d'une faiblesse juridique rarement rencontrée.

C'est en quelque sorte, madame la ministre, la bourse contre la liberté, la trique ou la soumission !

Bref, tout dans cet article – et je termine, monsieur le président – contribue à criminaliser les internautes les moins en pointe sur le sujet, au nom de la sauvegarde de la diversité culturelle, alors que rien dans ce texte ne vise à favoriser la création et à améliorer la rémunération des artistes.

Nous proposons donc la suppression de cet article, au nom de la défense de la liberté de la création et de la capacité pour notre monde à se renouveler.

12/03/2009 Débats HADOPI : renvoi en commission, partage sur Internet, répression, propagande, droits fondamentaux, accès Internet

Selon M. Gosselin, c'est une loi qui ne durera pas très longtemps.

C'est vrai que ce gouvernement a une créativité extraordinaire puisqu'il vient d'inventer les projets de loi rectificative mensuels. On peut donc imaginer la durée de vie de votre loi, madame la ministre.

Le rapporteur et vous-même étiez dans vos rôles tout à l'heure, avec un certain talent d'ailleurs. On me dit que vous avez reçu chacun deux mails, un de M. Olivennes et un du PDG d'Universal, pour vous remercier de défendre leurs intérêts avec un grand zèle.

Monsieur Riester, vous parliez de musique. Moi, je préfère la flûte et la harpe à la grosse caisse que vous utilisez.

Mme Billard a très bien démontré que les dispositions que vous prenez ne permettront pas d'atteindre les objectifs que vous fixez.

Avec « jaimelesartistes.com », il y a même intrusion dans la vie privée des parlementaires. Si, même ici, nous ne sommes pas protégés, madame Albanel, ce n'est pas avec vous que nous devrions discuter, mais avec M. Morin, le ministre de la défense, pour mettre en place des systèmes plus sécurisés.

En réalité, ce n'est pas l'objectif. La vérité, vous l'avez dite, et pas seulement entre les lignes, à propos de cette loi DADVSI qu'il eût fallu abroger comme Patrick Bloche l'a très bien expliqué : vous avez déclaré en effet que cette loi a permis d'attraper le gros poisson mais qu'il reste du « petit piratage, léger, inconscient ». Autrement dit, vous vous acharnez sur les petits, les faibles, pour les livrer aux requins.

Je ne fais pas pleurer. Nous, nous sommes là pour défendre les libertés des gens qui n'ont pas les moyens de faire entendre leur voix, c'est ici notre légitimité. Vous, vous êtes les fondés de pouvoir des privilégiés. Mme Albanel dit d'ailleurs que, sur 99 centimes d'euros, l'auteur en perçoit dans certains cas jusqu'à 9 ! Un cheval, une alouette, c'est ainsi que vous voyez l'égalité. Nous, nous sommes les fils de la Révolution française de la Commune de Paris. Ça vous fait hurler ? C'est l'hommage du vice à la vertu que vous nous rendez.

Évidemment qu'il faut retourner en commission, madame la ministre, puisque vous n'avez fait ni évaluation de la loi DADVSI ni étude d'impact pour savoir ce que pourrait donner votre nouvelle loi. Vous n'appliquez même pas les critères définis dans la réforme constitutionnelle et dans la révision générale des politiques publiques. Vous avez un objectif, et tout le resten'est qu'habillage pour faire passer la pilule et la rendre moins amère.

Qui est responsable de la misère des auteurs, des auteurs-interprètes ? Qui a cassé le statut des intermittents ? C'est vous, mais vous ne voulez pas l'admettre.

Après les centres de rétention administrative pour les travailleurs immigrés, vous inventez le centre de rétention électronique où, dans un espace immatériel comme il se doit, vous allez reléguer tous les internautes que vous aurez poursuivis de vos foudres parce qu'ils ne contribuent pas assez à l'enrichissement des majors.

Nous refusons cette mise en quarantaine de tous ceux qui sont obligés d'utiliser Internet. Je ne parle pas de ceux qui l'utilisent pour le plaisir, même si je ne vois pas pourquoi on ne l'utiliserait pas également pour le plaisir, mais de tous ceux qui cherchent un travail. Imaginez le père ou la mère de famille dont le fils ou la fille aura téléchargé sans les en informer. Ces parents, au chômage, n'auront pas le droit d'utiliser Internet parce que vous les aurez bouclés, peut-être avec un bracelet électronique, dans le centre de rétention électronique.

Nous sommes là pour défendre les libertés individuelles et collectives et nous allons mener une lutte pied à pied, comme l'ont fait nos ancêtres à Valmy, seuls contre toute l'Europe de la coalition. Nous sommes les héritiers de cette tradition de liberté que vous foulez aux pieds.

[...]

Madame la ministre, des questions simples vous ont été posées. Sur le site en question, Bouygues, TF1, M6 sont appelés des « partenaires ». En quoi sont-ils des partenaires ? Vous dites qu'ils n'ont rien payé. Ce qui serait pire encore, c'est que vous vous acoquiniez avec de tels « partenaires » gratuitement, si j'ose dire, que vous leur serviez la soupe sans leur faire payer leur écot.

Notre collègue Patrick Bloche a fait une proposition qui pourrait être consensuelle. Que vous ayez le droit de vous exprimer, en tant que membre du Gouvernement, sur un site financé par le ministère, il n'y a là rien que de très normal. Mais le pluralisme appelle la pluralité des expressions. Nous pourrions sortir de la présente difficulté si vous vous engagiez à ce que chacun des groupes présents dans cet hémicycle puisse réagir à votre position.

Je termine en rappelant, madame la ministre, que vous avez dit qu'il ne fallait pas confondre communication et propagande. Or il se trouve que je suis le rapporteur spécial des crédits du Premier ministre, j'ai découvert, l'année dernière, que 5 millions d'euros étaient prévus pour la communication. Mais, subrepticement, en catimini, 4 millions d'euros supplémentaires ont été utilisés à cette fin. Ils ne devaient pas apparaître au grand jour. Monsieur Lefebvre, vous qui êtes la petite voix de sa majesté impériale, savez-vous quel était l'objet de ces 4 millions d'euros ? Cette somme était destinée à financer une campagne – vous allez me dire s'il s'agissait d'une campagne de propagande ou de communication – pour convaincre les Français qu'en 2008, leur pouvoir d'achat avait augmenté.

Madame la ministre, si vous voulez échapper à la critique qui vous reproche de faire de la propagande, acceptez le pluralisme.

Si vous l'acceptiez, je pense qu'il pourrait y avoir un consensus entre nous. Vous qui êtes une femme de culture, vous ne pouvez pas être hostile au pluralisme, sauf à enterrer à nouveau nos grandes personnalités des Lumières.

[...]

Monsieur Laffineur, pour ne pas judiciariser, il y a une solution simple : ne pas faire de nouvelles lois, surtout quand elles sont inutiles.

Nous connaissons depuis longtemps notre collègue Patrice Martin-Lalande : il sait ce que parler et écrire veut dire, y compris à propos de l'espace numérique. Deux phrases de son amendement sont extrêmement importantes : « L'accès à Internet constitue un droit fondamental. » et : « Le droit à l'anonymat numérique est reconnu à chaque individu. ». Dans l'exposé sommaire, il utilise l'adverbe : « solennellement ». Il est vrai que sa rédaction a une connotation solennelle, ce qui renvoie à des textes qui font honneur à notre État républicain. Nous sommes évidemment très favorables à cet amendement.

Madame la ministre, vous nous répondez qu'on n'est pas obligé d'avoir Internet chez soi. Mais Martine Billard l'a fort bien dit : les droits évoluent. L'accès à l'électricité et à l'eau est un droit fondamental, et le droit à la communication est devenu, lui aussi, un droit fondamental. Songez à la vieille dame isolée dans son village du Massif Central et qui, aujourd'hui, peut communiquer avec ses petits-enfants. Vous voulez les priver en ne reconnaissant pas cette faculté comme étant un droit fondamental. Vous qui avez été à Versailles – seulement de passage, je le reconnais... [Quatre ans !] Vous avez l'air de dire cela comme si ces quatre ans, c'était la perpétuité. Je reconnais que c'est quatre fois plus que la peine que vous proposez ! À Versailles, du temps de sa splendeur et de la présence de son résident le plus illustre, le Roi Soleil, il n'y avait pas de robinet, et ce n'était pas un droit fondamental que d'avoir l'eau chez soi. Aujourd'hui, chacun considère que c'en est un.

Vous avez dit que l'accès à Internet était possible dans nombre de lieux en dehors de son domicile. Mais pour l'eau, c'est la même chose. Si je suis votre raisonnement, allez-vous alors renvoyer les gens qui n'ont pas pu payer leur facture d'eau à la borne-fontaine la plus proche ou bien au lavoir, ou bien encore faire appel aux porteurs d'eau qui descendraient en ligne directe des familles spécialisées qui ravitaillaient Versailles à l'époque ? Bien sûr que non. Si nous raisonnons par analogie, il est incontestable que l'accès à la communication numérique est un droit fondamental. À ce titre, j'apprécie particulièrement le caractère solennel que notre collègue Martin-Lalande a donné à la rédaction de son amendement. Les collègues, quel que soit leur banc, sont placés ce matin devant leurs responsabilités. Comme ce projet de loi est globalement médiocre et dangereux, ils ont là l'occasion de prendre position. Vous voyez bien, mes chers collègues, que, si cet amendement est adopté, il donnera une autre portée et un autre sens au projet de loi, et il amènerait évidemment l'Assemblée à en décliner toutes les conséquences dans la suite de son examen.

[...]

Je voudrais m'appuyer sur les propos de notre collègue Marc Laffineur. En gros, il a dit : reconnaître qu'il s'agit d'un droit fondamental serait aller trop loin. Qu'est-ce qu'un droit fondamental ? C'est un droit ouvert à tous, nous le savons depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Souvenez-vous, à l'époque, qui disait que tout ça allait trop loin. Trois états étaient réunis : le tiers état, le clergé et la noblesse. Deux disaient : ça va trop loin ! Certains auraient même préféré ne pas commencer du tout. À un moment donné, le clergé et la noblesse – et vous représentez bien la noblesse, celle des coffres-forts – ont expliqué que cela allait trop loin, et ils se sont opposés aux droits conquis par le tiers état, que nous représentons ici – nous en sommes les filles et les fils, et fiers de l'être !

Nous sommes donc pour un droit pour tous, un droit fondamental, le droit numérique, le droit de la communication.

[...]

Avant de défendre mon amendement [n° 336 Rect.], je voudrais souligner, à l'intention des gens qui nous regardent, les rapports de forces tels qu'ils existent actuellement et qui ne correspondent pas à la réalité du pays.

Il en va de la responsabilité de chaque citoyen pour que le rapport de forces dans l'hémicycle soit à l'image du pays réel, et qu'on ne soit pas dans ce monde improbable que nos collègues de l'UMP représentent.

Madame la ministre, aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs titulaires d'un accès à des services de communication au public en ligne sans décision préalable des autorités judiciaires, conformément à l'article 11 de la charte droits fondamentaux de l'Union européenne concernant la liberté d'expression et d'information.

Nous condamnons, à plusieurs titres, le système de la riposte graduée opéré par la Haute autorité à laquelle vous donnez le pouvoir de juger et de sanctionner, ce qui doit rester une prérogative exclusive de l'institution judiciaire indépendante du pouvoir exécutif. Par cet amendement, nous voulons réintroduire des principes essentiels du droit des personnes.

En effet, votre loi entre en totale contradiction avec la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui prévoit :« Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir d'ingérence d'autorités publiques et sans considérations de frontières. » C'est dans cet esprit que l'amendement 138 au « paquet télécoms », que nous reproduisons ici, a été adopté par le Parlement européen le 24 septembre 2008, par 88 % des eurodéputés, tous groupes confondus.

En matière de déni de droit, permettez-moi tout d'abord de rappeler que la coupure de l'accès à Internet représente, dans la société moderne, une sanction très lourde de conséquences. Cela instituerait une forme d'exclusion qui peut avoir de graves répercussions sur le plan professionnel et personnel. Il semble impensable qu'une Haute autorité ait un tel pouvoir, sans que la décision soit motivée par des considérations plus impérieuses que celles du « respect du droit d'auteur » que vous invoquez et auquel vous sacrifiez une possibilité pour chacun de s'informer et de se cultiver. En revanche, vous ne voulez pas sauvegarder ces droits d'auteur d'une façon sonnante et trébuchante.

Les prérogatives de l'HADOPI entrent également en contradiction avec le principe de proportionnalité. La Cour de justice des communautés européennes a rendu un arrêt du 29 janvier 2008, «Promusicae contre Telefonica », stipulant que les droits de propriété intellectuelle ne pouvaient être placés au-dessus des droits fondamentaux de respect de la vie privée, qui seront bafoués par le fonctionnement de la Haute autorité.

Madame la ministre, vous vous improvisez ainsi gendarme des communications. Dans quel but ? Pour protéger les intérêts financiers des grands groupes ! Votre gouvernement privilégie encore une fois l'application des droits relatifs à la propriété privée, exploités ici au premier chef par les majors du disque, au détriment de la liberté de citoyens et du droit des auteurs.

Il devient nécessaire dans ce pays que les parlementaires se mobilisent pour protéger la vie privée des citoyens contre ces dérives autoritaires. En se passant de la justice, votre gouvernement se détourne des fondements constitutionnels qui font – faut-il parler à l'imparfait ? – de notre pays un État de droit, et que nous défendrons ici farouchement.

[...]

Il y a un désaccord fondamental entre nous, madame la ministre : vous ne voulez pas reconnaître l'époque où nous vivons.

Le droit à la communication est selon nous un droit fondamental. Votre position, madame la ministre, est tout à fait intéressante. Sans nier le droit européen, vous refusez de vous y conformer. D'ailleurs, M. Warsmann, parlementaire pourtant actif – mais peu progressiste, il est vrai : nul n'est parfait –, ne dit rien ; à vrai dire, tout cela le gêne un peu.

Si l'on vous suit bien, madame la ministre, il restera, à ceux que vous punirez méchamment, la voix – mais si la grand-mère habite loin, ce sera difficile – ou les signaux de fumée. Il n'y a pas, dites-vous, de droit imprescriptible au permis de conduire. Mais les droits fondamentaux ont évolué ! Du temps de Louis XIV, les droits à la santé, au logement, au repos ou à la retraite n'existaient pas ; ils ont été conquis par les forces vives de notre peuple auxquelles s'opposent nos collègues de l'UMP.

Comparaison n'est pas raison, madame la ministre ; j'en ferai une qui prouvera votre erreur. Le droit de posséder un compte bancaire est désormais reconnu, y compris pour ceux qui n'ont plus de compte. J'aperçois l'un de vos conseillers venir à votre secours avec une bouée, vous sentant comme sur une plaque qui, en train de se détacher d'un iceberg, commence à dériver.

Prenez garde, les eaux sont glacées ! Vous voyez bien que vos comparaisons, madame la ministre, ne sont pas raisonnables : le droit à la communication est assurément aussi fondamental que celui de posséder un compte bancaire. Quant à votre comparaison entre l'accès à l'Internet et le problème du dopage, elle témoigne d'une certaine audace de votre part, ce qui ne me semble pas être votre caractère premier.

Faut-il s'en remettre à Jean-Louis Debré et à Jacques Chirac, que vous réussissez à nous faire regretter ? S'ils ne sont pas de gauche, ils sont républicains. Faut-il s'en remettre à eux pour endiguer vos ardeurs liberticides ?

11/03/2009 Débats HADOPI : propagande, discussion générale, échanges sur Internet, industrie du divertissement, riposte graduée, sanctions, autorité judiciaire, surveillance

Au moment où nous entamons la discussion de ce projet de loi, il faut que le débat soit équilibré. Or tout à l'heure, madame la ministre, je vous ai vue sur TF1.

Peut-être n'était-ce pas assez long à votre goût ; pour ma part, j'ai trouvé que cela l'était déjà trop.

Et si j'ai trouvé votre intervention trop longue, c'est parce que l'équilibre n'était pas respecté.

On n'y entendait que la voix de son maître – la vôtre –, pas celle de la contradiction. C'est normal : M. Bouygues ne peut rien refuser à ses amis, et réciproquement !

Il faut que le débat s'anime, monsieur le président, pas seulement dans cet hémicycle.

J'apporterai ma contribution, monsieur le président, je vous le promets !

Oui, il faut que le débat s'anime, en utilisant les moyens d'aujourd'hui. D'une certaine manière, on peut parler de « e-démocratie », de démocratie électronique. Tout à l'heure, à la tribune, notre collègue Franck Riester s'est livré à une prestation de qualité – même s'il était totalement à côté de la plaque par rapport à ce que nous, nous pensons ! Personne ne peut nier qu'il a défendu un point de vue, le vôtre et celui des privilégiés.

Reste, madame la ministre, que tous ceux que ce sujet intéresse ne peuvent pas être dans les tribunes.

Heureusement, ils peuvent nous suivre grâce à Internet – et je constate que l'appel que j'ai lancé aux internautes a déjà été entendu.

Je ne suis pas aussi rompu que Franck Riester à la pratique d'Internet.

Ces jeunes aiment prendre des initiatives : ainsi, ils ont mis en place des liens pour accéder plus facilement à votre site, madame la ministre.

Il reste que Franck Riester pâtit d'une injustice.

Franck Riester est un des espoirs de l'UMP et porte les intérêts des privilégiés ; or il n'est pas encore destinataire des mails des jeunes du pays.

Je m'adresse aux jeunes internautes qui suivent notre débat en direct : adressez-vous à tous ceux qui ne vous écoutent pas, qui ne vous entendent pas, envoyez-leur des mails qu'ils liront, à défaut de vous entendre !

[...]

Madame la ministre, permettez-moi de m'étonner qu'après la tumultueuse et laborieuse adoption de la loi DADVSI, nous soyons à nouveau réunis pour discuter d'un texte sur l'Internet, alors que le précédent, qui a d'ailleurs fait l'objet de multiples controverses, était en partie inapplicable.

Je constate d'ailleurs que si l'on a beaucoup parlé d'études d'impact et d'évaluation dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il n'en a jamais été question pour ce texte. Là, c'est le vide sidéral ! Il est vrai que son évaluation serait une forme d'autocritique accablante. Certes, vous n'étiez pas ministre de la culture en 2005, mais un de vos cousins politiques occupait votre poste et M. Sarkozy était alors membre du Gouvernement.

Quoi qu'il en soit, la promesse du Gouvernement de mettre en place une plate-forme publique de téléchargement « visant à la diffusion des œuvres des jeunes créateurs dont les œuvres ne sont pas disponibles à la vente sur des plateformes légales et la juste rémunération de leurs auteurs » n'a même pas été tenue. Alors que, je le répète, aucune évaluation publique n'a permis jusqu'alors de mesurer l'impact à moyen terme de ce texte, vous voilà, madame la ministre, en service commandé. Car vous n'appartenez pas à la famille de Gribouille et, si cela n'avait tenu qu'à vous, vous ne nous auriez pas présenté un texte aussi mal préparé, sans avoir dressé un bilan de la loi précédente. Mais, sa majesté impériale ayant demandé et validé lui-même le rapport Olivennes, vous sortez de votre chapeau une autre loi sur Internet et la création, qui est, au mieux, inopportune et inutile, au pire, perverse et liberticide.

Avant d'aborder les points les plus problématiques de votre projet de loi, notamment la création de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, j'aimerais tordre le cou à quelques idées, qui, si elles ont, pour les grandes maisons de disque, l'avantage de légitimer leur stratégie d'appropriation du formidable outil qu'est Internet, n'en sont pas moins fausses.

M. le Président de la République a déclaré récemment que « le clonage et la dissémination des fichiers ont entraîné depuis cinq ans […] la ruine progressive de l'économie musicale en déconnectant les œuvres de leurs coûts de fabrication et en donnant cette impression fausse que, tout se valant, tout est gratuit. » Il est vrai qu'en matière de gratuité, le Président de la République est un expert, dès lors qu'il s'agit de lui-même.

[Et de ses vacances !] Notamment, mais pas uniquement. Pour le reste, c'est M. Je-sais-tout...

En effet, la plupart des études commises sur le sujet ne parviennent pas à prouver le lien entre, d'une part, téléchargement et, d'autre part, baisse des ventes de CD, de places de cinéma ou de la consommation de biens culturels, au contraire.

Comme l'ont écrit les membres de la Quadrature du Net, « même les études du ministère de la culture sur les usages d'Internet font apparaître que les populations jeunes, fortement utilisatrices d'Internet, parmi lesquelles on trouve une forte proportion de partageurs de fichiers, ont une fréquentation des salles de cinéma et des concerts accrue et une consommation de biens culturels qui n'est pas réduite, voire accrue ». C'est une étude du ministère de la culture, monsieur Gosselin !

Votre conception de la rationalité me dépasse ; elle est aussi ferme qu'une motte de beurre de la Manche !

Je le sais, monsieur Gosselin. C'est aussi mon pays !

S'il est vrai que l'on n'a jamais autant téléchargé sur Internet, la fréquentation des salles de cinéma n'a jamais été aussi importante. Il semblerait que seul le temps passé devant la télévision ait été réduit. Peut-être est-ce là ce qui gêne notre président de la République, qui s'arroge le droit de nommer les présidents des sociétés d'audiovisuel public et de se produire trois fois en prime time depuis janvier 2009.

En effet, si le nombre de téléspectateurs baisse, la valeur marchande de la publicité – que le Président de la République avait promis à ses amis de transférer des chaînes publiques vers les chaînes privées – sera moindre.

Compte tenu de ce manque à gagner, on peut penser que ses amis vont de nouveau tendre la main. Qu'ils ne s'inquiètent pas, le Président de la République sait toujours faire preuve d'imagination, dès lors qu'il s'agit de leur faire plaisir. Nous devrons donc bientôt, à n'en pas douter, examiner de nouveaux projets de loi destinés à les satisfaire.

On aurait pu imaginer que le Gouvernement veuille faire respecter la loi et le droit d'auteur en assimilant le téléchargement à du vol. Mais, après l'affaire polémique de l'utilisation du tube du groupe de rock MGMT lors des meetings de l'UMP sans l'autorisation de ses ayants droit, permettez-moi d'en douter, madame la ministre !

Alors, quoi ? Cette loi a-t-elle pour but de protéger les artistes interprètes et de favoriser la culture ? Quand on sacrifie le statut des intermittents du spectacle, ce qui nuit particulièrement à la création musicale et aux compagnies de spectacle vivant, il est peu crédible de s'autoproclamer défenseur de la création.

La création, particulièrement sur Internet, que ce soit avec les logiciels libres ou les initiatives pour une diffusion libre des œuvres par leurs auteurs eux-mêmes et sans intermédiaire, se heurte encore et toujours à l'hégémonie des grandes sociétés de production, comme Universal, qui soutiennent votre loi.

Elles savent non seulement de quoi elles parlent, mais aussi et, surtout, elles savent compter – et compter sur vous. Sur ce point, elles ont raison, car vous ne leur faites jamais défaut quand elles vous appellent à la rescousse.

Ces majors, qui n'ont fait aucun effort pour diversifier l'offre sur Internet, ont été dépassées par la vivacité et la créativité des internautes qu'elles veulent désormais brider.

Mais restons-en aux faits : si la vente de CD a en effet diminué, je vous l'accorde, c'est bien parce qu'ils sont devenus des produits de consommation quasiment luxueux. Leur prix n'a pas changé depuis vingt ans, à l'inverse de tous les autres produits numériques et de haute technologie comme les ordinateurs ou les lecteurs audio. Pourquoi ? Parce que les majors s'en sont mis plein les poches : elles ont continué à engranger des bénéfices exponentiels.

Votre loi, inspirée par Denis Olivennes, ancien membre du comité exécutif de Vivendi-Universal et ancien directeur de la Fnac – qui, soit dit en passant, va supprimer 400 postes en France...

[À cause du développement du téléchargement illégal !] Allons, monsieur le rapporteur, la situation aurait-elle changé de façon significative en quelques mois ?

[Elle évolue très rapidement !] Bien sûr que non ! Les amis du Président utilisent les circonstances pour apporter de l'eau à votre moulin. C'est cela la vérité et je sais bien qu'elle vous gêne !

Comment expliquez-vous donc que Total, malgré 14 milliards de bénéfices, licencie ? Si des entreprises de ce type se sentent autorisées à agir ainsi, c'est qu'elles savent qu'elles n'ont rien à redouter de vous et que vous n'avez rien à leur refuser.

Si la vente de CD a baissé, c'est à cause des prix prohibitifs pratiqués par les majors. Universal Music, Sony, EMI ou Warner continuent de dicter leurs conditions sur le marché de la musique et se taillent la part du lion : 50 % de la vente des CD et 60 % de la vente des fichiers musicaux. Des chiffres que vous vous êtes bien gardés de nous donner. Alors qu'Universal Music a fait plus de 408 millions de bénéfices en 2008, en augmentation de 21,8 % par rapport à l'année précédente, seulement 3 % des auteurs-interprètes perçoivent un montant de droits au moins égal au SMIC – Didier Mathus l'a rappelé.

Disons-le tout net : rien dans votre loi ne concerne la rémunération juste et équilibrée des artistes-créateurs ! L'argent, il y en a, mais l'important, c'est, comme disent les jargonneux, de le « flécher » dans le bon sens : de ceux qui en ont beaucoup vers ceux qui n'en ont pas. Là serait la justice ; mais, bien évidemment, c'est un mot que vous n'avez jamais trouvé dans votre dictionnaire de classe.

Vous pouvez toujours rire de votre politique, monsieur Gosselin, mais n'oubliez pas que, pendant ce temps-là, il y a des gens qui souffrent, y compris dans la Manche.

[À Montreuil aussi !] À ceci près que le député de Montreuil ne défend pas les intérêts des adversaires des pauvres gens.

Votre projet de loi, madame la ministre, prévoit que les personnes qui téléchargent ou échangent des œuvres sur Internet se voient désormais appliquer des sanctions selon le mode de la riposte graduée, un terme emprunté au vocabulaire de la guerre froide !

Après l'envoi de deux lettres recommandées, la ligne Internet sera coupée pour une durée maximale d'un an, sans toutefois que son paiement à l'opérateur, en l'état actuel de votre texte, soit suspendu. C'est, en somme, une sorte de double peine. On imagine aisément les conséquences dramatiques que cela suppose de nos jours, alors que beaucoup de nos activités quotidiennes et professionnelles dépendent de cet outil. Après une coupure de ligne, comment feront les étudiants en quête de documentation ou les salariés qui travaillent chez eux ? De surcroît, la suspension pourra affecter toute une famille, devenant ainsi une sanction collective, ce qui est inacceptable.

C'est une peine qui semble quelque peu disproportionnée par rapport au délit de diffusion de la culture !

Par ailleurs, tout cela se fera dans le cadre d'une procédure qui ne permettra pas aux usagers dont l'adresse IP a été identifiée comme ayant servi au téléchargement de se défendre. Ils ne pourront pas non plus obtenir d' informations sur les faits qui leur sont reprochés avant la décision de sanction. À ce propos, on peut faire confiance à l'un des créateurs d'Internet, l'américain Vinton Cerf, quand il affirme que 30 % à 40 % des ordinateurs en fonction sur le réseau sont piratés. Comment sécuriser l'accès à Internet si l'ordinateur est lui-même infecté et utilisé à distance ? Peut-on demander aux particuliers de réussir là où les professionnels échouent ? Allez-vous prendre le risque de punir en majorité des innocents ? Qui peut dire que ce ne sont pas de vrais problèmes ?

Les internautes sont, pour la plupart, incapables de faire face aux rapides développements des techniques de piratage qui rendent la sécurisation d'une ligne Internet quasiment impossible, sauf bien sûr ceux qui organisent le trafic et la contrefaçon à grande échelle. Pour ceux-là, laissez les juges faire leur travail !

Du reste, les effets pervers de ces procédures de contrôle informatique ne tarderont pas à se faire sentir. Les pirates chevronnés ne manqueront pas de mettre rapidement en œuvre des moyens de contournement utilisables pour d'autres délits plus graves de cybercriminalité impliquant les réseaux de pédopornographie ou les cybermafias, ce qui risque de compliquer grandement la tâche des autorités.

Cette mesure coûteuse – l'État prévoit plus de mille coupures par jour, précédées de deux lettres recommandées, soit plus de 6 millions d'euros de dépenses par an – ne sanctionnera donc que les internautes de bonne foi, qui ne pourront être protégés par les dispositions habituellement prévues par la Constitution et la loi pénale, celles qui instituent la présomption d'innocence, celles qui donnent le droit à un procès équitable, celles qui assurent le respect de la vie privée, celles qui garantissent un accès à la culture pour tous.

Je ne m'attarderai pas plus longtemps sur des considérations d'ordre technique, sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir au cours de la discussion des articles. Permettez-moi seulement d'exprimer mes doutes sur l'opportunité de sanctionner les usagers sur le fondement d'un défaut de sécurisation de leur connexion. Que n'avez-vous, dans votre logique de répression, ciblé les fournisseurs d'accès à Internet qui ont mis en avant, et continuent de le faire, le haut débit de la connexion comme accroche de leur promotion ? Ils font leurs choux gras d'une offre, légale ou non, de produits ou de biens culturels. Pourquoi culpabiliser les internautes ? Pourquoi ne pas responsabiliser au préalable les acteurs d'un système économique désuet, nuisible à la culture en général, défavorable aux artistes en particulier, quand ils ne sont pas liés aux sociétés de production dominantes ?

On ne sanctionne pas les financiers voyous, qui dans leur course aux profits maximum ont accéléré la crise financière, à l'instar de Charles Milhaud dont on connaît les errements à la tête des caisses d'épargne – 2 milliards d'euros de perte en 2008 – et la participation à la création de Natixis, dont l'action vaut maintenant moins d'un euro contre 19 euros à sa création, et l'on est prêt à faire la chasse aux internautes, aux citoyens ordinaires, en bafouant les lois les plus élémentaires du respect de la vie privée ! Comme quoi, mieux vaut être un grand délinquant qu'un honnête citoyen qui utilise les technologies actuelles !

Madame la ministre, avec votre loi, vous illustrez parfaitement les vers de La Fontaine dans Les animaux malades de la peste que vous avez certainement appris sur les bancs de la communale :

« Selon que vous serez puissant ou misérable,

« Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.»

[Je pensais plutôt à : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » !] Monsieur le président, M. Gosselin veut seulement nous montrer qu'il n'est pas atteint de la maladie d'Alzheimer. Mais au lieu d'essayer de se remémorer ces poèmes appris à l'école, il ferait mieux d'en tirer la substantifique moelle. Ne voyez vous donc pas que ces vers vous placent devant vos turpitudes ! Revenez donc à la morale et à la défense de l'intérêt collectif.

Ce qui paraît le plus grave à la lecture de ce projet de loi, madame la ministre, c'est l'essence même de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet et son fonctionnement. Composée de neuf membres dont quatre sont directement nommés par le Gouvernement, elle permet tout bonnement de se passer de l'autorité du juge. De plus, elle ne peut être saisie que par le Centre national de la cinématographie, les organismes de défense professionnelle ou les sociétés de perception, et non par les artistes indépendants dont les droits ne seront pas protégés par cette loi.

Vous nous le démontrerez dans la suite de nos débats. Mais il vous faudra avancer des arguments autrement plus convaincants que ceux que vous avez développés jusqu'à présent.

Quand on sait que les majors concentrent dans leurs mains plus de 70 % de la production musicale et audiovisuelle, ce projet de loi, pour elles, ce n'est même pas du sur-mesure, c'est de la haute couture !

La Haute autorité pourra surveiller l'ensemble des communications sur l'adresse visée et décidera seule de l'application de la sanction que les fournisseurs d'accès seront sommés d'exécuter. Cela pourrait rappeler aux plus anciens d'entre nous certaines juridictions d'exception comme la Cour de sûreté de l'État supprimée par la gauche en août 1981.

Ce big brother de l'informatique permettra de s'immiscer dans la vie privée des internautes à travers leurs réseaux.

En condamnant sans procès, vous niez le rôle du magistrat. Depuis deux ans, nous devrions pourtant en avoir l'habitude : contrôle tatillon de l'application des peines plancher, convocations à la chancellerie, parfois même nuitamment, comme pour le procureur de Nancy, suppression du juge d'instruction renforçant l'assujettissement de la justice au parquet. Hélas ! les exemples ne manquent pas.

Votre politique est cohérente : il s'agit toujours de remplir les poches des privilégiés.

Pour cela, il faut bâillonner les libertés, les réduire. Vous l'avez fait hier avec la loi sur l'audiovisuel et la loi modifiant le règlement de notre assemblée, vous le faites aujourd'hui avec les internautes !

11/03/2009 Débats HADOPI : droits fondamentaux, échanges sur Internet, question préalable, accords de l'Élysée, streaming, industrie du divertissement

M. Franck Riester n'est pas sans talent, ce qui est tout à son honneur. Toutefois le nouveau député qu'il est n'a pas à utiliser la Déclaration des droits de l'homme comme linceul de nos libertés.

Par ailleurs, madame la ministre, je tiens à rappeler ce que M. le président de l'Assemblée nationale a lui-même souligné, à savoir que les internautes pourront suivre les débats des représentants de la nation, que nous sommes, de bout en bout.

Monsieur le président, de même qu'il y a eu Gutenberg au XVe siècle, il y a Internet aujourd'hui. J'appelle tous les internautes de France et d'ailleurs à faire part immédiatement de leur opinion, par courriels, à Mme Albanel et aux trois rapporteurs, puisque M. Franck Riester a affirmé que les internautes étaient favorables au projet de loi.

[...]

Madame la ministre, comme l'a dit tout à l'heure l'un de nos collègues, Nicolas Sarkozy paie ses dettes !

Cessez d'invoquer les accords de l'Élysée. En situant un accord médiocre dans un lieu prestigieux, vous essayez de lui donner l'honorabilité qui lui manque. Or je ne connais qu'un accord qui mérite d'être localisé à l'Élysée, c'est le traité de 1963 entre le général de Gaulle et le chancelier Audenauer.

Assimiler comme vous le faites votre accord à celui-là est une atteinte portée à la mémoire du général, qui n'est plus une référence pour vous.

Monsieur Gosselin, les accents que vous utilisiez tout à l'heure me faisaient penser à Jdanov. Ce n'est pas parce qu'on est professeur de droit qu'il ne faut pas garder les pieds sur terre. Comme professeur de droit, vous devriez savoir qu'on ne fait pas rentrer le réel dans le droit, mais qu'on part de l'examen concret de la réalité concrète, comme disait Marx, pour en déduire le droit !

Mais vous pouvez être professeur de droit et être ignorant en philosophie.

Madame la ministre, vous avez évoqué la morale – vous l'avez suggérée plutôt que d'y faire explicitement référence. C'était effectivement préférable : la morale, on peut en parler, mais on n'est convaincant que si on la pratique. Or que faites-vous, en pratique ?

Vous voulez faire payer les internautes : vous ne le dites pas comme cela, mais tout votre projet va dans ce sens. Mais il faudrait vous comporter ainsi avec tout le monde ! Vous dites : pas de laisser-faire. Mais alors, pourquoi laissez-vous faire les banquiers ? Pourquoi laissez-vous faire Carlos Ghosn ? Pourquoi laissez-vous faire les actionnaires, les spéculateurs, les fraudeurs, les paradis fiscaux qui ruinent le pays ?

eux-là, ce sont les copains : on n'y touche pas. Vous vous acharnez donc sur ces pauvres internautes, qui ne sont pas de la même étoffe que vos amis.

Ils veulent simplement avoir accès à des chansons, à de la musique ou à des films – et vous voulez les en priver ?

Madame la ministre, vous faisiez tout à l'heure référence à ces dix mille signataires. Parlons-en : ce sont vos victimes, car ce sont pour beaucoup des intermittents du spectacle que vous avez crucifiés !

Pourquoi ont-ils signé ? Votre question est excellente, monsieur Apparu, et je vais vous répondre. Regardez comment fait le MEDEF : il met en avant les petits artisans et les petits patrons ; et pendant ce temps-là, Mme Parisot reste sur le mont Aventin, et regarde la progression de ces fantassins qui défendent des intérêts qui ne sont pas les leurs.

Eh bien, ces dix mille signataires sont aussi des fantassins : on ne leur a pas donné les moyens de comprendre.

Nous ferons des propositions pour protéger les internautes et aussi le droit d'auteur ; car nous défendons, nous, la création, et pas seulement les coffres-forts.

Pour être tout à fait sincère, les coffres-forts nous intéressent aussi, à condition de les ouvrir pour faire passer l'argent qu'ils contiennent vers les caisses publiques.

Madame la ministre, votre texte est irréel. Vous voulez encadrer le téléchargement ; mais on peut maintenant utiliser le streaming, et on peut le faire sans que vous puissiez rien contre !

On ne fait pas une loi quand la contrainte n'est pas crédible, quand la loi n'est ni réaliste, ni juste.

Quant aux bornes wifi, je vous fais une proposition : il faut installer une webcam au-dessus de la borne wifi, pour savoir qui va télécharger. Et vous inscrirez tout cela dans le fichier Edvige : vous ferez un fichier iconographique, avec la photo de tous ceux qui ont voulu télécharger.

Pourquoi est-ce que je traite votre loi par la dérision ? C'est parce qu'elle est dérisoire. On s'acharne sur les petits pour privilégier les gros, comme d'habitude ; mais les internautes n'accepteront pas le bâillon.

Je le dis encore, et je sais que vous êtes d'accord avec moi, monsieur le président : puisque vous prétendez parler pour les internautes, madame Albanel, je leur demande de faire entendre leur voix jusqu'au cabinet des ministres, pas loin d'ici. Bloquez le site de Mme la ministre, bloquez le site des rapporteurs, faites-vous entendre et nous allons porter votre voix, à vous qui ne pouvez pas vous exprimer dans cet hémicycle !

09/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, licence globale, financement de la culture

Monsieur le ministre, vous voulez limiter le nombre de copies téléchargées : en vérité, vous nous avez téléchargés, parce que depuis le début du débat vous ne cessez de répéter la même chose, avec des mots différents.

Vous dites que nous sommes pour un nouvel impôt : pas du tout !

J'en reviens, monsieur le ministre, à l'impôt nouveau que, dites-vous, nous voulons prélever. Il n'en est rien. Mais vous, avec vos ambiguïtés, vous voulez privatiser les impôts en roulant pour les majors !

Je n'ai pas dit, et surtout pas de vous, monsieur Martin-Lalande, que vous étiez un domestique, mais je dirais de certains de vos collègues qu'ils sont des laquais du grand capital !

J'ai simplement voulu dire que le Gouvernement ne parvenait pas à discipliner sa majorité. Les discours sont en effet contradictoires : certains d'entre vous, comme Mme Boutin, sont sensibles aux aspirations des jeunes, tandis que d'autres ne cherchent qu'à complaire à ceux qui les ont délégués ici : je ne parle pas de leurs électeurs, qui parfois se trompent, mais des intérêts qu'ils défendent en permanence.

Il existait pourtant une solution simple, qui avait l'assentiment du président de notre assemblée : créer une mission parlementaire. Un sujet aussi complexe méritait une réflexion préalable.

Personne ne conteste la complexité du sujet, mais nous sommes obligés de transposer la directive.

Qu'est-ce qui nous empêche de prendre un peu de temps pour trouver un minimum de consensus sur un sujet d'une telle difficulté ?

Vous nous assurez, monsieur le ministre, que vous êtes conscient des évolutions technologiques. Tout le monde en est conscient, mais qui peut les anticiper avec certitude ? Dans un autre domaine, qui peut dire comment va évoluer le virus de la grippe aviaire ? Personne !

Mes chers collègues, vous ne pouvez pas ignorer les aspirations des jeunes. Il faut sortir des affirmations et des invectives pour organiser enfin le débat dans le pays. Nous avons entendu des artistes très divers : Johnny Hallyday - comme si ce contribuable belge pouvait s'exprimer au nom de l'intérêt général ! Quel point commun y a-t-il entre lui et Costa Gavras ou Robert Guédiguian, artistes tout aussi estimables et qui doivent être écoutés. Il faut à la fois préserver l'aspiration des jeunes à la liberté et les droits des créateurs. La création doit être rémunérée, mais dans des conditions équitables. Vous ne cessez de brandir l'épouvantail de la licence globale : définissons ensemble un contenu sur lequel nous pourrons discuter.

Je ne comprends pas, monsieur le ministre, que vous refusiez de lever l'urgence, puisque vous expliquez par ailleurs que nous avons tout le temps pour débattre.

[...]

Monsieur le ministre, je voudrais savoir, s'agissant des œuvres téléchargées, des CD, de toute la diffusion culturelle, quelle est, sur 99 euros, la part qui revient aux artistes, aux créateurs, et la part qui revient aux producteurs.

Nous avons besoin d'être éclairés et que le ministre nous dise la vérité sur la répartition de ce qui va aux uns et aux autres. Je suis sûr que ceux qui nous regardent en ce moment, les internautes, les jeunes, comprendront mieux alors pour qui travaille le Gouvernement.

07/03/2006 Débats DADVSI : lobbies, téléchargement, exceptions au droit d'auteur

Monsieur le ministre, vous avez repoussé la licence globale sous prétexte qu'elle ne profiterait pas aux internautes. Vous êtes responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le sujet est délicat, incontestablement, mais nous avons le sentiment que vous cédez, sans faire la part des choses, à la pression des lobbies et que vous n'anticipez pas le futur. Comme le dirait Mme Boutin, vous ne chaussez pas les lunettes de l'avenir et vous n'anticipez pas les mutations que nos collègues, en particulier Frédéric Dutoit, ont évoquées.

Je regrette que, sur un tel sujet, vous n'ayez pas accepté que nous travaillions de façon plus méticuleuse, en écoutant les uns et les autres.

Monsieur le président, que se passera-t-il si un internaute se soustrait tout à fait légalement aux règles que le Gouvernement nous invite à adopter, par exemple en téléchargeant à partir d'un site russe ?

Monsieur le ministre, comment pourrez-vous, dans les conditions que vous prétendez garantir aux artistes, protéger le droit d'auteur quand les internautes téléchargeront via un site russe qui, lui, fonctionnera légalement ?

Quelle solution envisagez-vous ?

[...]

Monsieur le ministre, vous évacuez les problèmes. Nous voulons bien vous croire, mais nous avons besoin de concret. Avec tout le respect que nous devons à votre fonction et à votre personne, je doute que vous vous montriez efficace sur un sujet aussi délicat alors que vous nous menez en bateau sur la question des intermittents. Vous prétendez que l'accord est signé : dans ces conditions, pourquoi diable ne nous en donnez-vous pas copie, afin que nous puissions nous faire une opinion par nous-mêmes ?

Comment aborder la question des exceptions sans évoquer celle qui est relative à la recherche et à l'enseignement ? Vous nous dites que le problème est réglé : soit ! J'estime néanmoins que cette exception doit figurer dans la loi et ne pas seulement faire l'objet d'un protocole ou d'un accord. Je suis comme saint Thomas : j'ai besoin de voir pour croire. Le Gouvernement prétend avoir clarifié le régime des exceptions et trouvé une solution d'équilibre. À lire la rédaction du texte, il s'agirait plutôt de mesures en trompe-l'œil.

Ainsi, monsieur le ministre, vous proposez d'autoriser les bibliothèques à effectuer des copies d'œuvres protégées, dès lors qu'elles n'en tirent aucun avantage commercial. Fort bien ! Si vous avez conclu un tel accord, montrez-le nous et, surtout, expliquez-nous pourquoi ce droit de copie est limité aux œuvres qui ne sont plus disponibles à la vente ou dont le format de lecture est devenu obsolète ! Une véritable exception consisterait à admettre que les missions des bibliothèques passent par le droit de copie numérique de l'ensemble des œuvres. Démontrez-nous que la question est réglée, je le répète, en nous donnant le texte !

22/12/2005 Débats DADVSI : lobbies

Monsieur le ministre, je n'ai pas participé au débat jusqu'à présent,...étant occupé notamment par la loi que nous propose le Gouvernement sur le logement et par certains aspects de la loi de finances. Je m'y suis cependant intéressé, car mon fils, qui a quinze ans et demi, ...

Vous avez donc réussi, monsieur le ministre, à susciter non seulement l'intérêt des intermittents du spectacle - et ce depuis déjà un certain temps -, mais aussi celui de tous les jeunes de notre pays. Vous le faites malheureusement de façon peu sympathique, à la faveur d'une position liberticide. Certes, vous connaissant, je ne doute pas de vos intentions. Cependant, le projet de loi que vous nous présentez pourrait se révéler dangereux, et donne, en tout état de cause, le sentiment d'avoir été mal préparé.

Vous savez d'ordinaire prendre votre temps, monsieur le ministre. D'ailleurs, c'est ce que vous dites avec constance aux intermittents : il faut prendre le temps !

Pourquoi, dès lors, tentez-vous de nous faire avaler ce texte juste avant les vacances de Noël, de la même façon que nos grands-mères, prétendument pour notre bien, nous faisaient avaler de l'huile de foie de morue ?

Instituteur de formation, je sais par expérience que faire comprendre un concept aux enfants nécessite souvent de raisonner par analogie.

Peut-être, mais moi, j'ai dit : analogie. Ne poussez donc pas trop loin la comparaison... Or, si je raisonne par analogie, partant du constat que vous offrez de facto une position monopolistique aux majors, ...

Mais laissez-moi poursuivre ma démonstration, vous me direz ensuite si elle n'est pas fondée. Nous avons tout lieu de nous inquiéter de ce primat que vous accordez aux majors : Sony, Apple, Microsoft, notamment.

Raisonnant, donc, par analogie, je pense à ce que fait Monsanto en agriculture : la stérilisation des semences lui confère un monopole.

Face à cela, il faut protéger la liberté et l'universalité. Quelques grands artistes sont certes venus à votre secours, monsieur le ministre, mais il faut regarder à qui ils sont liés...

C'est un texte global. Bien que nous soyons à la veille de Noël, on ne peut le couper en tranches comme un morceau de foie gras.

Il s'agit de préserver les principes de liberté et d'universalité et de nous défendre contre tout ce qui conduit à une forme de mondialisation en donnant la primauté aux majors.

Je terminerai donc mon propos, monsieur le ministre, en notant que vous savez prendre votre temps quand il le faut, parfois même avec excès : la situation des intermittents, que vous continuez à refuser d'entendre, en est la parfaite illustration. Eh bien, prenez votre temps sur ce sujet également ! N'essayez pas de faire passer votre texte à l'esbroufe.

Reprenons toute la réflexion depuis le début. Aussi conclurai-je par une suggestion.

Depuis 2002, à plusieurs reprises, il a semblé bon à notre assemblée, lorsqu'elle s'est trouvée confrontée à des situations qui pouvaient le justifier, de se saisir elle-même et de mener ses propres investigations. C'est là donner une plus grande place au Parlement. Pourquoi notre assemblée ne constituerait-elle pas une de ces missions que le président Debré affectionne et qui permettrait de remettre l'ouvrage sur le métier ? En cette période de réveillon, monsieur le ministre, ce serait mieux que de servir la soupe aux majors !