Reponse type UMP

From La Quadrature du Net
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Monsieur,

J'ai bien pris connaissance de votre mail concernant le projet de loi création et Internet qui sera prochainement examiné par l'Assemblée nationale.

La situation de l’internet en France nécessite une loi efficace et novatrice. En 2006, un milliard de fichiers piratés ont été échangés dans le pays. L’industrie musicale a enregistré en 5 ans une chute de 50% de son chiffre d’affaires. Il en résulte une baisse de l’emploi dans les maisons de disques ainsi qu’une diminution d’un tiers du nombre de nouveaux artistes « signés » chaque année. Le cinéma et la télévision commencent à ressentir à leur tour les effets du piratage des œuvres qu'ils produisent ou diffusent. Par ailleurs, le piratage massif constitue un frein considérable au développement de l’offre légale sur Internet, qui s'est pourtant considérablement enrichie au cours des dernières années : plusieurs millions de titres musicaux et plus de 2500 films y sont désormais disponibles, parfois pour quelques euros par mois.

Le Sénat a adopté, le 30/10/2008, en première lecture, le projet de loi création et Internet visant à lutter contre le téléchargement illégal sur le Web, il y eu unanimité autour du texte. Ce vote témoigne de la profonde adhésion que rencontre le projet de loi : « les sénateurs ont bien pris conscience que la situation actuelle ne préjudice pas seulement aux grandes « majors », mais aussi aux petites entreprises indépendantes de la musique et du cinéma » a dit Christine Albanel. Le projet de loi sera examiné du 4 mars au 12 mars à l'Assemblée nationale. Le texte, présenté par la ministre de la culture, établit le principe de la « réponse graduée » - terme préféré à celui de « riposte » : l'internaute fraudeur reçoit deux avertissements avant la suspension de son abonnement à Internet. Un amendement visant à remplacer cette coupure par une amende a été rejeté à une très large majorité.

La ministre avait confié à monsieur Olivennes alors président-directeur général de la FNAC, une mission destinée à préparer un accord entre les professionnels de l’audiovisuel, de la musique, du cinéma et les fournisseurs d’accès à Internet. Cette mission s'est traduite par la remise d'un rapport et par la signature des Accords de l’Elysée, le 23 novembre 2007, entre 47 entreprises ou organisations représentatives de la Culture et de l'Internet Les Accords de l'Elysée constituent un compromis où toutes les parties sont gagnantes et notamment les internautes, car leur premier volet vise à améliorer l'offre légale de films et de musique sur Internet. D'abord, les professionnels du cinéma se sont engagés à mettre les films à disposition des internautes plus rapidement, ensuite, les maisons de disque se sont engagées à retirer les DRM « bloquants » des productions musicales françaises, un an au plus tard après la mise en œuvre du dispositif de prévention graduée. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs anticipé ces délais en retirant les DRM « bloquants » dès à présent. L’autre volet des Accords de l'Elysée concerne la prévention et la lutte contre le piratage. Il nécessite l’intervention d’une loi pour garantir l’équilibre des droits de chacun : le droit de propriété et le droit moral des créateurs, d’une part, et la protection de la vie privée ainsi que la liberté de communication des internautes, d’autre part.

Aujourd’hui, l’internaute s’expose à une poursuite pénale dès le premier téléchargement illégal (« les sanctions pénales en vigueur »). Désormais, si le projet de loi est voté, deux avertissements précéderont toute sanction. Il ressort en effet d’une récente étude d’opinion que 90% des personnes averties cesseraient de pirater à réception du deuxième message. La mise en œuvre de ce dispositif reviendra à une Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, qui agira exclusivement sur saisine des ayants droit dont les œuvres auront été piratées : elle n'exercera donc aucune surveillance a priori et généralisée des réseaux. Elle procèdera à l'encontre des pirates de la façon suivante: - le premier avertissement sera envoyé par courriel - le deuxième avertissement prendra la forme d’une lettre recommandée, pour s’assurer que l’abonné a bien pris connaissance du manquement qui lui est reproché ; - en cas de renouvellement du manquement, la sanction peut prendre la forme d’une suspension de l’abonnement internet de un mois à un an, assortie de l’interdiction de se réabonner pendant la même durée auprès de tout autre opérateur.

Pour accentuer l’aspect pédagogique, une transaction est possible entre la Haute Autorité et l’abonné : s'il s'engage à ne plus renouveler son comportement, la suspension sera réduite à une durée inférieure à trois mois. Par ailleurs, lorsque la suspension de l’accès à Internet pourrait avoir des effets disproportionnés, par exemple pour les entreprises, le projet de loi prévoit une mesure alternative : la Haute Autorité pourra exiger l'’installation de dispositifs préventifs (de type « pare-feux »), qui permettront d'empêcher le piratage par les salariés à partir de leurs postes de travail.

Le projet vise au contraire à détourner les ayants droit et les internautes de la voie pénale. Aujourd’hui, le seul recours offert à ceux dont les œuvres sont piratées consiste à invoquer devant le juge le délit de contrefaçon. L’internaute s’expose alors à des poursuites avec risque d’être condamné à une amende qui peut se monter à plusieurs milliers d’euros d’amende, parfois assortis de prison avec sursis. Désormais, la lutte sera essentiellement pédagogique puisque deux avertissements précéderont toute sanction ; le second avertissement sera envoyé par lettre recommandée, de façon à s’assurer que l’abonné a bien pris connaissance du manquement qui lui est reproché. Le recours au juge restera possible, mais il s’inscrira en complémentarité avec le nouveau dispositif : il servira à traiter le cas des fraudeurs massifs, de ceux qui se livrent au piratage dans un but lucratif, ou encore de ceux qui développent des techniques destinées à permettre le piratage. Le projet vise au contraire à restaurer l’équilibre actuellement rompu entre deux séries droits fondamentaux, qui doivent être nécessairement conciliés : le droit de propriété et le droit moral des créateurs sur leurs œuvres, d’une part, le droit au respect de la vie privée des internautes, d’autre part. Cet équilibre entre les droits et libertés de chacun est au coeur même de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et notamment de son article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits ». La nécessité d’un tel équilibre entre droits des créateurs et respect de la vie privée des internautes a d’ailleurs été récemment soulignée au niveau européen, par la Cour de justice des communautés européennes, dans un arrêt du mois de janvier 2008 dit Promusicae. En outre, la suspension temporaire de l’accès Internet ne porte en elle-même atteinte à aucune liberté fondamentale : il s’agit d’une mesure d’ores et déjà couramment prononcée par le juge. Enfin, l’atteinte portée à la vie privée des internautes par la lutte contre le piratage ne soulève aucun obstacle constitutionnel, ni aucune difficulté au niveau européen, car elle est à la fois assortie de multiples garanties et proportionnée aux objectifs à valeur constitutionnelle qui sont poursuivis :

- Le mécanisme sera mis en œuvre par une autorité administrative indépendante, qui sera seule à pouvoir se procurer sur l’abonné, auprès des fournisseurs d'accès Internet, les données personnelles – nom et coordonnées – strictement nécessaires à l’envoi des messages d’avertissement. Cette Haute Autorité, qui s’interpose entre les protagonistes, marque l’originalité de « l’approche française », plus protectrice de la vie privée. - Au sein de cette Haute Autorité, c’est une commission qui présente toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance qui traitera les dossiers : elle sera exclusivement composée de hauts magistrats et disposera d’agents publics dont l’absence de liens avec les intérêts économiques en cause aura été vérifiée par des enquêtes préalables à leur recrutement. - La circonstance que le mécanisme soit confié à une autorité administrative indépendante et non à un juge ne rencontre aucun obstacle juridique. Le Conseil constitutionnel a en effet confirmé à de multiples reprises la possibilité, pour une autorité non judiciaire, de traiter des données personnelles, dès lors que la procédure suivie est encadrée par le législateur et qu’elle vise à assurer le respect d’autres exigences constitutionnelles – ce qui est précisément le cas ici. Le Conseil constitutionnel a par exemple estimé que l'amélioration de la qualité des soins et la réduction du déséquilibre financier de l'assurance maladie justifiaient la création du dossier médical personnel, directement mis en œuvre par une administration. - Le projet ne permet la collecte d’aucune information nouvelle sur les internautes. Toutes les données nécessaires pour mettre en œuvre le mécanisme de prévention géré par la Haute Autorité sont celles qui sont d’ores et déjà relevées par les créateurs et les entreprises culturelles pour mener leurs actions judiciaires. Cette collecte se fait selon des modalités autorisées par la CNIL. Simplement, le juge ne sera plus le seul destinataire possible des constats ainsi dressés : la Haute Autorité sera également compétente pour les utiliser, afin de mettre en œuvre le mécanisme de prévention créé par la loi. En tout état de cause le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ne manqueraient pas de prévenir ou de censurer toute atteinte aux libertés commise par le Gouvernement ou par le législateur. Le Conseil d’État vient de se prononcer en donnant un avis favorable au projet le 12 juin dernier.

La prise de position du Parlement européen le 10 avril 2008, défavorable à la suspension de l’accès Internet, est manifestement mal fondée. Le vote de « l’amendement Bono » a été acquis à une majorité très courte (314 voix contre 297) et hétéroclite, au sujet d’un rapport sur les industries culturelles dépourvu de toute portée juridique. Surtout, les débats préalables à son adoption démontrent que les députés européens n’étaient pas réellement informés du dispositif français, et pour cause : le projet de loi n’était pas encore finalisé ni même déposé au Conseil d’Etat. Dans ce contexte, l’auteur de l’amendement a mis en avant trois motifs : la « criminalisation des internautes », la « surveillance généralisée des réseaux » et l’atteinte aux libertés. D’ailleurs, le Parlement européen a pris entre-temps le contre-pied de la motion du 10 avril dernier puisque sa commission Culture, qui a examiné le 2 juin dernier deux amendements au « Paquet Télécom » dont la teneur était identique, les a rejetés à une très large majorité. En revanche, « l’approche française » soulève un vif intérêt de la part de nombreux Etats membres. Un premier débat, organisé le 21 mai dernier lors du Conseil de l’Union européenne dans sa formation « Culture et Audiovisuel », a permis de recueillir de nombreuses réactions très favorables. La Commission, pour sa part, a présenté une communication sur ce sujet le 3 janvier 2008, qu’elle envisage de faire suivre d’une recommandation aux Etats membres.

Voir aussi le document interne de l'UMP sur HADOPI