FredericDutoit

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Mémoire politique : Frédéric Dutoit, ex-député

Frédéric Dutoit

Informations générales

  • Né le 26 mai 1956 à Marseille (Bouches-du-Rhône)
  • Circonscription d'élection : Bouches-du-Rhône (13), 4ème circonscription
    Cantons de route de la Gavotte à partir de la limite de la commune des Pennes-Mirabeau, boulevard Henri-Barnier, par la voie ferrée de Marseille à Briançon, et par l'axe des voies ci-après : chemin de Saint-Antoine à Saint-Joseph, rue René-d'Anjou, boulevard de la Padouane, traverse de l'Oasis, avenue des Aygalades, rue Le Chatelier, allée de la Montagnette, chemin des Brugas, autoroute A 7 jusqu'à la limite du 14e arrondissement municipal
  • Groupe politique : Gauche démocrate et républicaine
  • Profession : Agent administratif de la fonction publique territoriale

Fonctions à l'Assemblée nationale

  • Commission : Commission des affaires culturelles (Membre)
  • Groupe d'amitié : Éthiopie (Président), Autriche (Vice-Président), Canada (Vice-Président), Monaco (Vice-Président), Suisse (Vice-Président), Comores (Membre), Irlande (Membre), Suède (Membre)
  • Groupe d'études : Production audiovisuelle (Vice-Président), Télévision numérique terrestre (Vice-Président), Climatisme et thermalisme (Membre), Tibet (Membre)

Mandats

  • Anciens mandats et fonctions à l'Assemblée nationale
    • Élections du 16/06/2002 - Mandat du 19/06/2002 (élections générales) au 19/06/2007 (Fin de législature)
  • Organismes extra-parlementaires
    • Membre suppléant du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche
    • Membre suppléant de la Commission nationale des aides publiques aux entreprises
  • Mandats locaux en cours
    • Membre du Conseil municipal de Marseille, Bouches-du-Rhône (798021 habitants)
  • Anciens mandats locaux
    • Maire de secteur de Marseille (8ème secteur), Bouches-du-Rhône (798021 habitants)
    • Conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur
      • Mandat du 16/03/1998 au 05/08/2002 : Membre du conseil régional

Votes


Prises de positions

Sources d'informations

Positions

Merci d'enrichir cette partie en y rapportant les prises de positions de Frédéric Dutoit concernant les sujets traités par La Quadrature du Net (consultez la page Aide:Memoire_politique pour savoir comment faire).

16/03/2006 Débats DADVSI : contenus sur Internet, webradios, sanctions, amendement vivendi, logiciel libre, copie privée

Ce que vient de dire M. Piron, n'a pas de rapport direct avec l'amendement proposé par mes amis socialistes. Je rebondirai toutefois sur ses propos parce que ce débat m'intéresse beaucoup. À vous entendre, monsieur Piron, le web et Internet ne sont pas une nouvelle culture. Certes, mais avouez tout de même que leur utilisation favorise l'accès à la culture qui modifiera considérablement l'appropriation culturelle dans sa diversité pour l'ensemble de la planète. Il convient de travailler à l'ajustement de la diversité culturelle et de l'exception culturelle françaises. L'offre diverse de contenus culturels ne correspond pas forcément à la non-marchandisation de la culture.

Comme je l'ai précisé lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, à la différence de tout autre média, on n'a pas, avec Internet, d'un côté des émetteurs institutionnels privés ou publics et, de l'autre, les récepteurs. Chaque individu sur la planète peut être à la fois émetteur et récepteur, ce qui change beaucoup ce que certains, notamment marxistes, ont appelé les rapports sociaux.

Bien d'autres utilisent aussi ce concept universel.

Votre texte, monsieur le ministre, accuse déjà du retard, tant la vie a évolué. Les webradios existent et il faut leur donner ce cadre juridique dont elles ont besoin pour pouvoir se développer.

C'est pourquoi le groupe communiste votera avec enthousiasme l'amendement proposé par nos amis socialistes.

[...]

Votre intervention, monsieur Wauquiez, qui voulait faire accroire que notre intention est de sanctionner plus lourdement les internautes, était des plus politiciennes.

Nous sommes contre le projet de loi car il ne répond toujours pas aux besoins en matière de rémunération des auteurs et de développement des échanges sur Internet. Et nous voterons contre un amendement inefficace qui pénalisera inutilement les téléchargements sur Internet.

Je n'aurai pas la cruauté de rappeler que vous avez retiré hier un amendement visant à respecter le droit à la copie privée. Je l'aurais voté très volontiers puisque j'étais d'accord.

Cette pénalisation sera inefficace, Mme Billard l'a amplement expliqué. Si vous avez reculé dans ce domaine, et Patrick Bloche a eu raison de le souligner, c'est bien parce que le 21 décembre 2005, les députés ont voté, à trente contre vingt-huit, deux amendements. Parmi eux figuraient deux communistes, heureusement ! Ce vote historique a permis à un vrai débat de s'ouvrir au sein de la société. Nous devons tous nous en féliciter.

Enfin, j'avoue mon scepticisme. Comment constatera-t-on l'infraction de téléchargement simple ? Vous avez parlé, monsieur le ministre, de services spécialisés de l'État dans la lutte contre la cybercriminalité ? Est-ce à dire que les téléchargements sont des crimes ? Vous vous efforcez pourtant de nous convaincre du contraire ! De quels moyens disposeront ces services ? Surveilleront-ils au hasard les communications des internautes, pratique qui s'apparente à l'interception de communications privées ? De telles opérations sont soumises, me semble-t-il, à l'autorisation du juge.

Votre projet ne permettra pas une reconnaissance des droits d'auteur dans la société de l'information et leur juste rémunération. Il ne sanctionnera pas les internautes qui pratiquent le « téléchargement illégal ». Bref, ce projet est d'ores et déjà obsolète et le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre l'amendement du Gouvernement.

[...]

Nous voici à un autre moment crucial du débat. Aux termes de cet amendement, « lorsqu'un logiciel est manifestement utilisé pour le partage illicite d'œuvres ou d'objets protégés par les livres Ier et II, le président du tribunal de grande instance, statuant en référé à la demande de tout titulaire des droits sur ces œuvres ou objets, peut ordonner, sous astreinte, toute mesure nécessaire à la protection desdits droits et conformes à l'état de l'art. Il peut notamment enjoindre l'éditeur du logiciel de prendre toutes mesures pour en empêcher ou limiter l'usage illicite autant qu'il est possible. Ces mesures ne peuvent toutefois avoir pour effet de dénaturer ni les caractéristiques essentielles ni la destination initiale du logiciel. »

Or, dans le cas de logiciels libres, l'éditeur est souvent un groupe multinational d'individus dont chacun contribue à une partie différente du logiciel, de façon non nécessairement coordonnée. Il n'y a pas d'interlocuteur unique identifié. Il est donc parfois impossible de s'adresser à l'éditeur et de tenter de le contraindre à quoi que ce soit.

Toujours dans le cas de logiciels libres, une fois le code source disponible quelque part, il n'est plus possible de revenir en arrière car toute personne en ayant sa propre copie pourra à loisir reconstituer la version d'origine du logiciel. Essayer d'imposer qu'un logiciel libre contienne des mécanismes de limitation quels qu'ils soient est donc vain car, justement, l'utilisateur ayant accès aux sources peut toujours retirer tout élément du logiciel qui ne lui conviendrait pas.

Pour un éditeur de logiciels tel que la société Sun Microsystems, par exemple, le problème se complique encore un peu. En effet, une bonne partie de l'offre logicielle de cette société - et, à terme, la totalité - est en open source. Ces logiciels intègrent des fonctionnalités telles que des serveurs web, courriel, FTP, qui peuvent tous être utilisés très légitimement, mais aussi servir à construire des sites hébergeant et permettant le partage d'œuvres protégées. Le système d'exploitation français Mandriva est lui aussi livré en open source. Même s'il était demandé à son éditeur d'y intégrer des mécanismes empêchant de servir, par exemple, des fichiers MP3, un utilisateur pourrait très facilement récupérer les sources et se construire une nouvelle version n'intégrant plus ces mécanismes.

En fait, pour que l'amendement n° 267 rectifié soit techniquement réaliste, il conviendrait d'interdire à l'ensemble de la planète de créer des logiciels open source permettant le partage de fichiers. Ce n'est pas réaliste car ces logiciels existent déjà, et il serait dangereux pour la France de tenter de pratiquer une telle censure à l'encontre des auteurs des logiciels et protocoles qui sont aujourd'hui utilisés par des sociétés tout à fait légitimes, et qui leur sont souvent indispensables.

On peut aussi s'interroger sur la portée du sous-amendement n° 410 du toujours très inspiré M. Wauquiez, qui vise les logiciels manifestement utilisés à une échelle commerciale. Vivendi Universal, qui est pourtant à l'origine de l'amendement n° 150, deuxième rectification, et donc, par dérivation, du n° 267 rectifié, ne réalise sans doute pas que son plus grand succès commercial en matière de jeux utilise le protocole BitTorrent pour distribuer les mises à jour critiques. Or ce protocole est un protocole peer to peer régulièrement utilisé par les internautes échangeant des œuvres protégées. Vivendi souhaite-t-il mettre en péril un jeu grâce auquel il perçoit 12 euros par mois de chacun de ses plus de 5 millions d'abonnés ? C'est peu probable !

Ce qui est probable, c'est que cette société n'a tout simplement pas conscience du risque.

De même, le serveur web Apache fait fonctionner une très grande partie des serveurs web de l'Internet. Certains l'utilisent pour construire des sites d'échange d'œuvres protégées. Faut-il dès lors céder à la tentation de demander à la fondation Apache d'apporter des modifications à son serveur pour qu'il refuse de servir des fichiers MP3 ou BitTorrent ?

Ce serait impossible puisque Apache est un produit open source, dont l'utilisateur peut à loisir retirer les fonctionnalités indésirables. De plus, cela ne fermerait pas pour autant les sites déjà en place. Il faudrait donc, pour qu'un tel modèle soit efficace, mettre en place un filtrage aux frontières, ce qui est proprement impensable, à moins de vouloir imiter la Chine, le Yémen ou l'Arabie saoudite. Quelle modernité !

[...]

Monsieur Dionis du Séjour, je peux partager votre volonté d'établir une rémunération juste et équilibrée en faveur de la création et la diffusion du spectacle vivant, rémunération qui a été instituée dans la loi de 1985. Cela procède d'une conception du financement de la culture qui me paraît très intelligente, et nous pourrions y réfléchir à nouveau au regard des évolutions de la société de l'information à l'ère numérique, même si le Gouvernement n'a pas voulu explorer cette piste.

Cela dit, je suis surpris que cette proposition vienne de vous. En effet, si je vous ai bien compris, vous êtes farouchement opposé à ce que les fournisseurs d'accès ou le commerce électronique soient mis à contribution. Vous préférez faire porter l'effort sur les utilisateurs plutôt que sur ceux qui tirent le plus de profit de la diffusion des supports aujourd'hui, des téléchargements demain, une fois le projet de loi adopté. Pour notre part, nous sommes très farouchement favorables à ce que la rémunération issue de la redevance pour copie privée soit affectée au spectacle vivant, mais nous voterons contre votre amendement, qui est un cavalier.

16/03/2006 Débats DADVSI : vie privée, logiciel libre

Hier soir, nous avons commencé l'examen de l'article 13, qui nous conduit à nous prononcer sur le déverrouillage par les consommateurs des fichiers protégés. Nous avons fait part de notre inquiétude quant à l'approche particulièrement restrictive du texte eu égard aux possibilités de contournement. Nous avons déposé des amendements et alerté le ministre et le rapporteur sur le risque d'atteinte à la vie privée de nos concitoyens et j'ai soulevé la question de la compatibilité de telles mesures avec les dispositions de la Charte européenne des droits de l'homme. Mon collègue et ami Patrick Bloche a rappelé que le respect de la vie privée était un principe de valeur constitutionnelle.

Ces interpellations portent sur des questions d'une importance capitale. Il ne s'agit pas seulement ici de défendre les droits des consommateurs, qui sont les grands oubliés du texte, mais les droits les plus essentiels de nos concitoyens.

Aussi, je suis choqué que le Gouvernement et la commission n'aient pas souhaité répondre hier soir à nos questions, se bornant à égrener une litanie d'avis favorables ou défavorables.

[...]

Je soutiendrai pour ma part sans réserve ces sous-amendements, rappelant à l'instar de Mme Boutin, qu'aucune clause de la directive européenne ne fait référence à la diffusion du code source.

Monsieur le ministre, votre hostilité à la diffusion du code source repose sur une analyse erronée selon laquelle cette diffusion constituerait un risque pour la sécurité des mesures techniques. Vous en concluez que l'on devrait la limiter. Toutefois, votre position est antinomique avec la prétention de défendre le logiciel libre et son mode de développement.

En refusant ce sous-amendement, monsieur le ministre, il est une fois de plus manifeste que vos actes ne suivent pas vos paroles, bref, que vous vous acharnez à nous vendre du vent pour ne servir finalement que quelques intérêts particuliers fort éloignés de ceux des auteurs.

15/03/2006 Débats DADVSI : amendement vivendi, standards ouverts, interopérabilité, sanctions, données à caractère personnel

Je pense à ces artistes, à ces auteurs, qui seraient bien inspirés - mais je crois qu'ils le sont - de suivre nos débats avec attention. Plus nous avançons dans la discussion du projet de loi, plus je suis convaincu que les droits d'auteurs ne sont qu'un prétexte, le cheval de Troie qui vous permettra d'atteindre l'objectif que vous visez, monsieur le ministre. Le rapporteur vient à votre secours avec son amendement, sur une question centrale qui fait l'objet de propositions particulièrement dangereuses et inacceptables. Que nous est-il proposé de ratifier ici, sinon le principe selon lequel tout logiciel de communication ne comportant pas de mesures techniques de protection serait illégal ? Nous ne pouvons souscrire à une telle approche.

Les outils juridiques qui nous sont proposés ont déjà leur nom de baptême - amendements « Vivendi-Universal » - du nom de leur inspirateur. L'amendement n° 150 deuxième rectification propose rien de moins que d'assimiler à un délit de contrefaçon toute édition et mise à disposition de logiciels manifestement destinés à la mise à disposition du public d'œuvres protégées. Sont visés les logiciels de peer-to-peer. Or tout logiciel à la base de l'infrastructure d'Internet peut servir à mettre à disposition des œuvres. Est-ce une raison pour les interdire ? Interdit-on les couteaux parce que certains les utilisent pour tuer ? Doit-on interdire les voitures au prétexte qu'il y a des chauffards ? Même M. Cazenave l'a dit tout à l'heure !

Ce principe est inacceptable ! Cet amendement est, en outre, dangereux, car il affectera directement les logiciels libres, comme l'a dit Patrick Bloche.

Je crois que nous devons repousser cet amendement avec vigueur. J'en appelle à mon tour aux députés de la majorité, afin qu'ils comprennent bien la portée de leur vote.

[...]

Avant tout, je voudrais dire mon émotion après le vote exprimé il y a quelques instants sur l'« amendement Vivendi » qui, malheureusement, ouvre la porte à la mort du logiciel libre et aux pratiques du peer-to-peer !

Mais comme je l'ai dit hier soir, le XXIe siècle nous rattrapera, la réalité sera bien plus forte et j'espère que cette loi sera mise au placard pour que l'histoire ne s'en souvienne jamais.

Monsieur le ministre, en décembre, vous vous étiez présenté devant notre assemblée avec un article 13 qui, dans l'improvisation la plus totale, assimilait à la contrefaçon toutes sortes de comportements n'ayant absolument rien à voir avec elle.

Vous aviez alors forgé, toujours dans l'improvisation, le concept hésitant, pour ne pas dire fantaisiste, de « riposte graduée ».

Vous vous êtes rapidement trouvé dans l'obligation de revoir votre copie et vous nous proposez un nouveau dispositif qui a toutes les apparences d'être réfléchi, mais qui comporte pourtant un grand nombre d'oublis particulièrement fâcheux.

Ce nouveau travail a été fait après le vote du mois de décembre. Je crois qu'il a été salutaire pour nous tous : il a démontré à quel point ce texte de loi est hasardeux et ne correspond plus aujourd'hui aux pratiques en cours.

C'est ainsi qu'il nous sera proposé de punir de 3 750 euros d'amende le fait de porter atteinte aux mesures techniques quand les fins sont autres que la recherche.

La recherche est-elle le seul motif légitime de contourner les mesures techniques ? À l'évidence, non.

Ainsi, le récent rapport parlementaire australien que nos collègues, dont M. Mathus, ont évoqué hier propose tout simplement d'introduire trente-sept exceptions à l'interdiction de contournement ! Parmi elles, figure notamment le contournement à des fins d'usage licite, de protection de la vie privée, de sécurité informatique et également d'interopérabilité.

Même les États-Unis, qui n'avaient prévu que quatre exceptions, alors que vous n'en proposez qu'une, ont, dès l'adoption de la loi DMCA un peu équivalente à la nôtre, introduit de nouvelles exceptions. Ainsi, le public américain peut neutraliser les mesures techniques qui, dysfonctionnant, empêchent un usage licite.

Avouez que nous sommes loin de cette rédaction. Vous proposez tout simplement de remettre le public pieds et poings liés aux mains des fournisseurs de mesures techniques au risque d'attenter à un droit fondamental : le droit au contrôle de ses données personnelles.

Nous ne pouvons l'accepter, eu égard à la liberté de chacun !

[...]

Après avoir donc fait voter l'article 7 concernant les DRM, et l'amendement dit Vivendi, comment pouvez prétendre que votre objectif serait de garantir les droits d'auteur à la française ?

Les droits d'auteur ne constituent dans votre projet qu'un cheval de Troie : ce que vous souhaitez c'est, ni plus ni moins, ouvrir à Vivendi, bien entendu, et, plus généralement, aux fabricants des logiciels propriétaires et aux industries informatiques - et non aux auteurs, même s'il s'agit d'industries culturelles, pour une part - un nouveau marché en matière de numérique et de l'utilisation d'Internet, au potentiel considérable et au taux de rentabilité très élevé.

Le voile se déchire : votre projet de loi n'a pour seul objectif que de faire tomber la culture dans le domaine du marché. Vos belles paroles prononcées à l'UNESCO, et que j'ai d'ailleurs partagées, sur la diversité culturelle dans le monde et l'exception française montrent aujourd'hui leur limite !

Telle est d'ailleurs la raison pour laquelle je vous ai demandé, dès le début de notre discussion, le retrait du projet de loi, car nous aurions pu trouver un compromis satisfaisant pour tous, permettant de garantir le respect du droit d'auteur à l'ère de la société de l'information et du numérique. Je vous l'ai prédit hier : le XXIe siècle vous rattrapera !

De toute façon, que l'amendement de Mme Billard de suppression de l'article soit ou non adopté, l'article 13 ne sera pas applicable, et il serait donc plus intelligent de le retirer.

[...]

Je suis étonné de la réponse de M. le rapporteur et du ministre d'ailleurs. Je suis favorable à l'amendement n° 340 proposé par mes amis socialistes. Dans le numérique, les standards ouverts constituent la langue commune parlée. Nous sommes tout de suite dans le débat de ce que peut offrir aujourd'hui le numérique et l'utilisation d'Internet pour toute la société.

Qu'il y ait un rapport avec la loi sur l'économie numérique, c'est certain. La belle affaire ! D'ailleurs, M. Dionis du Séjour, qui en était le rapporteur il y a quelque temps, peut en témoigner : le débat que nous avions à l'époque est un peu de même nature que celui que nous avons aujourd'hui. La technologie, le numérique et l'utilisation d'Internet, a un rapport direct avec les échanges, et le contenu que vous voulez limiter avec cette loi sur les droits d'auteur a un lien direct avec la technologie elle-même.

Je suis donc tout à fait favorable à l'amendement proposé par les socialistes et l'argumentation de M. le rapporteur me paraît hors sujet.

[...]

J'avoue, monsieur le ministre, qu'une fois de plus, je ne comprends pas pour quelles raisons vous refusez cette définition de l'interopérabilité.

Elle me paraît tout à fait claire : l'interopérabilité est la compatibilité et la capacité de deux systèmes à communiquer sans ambiguïté.

Votre entêtement à refuser cet amendement a minima démontre que votre objectif n'est pas du tout de permettre cette interopérabilité. Les formats ouverts sont une possibilité pour que nous ayons tous le même langage. L'interopérabilité nous garantirait la possibilité d'utiliser tout système en adéquation avec celui que l'on voudrait utiliser.

[...]

Notre sous-amendement vise à ce que les dispositions du présent article ne soient pas applicables aux actes réalisés aux fins d'interopérabilité, de sécurité informatique, ou pour l'usage licite de l'œuvre - et nous y insistons.

La notion d'usage licite vous paraît floue, mais c'est la seule à trouver un fondement juridique dans notre droit.

Plus fondamentalement, il faut dire aux Français que votre refus de reconnaître la notion d'usage licite vous mettra en contradiction avec l'article 8 de la Charte européenne des droits de l'homme.

Cela n'a pas l'air d'émouvoir le Gouvernement et la majorité, et pourtant je les interpelle une dernière fois sur la gravité des dispositions retenues par le Gouvernement.

Le premier alinéa de l'article 8 de la charte stipule, écoutez bien, mes chers collègues :

« Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant. »

Or, votre texte, monsieur le ministre, n'ouvre même pas aux internautes la possibilité de contourner des mesures techniques pour protéger leurs données personnelles. C'est, je le dis calmement mais très fermement, extrêmement grave !

Tout votre texte, monsieur le ministre, n'est qu'un témoignage de servilité - et je pèse mes mots - à l'égard des éditeurs de contenus. Vous vous êtes laissé abuser, hypnotisé par un discours liberticide dont nous refusons et dénonçons la logique.

De fait, et je ne cite que cet exemple car les Français doivent le savoir, il suffira demain de cliquer sur une image sur Internet et de l'enregistrer - chacun connaît cette manipulation simple - pour devenir un délinquant.

Comment contrôlerez-vous ces comportements ?

Je vous l'avais dit en décembre, votre texte est un cauchemar orwellien : du cauchemar, il a l'inconsistance ; et de l'orwellien, la tentation de s'ériger en Big Brother. C'est affligeant.

15/03/2006 Débats DADVSI : autorité administrative indépendante, copie privée, DRM

Comme nombre de nos collègues, nous l'avons dit et nous le redirons, la création du collège des médiateurs porte gravement atteinte aux compétences du législateur, et la démonstration que vient de faire M. le rapporteur en témoigne une fois de plus. Il n'est ni sérieux ni responsable de vouloir confier à une juridiction d'exception le pouvoir de décider des conditions d'exercice du droit à la copie privée et, par conséquent, du droit d'usage des œuvres. C'est d'autant plus irresponsable que la création de cette structure intervient dans un contexte préoccupant pour l'avenir du droit à la copie privée. Celle-ci est aujourd'hui sérieusement menacée et votre texte participe de la liquidation de la copie privée au profit d'une copie contrôlée, ce qui n'a rien à voir.

Il suffit, pour se convaincre de cette menace, de prendre connaissance de l'arrêt de la Cour de cassation dans l'affaire dite « Mulholland Drive » que M. le rapporteur vient d'évoquer. La formulation en est très préoccupante, car la Cour indique qu'il faut apprécier l'atteinte à l'exploitation normale d'une œuvre « en tenant compte de l'incidence économique qu'une telle copie peut avoir dans le contexte de l'environnement numérique ».

Monsieur le rapporteur, vous nous avez donné hier deux explications qui sont également fausses. D'une part, vous avez considéré − et vous venez de le répéter − qu'il était nécessaire de prendre en compte la jurisprudence. C'est faux.

Car ce n'est pas à la jurisprudence d'éclairer le Parlement, mais au Parlement d'éclairer la jurisprudence.

Il est un peu facile de se retrancher derrière la jurisprudence pour justifier ses mauvais coups.

D'autre part, vous avez, avec force lyrisme, affirmé que la Cour de cassation avait entendu placer le droit d'auteur au-dessus de tout. Ce n'est absolument pas ce qu'elle dit lorsqu'elle parle « des incidences économiques » de la copie dans l'environnement numérique. Les éditeurs de vidéos ne s'y sont pas trompés et ont d'ailleurs salué cette décision, par laquelle, disent-ils, la Cour « a confirmé qu'il n'existait pas de copie privée à partir de DVD, car celle-ci porte atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre sur le marché ». Ne trompez pas les Français, monsieur le rapporteur : ce qui est placé au-dessus de tout, ce ne sont pas les auteurs, c'est le marché. Les atteintes au droit à la copie privée ne poursuivent qu'une finalité purement commerciale et financière. Admettez une fois pour toutes que vous servez ces intérêts, et non ceux des auteurs.

Pour finir, monsieur le rapporteur, vous nous avez enfin expliqué hier, avec tout autant de lyrisme, que le droit d'auteur était le plus sacré des droits de la propriété. À l'appui de votre démonstration, vous avez cité Le Chapelier. Mais ayez l'honnêteté de livrer la citation en entier. Ce qu'il disait est décisif pour notre débat. Comme nous tous, il considérait que la propriété intellectuelle était « la plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable », mais il ajoutait cette phrase qui devrait vous interpeller : « Lorsqu'un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s'en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s'en pénètre et qui en fait sa propriété. » Voilà le droit essentiel dont vous voulez aujourd'hui priver nos concitoyens au nom d'un droit d'auteur qui n'est, pour vous, que le prétexte à la défense unilatérale des intérêts commerciaux des éditeurs de contenus. C'est inacceptable.

[...]

Pour en revenir à notre discussion, il conviendrait a minima, monsieur le ministre, d'accepter, même si je suis opposé au collège des médiateurs, le sous-amendement n° 299 soutenu par Mme Boutin. En effet, comme l'indique l'exposé des motifs, un collège de médiateurs - précision dont j'ai déjà fait état - ne peut avoir pour rôle de fixer des « modalités d'exercice » d'un droit : ce dernier relève du pouvoir réglementaire.

Je soutiens, en revanche, sans réserve le sous-amendement n° 326 proposé par Patrick Bloche, car il a le mérite de la cohérence, ce qui n'est pas le cas de votre texte. En effet, pourquoi interdire la copie sur un support pour lequel l'utilisateur a déjà payé une redevance pour copie privée ? Faisons preuve de cohérence ! Comment d'ailleurs concevoir qu'on maintienne cette taxe alors que - atteignant les sommets de l'absurde ! - le Gouvernement, tout en prétendant défendre la copie privée, annonce que le nombre de copies autorisées pourra être égal à zéro ?

Quelle chose formidable que ce droit à ne pas copier ! Quelle innovation !

Mais une autre absurdité est à souligner : votre loi, monsieur le ministre, va aggraver la fracture numérique, car les restrictions, que vous cautionnez, à l'usage privé des œuvres vont toucher de plein fouet tous les utilisateurs peu avertis des nouvelles technologies, qui seront la proie des DRM, tandis que les utilisateurs avertis, d'une part et - catégorie bien différente - les vrais pirates, d'autre part, ne seront nullement affectés : ils contourneront les restrictions dont ils n'auront que faire. En d'autres termes, votre loi va porter préjudice aux utilisateurs de bonne foi et laisser indifférents ceux qui, par exemple, exploitent commercialement des copies pirates. Elle ne permettra pas d'augmenter le revenu des auteurs, bien au contraire.

Enfin, le surcoût des DRM et des dispositifs anti-copie -que vous saluez comme un progrès, alors qu'il ne s'agit que d'un recul - va peser tant sur le revenu des auteurs que sur les prix imposés aux consommateurs. Les seuls gagnants seront les fournisseurs de DRM, qui vendront des licences hors de prix aux producteurs : quel progrès pour la culture et pour le droit d'auteur !

Ce n'est pas le droit d'auteur que vous défendez, monsieur le ministre, mais les propriétaires des logiciels et des DRM !

[...]

Je partage tout à fait la position de mes amis socialistes et de Mme Boutin sur l'amendement n° 87 défendu par M. Bloche. C'est le minimum de ce qu'il faut accepter en matière d'information des consommateurs. Dans une tribune publiée aujourd'hui, le président de l'UFC-Que Choisir s'est d'ailleurs inquiété des arguments populistes utilisés sur cette question. Monsieur le ministre, il faut absolument que vous acceptiez l'amendement n° 87, car l'amendement n° 31 de la commission est limité. L'information sur les mesures techniques de protection doit concerner tous les supports, pas les seuls vidéogrammes.

[...]

Cet article est fondamental. Si nous ne sommes pas toujours d'accord avec M. Dionis du Séjour - c'est le moins que l'on puisse dire -, celui-ci s'est demandé avec juste raison si un collège de médiateurs avait vocation à fixer l'étendue des droits des usagers, s'agissant de l'exercice des libertés fondamentales. La directive européenne ne le demande pas. La création d'un tel collège serait même contraire à la directive européenne. L'argumentation de M. Dionis du Séjour devrait, monsieur le ministre, vous faire réfléchir.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains est opposé à la création du collège des médiateurs. Mais, sur ce sujet comme sur d'autres, le Gouvernement reste « droit dans ses bottes », sans tenir aucun compte des observations que nous formulons. Je n'ai entendu à aucun moment, le ministre ou le rapporteur répondre à la représentation nationale sur les raisons qui conduisent à écarter le législateur de la définition du cadre d'exercice de la copie privée.

Je sais, monsieur Richard, que beaucoup d'autorités indépendantes existent - beaucoup trop à mon goût. Nous devrions engager une réflexion plus globale dans notre pays sur le rôle du Parlement et de ces autorités. En effet, nous déléguons trop facilement les prérogatives parlementaires à ces autorités indépendantes. Qui, dans notre pays, est garant de l'intérêt général ?

Ce qui est choquant, ce n'est pas seulement la démarche du Gouvernement, c'est aussi son obstination à ne jamais répondre aux questions qui lui sont posées.

Je voudrais revenir sur les propos tenus tout à l'heure par M. le rapporteur. Pour lui, le droit à la copie des DVD pourrait être envisagé, un jour, moyennant des dispositions techniques. Il s'en serait assuré auprès du président de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Celui-ci est-il un représentant élu de la nation ? Depuis le début de ce débat, nous assistons à certains dérapages, qui ont au moins le mérite d'éclairer la représentation nationale sur les interlocuteurs de la majorité et l'autorité qui leur est reconnue.

Ce propos m'a frappé, car je vois d'emblée de quoi il est question. La copie des DVD sera sans doute autorisée et jugée peu dangereuse quand certaines DRM, dangereuses pour les utilisateurs, recevront l'agrément d'une commission « Théodule », qui décidera s'il est, par exemple, légal ou non d'intégrer dans les DVD des DRM dans lesquelles sera inscrit le numéro de la carte de crédit de l'utilisateur. À en croire le rapporteur, ces DRM s'imposeront demain pour être la défense des droits d'auteurs et le progrès de l'humanité ! Il n'est pas exclu que l'on approuve ce type de DRM pour autoriser à l'avenir la copie privée.

De quel droit de regard disposeront les députés sur ces évolutions ? D'aucun ! Cela relèvera en effet, de la compétence du collège des médiateurs. C'est une raison supplémentaire qui nous conduit à exprimer notre hostilité à l'article 9. Nous voterons donc les amendements tendant à sa suppression.

[...]

Graver ses propres compilations à partir de ses CD, extraire son morceau favori d'un disque pour l'écouter sur son ordinateur ou encore dupliquer un DVD pour en disposer à la fois chez soi et dans sa maison de campagne autant de pratiques très répandues et parfaitement légales que le Gouvernement souhaite proscrire, à tout le moins restreindre.

Pour ce faire, vous entendez légitimer les dispositifs techniques installés par les éditeurs et les producteurs sur les supports matériels afin d'en limiter la duplication. Vous proposez de mettre en place un collège de médiateurs qui aurait pour rôle de réguler les mesures techniques afin, dites-vous, de garantir l'exception de copie privée.

Compte tenu des incertitudes juridiques sur le champ d'exercice du droit à la copie privée, notre sous-amendement n° 275 tend à préciser que celui-ci s'exerce sur tous les supports numériques, y compris les DVD, à l'inverse de ce qui est induit par l'arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2006.

Ainsi, nous vous proposons d'apporter des précisions dans votre texte, tout en regrettant que votre démarche aille dans le sens de la légitimation des dispositifs anticopie utilisés par les producteurs et éditeurs pour brider la copie privée. Dans le domaine musical, cela fait quelque temps que les majors ont commencé. Des centaines de CD incopiables sont aujourd'hui dans les bacs. Le dernier CD de Céline Dion, pour ne citer que celui-ci, est équipé en Europe de la technologie Key2Audio de Sony. Il est illisible sur un ordinateur PC ou Mac et rend impossible la duplication d'un exemplaire pour l'écouter en voiture ou l'extraction d'une piste vers un baladeur numérique. Voilà donc une bien mauvaise surprise pour les acheteurs.

14/03/2006 Débats DADVSI : interopérabilité, DRM, logiciel libre, copie privée

Il n'en reste pas moins que cet amendement soulève quelques questions. En effet, si l'intention de leurs auteurs est louable, puisqu'il vise à garantir une meilleure information des consommateurs, elle est pourtant entachée d'une certaine ambiguïté. Prévoir une obligation d'information relative à toute limitation de l'utilisation d'une œuvre suppose d'admettre le principe même de cette limitation, que pour notre part nous contestons, en considération notamment de l'interopérabilité.

Soit en effet cette interopérabilité est effective, et l'information est alors inutile ; soit elle ne l'est pas, et dans ce cas l'information des consommateurs devient un élément essentiel. Reste à savoir quelle forme doit prendre cette information : voilà ce que ces amendements ne nous disent pas.

Si demain cette obligation d'informer les consommateurs se réduit, comme c'est souvent le cas, à quelques mentions en minuscules, noyées dans les diverses stipulations contractuelles, elle sera dans les faits un moyen facile pour les titulaires de droits de se dédouaner de poursuites.

Pour ma part, je suggérerais volontiers, avec, peut-être, un brin de malice, que l'information des consommateurs en matière de DRM s'inspire de ce qui existe en matière de vente de tabac. Nous pourrions imaginer par exemple que les CD ou DVD non copiables portent la mention « copie impossible », ou encore « ce CD peut nuire à la santé de votre ordinateur », ou bien « contient des logiciels espions ». Il serait d'ailleurs intéressant de vérifier si cela n'aurait pas une influence directe sur le volume des ventes de ces supports.

Ce ne sont que quelques suggestions, mais elles donnent une indication de ce qu'il adviendra réellement quand la généralisation des mesures techniques sera légalisée selon le souhait du Gouvernement.

[...]

Je partage la position de mon ami Christian Paul. Il est en effet indispensable de prévoir, pour les utilisateurs victimes de l'usage abusif des mesures techniques ou de tous les dispositifs entravant l'utilisation, des voies de recours simples et accessibles. Le projet de loi du Gouvernement porte gravement atteinte aux consommateurs. La moindre des choses serait donc que vous vous prononciez en faveur de cet amendement, qui a le mérite d'organiser et de prévoir une voie de recours lisible.

[...]

Visiblement, monsieur le ministre, nous sommes une fois de plus en désaccord. Dans sa rédaction actuelle, l'article 7 ne permet en aucune façon de protéger le logiciel libre. D'une part, l'obtention des informations essentielles à l'interopérabilité est conditionnée par des règles qui pourront être arbitrairement définies par les fournisseurs de mesures techniques. Ainsi, que doit-on entendre par « garantir la sécurité de fonctionnement des mesures techniques » ? Une telle expression pourrait permettre à Microsoft d'interdire par contrat les divulgations d'un code source interopérant avec une de ces mesures techniques. D'autre part, les conditions de prix pourront elles aussi exclure les logiciels libres des segments de marché concernés, comme l'a relevé tout à l'heure M. Bloche.

Seuls les coûts de mise à disposition doivent pouvoir être facturables. Vous auriez dû inscrire cette disposition si vous souhaitiez réellement protéger le logiciel libre.

Les associations du logiciel libre n'ont cessé de dénoncer la rédaction actuelle de votre article. C'est pourquoi nous voterons contre cet article. Nous sommes, en revanche, favorables au sous-amendement n° 402.

[...]

Nous revenons, avec cet article, à une question dont nous avons déjà largement débattu, celle du droit à la copie privée. Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez déclaré vouloir réaffirmer solennellement ce droit. C'est pourtant faux ; le texte que vous nous proposez ne va pas dans ce sens. Inutile de tourner autour du pot : demain, nul ne pourra copier un DVD pour son usage personnel. Ou alors, prouvez-nous le contraire !

Des internautes ont récemment évoqué cette question sur mon blog - vous pouvez le vérifier à cette adresse : www.dutoitfreeblog.com - : tous témoignent de l'incompatibilité entre l'usage des DRM tels qu'ils sont aujourd'hui définis et mis en place et l'exercice du droit à la copie privée. Ils ne vous croiront pas sur parole. Les déclarations d'intention n'ont en effet pas de sens dès lors que vous ne fixez pas de limites aux atteintes que les DRM font peser sur le droit des usagers.

Vous prétendez vouloir défendre le droit à la copie privée. Alors apportez-nous une garantie législative que cette possibilité sera bien offerte et que les systèmes anticopie seront illégaux. C'est la réponse que nous attendons et que les Français attendent.

Ce n'est évidemment pas ce que vous faites. Vous vous réfugiez, comme notre collègue Laurent Wauquiez et comme M. le rapporteur, derrière les compétences du fameux collège des médiateurs, à la création duquel nous sommes profondément opposés. C'est à la loi et à elle seule de fixer le régime précis des exceptions et de garantir formellement l'exercice des droits des usagers qui relèvent, je le rappelle, des libertés publiques. Il est inacceptable que le Gouvernement se refuse obstinément à garantir formellement et clairement le droit à la copie privée. Vous ne parviendrez pas à abuser les Français et la représentation nationale sur ce point.

[...]

Franchement, monsieur Wauquiez, vous me décevez.

Et les propos de M. le ministre me renforcent dans mon sentiment. Par votre amendement, vous souligniez en effet l'ambiguïté et les insuffisances de la position du Gouvernement, épaulé bien maladroitement par la majorité. Le ministre ne cesse de prétendre défendre l'exception pour copie privée, mais ne prévoit aucune mesure visant à en garantir l'exercice. C'est assez cocasse ! L'impossibilité de copier un DVD restera demain la règle. Comme l'a confirmé la Cour de cassation dans son fameux arrêt « Mulholland Drive », décision récente en contradiction avec le principe de l'exception pour copie privée et sur laquelle nous aurions aimé que le ministre nous donne son sentiment.

Faire ses propres compilations sera demain tout aussi impossible. Même contradiction ! À quoi rime donc de prétendre défendre le droit à la copie privée dans ce texte ? De fait, notre droit est en train d'évoluer dans un sens favorable aux seuls éditeurs et défavorable aux utilisateurs. Visiblement, monsieur le ministre, votre projet de loi est le cheval de Troie des lobbies contre les intérêts des consommateurs.

Dans tout ce dispositif, la défense des droits d'auteur n'est qu'un prétexte. L'interdiction de la copie privée fait peser sur l'ensemble des utilisateurs une présomption de culpabilité inacceptable dans son principe. En interdisant les copies, on présume de leur usage frauduleux et non de la bonne foi de l'utilisateur. En outre, on vide de son contenu le principe selon lequel un utilisateur peut effectuer une copie des œuvres qu'il possède légalement pour son usage personnel ou dans le cadre familial. C'est une atteinte intolérable au droit d'usage, aux droits les plus élémentaires de chacun d'entre nous.

On le voit, derrière le discours de façade et les déclarations solennelles vides de sens, votre texte ne fait pas illusion. Votre amendement, monsieur Wauquiez, n'était d'ailleurs qu'un faux-fuyant pour sauver le ministre.

En le retirant, vous lui permettez de sortir par le soupirail.

J'alerte nos concitoyens : le droit à la copie privée, que les sociétés d'auteurs et d'éditeurs n'ont cessé de combattre et de souhaiter voir disparaître mais qui reste cependant un droit essentiel, est aujourd'hui remis en cause par ce texte. C'est parfaitement inacceptable.

14/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, licence globale, DRM, exceptions au droit d'auteur

Je soutiens les amendements de mes amis du groupe socialiste et je suis d'accord avec ce que vient de dire Mme Billard.

Comme l'expliquait tout à l'heure M. Bloche, nous aurions pu trouver très sereinement des pistes de réflexion pour des solutions garantissant le respect des droits d'auteur à la française dans le cadre de la société de l'information avec Internet et la numérisation. Des pistes de réflexion ont déjà été ouvertes dans cet hémicycle, le groupe socialiste en fait quelques-unes aujourd'hui. Concernant l'exception de copie privée, il me paraît tout à fait logique de mettre à contribution les fournisseurs d'accès à Internet et de les faire participer à la commission.

De toute façon, monsieur le ministre, votre texte est déjà obsolète et dépassé. S'il est adopté, les consommateurs qui paient une taxe pour copie privée sur les supports vont se rebeller, à juste titre. Ils ne pourront plus financer les œuvres et donc les auteurs.

Il faut que l'on invente des systèmes permettant de garantir les droits des auteurs.

Votre objectif, finalement, est moins de garantir les droits d'auteur que la présence des DRM pour le contrôle d'un marché potentiel énorme.

[...]

Comme le disait Mme Boutin, ce débat est la démonstration concrète que nous aurions pu tous ensemble trouver un consensus si ce projet de loi avait été débattu au fond. Je partage tout à fait la position de M. Bayrou, d'autant que j'ai émis une proposition visant à mettre en place une plate-forme publique pour le téléchargement des œuvres par Internet, avec rémunération des auteurs - une bibliothèque numérique grandeur nature en quelque sorte -, proposition toujours d'actualité.

Je remercie d'ailleurs l'ensemble de mes collègues qui ont voté mon sous-amendement concernant la mise en place d'une plateforme publique pour le téléchargement des œuvres des jeunes créateurs ne bénéficiant pas d'une diffusion traditionnelle via les maisons de disques ou via les plateformes privées du style FNAC ou Virgin. L'Assemblée nationale adopté ce sous-amendement avec l'accord du Gouvernement, et je m'en félicite. Il me semble que nous pouvons, tous ensemble, aller dans cette direction. Monsieur Bayrou, il faut mettre à contribution les fournisseurs d'accès à Internet - je pense à l'e-commerce qui est en train de se développer sur la Toile. Quant à Microsoft, Apple ou Sony, monsieur Dionis du Séjour, ils doivent également être mis à contribution pour financer la création. Cela me paraît d'autant plus logique que Microsoft est la première fortune du monde.

Je veux insister sur la question de la copie privée. Les consommateurs n'accepteront jamais - les dépêches de l'AFP en font foi - de payer la taxe à la fois sur les supports et dans le cadre du téléchargement. Il nous faut donc avancer vers une solution proche de la licence globale. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, quand bien même vous feriez passer cette loi de force, vous n'échapperez pas à une réflexion sérieuse sur la rémunération de tous les auteurs. Vous ne voulez pas vous adapter au XXIe siècle, mais le XXIe siècle vous rattrapera !

[...]

Pour ne pas prolonger nos débats sur ce point, je précise que je partage entièrement les propos de Mme Billard, M. Bloche et M. Suguenot. Permettez-moi néanmoins, monsieur le ministre, de vous faire, une fois de plus, une proposition consensuelle.

Si l'on va jusqu'au bout de votre logique, il faut exonérer tous les internautes de la redevance pour copie privée. En effet, pour quelles raisons la paieraient-ils s'ils n'ont pas le droit de télécharger ? Je vous propose donc de travailler ensemble sur cette question, afin que les consommateurs que sont les internautes ne soient pas pénalisés deux fois.

[...]

Que des deux côtés de l'hémicycle on ait soulevé cette question prouve que le projet de loi n'est pas au point. Le sujet mérite pourtant une vraie réflexion.

J'entends bien l'objection du rapporteur et son allusion aux vases communicants, mais j'attire son attention sur le fait que l'amendement de M. Geoffroy et M. Depierre est très restrictif, car la question dépasse de très loin l'imagerie médicale. Toutes les branches de la médecine et le secteur paramédical travaillent aujourd'hui avec des supports vierges. Je rappelle que nous venons de voter un projet de loi relatif à la recherche, domaine dans lequel on utilise beaucoup les supports numériques.

L'amendement n° 177, même si je veux bien me rallier à la proposition du rapporteur, me paraît trop limité et je souhaiterais avoir une idée très précise de ce qu'il recouvre. Je pense que l'exonération doit porter sur toute utilisation médicale.

Je serai d'accord sur une rectification qui rendrait les deux amendements identiques.

[...]

Je n'oublie pas les discussions que nous avons eues la semaine dernière. Comme Mme Billard, j'ai voté les exceptions en faveur de la recherche et de l'enseignement. Naturellement, si le ministre et le rapporteur l'acceptent, je suis également très favorable à un amendement visant « les supports d'enregistrement à des fins médicales et éducatives » - ou « pédagogiques », dans la mesure où il est nécessaire d'aider l'école à réaliser des économies.

[...]

Ainsi que vient de le souligner M. le ministre, nous abordons avec l'article 7 la question fondamentale des DRM.

Notre rapporteur, M. Vanneste, souligne à l'envi que les DRM constituent un « progrès pour l'humanité ». Nous ne partageons évidemment pas ce point de vue. Mais je crois utile que les Français qui nous écoutent sachent exactement ce qu'il en est.

La gestion des droits numériques peut s'effectuer de bien des façons. Les mesures techniques de protection peuvent ainsi permettre de contrôler simplement le premier accès à une œuvre, puis laisser l'utilisateur libre de l'utiliser comme il l'entend : dans ce cas, elles sont parfaitement acceptables. De même, nous pouvons accepter l'idée que des DRM puissent avoir une valeur informative, à savoir prévenir l'utilisateur de ce qu'il a le droit de faire ou non d'une œuvre. En pratique, cependant, la totalité des DRM apparus au cours de ces dix dernières années vise de tous autres objectifs.

Leur seule vocation est en effet de contrôler étroitement l'usage privé des œuvres numériques au moyen de restrictions apportées aux modalités de lecture et de copie, déterminées de façon unilatérale par les ayants droit. Certains vont même jusqu'à envisager des DRM fondés sur la méfiance, qui intégreraient dans l'œuvre le numéro de carte de crédit de l'utilisateur de façon à diffuser publiquement des informations bancaires le concernant en cas de copie : c'est inacceptable ! Dans ce contexte, je voudrais bien comprendre, monsieur le rapporteur, en quoi les DRM constituent un « progrès pour l'humanité » !

Je reviendrai par ailleurs un instant sur l'arrêt rendu par la Cour de cassation voilà deux semaines, et connu sous le nom de Mulholland Drive. La première chambre civile vient en effet de casser un arrêt de la cour d'appel de Paris qui s'était prononcé en faveur du plaignant, estimant qu'un système anticopie de DVD était incompatible avec l'exercice de la copie privée, fustigeant le manque d'information sur le système anticopie, et demandant le retrait des dispositifs de verrouillage sur les DVD de Mulholland Drive : distributeurs et éditeurs avaient alors été condamnés à des dommages et intérêts.

Au nom d'usages potentiellement frauduleux, la Cour de cassation a pris la grave décision d'autoriser désormais les ayants droit de prévoir toute mesure de protection qu'ils jugent utile, y compris celles qui empêchent l'utilisateur d'effectuer une copie privée.

Votre loi va dans le même sens alors que des principes essentiels sont ici en jeu : avons-nous le droit de légiférer en nous plaçant sous le signe du soupçon permanent, en partant de l'a priori que tous les consommateurs sont des fraudeurs potentiels ? Dans notre droit prévaut au contraire le principe de la bonne foi et non celui de la méfiance.

Ce n'est pas là verser dans l'angélisme mais défendre une idée républicaine qui est à la base de notre conception des libertés publiques et de la bonne foi.

Voilà un motif essentiel pour refuser la légalisation de ces fameuses mesures techniques de protection.

09/03/2006 Débats DADVSI : plate-forme publique, copie privée, licence globale

Je trouve choquant que nous ayons eu à voter sur l'amendement n° 272 du Gouvernement après le rejet de l'article 1er. C'est une manœuvre que les Français, sinon l'histoire, jugeront, eux qui sont aujourd'hui très largement favorables aux propositions que nous avons développées depuis le mois de décembre, sur tous les bancs de cet hémicycle, et qui visent à garantir au mieux la rémunération des auteurs et des interprètes, à l'ère du numérique et de l'évolution du monde dans le sens des échanges entre tous les êtres humains sur la planète.

Je pense très sincèrement que le texte du Gouvernement est d'ores et déjà dépassé, comme mes collègues socialistes l'ont démontré en soutenant leur amendement n° 168. L'utilisation d'Internet par la jeunesse, mais pas seulement, est largement répandue dans notre pays, avec 24 millions de foyers connectés et 11 millions de téléchargements effectués l'année dernière. Il sera impossible de les limiter. Vous savez très bien que les internautes, y compris les jeunes, sont tout à fait favorables à une rétribution des auteurs. Il nous faut trouver une solution équilibrée respectant les droits des auteurs, le droit de copie, qui n'est pas total dans votre projet de loi, et la liberté des échanges via Internet.

De ce point de vue, mon amendement n° 381, tendant à créer une plate-forme publique de téléchargement dédiée à la diffusion des œuvres des jeunes créateurs non disponibles à la vente sur une plate-forme légale de téléchargement et à la juste rémunération des auteurs, a recueilli l'unanimité. Je tenais à vous en remercier tous, ainsi que vous-même, monsieur le ministre. C'est la preuve que nous pouvons avancer dans la recherche de solutions équitables.

[...]

Comme vient de le dire M. Mathus et comme l'a dit Mme Boutin tout à l'heure, c'est quand nous rentrons dans le vif du sujet que le débat s'éclaircit et qu'on distingue les objectifs du Gouvernement. Je suis évidemment très favorable à l'amendement, non pas parce qu'il permet la licence globale, comme dit le rapporteur, mais parce qu'il vise à ouvrir la porte de la rémunération des auteurs, dans le cadre de ce que, de toute façon, nous allons vivre dans les années à venir.

Je reconnais bien volontiers, monsieur le ministre, que, entre le mois de décembre et aujourd'hui, vous avez fait un effort sur la pénalisation.

Nous constatons cependant que, avec le texte actuel, vous ne souhaitez pas seulement traiter la question de la pénalisation, mais que vous voulez aussi permettre que les fameuses mesures techniques de protection, les DRM, puissent être le verrou garantissant la traçabilité du téléchargement. Pour vous, le téléchargement n'est pas un moyen d'échange libre entre les internautes du monde entier, mais quelque chose qui doit être maîtrisé, canalisé, voire orienté non par la puissance publique, mais, comme l'a démontré Christian Paul, par les monopoles qui règnent aujourd'hui sur le marché de l'Internet et de l'informatique. Là encore, c'est un choix de société dont il s'agit.

Je le répète, les internautes sont déjà 24 millions en France, et plus d'un milliard dans le monde. Les téléchargements ne s'arrêteront donc pas. Nous allons même, avec cette loi, inciter au détournement des DRM, car l'intelligence est du côté de la jeunesse : votre texte est d'ores et déjà obsolète !

Il convient, au contraire, d'innover en matière de traçabilité et, surtout, de rémunération des auteurs afin de garantir leurs droits. C'est dans cette voie qu'il nous faut aller, ainsi que je l'ai proposé. Aussi, je soutiendrai cet amendement.

09/03/2006 Débats DADVSI : plate-forme publique

Ce sous-amendement, qui semble ne pas avoir été retenu, prévoit que le Gouvernement transmettra au Parlement dans les mois à venir un rapport relatif aux modalités de la mise en œuvre d'une plate-forme publique de téléchargement visant la diffusion de jeunes créateurs dont les œuvres ne sont pas disponibles à la vente sur les plates-formes légales de téléchargement, et la juste rémunération de leurs auteurs.

Par ce sous-amendement, nous voulons simplement inviter le Gouvernement à s'engager dans la voie de la recherche de solutions pour les jeunes créateurs dans le contexte du développement de l'économie numérique. L'offre commerciale de téléchargement se concentre en effet sur les segments les plus rentables du marché, et les jeunes créateurs sont souvent absents des catalogues des diffuseurs en ligne. Ils doivent par conséquent le plus souvent renoncer à toute forme de rémunération à l'occasion de la diffusion de leurs œuvres sur Internet.

C'est une des raisons pour lesquelles nous étions favorables à l'instauration d'une rémunération pour copie privée à l'occasion des téléchargements en ligne, par l'intermédiaire d'un mécanisme tel que la licence globale. Le Gouvernement en a récusé l'opportunité. C'est dommage. Comme il est regrettable que nous n'ayons pu obtenir le retrait du texte pour engager cet utile débat.

Internet représente en effet un formidable outil de diffusion et de promotion pour les jeunes artistes. C'est un puissant moteur pour leur notoriété. Nombre des internautes sont prêts à acquitter des droits pour accéder à leurs œuvres. Pourtant, ils demeureront demain largement absents du net, dans le cadre du seul développement des plates-formes commerciales.

Nous savons que le Gouvernement n'est pas forcément hostile à l'idée d'une plate-forme publique visant le soutien à la jeune création. Aussi, nous aimerions qu'il engage un travail de réflexion sur les modalités d'encadrement de la diffusion des jeunes auteurs sur Internet et qu'il envisage la création d'une offre publique de téléchargement conciliant le principe de démocratisation de l'accès à l'Internet et la juste rémunération des auteurs.

Surtout, nous voudrions dès à présent connaître le sentiment du ministre sur cette question.

08/03/2006 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur

Je soutiens, quant à moi, le sous-amendement proposé par nos collègues socialistes.

Vous m'inquiétez, monsieur le ministre, car la rédaction proposée par ce sous-amendement est beaucoup moins restrictive que celle qu'a retenue le Gouvernement. Votre texte prévoit, en effet, que les copies effectuées par les bibliothèques ne peuvent l'être que lorsque le support sur lequel est fixé l'œuvre n'est plus disponible à la vente ou que le format de lecture est devenu obsolète : ce n'est pas là une exception, mais l'affirmation d'une évidence.

Surtout, votre disposition doit être lue en creux : il n'existe pas d'exception dès lors que l'œuvre est disponible à la vente. Or, l'enjeu d'une exception est bien d'autoriser les copies des œuvres. Dans le cas des bibliothèques, l'exception se justifie par les missions de service public que remplissent celles-ci. Je ne vois pas comment justifier le refus de permettre aux bibliothèques de mettre à la disposition du public, comme elles le font déjà, l'ensemble des œuvres disponibles.

Monsieur le ministre, je regrette que, sur ce point comme sur bien d'autres, vous ayez prêté une oreille complaisante à ceux qui ne demandent qu'à profiter de la révolution numérique pour modifier la règle du jeu et contester le principe du prêt gratuit.

Jusqu'à présent, en effet, les bibliothèques pouvaient s'abonner à la version papier d'un quotidien, qui était consultable par tous. Les éditeurs sont aujourd'hui de plus en plus tentés de leur proposer uniquement des versions consultables seulement sur ordinateur, ce qui leur permettra de connaître le nombre exact de personnes ayant effectivement consulté les articles. Aux termes de la loi, qui ne prévoit pas d'exception au principe du droit exclusif d'autoriser, il sera possible à ces éditeurs de facturer leurs services aux bibliothèques à proportion du nombre de consultations. C'est là une remise en cause radicale du principe du prêt gratuit.

Cela signifie, surtout, l'ouverture d'un marché nouveau, particulièrement juteux, et l'opportunité d'un véritable pillage des ressources financières des bibliothèques publiques, des bibliothèques universitaires, des centres de documentation, des entreprises ou des établissements scolaires. Certaines sociétés d'auteurs et d'éditeurs n'ont jamais caché leur hostilité au principe du prêt gratuit et voient dans le virage du numérique l'occasion de le mettre à bas, avec la bénédiction du Gouvernement.

Je défends donc ici le principe, en outre prévu par la directive européenne comme l'a rappelé tout à l'heure Christian Paul, de l'exception au droit exclusif des auteurs, tant pour les bibliothèques municipales ou universitaires que pour les centres d'archives et de documentation.

J'ajoute pour terminer, monsieur le ministre, que les députés qui sont également maires devraient se mettre d'accord avec l'Association des maires de France, qui souhaite, quant à elle, que cette exception soit garantie.

[...]

Monsieur le ministre, au-delà du fait que les accords dont vous nous avez annoncé la signature ne sont pas encore dans nos casiers - mais je veux bien vous faire confiance - il me semble que vous avez fait la démonstration qu'il n'y a aucun problème pour que cette exception pour la recherche scientifique et l'enseignement soit acceptée. Le sous-amendement de mme Billard va tout à fait dans le sens des accords, et je le soutiens.

07/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, licence globale

Je soutiens le sous-amendement de nos collègues socialistes car il garantit l'exercice du droit à la copie privée. Nous savons que ce droit n'en est pas un à proprement parler, car il s'agit d'une exception. Mais lorsque j'entends certains, comme j'ai pu l'entendre au cours d'auditions, qu'il ne s'agit en fait que d'une tolérance, je ne peux être que révolté.

Au nom de la défense des droits d'auteur, nous assistons à un recul des droits des consommateurs, recul portant sur les droits d'usage des œuvres. Le code de la propriété intellectuelle prévoit de longue date une exception pour copie privée. Elle permet à chacun de réaliser une copie des œuvres pour son usage privé. Cette exception permet d'enregistrer une émission de radio ou de télévision, mais aussi de réaliser une compilation ou la copie d'un CD afin de pouvoir l'écouter dans sa voiture, par exemple.

La rémunération pour copie privée est la contrepartie légitime. Celle-ci est versée aux créateurs et producteurs, et un quart est réservé au soutien à l'action culturelle pour la création et le spectacle vivant. Cette rémunération est actuellement garantie notamment par une taxe sur les supports numériques acquittée par les consommateurs - 160 millions d'euros en 2005. Or depuis quelques années, à l'occasion du développement des technologies numériques, les éditeurs mettent en place des mesures techniques de protection visant à contrôler les usages privés d'une œuvre. Cette pratique remet en cause l'exception pour copie privée, vous ne pouvez pas le nier. C'est d'ailleurs le principal objectif visé par les mesures techniques de protection.

Les fameux risques attachés au fait que l'utilisateur pourrait proposer des contenus sur Internet ne sont qu'un prétexte. L'objectif est en fait d'ouvrir une nouvelle ère, celle du profit maximum réalisé sur les usages privés des œuvres, et cela est d'autant plus inacceptable que ces usages n'ont jamais porté un quelconque préjudice à l'économie culturelle.

Nous avons dit qu'il était urgent que la loi garantisse véritablement le droit à la copie privée. Le sous-amendement qui nous est proposé va dans ce sens et c'est pourquoi je le voterai.

[...]

Ce sous-amendement ne vise qu'un objectif : la reconnaissance du droit à la copie privée.

Il peut sembler choquant à certains que le téléchargement entre dans le cadre de la copie privée, mais rappelons que c'est la position adoptée par la jurisprudence. Par ailleurs, compte tenu des risques que fait peser le texte gouvernemental qui a choisi une voie répressive, inefficace et dangereuse, la légalisation du téléchargement nous paraît constituer la seule issue.

Sur le fond, les discours visant à condamner la voie ouverte par nos sous-amendements soulèvent deux problèmes.

D'abord, il nous faudrait mesurer l'impact économique des téléchargements. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que nul ne remettait en cause l'influence nocive du peer-to-peer. Je suis désolé de vous le dire, mais c'est faux. Aucune des études indépendantes menées à ce jour n'a conduit à cette conclusion. Nous vous avons demandé de produire les analyses sur lesquelles vous vous fondez, mais vous ne l'avez pas fait.

Ensuite, notre sous-amendement a le mérite de tordre le cou à l'idée que seuls les sites de téléchargement des grandes enseignes peuvent prétendre à la légalité. Ces sociétés voient évidemment d'un très mauvais œil l'existence de plateformes gratuites et tentent d'imposer leur point de vue. Or l'offre de ces sites reste non seulement onéreuse mais limitée. Le coût associé à la mise en œuvre des mesures techniques de protection favorise en effet la concentration de l'offre sur les segments du marché les plus porteurs, au détriment de la diversité culturelle et de la promotion des jeunes artistes. Il est d'ailleurs fâcheux qu'un tel discours trouve une oreille aussi attentive de la part d'un gouvernement qui prétend par ailleurs défendre la diversité culturelle.

Mais, dans un dispositif tel que le nôtre, reste à prévoir la juste rémunération des auteurs, la compensation financière de cette forme de copie privée que rien ne distingue, sur le fond, des autres. C'est d'ailleurs là encore la position de la jurisprudence.

Nos collègues socialistes privilégient la voie de la licence globale. Nous lui préférons un autre dispositif : l'offre publique légale.

Nous pensons que l'une des voies ouvertes aujourd'hui serait la création d'une médiathèque numérique publique regroupant toutes les œuvres musicales, audiovisuelles, iconographiques, enregistrements de spectacles vivants et arts plastiques. La mise en place de cette offre légale, techniquement réalisable, offrirait nombre d'avantages : le respect du droit moral des créateurs, une rémunération proportionnelle et équitable des auteurs. Ouverte à tous les styles musicaux, cinématographiques et aux arts plastiques, elle garantirait la diversité des expressions culturelles.

Le financement de cette offre pourrait être assuré par la mise à contribution des fournisseurs d'accès à Internet, principaux bénéficiaires du développement des échanges en ligne, et accessoirement par les utilisateurs, de manière forfaitaire, comme avec la licence globale.

Cette offre publique légale n'est qu'une piste de proposition possible, il est vrai. Mais elle renforce notre argument selon lequel le préalable indispensable est de réaliser des études utiles pour la recherche de solutions viables et surtout conformes à l'intérêt général, celui des auteurs et celui des utilisateurs.

En outre, cette proposition permet de résoudre deux des problèmes posés par la licence globale : le difficile contrôle des flux sur Internet et la délicate répartition des rémunérations. Avec l'offre publique légale, il deviendrait possible de savoir très exactement qui télécharge quoi, et de garantir une rémunération proportionnelle à l'exploitation réelle des œuvres. En outre, elle correspond à une demande et serait plus facile d'accès pour le peer-to-peer. Plus démocratique et très peu chère, elle serait de nature à favoriser la démocratisation de la culture. Elle responsabiliserait l'utilisateur sans le toucher au portefeuille, tout en lui donnant la satisfaction de verser des droits aux auteurs qu'il écoute vraiment. D'ailleurs, 85 % des auteurs y sont favorables.

Cette proposition cumule donc les avantages pour les auteurs, qui trouveront là une source de rémunération équitable, et pour les utilisateurs, qui ne seront dès lors guère tentés d'utiliser le peer-to-peer classique, peu sûr du fait des multiples virus qui circulent et, surtout, très aléatoire quant à la qualité des fichiers téléchargés.

Dans le même temps, elle est conforme à notre approche de l'Internet. Cette médiathèque numérique conforterait le statut d'espace public de l'Internet contre les tentatives qui visent à en faire un espace purement marchand.

[...]

Nous voici arrivés à un moment essentiel du débat. Deux visions de l'avenir s'opposent, au-delà des clivages politiques traditionnels : soit l'on se conforme au projet du Gouvernement, et nous devrons accepter, malgré qu'il en ait, les verrous numériques, ou DRM, pour assurer une traçabilité et identifier ceux qui se livrent au téléchargement illégal ; soit nous ouvrons la possibilité de faire de l'Internet cet espace de connaissance, d'échange et de diversité culturelle que les internautes du monde entier appellent de leurs vœux. Comme je l'ai dit cet après-midi, nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère. Votre projet de loi est déjà obsolète, monsieur le ministre.

Les téléchargements se feront de toute façon. Mieux vaut s'attacher à assurer une rémunération effective et juste aux auteurs.

07/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, DRM, licence globale, plate-forme publique

Monsieur le ministre, lors de l'examen de votre texte, en décembre dernier, j'avais formulé plusieurs propositions.

La première, et la plus essentielle, consistait à vous demander de surseoir à l'examen de ce texte. Votre projet de loi posait de trop grandes difficultés et aurait, s'il avait été adopté en l'état, emporté des conséquences graves pour la vie quotidienne de millions de nos concitoyens et des nombreux utilisateurs de données numériques. Aussi, je vous le demande à nouveau ce soir, monsieur le ministre, sortez par le haut de ce débat ou, au moins, retirez l'urgence ! Pour que nous puissions avancer ensemble, retirez de l'ordre du jour de l'Assemblée ce texte qui fait l'objet de tant de débats...

Nous avions demandé l'organisation d'un véritable débat démocratique, assez large pour prendre concrètement la mesure des enjeux très divers que soulèvent l'avènement de la société de l'information et le développement des technologies de traitement et de communication qui y sont afférentes. Un débat qui aurait pu et dû associer un plus large public et permis de mieux tenir compte du point de vue des partisans d'une refonte plus radicale de notre droit, eu égard à la révolution des usages culturels à laquelle nous assistons.

Vous n'avez pas jugé la démarche opportune, préférant demeurer « droit dans vos bottes ». Vous revenez donc devant nous après avoir opéré quelques aménagements marginaux qui ne règlent rien sur le fond tant en ce qui concerne le droit à la copie privée que les logiciels libres ou la régulation des échanges sur Internet, au sujet desquels vous continuez de défendre une logique répressive.

Concernant le droit à la copie privée, vous n'avez cessé monsieur le ministre, de donner des assurances au grand public sur votre volonté de faire respecter ce droit, mais vous n'offrez aucune garantie, et pour cause ! Dois-je rappeler que l'objectif de votre projet est de légaliser les DRM, et donc le principe selon lequel les éditeurs de contenus auraient toute latitude pour contrôler les usages privés des œuvres ?

Ce contrôle est une nouvelle source de profits pour les éditeurs, mais il signifie dans le même temps un recul des droits des usagers ayant acquis les œuvres en toute légalité.

Vous prétendez défendre le droit à la copie privée. Mais c'est faux ! La preuve en est que demain, si j'achète un DVD, je ne pourrai pas en faire de copie pour mon usage personnel, ni réaliser une compilation des titres contenus dans différents CD. Ce ne sont que deux exemples, mais ô combien significatifs...

Ce que vous voulez légaliser, c'est la pratique - jusqu'alors interdite aux éditeurs et qui n'est rendue possible que par le progrès technologique - qui consiste à contrôler les usages privés des œuvres, et cela est, par principe, inacceptable.

Notre droit évolue dangereusement vers une moindre reconnaissance des droits d'usage des œuvres et des droits des consommateurs, au profit exclusif des éditeurs de contenu. Ce qui était possible hier avec le vinyle ou le CD deviendra impossible demain. Au nom de quoi ? Au nom du risque que certains utilisateurs proposent ces contenus gratuitement sur Internet, me direz vous... Mais, puisque vous proposez de réprimer les échanges de fichiers sur Internet, en quoi cette position est-elle cohérente ? Et si ce risque existe, est-ce aujourd'hui une raison pour faire peser sur tous les utilisateurs et tous les acheteurs, le soupçon de fraude ? C'est inacceptable. En droit, c'est la bonne foi qui se présume et vous ne pouvez imposer à tous les consommateurs de bonne foi des restrictions sur leurs droits d'usage au nom des risques de fraude.

Alors, je vous demande solennellement, monsieur le ministre, de mettre vos actes en cohérence avec vos paroles et de nous proposer, dans le cours de ce débat - si vous persistez à maintenir le texte -, un article réaffirmant le droit à la copie, sans en soumettre les modalités à un collège de médiateurs. Il revient à la loi de définir le champ de cette exception car il s'agit de l'exercice de libertés publiques. Nous ne pouvons souscrire au principe de la compétence d'un quelconque collège.

S'agissant de la question des téléchargements sur internet, nous avons assisté depuis décembre à une campagne de désinformation éhontée, tendant à assimiler la licence globale à la gratuité. Nous avons fait part de nos réserves à l'égard de la licence globale, mais n'oublions pas que cette solution, qui pose de vraies questions, est issue d'une proposition des artistes et non des associations d'internautes que vous vous plaisez à montrer du doigt. Elle n'est pas élaborée contre les artistes, mais par certains d'entre eux.

Cette précision étant apportée, nous estimons que le projet de licence globale souffre de plusieurs défauts : les difficultés techniques attachées à la répartition du produit de la taxe, mais aussi le fait qu'il ne prévoit, par exemple, aucune contribution des fournisseurs d'accès à internet.

Pour ma part, je vous propose aujourd'hui d'examiner une troisième voie, celle de la mise en place d'une plateforme publique de téléchargement, qui pourrait être à la fois financée par les fournisseurs d'accès à internet et par une taxe sur les énormes profits que génère le développement de l'e-commerce. Nous ne pouvons en effet pas ignorer la part actuelle de la numérisation dans les profits privés. Une contribution forfaitaire pourrait être également demandée aux internautes. Une telle plateforme répondrait à la principale préoccupation des auteurs eux-mêmes, puisqu'elle autoriserait une rémunération proportionnelle, juste et équitable, tout en participant à la démocratisation de la culture.

Il ne s'agit certes pas d'une proposition « clef en main », mais d'une piste de réflexion prometteuse, ouverte par l'Union nationale des syndicats d'auteurs et musiciens.

Comme l'ont souligné certains de mes collègues, vous ne proposez, depuis le départ, que de bâtir une ligne Maginot. Votre projet de loi est déjà obsolète et ne tardera pas à apporter la preuve de son inefficacité.

Il est également dangereux car il légalise des pratiques prédatrices fortement préjudiciables au droit des consommateurs.

Comme vous le voyez, les raisons ne manquent pas pour appeler au retrait du projet de loi et à l'organisation d'une concertation, indispensable si nous voulons élaborer une loi satisfaisante, susceptible de concilier les préoccupations légitimes du monde de la création et le droit non moins essentiel des utilisateurs et des consommateurs. Seul un report de la discussion pourrait montrer c'est vraiment l'intérêt général qui est recherché.

Je soulignerai pour finir qu'une grande majorité de nos concitoyens sont hostiles à votre projet de loi. L'opération publicitaire que vous avez menée à grand fracas avec la création du site « lestelechargements. com » est là pour l'illustrer : à peine 5 % des internautes ayant laissé des commentaires sur ce site se sont dits favorables à votre texte. Un tel fiasco a une portée symbolique. La sagesse commande, monsieur le ministre, que nous ne nous engagions pas à nouveau dans l'examen de mesures hasardeuses, mais que nous recherchions une solution tous ensemble, car ce sujet dépasse les clivages politiques.

[...]

À l'occasion de cette proposition d'article additionnel, je voudrais revenir sur les questions de fond qui sous-tendent nos débats d'aujourd'hui. En effet, je ne peux pas accepter qu'on dise qu'en votant en décembre dernier la licence globale, nous avons autorisé le téléchargement gratuit des œuvres, et donc la spoliation des auteurs.

J'avais jusqu'ici, monsieur le président, le sentiment que le ministre utilisait les droits d'auteur comme un épouvantail. Il semble en réalité qu'ils lui servent de cheval de Troie pour imposer la logique des DRM, les mesures techniques de protection, afin de pouvoir réguler les flux sur l'internet moyennant finances évidemment.

La question essentielle est celle de savoir si nous serons capables de franchir le pas, peut-être historique, qui permettra aux droits des auteurs d'être effectivement garantis et d'assurer la rémunération de la création. C'est bien cela qui est en débat.

Mais nous ne pourrons pas atteindre cet objectif sans tenir compte de la réalité de l'internet : que nous le voulions ou pas, l'internet est là. Ce sont aujourd'hui vingt-quatre millions de Français qui sont connectés, et probablement beaucoup plus dans un proche avenir ; c'est le cas de plus de un milliard de personnes dans le monde. Il y a donc nécessité de préserver les droits d'auteur à la française.

C'est pour cette raison que notre pays doit inventer un nouveau mode de rémunération de la création artistique. Sinon nous devrons abandonner notre régime des droits d'auteur pour le droit de la copie privée à l'américaine, le copyright, comme nous le démontrerons dans la suite de nos débats. Seuls les grands groupes de la culture industrielle feront leurs choux gras d'un tel choix, et Microsoft, Apple ou Sony en seront les premiers bénéficiaires.

22/12/2005 Débats DADVSI : licence globale, DRM

Monsieur le président, je me félicite que le Gouvernement ait accepté de reporter la suite de ce débat après la rentrée de janvier. J'aimerais cependant exposer le fond de ma pensée sur ce projet de loi, en particulier à l'occasion de cet article 7 qui traite des mesures techniques de protection.

Comme beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, j'ai jeté un œil sur internet et j'ai eu le sentiment qu'une véritable campagne était en train de s'organiser, à grand renfort de citations d'artistes de renom, dans le but de répandre l'idée selon laquelle les députés, toutes formations politiques confondues, en votant les deux amendements contestés, la nuit dernière, seraient favorables à la gratuité totale du téléchargement d'œuvres culturelles sur internet. C'est totalement faux ! M. le ministre a précisé à nouveau cet argument de la gratuité, il y a quelques instants, à la radio.

Selon moi, je le répète, il s'agit de promouvoir la création littéraire et artistique. L'adapter aux nouvelles technologies, tout en sauvegardant le droit d'auteur, mérite une véritable confrontation des analyses et des perspectives, un vrai débat d'idées, sans tabou, sans exclusive. Le développement du service public de la lecture, le libre accès au savoir, la lutte contre la fracture numérique - qui n'est qu'une expression de la fracture sociale -, la diffusion libre des arts et de la culture, la liberté de création, la liberté de partager et de s'approprier cette création sont autant de questions qui nous poussent à un débat serein, débarrassé de toute polémique stérile.

Ainsi, le téléchargement libre de fichiers sur internet est un vrai sujet qui requérait un grand débat public national - j'espère que nous l'aurons - sur l'avenir du droit à l'information, à la connaissance et à la formation, via les nouvelles technologies. Au centre des échanges doivent figurer la juste rémunération des auteurs et la possibilité, pour tous les citoyens du monde, d'avoir librement accès à la connaissance.

Un grand chantier démocratique devrait s'ouvrir. L'avenir de la création est un enjeu de société qui justifie que l'on donne la parole aux professionnels, aux acteurs culturels, aux chercheurs, aux bibliothécaires, aux internautes, aux citoyens tout bonnement. Il implique une réflexion transparente et non opaque. Il en va du respect des droits et libertés individuels.

Ce débat décisif pour l'avenir de notre société aurait dû se dérouler dans un esprit d'ouverture qui permette à chacun de s'exprimer. Cette question ne peut, en effet, être traitée à la légère, sans que nos concitoyens en soient partie prenante.

Nous sommes, économiquement, culturellement et socialement, entrés dans l'ère de la numérisation et de la diffusion massive de la connaissance. La question informationnelle devient ainsi le cœur de l'organisation sociale et économique.

C'est pourquoi, je le redis encore une fois, la question des droits d'auteur et de la propriété intellectuelle constitue une étape cruciale dans la bataille pour la mainmise sur la valeur ajoutée informationnelle.

Avec ce projet de loi, au nom d'une extension considérable du champ d'application de la propriété intellectuelle, vous voulez, monsieur le ministre, stériliser la création et la diffusion du savoir dans des domaines aussi indispensables que la recherche ou la propagation des connaissances et de la culture.

La défense du droit d'auteur et de l'extension du domaine public devient donc une question citoyenne. Le droit d'auteur est un droit fondamentalement équilibré. À ce titre, le concept de droit d'auteur doit être défendu. Dès l'origine, il a impliqué le passage d'un « monopole » de l'auteur sur ses œuvres à un « droit de la société » à utiliser les œuvres. Le « monopole » de l'auteur, étendu ensuite à ses « ayants droit », est devenu droit au respect de l' œuvre, qui incorpore la « personnalité de l'auteur ». C'est donc un droit de la personne, ce qu'on appelle généralement une liberté.

Il concerne aussi le retour économique sur l'acte de création : l'auteur choisit l'éditeur qui vendra au mieux son travail, ce qui est censé l'inciter à produire d'autres œuvres, qui iront enrichir le stock global de connaissances de la société.

Je pense que, sur internet aussi, nous pouvons faire respecter ces principes.

[...]

Cet amendement reprend les termes retenus par le législateur portugais pour transposer la directive européenne. Selon l'article 6.3 de cette dernière, la définition de la notion de mesures techniques de protection repose sur le cadre normal du fonctionnement d'une œuvre. Il apparaît ainsi que seuls sont visés les éléments dynamiques et non les éléments passifs, tels qu'un format de fichier, considéré isolément, ou encore une méthode de cryptage.

Au regard des principes de la directive, il apparaît donc nécessaire, afin d'éclairer en particulier les juridictions françaises, d'indiquer que la notion de mesures techniques exclut les formats, les protocoles, les méthodes de cryptage, de brouillage et de transformation. Ces derniers ne sont visés par la directive qu'au titre de leur participation à une mesure technique et non comme des mesures techniques à part entière. Il s'agit aussi d'éviter que des personnes physiques ou morales puissent se prévaloir du régime de protection des mesures techniques sur un format, un protocole ou une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation pour exercer un contrôle sur l'ensemble des programmes informatiques les mettant en œuvre. C'est pourquoi je propose à notre assemblée de voter cet amendement, et je suggère à mes collègues de l'UDF de poursuivre l'argumentaire.

[...]

Cet amendement garantit que le fournisseur de cette mesure technique ne pourra pas rendre captifs ses clients en bloquant la concurrence, soit en faisant de la rétention d'informations essentielles à l'interopérabilité, soit en usant de conditions discriminatoires et non équitables. Il garantit aussi, pour ce qui concerne les informations électroniques jointes à une reproduction que tous les acteurs du marché pourront faire en sorte que leurs logiciels respectent la loi en ne supprimant pas de telles informations lorsqu'ils manipulent des flux en contenant.

Cet amendement permet également de répondre aux objectifs fixés par la Commission européenne lors de la revue de transposition de la directive 2001/29CE, ainsi qu'aux attentes de nombreux acteurs concernés par cette transposition - sociétés de gestion collective, auteurs de logiciels libres, industriels, associations de consommateurs. Tous ont en effet exprimé le souhait que les fournisseurs de mesures techniques se mettent d'accord sur des formats pivots aux spécifications publiques et librement implémentables par tous, ce qu'on appelle les standards ouverts.

Mais, sans signal fort d'un État membre, les annonces de recherche à l'échelle européenne d'une solution à l'interopérabilité des systèmes numériques de gestion de droits vont rester lettre morte. Elles ne conduiront qu'à des consortiums de grandes sociétés, principalement américaines et japonaises, ou, plus vraisemblablement, à un unique fournisseur américain qui abuse déjà notoirement de sa position dominante, et qui sera désormais en mesure d'imposer légalement à toutes les entreprises et au public européen des licences sur ses technologies parce qu'il aura signé des accords stratégiques avec les grands producteurs de contenus.

22/12/2005 Débats DADVSI : licence globale, webradios, DRM

Mme Boutin a entièrement raison. Mon ami Alain Fédel interprète, musicien, que vous ne connaissez peut-être pas même s'il est de très grand talent, m'a déclaré que la licence globale pouvait peut-être lui permettre de vivre de ses œuvres. Avec ce genre d'arguments nous n'irons pas très loin.

Je m'associe à l'amendement n° 83 de mes amis du groupe socialiste et je suis en accord avec leurs arguments.

Monsieur le ministre, vous avez dit que vous ne vouliez pas opposer et diviser : là-dessus nous sommes tous d'accord. Néanmoins ce que vous avez dit, ainsi que M. Vanneste, rapporteur de la commission des lois est significatif, au-delà des clivages droite-gauche, de l'incompréhension de la nature même d'internet.

Cela n'a rien à voir ni avec la radio traditionnelle, ni avec la télévision avec ses émetteurs institutionnels, privés et ses récepteurs, car ce n'est pas seulement un moyen de diffusion. Internet est un moyen technique d'échange entre les hommes.

Internet sera le grand moyen technique du XXIe siècle et, j'espère, des siècles futurs.

Bien entendu, les artistes, les auteurs ont besoin d'autres moyens de diffusion et d'autres lieux d'expression artistique tels festivals, concerts, musées. Ces lieux d'expression de l'art et de la culture sont essentiels à préserver et à développer, mais en quoi internet les concurrencerait-il ? En rien ! Bien au contraire, le fait d'échanger des opinions, des œuvres via internet va faire naître un besoin nouveau de connaissance, une volonté de découvrir de nouveaux artistes ou d'autres moyens d'art et de culture.

Monsieur le ministre, ne mélangeons pas internet, lieu essentiel d'échanges entre tous les individus, qui fait appel à leur intelligence et à leur raison, avec un abrutissement passif.

[...]

J'appelle l'attention de notre assemblée sur le caractère quelque peu surréaliste de notre discussion : M. Dionis du Séjour vient de faire la démonstration concrète de la complexification de ce projet de loi qui vise à imposer des mesures techniques de protection dans le cadre du téléchargement et de son utilisation ultérieure.

J'entends bien, monsieur Dionis du Séjour, mais il faudra s'acquitter des droits pour télécharger, par exemple, un morceau de musique, et cela donnera droit à combien de téléchargements ? Un, deux, trois et pourquoi pas plus ? Quand l'utilisateur voudra transcrire ce fichier sur un disque, il ne va tout de même pas payer deux fois puisqu'il aura déjà acquitté une taxe. Votre argument est donc tout à fait légitime.

Mais vous rendez-vous compte de la situation vers laquelle nous allons, car cette fameuse commission n'aura aucune chance de régler tous les litiges qui vont voir le jour.

En l'occurrence il s'agit du transfert d'un fichier copié sur internet vers un support, mais quand il s'agira de traiter les litiges pour le téléchargement d'un fichier musical qui pourra être copié une, deux, trois fois et pas quatre - et pourquoi pas quatre ou cinq, d'ailleurs ? - comment fera-t-on ?

J'attire donc l'attention de l'Assemblée sur le fait que ce projet de loi sera inapplicable !

21/12/2005 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur, licence globale

Monsieur le ministre de la culture et de la communication, je m'étonne que l'intitulé du chapitre Ier du titre Ier de votre projet n'ait pas fait l'objet d'un amendement rédactionnel de la commission. Ce chapitre s'intitule en effet : « Exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins ». Or ce pluriel ne se justifie pas, car le texte ne prévoit qu'une seule exception, importante certes, puisqu'elle concerne le handicap, mais unique.

Pourtant, la directive offrait la possibilité de prévoir diverses exceptions tout aussi importantes, dont certaines relèvent de valeurs essentielles de notre République. Je veux bien sûr parler des exceptions concernant l'enseignement et la recherche, les bibliothèques publiques et les centres de documentation. Or aucun des premiers articles du projet de loi ne les prévoit. C'est absolument inadmissible. Comment le Gouvernement peut-il prétendre avoir trouvé une solution équilibrée alors qu'il revient sur des acquis fondamentaux, tels que le droit de prêt, le droit de citation ou le droit à la copie privée ? Ne lui en déplaise, le compromis que vous avez trouvé ne répond en rien aux questions légitimes que l'on est en droit de se poser sur la remise en cause d'un principe aussi fondamental.

Je demande donc au Gouvernement de me dire pourquoi il a refusé d'entendre les revendications des associations d'archivistes et de bibliothécaires, des présidents d'université et des associations d'élus locaux, y compris l'AMF - excusez du peu ? Il ne suffit pas de prévoir des protocoles d'accord négociés entre ministères et représentants des ayants droit pour prétendre régler le problème : il n'est pas pensable que de tels protocoles ne soient pas explicitement prévus dans la loi. Qu'adviendra-t-il en effet si, demain, ils sont dénoncés ?

Je reviendrai sur ces différents points lors de la discussion des amendements, mais je demande dès à présent au Gouvernement de bien vouloir répondre à ces questions.

[...]

Nous entrons là dans le vif du sujet. Les arguments que nous avons avancés lors des motions de procédure et dans la discussion générale étaient fondés puisqu'il apparaît maintenant que le Gouvernement et le rapporteur n'ont pas la volonté d'adapter le droit aux extraordinaires évolutions technologiques que sont l'informatique, la numérisation et internet afin que les auteurs puissent être rémunérés dans de bonnes conditions.

Si je comprends bien, le Gouvernement souhaite que nos enfants deviennent des pirates et des délinquants car chacun peut témoigner que les enfants téléchargent régulièrement de la musique.

Monsieur le ministre, depuis le début de ce débat, vous justifiez vos mesures en affirmant que le peer to peer et les échanges de fichiers sur internet nuisent à l'économie culturelle mais vous n'avez jamais apporté la preuve d'un quelconque impact économique ! D'ailleurs, aucune des études réalisées ces dernières années ne corrobore votre analyse. En France, 16 millions de fichiers musicaux circulent chaque jour. Selon vous, ils représentent un manque à gagner pour les auteurs et les éditeurs. Or, rien ne le prouve ! Si demain vous interdisez à quelqu'un de télécharger cent CD par mois en lui demandant de s'orienter vers les plateformes légales, croyez-vous vraiment qu'il les achètera ? Bien sûr que non, parce qu'il n'en aura probablement pas les moyens. Le manque à gagner est donc purement théorique.

De plus, monsieur le ministre, vos propositions font apparaître certaines contradictions. Les ventes de disques ont progressé en France de 16 % au cours du premier trimestre de 2005, malgré la pratique du peer to peer. Vous nous disiez hier que les plateformes de téléchargement légales progressaient à un rythme effréné. En quoi le peer to peer fait-il obstacle au développement des offres légales ? La vérité est que la pratique du téléchargement de fichiers numériques ne porte aucunement préjudice aux créateurs.

Raisonner en termes de manque à gagner pour les auteurs est une erreur. De la même façon que pour le prêt d'ouvrages en bibliothèque, nous avons affaire à un moteur de la création culturelle et de sa diffusion et non à un obstacle. Nous sommes sur ce point d'accord avec Mme Boutin : l'Assemblée doit réfléchir à cette licence globale.

21/12/2005 Débats DADVSI : discussion générale, motion de renvoi en commission

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le texte soumis à notre examen revêt une importance particulière et marque une étape décisive dans le développement du modèle libéral de marchandisation progressive de la culture et de l'information. Des associations de consommateurs aux bibliothécaires, des présidents d'université aux associations d'élus locaux, telles que l'AMF, nombreux sont ceux qui jugent sévèrement ce texte et ont demandé son retrait. J'en suis.

Que nous propose en effet ce projet de loi, sinon de ratifier une mise sous tutelle des technologies de diffusion de la culture et de l'information, au nom des appétits de ceux qui entendent faire de la maîtrise de la propriété informationnelle la source de leur pouvoir et de leurs profits ? Qu'on ne nous réponde pas que ce texte a simplement vocation à concilier la pérennité de la création et l'accès le plus large à la culture, car les enjeux sont ailleurs.

Vous avez estimé, monsieur le ministre, que les opposants à votre projet de loi versaient dans la caricature, mais l'on pourrait aisément vous adresser le même grief. Vous prétendez que votre texte est équilibré, mais n'est-il pas caricatural de faire reposer cet équilibre, comme je le soulignais dans la motion que j'ai défendue hier, sur les intérêts individuels des ayants droit, et de privilégier ainsi une démarche purement contractuelle, alors que le droit d'auteur français actuel repose avant tout sur la protection des droits fondamentaux et des libertés publiques ? En conséquence, une fois l'œuvre divulguée, l'auteur ne peut interdire certains actes au public, tels la lecture, la copie privée, la courte citation ou le détournement parodique.

Votre projet de loi est inadapté au regard des nouvelles pratiques numériques et techniquement dangereuses. Vous allez rater une occasion unique de réconcilier le consommateur avec le droit d'auteur et fragiliser la diversité culturelle par un inutile montage juridique destiné à protéger des oligopoles dépassés par le progrès technique.

N'est-ce pas caricaturer encore que de présenter les internautes qui se livrent à des téléchargements illégaux comme des délinquants ou des semi-délinquants, des pirates ou des contrebandiers, de vouloir assimiler leurs actes à la contrefaçon et de les considérer à l'instar de ceux qui se livrent au commerce de produits contrefaits sur une grande échelle ?

Vous êtes tellement au fait de la question que vous vous êtes finalement rangé en dernier recours à l'idée de mettre en place une réponse graduée, qui laisse néanmoins pendante la question de savoir qui contrôle qui et à quelles fins, et qui ne revient pas sur la qualification des faits.

N'est-il pas caricatural enfin d'avoir délibérément choisi de faire du verrouillage la condition sine qua non de la sauvegarde de la création, de faire entrer les droits de propriété dans la sphère privée, de ne prévoir d'autre exception aux droits exclusifs qu'une timide mesure en faveur du handicap − fort heureusement amendée à la dernière minute −, quitte à condamner purement et simplement nos bibliothèques, nos universités, nos centres de documentation et de recherche à entamer d'âpres négociations, en position de faiblesse, avec ceux qui ont deviné quel marché colossal pouvait représenter la mise sous tutelle de l'Internet ? Ceux-ci ont bien compris que le virage du numérique pouvait permettre d'en finir avec les notions de prêt gratuit ou de libre droit de citation. Vous leur donnez satisfaction au risque de la remise en cause du droit à l'accès, au partage et à la diffusion de la culture, des savoirs et de l'information, sans lesquels la liberté demeure pourtant un vain mot.

Ainsi, le bien culturel, qui, devant l'UNESCO, a échappé à la marchandisation mondiale et intégrale, y succomberait dans l'hexagone à la faveur de cette loi.

Dès lors, monsieur le ministre, comment ne pas juger sévèrement votre texte ? Certes, le droit d'auteur, qui est un acquis fondamental de 1791, doit être préservé. Mais, s'il est nécessaire de mieux protéger les auteurs et de garantir leur juste rémunération, le droit d'auteur n'est pas le droit du propriétaire. C'est d'ailleurs toute la différence entre le droit d'auteur et le copyright.

La directive européenne énumère trois droits revenant aux créateurs : les droits de distribution, de communication et de reproduction. Seul le dernier est visé par les mesures techniques de protection, que les États membres doivent protéger juridiquement. Or ces mesures techniques sont déjà protégées par notre droit tant civil − contrat, concurrence déloyale, parasitisme − que pénal − fraude informatique, droit des services à accès conditionnel. L'insertion de nouvelles dispositions dans le code de propriété intellectuelle est donc inutile, comme l'est l'assimilation du contournement des mesures techniques à la contrefaçon, passible de sanctions disproportionnées, qui ne sont pas imposées par la directive.

Or, ce que propose ce texte, au nom de la défense du droit d'auteur et du modèle français qu'il est indispensable de préserver, ce n'est rien d'autre que d'assimiler le droit d'auteur à un brevet.

Autoriser, comme vous le faites par des mesures techniques, les grands éditeurs à décider seuls de la diffusion de savoirs numériques n'est pas sans rappeler ces actes de piraterie légalisée que constitue l'exploitation des brevets dans le domaine des biotechnologies, par des semenciers, en agriculture, ou par l'industrie pharmaceutique. C'est le même processus qui consiste à favoriser l'appropriation par les multinationales de ce qui représente un patrimoine commun, en l'occurrence culturel.

Ne nous méprenons pas sur les enjeux. Il est illusoire de penser que le développement des systèmes de gestion des droits numériques et de tous les systèmes de surveillance technique des usages individuels aura pour effet de permettre, demain, une rémunération plus équitable des auteurs. Certains d'entre eux le croient et sont sans doute de bonne foi, mais ils oublient de considérer que les fameuses « mesures techniques » favoriseront des stratégies de concentration accrue de l'effort commercial sur un petit nombre de contenus. Les coûts engendrés par ces mesures de gestion et de surveillance ne pourront être assumés que par les grands groupes de ce qu'il est convenu d'appeler l'industrie culturelle, favorisant là encore les phénomènes de concentration qui représentent la première des nuisances, dès lors que l'on évoque les enjeux de diversité culturelle.

Croyez-vous vraiment que, si une bonne part de l'industrie culturelle est favorable à ce texte, c'est pour défendre les intérêts des auteurs ? Ce serait là une nouveauté remarquable. De toute évidence, en choisissant de déposer ce texte, le Gouvernement a fait fausse route. La sagesse aurait voulu qu'il le retire pour engager à nouveaux frais une réflexion plus approfondie sur les voies et les moyens de mieux encadrer et protéger les droits d'auteur à l'époque de l'essor des échanges numériques en ligne.

Car la question se pose, nul ne le nie. Je ne sais si la solution alternative souvent proposée, celle de la licence légale, qui repose sur l'idée de mutualiser le financement social de la création, constitue la réponse appropriée.

Des points importants resteraient en effet à éclaircir, et en particulier la question de savoir comment garantir par ce moyen que tous les créateurs musicaux bénéficient bien de la redistribution des sommes collectées.

L'idée de la licence légale s'impose néanmoins sans doute comme la voie la plus crédible. Elle est, surtout, infiniment plus favorable à l'immense majorité des créateurs que le déploiement des mesures techniques.

Le partage légalisé des fichiers offrirait aussi les conditions d'une plus grande diversité culturelle, et surtout − c'est sans doute le point essentiel − représenterait une meilleure garantie des libertés fondamentales, qu'il s'agisse de la protection de la vie privée ou du droit à l'information.

Deux cents ans après l'apport des Lumières, le Gouvernement a manqué l'occasion de donner l'exemple d'un droit adapté à l'économie numérique et a préféré favoriser le maintien d'oligopoles apôtres de l'obscurantisme technologique.

Cela devrait aussi nous faire réfléchir à l'opportunité de réglementer l'action des lobbies dans notre démocratie, comme elle l'est dans de nombreux pays et à la Commission européenne, afin que l'objectif de la loi reste l'intérêt général.

Pour ce texte, en l'état, la question est posée et la réponse évidente. Faute d'être entendus, nous voterons contre le projet de loi.

[...]

J'étais tenté de demander une suspension de séance pour aller acheter un deuxième baladeur à mon fils, qui ne comprendrait pas que le Père Noël l'envoie en prison dès dimanche ! Il ne faut pas perdre de vue cette réalité, à l'avant-veille de Noël !

Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera la motion de renvoi en commission car le projet du Gouvernement est un texte d'arrière-garde. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, il devient techniquement possible de diffuser un socle commun de culture et de connaissances auprès de centaines de millions d'individus, simultanément et à moindre coût.

Confrontées à cette réalité, les transnationales du loisir et de l'information multiplient les entraves, les contrôles liberticides et la surveillance généralisée.

Nous n'acceptons pas que la diffusion du savoir soit aujourd'hui considérée comme un crime entravant la diffusion de la connaissance et que soit réintroduite une logique de péage là où pourrait s'instaurer une société de partage assurant la libre disposition des richesses informationnelles.

Nous voulons une réforme globale du droit d'auteur, garantissant aux créateurs des revenus justes et équitables car il est inacceptable aussi que les auteurs, les interprètes et les autres acteurs de la création ne soient pas justement rémunérés pour leur travail. Aux nouveaux modes de consommation doivent correspondre de nouvelles logiques de rémunération. Or, visiblement, le projet de loi ne correspond en rien à cette exigence de la société du XXIe siècle.

Le renvoi en commission est le moins que l'on puisse demander.

20/12/2005 Débats DADVSI : exception d'irrecevabilité, question préalable

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec tout le respect que je dois à M. le ministre, les grands mots empilés et les citations ne peuvent faire office d'arguments.

M'étant moi-même déclaré publiquement favorable au retrait du texte que nous examinons aujourd'hui, je ne pouvais que venir défendre devant vous la présente motion.

J'aurais évidemment préféré ne pas avoir à opposer cette exception d'irrecevabilité et à en soutenir l'opportunité. Toutefois, si je me fais peu d'illusions sur son issue, je nourris des craintes quant à l'adoption d'un texte qui aura des conséquences graves sur la vie quotidienne de millions de citoyens et d'utilisateurs de données numériques, des conséquences sociales, technologiques, économiques et géostratégiques qui auraient dû appeler ses rédacteurs à plus de prudence et le Gouvernement à plus de circonspection. Au contraire, le texte qui nous est présenté a fait l'objet d'une déclaration d'urgence, au prétexte de satisfaire un calendrier européen de transposition du droit. L'argument paraît assez fragile lorsque l'on sait que la Commission européenne travaille déjà à la modification de la directive en question sur des points tout à fait essentiels comme la notion de rémunération juste ou les problèmes liés à la libre circulation des informations essentielles et à l'interopérabilité.

Par ailleurs, il faut bien constater que nous ne disposons pas à ce jour de l'étude d'impact prévue pourtant expressément par la circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions cadres négociées dans le cadre des institutions européennes.

J'ajouterai que la nécessité de transposer une directive n'exonère pas le Gouvernement de s'être insuffisamment soucié de l'organisation d'un débat assez large pour permettre de prendre concrètement la mesure des enjeux très divers que soulèvent l'avènement de la société de l'information et le développement des technologies de traitement et de communication qui lui sont afférentes, un débat qui aurait pu et dû associer un plus large public, et tenir surtout davantage compte que cela n'a été le cas du point de vue des partisans d'une refonte plus radicale de notre droit, vu la révolution des usages culturels à laquelle nous assistons.

Nous aurions pu, à la lumière de ces constatations, attendre du Gouvernement qu'il retire son texte pour privilégier la recherche plus scrupuleuse des voies et moyens susceptibles de mieux encadrer et protéger les droits d'auteur dans le cadre de l'essor des échanges numériques en ligne.

Nous aurions pu également nous attendre à ce qu'il prête une oreille moins sélectivement attentive à la cohorte de ceux qui réclamaient la mise en place d'un arsenal de mesures coercitives.

Cela n'a pas été le cas, et nous le regrettons, car le texte qui nous est soumis apparaît dès lors très en retrait des enjeux et des attentes de nos concitoyens, mais également en décalage complet avec les réalités nouvelles auxquelles nous confronte notamment le développement de l'internet.

internet nous offre un outil capable de répondre par sa propre complexité à celle des défis modernes. Comment s'en servir pour faire progresser la gouvernance locale et mondiale vers une société faite pour et par les hommes ? Tout est là. L'information, matériau brut, n'a pas plus de valeur qu'une pierre sans sculpteur.

Si l'on a assez de discernement pour trier des informations et les articuler, on produit du savoir. La nouveauté tient en deux constats. D'une part, depuis quelques décennies, le progrès des techniques de communication a rendu massive et rapide la circulation des personnes, des biens, des informations, des idées et des nuisances. internet accélère encore les flux. D'autre part, nous sommes devenus si puissants que les conséquences de nos actions belliqueuses et civiles se font sentir à grande distance dans le temps et l'espace, et sont donc difficiles à discerner.

Depuis 2001, plus d'un demi-milliard de personnes sont interconnectées par internet, à leur domicile, au travail, dans la rue. Une intensification si massive et si brusque des communications instantanées crée une rupture qualitative. Bientôt, un milliard de personnes différentes pourront interagir.

Nous ne pouvons plus penser le monde que comme un système solidaire où le sort de chaque région dépend de celui des autres et l'influence. C'est la définition d'un système complexe.

À l'ère des réseaux numériques, nous devons garder à l'esprit deux caractéristiques des systèmes complexes et des réseaux : leurs propriétés globales peuvent être totalement différentes de la somme des propriétés des parties qui les composent, et elles peuvent évoluer brusquement, de façon difficile à prévoir, sous l'influence d'un événement déclencheur parfois en apparence insignifiant.

L'instabilité symbolisée par l'effet papillon a une conséquence très heureuse qui fonde notre responsabilité individuelle.

Si l'influence de chaque citoyen se réduisait à un divisé par le nombre de membres de son groupe, chacun ne pèserait rien. Il pourrait se sentir incapable de changer quoi que ce soit, donc irresponsable. Il n'est rien. Il suffit, dans un groupe, qu'une personne prenne à un certain moment une initiative pour déclencher une réaction en chaîne, positive ou négative.

Internet étend la sphère de contacts possibles à la planète et cela oblige à tenir compte bien plus que par le passé d'une loi qui décrit la valeur des réseaux. Plus nous pouvons joindre de personnes, plus nous avons de chances de rencontrer celle avec laquelle nous pourrons opérer un échange utile. internet est l'outil démocratique du partage.

Le document numérique provoque une révolution du fait qu'il peut être dupliqué à l'infini sans perte, pour un coût infime, et que celui qui le reçoit se trouve libre d'en faire ce qu'il veut.

Lorsqu'on lit un livre sur papier ou que l'on regarde une image imprimée, on ne peut pas modifier, dupliquer ces documents, ajouter une phrase, varier les couleurs. Le numérique le permet, aux réserves juridiques près, bien entendu.

Le coût quasi nul de la reproduction des fichiers étend l'impact pratique de l'une des caractéristiques essentielles de l'économie de l'immatériel, la possibilité de donner un bien sans s'en priver pour autant.

Une idée transmise dans une conversation ne s'use pas et sa diffusion ne coûte que le temps de la conversation. La même idée imprimée sur un support matériel, papier ou autre, ne se répand pas sans frais de fabrication et d'expédition du support. Le problème n'existe plus si le support est immatériel ou aussi peu coûteux qu'une mémoire numérique.

Donner un fichier numérique ne me retire rien, sauf si la valeur du contenu tient à sa diffusion faible ou contrôlée, s'il s'agit par exemple d'un tuyau sur la prochaine course hippique.

Je puis, sans rien retirer à personne, puiser ce que je veux sur internet, dont on a dit qu'il était la plus grande bibliothèque du monde. C'est surtout ma bibliothèque personnalisée. Je puis, de chez moi, en allant aux sources les plus diverses, organiser selon ma logique l'information correspondant à mes centres d'intérêt.

Toutes les sources ne sont pas fiables, certes, tous les livres et tous les experts non plus. Le problème est dans le discernement des utilisateurs.

Radio, télévision et téléphone ont rendu immédiate la communication à distance mais, de ces médias, les deux premiers imposent une relation à sens unique, entre un émetteur central et des récepteurs passifs. Le téléphone permet de converser mais à deux personnes seulement. internet se distingue de tous les autres médias par les possibilités qu'il ouvre de communications riches en contenus, interactives, entre un grand nombre de personnes à la fois.

Avec internet, chacun intervient sur un plan d'égalité, peut être récepteur et émetteur, pour un investissement de plus en plus réduit. Cela facilite l'expression des différences individuelles ou régionales et devrait renforcer les cultures locales, le multilinguisme, d'où une créativité qu'une monoculture mondiale stériliserait.

Le numérique fournit un outil à l'exercice du libre arbitre individuel, à l'expression de soi et à l'entretien de relations avec les autres.

L'une des questions les plus critiques reste celle de la sécurité numérique. Elle a deux faces antagonistes : d'un côté, assurer l'honnêteté des transactions numériques en vérifiant l'identité des parties et en sécurisant les flux d'argent, dans l'intérêt des acheteurs et des vendeurs ; de l'autre, préserver la vie privée des particuliers.

La puissance de traitement de l'information peut aussi servir à violer notre intimité et à nous espionner où que nous soyons. À vouloir trop garantir la sécurité, on risque de sacrifier la liberté individuelle et d'instaurer l'ère de Big Brother. C'est une contradiction souvent apparue depuis le 11 septembre 2001, avec les demandes de contrôle des services spéciaux américains.

La menace de Big Brother restera permanente, tout comme le risque de l'écrasement des différences locales, laminées par l'effet de masse d'une offre mondiale plus ou moins médiocre, véhiculée par des séries télévisées, des jeux élaborés pour atteindre le plus grand nombre.

De l'imprimerie à internet, les dangers de chaque nouvelle technique de communication ont été dénoncés par ceux qui ont craint qu'elle ne serve les pires causes. Chaque progrès de la communication a fini par profiter plus à la liberté qu'à ceux qui voulaient l'étouffer.

Les deux faces du numérique suscitent des tendances antagonistes, les unes porteuses de développement humain, les autres opprimantes. Ma conviction est que nous pouvons favoriser les premières contre les secondes et qu'une fois de plus la communication démontrera sa vertu profonde.

L'essentiel du travail producteur de valeur est de plus en plus fondé sur la mise en œuvre des compétences et de la créativité. Pour mobiliser cette dernière qui, à la différence de l'effort physique, ne s'obtient pas par la contrainte, il faut convaincre ou séduire.

Conséquence révolutionnaire : le respect des différences et de la liberté devient une condition d'efficacité. Aucune personne, aucune organisation n'est plus capable de maîtriser à elle seule, dans des conditions économiques viables, toutes les connaissances nécessaires pour résoudre quelque problème un peu important. L'efficacité d'une organisation est donc fondée sur la qualité et l'intensité des synergies suscitées entre talents complémentaires et volontés convergentes.

Nous sommes arrivés au point où il est devenu moins urgent de mobiliser notre intelligence pour obtenir un surcroît de puissance que de libérer notre raison pour que notre actuelle puissance ne soit pas utilisée sans discernement. Le monde a besoin de libérer son bon sens. Le facteur décisif n'est donc plus le niveau de culture mais celui de la culture démocratique et humaniste, du respect de l'État de droit et des libertés essentielles.

Les réseaux de communication non hiérarchisée d'internet apportent un outil précieux pour établir de la communication, donner l'alerte, interpeller l'opinion mondiale, créer une transparence là où des options politiques ou des intérêts particuliers veulent imposer l'obscurité.

Des standards sont nécessaires au bon fonctionnement des réseaux mais, dans la logique d'internet, les solutions d'avenir se doivent d'être ouvertes, partagées, tout comme les infrastructures routières n'ont pas été réservées aux véhicules d'une seule marque. Cela milite pour des logiciels dits libres.

Dans tous les domaines, les citoyens souhaiteront des outils pour mieux choisir, mieux comprendre, se sentir plus forts face aux institutions. Si on veut les y aider, il convient d'appuyer le développement des moteurs de recherche, des agents dits intelligents, ces automates logiciels capables de réaliser pour nous des tâches de recherche et de traitement des informations, de simplifier les opérations.

Le législateur devrait veiller, naturellement, à ce que les critères utilisés par les dispositifs de recherche ne soient pas biaisés au profit de certains acteurs.

Le pouvoir des personnes dans la société et les entreprises dépendra aussi de la diffusion des technologies d'échange et de collaboration entre pairs, le fameux peer to peer. La cohabitation, dans une organisation, d'un système centralisé hiérarchique et de systèmes de collaboration transversaux de pair à pair pour des groupes spontanés est sans doute le moyen produisant le plus de valeur pour tous.

Les projets numériques peuvent être sélectionnés en fonction de leur propension à renforcer les proximités physiques locales et à créer des proximités virtuelles, même aux antipodes. Ils doivent intensifier les désirs de coopération, relier les acteurs locaux, mutualiser les ressources. Les techniques d'échange de pair à pair, exploitées par exemple pour échanger livres et fiches de lecture, peuvent servir à construire du lien social, à animer des communautés culturelles, citoyennes ou professionnelles.

La définition des nouveaux systèmes informatiques est l'occasion de poser des options fondamentales : le système informatique pérennisera-t-il la pyramide hiérarchique stalinienne ou favorisera-t-il initiatives locales, collaborations informelles, alliances, expériences, réactivité ? Est-il centré sur le contrôle ou sur l'écoute du citoyen ? Les tâches sont-elles rigidifiées ou plus fluides ? Je suis du côté de l'initiative locale, de l'écoute du citoyen et de la fluidité ; et vous, monsieur le ministre ?

Votre tentative malheureuse est vouée à l'échec ou à une rapide obsolescence, mais elle est surtout dangereuse au regard des libertés publiques, et c'est le point qui justifie à nos yeux d'opposer l'irrecevabilité au présent texte,

Quelles seront en effet, pour en venir au fond, les conséquences les plus immédiates du projet de loi que vous nous présentez ?

Il aura d'abord et notamment pour effet de légitimer les dispositifs techniques de contrôle d'usage et de traçage, les fameuses mesures techniques, installés par les éditeurs et les producteurs sur les supports numériques, dans les logiciels, les matériels électroniques et les fichiers multimédias. Cela aura même pour conséquence de supprimer de facto le droit à la copie privée et de restreindre de façon drastique l'utilisation dans un cadre familial ou tout autre cadre licite.

Cela aura aussi pour conséquence d'imposer aux utilisateurs le coût des mesures techniques empêchant la copie privée. Ils continueront toutefois, contre toute logique, d'acquitter la redevance pour copie privée payée sur les supports numériques.

Ces mesures conduiront en outre à pénaliser la diffusion d'informations techniques permettant de comprendre le fonctionnement des mesures techniques tout comme l'utilisation, le développement et la diffusion de logiciels libres.

Graver ses propres compilations à partir d'un CD, extraire son morceau favori pour l'écouter sur son ordinateur, transférer son contenu vers un baladeur MP3, prêter un CD à un ami, lire un DVD avec le logiciel de son choix, programmer, améliorer, utiliser ou diffuser un logiciel libre permettant la lecture d'une œuvre numérisée, autant de pratiques très répandues et parfaitement légales que le Gouvernement se propose ni plus ni moins aujourd'hui de prohiber.

Ne tournons pas en effet autour du pot : votre projet de loi est avant tout un texte de prohibition de fait de pratiques culturelles non seulement légales mais encore, je le répète, légitimes.

Vous nous dites que votre texte est équilibré, mais vous faites reposer cet équilibre, ainsi que le soulignait d'ailleurs M. le rapporteur, sur les intérêts individuels des ayants droit, des consommateurs et des industriels, d'une part, et sur, dites-vous, l'intérêt général, dans la double perspective du développement des services sur internet et du financement de la création artistique et culturelle. L'équilibre recherché est ainsi, avant toute chose, un équilibre contractuel d'inspiration purement marchande. Le privilège accordé dans vos propos au terme de consommateur par rapport à celui d'usager ou de citoyen trahit la philosophie qui est la vôtre et que nous ne partageons évidemment pas.

Vous oubliez un peu vite que l'équilibre du droit d'auteur français actuel repose aussi - et peut-être surtout - sur la protection des droits fondamentaux et des libertés publiques, et que notre droit veut en conséquence, une fois l'œuvre divulguée, que l'auteur ne puisse interdire au public certains actes, comme la lecture, la copie privée, la courte citation, le détournement parodique...

À cet équilibre protecteur des droits et libertés, votre projet de loi ne propose que de substituer la loi du marché et d'introduire, à la place d'une forme de présomption d'innocence, une « présomption d'utilisation déloyale » qui jouera aux dépens du public et au seul bénéfice des éditeurs et producteurs.

Le projet de loi prévoit ainsi que les auteurs, éditeurs et producteurs pourront utiliser des mesures techniques pour interdire, aux utilisateurs ne pouvant justifier a priori d'une licence d'utilisation, l'accès à une œuvre et, plus largement, pour contrôler l'usage qui en est fait, transformant ainsi le droit de lire en un droit exclusif, car sans accès, pas un droit de lecture. Indirectement, le projet de loi créera aussi une obligation d'achat de logiciels et de matériels de lecture récents, équipés de dispositifs de contrôle et de traçage.

Cela aggravera du reste la fracture numérique car seuls les utilisateurs ayant les moyens de se payer une licence d'utilisation et le matériel ou l'équipement adéquats - eux-mêmes en constante évolution et imposés par une poignée de multinationales - pourront accéder à une copie d'une œuvre numérisée.

Si ce processus est mené à son terme, la liberté de stocker et d'utiliser de l'information pour son usage privé sera excessivement restreinte. Des usages culturels légitimes seront rendus impossibles, avec des effets équivalents en termes de liberté d'expression, de pensée, d'opinion, de droit à l'information, et des risques majeurs pour la protection de la vie privée et des données personnelles. Demain, tout accès à de l'information protégée par un droit d'auteur pourrait être tracé, à des fins avancées de contrôle d'usage et de facturation à l'acte, sans que l'utilisateur puisse s'y opposer.

On pourrait penser que je me livre là à de la politique fiction, que tout cela relève d'un cauchemar orwellien, mais l'ensemble de ces effets est pourtant bel et bien contenu en germe dans votre projet de loi. Sinon, comment expliquer que votre projet de loi prévoie jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende pour le simple fait de lire un DVD avec un logiciel non autorisé par l'éditeur du DVD ?

Vous nous dites agir au nom de la nécessité de garantir une juste rémunération à la création pour en assurer la vitalité et la diversité, au bénéfice du public. Mais vous vous fondez là encore sur des grilles d'analyse erronées. Personne ne défend aujourd'hui l'idée que la culture devrait être gratuite et qu'il faudrait condamner le droit d'auteur aux gémonies.

Tous les sondages effectués auprès des internautes le montrent : une grande majorité d'entre eux ne sont pas hostiles à payer pour la musique et les films qu'ils téléchargent et 83 % se disent d'ailleurs prêts à payer une redevance à cet effet sur leurs abonnements à internet.

Je ne résiste pas au plaisir de vous lire le témoignage d'un internaute, Laurent B. dix-neuf ans, étudiant en sciences politiques, que certains d'entre vous ont certainement dû recevoir.

« Je télécharge sur internet des séries diffusées au Japon et aux États-Unis qui n'ont pas de circuits de distribution en France, qui ne sont pas licenciées en France. C'est une façon de ne pas être trop repérable mais aussi parce que ce sont des séries que l'on ne peut pas voir autrement que sur internet. Même si c'est illégal, c'est aussi une manière de ne pas se laisser dicter nos goûts par rapport à la rentabilité du marché, de ne pas attendre qu'une société de production décide d'acheter telle ou telle série et de la diffuser parce qu'elle sera soi-disant rentable. On se retrouve entre internautes, sur un logiciel qui permet de dialoguer et d'échanger ce que nous avons, en musique et en films. C'est une petite communauté de gens en général responsables, et qui sont conscients que tout a un prix. Il n'est pas question du tout-gratuit. Tout le monde préfère acheter des originaux, mais à vingt ou vingt-cinq euros le CD et trente euros le DVD, le prix rebute. Pour ma part, je n'achète pas moins de CD qu'avant le téléchargement. J'en achète un par mois mais je télécharge plus, ce qui me permet de connaître plus de choses. Bien sûr, beaucoup de gens sont conscients que le tout-gratuit pourrait être un danger pour les artistes les moins connus. Mais, finalement, peu d'artistes se plaignent du piratage sur internet. L'Américain Prince avait même mis en téléchargement l'intégralité de son CD, ce qui ne l'a pas empêché d'en vendre quand même. Sa musique s'est sans doute plus largement diffusée. »

« Et que dire de la commercialisation du lecteur MP3, qui permet de télécharger plusieurs centaines de chansons ! Qui peut imaginer que les internautes se contentent de télécharger des chansons sans droit d'auteur ! C'est absurde. De l'argent est perdu d'un côté pour être récupéré de l'autre. »

Du reste, la plupart d'entre eux continuent à acheter des disques à un niveau presque équivalent et des DVD en nombre sans cesse croissant. Ils n'ont guère le profil de délinquants ou de semi-délinquants, de pirates ou de contrebandiers, dont vous vous plaisez à nourrir le fantasme. Si vous voulez que nous vous suivions sur cet étrange terrain, commencez par démontrer que les échanges de pair à pair - le fameux peer to peer - peuvent par exemple être tenus pour responsables de la crise traversée par l'industrie culturelle ces dernières années.

De nombreuses études indépendantes, réalisées aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Japon affirment le contraire ; elles ont apporté la preuve que ces échanges sont sans conséquence directe ou indirecte sur le volume des ventes de disques ou des fichiers musicaux. Une étude française conduite par la FNAC a également conclu à l'impact très limité des téléchargements illégaux sur la consommation de musique en France.

Certaines études, dont une étude japonaise, ont même témoigné d'un impact bénéfique des échanges de pair à pair sur la vente de disques, en soulignant notamment que l'utilisation des réseaux constitue un levier de promotion de la musique. Et, de fait, nul ne peut nier certaines réalités socio-économiques touchant ce type d'échange. Les utilisateurs qui s'y livrent massivement sont le plus souvent des consommateurs assidus, qui achètent par ailleurs des disques et des DVD, ou encore des personnes qui ne disposent pas des moyens financiers d'acheter les disques qu'ils téléchargent ; le manque à gagner devient alors très théorique. Nous avons encore le cas de ceux qui téléchargent des contenus qu'ils ne sont en aucun cas prêts à acheter, ou de ceux qui papillonnent à la découverte de nouveaux auteurs...

Je ne verse pas dans l'angélisme, rassurez-vous, j'entends simplement souligner l'extrême diversité des motivations et des cas de figure qui se présentent à travers le développement du phénomène du téléchargement dit illégal de contenus culturels. Le préalable indispensable serait de disposer d'études précises, plutôt que de légiférer à partir de l'a priori que les échanges de pair à pair ont vocation à constituer des manœuvres frauduleuses, passibles du délit de contrefaçon et qui nuisent gravement à l'économie culturelle.

La vérité est que le débat, tel qu'il est conduit aujourd'hui en France, est tronqué et empreint d'une certaine hypocrisie.

Le développement d'internet représente un marché considérable qui aiguise tous les appétits, ceux des maisons de disques, des éditeurs, des distributeurs mais aussi, c'est vrai, de certains qui « surfent » sur la vague du tout-gratuit et misent sur le développement de nouveaux modes de consommation gratuits, contre lesquels la loi dont nous discutons sera d'ailleurs inopérante.

Cette gratuité favorise le développement de comportements manifestement frauduleux, tels que la contrefaçon et le commerce illicite d'œuvres protégées. Il convient de les condamner avec la plus grande fermeté et d'engager les moyens de police nécessaires. Mais, de grâce, ne confondons pas tout ! Car dans ce vaste marché de dupes qui se joue aujourd'hui et auquel prennent part toutes sortes d'acteurs, les seuls vrais perdants sont et seront les auteurs. La guerre commerciale qui a débuté depuis quelques années, l'affrontement des modèles commerciaux auquel donne lieu le développement de la fameuse société de l'information, se fera nécessairement à leur détriment, tout autant, voire davantage, que la fraude ou le contournement.

Il serait particulièrement illusoire de penser que le développement des systèmes de gestion des droits numériques et de tous les systèmes de surveillance technique des usages individuels aura demain pour effet de permettre une rémunération plus équitable des auteurs.

L'évidence est en effet que le coût de vérification des usages croît proportionnellement au nombre de titres surveillés alors que les sommes collectées sont décroissantes. Les fameuses « mesures techniques » favoriseront donc, comme c'est déjà le cas, des stratégies de concentration accrue de l'effort commercial sur un petit nombre de titres. En outre, est-il besoin de le souligner, les coûts engendrés par ces mesures de gestion et de surveillance ne pourront être assumés que par les seules têtes de pont de l'industrie éditoriale, musicale ou non, favorisant là encore la concentration, qui représente la première des nuisances dès lors que l'on évoque les enjeux de diversité culturelle.

Dire, dans ce contexte, que le projet de loi qui nous est présenté est de nature à favoriser cette dernière relève de la mauvaise foi ou de l'aveuglement, et je m'étonne que certains syndicats ou associations représentant les auteurs aient vu, dans la mise en place des mesures techniques, dans le contrôle accru des usages et la sanction sévère de tout contrevenant la planche de salut de la défense de leurs droits.

Je comprends néanmoins leurs réserves à l'égard de la solution alternative souvent proposée, celle de la licence légale, qui repose sur l'idée de mutualiser le financement social de la création. L'idée de créer un financement additionnel de la création musicale par la mise en place de redevances sur les abonnements à haut débit, comme il en existe déjà sur les supports numériques vierges, consacrerait un droit d'usage garanti par la loi, autorisant le partage de fichiers d'œuvres sur les réseaux.

Mais il reste des points importants à éclaircir : cette redevance devrait-elle être acquittée par tous les abonnés au haut débit ou seulement par ceux qui souhaitent échanger des fichiers d'œuvres ? Comment assurer que tous les créateurs musicaux bénéficient bien de la redistribution des sommes collectées ? Cette solution se heurterait, à n'en pas douter, à d'importantes difficultés mais elle s'impose malgré tout comme la voie la plus crédible, et surtout infiniment plus favorable à l'immense majorité des créateurs, que le déploiement des mesures techniques.

Le partage légalisé des fichiers offrirait véritablement les conditions d'une plus grande diversité culturelle, mais également, et c'est bien évidemment l'essentiel, une meilleure garantie des libertés et des arbitrages fondamentaux. Liberté d'utiliser l'information pour créer et partager. Arbitrages fondamentaux entre le développement culturel et humain et les intérêts des lobbies des médias centralisés qui nous montrent chaque jour qu'ils ne reculeront devant rien pour défendre leur modèle, quels que soient les dommages collatéraux de cette défense.

La vraie question qui nous est posée, c'est d'avoir le courage de savoir dire non aux lobbies, d'où qu'ils viennent, et de ne pas déguiser ou encore confondre leurs intérêts avec l'intérêt général, comme s'y emploie malheureusement votre projet de loi.

Qu'il me soit permis, à titre de nouvelle illustration des failles de votre projet, de l'unilatéralisme de son approche, de sa complaisance à l'égard de certains lobbies, de me faire à présent le relais des inquiétudes légitimes exprimées par les bibliothécaires, les universitaires, tout comme par les associations d'élus des collectivités locales, telles que l'AMF ou la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture. Je veux bien sûr évoquer la revendication, portée par ces élus et les défenseurs du service public de la culture, de l'aménagement d'un régime d'exception que votre projet de loi leur refuse pour mieux privilégier le recours systématique au contrat.

Vous savez que ce recours mettrait chaque établissement, chaque bibliothèque, chaque centre de recherche ou de documentation à la merci d'un rapport de force qui leur sera forcément défavorable lors de la négociation des prix et des usages.

Mais loin d'en faire cas, la philosophie de votre projet de loi conduit en réalité à faire de nos bibliothèques,de nos médiathèques, de nos archives, de nos centres de documentation, les simples locataires d'un droit à l'information. En dehors même de la question des coûts supplémentaires que cette logique de marchandisation de la culture fera peser sur nos collectivités et nos services publics, votre texte organise un véritable bond en arrière.

Nous voici revenus au XIXe siècle, à l'époque où les éditeurs craignaient déjà à tort de subir un préjudice financier du fait de la multiplication des bibliothèques publiques.

Ces droits fondamentaux de la société à l'accès, au partage et à la diffusion de la culture, des savoirs et de l'information, sans lesquels la liberté demeure un vain mot, voilà que vous voulez les soumettre à la loi du marché, en faisant des concessions inacceptables à ceux qui veulent profiter du développement du numérique pour les remettre en cause alors qu'ils sont consubstantiels à la conception que nous nous faisons de la République.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, sans m'attarder plus qu'il n'est nécessaire sur les différents points que je viens d'évoquer, je voudrais en conclusion insister sur le fait que ce projet de loi nous place à la croisée des chemins, devant deux options fondamentales pour l'avenir : soit nous reconnaissons que la recherche et l'éducation sont des activités essentielles, dont l'épanouissement ne peut être entravé par l'invocation peu étayée d'un risque pour les profits des éditeurs et des distributeurs, et nous privilégions alors du même mouvement l'exercice des libertés publiques plutôt qu'une conception étriquée et réactionnaire du droit du contrat ; soit, à l'inverse, nous nous engageons dans la voie que le Gouvernement nous propose. Cette dernière signifie aussi la consécration d'une marchandisation à outrance de la culture qui, sous le couvert d'une simple adaptation du droit aux enjeux de l'économie numérique, institue un contrôle privatif des actes de chacun pour les besoins d'un modèle commercial particulier et organise, sous le prétexte de protéger les droits d'auteur, la main mise des grands groupes sur l'ensemble des activités culturelles.

Ce qui s'est passé tout à l'heure à l'Assemblée le prouve, et je m'associe à la protestation élevée par mes amis et collègues socialistes contre la démonstration de l'usage de portables par des salariés de groupes privés, que vous avez organisée au sein de l'Assemblée nationale. De telles manifestations sont attentatoires à la dignité, la sérénité et l'indépendance du débat parlementaire. Il ne s'agit de rien d'autre que de pressions caractérisées, comme en témoigne le fait que ces ordinateurs affichaient les sites des magnats de la musique en ligne.

Une telle démonstration des mesures techniques qu'on veut imposer par la loi n'est absolument pas neutre. Elle ne dit rien des possibilités extraordinaires ouvertes par les logiciels libres ; elle ne dit rien non plus des atouts considérables du peer to peer pour la démocratie, les libertés, le développement des connaissances et l'accès à la culture.

Pour ma part, mes chers collègues, mon choix est fait, et je vous invite à adopter l'exception d'irrecevabilité.

[...]

Puis-je vous informer, monsieur le rapporteur, que les staliniens sont, comme les dinosaures, des monstres du passé ?

Et puis-je vous rappeler que, sur de tels sujets, nous devons légiférer en pensant à nos enfants plutôt qu'au passé ?

Bien entendu, le groupe communiste votera des quatre mains la question préalable...

Nous voterons la question préalable car nous partageons le sentiment de nos collègues socialistes : ce texte n'est pas à la hauteur de l'enjeu, à l'heure ou l'internet modifie les rapports que l'humanité entretient avec elle-même. Cette fantastique avancée doit-elle donner lieu à un encadrement du marché ? Ou bien devons-nous accorder une liberté totale à ceux qui souhaitent échanger ?

Je suggère que ce débat soit l'occasion d'oser une réforme globale du droit, de façon à rémunérer justement le travail des auteurs, interprètes et créateurs, en tenant compte, bien sûr, des nouveaux modes de consommation, auxquels doivent correspondre de nouvelles logiques de rémunération. Si c'est dans cette voie que vous nous proposez d'aller, monsieur le ministre, nous pourrons nous retrouver. Mais pour le moment, votre texte est plutôt tourné vers le passé que vers l'avenir. C'est pourquoi nous voterons la question préalable.