Eg8 Intervention De JP Barlow
Lors de l'eg8 a eu lieu une séance plénière consacrée au droit d'auteur. Au milieu des multiples représentants des industries du divertissement, il y avait John Perry Barlow, qui a tenu un discours quelque peu détonant au milieu du consensus mou qui semblait se dégager jusque là.
Ces propos expliquant très bien pourquoi nous nous opposons à l'HADOPI, aux majors et autres nous en faisons une transcription complète ici :
J.P. Barlow[edit]
Oh... bon sang. Bon, bon, tout d’abord merci de m’avoir invité à vous rejoindre ici. Je suis un peu surpris étant donné la composition de cette table ronde. Pour tout vous dire, je ne crois pas que je viens de la même planète.
- applaudissements*
C'est un honneur pour moi que d'être ici, étant donné également que je suis peut-être l'un des rares dans cette pièce qui gagne personnellement sa vie en créant ce que ces messieurs sont ravis d'appeler de la propriété intellectuelle. Je ne considère pas ma création (ndt : mon expression personnelle) comme ma propriété. Une propriété c'est quelque chose que l'on peut me prendre. Si je ne l'ai pas, quelqu'un d'autre l'a. Et l'expression n'est pas comme cela. De plus, l'idée même que cela puisse s'appliquer à une forme d'expression est une conséquence directe d'un système qui prend les formes d'expression et qui les transporte, système qui n'était nécessaire qu'avant l'arrivée d'Internet, qui peut faire cela indéfiniment à un coût pratiquement nul.
L'idée même de contenu implique la présence d'un contenant, qui en réalité n'existe plus. Et si ce dont nous parlons aujourd'hui est de créer des incitations à la création, pour les gens qui créent des choses et pas seulement pour les grandes institutions prédatrices, qui se nourrissent de ces créateurs depuis des années, alors je crois que notre discussion prendra un angle tout-à-fait différent.
Je crois également que nous devrions aborder ce qui est considéré comme un comportement éthique ou moral sur l'Internet. Ce dont on parle ici, et ce qui a été le sujet de toute cette conférence jusqu'à maintenant, par bien des aspects, c'est d'imposer les standards de certaines pratiques commerciales, de certains centres de pouvoir hérités d'un autre âge, sur l'avenir, que ces standards puissent produire de nouvelles idées ou non. Et avec tout le respect que je vous dois M. le Ministre, je dois marquer mon désaccord quant au fait qu'il y a un certain accord sur la nécessité de mettre en place un droit de la propriété intellectuelle toujours plus restrictif et des mesures toujours plus restrictives pour imposer ce droit sur Internet.
- applaudissements*
Ce n'est pas le public que je pensais trouver ! Je vais aller droit au but, je ne voudrais pas donner un cours magistral et je suis tenté de le faire. Je ne veux pas abuser de votre temps, mais, en essayant de continuer d’imposer cet ordre ancien et de préserver ces modèles économiques éculés, sans reconnaître la relation qui existe entre la création et son public, et comment monétiser au mieux cette relation-là à l’avenir... ce que nous faisons là, c'est détruire techniquement l'internet, de plus en plus. Quand Eric Schmidt s'assied ici et explique calmement à quel point il serait merveilleux d’avoir des robots qui scannent l'Internet pour trouver des atteintes à la propriété intellectuelle et les éliminer automatiquement, cela casse fondamentalement le net, cela cassera le net. Bien des choses qui ont été dites et proposées ici, et qui ont été appliquées, témoignent du refus de reconnaître que l'Internet est un ensemble continu, et que si vous pouvez en contrôler ne serait-ce qu'un aspect, vous pouvez en contrôler l'ensemble. Si on commence par la propriété intellectuelle, on finira par contrôler également toutes les formes d'expression qui nous déplaisent.C'est aussi simple que ça. Vous ne pouvez pas être propriétaire de la liberté d'expression. Et tout effort qui va en ce sens ne peut être qu'en opposition directe à une promesse avec laquelle je veux conclure ici.
Pour la première fois, dans l'histoire de l'homme, il devient possible aujourd'hui d'accorder à chaque être humain le droit de savoir, le droit de satisfaire sa curiosité au plus haut degré — où qu'il ou elle se trouve —, et le droit de s'exprimer. Et avoir l'espèce humaine tout entière à portée s'il le souhaite. Voila un héritage d'une importance cruciale que nous pouvons laisser à nos enfants. Et si nous voulons leur refuser cet héritage uniquement pour préserver certaines institutions, qui sont peut-être déjà obsolètes, et bien cela ne fera pas de nous de bons ancêtres.
- applaudissements*
Merci aux transcripteurs : LordPhoenix, mathieui, skhaen, baketo, pasdecerveau, math67, resonantia, ocus, LeCoyote, Bituur Esztreym, Kherua, al'atoire, swergas, moloch