Debats Hadopi 090504 1
Compte rendu initial
Contents
- 1 Mme Catherine Lemorton
- 2 Mme Sandrine Mazetier
- 3 M. Patrick Bloche
- 4 M. Alain Suguenot
- 5 M. Christian Vanneste
- 6 M. Didier Mathus
- 7 M. Jean-Luc Warsmann
- 8 Mme Marylise Lebranchu
- 9 M. Jean-Yves Le Bouillonnec
- 10 M. Lionel Tardy
- 11 M. Philippe Gosselin
- 12 M. Frédéric Lefebvre
- 13 Mme Muriel Marland-Militello
- 14 Mme Martine Billard
- 15 M. Michel Françaix
- 16 M. Christian Paul
- 17 M. Jean-Louis Gagnaire
- 18 M. Jean-Pierre Brard
- 19 M. Jean Dionis du Séjour
- 20 Mme Aurélie Filippetti
- 21 M. Franck Riester
Mme Catherine Lemorton
Cet amendement [n° 156] me paraît très important. Je prends un exemple précis. Tout le monde ici est d'accord pour dire qu'Internet est un formidable outil d'éducation, d'instruction, d'échange. Or vous n'êtes pas sans savoir qu'à l'école, l'école de la République, de plus en plus d'enseignants donnent à leurs élèves des dossiers à faire ou des exposés à préparer. Et cela commence au cours préparatoire. Ces élèves, au sein de leur famille, vont chercher les informations sur Internet pour préparer le dossier demandé par l'enseignant.
Si, au stade ultime de la sanction graduée, vous coupez la ligne Internet à toute la famille parce que l'un des enfants, sans doute jeune adulte ou grand adolescent, aurait téléchargé illégalement une œuvre, vous allez priver les frères et sœurs de l'accès à des compléments d'information pour des dossiers que lui demande l'enseignant.
Pour faire un autre parallèle, quand une personne, dans notre société, a commis un délit et passe devant la justice, on ne traîne pas toute la famille devant les tribunaux, et la sanction n'est pas appliquée à toute la famille.
Mme Sandrine Mazetier
Comme l'a souligné Alain Suguenot, ce texte ne répond en rien aux problèmes auxquels peuvent être confrontés aujourd'hui certains artistes. En effet, ce projet de loi très mal nommé ne prévoit rien en faveur de la création : comme nous l'avons démontré à maintes reprises, pas un euro de plus n'ira aux créateurs, aux auteurs, aux compositeurs, aux cinéastes. Mêmes les producteurs, les seuls à connaître actuellement quelques difficultés, ne toucheront rien de plus.
La SACEM, qui gère les droits d'auteur, n'est pas en difficulté : au contraire, elle a vu ses revenus progresser d'année en année, à l'exception d'une année où ils ont reculé de 0,4 % – autant dire l'épaisseur du trait.
Il est pour le moins étonnant que ce texte ne dise pas un mot au sujet de la création, alors même que le problème du financement de la création, de la protection des artistes, du rayonnement culturel, est une question pendante, que la politique menée par ce gouvernement, loin de régler, aggrave.
Le texte n'apporte rien non plus en matière de pédagogie, puisqu'il n'évoque pas la question de la gratuité, de ce qui est marchand, de ce qui doit être acheté ou rémunéré. Quand une ville décide, comme l'a fait Paris, d'instaurer la gratuité des collections permanentes de ses musées, elle enregistre immédiatement une progression des entrées : les visiteurs viennent passer dix minutes au musée, retournent quatre ou cinq fois dans la même salle, parfois dans la même journée. Alors que cette pratique s'accompagne d'une pédagogie axée sur l'idée que la culture a un coût, que les créateurs doivent pouvoir vivre, la loi que nous examinons ne dit pas un mot à ce sujet, pas un mot sur la chaîne de la création, sur ce qui permet à un artiste de toucher son public et pas seulement par le biais d'Internet.
Durant des années, on a vendu aux consommateurs des abonnements Internet et des ordinateurs sur la promesse d'un accès illimité et gratuit à un monde merveilleux de contenus. Dès lors que cet argument de vente a été massivement utilisé, il ne serait que justice que tous ceux qui se sont fait tant d'argent sur les contenus contribuent aujourd'hui à la création. Or ce projet de loi ne le permet en rien : pas un euro pour la création, pas un mot de pédagogie, pas un effort pour inventer le nouveau modèle de rémunération des créateurs auquel il est pourtant urgent que nous nous attelions en ce début de xxi e siècle qui, à force de commencer, est déjà bien entamé.
Plus grave encore, une grande confusion est entretenue dans les esprits, y compris chez de très grands artistes. Ceux que vient de citer le porte-parole de l'UMP se trompent quand ils pensent que cette loi va faire quoi que ce soit pour la création et pour la protection de leurs droits. Ils se trompent surtout s'ils s'imaginent que cette loi va entreprendre quoi que soit contre le marché. C'est au contraire le règne absolu de la marchandisation que cette loi consacre, l'interdiction formelle de la gratuité et l'interdiction de penser la création à l'ère d'Internet et des nouveaux rapports qui doivent s'instaurer entre les publics et les artistes.
Ce projet de loi durcit les choses, et M. Lefebvre se trompe quand il affirme suivre l'avis du rapporteur.
Oui, il est déjà parti. Peut-être est-il derrière un rideau !
M. Lefebvre se trompe quand il dit que le groupe UMP se range à l'avis du rapporteur. En réalité, même des amendements acceptés par le rapporteur n'ont pas été repris dans cette version finale du texte HADOPI. Ainsi, la suspension de l'abonnement n'entraîne plus la suspension du paiement de l'abonnement pour les internautes victimes d'un détournement de leur adresse IP. Martine Billard et d'autres de nos collègues ont démontré à maintes reprises qu'un tel détournement était tout à fait possible et que ceux qui en seront victimes subiront une double peine : d'une part, la suspension d'un abonnement qu'ils continueront à payer, d'autre part, les démarches longues et compliquées qu'il leur faudra entreprendre pour récupérer leur accès à Internet.
Tout cela, je le répète, n'est même pas justifié par un bénéfice quelconque pour les artistes, qu'il enfonce au contraire un peu plus.
[...]
Monsieur le rapporteur, vous avez décidément un rapport bien contrarié aux institutions européennes et à ce que dit la Commission, à ce que prévoient les directives et à la manière de les appliquer. Vous transcrivez et appliquez complètement les directives quand cela vous arrange et vous les oubliez, vous les banalisez lorsqu'elles ne vous arrangent pas.
Je voudrais reprendre ce petit débat européen, puisque ces amendements [n° 56, 180 et 187] de pur bon sens sont en plein dedans. Il faut savoir qu'il y a des éditeurs de logiciels libres, qu'il existe, madame la ministre, des entreprises françaises qui créent de l'interopérabilité et de l'échange gratuit. Elles ont le droit d'être protégées au même titre que les autres, que les majors de l'informatique.
Je reviens sur cette question du « chantage » – mot que vous récusez. Mais comment interpréter autrement la lettre que Nicolas Sarkozy a adressée le 3 octobre 2008 au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, pour rejeter le fameux amendement 138 ? Comment interpréter, à l'époque, la réaction de Viviane Reding disant qu'en tout état de cause les instances européennes ne doivent pas se laisser instrumentaliser pour obtenir le cautionnement d'un modèle spécifiquement national à l'échelle communautaire ?
Comment interpréter les événements récents et la manière dont vous avez pris en considération, pour les rejeter totalement, les conclusions du rapport Stavros Lambrinidis, les résolutions du Parlement européen et l'adoption de l'amendement Bono ? Lorsque ce qui se passe à l'échelle européenne ne correspond pas très précisément à ce que vous ont demandé les inspirateurs de ce projet de loi, vous n'en tenez pas compte.
Ces amendements de pur bon sens ne visent, sans remettre en cause l'essentiel du projet de loi HADOPI, qu'à soustraire aux conséquences désastreuses la HADOPI les entreprises qui commercialisent du logiciel libre. Elles ont été parfaitement décrites par Martine Billard, Patrick Bloche et d'autres.
Ne nous opposez pas les directives européennes datant du début du début du XXI e siècle. Nous sommes en 2009 ! Adaptez la législation et protégez notre industrie !
[...]
Quand l'Europe veut, elle peut. Mais lorsque la Commission européenne formule des critiques sur le projet de loi qui lui a été notifié en juillet dernier, le Gouvernement et une partie de la majorité n'en tirent aucune conséquence.
Les observations formulées par la Commission européenne portaient sur les droits fondamentaux, en particulier sur le droit à un procès équitable. Or, depuis juillet dernier, le texte n'a pas été modifié dans ce domaine. Il n'explique toujours pas comment la HADOPI sera en mesure d'éviter les nombreuses erreurs matérielles que nous avons évoquées en première lecture dans la gestion de l'envoi de recommandations. Mme la ministre a indiqué, par exemple, qu'il existait des pare-feu qui reconnaissaient La Marseillaise , mais ce n'est pas le cas.
Au-delà d'aspects qui peuvent paraître comiques, la situation ne sera pas drôle pour les personnes qui n'auront pas reçu les courriels envoyés en nombre en raison des pare-feu installés sur leur ordinateur car, du jour au lendemain, elles recevront une lettre recommandée, ce qui sera synonyme de beaucoup d'angoisse.
La Commission avait formulé un certain nombre de recommandations, d'observations et de critiques sur la proportionnalité de la sanction. Mais aucune d'entre elles n'a été prise en compte.
Madame Marland-militello, vous êtes convaincue que la HADOPI constituera une protection, à la fois pour les auteurs et les créateurs et pour la vie privée des internautes. Je vous ai sentie sincère.
Le projet de loi prévoit toujours un répertoire national. Or vous savez tous les problèmes que peuvent poser les fichiers – je pense au fichier STIC ou au fichier EDVIGE.
Le projet de loi ne prévoit pas d'indiquer clairement à l'abonné, qui recevra dans le meilleur des cas un courrier, plus certainement une lettre recommandée, ce qui lui est reproché exactement. Or il lui sera souvent reproché des infractions qu'il n'a pas commises.
Vous savez bien que des fichiers, pourtant gérés par la police, la justice, qui devraient être les fichiers les plus propres et les plus à jour, ne le sont pas, comme cela a été démontré.
[Ce n'est pas le sujet !] Mais si !
Tout répertoire, tout fichier comporte un danger.
Je ne dis pas qu'il faut renoncer à en constituer : je souligne que les droits fondamentaux des internautes et la protection de leur vie privée ne sont pas garantis.
Je ne reviendrai pas sur la création, qui ne sera pas plus protégée par le projet de loi qu'elle ne l'est aujourd'hui. Vous êtes convaincue, madame Marland-Militello, mais votre conviction repose sur des faits erronés.
M. Patrick Bloche
Mon intervention se fonde sur l'article 58 du règlement et concerne le bon déroulement de nos travaux.
Dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, nous avons interrompu l'examen de ce projet de loi et, aujourd'hui, nous abordons les articles et les amendements. Mon groupe politique – mais je pense pouvoir m'exprimer au nom de toute l'opposition – souhaite simplement avoir la possibilité de débattre, de défendre ses amendements, et d'obtenir des réponses, tant de la part de la commission que du Gouvernement. En somme, nous voulons que le dialogue se poursuive dans de bonnes conditions.
J'apporte cette précision car nous savons que, à l'issue de cette nouvelle lecture, le projet de loi doit faire l'objet d'un vote, organisé sous la forme d'un scrutin solennel. Or, d'expérience, nous sommes un certain nombre à savoir qu'il ne faut jamais fixer la date butoir d'un débat si l'on veut que son déroulement et sa conclusion se passent dans de bonnes conditions.
Nous aurons besoin de temps. Comme lors de la lecture précédente de ce projet de loi, l'opposition a, avant tout, le souci de « limiter la casse ». Elle défendra des amendements qui visent à atténuer les effets d'un texte qui, selon nous, continue d'être mauvais, inutile et inefficace.
Mon rappel au règlement porte aussi sur la mise en œuvre de l'article 40 de la Constitution, qui reste pour moi, et sans doute pour d'autres collègues, une curiosité. Son application empêche certains amendements d'être défendus en séance, et si je ne suis pas le premier député à m'étonner que des amendements déposés par les membres de son groupe ne viennent pas en discussion. Je tiens donc à informer notre assemblée que plusieurs amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 sur des bases qui nous semblent curieuses.
Un premier amendement devait permettre à la haute autorité de mettre en place un centre d'appel téléphonique afin de traiter les demandes et les réclamations des internautes. Cela nous semblait d'autant plus utile que Mme la ministre nous avait précisé que le dispositif HADOPI s'appliquerait au cas par cas, même s'il s'agit d'un système automatisé et d'un traitement de masse. Pour ne pas tomber sous le coup de l'article 40, nous sommes revenus sur la gratuité des appels que nous défendions lors de la lecture précédente ; malgré cela notre amendement a été déclaré irrecevable.
Deux amendements visaient à ce que les recommandations de la commission de protection des droits parviennent bien aux internautes dès le premier envoi. Ils ont été déclarés irrecevables, ce qui nous laisse totalement perplexes. Mme la ministre nous a pourtant répété que, selon des études auxquelles elle a souvent fait référence, à défaut de nous les communiquer, 97 % des internautes arrêteraient tout téléchargement gratuit après avoir reçu trois avertissements. Pour atteindre cet ambitieux objectif nous estimions donc qu'il fallait envoyer à l'internaute au moins trois recommandations, et pas une seule.
Deux autres amendements prévoyaient qu'en cas d'erreur commise par la haute autorité, il lui reviendrait de réparer le préjudice subi en versant des dommages et intérêts. Une telle procédure existe dans toutes les procédures judiciaires et relève de la logique. Malgré cela, ces amendements n'ont pas été déclarés recevables.
Enfin, nous avions déposé un amendement afin d'instaurer la gratuité et l'interopérabilité des moyens de sécurisation. En effet, la sécurisation est une obligation nouvelle et nous estimions que les internautes ne devaient pas en supporter la charge financière. Il nous semblait également que l'HADOPI devait labelliser des moyens de sécurisation interopérable. À notre étonnement, cet amendement a également été jugé irrecevable.
Nous prenons acte de ces décisions mais, pour la bonne suite de nos travaux, je voulais vous faire savoir que nous avions déposé ces amendements qui ne viendront pas en discussion.
[...]
Avec cet amendement [n° 153], les socialistes, fidèles à leurs positions, entendent réguler le marché des industries culturelles, grâce, entre autres, à des dispositifs permettant une meilleure information des consommateurs sur les prix. En effet, règne dans le domaine qui nous intéresse ici une opacité liée au fait que la plupart des accords passés entre les majors et les sites de téléchargement gratuits et légaux ne sont pas rendus publics.
Nul n'ignore que, depuis quelques années, la musique s'est dématérialisée, qu'elle est désormais téléchargeable et peut donc se passer de support physique. On aurait pu penser que cette dématérialisation, qui permet d'économiser des coûts de fabrication, conduise à une meilleure rémunération des artistes et des auteurs, c'est-à-dire des petits, dont nous nous soucions en priorité. Or il n'en est rien. Si, pour un CD, les droits d'auteurs représentent environ 10 % du prix de vente, les revenus de la maison de disques 50 %, ceux du distributeurs 21 % et la TVA 19,6 %, pour un fichier téléchargé, la TVA reste naturellement inchangée, comme le niveau des droits d'auteurs, la plateforme de téléchargement récupérant 6 % du prix de vente et les maisons de disques plus de 60 %.
Estimant que, dans une logique de réglementation et de régulation, il faut jouer la vérité des prix, nous avons donc déposé cet amendement qui permettrait aux consommateurs de connaître précisément la part qui revient aux créateurs dans le prix final d'une œuvre, qu'il s'agisse d'un DVD, d'un CD ou de musique en ligne. Ils pourraient ainsi constater que la part qui revient aux auteurs et aux créateurs, donc aux petits, reste très faible, et que les sites de téléchargement commerciaux n'ont rien fait pour l'accroître.
Rendre cette information publique devrait contribuer selon nous à mieux répartir les revenus de l'industrie musicale, dans des proportions plus favorables aux artistes. Cela correspond à un engagement séculaire de la gauche qui a toujours défendu les droits d'auteur, le petit contre le gros, le faible contre le fort. Or, dans cette affaire, la force n'est pas du côté des citoyens internautes mais des multinationales qui produisent des disques, appelées communément les majors.
[...]
L'opposition que nous représentons n'a cessé, depuis l'ouverture du débat, de proposer des solutions alternatives. C'est pourquoi nous tenons particulièrement à cet amendement [n° 154], fidèle aux choix qui furent faits dès 1985, dans le cadre de l'adaptation du droit d'auteur aux évolutions techniques de l'époque, à l'occasion de la dernière grande loi sur le droit d'auteur, que le Parlement avait adoptée à l'unanimité. Et pour cause : elle privilégiait la redistribution économique et fondait un nouveau modèle économique, y compris une nouvelle rémunération pour la création. La loi de 1985 ne sanctionnait personne. En revanche, elle créait une redevance pour copie privée : la taxation de supports vierges – élargie depuis à d'autres supports – garantissait une rémunération dont un quart est consacré depuis vingt-cinq ans au spectacle vivant.
C'est un défi semblable que nous devons aujourd'hui relever.
Au fil de son histoire bicentenaire, le droit d'auteur a toujours – j'insiste : toujours – su s'adapter aux évolutions technologiques, sans pour autant que jamais se manifeste l'ambition folle de vouloir, par un simple texte de loi, bouleverser les usages que partagent, en l'occurrence, plusieurs millions de nos concitoyens. Je rappelle que la France compte 30 millions d'internautes, dont plus de la moitié utilisent le haut débit.
Ainsi, par cet amendement, nous proposons l'instauration d'une contribution créative, qui garantira une nouvelle rémunération à la création, alors que le projet de loi ne lui rapportera malheureusement pas un euro supplémentaire.
Cet amendement est d'autant plus important que l'on entend déjà, ici ou là, les plus farouches partisans de ce texte évoquer cette idée de contribution créative au cas où, par hasard, la loi HADOPI serait un échec. Nous ne voudrions pas qu'une licence globale « privée », en quelque sorte, soit insidieusement créée, mais c'est bien ce qui risque d'arriver. Songez par exemple à Warner, cette grosse major américaine qui instaure, dans les universités d'outre-Atlantique, un dispositif semblable à la licence globale, arguant de la nécessité – imposée par le fil de l'histoire – d'une trêve entre les internautes et les artistes produits par ces majors.
Ainsi, en délaissant tout critère économique et en refusant d'instaurer une nouvelle rémunération pour la création, nous courons le risque de voir fleurir, çà et là, des licences globales privées – à l'image de ces accords entre majors et sites de téléchargement gratuit – qui profiteront aux plus gros et aux plus forts, alors même que le présent texte aurait dû anticiper ce risque, sinon réguler ce domaine.
C'est pourquoi cet amendement vise à rendre possible une négociation incluant tous les acteurs concernés et visant à instaurer cette contribution créative qui, je le rappelle, serait payée par l'ensemble des internautes. En cette affaire, vous le voyez, nous ne nous offrons aucune facilité. Jugez-en plutôt : alors que l'offre dite « Max » d'un grand opérateur de télécoms, que je ne citerai pas, coûte 12 euros par mois et n'ouvre l'accès qu'à quelques centaines de titres, nous proposons que chaque abonné à un réseau à haut débit paie 2 euros seulement par mois, soit une recette annuelle de 400 millions d'euros pour la création. Ce faisant, nous sommes soucieux du respect du droit d'auteur, un droit patrimonial, mais aussi moral. À preuve : nous prévoyons que tout artiste refusant de participer à cette contribution créative en aurait naturellement le droit.
Telle est la seule solution d'avenir. Hélas, que les artistes soient ainsi trompés par cette mauvaise loi que l'on veut nous faire adopter nous désole : il s'agit d'une ligne Maginot, d'un délai bien inutile imposé à l'adaptation du droit d'auteur à l'ère numérique. Le projet de loi HADOPI ne prévoit pas un euro supplémentaire pour la création ; l'amendement n° 154, au contraire, lui garantirait une recette de 400 millions. Voyez de quel côté se trouvent les véritables défenseurs des artistes !
[...]
Nous sommes à un moment important du débat et je remercie certains collègues de la majorité d'être intervenus pour le souligner.
Le développement d'Internet et de grands opérateurs, notamment les opérateurs de télécom et les fournisseurs d'accès, n'a pu se faire qu'à partir du moment où il fallait des contenus pour remplir les tuyaux. C'est parce qu'il y avait des contenus, pour nombre d'entre eux de nature culturelle, qu'Internet a pu connaître le développement qui a été le sien ces dernières années, tout particulièrement dans notre pays : aujourd'hui, le chiffre d'affaires des opérateurs s'élève aux alentours de 40 milliards d'euros.
Nous sommes à un moment de l'histoire d'Internet où il faut, plus que jamais, s'inscrire dans une logique redistributrice, c'est-à-dire qu'il faut que les possesseurs de tuyaux redistribuent vers les créateurs de contenus une part de la manne qu'ils ont pu accumuler au fil du temps.
Dire cela, c'est poser les bases non seulement d'un nouveau modèle économique, mais également d'une régulation qui incombe bien entendu à l'État. Il est vrai que, dans ce domaine, l'État, en l'occurrence le Gouvernement, a donné un bien mauvais signe lorsque l'audiovisuel public a été réformé à l'automne dernier puisque, pour compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévision, il a institué une taxe à hauteur de 9 % – excusez du peu ! – sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès et des opérateurs de télécoms.
En l'occurrence, on va prélever sur les fournisseurs d'accès et sur les opérateurs de télécoms une taxe qui va rapporter environ 360 millions d'euros par an. Cette taxe, qui aurait dû aller à la création, aux auteurs, à tous les titulaires de droits voisins, a été détournée au profit de France Télévision afin de financer les salaires de ses 11 000 salariés – rémunérations ô combien légitimes – mais également son siège social, ses charges fixes. Seule une infime part ira à la création.
C'est pourquoi il faut, plus que jamais, mettre en place de nouveaux modes de rémunération de façon qu'ils soient redistributifs et, surtout, bien répartis car, aujourd'hui, la manne nouvelle qui est tirée des sites de téléchargements commerciaux n'est pas répartie justement.
Bien des reproches faits à la licence globale il y a trois ans ont été repris à propos de la contribution créative, sur l'enjeu de la répartition en tant que telle. Notre amendement qui a été rejeté prévoyait une négociation. On arrive bien, depuis la loi de 1985, à répartir la redevance pour copie privée. Pourquoi n'arriverait-on pas à répartir ces 400 millions d'euros que nous avons évoqués à travers la défense de la contribution créative ? Par exemple, le système DDEX qui est utilisé à la SACEM permettrait d'assurer cette répartition de manière très pertinente.
L'amendement n° 157 vise à ce que les auteurs et les artistes-interprètes ne soient pas les oubliés de ce dont nous débattons aujourd'hui. Un certain nombre de sites de téléchargement commerciaux tirent leurs revenus des recettes publicitaires, leur permettant de proposer des contenus gratuitement, mais ils n'opèrent pas une juste répartition des revenus générés pour la création.
Cet amendement montre, une nouvelle fois, combien nous sommes préoccupés par le sort des artistes à l'ère numérique. Nous voulons établir une plus juste répartition des revenus tirés des recettes publicitaires par ces sites de téléchargement commerciaux.
[...]
Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi la ministre et sa majorité refusent ces amendements qui sont avant tout des amendements d'égalité. La question de la répartition est centrale pour toutes celles et tous ceux qui pensent que la loi HADOPI c'est déjà le passé, et qu'il faut avoir le courage de mettre en place les nouveaux modes de rémunération pour la création. La gauche n'oublie pas que, dans les années 80, elle a mis en œuvre un financement du cinéma par la télévision, ce qui nous permet aujourd'hui d'avoir encore un cinéma national, comme on dit. Nous nous inscrivons dans la même démarche pour trouver des circuits financiers nouveaux en faveur de la création.
Vous comprendrez que, une fois ces sommes collectées, nous souhaitions qu'elles soient bien réparties, car nous sommes aussi de gauche. Jean-Yves Le Bouillonnec et Martine Billard ont clairement souligné que le compte n'y était pas, et nous évoquions très précisément la situation des auteurs-interprètes ou le fait que peu d'artistes touchent une rémunération au nom du droit d'auteur dans le domaine de la musique enregistrée, puisqu'ils ne sont que 3 % à recevoir une rémunération supérieure au SMIC ; je parle sous votre contrôle collectif.
Comme il existe, depuis déjà longtemps – c'est ce qui a permis la libéralisation des ondes –, des systèmes de licence légale, notamment sur les radios où, à défaut de licences globales, existent des systèmes de rémunération proportionnée ou de forfait, certains ayants droit ne sont pas rémunérés pour l'usage global de leurs œuvres. Cet amendement [n° 158] traduit notre souci de revenir sur ce phénomène récurrent.
Par exemple, lorsqu'une radio signe un accord de licence légale ou de forfait avec un organisme collecteur, ce dernier paie une somme fixe quels que soient les artistes diffusés. Nous voulons remettre en cause cette logique. C'est en effet l'organisme collecteur qui a la charge de la redistribution des sommes aux ayants droit au prorata des passages radio.
Pour atteindre notre objectif, l'information doit être à la fois complète et transparente. Dans ce souci de transparence, l'objectif de cet amendement est de contraindre l'ensemble des utilisateurs à fournir aux organismes collecteurs les statistiques précises des titres diffusés pour que la répartition soit réellement représentative de l'audience.
Il s'agit donc d'un amendement pour une juste répartition de la rémunération au titre du droit d'auteur.
[...]
« Votons HADOPI ; ensuite, nous réfléchirons et nous réglerons le problème ! » Telle est la réponse de Mme la ministre, qui admet implicitement que la répartition des droits d'auteurs et des droits voisins, que nos amendements proposent d'améliorer, est loin d'être juste.
En l'occurrence, madame la ministre, je pense que vous faites un mauvais choix. Ces questions, particulièrement complexes, ont toujours été l'objet de polémiques non seulement dans notre hémicycle, mais aussi entre les partenaires, notamment entre tous les titulaires de droits. Quand les négociations ne peuvent aboutir, le rôle de la loi n'est-il pas précisément de les trancher, au nom de l'intérêt général, et de trouver un point d'équilibre, surtout quand les partenaires discutent depuis des années sans trouver d'accord ? Ce fut le cas en ce qui concerne la modification de la chronologie des médias, dont s'est saisi le législateur.
Pourquoi ce qui a valu dans ce cas ne vaudrait-il pas pour la juste répartition des rémunérations tirées de l'exploitation des œuvres, notamment sur les radios ? Alors que nos amendements poursuivent un objectif de transparence et de justice, le Gouvernement nous répond qu'il faut commencer par voter le texte et que l'on réfléchira ensuite. Or nous savons très bien ce qui se passera : on continuera de discuter pendant des mois, voire des années, et tout le bénéfice que peut produire une licence sur une radio, un forfait ou une rémunération proportionnée, continuera à être réparti de manière inégale et déséquilibrée, et, comme toujours en pareil cas, les plus petits et les plus faibles seront lésés.
N'oublions pas que, depuis son origine, la loi a toujours eu pour but de trouver l'équilibre entre le faible et le fort, le petit et le gros. Aussi, je regrette que, au lieu de répondre qu'il suffit de mettre les partenaires autour d'une table et de laisser passer les saisons, le Gouvernement n'ait pas saisi la possibilité de montrer à peu de frais qu'il était soucieux de tous les artistes, et non pas uniquement des people, qui fréquentent les salons de l'Élysée, une fois la nuit tombée.
[...]
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l'occasion de ce travail de toilettage du code de la propriété intellectuelle, que nous entreprenons, je veux faire part d'un certain étonnement.
Dès que j'ai été élu député, je me suis intéressé à ces questions souvent compliquées et toujours polémiques, que posent le droit d'auteur et la propriété intellectuelle. Il y a une dizaine d'années, comme mon collègue Christian Paul, j'ai été chargé, à la demande de M. Jospin, alors Premier ministre, d'une mission de six mois sur ces sujets. Fin 1998, je lui ai remis un rapport sur la présence internationale de la France et de la francophonie dans la société de l'information. J'y plaidais, dans un souci d'apaisement, pour la création d'un organisme de médiation. Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a été mis en place par Catherine Tasca en 2001.
Inutile de cacher que j'ai été déçu par cette instance, dont j'avais souhaité la création. Elle n'a pas su aborder certains sujets avec la sérénité nécessaire. On se souvient de la manière dont se sont déroulés les débats sur DADVSI et sur HADOPI. En 2005, elle a même publié un rapport préconisant – tenez-vous bien ! – de ne pas reconnaître le droit à la copie privée sur Internet, de défendre autant que possible les DRM et de pénaliser les éditeurs de logiciels de peer to peer . Pour une instance de médiation et de pacification, on peut faire mieux ! Aujourd'hui, fort heureusement le droit à la copie privée sur Internet existe, les DRM disparaissent et les éditeurs de logiciels de peer to peer ne se voient pas pénalisés.
Cela dit, quel n'a pas été mon étonnement, et celui de mon groupe en apprenant que, le jour même où démissionnait, pour des raisons personnelles, M. Jean-Claude Mallet – qui assumait avec compétence et une énergie remarquables les fonctions de président de l'ARCEP, et que, avec certains collègues, dont notre rapporteur, j'ai eu l'occasion d'auditionner –, le Gouvernement a rendu public le nom de son successeur. Il s'agissait en l'occurrence du président du CSPLA depuis 2001, auteur du rapport si polémique que j'ai cité précédemment. Si sa personne n'est pas en cause, cette nomination introduit un mélange des genres, qui ne contribuera pas à l'apaisement. Là où l'intérêt général devrait prédominer, nous craignons que des intérêts corporatistes et financiers l'emportent.
[...]
Cet amendement [n° 156] vise à intégrer dans le texte une dimension qui est loin d'être secondaire, la dimension communautaire. Dans ce domaine, la législation européenne joue en effet un rôle très important. Ainsi, la loi DADVSI, qui visait à protéger les DRM, était la transposition, tardive certes, d'une directive communautaire. Ce n'est pas le cas du projet HADOPI, loin de là ! C'est même l'un des motifs de notre opposition : A quoi bon passer de longues heures à débattre dans l'hémicycle, et voter peut-être, un texte qui deviendra rapidement caduc lorsque nous transposerons en droit interne des dispositions législatives européennes ?
C'est pourquoi nous proposons d'insérer avant le premier alinéa de l'article L. 331-1 un alinéa ainsi rédigé :
« Garantir l'accès de tous les citoyens à Internet équivaut à garantir l'accès de tous les citoyens à l'éducation. Un tel accès ne doit pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées. »
Il s'agit d'affirmer fortement dans notre doit ce principe qui reprend la recommandation du Parlement européen à l'intention du Conseil suite au rapport de l'eurodéputé Stavros Lambrinidis.
C'est parce qu'il a considéré que « l'analphabétisme informatique sera l'analphabétisme du XXI e siècle » que le Parlement européen recommande notamment de « reconnaître qu'Internet peut être une possibilité extraordinaire de renforcer la citoyenneté active et que, à cet égard, l'accès aux réseaux et aux contenus est l'un des éléments clés et recommande que cette question continue à être développée en posant comme principe que chacun a le droit de participer à la société de l'information et que les institutions et les acteurs à tous les niveaux ont pour responsabilité générale de participer à ce développement, luttant ainsi contre les deux nouveaux défis de l'analphabétisme informatique et de l'exclusion démocratique à l'ère électronique ». Cette recommandation est très récente, puisque le Parlement européen l'a adoptée en mars 2009.
Dans son exposé des motifs, le rapport de Stavros Lambrinidis adopté à une très large majorité par les eurodéputés, pose que « de même que chaque enfant a droit à l'enseignement et chaque adulte à la formation permanente, chaque individu tout au long de sa vie devrait avoir le droit d'accéder à l'ordinateur et à Internet. Les gouvernements devraient garantir un tel accès, même dans les régions les plus éloignées et pour les citoyens les plus pauvres. En outre, cet accès ne doit pas être refusé en tant que "sanction". Les hommes de tous horizons, de toutes régions et de toutes cultures devraient pouvoir profiter du large éventail de services offerts par Internet. Ils pourront ainsi poursuivre leur développement personnel, nouer des relations éducatives, professionnelles et personnelles et explorer des possibilités économiques dans toute la mesure offerte par nos technologies et nos lois. »
Vous nous avez souvent dit, lors de la précédente lecture, qu'il ne s'agissait que d'un rapport. Voter cet amendement donnerait force normative à un élément clé de ce rapport qui pourrait bien se transformer bientôt en une directive européenne qui s'imposera alors à la France.
[...]
Nous répétons avec insistance qu'il n'est pas possible, sur ces questions, de déconnecter le débat que nous avons ici, à l'Assemblée nationale, de ce qui se passe au niveau européen et, en ce moment, au Parlement européen, lequel va être amené cette semaine, demain ou après-demain, à se prononcer sur le paquet télécom, un paquet télécom que le Gouvernement français avait d'ailleurs pris en otage.
C'est une irresponsabilité caractérisée que de prendre le paquet télécom en otage, alors que nous connaissons une crise financière, économique et sociale de grande ampleur et que le paquet télécom est attendu par tous les acteurs de ce secteur particulièrement dynamique, créateur de croissance et d'emplois. Cette prise d'otage du paquet télécom par le Gouvernement français était particulièrement irresponsable.
En l'occurrence, grâce au travail qu'a effectué la rapporteure du texte sur le paquet télécom, Mme Trautmann, on est sorti de cette situation de blocage. Nous discutons donc du projet de loi HADOPI alors qu'au même moment, le Parlement européen va être amené à se prononcer sur le paquet télécom.
Pour la bonne information de nos collègues, j'indique, car je crois que c'est important dans notre débat, que l'amendement n° 138, dont Guy Bono et Daniel Cohn-Bendit sont les initiateurs, et qui avait été adopté en première lecture par le Parlement européen le 24 septembre 2008 à une majorité, tenez-vous bien, de 88 % des voix – 573 voix contre 74 –, est devenu en seconde lecture l'amendement n° 46.
Il y a une quinzaine de jours à peine, le 21 avril dernier, la commission Industrie du Parlement européen, qui est compétente sur ce texte, a approuvé, par 44 voix pour, 4 contre et 2 abstentions, cet amendement n° 46, qui continue sa vie.
Parallèlement, et c'était son rôle, la rapporteure, Mme Trautmann, a proposé un article de compromis, qui vit également sa vie à côté de l'amendement n° 46, et qui condamne les dispositions que vous voulez nous faire voter. Martine Billard y faisait référence à l'instant même. L'article de compromis proposé par Catherine Trautmann indique en effet ceci : « Les mesures prises concernant l'accès des utilisateurs finaux d'Internet ou leur utilisation de services et d'applications à travers des réseaux de communication électronique doivent respecter les droits fondamentaux et les libertés des individus, y compris le droit à un jugement par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi et agissant dans le respect du procès équitable tel que défini par l'article 6 de la Convention pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Au moment où le Parlement européen est sur le point de voter des dispositions qui, de fait, rendront caduques la loi HADOPI avant même qu'elle soit adoptée définitivement, et qui nous amèneront à retravailler cette question, nous souhaitons que dès maintenant, sans prendre de retard, soient inscrites dans notre droit interne les dispositions de l'amendement n° 46, que je rappelle ici : « Aucune restriction aux droits fondamentaux et aux libertés des utilisateurs de service de communication au public en ligne ne peut être imposée sans une décision préalable des autorités judiciaires ».
[...]
Le débat européen n'est en effet pas secondaire. Le Parlement va se prononcer cette semaine, et j'indique à notre assemblée que l'amendement, anciennement 138 désormais 46, a été redéposé et qu'il vit sa vie. Compte tenu de la manière dont on vote des textes au Parlement européen, dans une discussion à trois entre Commission, Conseil et Parlement, une solution de compromis a émergé, portée par Mme Trautmann la rapporteure, afin de ne pas bloquer l'adoption du paquet Télécom. Dans un contexte de crise économique et sociale aussi sévère que celle que nous connaissons, pénaliser un secteur aussi porteur de croissance et créateur d'emplois par la non-adoption du paquet Télécom serait particulièrement irresponsable.
Attendons donc de voir ce que deviendra l'amendement 46, voté par 88 % des députés européens en septembre 2008 et revoté dans une proportion encore plus importante par la commission de l'industrie du Parlement européen, le 21 avril dernier.
Je ne reviendrai pas sur la démonstration implacable de Martine Billard sur l'impossibilité d'assimiler la HADOPI à un tribunal indépendant et impartial.
Tant les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui vise à assurer à chaque citoyen européen un procès équitable, que la manière dont l'article 2 formalise les pouvoirs de la HADOPI suffisent à démontrer que ce n'est pas une procédure judiciaire, procédure publique par nature, qui est proposée à l'internaute sanctionné d'une coupure de son accès à Internet pour avoir téléchargé gratuitement.
L'amendement n° 187 revient sur cette aberration que constitue le fait de travailler sur HADOPI sans avoir évalué les conséquences de la loi DADVSI, alors que, le rapporteur de cette dernière, ici présent, pourra en témoigner, nous avions collectivement voté un amendement prévoyant que dans les dix-huit mois suivant sa promulgation, une évaluation devrait en être effectuée. La loi ayant été promulguée en août 2006, je vous laisse estimer quand l'évaluation aurait dû être faite.
Quoi qu'il en soit, il aurait au moins fallu la faire avant d'entamer le débat qui nous occupe aujourd'hui.
Nous avions été amenés à bouger ensemble – et cela avait été un enjeu important de la lecture finale du texte – par la nécessité de transposer une directive européenne qui assurait le statut juridique des DRM et des MTP tout en garantissant l'interopérabilité. À l'arrivée – et c'est là où une évaluation nous aurait été précieuse –, il s'avère indispensable, puisque vous n'avez pas voulu abroger les dispositions de la loi DADVSI, d'adopter cet amendement [n° 180], qui est assez simple et qui vise à créer des dispositifs plus respectueux à la fois de la libre concurrence et des droits du public, notamment pour protéger juridiquement les nombreux auteurs de logiciels indépendants interopérants avec des mesures techniques de protection.
[...]
La réponse du rapporteur et son refus en ce domaine de toute régulation – je ne parle pas de réglementation – nous semble le plus grave.
Cela nous ramène au débat sur la contribution créative. Je me suis permis de rappeler comment Warner faisait la tournée des campus américains pour négocier des licences globales privées. Il nous faudrait précisément, collectivement et de manière responsable, établir le cadre d'une licence globale ou, comme nous le proposons, d'une contribution créative, pour éviter la loi de la jungle, pour éviter que les plus gros puissent négocier à leur prix et utiliser le rapport de force qu'ils sont en mesure d'instaurer.
De la même façon, monsieur le rapporteur, vous nous répondez : « Mais un certain nombre de majors ont décidé d'elles-mêmes » – quelle bonté d'âme ! – « de faire sauter leur DRM. » C'est parfait ! Mais pourquoi ont-elles agi ainsi ? Ce n'est ni par charité ni parce qu'elles ont été brusquement prises de remords, Elles ont simplement considéré que les DRM étaient un obstacle commercial et pénalisaient fortement leurs ventes et leurs capacités de commercialisation. Elles l'ont fait par intérêt financier et commercial.
Vous nous dites : « Laissons faire ces majors qui retirent si elles veulent et quand elles veulent leur DRM. » Mais nous pourrions nous placer dans une logique différente qui nous amènerait, au nom de la préservation de l'interopérabilité, à jouer vraiment notre rôle de régulateur. C'est en cela que le législateur peut être utile.
[...]
Mme Billard a défendu, avec le talent qu'on lui connaît, un amendement qui vise – c'est le paradoxe s'il n'est pas voté – à assurer ce qui est simplement le droit d'auteur d'un éditeur de logiciel.
Nous considérons que la publication d'un logiciel avec son code source relève évidemment du droit d'auteur et plus précisément – le droit d'auteur est à la fois un droit moral et un droit patrimonial – du droit moral de l'auteur. La possibilité laissée au titulaire des droits sur la mesure technique d'interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant et interopérant semble porter atteinte au droit moral de l'éditeur de logiciel, défini comme « perpétuel, inaliénable et imprescriptible » – article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle. En cela, le titulaire des droits sur une mesure technique ne peut interdire la publication du code source et de la documentation technique si l'éditeur de logiciel s'y refuse. Par ailleurs, selon l'article L. 121-2, « l'auteur a seul le droit de divulguer son œuvre [...] Il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. »
L'amendement vise avant tout à renforcer le droit moral de l'auteur d'un logiciel indépendant et interopérant par rapport au titulaire des droits des mesures techniques.
[...]
Il faut vraiment que les orateurs de la majorité favorables à ce texte soient mal assurés dans leur argumentation pour qu'ils aient besoin de faire appel à des grands noms du monde artistique. Je vois un grand signe de faiblesse dans cette nécessité de citer continuellement listes, lettres ouvertes et tribunes.
Nous sommes à l'Assemblée nationale, dans un hémicycle où nous légiférons au nom de l'intérêt général, loin de tout mandat impératif, faut-il le rappeler ? Le Gouvernement est représenté par Mme Albanel et M. Karoutchi. Débattons plutôt du fond.
Les artistes qui vous apportent publiquement leur soutien, madame la ministre – d'autres vous sont opposés et nous pourrions les évoquer si nous étions, comme vous, à court d'arguments – devraient lire votre texte. Ils se rendraient alors compte qu'il ne rapportera pas un euro de plus à la création et que la solution alternative que nous proposons, à savoir la contribution créative, est la seule qui vaille puisqu'elle aurait permis, si elle n'avait pas été à nouveau rejetée, de rapporter 400 millions d'euros.
Zéro euro d'un côté, 400 millions de l'autre : les artistes peuvent juger qui est en mesure d'assurer la pérennité du droit d'auteur à long terme !
Que les artistes qui vous soutiennent lisent donc tout simplement ce projet de loi.
En détaillant l'article 2, ils verront combien ses dispositions attentent aux libertés individuelles de nos concitoyens et, s'ils restent fidèles à leurs engagements passés qui les ont amenés à partager beaucoup des combats de la gauche, ils finiront par regretter ce soutien que, bien mal conseillés, ils vous ont donné un peu trop rapidement.
Nous voulons dire une nouvelle fois combien nous considérons comme contraire à la Constitution la possibilité pour une autorité administrative de décider de l'application de sanctions. Le juge constitutionnel a rappelé à maintes reprises que seul le juge judiciaire est compétent pour les mesures relatives à la protection ou à la restriction des libertés individuelles. Si certains pouvoirs peuvent être délégués à une autorité administrative, ils ne sauraient concerner les libertés individuelles.
Nous espérons que cette nouvelle lecture permettra au moins de lever certaines incertitudes et de dissiper le flou sur certaines questions que nous avons été nombreux à poser sur les bancs de l'opposition comme de la majorité. Je me permets de les rappeler car, à l'heure qu'il est, elles n'ont toujours pas reçu de réponses.
Quelles sociétés seront chargées de la collecte des adresses IP incriminées, préalable nécessaire à la saisine de la HADOPI, et avec quelles garanties techniques ?
Quels seront les moyens de sécurisation prétendument absolue que la HADOPI sera amenée à labelliser et sur quelle base seront-ils fondés ?
Selon quels critères la HADOPI pourra-t-elle ou non être amenée à envoyer un mail d'avertissement puis une recommandation ? Quels critères motiveront sa décision de choisir entre la sanction et l'injonction ou de proposer une transaction plutôt qu'une sanction ?
Nous ne le savons toujours pas alors que nous entamons une nouvelle lecture. Laisser la HADOPI en décider seule, arbitrairement et de manière aléatoire sans que le législateur ait défini préalablement un cadre n'est pas acceptable : c'est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi.
Nous considérons que le silence de cette loi est porteur de trop de menaces, d'incertitudes et, j'oserai dire, de dissimulations pour nos concitoyens.
Nous espérons que la discussion des amendements que nous présentons au cours de cette nouvelle lecture nous permettra d'obtenir les réponses aux questions que nous nous sommes permis de poser à plusieurs reprises.
Enfin, nous regrettons le caractère manifestement disproportionné de la sanction encourue par les internautes, aggravée par le fait que ces derniers ne pourront bénéficier des garanties procédurales habituelles.
M. Alain Suguenot
Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, faire L'Iliade est beaucoup plus beau que prendre Troie.
Par son importance et sa force en symbole, un texte qui concerne la création et Internet demande un consensus. L'échec qui nous réunit ici aujourd'hui montre que le texte, non amendé, n'a pas pu fédérer le consensus qu'appelle un acte législatif aux enjeux de civilisation si considérables.
Madame la ministre, en quoi la loi HADOPI aide-elle la création ? En quoi HADOPI contribue-t-elle à son financement ? En quoi HADOPI respecte-t-elle les libertés individuelles et l'espace privé ? La procédure de la riposte graduée, notamment la suspension de l'accès, est-elle réalisable en toute fiabilité ? Les mutations technologiques ne rendent-elles pas, par avance, la loi obsolète ? La loi HADOPI sera-t-elle compatible avec le droit européen ? Nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à nous interroger de bonne foi.
Les accords de l'Élysée ne faisaient pas obstacle à la participation de représentants d'internautes ou de la CNIL à la HADOPI. Le recours à l'amende n'était pas non plus contradictoire avec ces mêmes accords.
Tout comme vous, nous avons cru à la pédagogie. Encore faut-il, pour que nous soyons pédagogues, que le texte soit accepté par le plus grand nombre et, surtout, qu'il soit acceptable.
Nous pensons que le projet de loi peut être amélioré pour éviter des conséquences coupables, comme la sanction de l'internaute innocent ou le traitement différencié des usagers. En l'état, les effets collatéraux de ce texte, s'il n'était pas amendé, seraient considérables.
La récente condamnation du site Pirate bay, en Suède, a abouti au lancement de iPredator , un nouveau réseau crypté et fragmenté dont les fichiers seront partagés par les usagers sans qu'ils puissent en connaître le contenu ni savoir s'ils ont affaire à des fichiers illégaux.
Le projet de loi HADOPI prévoit pourtant que les citoyens seront responsables du contenu de leur disque dur. Si ces pratiques devaient se généraliser, nous risquerions d'entrer dans une forme d'irresponsabilité de masse, avec les dangers que cela entraînerait pour la création et pour les citoyens.
Je faisais partie de ceux qui croyaient qu'un texte sur la création aurait pu nous permettre d'inventer un nouveau modèle économique pour les arts et la culture, adapté à l'univers numérique. Encore faut-il que nous puissions véritablement mener un débat, comme le souhaite Bernard Benhamou, le délégué interministériel aux usages de l'Internet après du ministère de la recherche et du secrétariat d'État à l'économie numérique. Selon lui, la révolution technologique, le streaming et les nouveaux services légaux demandent de l'imagination. Or le texte qui nous est proposé en manque singulièrement alors que notre avenir passe par le développement d'un écosystème favorable à la création, y compris la création de nouveaux services sur Internet.
Les auteurs que l'on prétend vouloir protéger aujourd'hui risquent de faire les frais d'une loi inappropriée, et ils commencent à s'en rendre compte, alors qu'ils n'ont même pas qualité pour agir devant l'HADOPI, ce qui, somme toute, est surprenant.
De nouveaux modèles d'organisation économiques devraient pourtant être mis en place associant l'abonnement et les formules d'achat dans le cadre d'une offre légale beaucoup plus vaste que celle proposée aujourd'hui. Nos amendements en ce sens ont souvent été censurés.
Je crains que cette nouvelle lecture ne bâillonne à nouveau, comme cela fut le cas lors de la discussion générale, plus d'un député sur deux. Il suffirait pourtant de quelques signaux, mais, à défaut, nous nous résignerons à un suicide virtuel en allant télécharger l'œuvre complète de Mireille Mathieu ou de Demis Roussos.
[...]
Madame la ministre, nous sommes là au cœur du débat. Ce qui est étonnant, c'est le bégaiement de l'histoire que nous constatons.
Il y a trois ans, nous étions quelques-uns à soutenir une argumentation qui a été vouée aux gémonies ; il n'empêche que le financement de la culture aujourd'hui, notamment celui de la création via Internet avec le streaming , est d'actualité, au regard des échéances qui sont devant nous. Même Jean Dionis du Séjour ou Christian Vanneste, qui étaient des pourfendeurs de cette théorie il y a quelques années, s'aperçoivent que le nœud du débat est bien ce financement.
Il faut que nous ayons ce débat le plus rapidement possible si l'on veut que les artistes n'aient pas l'impression qu'ils sont victimes d'un effet de scène et que HADOPI ne solutionne pas leurs problèmes. Avec les nouvelles technologies, la question de la rémunération se posera demain, c'est inévitable.
D'autres amendements vont être discutés, notamment un de Dionis du Séjour, qui posent déjà ce problème. C'est se voiler la face que de méconnaître que certains médias, organisés sous forme de licence, rémunèrent déjà les artistes de manière forfaitaire. La licence globale privée existe ainsi en amont de la distribution, ce qui explique les différences essentielles entre la rémunération de la création et celle de la production, en tous les cas en termes de coût pour le consommateur.
Nous ne pourrons pas échapper à ce débat de la contractualisation. Je n'ai pas peur de ce contrat. Les propositions qui sont faites, même si ce n'est pas le débat d'aujourd'hui par définition, supposent déjà qu'il y ait un contrat. La loi HADOPI propose que ce contrat soit protégé pour certains et ne le soit pas forcément pour d'autres ; c'est la différence entre le légal et l'illégal. La légalité est contractuelle, elle n'est pas de droit public ; c'est bien une décision qui nous incombe à tous.
Il faudra que nous ayons ce débat le plus rapidement possible. Sinon, tous les textes de loi, DADVSI qui est mort-née ou HADOPI que nous élaborons aujourd'hui et dont la survie n'est pas assurée, auront fait l'objet de débats parlementaires vifs entre nous mais n'auront pas vraiment fait avancer les choses.
[...]
Ainsi que je l'ai déjà relevé, il y a effectivement un souci de justice. Nous avons aujourd'hui les moyens de savoir qui télécharge quoi. Les panels existent. Sans vouloir jouer les anciens combattants, je défendais ici, il y a trois ans, une licence globale beaucoup critiquée et qui n'était d'ailleurs pas celle évoquée aujourd'hui, car elle était optionnelle tant pour celui qui téléchargeait – il avait le droit de payer ou non – que pour l'artiste, qui acceptait ou non d'être téléchargé. Cela ne correspond donc pas au procès d'intention qui est fait, sinon ce texte n'aurait pas été voté dans la nuit du 22 décembre 2005 et n'aurait pas provoqué autant d'atermoiements pendant six mois. C'était déjà la question du financement, mais je ne reviendrai pas là-dessus car ce n'est pas le sujet.
Avec cette loi HADOPI nous aurons peut-être les moyens de savoir qui peut prétendre à des droits, mais nous n'avons pas besoin d'attendre demain : c'est déjà possible. Avec 1 500 personnes sur un panel, vous savez exactement ce qui se passe. Comment fait aujourd'hui la SACEM ? Elle n'a jamais d'indications exactes et utilise des sondages. Quand on écoute les différents médias, on peut savoir dès à présent quels sont les utilisateurs de certains sites, de certains artistes, et la justice voudrait que l'on puisse, dans un texte comme celui-ci, dans un souci d'équité, donner des informations précises quant à la vente ou à l'usage des œuvres concernées par le texte.
[...]
Pour en revenir au texte proprement dit, je tiens à souligner que l'article 2 est l'espace de collision entre la loi DADVSI et la HADOPI. Je crois, comme Mme la ministre, qu'une réponse graduée vaut mieux qu'une sanction pénale – trois ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende – : nous sommes tous d'accord sur ce point. Le seul problème demeure celui du choix. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements à l'article 2 sur la seule question juridique : en effet, si on ne choisit pas entre la réponse graduée et la sanction pénale et s'il est possible de les additionner, on pourra très bien, même après la prescription de six mois, qui n'existe que dans le cadre de la HADOPI – elle est de trois ans pour les faits délictueux –, utiliser les preuves trouvées par la HADOPI afin de poursuivre la même personne pour contrefaçon, ce qui ne laisse pas de m'inquiéter quant au respect de nos principes généraux du droit. C'est la raison pour laquelle nous avions proposé un amendement d'amnistie, lequel avait été voté en première lecture. Il permettait, pour les infractions vénielles, de ne pas donner à l'internaute l'impression d'être l'exutoire d'une loi qui, comme toutes les lois, est imparfaite. J'espère que l'adoption de nos amendements à l'article 2 permettra de donner de l'espoir à ceux qui pensent que ce texte peut outrepasser le cadre juridique traditionnel. Faire un précédent avec HADOPI me paraîtrait très dangereux.
Nous reviendrons sur le recours à la procédure judiciaire – je parle sous le contrôle de notre rapporteur qui, plus qu'aucun autre, doit défendre en ce moment les positions européennes. En effet, si, demain, une décision européenne intervenait, le recours à la procédure judiciaire serait plus que jamais nécessaire. Il l'est, je le répète, pour le respect de nos principes généraux du droit.
M. Christian Vanneste
Madame la ministre – puisque M. Le secrétaire d'État est sorti – un député ça compte sans doute beaucoup, mais un député de la majorité, ça ne doit pas parler.
Les membres du groupe UMP réfractaires au projet de loi n'ont pas pu s'exprimer pendant la discussion générale : sans doute est-ce ce que l'on appelle la majorité silencieuse.
Si un parlementaire de l'UMP au moins avait pu s'exprimer comme l'a fait Jean Dionis du Séjour pour le Nouveau Centre, cela aurait montré que le texte que nous étudions traite d'un problème important et complexe : l'adaptation de la tradition française du droit d'auteur à l'évolution technologique d'Internet.
Adaptation ou confrontation ? L'importance de la question et sa difficulté demandent qu'on aille au-delà des idéologies et des clivages politiciens. Le fait qu'au Sénat les socialistes aient été favorables au texte, et, qu'à l'Assemblée, des membres de la majorité ne le soient pas, le prouve amplement.
Certains ont pourtant tenu à transformer ce débat en un affrontement entre la gauche et la droite. Ils n'ont pas hésité à multiplier les provocations malgré les mises en garde du président Accoyer, ou les appels à la sérénité de Marc Laffineur. Ce choix est à l'origine les nombreux incidents de séance de la semaine dernière. Pourtant il ne s'agit pas d'un débat droite-gauche, mais d'une nouvelle querelle des anciens et des modernes.
Si la question est vaste, le projet de loi est modeste : il s'agit d'un simple appendice de la loi DADVSI. On a voulu opposer ces deux textes de manière artificielle : la loi DADVSI serait répressive, et le projet de loi HADOPI pédagogique. En fait, tel qu'il avait été voté, le premier texte comprenait lui aussi une réponse graduée fondée sur une échelle d'amendes que réclament aujourd'hui certains de nos collègues comme Jean Dionis du Séjour ou Patrice Martin-Lalande. Seulement, ces amendes avaient finalement été annulées par le Conseil constitutionnel.
Certes la situation actuelle d'une assimilation du téléchargement à la contrefaçon est disproportionnée, mais la solution qui nous est proposée n'est pas satisfaisante puisqu'elle entraîne une pénalisation collective des familles, des entreprises, des immeubles, et de nombreux innocents, victimes des astuces d'Internet. Le problème du triple play dans les zones non dégroupées, et l'atteinte au droit à l'éducation ont également été évoqués durant les débats.
Présentant le plan numérique 2012, Éric Besson déclarait : « C'est devenu aussi indispensable que l'eau et l'électricité. » Et voilà que l'on va couper l'eau parce qu'un voisin en a peut-être bu quelques verres ! J'ajoute que de beaux esprits, comme Alain Juppé ou Claude Goasguen, ont exprimé des réserves sur ce texte.
Par ailleurs, il existe de vraies différences entre les lois DAVDSI et HADOPI : en premier lieu, l'urgence.
En effet, DAVDSI avait pour objet de transposer une directive européenne de 2001, afin d'éviter à la France d'être pénalisée pour son retard. Ce n'est pas le cas pour HADOPI, et il faut se féliciter qu'une seconde lecture ait lieu, qui devrait permettre au moins d'adoucir le texte.
En second lieu, la contrainte.
Alors que DAVDSI était centrée sur la protection juridique des protections techniques, HADOPI est libérée de cette contrainte, comme vous vous êtes plue à le répéter après les accords de l'Élysée, madame la ministre.
En troisième lieu, l'ouverture.
Durant sa longue et difficile gestation, la loi DAVDSI n'a cessé d'intégrer différentes propositions : exception en faveur des handicapés et de l'éducation, reconnaissance du droit à la copie privée, exigence de l'interopérabilité. Le projet de loi HADOPI, quant à lui, est marqué par la fermeture d'esprit. À cet égard, le retour de la commission des lois au texte de la commission mixte paritaire est une provocation qui, en outre, porte atteinte à ce qu'une majorité de députés – de la majorité – avait voté en toute liberté. La commission a ainsi notamment supprimé la disposition, introduite grâce à un amendement de notre collègue Alain Suguenot, qui prévoyait l'amnistie des personnes ayant réalisé de simples téléchargements, les pirates professionnels continuant à être poursuivis au nom de la loi DAVDSI. Elle a également rétabli la double peine, condamnant l'internaute à devoir continuer à payer son abonnement une fois que celui-ci est suspendu.
Enfin, le véritable point commun entre les lois DAVDSI et HADOPI réside dans la difficulté d'inscrire une règle dans le marbre quand son domaine d'application est caractérisé par la fluidité, la mobilité et l'innovation. J'ai été rapporteur du projet de loi DAVDSI suffisamment longtemps pour prendre conscience de cette contradiction. Aussi les raisons qui ont poussé le Gouvernement à ne pas faire suite à ma demande de voir établi un bilan de la loi dix-huit mois après son vote, alors que la loi elle-même l'imposait, me laissent-elles perplexe. Le Parlement, l'Assemblée nationale en particulier, a été dépossédé d'une réflexion qui aurait pu être une véritable coproduction, si cette idée avait la moindre réalité.
De nouvelles techniques, de nouvelles pratiques, de nouveaux sites apparaissent sans cesse ; le streaming et le podcast contournent le téléchargement ; le bit torren t disperse les sources ; le piratage du wi-fi , l'existence d'un réseau local ou le masque d'un réseau privé virtuel brouillent la recherche de l'adresse IP ; des sites proposent chaque jour de nouvelles alternatives gratuites, financées par la publicité.
Au-delà de ces questions techniques, il faut percevoir toutes les conséquences de la révolution numérique. Comme le disait McLuhan, « le média, c'est le contenu » : le vecteur de la culture a évidemment des conséquences sur celle-ci. C'est cette dimension essentielle qui manque terriblement à ce texte, madame la ministre.
M. Didier Mathus
Je regrette que ce débat important et légitime qui nous touche tous car il s'agit d'un sujet de société fondamental se déroule dans des conditions politiquement insatisfaisantes. Il était déjà déraisonnable de choisir une procédure d'urgence pour aborder des questions aussi techniques et complexes.
À trop vouloir manier la férule politique, vous vous êtes fait prendre les doigts dans la porte avec l'échec du mois d'avril.
Nous abordons une nouvelle lecture dans un contexte très tendu qui me paraît contraire à ce que devrait être l'ambiance pour débattre de tels sujets.
L'apparition d'Internet a fait exploser les schémas traditionnels de diffusion de l'information et de la culture depuis quinze ans. La question posée, à travers cette loi comme à travers d'autres prises de position, est celle du statut d'Internet. Internet doit-il rester ce réseau d'échanges qui a une dimension foncièrement libertaire, ou doit-il devenir la propriété de quelques grandes sociétés commerciales qui le transformeront en simple réseau de diffusion commerciale ? Voilà la question de fond qui avait déjà été posée à travers la loi DADVSI et qui l'est aujourd'hui avec la HADOPI.
La loi DADVSI était moins grave puisqu'elle était centrée sur une illusion technologique. Il s'agissait de la sanctification des DRM, un objet technologique qui du reste a fait florès puisque les opérateurs de l'industrie culturelle l'ont abandonné très rapidement, la loi devenant totalement décalée par rapport à la réalité des enjeux de la circulation des fichiers sur Internet.
La présente loi est plus grave puisque, ayant constaté l'échec des DRM, elle fait le pari de tout contrôler. C'est l'idéologie du contrôle maximal. Le durcissement du texte au cours des discussions va poser de sérieux problèmes. Il y a, à travers la HADOPI, l'idée que l'on peut contrôler tous les échanges de fichiers, y compris sur les messageries personnelles.
Quelle invention formidable ! De ce fait, on va rendre obligatoires des logiciels de sécurisation dont personne ne sait par qui ils seront fabriqués. Et l'on ne sait pas, au regard de l'intérêt public et des libertés fondamentales, qui garantira et qui contrôlera la légitimité des interventions et des logiciels de sécurité. Souvenez-vous : il y a quelques années, Sony avait introduit des formes de mouchards qui avaient des objectifs commerciaux confidentiels. Nous sommes donc dans un domaine où il faut faire preuve de la plus grande prudence.
Certains souhaitent le filtrage et le disent ouvertement. Ils considèrent que l'on aura accompli un grand progrès lorsque l'on pourra obliger les FAI à filtrer les contenus. Mais je suis quelque peu étonné car les mêmes qui se sont élevés contre le filtrage d'Internet en Chine estiment normal de protéger les intérêts de quelques artistes vieillissants de notre pays.
Pourquoi voulez-vous nous faire prendre ce risque considérable au regard des libertés ? Le chiffre d'affaires de la musique, contrairement à ce qui a été assené pendant des mois et des mois, ne s'est jamais aussi bien porté. Jamais on n'a engrangé autant d'argent avec la musique ou le cinéma dans ce pays.
Où est le péril ? Où sont les risques ?
S'agit-il simplement d'un modèle de diffusion ? Oui : aujourd'hui, des artistes peuvent apparaître sur Internet sans demander l'autorisation de M. Pascal Nègre. Est-ce cela qu'il faut absolument corriger ? Internet est un élément de la diversité culturelle : il vivifie la scène musicale et permet à de nouveaux talents d'émerger en dehors des chemins formatés et standardisés par les grandes majors du disque. C'est, je le répète, un outil de liberté et de diversité culturelles que nous devons protéger.
Je suis très surpris que cette offensive contre la liberté des échanges et contre la formidable fécondation culturelle que permet Internet vienne du ministère de la culture. Vous êtes en dehors de votre rôle, madame la ministre, en incarnant la gendarmerie du Net alors que vous devriez, au contraire, être aux avant-postes pour favoriser l'éclosion culturelle qu'il peut incarner.
M. Jean-Luc Warsmann
Comme en première lecture, la commission est défavorable à cet amendement[n° 153].
[...]
Avis défavorable : comme en première lecture, la commission a estimé que cet amendement [n° 154] entraînerait une complète remise en cause du régime actuel du droit d'auteur.
[...]
Comme en première lecture, avis défavorable [à l'amendement n° 54].
[...]
Je donne acte à Mme Billard de la cohérence de son amendement [n° 52] avec les autres. Elle donnera acte à la commission de la cohérence de son avis défavorable avec la première lecture !
[...]
Défavorable [à l'amendement n° 179].
[...]
La suspension autorisée par le texte n'est que ponctuelle, en temps et en lieu. Elle ne concerne évidemment pas les écoles. La commission a donc émis un avis défavorable [à l'amendement n° 156].
Mme Marylise Lebranchu
Je serai brève car l'examen des amendements nous permettra de revenir sur certains points.
Je tiens toutefois à souligner le fait que je n'ai toujours pas reçu de réponse à certaines des questions que j'avais posées sur l'article 2, qui est au cœur de la loi. Devant qui, par exemple, les personnes assermentées le seront-elles ? Quelle sera la limite de leurs droits ? Des avocats ont récemment ouvert un très joli site, afin de décortiquer les recours possibles car, à leurs yeux, le texte n'est pas assis sur le droit.
Dois-je également rappeler qu'en raison de cas graves, avérés sur Internet, de vente par correspondance de produits de contrefaçon, d'escroquerie financière ou de vente abusive, nous avons décidé, en 1999, de créer une cellule susceptible, non pas de sanctionner – cela ne nous semblait pas possible en droit –, mais de déterminer l'origine de ces trafics grâce aux adresses IP ?
Aujourd'hui, huit à dix permanents, à Morlaix dans le Finistère – je vous ai déjà invités à venir les voir –, sont chargés, une fois les faits signalés, de retrouver les clients et les revendeurs. Lorsqu'on sait combien il est déjà difficile, pour cette cellule qui a maintenant de l'expérience, de traquer acheteurs et vendeurs – il convient de les traquer ensemble si on veut remonter la filière –, on comprend que, par-delà la question des libertés, qui a déjà été évoquée et qui me semble essentielle – nous y reviendrons –, ce texte ne pourra pas fonctionner, à moins qu'une centaine de permanents, suréquipés et se suréquipant jour après jour en raison de l'évolution très rapide des logiciels, ne soient embauchés.
Je ne comprends pas qu'on puisse faire autant d'entorses aux principes fondamentaux de notre droit pour un texte qui, in fine , ne sera pas efficace.
Vous arguez également du fait que les artistes et les créateurs soutiennent le projet de loi. C'est vrai que, dans ma circonscription, de jeunes producteurs ont appelé mon attention sur la nécessité de le voter : toutefois, il leur a suffi d'en prendre réellement connaissance pour devenir perplexes et s'apercevoir bientôt que ce texte ne servira à rien.
Le Parlement peut d'autant moins asseoir le droit sur des autorités administratives qui ne pourront pas remplir leurs missions sans que les avocats se déchaînent dès le lendemain, que prétendre protéger ainsi la création serait un leurre. Seuls les ayants droit qui auront les moyens de le faire pourront traquer les adresses IP. Aucun créateur individuel, aucun petit groupe de créateurs ni aucune petite société de production n'aura les moyens de payer des permanents pour traquer ceux qui téléchargent. Même si le projet de loi se révélait efficace, il exclurait de toute protection la très grande majorité des créateurs de notre pays. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi fait fausse route.
Je suis toutefois certaine qu'au fur et à mesure que nous examinerons les amendements, nous verrons se retourner la situation : le groupe de l'UMP comprendra, grâce aux expériences que nous lui avons rappelées en matière de contrefaçon et d'escroquerie bancaire, que ce texte n'a aucun sens.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec
Je veux insister sur la dernière phrase de l'intervention de notre collègue Martine Billard et sur le fait que l' actum de cet amendement [n° 54] est bien évidemment la prise en compte de l'intérêt et de l'enjeu des auteurs et des artistes-interprètes. C'est une réponse aux difficultés qu'ils rencontrent. C'est aussi, d'une certaine manière, une réponse à l'incapacité dans laquelle jusqu'à maintenant on s'est trouvé de répondre très exactement à la comptabilisation presque marchande – j'utilise volontairement ce terme un peu provocant – de la contrepartie à l'utilisation de leur œuvre sans leur accord.
L'amendement comporte des précisions qui sont respectueuses des droits intellectuels des auteurs et construisent une vraie stratégie d'efficacité dans la répartition. Je le cite : « Cette rémunération est due aux auteurs et aux artistes-interprètes sans préjudice de leur droit moral ». Je le souligne parce que notre opposition a été perçue comme une atteinte à leur liberté.
Il s'agit d'un droit à rémunération auquel l'auteur et l'artiste-interprète ne peuvent renoncer – c'est la traduction de la volonté de ne pas entrer dans des processus contractuels auxquels ils ne pourraient pas échapper par le seul effet que la partie contractante a des responsabilités dans la diffusion des œuvres.
Par ailleurs, le soin de déterminer les conditions dans lesquelles seront fixés le montant et les règles de déclaration et de répartition de ces sommes est renvoyé à un décret en Conseil d'État.
On a reproché à ceux qui contestent la loi de porter atteinte aux droits, et à leur contrepartie, des auteurs et artistes-interprètes alors que nos propositions contiennent des éléments susceptibles de répondre à la légitime attente de ces derniers.
M. Lionel Tardy
Je voudrais revenir sur la notion d'autorité judiciaire, qui prend tout son sens aujourd'hui. Depuis la reprise des débats, on nous dit que la suspension sera appliquée dans les cas ultimes, après plusieurs avertissements, un retour à l'anonymat, puis un nouvel avertissement éventuellement suivi de la sanction. À en croire ce que l'on entend, il n'y aura finalement que très peu de sanctions prononcées. Dans ce cas, pourquoi ne pas passer par l'autorité judiciaire ?
D'autant que de nombreux amendements du rapporteur tendent à reculer les échéances, y compris l'applicabilité de ce texte. Du fait, donc, de la réduction du nombre de personnes susceptibles d'être touchées, il serait intéressant de s'en tenir à une autorité judiciaire.
[...]
L'article 2 est l'article clé du projet de loi qui nous est soumis. N'ayant pu m'exprimer dans la discussion générale, vous me permettrez, madame la présidente, mes chers collègues, de dire quelques mots alors que nous examinons ce texte en nouvelle lecture.
D'emblée je tiens à préciser que je suis sur la même ligne que Jean Dionis du Séjour. Puisque ce texte, par la force des choses, est devenu très politique et que nous allons donc parler du fond pour la forme, le juge final sera le scrutin public au cours duquel chaque député devra s'exprimer en conscience, nominativement.
Lors de la première lecture de ce texte, j'ai mis en évidence un certain nombre de problèmes et soulevé plusieurs questions.
Je dois signaler que, sur certains points, des inflexions importantes ont été apportées au texte par le biais d'amendements qui ont été adoptés en commission des lois lundi dernier et intégrés au texte que nous examinons aujourd'hui sous réserve de leur adoption dans l'hémicycle.
Je pense en particulier aux améliorations apportées à la procédure devant la commission de protection des droits, qui permettent de respecter un peu mieux le principe du contradictoire et des droits de la défense.
Je note également avec satisfaction que le malentendu concernant le référencement de l'offre légale est levé de manière très claire et qu'une place est faite au sein de la HADOPI pour un représentant des consommateurs et des internautes.
Monsieur le rapporteur, nous avons eu beaucoup de points de désaccord sur ce texte ; il en reste encore beaucoup, mais je vous donne volontiers acte de ces progrès qui sont à mettre à votre crédit. C'est la preuve qu'une deuxième lecture n'est pas forcément une perte de temps. Il est en effet difficile de trouver, en séance, des solutions aux remarques et critiques souvent justifiées et constructives qui sont émises pendant les débats.
Il faut pouvoir se poser et expertiser les propositions. Certes, en deux semaines, un travail important a été fourni mais il ne m'apparaît pas encore suffisant pour que je puisse voter ce texte en l'état.
En effet, le projet de loi, après son passage en commission, est encore loin d'être acceptable. Techniquement, il est toujours aussi inapplicable. J'ai beaucoup parlé de cet aspect en première lecture et j'y reviendrai lors de la discussion d'articles ultérieurs. Des offres de contournement utilisant le cryptage des données, les réseaux virtuels privés ou plus simplement encore les serveurs proxy sont déjà disponibles sur le marché. Comment comptez-vous faire pour empêcher que cette loi soit contournée avant même d'être votée ?
Chaque internaute, est-il indiqué, devra sécuriser son accès Internet. Mais personne n'est en mesure de préciser comment. Tous les spécialistes affirment que cela ne sera pas possible avant au moins un an et que, de surcroît, les logiciels ne permettront pas l'interopérabilité. Pourquoi voter une loi qui ne pourra prendre effet avant un an ?
Mais cette seconde lecture, madame la ministre, sera peut-être l'occasion pour vous de m'apporter quelques lumières sur ce que seront ces fameuses « spécifications techniques » dont la HADOPI est censée dresser la liste.
Voilà, parmi tant d'autres, quelques-unes des questions auxquelles j'aimerais avoir des réponses.
Politiquement, ce texte représente un combat d'arrière-garde car le Parlement européen a clairement montré, à plusieurs reprises, sa volonté de maintenir le juge judiciaire comme seul apte à ordonner une suspension de l'abonnement à Internet. Vous nous dites que le rapport Lambrinidis n'a pas de valeur juridique. Certes, mais l'amendement 46, qui vient d'être adopté en commission, en aura une s'il est adopté en séance plénière, comme cela est probable. S'il ne l'était pas, ce ne serait du reste que partie remise. Votre texte, madame la ministre, ne va tout simplement pas dans le sens de l'histoire.
À la réflexion, la chasse aux internautes qui téléchargent illégalement apparaît de plus en plus comme un leurre, destiné à détourner notre attention des dispositions essentielles, dont certaines ont déjà été adoptées conformes, qui permettent aux industries culturelles d'exercer une pression sur les industries des télécoms. Il ne faut pas perdre de vue, mes chers collègues, qu'en ce moment, ces deux industries sont en rivalité pour le partage des revenus générés par Internet. Ce texte est en quelque sorte une machine de guerre des industries des contenus contre les industries des tuyaux.
Dans cette affaire, qui n'est qu'une rivalité industrielle, j'ai l'impression désagréable que les pouvoirs publics, le Gouvernement et le Parlement se sont fait manipuler. Ce sentiment est particulièrement fort quand on entend les propos des responsables de la SACEM, pour qui la loi « création et Internet » n'est qu'« une étape pour aboutir à un cadre plus acceptable de protection de la création sur Internet ».
Le véritable débat est là mais il n'a jamais été posé en ces termes lors des discussions et des échanges. On ne nous parle que d'artistes et de création mais ce sont pourtant eux les grands absents de ce texte : dites-moi en quoi les mesures proposées dans cette loi contribueront à augmenter les revenus des artistes. Ce sont les revenus des intermédiaires et des producteurs qui vont croître mais les créateurs et autres artistes indépendants n'auront pas grand-chose dans leur poche.
Et encore, je n'aborde pas le problème de la double peine. Mes chers collègues, comment expliquerez-vous à vos concitoyens dans vos permanences, en pleine période de crise, qu'ils devront continuer à payer leur abonnement alors même que celui-ci a été suspendu, de surcroît, pas forcément pour de justes raisons car l'adresse IP n'est pas une donnée fiable. Si vous aviez opté pour l'amende, il n'y aurait pas de problème de double peine. Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que ce texte est pour moi inacceptable en l'état.
Une chose me rassure paradoxalement, c'est que ce texte sera totalement inapplicable pendant au moins un an, comme la loi DADVSI, mais à une différence près : sa mise en œuvre va nous coûter, à nous tous contribuables, une petite fortune que nous aurions été dispensés de payer si la solution de l'amende avait été retenue au lieu de celle de la suspension de l'abonnement.
Toutefois, ce qui me désole, c'est que nous nous acharnions à discuter d'un texte inadapté. Nous dévalorisons ainsi notre rôle et, surtout, nous affaiblissons la loi en général. Et cela n'est bon ni pour notre démocratie ni pour notre image.
M. Philippe Gosselin
Je voudrais revenir quelques instants sur ces aspects relatifs au droit européen, dont on parle énormément depuis plusieurs semaines, et de façon juridique et de façon plus polémique.
Mme la ministre vient de donner des éléments de réponse. Aujourd'hui, dans les textes européens, l'accès à Internet n'est pas reconnu comme un droit. Peut-être le sera-t-il dans l'avenir. Et du reste, cela ne m'offusquerait pas qu'il le soit d'ici à quelque temps. J'applaudirais même. Mais de toute façon, si tel était le cas, ce droit devrait obligatoirement se concilier avec d'autres, notamment le droit de la propriété intellectuelle, comme le rappelle la jurisprudence, que ce soit celle de la CJCE, du Conseil d'État, de la Cour de cassation, ou, à plus forte raison, celle du Conseil constitutionnel.
Vouloir effrayer les citoyens français avec ce droit européen est une mauvaise querelle. À l'occasion du débat d'aujourd'hui sur Internet et à la veille d'élections européennes, c'est agiter une sorte de chiffon rouge, ce qui ne me paraît pas très approprié.
[...]
Monsieur Bloche, nous n'allons pas nous livrer à une polémique. Nous essayons de tenir aujourd'hui des propos assez mesurés. Le terme d'otage est un peu fort. Qui prend qui en otage ? Le Gouvernement français a tout à fait le droit de faire valoir son point de vue. Dans le cadre de la construction européenne comme dans celui de l'Europe actuelle, il est légitime et naturel qu'un gouvernement fasse valoir son point de vue. Et ce n'est pas une prise d'otage.
Deuxièmement, l'amendement n° 46 est aujourd'hui dans une phase de réécriture qui le fait fortement évoluer. Je rejoins donc les propos de notre rapporteur : wait and see , attendons et voyons.
Troisièmement, de toute façon, quand bien même la rédaction actuelle de cet amendement resterait inchangée, je rappelle que le processus prévu par notre loi HADOPI est tout à fait conforme à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Quatrièmement, le respect des droits de la défense, auquel nous sommes tous attachés, sur tous les bancs de cet hémicycle, est évidemment totalement garanti. Le contrôle du juge s'exerce, sous toutes ses formes. Ce que nous voulons éviter, c'est un encombrement judiciaire, comme c'est le cas actuellement en Allemagne, où plus de 50 000 procédures sont pendantes. Un tel encombrement ne contribue pas à une meilleure justice. Ni la création ni les justiciables n'y gagneraient en clarté.
M. Frédéric Lefebvre
Les longues heures passées à débattre dans cet hémicycle et à discuter avec nos collègues sénateurs, notamment au sein de la commission mixte paritaire, ont permis d'aboutir à un équilibre que l'UMP n'entend pas modifier, notamment parce que la règle et la tradition veulent que les conclusions auxquelles une CMP a abouti ne soient pas remises en cause. Un certain nombre de nos collègues ont jugé nécessaire d'user de tous les artifices pour que nous revenions sur ces conclusions, mais le groupe UMP ne rentrera pas dans ce jeu : nous suivrons scrupuleusement le Gouvernement et la commission, pour rétablir l'accord équilibré auquel sont parvenus les représentants du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Jour après jour, nous mesurons combien cet accord est précieux. En effet, les membres de la communauté des artistes et de la création qui soutiennent le projet de loi sont de plus en plus nombreux à s'exprimer. Ils insistent, comme vous, madame la ministre, comme notre excellent rapporteur et comme moi-même, sur le fait que ce texte est essentiel pour sauver l'exception culturelle française.
Ainsi, au-delà des appels qui ont pu être lancés à de nombreuses reprises, une lettre ouverte a été publiée aujourd'hui même par des artistes très importants de notre pays et qui ont toujours revendiqué leur appartenance à la gauche. Certains en ont même fait un drapeau, s'engageant auprès de candidats socialistes. Je veux parler de M. Piccoli, de M. Arditi, de Juliette Gréco et de Maxime Leforestier, qui ont jugé le moment suffisamment important et essentiel pour la défense de l'exception culturelle française pour lancer un appel, qui s'adresse davantage à nos collègues de gauche qu'à nous, puisqu'il s'intitule : « Quand vous redeviendrez de gauche, vous saurez où nous trouver. »
Je ne résiste pas au plaisir de vous en citer quelques extraits : « La gauche [...] c'était la protection du faible contre le fort. En particulier pour la culture. En ne les abandonnant pas à la seule loi du marché, la gauche avait sauvé les artistes dans notre pays. » Ce vibrant appel à vous ressaisir, mes chers collègues, et à nous accompagner dans ce combat pour sauver la création, les artistes, l'exception culturelle française…
Bien entendu, vous seul dites la vérité ; tous les artistes sont des menteurs.
Vous voulez donc dire que les artistes sont des imbéciles qui ne comprennent rien !
J'essaie d'employer le ton le plus rassembleur possible, car je pense que nous avons, les uns et les autres, le devoir de nous rassembler, dès lors qu'il s'agit de l'identité et de la culture de notre pays.
Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, lorsque vous défendez le monde de l'Internet – en donnant parfois le sentiment qu'un monde s'oppose à un autre –, vous ne devez pas oublier que c'est le contenu qui compte. Sur ce point – et Dieu sait que je ne suis pas d'accord avec lui sur bien des aspects de son intervention –, je partage l'avis exprimé par Christian Vanneste dans sa conclusion. Aux entreprises qui ont décidé de privilégier les contenus sur Internet en se plaçant dans la légalité, en respectant la loi, en payant des impôts et des droits aux artistes, nous devons, tous ensemble – et ce texte le permet –, donner les moyens de lutter contre la concurrence déloyale dont elles sont victimes.
Les uns et les autres, nous avons, au cours de ces débats, défendu nos convictions et exposé nos projets respectifs. Il est encore temps que vous vous ressaisissiez pour ne pas envoyer un message de division à tous ceux qui sont si importants pour notre pays : les créateurs. Créer, c'est sans doute, y compris en période de crise, l'une des choses que l'on peut partager : il n'y a pas de milieu social, pas d'appartenance politique qui compte. Le monde de la création a compris que nous entendions les défendre. Je vous tends la main.
Sur le plan politique, notre intérêt est peut-être que vous ne quittiez pas cette posture, mais ce n'est pas celui du monde des artistes et de la création. C'est pourquoi j'espère que vous allez vous ressaisir.
Mme Muriel Marland-Militello
L'article 2 instaure l'autorité administrative indépendante, qui aura le pouvoir et les moyens de protéger les oeuvres et leur diffusion sur Internet. Ainsi, le Gouvernement prend toute la mesure de la révolution numérique et de son importance capitale pour l'avenir de la culture.
Ce faisant, le Gouvernement, soutenu par la majorité présidentielle, fait preuve de son sens des responsabilités.
Selon certains, ce texte serait répressif, obsolète et liberticide. Rien de moins ! Pour peu que l'on fasse preuve de bonne foi, il suffit pourtant de lire cet article ligne à ligne pour être abasourdi par les contrevérités entendues.
Il s'agirait, pour certains, d'un texte répressif. Pourtant y a-t-il meilleure protection pour les internautes que d'être informés par des magistrats de leurs droits et devoirs, avant toute sanction ? Qu'y a -t-il de répressif dans le fait d'envoyer des mails et des courriers prévenant la personne qui s'obstinerait à télécharger illégalement des risques qu'elle encoure ? Enfin, peut-il y avoir une meilleure approche pour la démocratie culturelle que d'assortir la pédagogie de la riposte graduée à la mission première confiée à la HADOPI, qui est de développer l'offre légale, d'en suivre les contenus, tout en prévoyant une chronologie des médias plus courte ? Loin de chercher à faire de la répression systématique, ce texte s'attache à rendre accessible à tous la diversité culturelle la plus large, le plus rapidement possible.
Par ailleurs, pour les abonnés qui persisteraient sciemment dans leur faute, malgré les avertissements, une suspension de connexion Internet personnelle pour un temps limité est infiniment moins répressive que le recours à la sanction judiciaire, à visage découvert, avec des peines d'emprisonnement et de lourdes amendes.
Un texte obsolète ? Les Cassandre nous le prédisent, faisant semblant de croire que le but de la HADOPI est de lutter contre les professionnels du piratage, résolus, quoi qu'il arrive, à profiter de leurs compétences techniques pour passer entre les mailles du filet législatif. Ces Cassandre ne rendent compte en rien de l'esprit de la loi qui est avant tout de sensibiliser l'immense majorité des internautes honnêtes aux dangers du piratage pour la création et pour eux-mêmes puisqu'ils ont intérêt à avoir du choix sur Internet pour découvrir – en particulier quand il s'agit des jeunes – les nouveaux talents.
En outre, on ne voit pourquoi la Haute autorité ne serait pas dotée d'experts compétents et efficaces, quelles que soient les évolutions technologiques. Mon amendement adopté en première lecture prévoit d'ailleurs une veille technologique renforcée. On ne voit pas non plus pourquoi, compte tenu de la souplesse du texte, la HADOPI ne pourrait pas s'adapter aux nouveaux modèles économiques, qui restent encore à inventer.
Voter ce texte, c'est refuser d'assister, avec les Cassandre, les bras ballants, à la mort insidieuse de la création artistique.
Enfin, comment peut-on parler de texte liberticide ?
La liberté de voler est-elle un droit fondamental ? L'accès à Internet est-il dans chaque pays européen un droit constitutionnel ? Y aurait-il en France des libertés accordées à certains sans tenir compte de celles tout aussi légitimes des autres ? Absolument pas.
Le droit à la vie privée des internautes n'est-il pas mieux protégé grâce à la HADOPI – véritable écran entre les ayants droit spoliés et les abonnés – pour la composition de laquelle nous avons pris toutes les garanties d'indépendance ? Bien sûr que oui.
Avec Internet, les artistes, les auteurs, ceux qui prennent le risque de les financer, perdront-ils dans le pays de l'exception culturelle la liberté de vendre leurs oeuvres ? Le risque est grand de voir se produire une telle chose si nous ne votons pas cette loi. Sont-ils irrémédiablement condamnés à renoncer à leurs droits de propriété intellectuelle ? Nous ne le permettrons pas.
Pourquoi croyez-vous que l'immense majorité des artistes, en particulier les hommes et les femmes s'affichant de gauche, nous soutiennent ? Pourquoi se sentent-ils trahis par ceux qu'ils considéraient comme leurs amis ? Sont-ils suicidaires, insensibles au respect de la liberté des internautes ? Certainement pas. Sont-ils incapables de comprendre qui défend le mieux la culture ? Non ! Ils sont tout simplement conscients que leur avenir et celui du patrimoine de demain dépend du vote de cet article en particulier et de cette loi en général.
Mme Martine Billard
Notre collègue Frédéric Lefebvre, intermittent des séances de l'Assemblée, tente depuis quelque temps de faire croire que le débat sur ce projet de loi oppose deux camps : l'UMP et le parti socialiste. De nombreuses interventions sur tous les bancs ont pourtant démontré que le débat était beaucoup plus large. Dès lors, il n'est pas étonnant de voir des artistes se réclamant de la gauche soutenir la loi, tandis que d'autres – se réclamant ou non de la gauche – la critiquent.
Je ne suis pas là pour dresser la liste des bons et des mauvais ce n'est pas ma façon de travailler.
Mme la ministre et M. le rapporteur nous ont beaucoup répété, lors des débats, que dix mille artistes et membres du monde de la culture avaient signé une pétition de soutien à cette loi. On pourrait discuter sur les signataires de cette pétition, mais la question n'est pas là. Ce qui est intéressant, c'est de constater que ces signataires représentent moins de 5 % des sociétaires de la SACEM, ce qui signifie, à l'évidence, que ce texte suscite un grand trouble au sein du monde artistique. Cela s'explique facilement : ceux qui, après avoir cru en la loi DADVSI – en dépit des avertissements de nombreux députés de l'opposition – ont constaté par eux-mêmes sa totale inefficacité, sont aujourd'hui beaucoup moins enclins à accorder le moindre crédit à cette nouvelle loi qu'on leur assure pourtant dix fois plus efficace que la précédente !
Le chanteur Cali s'est récemment exprimé à la télévision.
Je ne fais que reprendre une déclaration publique.
Selon lui, le disque est trop cher parce que les producteurs prennent des marges énormes. Effectivement, le chiffre global des recettes de la musique est en augmentation, contrairement à ce qu'affirme constamment Mme la ministre. Ce qui baisse, ce sont les ventes de disques ; ce qui n'a rien d'étonnant, s'agissant d'un support physique en passe de devenir obsolète.
L'industrie cinématographique a battu des records de fréquentation en 2008 et, comme l'a souligné Sandrine Mazetier, le volume des perceptions de la SACEM augmente régulièrement, à l'exception d'une petite baisse en 2006. Dans ces conditions, pourquoi les auteurs ne voient-ils pas leurs revenus progresser ? Parce que l'augmentation des chiffres d'affaires des produits culturels ne bénéficie pas aux auteurs, pour différentes raisons : parce que le disque est trop cher, mais aussi parce que le transfert du disque au numérique, qui aurait dû se traduire par un partage du bénéfice ainsi engendré – la diffusion sur Internet coûtant bien moins cher que celle sur un support physique – entre l'industrie de la musique et les auteurs n'a en fait profité qu'à l'industrie de la musique. Or, madame la ministre, votre loi ne prévoit rien sur ce point, et vous avez repoussé de façon systématique, et souvent expéditive, tous les amendements qui visaient à proposer des solutions pour améliorer les revenus des artistes ou ceux des interprètes, lesquels sont souvent les grands absents lorsqu'on évoque les droits d'auteur.
Cette loi n'est pas équilibrée, elle ne défend pas le faible par rapport au fort, elle laisse les artistes aux mains des majors, donc à la merci de la loi du marché. De nombreux acteurs d'Internet, qu'il s'agisse des internautes, des informaticiens, des FAI, de Google, de l'INRIA, sont d'accord pour considérer que cette loi comporte de graves dangers en matière de neutralité d'Internet et des libertés sur le réseau. Le fait que vous refusiez d'entendre ces voix montre bien que l'équilibre n'est pas atteint. Il aurait fallu, pour cela, chercher à assurer à la fois la défense des droits d'auteur au moment du passage à l'ère numérique et la neutralité du réseau. Vous ne vous êtes malheureusement pas posé cette question et vous êtes restée enfermée dans votre fantasme de contrôle absolu du web, un fantasme qui a malheureusement été la source d'inspiration de plusieurs lois que nous allons examiner prochainement, notamment la loi LOPSI et la loi sur les jeux.
Vous n'avez pas d'autre idée que celle consistant à vouloir corseter complètement Internet, et vous refusez d'admettre que le réseau n'est pas limité à la France. Or c'est une erreur que de vouloir renforcer l'exception culturelle française par l'instauration d'une exception Internet française, laquelle aboutira à des résultats exactement inverses à ceux recherchés.
[...]
L'article 1er A ne figurait pas dans le texte originel du Gouvernement. Il a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale par le rapporteur Franck Riester et modifié en commission mixte paritaire. Il indiquait dans sa première version : « Les organisations représentatives des producteurs, les organisations professionnelles d'auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II du livre III établissent conjointement un code des usages de la profession au plus tard huit mois après la publication de la loi ». Dans la version issue de la CMP, le mot « établissent » devient « peuvent établir », l'expression « code des usages » devient « recueil des usages » et il n'est plus question de délai.
Le groupe GDR propose de supprimer cet article, qui est l'exemple même d'un article bavard. Si la profession souhaite se doter d'un recueil des usages, c'est à elle d'en décider. Si elle le désire, qu'elle le fasse, et espérons que ce soit le meilleur code possible. Inscrire dans une loi qu'elle en a la possibilité n'a aucune portée normative et n'a donc rien à y faire.
Je ne prends pas ici position sur le fond ni sur la nécessité ou non de ce code des usages ; je dis seulement qu'en tant que législateurs, nous devons cesser de voter des pseudo-règles juste pour faire plaisir à certaines personnes. Nous ne pouvons continuer à légiférer de cette façon ; et je m'étonne d'ailleurs que cet article ait été accepté par la commission des lois, d'ordinaire plus rigoureuse.
Notre amendement [n° 55], sans le juger sur le fond, propose donc la suppression de cet article.
[...]
Madame la ministre, vous avez répondu tout à l'heure à un collègue socialiste que la réflexion sur le partage de la valeur viendrait après, qu'il fallait d'abord voter ce texte. La répression d'abord, la réflexion ensuite : cette façon de fonctionner est quelque peu surprenante. Si, encore, c'était la première loi que nous discutions sur la question des droits d'auteurs sur Internet, nous pourrions dire que nous agissons ainsi par méconnaissance de ce qui se passe réellement sur Internet ; mais c'est la deuxième fois, après la loi DADVSI. Nous aurions pu espérer qu'entre la loi DADVSI et ce projet de loi, la réflexion aurait eu lieu.
Le débat sur la rémunération des auteurs est un vrai débat, cela vient d'être souligné par plusieurs collègues : est-ce qu'on laisse cela à la régulation du marché – ce que vous faites – ou est-ce qu'on essaie de faire en sorte que tous les auteurs puissent tirer rémunération de leur œuvre, ce qui n'est pas vraiment ce qui se passe aujourd'hui ? Très peu d'artistes, notamment dans la musique mais même dans le cinéma, parviennent à vivre de leurs œuvres.
Jusqu'à présent, vous refusez toute amélioration de cette situation. L'amendement n° 54, comme l'amendement que vient de défendre Patrick Bloche, vise à améliorer la rémunération des artistes-interprètes qui sont ceux qui sont le plus mal rémunérés, en proposant que la rémunération par rapport à Internet se fasse proportionnellement aux recettes publicitaires tirées d'Internet.
Si les fournisseurs d'accès, les sociétés, les plateformes qui proposent de la musique ou des films, tirent aujourd'hui des revenus d'Internet, c'est bien parce que les débits sur Internet ont été augmentés de telle façon qu'il est possible de télécharger de la musique, des clips, de la vidéo et des films. Il semblerait logique que ceux qui profitent aujourd'hui de ce nouvel outil fantastique qu'est le haut débit participent au financement de la création.
Le choix que vous faites de la licence globale privée, en refusant d'aller vers une solution coopérative, fait que ce sont les majors, la Warner, Universal music, etc. qui gagnent le plus d'argent sans que cela rapporte grand-chose de plus aux auteurs, notamment aux petits.
S'agissant de la répartition entre auteurs, vous avez décidé, madame la ministre, de chercher à détecter les téléchargements abusifs, tous les téléchargements abusifs, que l'auteur soit très connu ou peu connu, que l'auteur soit très téléchargé abusivement ou qu'il ne subisse que quelques téléchargements abusifs. Or, pour cela, il va bien falloir surveiller non seulement Internet mais aussi l'ensemble des œuvres de tous les auteurs, à moins que vous ne préfériez vous donner les moyens de ne surveiller que ceux qui rapportent le plus aujourd'hui aux diverses sociétés, les sociétés de droits d'auteurs ou les majors de la musique et de cinéma ; mais dans ce cas-là il y aurait rupture d'égalité devant la loi.
Le modèle que vous proposez est aux mains du marché, contrairement à ce que dit Frédéric Lefèbvre, contrairement à ce que nous proposons dans cet amendement [n° 54] qui vise à améliorer la rémunération des artistes-interprètes lesquels, à l'heure actuelle, touchent peu. Franchement, la juste rémunération consisterait en une rémunération fondée sur la publicité parallèle à la mise à disposition de ces œuvres. Cette rémunération pourrait être reversée par les bénéficiaires des ressources publicitaires à une société comme la SPRD, qui représente les artistes interprètes et qui les répartirait au vu des déclarations produites par l'exploitant des contenus protégés, ce qui se fait dans d'autres cas.
Si cette proposition améliorerait les revenus des artistes interprètes, elle ne leur affecterait pas des millions mais ce serait déjà un plus pour ces artistes-interprètes qui sont souvent les grands oubliés des droits d'auteurs. Franchement, madame la ministre, j'espère que cette fois-ci, en deuxième lecture, vous allez accepter cette proposition parce que, pour l'instant, nous n'avons toujours pas compris pourquoi vous refusiez que les artistes-interprètes aient une meilleure rémunération.
[...]
Cet amendement [n° 52] a d'autant plus d'importance que, outre la radio, nous avons maintenant la web radio et des sites d'écoute en ligne sur lesquels, contrairement à la radio, c'est vous qui choisissez les titres que vous écoutez, ce qui est une différence de fond. A partir du moment où la possibilité d'écoute augmente et où les auteurs sont rémunérés au forfait, il est indispensable d'assurer une plus grande transparence sur l'ensemble des titres ainsi mis à disposition du public pour que la rémunération des ayants droit soit équitable.
Je n'arrive toujours pas à comprendre ce refus de la transparence, car celle-ci est une exigence des consommateurs et ce qui vaut pour les consommateurs vaut aussi pour les auteurs qui doivent savoir quand leurs œuvres sont diffusées, sur quel support, afin de pouvoir retirer de cette diffusion le fruit normal de leur travail. On ne peut à la fois prétendre défendre le droit d'auteur et s'opposer à l'amélioration de sa rémunération aujourd'hui caractérisée par un certain flou qui nuit principalement aux auteurs les moins connus. En effet, les grandes vedettes n'ont généralement pas ce problème, parce qu'elles ont un agent qui surveille et que l'on ose moins ne pas décompter l'ensemble des passages de leurs œuvres que s'il s'agit d'un petit artiste.
Cela dit, le premier parti de ce pays, l'UMP, s'est permis de passer des musiques sans payer de droits d'auteur, pensant que personne ne s'en rendrait compte. L'auteur a obtenu juste réparation de ce qui constituait une atteinte à ses droits.
Ces trois amendements [n° 158, 52 et 178] visent donc à assurer plus de transparence afin que les droits d'auteur – droit moral et droit patrimonial – soient mieux respectés. Tout comme je me suis précédemment étonnée, madame la ministre, que vous refusiez nos amendements sur l'amélioration de la rémunération des artistes-interprètes, nous nous étonnons qu'en nouvelle lecture, monsieur le président de la commission des lois, vous vous opposiez encore à ces amendements de transparence, du moins c'est ce que nous craignons vu le débat en commission et ce qui a été annoncé dès le départ, à savoir qu'aucun amendement ne serait accepté en dehors de ceux introduits dans le texte de la commission, et d'un seul autre pour éviter que le texte soit incohérent.
Je regrette vraiment cette fermeture du Gouvernement à l'encontre d'amendements qui ne sont ni de droite ni de gauche, mais qui visent simplement à améliorer la situation des auteurs.
[...]
Cet amendement [n° 53] propose d'instaurer, comme dans les pays d'Europe du Nord, un système de licence collective étendue. Ce système est déjà utilisé en France, notamment pour la diffusion des œuvres musicales par les radios. Étendre ce type d'accord à l'Internet permettrait d'augmenter la diffusion d'un certain nombre d'œuvres et de construire un modèle qui ne soit pas seulement aux mains des sociétés privées. Dans le cadre de la loi DADVSI, Frédéric Dutoit, à l'époque député de Marseille, avait proposé par amendement permettant aux auteurs qui le souhaitaient de mettre leurs œuvres à disposition par l'intermédiaire d'une plate-forme publique. La majorité l'avait voté, mais le Gouvernement ne l'a jamais mis en œuvre. Nous proposons que les sociétés d'auteurs puissent recourir à ce genre de plate-forme. On rejoint ici un débat plus global : Faut-il laisser le marché entièrement à la concurrence, ou peut-on faire place à un modèle coopératif entre auteurs qui souhaitent diffuser leurs œuvres dans le cadre d'une licence collective étendue, sur la base du volontariat bien entendu ?
Visiblement, à chaque fois que l'on propose que des auteurs puissent mettre leurs œuvres à disposition du public par l'intermédiaire des sociétés de droits d'auteur, on se heurte à un refus. Pourtant, ne pas laisser place à un autre modèle, c'est laisser tout l'espace aux sociétés privées. C'est ainsi que Warner Music Group propose désormais, aux États-Unis, une licence globale pour accéder à la musique en ligne. Cela permettrait de télécharger autant de musique que l'on veut sur n'importe quelle plate-forme, y compris les réseaux peer to peer, contre paiement d'une redevance payée au FAI du campus universitaire – la proposition vise en effet les étudiants. Le représentant de la Warner la justifie ainsi : « Nous suivons l'histoire, ; nous poursuivons l'approche qui a suivi l'arrivée de l'électricité. Les interprétations, la radio, la télévision, le câble, le satellite et le webradio sont tous financés par des licences légales. La musique crée un précédent que la vidéo, l'illustration, le texte et autres pourront suivre et suivront. » C'est se placer dans une conception dynamique de l'évolution de la technologie. Et ce serait rendre un grand service à la création de faire en sorte que cette évolution dynamique ne soit pas uniquement entre les mains de sociétés privées. Aujourd'hui, Warner fait cette proposition sur la base d'une organisation non lucrative qui serait chargée de redistribuer les revenus ainsi obtenus. Mais rien ne dit que, à terme, cette organisation restera non lucrative et que d'autres sociétés qui suivront ce modèle ne passeront pas à un système payant qui réduira d'autant les revenus des artistes.
Je ne comprends toujours pas pourquoi les amendements allant dans ce sens sont systématiquement rejetés, puisqu'il s'agit d'une licence collective étendue sur base volontaire. Je pense que, à terme, on arrivera de toute façon à la licence globale car ce sera la meilleure et même la seule solution pour mettre en place un modèle équitable, qui aide aussi à réfléchir à celui qu'il nous faut construire ensemble pour le cinéma, non en opposant artistes et internautes, mais afin de concilier la meilleure rémunération pour les artistes et la diffusion massive des œuvres. C'est en effet l'un des grands intérêts d'Internet : autrefois on avait accès à beaucoup ou à très peu d'œuvres selon que l'on habitait Paris ou un village ; Internet à donné accès à tous à l'ensemble des œuvres au niveau mondial, élargissant de façon extraordinaire le champ de la culture. Il faut construire un nouveau modèle pour que auteurs et public en profitent.
[...]
Dans les considérants du texte récemment adopté au Parlement européen, et qui doit être soumis au vote final cette semaine, il est dit ceci : « Reconnaissant qu'Internet est essentiel pour l'éducation et pour l'exercice pratique de la liberté d'expression et d'accès à l'information, toute restriction imposée à l'exercice de ces droits fondamentaux doit être en accord avec la Convention pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». On voit donc bien que pour le Parlement européen, Internet est bien reconnu comme un droit fondamental dans l'accès à l'éducation et à l'exercice pratique de la liberté d'expression. Cela remet en cause et ce que vient de dire notre collègue Gosselin et ce qu'a dit Mme la ministre.
Je viens de lire ce qui est écrit dans les considérants, et qui est repris dans l'article 1 er , où il est dit que toute mesure visant les usagers dans leur accès à Internet doit respecter les droits fondamentaux et les libertés des personnes. Pour le Parlement européen, Internet est bien considéré comme ouvrant l'accès aux droits fondamentaux.
[...]
Il y a bien eu chantage, au niveau européen, du gouvernement français sur le thème « si l'amendement Bono-Cohn-Bendit reste en l'état, le gouvernement français s'opposera à l'adoption du paquet télécom ». Cela a été dit publiquement. Qu'est-ce donc sinon du chantage, alors qu'il y avait une majorité écrasante des autres pays et que seuls les députés UMP au Parlement européen étaient contre ?
Patrick Bloche a lu le fameux article 1 er 3 A dans sa version résultant de l'accord entre les parlementaires et les gouvernements, qui reconnaît le droit à un jugement par un tribunal indépendant et impartial. La HADOPI, dites-vous, répond à cette précision. Mais l'alinéa 3 de cet article 1 er se termine ainsi : « et agissant dans le respect de l'article 6 de la CESDH ». Ce dernier énonce une première fois que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi » puis, un peu plus loin, que le jugement doit être rendu, encore une fois, publiquement. Cela est donc affirmé à deux reprises. Or, « publiquement », c'est précisément ce que ne permettra pas la procédure contradictoire mise en place dans le cadre de la HADOPI.
Il est dit ensuite, dans ce même article 6 : « Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ». Autrement dit, tant que sa culpabilité n'est pas légalement établie, elle est présumée innocente et il ne peut pas y avoir coupure de l'accès à Internet.
Le projet de loi Protection de la création sur Internet n'est donc pas conforme à l'article 6 de la CESDH.
[...]
Cet amendement [n° 56] vise à exclure les mesures techniques de protection – les fameux DRM – de la protection juridique prévue par la loi DADVSI.
La discussion de cette dernière avait donné lieu à un long débat sur l'interopérabilité, que nous allons retrouver sur le présent texte. Pour la loi DADVSI, il avait été décidé que les titulaires des DRM pouvaient refuser l'accès aux codes sources au motif que cela porterait gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de ces mesures techniques de protection. En conséquence de quoi, il y avait un blocage qui pouvait empêcher la lecture sur tous les types de matériel de fichiers numériques acquis légalement. À la fin de 2008 et au début de 2009, un certain nombre de majors ont décidé la suppression ou la limitation de l'utilisation des DRM, qui constituaient un obstacle à la diffusion des œuvres sur Internet : en restreignant ainsi les droits des utilisateurs, on donnait un droit de regard aux constructeurs de matériel et de logiciels sur les ordinateurs personnels.
Les logiciels de sécurisation donneront lieu au même débat. Comme pour les MTP dans la DADVSI, on a l'impression, pour les logiciels de sécurisation, qu'il y a une persévérance dans l'erreur au sein de l'UMP pour ne laisser de l'espace qu'aux seules grandes sociétés internationales, sans volonté d'imposer une obligation d'interopérabilité.
Cet amendement a pour objectif de clarifier la situation et d'éviter que ces mesures techniques de protection, qui ont été en quelque sorte un cheval de Troie contre les logiciels libres – ce qu'avait dénoncé l'April, association de défense des logiciels libres –, n'aient le même effet avec la loi HADOPI. Mme la ministre a beau avoir affirmé plusieurs fois le contraire, un ordinateur équipé de logiciels libres tels Linux , Firefox , Thunderbird ou OpenOffice , donc totalement en codes sources ouverts, ne pourra pas installer des logiciels de sécurisation fabriqués et vendus principalement par Microsoft qui domine le marché, tout simplement parce qu'ils sont contradictoires avec le principe du logiciel libre. Voilà le sens de cet amendement.
M. Michel Françaix
Madame la ministre, nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à nous être félicités de l'existence de l'exception culturelle à la française depuis une quarantaine d'années. Cependant cette politique, inaugurée par André Malraux et renouvelée par Jack Lang, est, qu'on le veuille ou non, en fin de cycle aujourd'hui. Une étape s'achève et il nous faut en imaginer une nouvelle, en partant des enjeux de société, des nouvelles pratiques sociales et culturelles. Tel devrait être la tâche du ministre de la culture : faire en sorte de conserver les avantages qui, au plan culturel, ont été acquis depuis quarante ans, tout en les adaptant à la société nouvelle.
J'ai longtemps pensé que seule l'exception culturelle pouvait garantir notre identité, et j'ai agi pour qu'elle soit préservée. Néanmoins, aujourd'hui, cette politique protectionniste, qui fut longtemps efficace et qui permit de contenir les premiers assauts d'une révolution technologique et économique sans précédent, n'est plus adaptée à un monde ouvert aux échanges internationaux et à une évolution technologique que nous ne pouvons arrêter, mais qui peut être une nouvelle chance pour la culture, si nous savons nous y adapter.
L'exception culturelle ne doit pas devenir un piège qui se referme sur ceux qui l'ont créée. Du reste, le changement sémantique – puisque l'on parle désormais de diversité culturelle – traduit une forme de malaise. Notre bel arsenal a vieilli ; il est temps de l'adapter. La question qui se pose n'est pas d'empêcher par tous les moyens le piratage, mais d'encourager, y compris financièrement, la fréquentation des salles obscures, par exemple.
Par ailleurs, cette réflexion ne peut plus se tenir dans un cadre franco-français. La protection des droits est désormais européenne, voire internationale. La France doit cesser de penser sa relation au monde en se référant à l'exemplarité de son modèle culturel. Cette réaction exclusivement défensive face à la mondialisation culturelle est le plus sûr moyen de tout perdre. Les méfiances, les craintes, souvent légitimes, de nombreux acteurs de la culture ne doivent en aucun cas servir à justifier des combats d'arrière-garde et à conforter certaines tendances conservatrices.
Il nous faut penser à nouveau la question de savoir si le principe de la rétribution des auteurs et le mode proportionnel de rétribution sont obligatoirement et indissolublement liés. La rémunération des auteurs peut-elle évoluer ? La protection passe-t-elle obligatoirement et uniquement par le droit d'auteur ? Ne faut-il pas favoriser des taxes sur les supports pour ne pas tarir les ressources de la création ? Tels sont les sujets dont, je l'espère, nous pourrons débattre aujourd'hui. Nous pourrons peut-être éviter ainsi d'assister à une guerre de retard, à une croisade moyenâgeuse, à la fois stérile et infantile, qui cherche à éradiquer des pratiques culturelles de masse devenues irréversibles.
Non seulement ce projet de loi ne résout pas les problèmes du piratage, mais il ne rend pas service à la création. Il est illusoire. Je souhaite que le débat nous permettre d'exposer le projet de société que nous voulons. La loi ne doit pas bloquer, mais s'adapter à des acquis qui répondent à des besoins concrets de notre société. Si nous y parvenons, nos discussions auront été utiles ; si nous assistons à une caricature de débat, nous en resterons au même point, et je ne pourrai que le regretter.
[...]
Cette loi, qui vise à surveiller ceux qui téléchargent gratuitement de la musique et des films, à leur envoyer une semonce puis une amende enfin à leur interdire l'accès à Internet, n'est ni de gauche ni de droite : elle est à côté de la plaque, archaïque et ne répond pas du tout aux problèmes posés.
Elle est absurde parce qu'elle apporte une réponse purement nationale et répressive à un réseau dépassant par essence les frontières.
Elle est absurde parce qu'elle prétend interdire Internet à toute une famille, alors que certains de ses membres en ont besoin pour leur travail, et que l'enfant utilisera l'ordinateur commun pour écouter de la musique.
Elle est absurde parce que les vrais artistes n'ont rien à perdre à faire connaître leurs œuvres et à attirer ainsi de nouveaux spectateurs.
Elle est indéfendable puisque les internautes privés de leur abonnement devront tout de même continuer à le payer.
Elle est indéfendable parce que les artistes ne sont absolument pas protégés par un dispositif qui n'apporte pas un euro supplémentaire à la création. Mais la droite a refusé catégoriquement toutes les propositions présentées par nos collègues sur la contribution créative.
Madame la ministre, j'ai le sentiment que l'on ne tient pas compte de l'évolution et que nous sommes dans une société immobile. Souvenez-vous de cette formule : l'immobilisme et en marche et rien ne l'arrêtera.
C'est ce qui se passe avec ce projet de loi.
D'un côté, vous expliquez à la jeunesse qu'il n'est pas question de fournir gratuitement un certain nombre de possibilités, mais de l'autre, vous êtes prêts à engraisser les majors de la musique et du cinéma.
Que les choses soient claires : personne ici ne peut penser que tous les artistes profiteront de façon identique de ce texte de loi. Nombre d'entre eux ne sont pas concernés par ce projet car il ne leur offrira pas de nouvelles possibilités.
Aider à repenser tout le circuit de la création artistique et la légitime rémunération des auteurs, loin du conservatisme des poids lourds de la distribution de produits dits culturels, serait davantage à notre honneur.
De toute façon, ce texte se soldera par un échec, ce qui malheureusement nous rendra ridicules au regard de ce qui existe dans les autres pays d'Europe et du monde.
M. Christian Paul
Mes chers collègues, l'intérêt de pouvoir à nouveau discuter au fond de ce projet de loi, article par article, est – outre la possibilité de convertir peut-être de nouveau arrivants, tel M. Clément – est non seulement de permettre aux interdits de parole de l'UMP de faire valoir leurs arguments, mais aussi et surtout de permettre à chacun – notamment à vous, madame la ministre, qui aurez certainement à cœur de défendre les deux premiers articles de cette loi, qui en constituent les piliers – d'avoir un vrai débat, ce dont la procédure d'urgence nous avait partiellement privés lors des lectures précédentes.
Tout à l'heure, M. Lefebvre a voulu – sur un ton plus modéré que celui qu'il emploie habituellement – nous expliquer HADOPI en dix leçons. Après avoir écouté vos explications, je vais vous dire, monsieur Lefebvre, pourquoi nous considérons que vous trompez les artistes.
Vous n'êtes d'ailleurs pas fondé à parler au nom des artistes, puisqu'ils sont partagés : certains sont favorables à cette loi, et d'autres non – dans des proportions qui évoluent d'ailleurs de semaine en semaine.
L'omerta a régné très longtemps, mais le débat a fait son chemin. Des explications à l'origine presque exclusivement techniques ont été complétées par d'autres relatives aux libertés et à la réalité économique.
Sur ce dernier point, je tiens à apporter deux informations.
D'abord une étude réalisée par l'association de consommateurs UFC met en lumière l'évolution du profit réalisé par les principaux bénéficiaires de l'industrie musicale en France. Je ne citerai que le cas d'Universal Music, dont l'activité de major n'est pas condamnable en soi, à condition de ne pas travestir les réalités : son taux de marge opérationnel était de 15 % en 2006, de 12,8 % en 2007 et de 14,8 % en 2008.
Je connais beaucoup d'entreprises françaises qui n'ont pas d'activité de lobbying aussi intense que les majors et dont les résultats sont pourtant moins avantageux. J'indique donc à Mme la ministre, qui s'est beaucoup lamentée sur la situation de la filière musicale, qu'il va désormais falloir être plus sélectif dans l'état des lieux. Et si un jour, comme nous sommes nombreux à le souhaiter ici, la contribution créative ou toute autre formule permettant la collecte de plusieurs centaines de millions d'euros chaque année pour soutenir la filière musicale est mise en oeuvre, il faudra en réserver le bénéfice aux producteurs indépendants qui connaissent des difficultés dépassant de loin la question du téléchargement illégal.
Une nouvelle fois, je m'inquiète donc de l'illusion sécuritaire qui consiste à vouloir faire croire aux artistes – et certains en sont convaincus – qu'HADOPI représente pour eux la sécurité économique.
C'est aussi ce que l'on tente de faire croire aux salariés de l'industrie, que vous prétendez défendre, et aux habitants des quartiers difficiles.
Cette illusion sécuritaire est, depuis des années, l'un des motifs favoris de votre rhétorique, laquelle trouve, avec ce texte, sa pleine expression.
Pour nous, HADOPI, c'est le capitalisme débridé !
En effet, au-delà de la marchandisation de la culture, cette loi ne prévoit aucune forme d'intervention collective ni aucun mode de financement mutualisé permettant de protéger réellement la création.
À la différence de vos prédécesseurs, qui ont fait en sorte que la télévision finance le cinéma, vous n'affirmez pas clairement, madame la ministre, qu'Internet doit massivement financer la création musicale.
Michel Françaix vient d'évoquer l'exception culturelle française. Les quotas de production, qui remontent à plusieurs décennies, peuvent en effet être utiles ; mais, pour ce qui concerne l'exception culturelle à l'ère numérique, vous restez muette.
Nous ne pouvons donc être convaincus par cette illusion sécuritaire et nous la dénonçons. Nous devons rencontrer les artistes qui doutent, pour avoir avec eux un vrai débat. Vous, vous préférez les tromper comme vous trompez les Français.
[...]
On perçoit d'emblée quel esprit d'ouverture va présider à ces débats ! M. Copé a d'ailleurs annoncé la couleur la semaine dernière en déclarant que nous rentrions dans la période de l'expédition punitive, que le contenu de la loi n'avait plus aucune importance et que ce qui comptait c'était de rétablir l'ordre dans cet hémicycle turbulent où la liberté de pensée n'a manifestement plus sa place.
Nous sommes pourtant inquiets pour la création, et je voudrais vous interroger sur un point, madame la ministre. En effet, vous ne nous avez jamais dit quel était le calendrier de mise en place et d'application de la loi HADOPI. Or tout donne à penser que cela nécessitera au moins dix-huit mois, dans le meilleur des cas.
Attachée comme vous l'êtes à la survie de la musique et de la création culturelle, vous devriez donc être intéressée par ce type d'amendements qui, dans l'attente de l'application de la loi miracle, permettent un tant soit peu de réguler le capitalisme culturel dont les artistes sont plus souvent les victimes que les bénéficiaires, à quelques exceptions près.
Je souhaite donc connaître le calendrier d'application de la loi HADOPI – dix-huit mois ou deux ans ? –, sachant qu'une proposition comme celle de Patrick Bloche pourrait permettre une meilleure répartition des droits entre les auteurs et l'ensemble des ayants droit au cours de la période transitoire, d'autant que celle-ci risque d'être fort longue, si toutefois le Conseil constitutionnel ne censure pas la loi ou que les gouvernements à venir n'ont pas le sentiment qu'elle est totalement inapplicable.
En admettant néanmoins l'idée – douloureuse – que cette lois s'appliquera un jour, dans quel délai cela se fera-t-il et n'y a-t-il pas des choses utiles à faire en attendant, notamment en adoptant cet amendement [n° 153] ?
[...]
De grâce, madame la ministre, cessons de nous lancer des pétitions et des lettres ouvertes au visage : vous en recevez comme nous. J'observe que ce texte n'est pas passé comme une lettre à la poste, comme le prévoyait votre stratégie, puisque vous entendiez le faire adopter en une semaine. Pensez-vous donc que l'on peut ainsi légiférer dans l'urgence, en quelques jours, sur des sujets aussi graves ? Au contraire : nous avons imprimé notre rythme au débat en choisissant de laisser le temps de la réflexion au Parlement, mais aussi aux Français. Ainsi, sur la toile, des milliers d'artistes, qu'ils viennent de la musique ou même, plus récemment – et de manière plus inattendue – du cinéma, s'expriment contre ce projet de loi pour différentes raisons. Je les respecte, comme je respecte le point de vue de chacun dans ce débat.
A propos de points de vue, précisément, j'en viens aux arguments que vous opposez à la contribution créative, qui sont de deux ordres.
Tout d'abord, comme vous venez de le prétendre, la contribution créative, c'est le mal, dites-vous, parce qu'il s'agit d'une régulation publique. Quand Warner ou d'autres – pourquoi pas, demain, la SACEM en France ? – tentent d'instaurer une licence globale privée, vous approuvez, puisqu'elle est d'ordre contractuel. Pourquoi ne pas avoir conclu les accords de l'Élysée autour de la contribution créative ? Voilà qui eût été courageux et digne de la tradition d'exception culturelle française ! Ce ne fut pas votre choix : preuve que vous ne souhaitez pas la régulation.
Au contraire, vous laissez faire – c'est tout l'enjeu de notre débat – cette prise de contrôle sur les canaux de diffusion de la culture. Il n'est que de constater l'action des majors : Warner a été évoquée, mais je rappelle qu'Universal fut le premier groupe, aux Etats-Unis, à mettre son catalogue en ligne avec une rémunération strictement publicitaire ; c'était quelques mois après l'adoption de la loi DADVSI. Ainsi, vous êtes favorables aux dispositifs qui prévoient un prélèvement privé, mais lorsque nous demandons une régulation publique à l'État, vous êtes contre.
Une autre de vos critiques – que l'on entend moins ces temps-ci, peut-être faute d'arguments car, au moins sur ce point, nous vous avons convaincue, sinon confondue – a trait à la répartition. Il va de soi que l'on peut répartir les sommes dont M. Bloche a parlé en présentant son amendement. Elles constitueraient un puissant soutien financier à une filière que vous avez abandonnée, puisque votre budget pour la création musicale, les festivals ou les manifestations culturelles en régions est aujourd'hui exsangue. Au contraire, nous proposons de soutenir la musique, et c'est pourquoi il faut répartir le produit de la contribution créative.
Cette répartition pourrait prendre de multiples formes, comme l'a très bien montré Philippe Aigrain dans son ouvrage Internet et Création , un titre choisi sans abus de langage. D'autres avec lui ont prouvé que l'ont peut, par sondages et autres dispositifs qui, loin d'être intrusifs, ne mettent pas en cause l'anonymat des usagers, procéder aux calculs nécessaires pour identifier les flux de téléchargement et, dès lors, rémunérer les artistes de manière équitable. Voilà l'enjeu du débat ! Il s'agit d'une disposition d'avenir, et même M. Dionis du Séjour, qui fut pourtant un critique exigeant de nos propositions, a indiqué que nous y viendrions bien un jour.
Beaucoup de ceux qui défendent, en apparence, la loi HADOPI admettent qu'il faudra bien finir par mettre en place cette contribution créative. Ce qu'ils espèrent simplement, c'est qu'ils auront le moins possible à donner en contrepartie.
Nous devrions avoir un débat sur ces questions et trouver un accord national. Ce n'est pas la direction qui a été prise avec les accords de l'Élysée, que vous avez conçus uniquement en prenant l'angle répressif, mais il faudra bien, le moment venu, mener une négociation autour de ce nouvel espace de liberté pour la culture pour parvenir à un accord. Ce nouveau contrat culturel est l'objet de cet amendement n° 154.
M. Jean-Louis Gagnaire
Nous n'avons pas abordé sur nos bancs la question de la HADOPI dans un esprit de dérégulation ou de libéralisme outranciers, en vue de porter atteinte à la diversité culturelle. Je ne pense pas d'ailleurs qu'on puisse nous soupçonner d'avoir jamais porté atteinte à la diversité culturelle ou de refuser de soutenir les artistes. C'est même tout le contraire dans les collectivités que nous dirigeons et nous aimerions avoir votre soutien lorsqu'il s'agit de voter les budgets visant à renforcer la politique culturelle. Vous avez beau activer tel ou tel réseau par l'intermédiaire des grandes majors, nous restons inlassablement du côté des artistes. C'est pourquoi nous cherchons à les protéger de la tromperie que constitue ce projet de loi.
Quand vous connaîtrez quelque chose en matière de pédagogie, mon cher collègue, vous pourrez vous exprimer ; en attendant, je vous demande de vous taire.
Nous avons essayé de discuter honnêtement avec tous ceux qui s'intéressent au fond du texte ; certains, issus de vos rangs, restent d'ailleurs assez curieusement silencieux depuis quelques jours. Ils ont en effet été réduits au silence !
Nous nous sommes donc efforcés de travailler sur le fond du projet.
Il est clair que cette loi sera inefficace. Il se trouve que dans la presse de ma région, Pierre Kosciusko-Morizet déclare que la loi HADOPI ne servira à rien. Au journaliste qui l'interroge sur les raisons pour lesquelles, selon lui, le Parlement va voter une loi inutile, il répond que son intérêt en tant que président d'une société de vente par correspondance de disques consiste à vendre ce produit et que son business l'inciterait à se prononcer en faveur d'un projet supposé inciter à l'achat de disques.
Or il sait fort bien que ce modèle économique est éculé et il poursuit : « L'industrie du disque était acculée et elle n'a trouvé que cette réponse qui montre qu'elle ne connaît rien d'Internet. Au fond, cette loi est de mauvaise foi. Beaucoup de gens dans la musique savent que la loi est inefficace mais ils savent aussi que le modèle des maisons de disques un peu grasses, employant beaucoup de monde, est un modèle qui va mourir. Mais ils préfèrent continuer de toucher leur salaire avant que le modèle ne meure complètement. »
Tout est dit, et vous faites semblant de croire, vous faites croire aux artistes que cette loi va les protéger contre le piratage. Or elle sera au mieux inefficace, j'insiste, et mettra en place des systèmes de pistage des internautes français que certains qualifient de cheval de Troie, pouvant se révéler des plus dangereux, à terme, si, par extraordinaire, d'aucuns s'avisaient d'en faire un autre usage que le pistage des IP de ceux qui copient la musique ou le cinéma.
Vous êtes donc en train, de manière complètement inconsciente, de mettre en place un système potentiellement dangereux pour les libertés publiques. Notre collègue Suguenot vous a d'ailleurs rappelé quelques principes généraux du droit qu'il ne faudrait peut-être pas perdre de vue. Aussi la présence de la garde des sceaux eût-elle été justifiée. De la même manière que Mme Kosciusko-Morizet eût été bien inspirée d'être à vos côtés pour répondre à des questions techniques, la séparation étant très nette entre ses activités ministérielles et les intérêts de son frère, du moins à en croire la presse.
Mme Kosciusko-Morizet aurait été en mesure, elle, de répondre à des questions sur les enjeux du numérique, alors que nous pouvons déplorer de manifestes méconnaissances de la part de ceux qui ici défendent le texte et ne doivent pas être férus d'informatique si l'on en juge par les réponses apportées à nos mises en garde sur le détournement des adresses IP, sur le manque de transparence et sur les risques que vont courir tous les innocents que vous allez pénaliser.
Vous balayez tout cela d'un revers de main alors que l'application de la loi coûtera tout de même de 70 à 100 millions d'euros – on se demande encore qui va payer. N'y aurait-il donc pas eu d'autres manières de dépenser utilement l'argent public pour aider réellement les artistes ? Nous verrons demain que certains se trouveront privés d'Internet alors que son accès est un droit imprescriptible.
Des innocents seront donc pénalisés sans comprendre comment leur liaison Internet aura été piratée. Nous essayons donc encore une fois d'attirer votre attention sur ce point.
Vous vous montrez quelque peu irresponsables : vous refusez d'examiner les dossiers au fond. On verra donc bien ce qu'on verra dans quelques mois, cette loi se révélant inapplicable et une troisième étant donc nécessaire, qui prendra peut-être enfin en compte les intérêts des artistes et la défense des consommateurs.
M. Jean-Pierre Brard
Madame la ministre, comme l'a souligné Patrick Bloche, nous n'avons pas à légiférer selon le principe du mandat impératif. C'est le cas à gauche : je ne suis pas certain qu'il en soit de même à droite.
En entendant Mme Marland-Militello, je me disais : ou bien elle est formatée selon le principe d'Orwell, ou bien, par sa voix, c'est l'esprit de M. Pascal Nègre qui s'exprime. C'était en effet la seule alternative possible. Mes chers collègues, vous ne pouvez pas dire que MM. Tardy, Suguenot, Vanneste ou Dupont-Aignan sont de gauche !
Cela se saurait depuis le temps qu'ils siègent dans cet hémicycle ! Ils n'en défendent pas moins des positions qui convergent avec les nôtres.
Dans notre pays, chaque fois que les libertés ont été mises en cause, il y a eu des gens de droite pour écouter ce que leur dictait leur conscience de Français avant leur choix de classe.
Quant à M. Poisson, M. Carayon, M. Schneider ou M. Poignant, qui sont d'excellents collègues, parmi d'autres, ils sont obligés d'assister aux séances avec interdiction de parler ! Monsieur Poignant, vous ne pouvez vous exprimer que par gestes.
Je vous vois ! Vous êtes ici sur ordre, parce que le Gouvernement a été battu le 9 avril dernier. Or, s'il a été battu, c'est que vous savez, pour la plupart du moins, qu'il vous demande de soutenir un projet de loi qui vise à défendre des intérêts particuliers et dont la conception est totalement archaïque.
Madame la ministre, nous savons que vous vous préparez à abréger les souffrances de nos collègues de l'UMP parce que vous ne voulez pas que le débat dure encore plusieurs jours. Je ne suis pas certain, mes chers collègues, que vous soyez au courant... C'est toutefois aux Français qui nous regardent que je souhaite livrer cette information : on ne veut pas laisser la représentation nationale discuter jusqu'au bout le projet de loi ! Mme Marland-Militello a évoqué Cassandre : elle a eu tort. Hier soir, un ami avocat, spécialisé dans le droit des artistes de variétés, m'a téléphoné. Ayant des enfants, il était terrifié par le projet de loi : « S'ils téléchargent, me disait-il, c'est moi, avocat, qui serai privé d'Internet ! » Voilà où conduit ce texte liberticide ! C'est la punition familiale ! Même en Union soviétique, une telle punition n'existait pas !
Aux yeux de Mme Marland-Militello, il s'agit de sensibiliser les jeunes. C'est la sensibilisation par la trique ! Oui, madame Marland-Militello, c'est ainsi que vous concevez la pédagogie : à coups de trique.
Nous pensons, nous, qu'il est préférable de convaincre.
Si le Gouvernement est gêné, c'est que le Parlement européen risque de voter, le 6 mai, un texte. Il veut absolument échapper à la sanction européenne !
Certains ont noté qu'il convenait d'inventer de nouvelles règles économiques. C'est vrai. Toutefois, madame Marland-Militello, vous qui avez évoqué la liberté de voler, dois-je vous rappeler qu'on vous a connue moins délicate lorsqu'il s'est agi de vrais voleurs ?
Je pense notamment au directeur de la Société générale, qui vient d'être remercié, ou aux patrons de Continental et de Good Year, qui réduisent les salariés à la misère et au chômage : de ceux-là, vous ne parlez pas, ce qui prouve, madame Marland-Militello, que, grâce au décret Jospin, Tartufe se décline maintenant aussi au féminin.
Vous avez également évoqué le droit à la vie privée. Vous êtes de nouveau moins délicate quand il s'agit d'EDVIGE : vous faites alors des compromis !
Vous avez évoqué les ayants droit spoliés : que faites-vous des déposants des Caisses d'Épargne, qui ont été spoliés par leur président ? Ceux-là, je le répète, vous ne les évoquez pas. Il est vrai qu'il ne s'agit que de petites gens : vous, vous pensez aux majors !
Vous avez même une vraie dévotion pour leurs dirigeants, que la cupidité caractérise. Il ne s'agit pas de défendre les droits des créateurs dont vous n'avez que faire.
Madame la présidente, je terminerai mon propos par une citation. Je ne suis pas certain qu'elle impressionnera beaucoup nos collègues de droite du fait qu'ils sont surdéterminés par d'autres intérêts. « Le livre, comme livre, appartient à l'auteur, mais comme pensée il appartient – le mot n'est pas trop vaste – au genre humain. »
Écoutez : vous allez apprendre quelque chose. Ce n'est pas tous les jours le cas.
« Toutes les intelligences y ont droit. Si l'un des deux droits, le droit de l'écrivain et le droit de l'esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l'écrivain, car l'intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous. » La citation est de Victor Hugo. Elle est tirée de son discours d'ouverture du Congrès littéraire international de 1878.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État : les internautes sont conscients qu'un vrai problème existe, mais ils savent également que votre loi ne le réglera pas davantage que ne l'a réglé la loi DADVSI. C'est pourquoi La Quadrature du Net, ainsi que d'autres associations, ont prévu de tenir des assises à l'automne, sur le thème : « La création et Internet ». Madame la ministre ; au lieu de légiférer dans la précipitation en déclarant l'urgence sur ce texte, il aurait fallu prendre le temps du dialogue avec les principaux intéressés. Puisque vous ne l'avez pas pris, les internautes le feront et nous participerons à ce dialogue pour trouver les moyens, adéquats à notre époque et non à celle de Vercingétorix, de rémunérer la création.
M. Jean Dionis du Séjour
Le débat que nous avons là est central, et je remercie nos collègues socialistes de l'avoir ouvert en 2005, d'autant plus que j'étais alors opposé à la licence globale.
Ayons l'honnêteté de reconnaître que cette loi « Création et internet » n'a de sens – y compris pour ceux qui la défendent – qu'à court terme. En aucun cas elle ne porte l'ambition d'instaurer un nouveau modèle économique de la création. Elle aurait d'ailleurs pu être un succès, à condition de ne pas faire de mauvais choix, s'agissant de la sanction finale, notamment.
Quoi qu'il en soit, pour ce qui est du financement à long terme de la création, il faudra bien trouver une solution. Certes, la contribution créative est la fille légitime de la licence globale. Pourquoi nous y étions-nous opposés en 2005, alors que le débat idéologique était bien plus nourri que l'an dernier ? Un coup d'œil rétrospectif n'est pas inutile, qui permet de constater ce qui a changé depuis.
À l'époque, nous opposions trois critiques de fond à la licence globale, dont une que Mme la ministre a citée.
Tout d'abord, la licence globale sans autorisation des auteurs et des ayants droit constitue une privation de droits d'auteur, donc une spoliation, M. Bloche y a fait allusion. Il faudra répondre à cet argument : comment organisera-t-on la licence globale en cas de refus massif des ayants droit ?
Ensuite, nous refusions à l'époque de fiscaliser l'ensemble des internautes, alors que deux tiers d'entre eux n'effectuent aucun téléchargement, mais n'utilisent internet que pour la recherche d'informations et la messagerie. Or cette proportion change ; voilà qui justifie d'ouvrir le débat sur cette question. Les usages tels que la consommation de produits musicaux ou cinématographiques, en effet, sont appelés à se banaliser.
Enfin, le mécanisme de répartition pose problème : il doit se fonder sur la consommation culturelle et sur l'audience. Il faut donc admettre l'obligation pour les diffuseurs de transmettre leurs statistiques de consommation.
J'ai été un opposant fervent à la licence globale, madame la ministre, mais il faut avoir l'honnêteté intellectuelle de reconnaître qu'il faudra bien, tout en répondant à ces trois arguments critiques que nous partagions en 2005, explorer cette voie. Le débat doit être ouvert ; j'y suis prêt.
Je le répète : le présent projet de loi ne peut certainement pas être placé dans la même catégorie que le débat sur la licence globale. Ce n'est qu'une loi de court terme, qui aurait pu être utile si elle prenait racine au plus vite, mais je crains que vos mauvais choix en matière de sanctions – je pense à la double peine – ne lui offrent même pas cette chance.
[...]
Cet amendement [n° 178] intéressant devrait nous réunir. Il vise en effet à faire en sorte que le droit d'auteur soit réparti en fonction de la consommation culturelle et de l'audience. Il me semble que c'est le modèle défendu par toutes les sociétés d'auteurs.
Pourquoi est-ce un amendement d'avenir ?
La licence globale suscite trois critiques de fond que nous sommes un certain nombre à avoir portées en 2005 : d'abord, c'est une spoliation du droit d'auteur et des ayants droit – il faudra répondre à cette critique, mais cela n'est pas le débat – ; ensuite, c'est une fiscalisation abusive – les usages vont profondément changer et la situation aura bougé lorsqu'une grande majorité d'internautes téléchargera de la musique et du cinéma – ; enfin, et c'est à cette critique que répond cet amendement, nous ne savons pas répartir justement le produit de la licence globale.
Madame la ministre, voulez-vous faire un pas ? Il n'y a pas plus simple que de faire comme pour la radio : nous vous demandons simplement d'ériger en obligation légale la communication des grilles et des temps de passage, auteur par auteur, pour que la répartition soit assurée en fonction de l'audience et de la consommation culturelle. Où est le problème ? Cela devrait nous réunir, et je me tourne vers mes collègues de la majorité présidentielle.
Une telle disposition serait simple à mettre en œuvre : il suffirait que la radio transmette l'information à la société de répartition. De plus, elle va dans le sens de la justice : on paierait plus les gens qui passent souvent. Nous ouvririons là une porte sur les modèles d'avenir.
Madame la ministre, vous avez décidé – cela me fait penser à Faust – d'être ce soir l'esprit qui dit toujours non. C'est un choix politique, mais vous avez tort. Nous qui sommes des vétérans de la DADVSI, essayons d'être des acteurs de l'HADOPI. Nous aurons de la patience et nous allons semer des petits cailloux blancs, car, bientôt, de tels amendements seront inscrits dans la loi. Donc, faites très attention aux commentaires que vous allez faire dans votre réponse !
[...]
Je reviens d'abord sur la question des statistiques de diffusion des œuvres, que j'abordais dans mon amendement n° 178 rectifié. Mme la ministre m'a répondu que la question était réglée par l'article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle. En député consciencieux, je viens de m'y reporter. Il dispose que « Le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d'activité entre les organisations représentatives, etc ». Mais que se passe-t-il quand les choses se passent mal entre ces organisations ? C'est le cas aujourd'hui. L'information sur les statistiques de diffusion ne passe pas entre les radios et les sociétés qui perçoivent et redistribuent les droits. Que faire alors ? Subir la situation ? Il faut peut-être plutôt revoir la loi et la rendre plus contraignante pour que ces statistiques, qui sont la base pour construire un nouveau modèle économique, soient disponibles. Il est trop facile de nous renvoyer à un article du code qui, pour l'instant, n'est pas appliqué. A l'heure où il faut faire naître de nouvelles pratiques, pourquoi refuser systématiquement d'aller de l'avant ?
L'amendement n° 179 rectifié est « l'amendement streaming ». S'il est une pratique qui s'est développée depuis l'adoption de la loi DADVSI, c'est bien celle-là. Peut-être l'amendement est-il imparfait et peut-on revoir l'équilibre entre interprètes, auteurs, ayants droit. Mais c'est la solution appliquée dans l'Europe du nord, qu'il n'y a pas de honte à prendre pour référence. Ce que nous voulons, c'est savoir clairement ce que vous faites pour favoriser le streaming . Voulez-vous légiférer, réguler, comme nous le demandons, pour développer cette méthode décisive pour faire reculer le téléchargement illégal ? Si l'amendement ne vous convient pas, proposez autre chose, mais mettez les mains dans le cambouis pour développer le streaming . J'ai peur que vous nous répondiez que ce n'est pas votre souci aujourd'hui. J'espère que ce ne sera pas le cas.
[...]
Je voudrais saluer l'arrivée de notre rapporteur, sans lequel nous étions un peu orphelins, et qui a ouvert un débat intéressant en proposant d'attendre la fin du débat européen pour savoir si la HADOPI sera considérée comme une autorité judiciaire. Il a raison !
Madame la ministre, j'ai toujours dit que parmi les icebergs qui se trouvent sur la route de votre bateau, il y a le Parlement européen. Il faut donc être prudent, car cela pourrait tout changer.
Si, en effet, la HADOPI est une autorité judiciaire, toute la démarche consistant à déjudiciariser le volet répressif du téléchargement illégal, en préférant la coupure de l'accès Internet à l'amende, n'est plus pertinente. Prenez l'amende, elle a tellement d'avantages !
De toute façon, cela va se terminer comme cela.
Le Parlement européen vous stimule sur ce sujet, et vous sentez bien que vous êtes pris dans cette contradiction. M. Tardy sourit et il a raison.
Avec cette forte contradiction, cette affaire se terminera comme je viens de le dire. En tout cas, le débat est très intéressant.
Pour en venir à l'amendement n° 180 rectifié, on souffre de ne pas avoir fait d'étude d'impact de la loi DADVSI, un peu comme si on n'en avait pas fait le ménage avant de passer à la loi HADOPI.
La DADVSI était portée par une logique : une directive européenne protégeait les DRM et les MTP, ce qu'a rappelé Christian Vanneste qui en fut le rapporteur. Il était donc normal que nous transposions les DRM et les MTP dans la DADVSI, ainsi que la répression pénale de leur contournement. Aujourd'hui, c'est la loi : non seulement les DRM et les MTP sont légitimes, mais le fait de les contourner ou de les casser est répréhensible. Il faut donc mettre un peu d'ordre dans tout cela.
Vous reconnaissez qu'il doit y avoir interopérabilité lorsque des œuvres ont été achetées légalement. Pour mettre en œuvre cette interopérabilité, il faudra bien, de temps en temps, désactiver ces MTP. C'est ce que dit l'amendement, et il est important de savoir si vous êtes d'accord avec cela. Dans la logique qui consiste à laisser tomber les DRM, cet amendement s'impose. Madame la ministre, que répondez-vous à cela ?
Mme Aurélie Filippetti
Je partage le point de vue que M. Dionis du Séjour a exprimé en défendant l'amendement n° 178 rectifié. À mes yeux, en effet, ce texte passe à côté des principales questions que pose la révolution technologique actuelle : quel mode de régulation adopter pour Internet ? Comment accompagner cette période de transition et réfléchir à de nouveaux modes de rémunération assurant la création de contenus culturels ?
Le dispositif HADOPI est purement défensif ; ses limites et ses dangers sont patents. Il cherche uniquement à préserver les modèles économiques en place, sans accompagner l'émergence de solutions nouvelles, alors que l'environnement technologique, lui, se renouvelle et que les modes de consommation et d'écoute ont considérablement progressé, notamment depuis le vote de la loi DADVSI.
Malheureusement, en ce qui concerne l'impact du numérique sur les droits d'auteur, l'état d'avancement des réflexions du Gouvernement semble réduit à la portion congrue. Comme beaucoup d'internautes, j'avoue avoir bien du mal à comprendre comment la loi pourra réellement et efficacement préserver et pérenniser la création. Elle n'apporte pas un centime de plus aux auteurs ou aux artistes, que le Gouvernement met en avant depuis le début de la discussion. Il n'est même pas démontré qu'elle fera baisser le téléchargement non autorisé. Il s'agit, selon les termes mêmes de Mme la ministre, d'un simple « pari ». Son enjeu ne devrait-il pas être, avant tout, de proposer les moyens d'assurer le financement des investissements nécessaires à la création de contenus culturels, ainsi qu'une juste rémunération des droits d'auteur dans le monde numérique ?
Comment ne pas évoquer à ce propos les débats auxquels a donné lieu l'examen du texte sur la réforme du service public de l'audiovisuel, s'ajoutant à la longue liste des rendez-vous avec le monde culturel manqués par le Gouvernement ? Taxer les fournisseurs d'accès à Internet pour financer le service public de l'audiovisuel est un non-sens. Nous l'avions relevé à l'époque : les FAI s'époumonent à rappeler que leur activité ne repose pas sur un modèle publicitaire et qu'ils ne tireront aucun profit de l'arrêt de la publicité sur la télévision publique. Cette taxe devrait donc être consacrée à la création de contenus et au soutien à la création.
Actuellement, il est avéré que les créateurs et les artistes sont particulièrement mal rémunérés dans les partages qui s'instaurent. M. Bloche l'a rappelé. Quelle est la réponse du Gouvernement à ce problème ? La prévention par la répression, car on ne peut nier la vocation punitive d'HADOPI. C'est étonnant et un peu court.
De même, comme l'a justement souligné le rapporteur pour avis au Sénat, Bruno Retailleau, ce texte se contente d'apporter des réponses partielles et inadaptées.
Partielles, car il tente maladroitement de contenir une technologie déjà dépassée, le peer to peer. De facto, échappent donc au dispositif le streaming, qui permet la lecture d'un flux audio ou vidéo continu, les newsgroups, groupes de discussion informels entre personnes connectées par le biais de contributions personnelles pouvant prendre la forme de fichiers, ainsi que les échanges par mèls ou par messageries instantanées.
Inadaptées, car il méconnaît totalement les contingences liées au développement d'un réseau ouvert comme l'est Internet.
Dès lors, nous ne comprenons pas l'entêtement du Gouvernement à défendre un dispositif inapplicable, inefficace et manifestement disproportionné en droit au regard du déséquilibre qu'il instaure entre la protection du droit d'auteur et la protection de la vie privée. Sur ce point, je vous renvoie de manière non exhaustive aux avis de la CNIL, du contrôleur européen des données et de l'ARCEP, aux observations de la Commission européenne et du conseil général des technologies de l'information, ou encore à la mise en garde du Parlement européen et même à celles qui émanent de votre propre majorité.
L'absence de procédure contradictoire, la non-application de la présomption d'innocence et du principe de l'imputabilité, ainsi que la possibilité de cumuler sanctions administratives et pénales sont autant d'éléments inacceptables contenus dans ce texte.
Fait aggravant, le seul recours possible devant le juge interviendra au moment de la sanction. Or la Commission européenne, dans un avis rendu public à la fin de l'automne, s'est montrée extrêmement réticente à laisser à un organe administratif un tel pouvoir de suspension. Enfin, le Conseil constitutionnel a rappelé avec force que la compétence exclusive du juge judiciaire pour toute mesure visant à la protection ou à la restriction des libertés individuelles est un principe constitutionnel.
Il serait préférable d'utiliser ce débat pour produire un impact positif sur l'économie générale de la création, tout en assurant le développement des échanges rendus possibles par les nouvelles technologies.
M. Franck Riester
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie de m'excuser pour mon retard. Je crois que la président Warsmann vous a expliqué pourquoi je n'étais pas là au début de cette discussion.
Monsieur Bloche, et je vous le dis bien évidemment sans polémique, je ne suis pas sûr que ce ne soient pas ceux qui ont voulu introduire cet amendement Bono à ce moment de la discussion au Parlement européen qui aient voulu prendre en otage le paquet télécom.
Mais je veux revenir sur le fond de cet amendement, qui est d'ailleurs en train d'évoluer. Depuis le début de nos échanges sur ce sujet, nous disons qu'il faut attendre de voir quel texte définitif sera retenu par le Parlement européen et, in fine , par l'Union européenne, après les discussions avec le Conseil, pour en tirer toutes les conséquences en droit national et donc en droit français.
En l'occurrence, tout ce qui est dit dans l'amendement Bono, et ce qui est dit d'une façon encore plus limpide dans les discussions avant le vote en plénière de mercredi, c'est que l'HADOPI, l'autorité administrative indépendante que nous constituons, répond à tous les critères auxquels doit répondre une autorité judiciaire : le respect du contradictoire, le respect des droits de la défense et de la vie privée, le recours à un juge judiciaire, puisque des recours peuvent être formés par l'internaute ou le titulaire de l'abonnement qui serait sanctionné. Je veux donc vraiment vous rassurer une fois de plus sur ce point.
Et quoi qu'il en soit, il est évident que nous allons respecter les droits fondamentaux des internautes. Nous avons eu une discussion, ici, à l'Assemblée nationale, en première lecture, sur ce qu'étaient les droits fondamentaux. Nous avons dit à plusieurs reprises que si l'accès à Internet était évidemment une commodité essentielle, il n'était pas pour autant un droit fondamental. Car un droit fondamental est inscrit dans un texte sacralisé, au-dessus de la loi, ce qui n'est pas le cas de l'accès à Internet.
Enfin, je voudrais dire et redire qu'avec le dispositif que nous mettons en place, qui vise à suspendre éventuellement l'accès, après de nombreuses recommandations et de nombreux avertissement, on n'interdit pas à l'internaute d'aller sur Internet à partir d'un autre ordinateur.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois est défavorable à cet amendement [n° 159].
[...]
Les amendements [n° 56, 180 et 187] sont contraires au contenu de la directive 2001 et à la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2006.
[Les choses ont changé depuis !] Non ! La législation communautaire prévoit une protection juridique des DRM, même lorsqu'ils ne sont pas interopérables. C'est la loi.
Si la loi protège le statut des DRM, elle n'oblige pas les ayants droit à y recourir.
C'est le cas. Regardez ce qui s'est passé depuis quelques mois. Nos discussions ont été anticipées. Apple et de nombreuses plates-formes de téléchargement ont fait sauter, si l'on peut dire, les mesures anti-copies des DRM, en ce qui concerne l'achat au titre.
Mais en même temps – c'est important de le dire –, il est nécessaire de maintenir les mesures anti-copies pour un certain nombre de modes de consommation de biens culturels sur Internet par exemple pour le streaming . Des DRM et des mesures anti-copies sont nécessaires pour gérer les droits et les autorisations.
Ces amendements sont contraires au droit et à la bonne application concrète des nouveaux modes de consommation de biens culturels sur Internet.
[...]
Le rapporteur émet, comme lors de la première lecture, un avis défavorable [à l'amendement n° 188].