Debats Hadopi 090330 2

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Compte rendu initial

Mme Sandrine Mazetier[edit]

Je voudrais abonder dans le sens de l'amendement n° 407. Les accords de l'Élysée – ou plus exactement le conclave de l'Élysée – entre des personnes qui étaient auparavant d'accord entre elles n'ont pas ouvert cette négociation aux utilisateurs.

Après que l'on nous eut refusé d'évaluer ce projet de loi et son application, après que l'on nous eut refusé que figure dans la HADOPI un représentant de la CNIL, il serait incroyable que l'on refuse aux utilisateurs, aux internautes, de siéger dans le collège de cette Haute autorité, alors que l'on connaît à l'avance les limites auxquelles elle est confrontée.

Les internautes savent mieux que personne les dangers de ce dispositif. Ils pourront peut-être éclairer la Haute autorité lors de ses délibérations. Ils connaissent les dangers, les dérives et les limites du dispositif que vous tentez de mettre en place et dont on a dit qu'il était par avance obsolète et dépassé et qu'il visait très mal la cible qu'il est censé toucher.

L'amendement n° 407 du groupe socialiste vise à ce que deux représentants des utilisateurs siègent dans la HADOPI. Qu'un quart des membres du collège soit composé d'utilisateurs, c'est bien le moins, sachant tout ce qui risque d'arriver aux utilisateurs et même aux non-utilisateurs d'Internet. Nous nous satisferions, sinon, de l'excellent amendement de M. Gérard.

C'est la moindre des choses qu'un représentant des utilisateurs soit présents dans une Haute autorité qui va gérer un dispositif de sanctions particulièrement complexe, dangereux et qui pourra donner lieu – on l'a déjà dit – à des dérives, convenez-en ! Vous avez refusé un représentant de la CNIL ; consentez à ce qu'un représentant des utilisateurs soit présent. Ils connaissent mieux que personne, dans cet hémicycle, les risques du dispositif et les limites à y apporter.

[...]

J'ai moi aussi une question à poser à M. le rapporteur, mais avant cela, je voudrais relever que, depuis le début de l'examen de ce texte, il ne cesse de souligner la fonction pédagogique de celui-ci. Une loi peut servir à beaucoup de choses, mais il y a bien d'autres manières de faire de la pédagogie. Le Gouvernement a fait de la pédagogie pour protéger les enfants des dangers d'Internet avec une campagne de publicité ; c'était parfaitement pédagogique, et tout le monde a compris. Il n'est pas besoin de déstabiliser des milliers de familles, de nous faire entrer dans l'ère du soupçon.

Monsieur le rapporteur, avez-vous un problème avec l'Europe ? Dans nos débats de ce jour, vous n'avez tenu aucun compte du rapport Lambridinis adopté par le Parlement européen, ni du rejet par cette même institution d'un amendement pro-HADOPI présenté par vos amis, et vous rejetez à présent un amendement simple et clair qui demande la conformité du dispositif avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme en vue de garantir un procès équitable. Avez-vous un problème avec l'Europe, alors que vous appartenez à l'équipe de campagne de l'UMP pour les élections européennes ?

[...]

Depuis le début de cette séance, comme lors de la précédente, nous apprenons des choses bien étonnantes en matière de séparation des pouvoirs, s'agissant notamment du jugement que chaque pouvoir porte sur les autres. Je pense en particulier à la justice.

Ainsi, je m'étonne que des magistrats indépendants soient considérés comme une menace de traumatisme pour quiconque est poursuivi, d'ailleurs par faut-il le dire ? on ne sait trop qui, puisque vous n'avez pas été clairs à propos de la recherche et de la collecte préalables à la saisine de la HADOPI.

Ces personnes – de pauvres retraités, par exemple – qui se trouvent à leur domicile lorsque le téléchargement illicite est effectué, et qui ne résident pas dans une zone du territoire couverte par les réseaux publics sans fil, se verront néanmoins privés de leur droit à utiliser leur connexion à Internet et, par la même occasion, suspendus de leur abonnement téléphonique. Pourtant, ils ne pourront pas avoir recours à une instruction sous l'égide de l'autorité judiciaire.

La justice protège avant tout ; elle ne condamne pas forcément. Elle offre une meilleure protection aux personnes incriminées, ainsi qu'aux ayants droit, que le dispositif que vous nous décrivez avec la plus grande difficulté, et dont tous nos collègues, quels que soient leurs bancs, ont démontré qu'il pouvait être facilement contourné.

Ainsi, non seulement vous n'atteindrez pas les objectifs fixés, mais vous allez jeter des milliers de nos concitoyens dans l'inquiétude. En effet, recevoir une lettre recommandée n'a peut-être aucune importance pour vous mais, pour beaucoup de personnes qui, en ce moment, accumulent les impayés parce que leur situation est difficile, c'est un véritable traumatisme ! Ignorer vers qui se tourner, ignorer que la justice à un rôle à jouer dans la procédure où ils sont projetés, voilà une véritable inquiétude ! En plus d'être inefficace, c'est donc particulièrement injuste.

M. Patrick Bloche[edit]

Monsieur le président, madame la ministre de la culture, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous examinons actuellement la composition du collège de la Haute autorité, qui doit comprendre neuf membres : un membre du Conseil d'État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, de l'Académie des technologies et du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, quatre personnalités qualifiées étant désignées – en vertu de l'alinéa 23 – sur proposition conjointe des ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture.

L'amendement n° 407 vise à trouver – cela semble une évidence – dans la composition de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet des éléments d'équilibre entre les ayants droit et les internautes. C'est pourquoi notre amendement tend à préciser que, sur les quatre personnalités qualifiées, deux, au moins, représentent les utilisateurs des réseaux de communication en ligne.

Nous souhaitons qu'au sein du collège de la HADOPI, les internautes soient représentés. Ils ont été, rappelons-le, les grands absents des travaux qui ont conduit à la rédaction et au dépôt de ce projet de loi. Madame la ministre, vous nous répétez, à l'envi, que des accords historiques ont été signés à l'Élysée, il y a un an et demi, sous la haute autorité du Président de la République et vous indiquez que le monde de la culture et de l'Internet était représenté. C'est vrai pour ce qui concerne les opérateurs d'Internet. Mais les internautes, en tant que tels, n'étaient pas représentés. Ils ont été les grands oubliés de ces accords de l'Élysée, tout comme les consommateurs ; mais, quelque part, les deux se mêlent. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les internautes soient représentés dans le collège de la HADOPI. Nous le leur devons.

Vous considérez que votre projet de loi doit avoir des vertus pédagogiques, ce que nous contestons. Il serait souhaitable qu'au moins la pédagogie, que vous mettez en avant, puisse conduire à modifier le projet de loi dans le sens que nous vous proposons.

[...]

Je vois bien que le rapporteur de la commission des lois essaie de faire preuve d'un peu d'imagination, mais, force est de constater que voilà un amendement pour rien !

On peut même dire que cet amendement va à contre-courant de l'histoire en prenant pour référence la composition du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour justifier de la nomination de deux personnalités qualifiées supplémentaires, respectivement désignées par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, alors que tout le monde s'accorde à dire que la composition d'une autorité indépendante comme le Conseil supérieur de l'audiovisuel est insatisfaisante. Tous les membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel ont, en effet, été nommés par un Président de la République de droite ou un président de l'Assemblée nationale de droite ou encore un président du Sénat de droite. De ce fait, sa composition est monocolore. La réflexion démocratique voudrait que le régulateur des médias, en tant que garant du pluralisme, en revoie la composition pour y introduire du pluralisme et de la diversité afin qu'elle ne puisse être contestée.

Donc, ajouter dans le collège de la HADOPI deux personnalités qualifiées supplémentaires, l'une désignée par le Président de l'Assemblée nationale, l'autre par le Président du Sénat, et ce juste après avoir refusé deux amendements prévoyant, pour le premier, un représentant des internautes, et pour le second – c'était notre amendement – deux représentants des internautes, parmi les quatre personnalités qualifiées mentionnées à l'alinéa 23, je vous le dis, monsieur le rapporteur, c'est presque de la provocation !

[...]

Il est évident que Mme la ministre donnerait un avis favorable quand le rapporteur de la commission des lois lui sert ainsi le plat, si j'ose m'exprimer ainsi ! Monsieur Riester, vous êtes devenu le porteur d'eau du Gouvernement ! Vous êtes certes membre de la majorité, mais là !

Dans son projet, le Gouvernement prévoit que le président est élu par le collège de la HADOPI, composé de onze membres – et non neuf – quatre personnalités qualifiées, cinq personnalités désignées par différentes institutions telles que, entre autres, le Conseil d'État, la Cour des comptes et la Cour de cassation auxquelles viennent s'ajouter deux personnalités, suite à l'adoption de l'amendement de M. Riester.

Et le rapporteur de la commission des lois propose maintenant, par cet amendement, que le président ne soit pas élu par les membres du collège de la HADOPI, mais soit nommé par décret, par le pouvoir exécutif, après avis des commissions du Parlement peut-être, mais sachant que l'opposition, dans le cadre constitutionnel en vigueur, ne pourra jamais s'opposer aux noms proposés, puisqu'elle sera toujours minoritaire. Nous avons longuement évoqué ce problème lorsqu'il s'est agi de fixer le nouveau mode de désignation du président de France Télévisions, de celui de Radio France et de celui de l'audiovisuel extérieur de la France.

En l'occurrence, monsieur le rapporteur de la commission des lois, après avoir exclu les internautes du collège de la HADOPI, après avoir, de façon cosmétique, prévu deux personnalités supplémentaires désignées par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, proposition dont on ne comprend pas vraiment les motivations, vous en rajoutez encore en proposant que le président soit nommé par le pouvoir exécutif. Et vous prétendez encore que la HADOPI est une haute autorité indépendante ! Il y a de quoi rire !

[...]

Je m'étonne presque que le rapporteur de la commission des lois ait donné un avis favorable à ces amendements. Il aurait été incontestablement mieux inspiré en donnant un avis favorable à celui de la commission des affaires économiques, qui, nous insistons, monsieur Riester, nous aurait permis d'avoir la certitude que des représentants des internautes siégeront au sein du collège de la HADOPI.

Par la position que vous avez prise, et en dépit de toutes vos dénégations, vous avez refusé que nous inscrivions de manière certaine dans la loi que les représentants des internautes seront représentés au sein du collège de la HADOPI. Nous restons dans un contexte totalement aléatoire. Oui, monsieur le rapporteur de la commission des lois, vous avez exclu les internautes de la HADOPI.

Quant à l'amendement de la commission des affaires culturelles, émanant d'ailleurs du groupe GDR, la non révocabilité est effectivement un élément déterminant. En l'occurrence, les membres de la HADOPI auront une chance que n'ont plus le président de France Télévisions, le président de Radio France ou le président de l'audiovisuel extérieur de la France.

Contrairement aux présidents des sociétés de l'audiovisuel, eux ne seront pas révocables.

[...]

L'amendement prévoit des incompatibilités entre les fonctions de membre de la Haute autorité et d'autres activités. Nous souhaitons que le secrétaire général de la Haute autorité soit soumis au même régime d'incompatibilité, pour que nous ayons les mêmes garanties d'indépendance.

[...]

L'objectif est le même. La fonction de secrétaire général doit offrir les mêmes garanties d'indépendance que celle de membre de l'Autorité. De plus, nous voulons éviter le cumul des fonctions.

[...]

C'est l'un des trop rares amendements qui ont été votés au sein de la commission des lois. Son objet est certes limité mais présente néanmoins un intérêt évident puisqu'il s'agit de rendre effective la prévention des incompatibilités que nous venons d'évoquer, visant à la fois les membres de la HADOPI et son secrétaire général, et d'éviter par là même d'éventuels conflits d'intérêt.

C'est pourquoi nous souhaitons que soient insérées après l'alinéa 43 les dispositions suivantes : « Un décret fixe le modèle de déclaration d'intérêts que chaque membre doit déposer au moment de sa désignation. »

[...]

Nous souhaitons porter de trois à cinq ans le délai minimal entre l'exercice de certaines fonctions, notamment dans l'industrie de la musique, et un mandat au sein de la HADOPI. Nous pensons en effet qu'un délai de cinq ans offre une meilleure garantie d'indépendance, la HADOPI étant bien, malgré les conditions de nomination de son président, une autorité indépendante.

[...]

Dans le même souci de rendre effective la prévention des incompatibilités et les éventuels conflits d'intérêt, nous proposons d'écrire qu'« un décret en Conseil d'État fixe le modèle de la déclaration d'intérêts que chaque membre de la Haute autorité doit déposer au moment de sa désignation ».

[...]

L'affaire est un peu plus sérieuse, si j'ose dire. L'alinéa 47 dispose : « Les rapporteurs chargés de l'instruction de dossiers auprès de la Haute Autorité sont nommés par le président. » Nous souhaitons ajouter un alinéa ainsi rédigé : « Les rapporteurs chargés de l'instruction des dossiers ne peuvent participer au délibéré des recommandations ou décisions qu'ils préparent », car nous considérons que la loi doit être en conformité avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, portant garantie d'un procès équitable.

[...]

Nous faisons référence à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et au droit qu'a chaque citoyen internaute à un procès équitable, et cela nous conduit à l'aspect dissuasif et pédagogique du projet de loi. M. le rapporteur et Mme la ministre traitent avec un peu de légèreté les mails d'avertissement ou les recommandations qui seront envoyés : « Un petit mail pour faire un peu de pédagogie, ce n'est pas grand-chose, messieurs, dames ! »

Or c'est essentiel car, dans notre droit – c'est la raison pour laquelle nous tenons à cette référence à l'article 6 de la Convention –, les décisions au fond doivent exclusivement s'appuyer sur les éléments de preuve sur lesquels les parties ont la possibilité de se faire entendre. Dans le présent texte, les avertissements ou les recommandations relèvent de la catégorie des actes administratifs qui produiront des effets dans la sphère juridique des titulaires d'un accès à Internet.

Le mail d'avertissement étant lui-même une étape qui amène à la sanction future, il devrait donc faire l'objet d'une possibilité de contestation par l'internaute. C'est une des grandes faiblesses de votre projet de loi que de ne pas prévoir une telle procédure. C'est pourquoi nous réclamons le respect des principes d'un procès équitable dès la première étape que constitue le mail d'avertissement. Nous voulons donc que soit inscrite dans la loi la référence à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

[...]

Tout à l'heure, madame la ministre, vous avez semblé lever le pied au sujet des chiffres sur lesquels vous insistiez tant à chacune de vos interventions publiques et de vos auditions devant les commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale, chiffres qui sont gravés dans nos esprits. « Le projet de loi “Création et Internet” », déclariez-vous, « sera calibré au départ » – on imagine ce que ce sera à l'arrivée ! – « pour envoyer 10 000 e-mails d'avertissement, 3 000 lettres recommandées et 1 000 décisions de suspension d'abonnement chaque jour. » C'est sur la base de ces statistiques, et en fonction du nombre d'agents de la HADOPI – puisque nous le savons grâce à Mme Marland-Militello –, que notre collègue M. Tardy a calculé qu'une décision de suspension devrait intervenir, me semble-t-il, toutes les 23,5 secondes.

C'est cela, 25 secondes ; j'étais un peu sévère avec le Gouvernement.

En proposant de supprimer les alinéas 54 à 56 – ou 53 à 56 avec l'amendement précédent –, nous voulons insister sur une question essentielle, dont le projet de loi ne parle pas : que se passera-t-il avant que la HADOPI ne soit saisie ? Cela reste flou, de sorte que les SPRD, les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur et droits voisins, et le CNC, qui sont visés un peu plus loin dans le texte, feront inévitablement appel à des entreprises privées pour traquer les internautes. Curieusement, le projet de loi ne dit rien sur cet aspect, et nous n'avons donc aucune garantie.

Nous avons été plusieurs à vous interpeller sur le sujet, madame la ministre. Que se passera-t-il pour les internautes que vous voulez traquer, et qui verront leur abonnement suspendu après avoir reçu des e-mails d'avertissement ? Comment les entreprises privées opéreront-elles ? Qui les labellisera ? Le texte ouvre la porte à toutes les dérives dans la surveillance de l'Internet.

[...]

On ne peut tout de même pas laisser dire autant de contrevérités. J'ai presque envie de demander à Mme la ministre et à M. le rapporteur d'assumer enfin leur texte et ses conséquences ! En effet, c'est de ce texte dont nous débattons aujourd'hui – et qui, par la volonté de la majorité, sera sans doute la loi demain – que nous essayons de mesurer les conséquences.

M. Paul a évoqué cette fusée à deux étages, et le fait que le projet de loi n'évoque pas – ou si peu – la saisine. Qui saisira la HADOPI des faits répréhensibles visés par le projet de loi ? Il s'agira manifestement de sociétés privées – payées pour cela par les ayants droit.

De même, au second étage de la fusée, vous avez parlé de quelques agents publics dont on ne connaît d'ailleurs pas bien le statut – les « petites mains » de votre propos peu élogieux – et qui seront amenées à gérer – répétons-le, puisque vous avez vous-mêmes donné ces statistiques – 10 000 mails d'avertissement, 3 000 lettres recommandées et 1 000 suspensions par jour.

En ce domaine ô combien sensible, nous ne voulons pas autre chose que le respect d'un certain nombre de principes fondamentaux du droit. Compte tenu du risque considérable d'erreurs – qu'ont démontré Mme Billard, M. Paul et d'autres –qui seront commises sur l'identité des internautes incriminés, permettez au moins que nous disposions de garanties de procédure équitables, que le principe de la présomption d'innocence soit respecté, et que le « contradictoire » soit pris la règle !

C'est pour toutes ces raisons que l'amendement n° 115 vise tout simplement à ce que cette procédure se déroule sous le contrôle d'un juge, conformément aux fondements de notre État de droit. Faut-il rappeler que le Parlement européen a voté à 88 % en faveur d'un amendement n° 138, selon lequel toute interruption de l'accès à Internet – un droit fondamental – ne peut se faire sans décision préalable du juge ?

M. le rapporteur a voulu souligner que les membres de la HADOPI seront des magistrats indépendants : ayez l'honnêteté de ne pas entretenir la confusion. On dit de même que les membres de la Cour des comptes ou du Conseil d'État sont des magistrats indépendants mais, en l'occurrence, il s'agit d'une procédure judiciaire ! Nous ne parlons pas de la composition de la HADOPI, mais des garanties qu'apporte une procédure judiciaire.

C'est pourquoi cet amendement n° 115, parce qu'il fait référence à des éléments essentiels touchant à nos données personnelles, à la protection de notre vie privée et à un certain nombre de libertés individuelles fondamentales, demande des garanties élémentaires.

Nous vous avons démontré – et nous continuerons de le faire tout au long du débat – combien votre projet de loi est bancal, au plan technique d'abord et au plan juridique ensuite. Le nombre d'erreurs est tel que les garanties que nous demandons – qui sont celles de toute procédure judiciaire – s'imposent.

M. Patrick Roy[edit]

Depuis le début de la séance et malgré tous mes efforts, je ne comprends pas quelque chose qui a trait à la forme et non au fond du débat. Je le précise puisque vous insistiez, monsieur le président, pour que nos rappels au règlement portent sur la forme.

Lors de la discussion d'un projet de loi, il existe souvent des oppositions droite-gauche, chacun défendant ses convictions et son point de vue, ce qui est bien normal. Cependant, dans le cas présent, l'opposition a développé beaucoup d'arguments sur le caractère techniquement irréalisable de certaines mesures, et la ministre ne répond pas ; d'ailleurs, elle n'écoute pas. Par conséquent, je m'interroge : sommes-nous en train d'élaborer une loi inapplicable ? Ainsi, j'ai bien compris – et cela n'a pas été démenti – qu'une bonne partie des 10 000 mails maximum qui seront envoyés, ne sera pas reçue par les internautes.

M. Alain Suguenot[edit]

Je partage le point de vue de M. Dionis du Séjour. Si nous voulons que la HADOPI ait une chance de prospérer, nous devons raisonner en termes d'équilibre. Il n'y a de création que s'il y a des auteurs ; et nous sommes conscients de la nécessité de protéger la création et les auteurs. Mais pour exister, la création a besoin de consommateurs de culture ; comme l'aurait souhaité Beaumarchais, c'est l'occasion de l'ouvrir au plus large public, avec une offre légale peut-être plus importante. La moindre des choses, c'est que les consommateurs de culture, notamment les internautes, aient voix au chapitre, et puissent exprimer un avis. L'amendement n° 178 est équilibré dans la mesure où il ne demande la présence que d'un seul représentant des internautes qui sera moins facteur d'opposition que facteur d'équilibre. C'est la raison pour laquelle nous devons le voter.

À mon tour, je tiens à rendre hommage au rapporteur de la commission des affaires économiques qui, très fidèlement, a fait part des propos qui ont été tenus au sein de cette commission.

[...]

Nous sommes au cœur du problème. Certains d'entre nous, sur tous les bancs, s'inquiètent d'un flou artistique qui, compte tenu des rapides avancées technologiques, rendrait inefficace un texte dont les intentions – la lutte contre le piratage et la protection de la création – sont par ailleurs louables. La multiplicité des contrôles paraît en effet invraisemblable, de même que les sanctions prévues. Au surplus, ce que nous avons tous reçu dans nos boîtes à e-mails à l'occasion de ce débat montre qu'il existe de nombreux moyens de contourner les adresses IP ou de mettre en place des systèmes récurrents, de sorte que les vrais coupables resteront impunis.

J'approuve l'idée d'un système d'avertissement qui ne soit pas trop dommageable, et qui permettrait à chacun de s'y retrouver. La question de la sanction, dont nous débattrons plus tard, restera posée ; mais il nous faut répondre à celle de savoir qui fait quoi.

Aux États-Unis, que l'on cite souvent comme étant le premier pays à avoir mis en place la réponse graduée, il était clair dès le départ que le contrôle était assuré par les fournisseurs d'accès et les ayants droit. Ayons donc le courage de le dire. La précision serait utile, car on ne va pas tirer les contractuels d'un chapeau. Ira-t-on chercher des hackers, experts en la matière, lesquels recevraient ainsi la rançon de leurs actes, comme ce fut le cas aux États-Unis avec des systèmes tels que BitTorrent ?

M. Dionis du Séjour a raison : il faut être précis ; faute de quoi, on ne cessera d'intenter à la HADOPI le même procès en sorcellerie, à tout le moins sur la réponse graduée.

[...]

En réponse à une question, madame la ministre, vous avez indiqué tout à l'heure qu'il reviendrait certainement aux ayants droit et aux familles de missionner des intervenants dans ces conditions, puisqu'ils en ont la compétence. Vous avez eu la franchise de nous le dire, et c'est en effet, comme vous l'avez rappelé, ce qui s'est passé dans d'autres pays.

Simplement, l'intervention du juge a lieu à deux niveaux : en amont d'abord, au stade de la recherche des éléments de preuve – y compris des données personnelles, très particulières – et en aval ensuite, dont nous parlerons peut-être plus tard, c'est-à-dire au stade de la sanction.

S'agissant de l'amont, vous savez aussi bien que moi que, dans n'importe quelle procédure, qu'elle soit administrative ou judiciaire, ce sont les éléments de preuve que l'on apporte au départ qui permettent de préciser ce que l'on instruit à charge ou à décharge ; ils revêtent une importance considérable par la suite. Il en va du respect des principes généraux du droit, particulièrement lorsque des sanctions graves sont prises. N'oubliez pas en effet que la loi HADOPI peut être cumulée avec la loi DADVSI et avec les peines de la contrefaçon.

En l'état, personne n'a choisi, una via electa, son mode de saisine d'une juridiction. Or ce dispositif peut aussi bien servir dans le cadre d'une procédure judiciaire sans pour autant offrir les garanties de droit du monde judiciaire, à moins que l'on ne nous dise demain qu'il faut choisir l'une des procédures – ce sera l'objet d'un amendement – et que le choix de la voie administrative ne pourra être cumulé avec celui de la voie judiciaire. C'est un peu comme si, en matière fiscale ou douanière, on pouvait utiliser des éléments de preuve pour une procédure alors même que l'on n'a pas obtenu les garanties nécessaires.

La question de la procédure judiciaire en amont est donc presque plus importante qu'en aval car, par définition, elle risquera de présupposer une décision, qu'elle soit administrative ou judiciaire. Il convient donc d'être très prudent, d'autant que nous avons parlé de secrets et de données personnelles. À mon sens, nous dépassons là le rôle des appareils, des ayants droit ou des fournisseurs d'accès.

M. Christian Paul[edit]

Depuis le début de nos débats, sur des questions importantes, comme, ce soir, la composition de la Haute autorité, les points de vue dépassent les clivages traditionnels. Il y a, d'un côté, ceux qui ont de l'Internet une conception ouverte et qui souhaitent un débat transparent et de l'autre, ceux qui ont une position archaïque.

Vous vous référez sans cesse aux débats qui ont eu lieu en 2007 et en 2008 et qui ont associé un certain nombre d'acteurs des professions concernées, comme si, sur une question aussi essentielle que les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, on pouvait se contenter d'une négociation entre quelques-uns et se dispenser non pas seulement de consulter les autres, mais de les associer à la recherche des nécessaires compromis, équilibres, voire consensus.

Si les accords de l'Élysée avaient permis de dégager un consensus, cela se saurait ! Il ne s'agit que d'un accord interprofessionnel, qu'un certain nombre de signataires, de manière off ou publique, remettent en cause depuis. Entre ceux qui ont le sentiment que les conditions ont changé et qui n'en sont plus totalement solidaires, ceux qui ont le sentiment qu'on les a amenés, le revolver sur la tempe, à signer et ceux qui n'ont pas voulu signer, cela fait tout de même beaucoup de monde. N'oublions pas non plus tous ceux qui n'étaient pas là.

Les grandes lois sur les droits d'auteur, dont certaines – je pense à celle de 1985 – ont été adoptées à l'unanimité sont des lois où tout le monde était autour de la table. La loi sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information n'est pas seulement la codification par le Parlement d'accords interprofessionnels, mais un point d'équilibre entre les artistes, les auteurs, les interprètes, les producteurs et, aujourd'hui, les opérateurs de télécommunications. C'est au prix de cet équilibre, lorsqu'un point de vue très dominant se dégage, qu'il est possible de légiférer au nom de l'intérêt général. Aussi longtemps que vous vous enfermerez dans la défense d'intérêts corporatistes étriqués, nous ne pourrons pas, avec vous, écrire la loi. C'est ce qui vient de se passer avec la discussion des amendements précédents. Pourtant, leur adoption n'aurait pas provoqué de séisme ! Il s'agissait seulement de donner la possibilité à l'un des représentants des associations de consommateurs d'être présent au sien du collègue de la HADOPI et d'introduire un peu de souplesse dans le dispositif : vos certitudes n'auraient pas été remises en cause ! Même cela, vous l'avez refusé, car vous préférez légiférer pour quelques-uns, persistant ainsi, dans une méthode inacceptable.

[...]

Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez en aucun cas faire ici référence à l'article 13 de la Constitution à propos de l'amendement n° 40, car c'est un simple avis que donneront les commissions du Parlement qui seront saisies, sans conséquence. Si vous aviez voulu vous conformer à l'esprit de la révision de la Constitution dont a parlé M. Karoutchi cet après-midi, vous auriez dû prévoir des modalités de nomination un peu plus encadrées, permettant aux commissions de faire réellement valoir leurs points de vue.

Il nous paraît totalement scandaleux, inadmissible, de renvoyer cette désignation au Président de la République, et c'est vraiment un excès de pouvoir qu'on s'apprête à commettre, mais, en plus, vous n'avez même pas le souci de l'encadrer par un appel aux commissions du Parlement dans les conditions prévues par l'article 13 de la Constitution. Vous auriez pu au moins avoir cette cohérence.

[...]

Puisque nous en arrivons aux questions relatives à l'organisation concrète de la HADOPI, je souhaite poser une question à M. Riester sur les rapporteurs, mentionnés à l'alinéa 47, qui épauleront les trois membres de la Haute Autorité chargés de la prise de décision. Il a été dit dans ce débat, sans que cela soit contredit – je suppose donc que tel est l'objectif du Gouvernement –, qu'il pourrait y avoir jusqu'à 1 000 suspensions par jour, ou 1 000 décisions – vous le préciserez.

Combien de rapporteurs pensez-vous donc nécessaires, monsieur le rapporteur, pour que puisse correctement fonctionner cette Haute Autorité chargée de rendre 1 000 décisions par jour ? Votre réponse nous permettra de faire la division afin de savoir combien de dossiers chacun de ces rapporteurs sera chargé d'instruire tous les jours.

Nous voulons bien comprendre, avant le vote de cet amendement, comment tout cela va fonctionner et combien de rapporteurs vont épauler ces courageux magistrats. J'appuie bien sûr pleinement la démonstration que vient de faire notre collègue Patrick Bloche sur les droits de l'homme et le procès équitable.

[...]

C'est toujours très intéressant d'entendre la ministre de la culture employer un langage que l'on croyait vraiment réservé au ministre de l'intérieur ou, au mieux, à celui de la justice. Mais c'est sans doute, dans cette période de répression tous azimuts, une volonté délibérée.

Monsieur Copé, je m'efforce de faire mon travail de législateur, comme d'autres ici, et de comprendre ce que vous voulez nous faire voter. C'est pourquoi je voudrais savoir, madame la ministre, qui sont ces agents assermentés qui vont être détachés auprès de la Haute Autorité : s'agit-il d'agents relevant des sociétés de droits d'auteurs ou de fonctionnaires du ministère de la culture mis à disposition de la Haute Autorité ?

De plus, je souhaite, madame la ministre, que vous éclairiez le législateur sur le sens de la fin de la phrase de l'amendement : « l'accès aux secrets protégés par la loi ». Nous traitons de musique, de culture, de création et, tout à coup, vont faire irruption dans le paysage culturel français des agents susceptibles d'avoir accès à des secrets légalement protégés ! Ma question s'adresse aussi à M. le rapporteur de la commission des lois puisqu'il est un excellent juriste : quels sont ces secrets protégés par la loi auxquels les agents de la HADOPI pourraient accéder ?... Le suspens est insoutenable dans l'hémicycle.

[...]

Nous discutons d'un point clé de ce texte : sa faisabilité. Notre devoir est de réagir à ces contrevérités successives et à cette accumulation de mesures impossibles à appliquer. Nous voyons en effet se dessiner une sorte d'escalade, avec des contre-mesures succédant aux mesures. Bonne chance pour empêcher les spams labellisés « rue de Valois » d'atteindre les boîtes mails des internautes ! La partie promet d'être intéressante.

Pourquoi sommes-nous inquiets, madame la ministre ?

Les raisons ne manquent pas, mais l'une est évidente : le risque de contentieux erronés, car nombre d'adresses IP seront utilisées à l'insu de leur titulaire. Ces situations précédemment évoquées par Mme Billard vont être terribles. Des ordinateurs très facilement infiltrés et baptisés « zombies » existent par centaines de milliers en Europe. Des téléchargements peuvent être effectués à partir de ces ordinateurs, totalement à l'insu de leurs propriétaires. Ce texte n'a pas pris en compte tous ces phénomènes.

Vous allez devoir gérer des milliers de situations dans des familles, des entreprises, des universités, des quartiers, des villages, alors que la technologie va vous échapper totalement. Il ne s'agit pas d'impuissance publique mais d'une réalité du réseau contre laquelle il ne sert à rien de s'insurger sans l'avoir très sérieusement étudiée.

Pour en revenir à l'amendement de Mme Billard, nous ne savons toujours pas qui seront ces agents assermentés, madame la ministre. Des fonctionnaires du ministère de la culture ? Des agents privés salariés des sociétés de droits d'auteur ? Qui sont-ils ? Vous n'arriverez même pas à définir leur nombre, ce qui est inquiétant.

En ces temps de pénurie budgétaire et de suppression de postes dans la fonction publique, monsieur Copé, grâce à la HADOPI vous allez créer des emplois publics, mais nous ne savons pas combien. Je repose donc solennellement cette question à laquelle M. Copé pourra peut-être répondre si Mme Albanel ne le peut pas : Combien d'agents du ministère de la culture et combien d'agents privés assermentés des sociétés de droits d'auteur seront-ils mobilisés pour rejoindre les magistrats de la HADOPI ? Cette question est tout de même légitime ! Comment voulez-vous que ce projet de loi soit discuté par l'opposition et voté par la majorité, si vous ne nous apportez pas quelques infirmations sur des questions aussi élémentaires ?

[...]

Après Mme Billard qui l'a fait précédemment de manière très précise, nous voulons vous inviter à relire très attentivement et à supprimer les alinéas n, os, 54 à 56 de ce texte.

D'abord, madame la ministre, je reviens sur les agents de la Haute autorité. Alors qu'à plusieurs reprises, au cours de la préparation de ce texte, il a été question d'agents assermentés des sociétés de droits, ce soir vous évoquez des fonctionnaires contractuels. Au moment de débattre de la suppression de ces alinéas, j'aimerais que vous ne nous éclairiez sur la nature de cette cohorte de fonctionnaires contractuels ou d'agents des sociétés de droits, destinée aux interceptions électroniques sur le réseau.

Nous souhaiterions également un minimum d'informations – sous une forme pas trop technique, car il n'y a que peu d'informaticiens parmi nous – sur la manière dont les contrôles vont se dérouler. En fait, il s'agit d'écoutes électroniques, des écoutes téléphoniques appliquées à l'Internet. Sur ce réseau mondial, comment allez-vous déployer ces agents assermentés afin de constituer le délit ?

Qui seront ces agents ? Comment vont-ils procéder ? La réponse à ces deux questions nous aiderait à apprécier notre amendement et à décider si nous le maintenons ou pas.

Nous aurions aussi beaucoup de choses à dire sur caractérisation du délit – un point essentiel de ce débat –, et sur les preuves qui doivent l'entourer. Nous avons besoin de comprendre la méthode, en tant que membres du Parlement et comme tout citoyen français. À quel niveau seront recrutés ces agents, des techniciens, je suppose ? Puisqu'ils seront assermentés, le processus sera long et compliqué. Nous aimerions en savoir un peu plus. Comment vont-ils travailler ? Avec quels moyens ? Où seront-ils basés : au SGDN, dans le sous-sol des Invalides ? Nous ne le savons pas et nous voulons le savoir.

[...]

Je crains, madame la ministre, qu'en dépit de vos louables intentions vous n'ayez pas clarifié le débat.

Les personnels de la HADOPI, avez-vous longuement expliqué, seront des agents publics.

En effet, contractuels : il faut bien les précariser un peu, pour ne point choquer Bercy !

Plus sérieusement, madame la ministre, vous nous avez d'abord expliqué que ces agents contractuels opéreraient dans une autorité d'abord composée de magistrats. Puis vous avez rappelé que les sociétés de gestion des droits disposent d'agents assermentés qui ont la possibilité de procéder à des interceptions électroniques.

Mais là où vous vous trompez, c'est que, pour atteindre vos objectifs, à savoir des milliers de détections puis de sanctions, il faudra que les agents desdites sociétés soient beaucoup plus nombreux.

Vous vous apprêtez donc à donner un débouché administratif à une police privée, à défaut de lui donner un débouché judiciaire. Vous voulez mettre en place une véritable Armada, dont je ne suis pas sûr qu'elle soit invincible, puisqu'elle est déjà contournée ; en tout cas, la nature du système est radicalement différente. On commence d'ailleurs à en comprendre l'organisation : une police privée au rez-de-chaussée et, à l'étage, c'est-à-dire au sein de la HADOPI, un nombre indéterminé de fonctionnaires contractuels, lesquels apprécieront d'avoir été qualifiés de « petites mains ». C'est un dispositif ahurissant, d'une lourdeur incroyable et, comme on l'a noté, attentatoire aux droits.

[...]

Pourquoi sommes-nous aussi désireux de voir le juge jouer son rôle dans la procédure ? Je voudrais le dire à M. Copé, avant qu'il ne nous quitte.

Il y a quelques mois, des professeurs de l'université de Washington ont voulu démontrer que l'Internet ne se prêtait en aucune manière au type de détection que vous voulez imposer avec la loi HADOPI. Ils ont testé scientifiquement la façon dont agissent les sociétés de surveillance ; tel est, aux États-Unis, le nom qu'on donne aux agents des sociétés d'auteurs qui tentent d'identifier les téléchargements. Leur expérience a réservé bien des surprises, monsieur Riester, et vous auriez dû les méditer. Cela vous aurait conduit à reconnaître la grande fragilité du dispositif et à conclure qu'il vaudrait mieux faire intervenir le juge.

N'importe quel internaute peut être accusé de piratage ; ce qui, chez nous, lui vaudrait d'être condamné à la coupure. N'importe quel internaute peut même faire accuser n'importe qui de piratage.

Ces scientifiques américains ont réussi à faire confluer des centaines de plaintes, comme celles que vous entendez diffuser, sur treize machines de l'université de Washington qui n'avaient jamais vu la couleur d'un fichier illégal. Parmi ces machines figuraient trois imprimantes et un routeur wifi !

C'est dire, mes chers collègues, qu'on atteint, avec ces propositions, des sommets d'absurdité. On sait ce qui va se passer. Vous allez tenter d'envoyer des dizaines de milliers de mails à des utilisateurs d'Internet qui, pour certains, ne les recevront pas, à des adresses IP qui auront été utilisées de façon aléatoire. Le grand jeu, sur la toile, sera de provoquer l'intervention de l'HADOPI. À votre contrôle automatisé, il sera répondu, préventivement, par des offensives tout aussi automatisées : vous savez bien qu'elles sont déjà en préparation. Nous allons atteindre un degré de confusion qui ne permettra pas à votre texte de fonctionner plus de quelques semaines ou, au mieux, de quelques mois.

Si nous étions cyniques, madame la ministre, nous vous laisserions faire, mais, comme nous sommes porteurs de l'intérêt général, nous préférons vous conseiller de vous arrêter, de regarder ce qu'est l'Internet, au lieu de vous obstiner dans la mauvaise voie où vous ont poussée certains esprits peu avertis.

Voilà pourquoi le juge doit, à un moment donné, reprendre la main. Avez-vous peur des juges ? Avez-vous peur de la justice ?

Il est extraordinaire que vous persistiez dans cette entreprise : c'est un peu comme si vous cherchiez à puiser de l'eau avec un filet à papillons ! Demandez au juge de remettre un peu de bon sens dans cette affaire, et finissez-en avec la robotisation de la justice.

M. Lionel Tardy[edit]

La procédure devant la HADOPI a pour point d'aboutissement la possibilité de prononcer une sanction en vertu de textes répressifs ; nous sommes tous d'accord sur ce point. Le Gouvernement semble considérer que la suspension de l'accès à Internet n'est qu'une sanction administrative. Pour ma part, j'en fais une interprétation différente : j'estime qu'il s'agit d'une sanction devant être prononcée par un juge, à l'issue d'une procédure conforme aux grands principes constitutionnels du respect des droits de la défense et de la contradiction.

Dans ses observations, la Commission européenne avait posé au Gouvernement une question très pertinente : comment justifier le fait qu'un organe administratif – la HADOPI – et non un organe judiciaire, dispose du pouvoir de décider s'il y a violation ou non du droit d'auteur ? J'aimerais connaître votre réponse, madame la ministre, car cela pose problème.

Je vous propose donc un amendement visant à réserver le prononcé des sanctions à un juge judiciaire. Le rôle de la HADOPI serait purement pédagogique. Comme le Gouvernement, dans sa communication, nous indique que le simple envoi d'un message a un effet sur 90 % des pirates, qui arrêtent alors de télécharger illégalement, le nombre de menaces directes de suspension d'abonnement à Internet devrait être limité, et ne poser aucun risque d'engorgement massif des tribunaux, comme vous l'avez indiqué.

Cet amendement permettrait d'atteindre un équilibre entre l'efficacité de la lutte contre le piratage et le respect de nos principes constitutionnels.

[...]

J'estime que les sanctions prononcées par la commission de protection des droits relèveront de la matière pénale, et devrait donc bénéficier des garanties apportées par l'article 6, alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme implique en effet que les sanctions prononçables par la HADOPI relèvent de la matière pénale. En conséquence, l'intégralité des protections accordées par cet article doivent être appliquées tant dans la phase initiale que dans celle du prononcé des sanctions. Or le texte ne prévoit aucun de ces nécessaires garde-fous. Au contraire, dans la mouture sénatoriale, il est expressément prévu que le contrevenant ne sera pas informé des faits précis qui lui sont reprochés, nous y reviendrons plus tard.

Il est également prévu que des contestations ne pourront être élevées qu'à l'appui d'un recours dirigé contre une décision de sanction. Ainsi, l'internaute se verra sanctionner sans savoir ce qui lui est reproché, donc sans avoir pu préparer une éventuelle défense. Il ne pourra commencer à se défendre qu'une fois la sanction effectivement prononcée. Le renversement est incroyable : il ne sera possible de se défendre qu'une fois prise la décision sur la peine, donc, en creux, sur la culpabilité.

Cet état de fait pose avec une acuité encore accrue la question des recours contre la décision prononçant la sanction. L'instauration de ces recours est prévue par voie décrétale. Néanmoins, le caractère suspensif ou non du recours, le délai pour l'effectuer, les délais pour rendre une décision ne sont pas connus pour le moment. Ces détails sont pourtant fondamentaux en ce qu'ils sont la garantie de l'effectivité des droits reconnus par la CEDH.

Enfin, le mécanisme mis en place a pour objet principal de graduer la riposte à l'encontre des internautes qui se livreraient à des actes de téléchargement illicites. Ce faisant, le législateur a également gradué les garanties procédurales applicables à toute la matière pénale. Or prévoir l'application de l'intégralité des garanties conventionnelles est une nécessité pour que la loi HADOPI n'entraîne pas de multiples condamnations de la France par la Commission européenne des droits de l'homme.

Cependant, et j'en termine, monsieur le président, prévoir l'application de ces garanties est en pratique impossible pour que la loi conserve son efficacité. En effet, les estimations gouvernementales indiquent qu'environ 10 000 courriels d'avertissement par jour seraient envoyés par l'HADOPI. Cela n'est envisageable, comme l'a souligné Mme la ministre, qu'avec un formalisme réduit à sa plus simple expression. Or les garanties du justiciable ne pourront pas être assurées avec un formalisme réduit à peau de chagrin. Donc, par essence, appliquer ce mécanisme conduit à refuser de facto l'ensemble des garanties procédurales aux justiciables de l'HADOPI.

M. Jean Dionis du Séjour[edit]

En raison d'un retard de TGV, je n'ai pu être présent au début de nos débats et je n'ai pas pu m'exprimer sur l'adoption par le Parlement européen d'un rapport visant à s'opposer à la coupure d'Internet par les pouvoirs publics ou par une personne privée. C'est fondamental, vous ne pouvez le nier. Je vous en conjure : n'isolez pas la France au plan juridique ! Le groupe centriste met en garde ses collègues de la majorité présidentielle.

Permettez à des parlementaires qui ont été de tous les débats – LCEN, DADVSI, maintenant HADOPI –, de dire qu'avoir toujours légiféré sans inclure les représentants des consommateurs de l'Internet constitue une lacune. Non seulement, il n'est pas scandaleux de vouloir inclure les internautes au sein du collège de la HADOPI, mais cela constituerait un réel progrès.

Pour ma part, contrairement à ma collègue Sandrine Mazetier, j'ai une lecture positive des accords de l'Élysée car, pour la première fois, les représentants de l'industrie culturelle et des télécommunications se sont parlés. Cela étant, ils ne représentent pas l'intérêt général, à savoir les internautes. On ne peut donc nous inciter à voter ce projet de loi au nom des accords de l'Élysée.

Le groupe centriste soutient ces deux amendements, et votera l'amendement n° 178 de M. Gérard, au nom de la commission des affaires économiques.

[...]

Je crains que l'amendement du rapporteur n'aille à l'encontre de l'esprit même du texte. Ce projet de loi est basé sur un choix clair selon lequel le régulateur n'est pas l'État, mais une autorité indépendante. C'est un choix fondamental que l'on peut certes discuter, car L'État aurait pu jouer son rôle de régulateur. Mais il ne l'a pas voulu pour renforcer le caractère indépendant de la Haute autorité par rapport à l'exécutif, mes chers collègues ! Cette indépendance ne doit pas être battue en brèche par la nomination du président par décret ! Il y a une forte contradiction entre cet amendement et l'esprit même du texte qui a voulu mettre en place une autorité indépendante. Le groupe Nouveau Centre ne le votera donc pas.

[...]

Il faut être précis. J'étais en commission des affaires économiques le 17 février pour vous écouter, madame la ministre. Ce jour-là, vous nous avez communiqué des hypothèses de travail très précises, qui figurent au procès verbal de la commission. Je suppose que ces hypothèses vous ont servi pour construire un certain nombre de choses, notamment pour donner des assurances aux ayants droit.

Je vous cite donc : « Nous travaillons actuellement sur les hypothèses suivantes : 10 000 mails par jour, 3 000 lettres avec accusé de réception par jour, 1 000 suspensions par jour. » Nous allons à présent entrer dans le cœur du débat, notamment sur la suspension, et nous n'allons pas arrêter de vous dire : « Ne commettez pas cette faute ! » Il ne faut pas que vous reniez ces chiffres, que vous avez vous-même donnés. Ils ont été étudiés par vos services. Ne les cachez pas, assumez-les !

Vous êtes même allée plus loin, en annonçant que la HADOPI aurait un budget de 6,7 millions d'euros, que le signalement des ayants droit coûterait 2,8 millions d'euros et que les fournisseurs d'accès auraient à payer 2,8 millions d'euros. Vous étiez très précise. Vous avez donc une idée de la manière dont les choses se passeront, et c'est de cela que nous voulons débattre. Il faut entrer dans le débat, sinon nous allons faire de grosses bêtises.

Vous avez dit « mille suspensions par jour »…

Il faut l'assumer en termes d'instruction.

[...]

La détection est l'une des deux parties un peu critiques du projet de loi, l'autre étant la sanction, en l'occurrence la suspension de l'abonnement.

S'agissant de la détection, madame la ministre, il y a tout intérêt à répondre clairement aux points soulevés par l'opposition. Pourquoi ne pas dire clairement que ce sont les ayants droit qui seront chargés de l'identification des adresses IP pirates ?

C'est bien ce qui se passera, nous le savons.

Il faut clarifier notre débat sur ce point.

Quant à l'identification des abonnés, ce sera le travail des FAI, les fournisseurs d'accès à l'Internet : le dispositif est à peu près clair à cet égard.

Au Nouveau Centre, nous soutenons la riposte graduée, même si nous avons des réserves sur les sanctions, à commencer par la suspension de l'abonnement ; en tout état de cause, il faut un volet répressif, nous l'avons toujours dit, et celui qui est proposé nous semble le mieux proportionné.

Cela dit, on peut reconnaître une part de vérité à l'argument de nos collègues socialistes lorsqu'ils parlent d'un système imparfait, lequel sera en effet victime de cryptages ou de contournements. A-t-on mieux à proposer, cependant, sur le volet répressif, pour autant qu'on le juge comme nous nécessaire ? La détection des contrevenants et la sanction proportionnée, assortie de pédagogie, est à nos yeux la meilleure solution aujourd'hui.

Le système de détection est à peu près solide, avec la répartition des rôles entre les ayants droit et le FAI : pourquoi, madame la ministre, laisser planer le brouillard sur ce point ? Bien que ce système soit imparfait et contournable, il est ce que nous avons de mieux en magasin à l'heure actuelle. C'est pourquoi les centristes l'approuvent.

Mme Muriel Marland-Militello[edit]

Dans le texte issu des travaux du Sénat, le mandat des membres du collège et de la commission n'est pas révocable, et il n'est renouvelable que si sa durée n'a pas excédé deux ans.

Nous pensons que six ans, c'est bien, quoi qu'il arrive. La commission s'est donc ralliée à la proposition de Mme Billard et a souhaité que le mandat ne soit ni révocable, ni renouvelable, sans conditions de durée, pour renforcer l'indépendance de la HADOPI.

M. Franck Riester[edit]

La commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements [n° 407 et 178].

Lorsque le Gouvernement désignera les personnalités qualifiées, il aura la possibilité de désigner des internautes, s'il estime que c'est nécessaire. Pourquoi, dans le même temps, limiter le choix du Gouvernement dans la désignation des membres de la HADOPI ?

[...]

Il est évidemment essentiel de prendre en compte la parole des représentants des consommateurs et des internautes et cela a été le cas.

Au sein des trois commissions, nous avons auditionné les représentants des consommateurs et des internautes et nous avons discuté avec eux.

Vous ne pouvez donc pas dire que nous refusons d'inclure les internautes dans la HADOPI.

Nous disons seulement que nous ne voulons pas limiter le choix du président de l'Assemblée nationale, celui du Sénat ou des ministres. Car sinon pourquoi ne pas faire figurer des représentants des fournisseurs d'accès à Internet ou de je ne sais quel groupe d'intérêt ?

Le Président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, ou le Gouvernement pourront nommer des représentants des internautes.

Nous n'avons eu de cesse d'écouter les internautes.

Je rappelle que nos collègues du Sénat ont voté ce projet de loi à l'unanimité.

Catherine Tasca et Robert Badinter, notamment, pour ne citer qu'eux, chers collègues du parti socialiste !

Je ne fais que rappeler l'historique de nos débats.

Les internautes, je le répète, ont, bel et bien, été pris en compte au Sénat comme à l'Assemblée nationale.

[...]

Cet amendement [n° 39] vise à prévoir que deux personnalités qualifiées soient désignées par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, conséquence de l'amendement n° 38.

[...]

Madame Billard, nous ne refusons pas qu'il y ait des représentants des internautes ! Nous laissons simplement ce choix au Gouvernement, au président du Sénat et à celui de l'Assemblée nationale !

Nous devons être précis !

De plus, monsieur Bloche, j'avoue tomber des nues lorsque je vous entends vous opposer à ce que le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent, au sein de la HADOPI, des personnes qualifiées, alors qu'il était prévu, à l'origine, de confier cette responsabilité uniquement au Gouvernement ! C'est une très bonne chose que le Parlement puisse désigner des personnes qualifiées au sein de la HADOPI !

Je ne comprends même pas qu'un représentant de l'Assemblée nationale soit contre cette proposition !

[...]

Cet amendement [n° 40] se situe dans le prolongement du précédent.

Il nous semble essentiel que le Parlement puisse donner un avis sur la nomination du président de la HADOPI. Je vous propose, en conséquence, par cet amendement que le président de la HADOPI, plutôt que d'être élu par ses membres, soit nommé par l'exécutif, après avis des commissions du Parlement compétentes en matière de propriété intellectuelle.

[...]

J'aimerais, dans un souci de clarté, apporter une précision.

Monsieur Bloche, je vous répète que les représentants des internautes ne sont pas exclus des personnes qualifiées. Ils peuvent tout à fait être nommés par le Gouvernement, par le président de l'Assemblée nationale ou par le président du Sénat.

Tant que vous continuerez à tenir des propos qui ne correspondent pas à la réalité, je répéterai la même chose !

Vous avez dit une autre contrevérité, monsieur Bloche, en affirmant que deux personnalités qualifiées supplémentaires figureraient dans le collège de l'HADOPI. C'est faux, puisque nous avons présenté un amendement tendant à limiter à deux les personnes qualifiées nommées par le Gouvernement. Nous maintenons donc bien quatre personnes qualifiées : deux désignées par le Gouvernement et deux par le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat. Le collège sera ainsi composé de neuf membres.

Le président de la HADOPI, comme le précise le texte, sera nommé par l'exécutif parmi trois membres qui sont, soit un membre en activité du Conseil d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État, soit un membre en activité de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation, soit un membre en activité de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes. Ce n'est donc pas directement l'exécutif qui nommera les membres du collège de la HADOPI susceptibles de pouvoir devenir président.

L'exécutif pourra, après avis du Parlement, désigner le président de la HADOPI parmi trois personnes issues de la Cour des comptes, de la Cour de cassation ou du Conseil d'État. C'est notablement différent, puisque la nomination première n'a pas été faite par l'exécutif, monsieur Bloche !

[...]

Les dispositions transitoires relatives à la constitution de la HADOPI n'ont pas à être codifiées dans le code de la propriété intellectuelle. L'amendement [n° 41] supprime donc l'alinéa 26 : nous les transférerons dans le chapitre IV du projet de loi.

[...]

Dans le même esprit qu'un amendement précédent, il n'est pas nécessaire de préciser les dispositions transitoires dans le code de la propriété intellectuelle. Nous avons réécrit ce paragraphe dans le chapitre IV du projet de loi.

[...]

Il faut bien distinguer le collège de la HADOPI, les fameux neuf membres, et la commission de protection des droits, composée de trois magistrats, qui, elle, gère les avertissements et éventuellement les sanctions.

Nous proposons qu'il ne puisse être mis fin aux fonctions de l'un des trois magistrats membres de la commission qu'en cas d'empêchement constaté par les deux autres magistrats et non par les membres du collège. C'est une garantie d'indépendance.

[...]

Défavorable [amendement n° 410]. Il nous semble qu'un délai de trois ans suffit à garantir cette indépendance.

[...]

Nous venons d'adopter, à l'unanimité, je crois, l'amendement n° 46 rectifié, qui satisfait les auteurs de ces amendements. Avis défavorable [à l'amendement n° 247].

[...]

Défavorable [à l'amendement n° 248]. Le principe du procès équitable s'impose en application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des principes généraux du droit. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi, d'autant moins que le dispositif sera précisé par un décret en Conseil d'État explicitant la procédure.

[...]

Il reviendra au responsable de la HADOPI de déterminer ce nombre, en fonction de la montée en puissance de l'Autorité.

Il faut bien que vous compreniez que ce projet de loi a avant tout une vertu pédagogique. Ce qui est essentiel pour nous, c'est l'envoi de mails d'avertissement et de lettres recommandées afin de bien expliquer aux internautes qui téléchargent illégalement que la loi l'interdit et qu'il existe des offres légales qui permettent de consommer des biens culturels sur Internet. C'est sur ce point que nous insisterons.

[...]

Avis défavorable [à l'amendement n° 349]. Madame le député...

Les prérogatives des agents de la HADOPI sont strictement identiques à celles conférées aux agents de la CNIL par la loi de 1978. De plus, je rappelle qu'ils sont assermentés. Les dispositions prévues ne sont pas exorbitantes du droit commun puisqu'elles sont très répandues dans les autorités administratives indépendantes.

[...]

Même avis que pour l'amendement précédent puisqu'il s'agit du même en plus restrictif : il vise à la suppression des alinéas n° 54 à 56, alors que le précédent demandait celle des alinéas n° 53 à 56.

[...]

Avis défavorable [à l'amendement n° 352]]. Les agents de l'HADOPI seront assermentés, ce qui constitue une garantie. Cela se fait dans de nombreuses autorités administratives indépendantes qui ont le pouvoir de sanction.

Je vous rappelle, pour vous rassurer, qu'une personne qui se verra suspendre son accès à Internet pourra former un recours devant le juge judiciaire. Il n'est donc absolument pas nécessaire de voter votre amendement.

[...]

Avis défavorable [à l'amendement n° 350] : nous avons déjà débattu de cet alinéa.

[...]

La commission des droits qui va gérer les sanctions, madame Mazetier, est précisément composée de magistrats indépendants. Ne prétendez donc pas que nous avons peur des magistrats indépendants, puisqu'ils siègeront dans cette commission.

Par ailleurs, vous évoquez le cas de personnes âgées qui se trouveraient sanctionnées. Halte là : nous parlons de personnes qui continuent de pratiquer le téléchargement, récidivistes après plusieurs avertissements ! Si lesdites personnes âgées estiment qu'elles ne commettent aucun téléchargement illégal, elles auront, dès le premier avertissement, les coordonnées de la HADOPI et pourront la contacter afin de lui transmettre leurs observations. Si d'aventure elles reçoivent un deuxième avertissement, elles pourront de nouveau soumettre leurs observations à la HADOPI ; au stade de la sanction éventuelle, elles pourront engager une « transaction », ou une discussion avec la HADOPI.

Non : elles pourront soumettre leurs explications à la HADOPI de manière contradictoire. À l'issue de ces étapes, elles auront la possibilité, le cas échéant, former un recours devant le juge judiciaire, qui pourra être suspensif.

Soyons donc sérieux : nous sommes là pour faire respecter le droit, y compris sur Internet, en misant d'abord sur la prévention et en respectant toutes les procédures contradictoires. Évitons donc les propos caricaturaux qui ne font pas avancer le débat !

M. Jean-Louis Gagnaire[edit]

J'ai cosigné l'amendement n° 178 de la commission des affaires économiques. Il n'est pas fréquent que cette commission fasse preuve d'unanimité dans ses votes.

On peut donc, à juste titre, penser que si l'ensemble des membres de cette commission a souhaité la représentation d'au moins un membre des usagers d'Internet au sein de la Haute autorité, c'est qu'il y avait quelque raison.

On parle beaucoup de la protection des artistes – certes importante –, mais il ne faut pas, pour autant, oublier celle des usagers, quels qu'ils soient. En demandant la présence d'au moins un représentant des internautes, notre amendement ne demande pas l'impossible. Cette demande a, du reste, paru raisonnable à l'ensemble de la commission des affaires économiques qui lui a réservé un accueil favorable.

Je souhaite, madame la ministre, que vous changiez d'avis, car j'ai cru comprendre que des députés sur tous les bancs étaient favorables à cet amendement.

[...]

La Haute Autorité qui verrait son président nommé par décret n'aurait évidemment plus rien d'indépendant. Mon sous-amendement vise donc à pousser jusqu'à l'absurde le raisonnement de M. Riester et propose, par analogie avec la Haute Autorité de l'audiovisuel, que le président soit nommé directement par le Président de la République. Autant dire que je ne prendrai pas le risque, évidemment, de laisser mettre aux voix ce sous-amendement !

Je pense, toutefois, monsieur Riester, que vous n'êtes pas très sérieux, lorsque vous prétendez défendre l'autonomie et l'indépendance de la Haute Autorité tout en proposant la nomination de son président par décret.

Je retire mon sous-amendement [n° 497], monsieur le président.

[...]

Madame la ministre, vous n'appréhendez pas très bien le volume que tout ce dispositif est susceptible de constituer. Autant pour les dispositions applicables à la CNIL, on se base sur quelques centaines d'ordinateurs, autant ici, il s'agit de 1 000 e-mails par jour. En supposant que la moitié des internautes faisant l'objet d'un avertissement soient définitivement déclarés responsables, vous pouvez imaginer le nombre de disques durs que la commission va recevoir ! Cela va peut-être créer beaucoup d'emplois mais, en tout cas, il faudra réquisitionner des entrepôts pour mettre en œuvre ce dispositif. Au passage, je signale que la plupart de nos concitoyens ne savent absolument pas où se trouve le disque dur, et ils risquent de le confondre avec système d'alimentation de l'ordinateur, au prix de quelque danger pour celui qui le démontera.

On a évoqué l'envoi de 1 000 e-mails par jour.

[10 000 !] En effet, mon cher collègue. Un certain nombre de nos concitoyens utilisent des anti-spams, qui filtrent ce type d'e-mails envoyés en masse. Les anti-, sont loin d'être parfaits, et ils bloquent parfois de bons e-mails. Il est donc tout à fait possible que des internautes ne reçoivent jamais les avertissements. Je vous invite d'ailleurs, si votre système est doté d'un anti-spams, à regarder ce qu'il a bloqué parce qu'il supprime parfois des e-mails que vous attendiez, où les envoie dans un fichier que l'on ne retrouve jamais. La procédure de réponse graduée que vous proposez révèle votre ignorance de la manière dont fonctionne réellement un ordinateur. Mais si, mes chers collègues, et je vous invite à aller voir auprès de vos enfants ou de vos petits-enfants comment cela marche. C'est révélateur de l'impossibilité à mettre en œuvre les dispositions inscrites dans ce texte.

En tout cas, la matérialité ne sera jamais avérée puisque les plus aguerris ne téléchargeront pas avec les bonnes adresses IP. Ce stratagème est très facile à mettre en œuvre : avec un I-Phone, vous pouvez télécharger dans n'importe quelle rue de Paris le morceau de musique que vous souhaitez puisque nombre d'internautes ne protègent pas leur Live Box ou leur Free Box. Je peux vous en faire la démonstration quand vous le voulez. Avec votre dispositif, vous allez tomber sur monsieur et madame tout le monde, qui auront manqué de prudence, mais ne sauront même pas ce qu'on leur demande si d'aventure ils reçoivent les e-mails.

[...]

La démonstration de Lionel Tardy est parfaite du point de vue du droit.

Si, elle est parfaite : il fallait l'écouter avec beaucoup d'attention.

Je reviens, madame la ministre, sur vos présupposés.

Vous sous-estimez la portée de la suspension d'Internet pour un certain nombre d'usagers.

Alors qu'il s'agit d'une sanction extrêmement grave vous semblez la passer par pertes et profits comme s'il s'agissait d'une sanction banale. Or elle peut avoir de graves conséquences ; nous l'avons déjà souligné.

Certes, il est grave de télécharger et de spolier des artistes, mais les dispositions du texte, prises d'un point de vue technique, vont servir à attraper les petits poissons qui, souvent, n'y seront pour rien puisque certains de nos concitoyens vont se faire piéger par vos systèmes de sanction automatique. Quant à ceux qui font véritablement de la contrefaçon, ils utiliseront des adresses IP falsifiées ou auront des systèmes de filtrage pour échapper à toute détection.

Par conséquent, seuls M. et Mme Tout-le-monde qui n'auront pas protégé leur réseau Wi-Fi ou ne se seront tout simplement pas méfiés se feront attraper et entreront dans un cycle dont ils ne pourront pas sortir. En effet comment pourront-ils prouver qu'ils n'y sont pour rien ? Ils pourront peut-être aller devant le juge, mais après coup, une fois leur branchement Internet suspendu : ce sera trop tard et cela aura un coût.

Je pense, madame la ministre, que vous exposez l'État à des recours en responsabilité ce qui lui coûtera très cher. Si vous suspendez un branchement Internet parce qu'une imprimante est soupçonnée de télécharger des fichiers illégaux, on va doucement rigoler dans les prétoires !

Mme Martine Billard[edit]

Je suis stupéfaite par les propos que je viens d'entendre. Le ministre de la consommation servirait de filtre. Après les filtres sur Internet, les filtres ministériels ! Il me semble que cela avait déjà été le cas pour les accords dits de l'Élysée, où il n'y avait aucun représentant des internautes. On nous avait dit que ce n'était pas la peine !

On nous explique que, pour la suite, il n'est pas non plus nécessaire qu'il y ait des représentants des utilisateurs des réseaux de communication en ligne, ni de la CNIL, etc.

Si vous vouliez arriver – je n'y crois hélas ! pas trop – à une loi équilibrée et éviter de donner l'impression de ne prendre en compte que les ayants droit, sans vous soucier de ce qui se passe au niveau d'Internet, vous ne continueriez pas à rejeter toute possibilité d'équilibre et la représentation de tous ceux qui sont intéressés à la circulation des œuvres culturelles sur Internet.

Je soutiens l'amendement de nos collègues socialistes et celui du rapporteur de la commission des affaires économiques. C'est un minimum.

Il me semble illusoire, monsieur Riester, de faire confiance, soit au Gouvernement, soit aux présidents de nos assemblées pour faire le choix d'envoyer dans ce collège un des représentants des utilisateurs des réseaux de communication en ligne. Chacun d'eux aura beau jeu de dire que c'est à l'autre de le faire et chacun aura de bonnes raisons d'expliquer qu'il a trouvé un représentant qualifié, bien meilleur, et que l'on peut donc se passer des représentants des utilisateurs d'Internet.

Si vous continuez ainsi à nier la réalité de ces millions d'internautes, vous pourriez avoir un gros problème avec une bonne partie des citoyens de notre pays – la jeunesse, mais pas seulement. N'oubliez pas qu'il y a, au mois de juin, les élections européennes, à l'occasion desquelles vous pourriez rencontrer des problèmes.

[...]

Nous l'avons déjà précisé au début de la discussion de ce texte, mais je le rappelle, monsieur le rapporteur, puisque vous vous obstinez à dire une contrevérité. Lors du vote intervenu sur ce texte au Sénat, les sénateurs Verts et les sénateurs communistes se sont abstenus. Ce projet n'a donc pas été voté à l'unanimité.

Il n'y a certes pas eu de vote contre, mais il vous est très facile, parce que cela vous arrange, de faire comme si personne n'avait émis de réserves sur ce texte au Sénat !

Monsieur le rapporteur, vous avez tout à l'heure dit que si les internautes étaient représentés, les ayants droit devaient l'être aussi. C'est bizarre, mais, je fais, quant à moi, le pari que, parmi toutes les personnalités qualifiées qui seront nommées, il y a de fortes chances que l'on retrouve un représentant des ayants droit.

Ce n'est pas une suspicion, monsieur Geoffroy. Cela ne me choquerait pas. Nous examinons, en effet, un texte relatif à la diffusion et à la protection de la création sur Internet. Donc, qu'il y ait des représentants de la création culturelle, comme des représentants des internautes, me semble effectivement équilibré. Or vous avez refusé que les internautes soient représentés, alors qu'il y a de fortes chances qu'il y ait un représentant des ayants droit. C'est bien ce que je vous reproche !

[...]

Je suis quelque peu étonnée par l'amendement du rapporteur. Il a été décidé, sur sa demande, de donner la personnalité morale à la HADOPI pour garantir son indépendance. Or M. Riester propose, par cet amendement, que le président soit nommé, quand le projet de loi prévoit qu'il est élu. Comme vient de le souligner notre collègue Dionis du Séjour, il y a une incohérence. Si cette autorité est réellement indépendante elle doit élire son président ! Le choix du président entre une personne nommée par le président de la Cour de cassation, d'autres nommées par le président de l'Assemblée nationale, par le président du Sénat et par le Gouvernement présenterait-il le risque de placer un dangereux agitateur à la tête de la Haute Autorité ? Des personnalités sont déjà nommées par des instances et je pense que nous tous, représentants du peuple, avons confiance en elles. En dépit de cela, on nous dit qu'il y a un pouvoir supérieur et que le président de la HADOPI sera nommé. Cela devient grave. Si l'on n'a plus confiance dans les mécanismes de notre République au point de décider que le président de la HADOPI sera nommé par décret, nous marchons sur la tête ! Il serait sage, monsieur le rapporteur, d'en revenir au texte du Gouvernement qui me semble plus équilibré !

[...]

Je suis un peu étonnée par la composition du collège. Voici en effet ce qu'on peut lire dans le rapport de la commission des affaires culturelles :

« Suite à l'adoption d'un amendement de Mme Catherine Morin-Desailly, suivant l'avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, le Sénat a prévu que le président du collège devra être élu par les membres du collège parmi les magistrats, et non plus nommé comme initialement prévu par le projet de loi. »

« Cette élection, actuellement prévue pour le président de l'ARMT, vise à renforcer l'indépendance du collège, on ne peut donc que s'en féliciter. »

Le Gouvernement n'a pas peur de se contredire à quelques mois d'intervalle. Visiblement, le 30 mars, l'indépendance du collège a volé en éclats.

Vous proposez maintenant, monsieur le rapporteur, de supprimer l'alinéa 26. Or vous m'avez répondu tout à l'heure qu'il n'y avait pas de contradiction entre l'alinéa 17 et l'alinéa 26.

Supprimer l'alinéa 26 ne me gêne pas en soi, car sa rédaction me paraît incohérente avec celle de l'alinéa 17, mais, dans la mesure où vous nous demandez un vote aveugle puisque nous n'avons pas le texte qui va le remplacer, je ne voterai pas cet amendement.

[...]

L'alinéa 28 ne pourrait être valide que s'il ne prenait pas effet dès maintenant. Sinon, la durée des mandats pourrait être assez longue dans un premier temps. Il serait bon en tout cas que les mandats des personnalités qualifiées soient renouvelés assez souvent, d'autant que, comme vous avez refusé qu'il y ait des représentants des internautes…

Vous avez refusé de l'inscrire dans la loi, monsieur le rapporteur. Vous dites que ça pourrait ne pas être impossible, mais il n'y a aucune certitude sur le fait que ce soit possible. La probabilité me paraît assez minime mais peut-être que le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le Gouvernement me démontreront dans les semaines à venir que je me suis trompée. Si, grâce à nos débats, il y a un représentant des internautes, je ne pourrai que m'en féliciter.

Comme je suis un petit peu méfiante, parce que votre gouvernement, celui élu depuis 2007 mais aussi celui qui a gouverné le pays de 2002 à 2007 ne nous a pas permis d'avoir confiance, c'est le moins que l'on puisse dire, dans la majorité qui gouverne ce pays depuis 2002…

Ils se posent pas mal de questions actuellement, et j'ai l'impression qu'ils ont de moins en moins confiance en vous.

Nous proposons donc que le mandat ne soit ni révocable ni renouvelable.

[...]

L'amendement [n° 475] dispose que, comme celui des membres du collège, le mandat des membres de la commission de protection des droits n'est ni révocable ni renouvelable.

[...]

L'amendement [n° 349] vise à supprimer les alinéas 53 à 56, qui portent sur les prérogatives de la commission de protection des droits. Cette structure, constituée de trois membres seulement, a des objectifs qui semblent irréalistes : même si un chiffre maximal de 1 000 a maintenant été fixé, ce seront tout de même plusieurs centaines d'avertissements qui devront être envoyés chaque jour. À ce sujet, j'ai une question très précise à vous poser, madame la ministre : le premier mail d'avertissement sera-t-il envoyé par les fournisseurs d'accès Internet ou par la commission de protection des droits ? Ce n'est absolument pas la même chose. Or, pour le moment, nous n'en savons rien.

Par ailleurs, je rappelle que, jusqu'à maintenant, les données des internautes ne pouvaient être obtenues que sur réquisition judiciaire. Dorénavant, une autorité administrative, la commission de protection des droits, pourra aussi les transmettre. Dans le projet de loi, vous précisez, à l'alinéa 53, que ses membres « procèdent à l'examen des faits et constatent la matérialité des manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3 [du code de la propriété intellectuelle] ». Au passage, je signale que cet article rend obligatoire le logiciel de sécurisation des ordinateurs alors que personne n'est en mesure, à ce jour, de promettre la réalisation d'un tel logiciel. Comment cette commission procèdera-t-elle à l'examen des faits et constatera-t-elle la matérialité des manquements ? Vous nous avez dit que les internautes contestant sa décision pourront lui faire parvenir leur disque dur, mais nous en avons déjà discuté, et une telle éventualité semble impossible en pratique.

En effet, lorsque l'internaute dispose d'une Live Box, l'adresse IP est celle de la Live Box et non celle de l'ordinateur. Dès lors, s'il y a quatre ou cinq ordinateurs derrière la Live Box, quel sera le disque dur que devront faire parvenir à la commission les internautes de bonne foi ? De plus, s'ils n'utilisent pas un ordinateur mais un système Live CD, comment feront-ils ? Je pourrais encore citer beaucoup d'autres exemples de ce genre. Ensuite, comment la commission pourra-t-elle prouver qu'elle a bien reçu le bon disque dur, celui sur lequel l'internaute est soupçonné d'avoir procédé à un téléchargement abusif, et non un autre ? Cet alinéa 53 qui porte sur la matérialité des manquements apparaît donc quelque peu ubuesque.

Quant à l'alinéa 54, il précise que les membres de la commission peuvent « obtenir tous documents, quel qu'en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques ». Or c'est en contradiction avec la LCEN – la loi pour la confiance dans l'économie numérique. J'y reviendrai.

Cet amendement propose la suppression d'un certain nombre de dispositions précisant les missions de la commission de protection des droits parce que ces dispositions ne correspondent à aucune réalité concrète et n'ont aucune possibilité pratique d'être mises en œuvre.

Avant de sombrer dans l'absurdité, il serait temps de s'arrêter.

[...]

Madame la ministre, je remarque que vous n'avez pas répondu à ma question, donc je la repose : qui va envoyer le premier mail d'avertissement ? les fournisseurs d'accès Internet ou la commission de protection des droits ?

Cette réponse ne veut rien dire puisque la HADOPI recouvre à la fois un collège et la commission de protection des droits ! On a besoin d'une réponse précise.

S'agissant des spams, je pourrais vous montrer de ces courriers non sollicités que nous recevons alors que le réseau de l'Assemblée nationale est ultra-protégé. Les services de l'Assemblée entretiennent très bien ce réseau mais, malgré cela, eux-mêmes ne parviennent pas à faire obstacle à l'ensemble des spams. Dès lors, prétendre que les internautes pourront sécuriser leur poste de travail me paraît irréaliste.

De plus, même les fournisseurs d'accès reconnaissent qu'un tiers des ordinateurs sont infectés par des virus, ces logiciels dits trojan qui viennent s'installer à votre insu sur votre disque dur. Ils peuvent ensuite lui faire effectuer des tâches qui, le plus souvent, sont malheureusement des escroqueries.

S'agissant des messages d'avertissement, madame la ministre, figurez-vous que de petits marrants – si j'ose dire – commencent déjà à envoyer des mails ainsi rédigés : « Votre adresse IP a été relevée comme ayant procédé à un téléchargement illégal. Veuillez cliquer sur le lien suivant. » Pour l'instant, ces mails présentent les défauts d'être en anglais et d'arriver avant le vote de la loi. Néanmoins cela montre que certains ont pris les devants. Quand la loi sera votée et que les petits astucieux auront traduit les messages en français, que se passera-t-il si vous cliquez sur le lien en pensant que le message vient de la HADOPI ? Vous arrivez sur un site totalement pirate. Et alors comment prouvez-vous votre bonne foi ? Si cela existe déjà en anglais, on peut imaginer que la version française ne va tarder à circuler.

[...]

La réponse n'est pas très précise, madame la ministre. D'ailleurs, la HADOPI n'a pas du tout les mêmes besoins en nombre de techniciens que la CNIL ou l'AMF.

En outre, vous expliquez que la Haute autorité enverra un mail et que vous ne voyez pas où est le problème. Si telle était la réalité, les internautes qui essaient de consulter leur compte en banque ne se feraient pas avoir comme cela leur arrive parfois. Malheureusement, il existe des experts en informatique capables de simuler des envois de mails officiels, par exemple. Nous risquons donc de voir apparaître des simulations de mails de la HADOPI.

La lettre recommandée soulève un autre problème : vous pouvez avoir une connexion chez un fournisseur d'accès à Internet, mais utiliser une boîte mail d'un autre fournisseur.

Ces internautes ne recevront jamais le message envoyé par leur fournisseur d'Internet.

Alors, ils n'auront pas reçu le premier message, et ils auront peu de temps pour apporter la preuve de leur bonne foi.

[...]

Madame la ministre, vous dites que les sociétés d'auteurs repèrent déjà les adresses IP. C'est bien le problème ! Ces sociétés collectent les adresses IP d'internautes censés télécharger abusivement des œuvres que les ayants droit n'ont pas mises à leur libre disposition, mais elles ne vont pas vérifier que les adresses IP communiquées par le serveur, ou tracker, correspondent bien à des personnes téléchargeant illégalement des œuvres par le biais du P2P. Elles ne vont pas vérifier que ces œuvres sont stockées sur le disque dur d'un ordinateur et qu'il y a donc bien un délit.

À l'heure actuelle, quand ces sociétés constatent un téléchargement sporadique, elles renoncent à engager des poursuites : la justice coûte cher, et le jeu n'en vaut la chandelle que lorsqu'elles ont repéré quelqu'un qui profite du système, en revendant, par exemple, les œuvres téléchargées, ce qui est absolument inadmissible.

Avec votre système, ces sociétés vont transmettre toutes les adresses IP qu'elles auront collectées, sans avoir vérifié qu'elles correspondent à des ordinateurs contenant des œuvres téléchargées abusivement. La commission demandera donc aux FAI de communiquer l'identité des titulaires des adresses IP. Nous vous avons expliqué trente-six fois que cela ne prouvait rien.

Lors de votre audition en commission, madame la ministre, vous aviez dit que « l'usager sera en mesure d'établir sa bonne foi pendant la phase contractuelle s'il peut prouver, par exemple, qu'il n'était pas chez lui au moment des faits ». On ne voit pas très bien le rapport : d'une part, on peut télécharger de n'importe où, c'est le propre d'Internet ; d'autre part, on peut être chez soi et ne pas être responsable du téléchargement, car la connexion peut avoir été piratée. Votre argument paraît donc un peu bizarre.

Nous avons déjà eu ce débat à propos d'un jugement rendu par le tribunal de Guingamp, qui a estimé qu'un internaute ne pouvait être considéré responsable de l'incrimination qui lui était faite par le seul biais de son adresse IP. Peu importe, nous avez-vous expliqué : la Cour de cassation fait jurisprudence.

En effet : cela n'a rien à voir.

Dans ce cas précis, il est prouvé que l'internaute incriminé n'était pas coupable : les faits se sont produits dans sa résidence secondaire, à un moment où il ne s'y trouvait pas. N'étant pas là au moment des faits, il a pu – cas rare – prouver qu'il ne pouvait pas être jugé responsable sur le seul fondement de son adresse IP. La Cour de cassation n'a rien à voir là-dedans.

D'alinéa en alinéa, madame la ministre, vous ajoutez des dispositifs dont il est aisé de prouver qu'ils ne tiennent pas la route. C'est pourquoi mon amendement propose de supprimer l'alinéa en question.

[...]

J'évoquerai le même sujet et, comme l'ont souligné précédemment nos collègues, notamment M. Suguenot et M. Tardy, il est d'importance puisqu'il s'agit de la transmission des données personnelles. Celle-ci pourra en effet être dorénavant effectuée sans contrôle de l'autorité judiciaire, ce qui pose, selon nous, un grave problème.

En outre, l'alinéa 56 ouvre la possibilité d'obtenir les données personnelles de l'abonné « dont l'accès à des services de communication au public en ligne a été utilisé à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'œuvres ou d'objets protégés sans l'autorisation des titulaires des droits ». Je croyais qu'il s'agissait seulement de réprimer le téléchargement abusif ; en réalité, l'objectif visé par l'alinéa 56 est bien plus large.

Aux États-Unis, Google s'est inquiété des accusations infondées dont certains internautes faisaient l'objet ; l'on a observé que 57 % des demandes de retrait de contenus concernaient des contenus d'entreprises concurrentes de celles, peu scrupuleuses, qui cherchaient à les faire disparaître – c'est un aspect dont nous n'avons pas encore discuté jusqu'à présent – et que 37 % des demandes de retrait de contrefaçons n'étaient pas valides. Madame la ministre, nous risquons de nous retrouver dans une situation similaire en France : or 37 % des demandes de retrait non valides, cela représente plus d'un tiers des demandes, ce qui est énorme !

Par ailleurs, vous avez dit tout à l'heure que, pour faire face au risque de cryptage des transferts de fichiers non conformes aux desiderata des ayants droit, on pourrait mettre en place des contre-logiciels. J'ai voulu savoir ce qu'étaient des contre-logiciels. L'ingénieur réseau que j'ai interrogé était un peu surpris et m'a expliqué que, dans les affaires de terrorisme – car il s'agit là de l'extension d'une disposition prévue au départ par la loi antiterroriste –, lorsqu'il faut casser un cryptage d'échanges de données, cela prend des heures, des jours, voire des semaines. Dans ce cas, on n'installe pas un contre-logiciel, mais, à la suite d'une réquisition judiciaire, on demande à des spécialistes de tenter de cracker le cryptage.

Madame la ministre, les contre-logiciels me semblent être une invention laissant à penser que l'on a trouvé la solution, celle-ci consistant à installer sur son ordinateur un logiciel de sécurisation ou des contre-logiciels de je ne sais quoi. De fait, tout cela n'existe pas, sauf dans l'imagination des membres de votre cabinet !

M. Bernard Gérard[edit]

L'amendement n° 178 se situe en quelque sorte dans le droit fil de l'amendement n° 407, bien qu'il y ait une nuance importante.

L'amendement n° 407 propose de désigner deux représentants qualifiés des utilisateurs sur quatre, ce qui nous paraît tout à fait excessif.

En revanche, la commission des affaires économiques a adopté un amendement prévoyant qu'« au moins un représentant des utilisateurs de réseaux de communication en ligne » soit représenté. Nous considérons qu'il n'est pas choquant qu'un internaute siège dans ce collège.

En ma qualité de rapporteur, je soutiens cette proposition.

[...]

Cet amendement [n° 179], adopté par la commission des affaires économiques, tend à renforcer les garanties d'impartialité des membres de la HADOPI en leur faisant obligation de prévenir tout conflit d'intérêt au moment de leur désignation.

M. Jean-Pierre Brard[edit]

Notre débat est irréel. Certaines avancées technologiques ouvrent des espaces de liberté, notamment pour les jeunes. Depuis hier, avec le président Accoyer, nous recevons des collègues du Bundestag. Ce midi, monsieur le président, nous leur avons expliqué ce que le Gouvernement entend faire avec l'Internet.

[Et ils ne vous ont pas cru !] Tout à fait ! Les Allemands sont des gens organisés : les règles, ils connaissent.

Les progrès de la technologie, madame la ministre, vous font peur et vous tétanisent.

Pour les transports, on va sans doute revenir à la chaise à porteurs et à la marine à voile ! Et, pour l'éclairage, à la lampe à huile !

Il faut au contraire avoir confiance, madame la ministre. Or vous préférez un système en dehors de la justice, ou plutôt, un système qui constitue une justice d'exception, car vous n'avez pas confiance en la justice. Toutes ces hautes autorités, qui visent à museler le droit d'expression, témoignent, elles aussi, de la dérive autoritaire du régime.

Je vais vous donner la preuve, monsieur Geoffroy, que vous voulez nous faire revenir à la préhistoire.

Ce sont les échanges avec nos collègues du Bundestag qui sont stimulants !

Permettez-moi donc de vous lire un article de la revue Science & Vie de mai 1980.

En effet, pour les jeunes, c'est déjà la préhistoire. Et qu'écrivait-on, en cette période préhistorique ?

« En 1978, lorsque la firme Sony annonça aux États-Unis qu'elle allait commercialiser son magnétoscope Betamax, deux des plus grosses firmes de cinéma, Universal et Walt Disney Productions, contre-attaquèrent aussitôt et déposèrent plainte, demandant que Sony cesse la fabrication et la distribution de son appareil, ou le modifie de façon qu'il ne puisse enregistrer des films protégés par les lois sur les droits de reproduction. »

Vous êtes, aujourd'hui, dans la même situation. Est-ce que Walt Disney ou Universal ont fait faillite ? Bien sûr que non ! Leurs préventions ont été balayées par les évolutions de la technologie. Des espaces de liberté se sont ouverts, et c'est ce que vous refusez aujourd'hui.

Nous, nous ne nous inscrivons pas dans une logique répressive. Notre collègue Jean Dionis du Séjour se bat avec courage, mais toujours dans la demi-mesure, ce qui est normal pour un centriste.

M. Dionis du Séjour, la mort dans l'âme, s'inscrit donc néanmoins dans une logique répressive, contrairement à nous.

Dans un certain sens, madame la ministre, défendre cet amendement [n° 352], c'est une façon de vous aider à éviter la censure du Conseil constitutionnel.

En permettant à l'HADOPI de demander l'identification des personnes utilisant une adresse IP collectée par les sociétés d'auteurs en dehors de toute intervention de l'autorité judiciaire, le projet de loi est en effet contraire à la décision du Conseil constitutionnel. Notre amendement propose de combler l'une des béances juridiques de votre projet en renonçant à la procédure d'exception et en réintroduisant l'autorité judiciaire dans le dispositif.

[...]

Je constate que ni le rapporteur, M. Riester, ni la ministre, Mme Albanel, n'ont répondu à propos des exemples pourtant très convaincants que j'ai évoqués et qui prouvaient que la majorité est hors du temps et des évolutions.

Sans doute M. Riester a-t-il des circonstances atténuantes : à l'époque dont je parlais, il était en culottes courtes et je peux comprendre qu'il n'ait pas l'épaisseur de l'histoire pour adopter une position plus raisonnable. En revanche, vous, madame la ministre, vous pouviez être épaulée par vos services.

Ne voyez aucune malice dans ce propos !

Vous appelez la CNIL à la rescousse, madame la ministre, mais vous n'en voulez pas dans la loi HADOPI !

Vous dites que l'on pourra avoir recours au juge, mais ce sera après qu'on aura été injustement harcelé, après qu'on aura vu, dans certains cas, son ordinateur perquisitionné. Vous savez bien que tout cela est possible. Imaginez ce que vivra une personne démunie, ignorante des pratiques. Avoir recours au juge, cela coûte de l'argent. Cette façon de grignoter les libertés n'est pas supportable ; vous refusez pourtant cet amendement modeste, de compromis.

Il faut donc chercher, derrière tout cela, votre véritable intention. Votre objectif n'est pas de protéger les créateurs ou les artistes, sinon vous interviendriez pour que les majors les exploitent moins et leur restituent une plus grande part de ce qu'ils touchent. Mais, cela, vous ne voulez pas en entendre parler. Vous roulez donc pour le compte des majors et vous habillez votre discours pour dissimuler votre objectif principal, sous l'œil vigilant de M. Copé.

Mme Françoise de Panafieu[edit]

Je veux revenir sur la question de la sanction. Il faut se souvenir que nous partons d'un système qui est d'une extrême violence : aujourd'hui, si on est pris en train de pirater, il n'y a que la voie judiciaire. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'en l'état actuel, il y a une disproportion totale entre la faute commise et la sanction, qui place dans une situation sans issue celle ou celui qui a piraté. Nous sommes donc en train d'établir un système qui sera, lui, progressif : un mail, puis une lettre avec accusé de réception, et ensuite, éventuellement, une suspension. Mais comme pour la suspension du permis de conduire, il est évident que le but n'est pas de suspendre tout le monde. La possibilité de suspendre constitue une force de dissuasion dont on se servira avec parcimonie. Et moins on aura à s'en servir, plus cela prouvera son efficacité. La ministre n'a jamais dit que cette sanction tomberait comme un couperet. Il est évident que nous ne nous situons pas du tout dans un tel schéma.

Deuxième séance 30 03 2009 - Première séance 31 03 2009