Lettre Budget HADOPI

De La Quadrature du Net
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Mesdames et Messieurs les membres de commissions des finances du Parlement,

Je tenais à attirer votre attention sur le projet de budget du ministère de la Culture, précisémment sur le budget prévu pour assurer le fonctionnement de la nouvelle autorité administrative indépendante qui doit être adopté par le projet de loi Création et Internet : l'HADOPI. La ministre de la culture a annoncé souhaité que l'examen de ce projet débute au Sénat à la mi-novembre.

Cette autorité administrative indépendante aurait pour mission de prévenir et réprimer les défauts de sécurisation des accès internet que ses agents constateraient suite à des dénonciations effectués par des organismes de défense professionnelle luttant contre la contrefaçon.

L'objectif annoncé est de tarir l'échange d'oeuvres sans autorisation sur internet par l'envoi massif de messages electroniques d'avertissement aux abonnés dont l'accès est utilisé pour partager de la musique et des film. C'est la phase préventive. Elle est couplée à une phase répressive consistant à déconnecter les internautes qui ne prendrait pas les mesures nécessaires pour faire cesser cette utilisation illégale de leur accès.

Concrètement, le volume annoncé est de 10 000 messages par jour. Les internautes qui au bout de deux messages n'auraient pas pris les mesures nécessaires recevront une lettre recommandée leur annonçant que sans modification de leur comportement, ils seront déconnectés d'internet.

Le ministère a budgété 6.7 millions d'euros pour le fonctionnement de l'HADOPI. Mais comme le souligne le dossier de presse associé au projet de budget, le ministère a omis d'intégrer les frais d'identification des abonnés que l'État devra rembourser aux fournisseurs d'accès chaque fois que l'HADOPI souhaitera envoyer un message électronique ou une lettre recommandée.

Ce remboursement est pourtant dû car comme le Conseil Constitutionnel l'a souligné dans une décision du décembre 2000, les opérateurs privés n'ont pas à prendre à leur charge les missions relevant du maintien de l'ordre public. Le projet de loi Création et Internet prévoit d'ailleurs dans son article que «»

Suite à la polémique que cet oubli a engendré, le ministère a annoncé vouloir passer une convention avec les fournisseurs d'accès. Il serait pourtant normal que le coût réel de l'HADOPI soit connu des parlementaires et du contribuable lors de l'examen du projet de loi de finances et que donc le montant des frais engendrés pour les fournisseurs d'accès soit intégré. Il pourrait en effet représenter deux à trois fois le coût budgété en fonction du montant facturé par réquisition.

Actuellement, chaque réquisition est facturé entre 0.65 et 13 euros en fonction du format d'entrée, du format de sortie, du volume et des informations demandées. De plus, les FAI ne traitent qu'un faible volume de réquisition en provenance exclusive des autorités judiciaires, volume incomparable avec les 10 000 requêtes administratives par jour annoncées. Il est donc vraisemblable que pour répondre à un tel volume de demandes sans faire exploser les finances publiques, les fournisseurs d'accès doivent mettre en place des procédures et des infrastructures dédiées à la communication avec l'HADOPI. L'ARCEP a également signaler que ces opérateurs allaient également devoir prendre certaines dispositions pour éviter de couper l'accès aux services d'urgence lorsqu'ils couperont l'accès internet, ce qui en l'état de leurs infrastructures n'est pas garanti.

À ce jour, à notre connaissance, personne n'a étudié ces coûts fixes (infrastructures) et variables (requêtes) qui pourrait pourtant être très importants. C'est d'autant plus nécessaire que la légalité même du projet Création et Internet est remise régulièrement en cause.

Encore tout récemment, le Parlement Européen a rappelé lors du vote du Paquet Télécom que seule l'autorité judiciaire pouvait restreindre l'exercice de la liberté de communication publique en ligne des utilisateurs d'internet quand la sécurité publique n'est pas menacée. La proportionnalité des traitements de données personnelles nécessaires au fonctionnement de l'HADOPI est également contestée, tant par la CNIL française que par la CNIL européenne. Ce sont en effet des centaines de milliers, voir des millions, d'individus qui vont être fichés sur la base de relevés d'infractions pénales réalisés par des sociétés privées mais servant de base à une sanction administrative.

Il existe donc un risque évident de voir se projet tomber à la première question préjudicielle à la CJCE ou à plus long terme à la CEDH. Si cela se produisait, les investissements consentis pour de nouvelles infrastructures permettant d'éviter des coûts variables trop élevés seraient perdus.

Nous vous demandons donc de procéder à un examen attentif et croisé du projet de budget du ministère de la Culture et du projet de loi Création et Internet pour soit budgéter le coût réel de l'HADOPI pour que le budget soit sincère et le contribuable informé, soit vous opposer au financement de cette usine à gaz si, comme nous, vous estimez que le coût et les risques sont incomparables par rapport aux bénéfices que l'on peut en attendre.

En vous remerciant de votre vigilance, veuillez agréer, Mesdames, Messieurs les membres des commissions de finances du Parlement, notre considération respectueuse,