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(Patrice Martin-Lalande - (00:00:25))
(===Alain Suguenot - Preuve IP / Rémunération des créateurs (00:17:20)===)
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===Patrice Martin-Lalande - Suspension Internet impossible / Inégalité territoriale (00:00:25)===
 
===Patrice Martin-Lalande - Suspension Internet impossible / Inégalité territoriale (00:00:25)===
 
* M. Patrice Martin-Lalande, ''(discussion générale)''.<br/>"Monsieur le président, madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, si l’on peut se réjouir de la promulgation de la loi du 12 juin 2009 et de la loi complémentaire discutée aujourd’hui, qui va dans le bon sens sur plusieurs points, il n’en faudra pas moins dépasser très rapidement ces deux textes de circonstance destinés à juguler l’inquiétante hémorragie de financement de la création.<br/>La loi du 12 juin 2009 va enfin permettre de mettre en place un dispositif pédagogique de prévention contre le téléchargement illégal et favoriser le nécessaire développement de l’offre légale.<br/>Quant à la loi complémentaire, elle présente l’avantage de réintroduire le juge dans le prononcé de la sanction et d’exclure les communications privées du champ des communications électroniques pouvant faire l’objet d’une surveillance.<br/>Malheureusement, quelques points faibles demeurent.<br/>'''Ainsi, l’Institut national pour la recherche en informatique et automatique – INRIA – a expliqué, lors de son audition par le groupe d’études sur l’internet, qu’il serait impossible de suspendre ou de restreindre l’accès à internet, et ce pour trois raisons.<br/>Tout d’abord, les internautes pourraient a priori contourner l’interdiction par le cryptage systématique des contenus – même si la nécessité de détenir des clés limite l’usage du cryptage pour les échanges de masse –, ou par la récupération de ces contenus dans des lieux publics physiques – bornes wifi, cybercafés, etc. – ou virtuels qui seraient anonymisés.<br/>Ils pourraient aussi, a posteriori, contourner la décision de suspension en utilisant d’autres points d’accès ou en utilisant des machines piratées à l’insu de leur propriétaire.<br/>Ensuite, la suspension de l’accès à titre vraiment individuel à l’internet suppose un dispositif de contrôle individuel des identités électroniques, dont les conséquences du point de vue des libertés fondamentales dépasseraient largement le contexte de la protection des œuvres artistiques.<br/>Enfin, la restriction d’accès à l’internet ne serait efficace qu’à condition de prendre les mêmes mesures sur le plan international. Il devient urgent de faire avancer une régulation mondiale de l’internet. Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce domaine ?'''<br/>Je vous rappelle par ailleurs, madame la ministre d’État, qu’il est techniquement impossible de suspendre l’internet sur certains points du territoire, car l’on suspendrait du même coup l’accès à la télévision ou au téléphone sur IP. Allez-vous appliquer, au cas où elle serait retenue, cette sanction sur le reste du territoire ? '''L’inégalité face aux possibilités technologiques peut-elle justifier l’inégalité face aux sanctions, selon que l’on se trouve dans une zone dégroupée ou non ?'''<br/>S’il faut attendre la résolution de ce problème technologique, pendant combien de temps la sanction par la suspension sera-t-elle inapplicable ?<br/>Pour toutes ces raisons, et celles que j’ai développées en mars dernier, je regrette à nouveau que l’amende ne remplace pas systématiquement la suspension.<br/>J’étais déjà intervenu, en effet, pour faire reconnaître le droit d’accès à l’internet, pour faire sanctionner le téléchargement illégal par l’amende plutôt que par la suspension, pour que soit défini un nouveau modèle de financement de la création culturelle à l’ère numérique.<br/>Je suis heureux que ces préoccupations fondamentales aient été validées.<br/>En effet, '''le Conseil constitutionnel, dans sa décision de principe du 10 juin dernier, a proclamé le droit de se connecter à l’internet, protégeant ainsi la liberté du citoyen récepteur d’informations et celle du citoyen émetteur d’informations.'''<br/>J’ai par ailleurs noté avec beaucoup d’intérêt que notre nouveau ministre de la culture et de la communication s’était engagé, en commission et ce matin en séance, à définir un nouveau modèle de financement. Dans cet état d’esprit, j’ai proposé un amendement pour que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an ou un peu plus, un rapport sur l’état d’avancement d’une telle définition.<br/>J’espère que nos travaux permettront d’améliorer ce projet de loi, que je voterai d’autant plus facilement qu’il sera un simple texte de sauvegarde, rapidement remplacé par un modèle durable de financement de la création sur l’internet."
 
* M. Patrice Martin-Lalande, ''(discussion générale)''.<br/>"Monsieur le président, madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, si l’on peut se réjouir de la promulgation de la loi du 12 juin 2009 et de la loi complémentaire discutée aujourd’hui, qui va dans le bon sens sur plusieurs points, il n’en faudra pas moins dépasser très rapidement ces deux textes de circonstance destinés à juguler l’inquiétante hémorragie de financement de la création.<br/>La loi du 12 juin 2009 va enfin permettre de mettre en place un dispositif pédagogique de prévention contre le téléchargement illégal et favoriser le nécessaire développement de l’offre légale.<br/>Quant à la loi complémentaire, elle présente l’avantage de réintroduire le juge dans le prononcé de la sanction et d’exclure les communications privées du champ des communications électroniques pouvant faire l’objet d’une surveillance.<br/>Malheureusement, quelques points faibles demeurent.<br/>'''Ainsi, l’Institut national pour la recherche en informatique et automatique – INRIA – a expliqué, lors de son audition par le groupe d’études sur l’internet, qu’il serait impossible de suspendre ou de restreindre l’accès à internet, et ce pour trois raisons.<br/>Tout d’abord, les internautes pourraient a priori contourner l’interdiction par le cryptage systématique des contenus – même si la nécessité de détenir des clés limite l’usage du cryptage pour les échanges de masse –, ou par la récupération de ces contenus dans des lieux publics physiques – bornes wifi, cybercafés, etc. – ou virtuels qui seraient anonymisés.<br/>Ils pourraient aussi, a posteriori, contourner la décision de suspension en utilisant d’autres points d’accès ou en utilisant des machines piratées à l’insu de leur propriétaire.<br/>Ensuite, la suspension de l’accès à titre vraiment individuel à l’internet suppose un dispositif de contrôle individuel des identités électroniques, dont les conséquences du point de vue des libertés fondamentales dépasseraient largement le contexte de la protection des œuvres artistiques.<br/>Enfin, la restriction d’accès à l’internet ne serait efficace qu’à condition de prendre les mêmes mesures sur le plan international. Il devient urgent de faire avancer une régulation mondiale de l’internet. Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce domaine ?'''<br/>Je vous rappelle par ailleurs, madame la ministre d’État, qu’il est techniquement impossible de suspendre l’internet sur certains points du territoire, car l’on suspendrait du même coup l’accès à la télévision ou au téléphone sur IP. Allez-vous appliquer, au cas où elle serait retenue, cette sanction sur le reste du territoire ? '''L’inégalité face aux possibilités technologiques peut-elle justifier l’inégalité face aux sanctions, selon que l’on se trouve dans une zone dégroupée ou non ?'''<br/>S’il faut attendre la résolution de ce problème technologique, pendant combien de temps la sanction par la suspension sera-t-elle inapplicable ?<br/>Pour toutes ces raisons, et celles que j’ai développées en mars dernier, je regrette à nouveau que l’amende ne remplace pas systématiquement la suspension.<br/>J’étais déjà intervenu, en effet, pour faire reconnaître le droit d’accès à l’internet, pour faire sanctionner le téléchargement illégal par l’amende plutôt que par la suspension, pour que soit défini un nouveau modèle de financement de la création culturelle à l’ère numérique.<br/>Je suis heureux que ces préoccupations fondamentales aient été validées.<br/>En effet, '''le Conseil constitutionnel, dans sa décision de principe du 10 juin dernier, a proclamé le droit de se connecter à l’internet, protégeant ainsi la liberté du citoyen récepteur d’informations et celle du citoyen émetteur d’informations.'''<br/>J’ai par ailleurs noté avec beaucoup d’intérêt que notre nouveau ministre de la culture et de la communication s’était engagé, en commission et ce matin en séance, à définir un nouveau modèle de financement. Dans cet état d’esprit, j’ai proposé un amendement pour que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an ou un peu plus, un rapport sur l’état d’avancement d’une telle définition.<br/>J’espère que nos travaux permettront d’améliorer ce projet de loi, que je voterai d’autant plus facilement qu’il sera un simple texte de sauvegarde, rapidement remplacé par un modèle durable de financement de la création sur l’internet."
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===Alain Suguenot - Preuve IP / Rémunération des créateurs (00:17:20)===
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* M. Alain Suguenot, ''(discussion générale)''.<br/>"Monsieur le président, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voilà de nouveau réunis pour le feuilleton HADOPI.<br/>Il ne faudrait pas, madame le ministre d’État, monsieur le ministre, que par la volonté farouche de sanctionner, on parvienne à l’effet inverse de celui qui est recherché et qui doit être, à mon sens, de responsabiliser l’internaute dans le cadre du respect des libertés individuelles.<br/>'''Le cœur de la loi HADOPI a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a considéré que l’accès à internet était une des conditions indispensables à l’exercice de la liberté énoncée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Tout citoyen peut parler, écrire et imprimer librement ». Seul un juge peut décider d’une coupure de l’accès à internet : ceux qui ne le croyaient pas lors de HADOPI 1 en ont été pour leurs frais.<br/>Le Conseil constitutionnel a également rappelé que le principe de la présomption d’innocence interdit au législateur de renverser la charge de la preuve en obligeant l’abonné à prouver qu’il n’est pas coupable. Cette décision est fondatrice, car elle orientera durablement notre droit : c’est en s’appuyant sur elle que nous devons élaborer une nouvelle solution établissant un équilibre entre la liberté des internautes et la légitime protection des droits d’auteur.'''<br/>Cette exigence est nécessaire – nous en sommes convaincus – et urgente. Certains de mes collègues de la majorité et moi-même n’avons eu de cesse de prévenir vos prédécesseurs des risques juridiques que comportait la première version. Nos interventions multiples et nos amendements avaient alors constitué autant de mises en garde contre les risques d’inconstitutionnalité du texte. Du reste, certains de ces amendements sont repris dans le présent projet de loi. Nous avions vu juste.<br/>Ne vous y trompez pas, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, nous ne souhaitons qu’une seule chose, c’est que ce nouveau texte corrige le premier et soit applicable. Il n’a toutefois pas l’air d’en prendre le chemin !<br/>Tout le système du premier texte reposait sur des sanctions de masse. Or l’introduction du judiciaire a vidé le texte de cette dérive contraire à notre principe de personnalisation des peines.<br/>Il faut donc aller aujourd’hui dans la direction qu’a suggérée le Conseil constitutionnel et ne pas chercher à contourner sa décision.<br/>Certains de mes collègues de la majorité et moi-même présentons des amendements qui recevront, je l’espère, votre approbation, car si le projet de loi est de nouveau retoqué par le Conseil, cela signifiera que le Parlement légifère mal, et sans doute trop.<br/>Personne dans la majorité ne souhaite cela, et c’est pourquoi il faut corriger certaines des dispositions du texte, encore trop imparfait.<br/>'''La plus grave difficulté du projet actuel réside dans la preuve. La seule adresse IP, que les agents assermentés rechercheront pour identifier les personnes susceptibles de voir leurs abonnements suspendus, n’est pas suffisante pour établir de manière probante qu’une infraction est constituée.<br/>L’internaute ordinaire ne sait pas et ne pourra pas totalement protéger l’accès à son adresse IP. Condamner un internaute dans ces conditions revient à créer le délit non intentionnel de défaut de protection, ce qui est inimaginable au regard des règles traditionnelles de notre droit. Cela correspondrait à un « délit de ne pas faire », qui serait une grande première.<br/>La présomption de culpabilité demeure dans le texte et il faut absolument s’en défaire en l’inversant, pour respecter le principe souverain de la présomption d’innocence.'''<br/>Cela dit, nous devons nous projeter dès aujourd’hui dans l’après-HADOPI et travailler à une solution d’avenir. Je m’adresse au nouveau ministre de la culture, espérant qu’il sera très attentif aux propositions qui sont faites par les uns et par les autres.<br/>'''Je pense qu’il aurait été, du reste, plus opportun d’inverser la démarche et de commencer par le chantier de la rémunération des créateurs, du financement des entreprises culturelles et du développement des offres légales – l’aventure « DADVSI » ayant dû, pour une fois, servir de leçon.'''<br/>Tracer les fondations de l’avenir passe déjà par le respect de la volonté des artistes du choix de la commercialisation de leurs œuvres et par la commercialisation forfaitaire, par abonnement ou licences collectives, car dans un monde d’échange numérique permanent les biens immatériels ne peuvent être commercialisés selon les paradigmes traditionnels. Ils sont duplicables à l’infini, sans perte de qualité et pour un coût quasi nul, et leur consommation est « non rivale ».<br/>Les pistes les plus pérennes passent également par le financement publicitaire, la protection par le contrat et un marché dynamisé par des prix compétitifs. Enfin, les systèmes de mesure d’audience sur le net doivent être développés, la rémunération des artistes se faisant alors en fonction du succès réel de leurs œuvres, ce qui ne serait que justice.<br/>Le Parlement et sa majorité s’honoreraient ainsi de se prévaloir du caractère fondateur de la décision des sages pour réorienter efficacement la loi HADOPI et travailler à la conception de modèles économiques novateurs, où artistes et internautes joueront enfin, de concert, la même partition, qui, je l’espère, ne sera pas celle du Titanic.<br/>Je vous demande, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, de chercher avec nous les éléments d’un consensus au lieu d’entamer la litanie des Papes – « HADOPI 1, Pie II, Pie III, Pie XII : pourquoi pas « Libellule ou Papillon » ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et NC.)"
  
 
== [[JeanPierreBrard|Jean-Pierre Brard]] ==
 
== [[JeanPierreBrard|Jean-Pierre Brard]] ==

Version du 2 septembre 2009 à 18:21

Patrice Martin-Lalande - Suspension Internet impossible / Inégalité territoriale (00:00:25)

  • M. Patrice Martin-Lalande, (discussion générale).
    "Monsieur le président, madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, si l’on peut se réjouir de la promulgation de la loi du 12 juin 2009 et de la loi complémentaire discutée aujourd’hui, qui va dans le bon sens sur plusieurs points, il n’en faudra pas moins dépasser très rapidement ces deux textes de circonstance destinés à juguler l’inquiétante hémorragie de financement de la création.
    La loi du 12 juin 2009 va enfin permettre de mettre en place un dispositif pédagogique de prévention contre le téléchargement illégal et favoriser le nécessaire développement de l’offre légale.
    Quant à la loi complémentaire, elle présente l’avantage de réintroduire le juge dans le prononcé de la sanction et d’exclure les communications privées du champ des communications électroniques pouvant faire l’objet d’une surveillance.
    Malheureusement, quelques points faibles demeurent.
    Ainsi, l’Institut national pour la recherche en informatique et automatique – INRIA – a expliqué, lors de son audition par le groupe d’études sur l’internet, qu’il serait impossible de suspendre ou de restreindre l’accès à internet, et ce pour trois raisons.
    Tout d’abord, les internautes pourraient a priori contourner l’interdiction par le cryptage systématique des contenus – même si la nécessité de détenir des clés limite l’usage du cryptage pour les échanges de masse –, ou par la récupération de ces contenus dans des lieux publics physiques – bornes wifi, cybercafés, etc. – ou virtuels qui seraient anonymisés.
    Ils pourraient aussi, a posteriori, contourner la décision de suspension en utilisant d’autres points d’accès ou en utilisant des machines piratées à l’insu de leur propriétaire.
    Ensuite, la suspension de l’accès à titre vraiment individuel à l’internet suppose un dispositif de contrôle individuel des identités électroniques, dont les conséquences du point de vue des libertés fondamentales dépasseraient largement le contexte de la protection des œuvres artistiques.
    Enfin, la restriction d’accès à l’internet ne serait efficace qu’à condition de prendre les mêmes mesures sur le plan international. Il devient urgent de faire avancer une régulation mondiale de l’internet. Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce domaine ?

    Je vous rappelle par ailleurs, madame la ministre d’État, qu’il est techniquement impossible de suspendre l’internet sur certains points du territoire, car l’on suspendrait du même coup l’accès à la télévision ou au téléphone sur IP. Allez-vous appliquer, au cas où elle serait retenue, cette sanction sur le reste du territoire ? L’inégalité face aux possibilités technologiques peut-elle justifier l’inégalité face aux sanctions, selon que l’on se trouve dans une zone dégroupée ou non ?
    S’il faut attendre la résolution de ce problème technologique, pendant combien de temps la sanction par la suspension sera-t-elle inapplicable ?
    Pour toutes ces raisons, et celles que j’ai développées en mars dernier, je regrette à nouveau que l’amende ne remplace pas systématiquement la suspension.
    J’étais déjà intervenu, en effet, pour faire reconnaître le droit d’accès à l’internet, pour faire sanctionner le téléchargement illégal par l’amende plutôt que par la suspension, pour que soit défini un nouveau modèle de financement de la création culturelle à l’ère numérique.
    Je suis heureux que ces préoccupations fondamentales aient été validées.
    En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision de principe du 10 juin dernier, a proclamé le droit de se connecter à l’internet, protégeant ainsi la liberté du citoyen récepteur d’informations et celle du citoyen émetteur d’informations.
    J’ai par ailleurs noté avec beaucoup d’intérêt que notre nouveau ministre de la culture et de la communication s’était engagé, en commission et ce matin en séance, à définir un nouveau modèle de financement. Dans cet état d’esprit, j’ai proposé un amendement pour que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an ou un peu plus, un rapport sur l’état d’avancement d’une telle définition.
    J’espère que nos travaux permettront d’améliorer ce projet de loi, que je voterai d’autant plus facilement qu’il sera un simple texte de sauvegarde, rapidement remplacé par un modèle durable de financement de la création sur l’internet."

Alain Suguenot - Preuve IP / Rémunération des créateurs (00:17:20)

  • M. Alain Suguenot, (discussion générale).
    "Monsieur le président, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voilà de nouveau réunis pour le feuilleton HADOPI.
    Il ne faudrait pas, madame le ministre d’État, monsieur le ministre, que par la volonté farouche de sanctionner, on parvienne à l’effet inverse de celui qui est recherché et qui doit être, à mon sens, de responsabiliser l’internaute dans le cadre du respect des libertés individuelles.
    Le cœur de la loi HADOPI a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a considéré que l’accès à internet était une des conditions indispensables à l’exercice de la liberté énoncée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Tout citoyen peut parler, écrire et imprimer librement ». Seul un juge peut décider d’une coupure de l’accès à internet : ceux qui ne le croyaient pas lors de HADOPI 1 en ont été pour leurs frais.
    Le Conseil constitutionnel a également rappelé que le principe de la présomption d’innocence interdit au législateur de renverser la charge de la preuve en obligeant l’abonné à prouver qu’il n’est pas coupable. Cette décision est fondatrice, car elle orientera durablement notre droit : c’est en s’appuyant sur elle que nous devons élaborer une nouvelle solution établissant un équilibre entre la liberté des internautes et la légitime protection des droits d’auteur.

    Cette exigence est nécessaire – nous en sommes convaincus – et urgente. Certains de mes collègues de la majorité et moi-même n’avons eu de cesse de prévenir vos prédécesseurs des risques juridiques que comportait la première version. Nos interventions multiples et nos amendements avaient alors constitué autant de mises en garde contre les risques d’inconstitutionnalité du texte. Du reste, certains de ces amendements sont repris dans le présent projet de loi. Nous avions vu juste.
    Ne vous y trompez pas, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, nous ne souhaitons qu’une seule chose, c’est que ce nouveau texte corrige le premier et soit applicable. Il n’a toutefois pas l’air d’en prendre le chemin !
    Tout le système du premier texte reposait sur des sanctions de masse. Or l’introduction du judiciaire a vidé le texte de cette dérive contraire à notre principe de personnalisation des peines.
    Il faut donc aller aujourd’hui dans la direction qu’a suggérée le Conseil constitutionnel et ne pas chercher à contourner sa décision.
    Certains de mes collègues de la majorité et moi-même présentons des amendements qui recevront, je l’espère, votre approbation, car si le projet de loi est de nouveau retoqué par le Conseil, cela signifiera que le Parlement légifère mal, et sans doute trop.
    Personne dans la majorité ne souhaite cela, et c’est pourquoi il faut corriger certaines des dispositions du texte, encore trop imparfait.
    La plus grave difficulté du projet actuel réside dans la preuve. La seule adresse IP, que les agents assermentés rechercheront pour identifier les personnes susceptibles de voir leurs abonnements suspendus, n’est pas suffisante pour établir de manière probante qu’une infraction est constituée.
    L’internaute ordinaire ne sait pas et ne pourra pas totalement protéger l’accès à son adresse IP. Condamner un internaute dans ces conditions revient à créer le délit non intentionnel de défaut de protection, ce qui est inimaginable au regard des règles traditionnelles de notre droit. Cela correspondrait à un « délit de ne pas faire », qui serait une grande première.
    La présomption de culpabilité demeure dans le texte et il faut absolument s’en défaire en l’inversant, pour respecter le principe souverain de la présomption d’innocence.

    Cela dit, nous devons nous projeter dès aujourd’hui dans l’après-HADOPI et travailler à une solution d’avenir. Je m’adresse au nouveau ministre de la culture, espérant qu’il sera très attentif aux propositions qui sont faites par les uns et par les autres.
    Je pense qu’il aurait été, du reste, plus opportun d’inverser la démarche et de commencer par le chantier de la rémunération des créateurs, du financement des entreprises culturelles et du développement des offres légales – l’aventure « DADVSI » ayant dû, pour une fois, servir de leçon.
    Tracer les fondations de l’avenir passe déjà par le respect de la volonté des artistes du choix de la commercialisation de leurs œuvres et par la commercialisation forfaitaire, par abonnement ou licences collectives, car dans un monde d’échange numérique permanent les biens immatériels ne peuvent être commercialisés selon les paradigmes traditionnels. Ils sont duplicables à l’infini, sans perte de qualité et pour un coût quasi nul, et leur consommation est « non rivale ».
    Les pistes les plus pérennes passent également par le financement publicitaire, la protection par le contrat et un marché dynamisé par des prix compétitifs. Enfin, les systèmes de mesure d’audience sur le net doivent être développés, la rémunération des artistes se faisant alors en fonction du succès réel de leurs œuvres, ce qui ne serait que justice.
    Le Parlement et sa majorité s’honoreraient ainsi de se prévaloir du caractère fondateur de la décision des sages pour réorienter efficacement la loi HADOPI et travailler à la conception de modèles économiques novateurs, où artistes et internautes joueront enfin, de concert, la même partition, qui, je l’espère, ne sera pas celle du Titanic.
    Je vous demande, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, de chercher avec nous les éléments d’un consensus au lieu d’entamer la litanie des Papes – « HADOPI 1, Pie II, Pie III, Pie XII : pourquoi pas « Libellule ou Papillon » ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et NC.)"

Jean-Pierre Brard

Humour

  • "Comme d’habitude, monsieur le président, l’article 58-1, à moins que vous ne les ayez renumérotés avec le nouveau règlement."
  • "Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. C’est dire la faiblesse des arguments du Gouvernement. Mais nous l’avions compris. Mme Alliot-Marie, ce matin, nous a dit : « Je ne bougerai pas. » En l’entendant, me sont venues à l’esprit les falaises d’Étretat. Si vous regardez les falaises d’Étretat, madame la ministre, que voyez-vous ? Que la mer en a eu raison, puisque dans la falaise, il y a un trou, qui donne d’ailleurs cet arc magnifique."
  • "Mme Alliot-Marie nous a chanté tout à l’heure les mérites du volet répressif, oubliant simplement la censure du Conseil constitutionnel. Mme Albanel avait les mêmes certitudes, qui ont été bien vite désarticulées par les sages du Conseil – et nous n’avons qu’à nous louer de la rectitude de Jean-Louis Debré, de Jacques Chirac, de Valéry Giscard d’Estaing, gardiens du temple républicain, ils sont bien meilleurs là où ils sont maintenant, que là où ils furent dans le passé !"
  • "Philippe Gosselin : Il n’y a donc aucune atteinte à la liberté d’expression ou au droit d’amendement, et nous allons devoir vous écouter, ou plutôt vous supporter encore longuement.
    Jean-Pierre Brard : Vous n’êtes pas obligé d’être député !"
  • "Jean-Louis Gagnaire : Monsieur le ministre, nous constatons depuis ce matin que votre engagement en leur faveur commence à faiblir puisque vous vous alignez systématiquement sur le rapporteur, lequel, certes, a de l’entraînement, avec 60 heures de débats derrière lui.
    Jean-Pierre Brard : Et un échec !
    Franck Riester : Merci, monsieur Brard !
    Jean-Pierre Brard : C’est comme ça qu’on apprend."
  • "Je voudrais attirer l’attention de M. le ministre sur plusieurs points. Il a un « collaborateur-souffleur »[1] qui était déjà celui de Mme Albanel ; on sait comment cela s’est terminé ! (Sourires.) Monsieur le ministre, je dis cela pour votre bien."
  • "Monsieur le rapporteur, vous fûtes bref. Quant à vous, monsieur le ministre, vous fûtes inexact."

Critiques

  • "Monsieur le ministre, ce que vous venez de dire est fort éloquent : on n’aurait donc pas le droit de valoriser l’accès à ce qui est libre et gratuit ? Voilà qui revient à favoriser ce qui n’est ni libre, ni gratuit."

Aurélie Filippetti

Critiques

  • "450 000 films téléchargés par jour en France. D’où vient ce chiffre étonnant, de quelle expertise indépendante, fondée sur quelle méthodologie ? Où sont les études qui le confirment ? La seule étude contrôlable sur le téléchargement illégal dont nous ayons connaissance a été menée à Paris XI. Elle indique que les internautes qui téléchargent le plus sont également ceux qui achètent le plus de CD et de DVD."
  • "Ainsi, la baisse de la vente de CD ne serait liée qu’au téléchargement illégal et n’aurait rien à voir avec la baisse du pouvoir d’achat des Français ou avec la pollution apportée par les MTP, qui vont jusqu’à empêcher la copie privée."
  • "Comme l’a montré l’association La Quadrature du Net, la pétition portée par la SACEM, qui recueillait en avril un peu plus de 9 000 signatures, a été réalisée sans qu’aucun contrôle de la réalité des signataires soit effectué. La moitié des prétendus signataires contactés par l’association ne confirment pas leur signature. Des ombres ont ainsi pu signer cette pétition dans laquelle on retrouverait les noms de Gilbert Montagné, Nicolas Sirkis ou Marc Cerrone, qui ont publiquement contesté leurs signatures ou pris position contre la loi HADOPI."

Didier Mathus

Critiques

  • "L’exemple des DRM devrait vous faire réfléchir. La tentation d’ériger une ligne Maginot technologique contre cette belle utopie sociale de la révolution numérique est d’ores et déjà vouée à l’échec. Autant construire des digues de sable pour contenir la marée montante ! On pourrait même en sourire tant cette démarche traduit – comme votre discours de ce matin – une incompréhension radicale de l’ère numérique."

Notes

  1. NdR : Olivier Henrard

Sources

Compte-rendu intégral de l'Assemblée nationale
April (vidéo de la discussion générale)
April (vidéo de la discussion avant l'article 1er)