Lettre Budget HADOPI : Différence entre versions

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Mesdames et Messieurs les membres de commissions des finances du Parlement,
 
Mesdames et Messieurs les membres de commissions des finances du Parlement,
  
Je tenais à attirer votre attention sur le projet de budget du ministère de la Culture, précisémment sur le budget prévu pour assurer le fonctionnement de la nouvelle autorité administrative indépendante  qui doit être adopté par le projet de loi Création et Internet : l'HADOPI. La ministre de la culture a annoncé souhaité que l'examen de ce projet débute au Sénat à la mi-novembre.
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Je tenais à attirer votre attention sur le projet de budget du ministère de la Culture, précisémment sur le budget prévu pour assurer le fonctionnement de la nouvelle autorité administrative indépendante  qui doit être créée par le projet de loi Création et Internet : l'HADOPI. La ministre de la culture a annoncé souhaité que l'examen de ce projet débute au Sénat à la mi-novembre, juste après donc l'examen du projet de loi de finances.
  
Cette autorité administrative indépendante aurait pour mission de prévenir et réprimer les défauts de sécurisation des accès internet que ses agents constateraient suite à des dénonciations effectués par des organismes privés de défense professionnelle luttant contre la contrefaçon.  
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Cette autorité administrative indépendante aurait pour mission de prévenir et réprimer les défauts de sécurisation des accès internet que ses agents constateraient, suite à des dénonciations effectués par des organismes privés de défense professionnelle luttant contre la contrefaçon en balayant internet à grande échelle à la recherche d'infractions pénales.  
  
L'objectif annoncé est de tarir l'échange d'oeuvres sans autorisation sur internet par l'envoi massif de messages electroniques d'avertissement aux abonnés dont l'accès est utilisé d'après les organismes privés pour partager de la musique et des film. C'est la phase préventive. Elle est couplée à une phase répressive consistant à déconnecter les internautes qui ne prendrait pas les mesures nécessaires pour faire cesser cette utilisation de leur accès.
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L'objectif annoncé est de tarir l'échange d'oeuvres sans autorisation sur internet par l'envoi massif de messages electroniques d'avertissement aux abonnés dont l'accès est utilisé pour partager de la musique et des film. C'est la phase préventive. Elle est couplée à une phase répressive consistant à déconnecter les internautes qui ne prendrait pas les mesures nécessaires pour faire cesser cette utilisation de leur accès.
  
Concrètement, le volume annoncé est de 10 000 messages par jour. Les internautes qui au bout de deux messages n'auraient pas pris les mesures nécessaires recevront une lettre recommandée leur annonçant que sans modification de leur comportement, ils seront déconnectés d'internet.
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Concrètement, le volume annoncé est de 10 000 messages par jour. Les internautes qui au bout de deux messages n'auraient pas pris les mesures nécessaires recevront une lettre recommandée leur annonçant que sans modification de leur comportement, ils seront déconnectés d'internet.Puis ce sera la déconnexion.
  
Le ministère a budgété 6.7 millions d'euros pour le fonctionnement de l'HADOPI. Mais comme le souligne le dossier de presse associé au projet de budget, le ministère a omis d'intégrer les frais d'identification des abonnés que l'État devra rembourser aux fournisseurs d'accès chaque fois que l'HADOPI souhaitera envoyer un message électronique ou une lettre recommandée.  
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Le ministère a budgété 6.7 millions d'euros pour le fonctionnement de l'HADOPI. Mais comme le souligne le dossier de presse associé au projet de budget, le ministère a omis d'intégrer les frais d'identification des abonnés que l'État devra rembourser aux fournisseurs d'accès chaque fois que l'HADOPI souhaitera envoyer un message électronique ou une lettre recommandée.Le ministère pensait qu'ils "seraient pris en charge par la FAI"
  
Ce remboursement est pourtant car comme le Conseil Constitutionnel l'a souligné dans une décision du décembre 2000, les opérateurs privés n'ont pas à prendre à leur charge les missions relevant du maintien de l'ordre public. Le projet de loi Création et Internet prévoit d'ailleurs dans son article que «»
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Or ce remboursement est dû. Comme le Conseil Constitutionnel l'a souligné dans une décision du décembre 2000, les opérateurs privés n'ont pas à prendre à leur charge les missions relevant du maintien de l'ordre public. Le projet de loi Création et Internet prévoit d'ailleurs dans son article que «»
  
Suite à la polémique que cet oubli a engendré, le ministère a annoncé vouloir passer une convention avec les fournisseurs d'accès. Il serait pourtant normal que le coût réel de l'HADOPI soit connu des parlementaires et du contribuable lors de l'examen du projet de loi de finances, et que donc le montant des frais que remboursera l'État aux fournisseurs d'accès soit intégré. Il pourrait en effet représenter deux à trois fois le coût budgété en fonction du montant facturé par réquisition.  
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Suite à la polémique que cet oubli a engendré, le ministère annonce aujourd'hui vouloir passer une convention avec les fournisseurs d'accès. Il serait pourtant normal que le coût réel de l'HADOPI soit connu des parlementaires et du contribuable avant le vote du projet de loi de finances, pour que le montant des frais que remboursera l'État aux fournisseurs d'accès soit intégré au budget 2009. Ce montant pourrait en effet représenter deux à trois fois le coût budgété en fonction du remboursement par réquisition.  
  
Actuellement, chaque réquisition est facturé entre 0.65 et 13 euros en fonction du format, du volume et des informations demandés. Les fournisseurs d'accès ne traitent qu'un faible volume de réquisitions sur demande exclusive des autorités judiciaires ou de l'autorité  administrative chargée de la prévention du terrorisme. Ce volume incomparable avec les 10 000 requêtes administratives par jour annoncées pour l'HADOPI.  Il est donc vraisemblable que pour répondre à une telle demande, sans faire exploser les finances publiques, les fournisseurs d'accès doivent mettre en place des procédures et des infrastructures dédiées à la communication avec l'HADOPI.
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Actuellement, chaque réquisition est facturé entre 0.65 et 13 euros par les opérateurs en fonction du format, du volume et des informations demandés. Les fournisseurs d'accès ne traitent de plus qu'un faible volume de réquisitions sur demande exclusive des autorités judiciaires ou de l'autorité  administrative chargée de la prévention du terrorisme. Ce volume de quelques centaines par mois est incomparable avec les 10 000 requêtes administratives par jour annoncées pour l'HADOPI.  
L'ARCEP a aussi signalé que les opérateurs allaient devoir prendre certaines dispositions pour éviter de couper l'accès aux services d'urgence lorsque, à la demande de l'HADOPI, ils couperont l'accès internet. En l'état des infrastructures, cette distinction n'est pas garantie mais elle est obligatoire, les fournisseurs d'accès ayant obligation de maintenir les services d'urgence.
 
  
À ce jour pourtant, personne n'a étudié ces coûts fixes (adaptation des infrastructures) et variables (coût des requêtes) qui pourrait être très importants comme déjà souligné. C'est d'autant plus nécessaire que la légalité même du projet Création et Internet est remise régulièrement en cause.
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Il est donc vraisemblable que pour répondre à une telle demande, sans faire exploser les finances publiques, les fournisseurs d'accès doivent mettre en place des procédures et des infrastructures dédiées à la communication ave l'HADOPI.L'ARCEP a aussi signalé que les opérateurs allaient devoir prendre certaines dispositions pour éviter de couper l'accès aux services d'urgence lorsque, à la demande de l'HADOPI, ils couperont l'accès internet. En l'état des infrastructures, cette distinction n'est pas garantie mais elle est obligatoire, les fournisseurs d'accès ayant obligation de maintenir les services d'urgence sous peine de sanctions pénales.
  
Encore tout récemment, lors du vote du Paquet Télécom, le Parlement Européen a rappelé que seule l'autorité judiciaire pouvait restreindre l'exercice de la liberté de communication publique en ligne des utilisateurs d'internet quand la sécurité publique n'est pas menacée. Cette position rejoint celle du Conseil Constitutionnel qui a toujours estimé qu'une autorité administrative ne pouvait réprimer les citoyens et n'intervenir qu'à titre préventif pour des raisons exceptionnelles (terrorisme).
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L'étude de ces coûts fixes (adaptation des infrastructures) et variables (coût des requêtes) est pourtant d'autant plus nécessaire que la légalité même du projet Création et Internet est remise régulièrement en cause.
  
La proportionnalité des traitements de données personnelles nécessaires au fonctionnement de l'HADOPI est aussi contestée, tant par la CNIL française que par la CNIL européenne. Des centaines de milliers, voir des millions, d'individus vont en effet être fichés par une autorité administrative sur la base de relevés d'infractions pénales réalisés par des sociétés privées.  
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Encore tout récemment, lors du vote du Paquet Télécom, le Parlement Européen a rappelé que seule l'autorité judiciaire pouvait restreindre l'exercice de la liberté de communication publique en ligne des utilisateurs d'internet quand la sécurité publique n'est pas menacée. Cette position rejoint celle du Conseil Constitutionnel qui a toujours estimé qu'une autorité administrative ne pouvait pas réprimer les citoyens et ne pouvait par ailleurs intervenir à titre préventif que pour des raisons de prévention des atteintes aux personnes.
  
Il existe donc un risque évident de voir se projet tomber à la première question préjudicielle à la CJCE, ou à plus long terme à la CEDH. Si cela se produisait, les investissements consentis pour de nouvelles infrastructures permettant d'éviter des coûts variables trop élevés seraient perdus.
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La proportionnalité des traitements de données personnelles nécessaires au fonctionnement de l'HADOPI est aussi contestée, tant par la CNIL française que par la CNIL européenne. Des centaines de milliers, voir des millions, d'individus vont en effet être fichés par une autorité administrative sur la base de relevés d'infractions pénales réalisés par des sociétés privées et ce uniquement pour empêcher des atteintes au droit d'auteur.
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Il existe donc un risque évident de voir se projet tomber à la première question préjudicielle à la CJCE, ou à plus long terme à la CEDH. Si cela se produisait, les investissements consentis pour de nouvelles infrastructures permettant d'éviter des coûts variables trop élevés seraient alors perdus.
  
 
Nous vous demandons donc de procéder à un examen attentif et croisé du projet de budget du ministère de la Culture et du projet de loi Création et Internet pour :
 
Nous vous demandons donc de procéder à un examen attentif et croisé du projet de budget du ministère de la Culture et du projet de loi Création et Internet pour :
1)soit inscrire le coût réel de l'HADOPI à partir des estimations fournis par le ministère afin que le budget soit sincère et le contribuable correctement informé de vos arbitrages ;
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2)soit vous opposer au financement de cette usine à gaz liberticide, si vous estimez comme nous que le coût et les risques sont  trop importants par rapport aux bénéfices que l'on peut en attendre (et qui eux n'ont plus n'ont jamais été mesurés).
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1) soit inscrire le coût réel de l'HADOPI à partir des estimations fournies par le ministère afin que le budget soit sincère et le contribuable correctement informé des arbitrages de ses élus ;
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2) soit vous opposer au financement de l'HADOPI si vous estimez, comme nous, que le coût et les risques sont  trop importants par rapport aux bénéfices que l'on peut en attendre (et qui eux non plus n'ont jamais été mesurés).
  
 
En vous remerciant de votre vigilance, veuillez agréer, Mesdames, Messieurs les membres des commissions de finances du Parlement, l'expression de notre respectueuse considération,
 
En vous remerciant de votre vigilance, veuillez agréer, Mesdames, Messieurs les membres des commissions de finances du Parlement, l'expression de notre respectueuse considération,

Version du 30 septembre 2008 à 15:08

Mesdames et Messieurs les membres de commissions des finances du Parlement,

Je tenais à attirer votre attention sur le projet de budget du ministère de la Culture, précisémment sur le budget prévu pour assurer le fonctionnement de la nouvelle autorité administrative indépendante qui doit être créée par le projet de loi Création et Internet : l'HADOPI. La ministre de la culture a annoncé souhaité que l'examen de ce projet débute au Sénat à la mi-novembre, juste après donc l'examen du projet de loi de finances.

Cette autorité administrative indépendante aurait pour mission de prévenir et réprimer les défauts de sécurisation des accès internet que ses agents constateraient, suite à des dénonciations effectués par des organismes privés de défense professionnelle luttant contre la contrefaçon en balayant internet à grande échelle à la recherche d'infractions pénales.

L'objectif annoncé est de tarir l'échange d'oeuvres sans autorisation sur internet par l'envoi massif de messages electroniques d'avertissement aux abonnés dont l'accès est utilisé pour partager de la musique et des film. C'est la phase préventive. Elle est couplée à une phase répressive consistant à déconnecter les internautes qui ne prendrait pas les mesures nécessaires pour faire cesser cette utilisation de leur accès.

Concrètement, le volume annoncé est de 10 000 messages par jour. Les internautes qui au bout de deux messages n'auraient pas pris les mesures nécessaires recevront une lettre recommandée leur annonçant que sans modification de leur comportement, ils seront déconnectés d'internet.Puis ce sera la déconnexion.

Le ministère a budgété 6.7 millions d'euros pour le fonctionnement de l'HADOPI. Mais comme le souligne le dossier de presse associé au projet de budget, le ministère a omis d'intégrer les frais d'identification des abonnés que l'État devra rembourser aux fournisseurs d'accès chaque fois que l'HADOPI souhaitera envoyer un message électronique ou une lettre recommandée.Le ministère pensait qu'ils "seraient pris en charge par la FAI"

Or ce remboursement est dû. Comme le Conseil Constitutionnel l'a souligné dans une décision du décembre 2000, les opérateurs privés n'ont pas à prendre à leur charge les missions relevant du maintien de l'ordre public. Le projet de loi Création et Internet prévoit d'ailleurs dans son article que «»

Suite à la polémique que cet oubli a engendré, le ministère annonce aujourd'hui vouloir passer une convention avec les fournisseurs d'accès. Il serait pourtant normal que le coût réel de l'HADOPI soit connu des parlementaires et du contribuable avant le vote du projet de loi de finances, pour que le montant des frais que remboursera l'État aux fournisseurs d'accès soit intégré au budget 2009. Ce montant pourrait en effet représenter deux à trois fois le coût budgété en fonction du remboursement par réquisition.

Actuellement, chaque réquisition est facturé entre 0.65 et 13 euros par les opérateurs en fonction du format, du volume et des informations demandés. Les fournisseurs d'accès ne traitent de plus qu'un faible volume de réquisitions sur demande exclusive des autorités judiciaires ou de l'autorité administrative chargée de la prévention du terrorisme. Ce volume de quelques centaines par mois est incomparable avec les 10 000 requêtes administratives par jour annoncées pour l'HADOPI.

Il est donc vraisemblable que pour répondre à une telle demande, sans faire exploser les finances publiques, les fournisseurs d'accès doivent mettre en place des procédures et des infrastructures dédiées à la communication ave l'HADOPI.L'ARCEP a aussi signalé que les opérateurs allaient devoir prendre certaines dispositions pour éviter de couper l'accès aux services d'urgence lorsque, à la demande de l'HADOPI, ils couperont l'accès internet. En l'état des infrastructures, cette distinction n'est pas garantie mais elle est obligatoire, les fournisseurs d'accès ayant obligation de maintenir les services d'urgence sous peine de sanctions pénales.

L'étude de ces coûts fixes (adaptation des infrastructures) et variables (coût des requêtes) est pourtant d'autant plus nécessaire que la légalité même du projet Création et Internet est remise régulièrement en cause.

Encore tout récemment, lors du vote du Paquet Télécom, le Parlement Européen a rappelé que seule l'autorité judiciaire pouvait restreindre l'exercice de la liberté de communication publique en ligne des utilisateurs d'internet quand la sécurité publique n'est pas menacée. Cette position rejoint celle du Conseil Constitutionnel qui a toujours estimé qu'une autorité administrative ne pouvait pas réprimer les citoyens et ne pouvait par ailleurs intervenir à titre préventif que pour des raisons de prévention des atteintes aux personnes.

La proportionnalité des traitements de données personnelles nécessaires au fonctionnement de l'HADOPI est aussi contestée, tant par la CNIL française que par la CNIL européenne. Des centaines de milliers, voir des millions, d'individus vont en effet être fichés par une autorité administrative sur la base de relevés d'infractions pénales réalisés par des sociétés privées et ce uniquement pour empêcher des atteintes au droit d'auteur.

Il existe donc un risque évident de voir se projet tomber à la première question préjudicielle à la CJCE, ou à plus long terme à la CEDH. Si cela se produisait, les investissements consentis pour de nouvelles infrastructures permettant d'éviter des coûts variables trop élevés seraient alors perdus.

Nous vous demandons donc de procéder à un examen attentif et croisé du projet de budget du ministère de la Culture et du projet de loi Création et Internet pour :

1) soit inscrire le coût réel de l'HADOPI à partir des estimations fournies par le ministère afin que le budget soit sincère et le contribuable correctement informé des arbitrages de ses élus ;

2) soit vous opposer au financement de l'HADOPI si vous estimez, comme nous, que le coût et les risques sont trop importants par rapport aux bénéfices que l'on peut en attendre (et qui eux non plus n'ont jamais été mesurés).

En vous remerciant de votre vigilance, veuillez agréer, Mesdames, Messieurs les membres des commissions de finances du Parlement, l'expression de notre respectueuse considération,