Snowden revelations impact France

De La Quadrature du Net
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(manque les sources - jet du 3/7/14

En France les révélations Snowden ont créé le même type de frénésie schizophrénique que lors du scandale “Echelon” il y a une quinzaine d'année. Les premières informations ont été accueillies avec fureur par les médias et la classe politique, mais progressivement les capacités et les pratiques de la France en matière de renseignement et d'espionnage potentiels ont été mis en lumière, ce qui a quelque peu étouffé les protestations. Rappelons que toutes les plaintes en justice déposées à l'époque à l'issue de l'affaire Echelon ont été classés sans suite dans l'indifférence générale.

En ce qui concerne l'affaire Snowden, signalons d'emblée que le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a fait sa première déclaration publique sur le contenu des révélations plus de trois semaines après les premiers articles parus sur « Prism ». Il avait alors exigé des « explications officielles » des USA (CITE), comme du reste la plupart des chefs d'Etat de l'Union européene, après que Der Spiegel et The Guardian aient rapporté comment la NSA espionnait les institutions de l'UE.

Quant au premier geste diplomatique de M. Fabius, il a fallu attendre le 21 octobre 2013. Il a alors exigé de l'ambassadeur des États-Unis qu'il se rende « immédiatement » au Quai d'Orsay pour une consultation (CITE). Pourquoi attendre autant pour demander une convocation « immédiate » ? Le journal Le Monde venait tout juste de révéler à quel point la NSA s'intéressait aux intérêts de ses chers alliés français (CITE).

Dans la foulée des premiers éléments sortis dans la presse (article du Guardian du 5 juin), les éditorialistes et les leaders politiques ont gesticulé pour réclamer du gouvernement qu'il exige lui-même des explications. Certains ont évoqué la nécessité d'ouvrir au sein du Parlement une “commissions d'enquête”. Mais concrètement, de tels moyens d'investigation — à l'image de ce qui s'est réellement ouvert en Allemagne, par exemple — n'ont jamais eu la moindre chance d'être utilisées en France (que ce soit à l'Assemblée ou au Sénat). Selon nos constatations, pas un seul député ou sénateur — entre juin 2013 et mai 2014 — ne s'est en effet risqué à déposer la moindre « résolution », procédure seule capable de mener, après un vote en séance, à l'ouverture d'une commission d'enquête en bonne et due forme (ou d'une « mission d'information », comme on dit au Sénat). Plus récemment [mai 2014], des députés du Front de gauche ont déposé des amendements visant à conditionner la poursuite des négociations UE-USA sur le traité transatlantique (TAFTA) à l'arrêt total des agissements de la NSA. Dès le 1er juillet 2013, les députés de la majorité PS affirmaient que cette investigation devait être diligentée au sein du Parlement européen ; ce qui fut fait et entériné à Strasbourg quatre jours plus tard (CITE).

La seule décision concrète prise par les parlementaires français a été l'organisation au Sénat, onze mois après les faits (le 22 mai 2014), d'un colloque ouvert au public, intitulé pompeusement “Numérique, renseignement et vie privée : de nouveaux défis pour le droit” (CITE), réunissant responsables politiques, observateurs et experts. Ce colloque n'ayant débouché — il n'en avait d'ailleurs pas la vocation — sur aucun acte réglementaire ni législatif concret ayant pu entraîner des changements notables dans la protection du citoyen contre l'inquisition d'Etat.

Concernant le système d'espionnage PRISM, une seule plainte a été déposée au parquet de Paris depuis le début du scandale — plainte déposée non pas par les autorités françaises ni par le procureur général, mais par des ONG, en l'occurrence la FIDH. Elle a donné lieu, le 28 août, à l'ouverture d'une enqupete préliminaire. D'après un membre de la LDH interrogé fin juin, cette enquête était toujours en cours — et n'a pas encore donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire et par conséquent à la nomination d'un juge d'instruction.

En novembre 2013, le journal Le Monde a révélé d'autres éléments montrant cmment le renseignement français a déployé des moyens d'interception et de capture du trafic internet conduisant au stockage de métadonnées pour les seuls besoins internes aux services français. (CITE)

L'agence française de protection des données (CNIL), sont sa présidente est actuellement à la tpet du groupe de travail “Article 29” de l'UE, n'est pas parvenu à rassurer le public en publiant de bien timides communiqués tentant d'expliquer aux internautes français comment se protéger du système PRISM. Tout le travail d'expertise de la CNIL s'est confondu dans l'enquête technique ouverte par le groupe A-29, rendu public le 20 août 2013.

Enfin, de manière quelque peu paradoxale, les seules conséquences légales de l'affaire Snowden en France n'ont pas été de bonnes nouvelles pour les libertés de toute personne résidente, qu'elle soit française ou pas. Des dispositions introduites en juillet 2013 dans une « loi de programmation militaire » — loi promulguée définitivement en décembre — ont avalisé le recours à la surveillance de données techniques ou métadonnées, comprenant notamment d’importantes dispositions sur le traçage géographique des suspects. Des mesures que les experts ont présenté comme faisant partie de l'arsenal courant des services de renseignements, la loi ne faisant qu'entériner des pratiques clandestines. Une autre loi sur le suivi et la géolocalisation de personnes faisant l'objet d'une enquête pénale, concernant donc cette fois les autorités judiciaires, a été adoptée en mars 2014 (CITE) — il s'agissait là aussi de légaliser des méthodes utilisées jusqu'ici par les juges de manière non officielles (c'est à dire non précisées en tant que telles par le code de procédure pénal). Le “séisme Snowden”, tel que cette affaire a souvent été surnommée dans le pays, a semble-t-il servi davantage les autorités, afin de “nettoyer” leur Code pénal, que contribué à construire des boucliers efficaces pour protéger les individus.