PatrickBloche

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Sommaire

Mémoire politique : Patrick Bloche, député

Patrick Bloche

Informations générales

  • Né le 04 juillet 1956 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
  • Circonscription d'élection : Paris (75), 7ème circonscription
    Cantons de Partie du 11e arrondissement (quartiers Roquette et Sainte-Marguerite) ; partie du 12e arrondissement (quartier Quinze-Vingts)
  • Groupe politique : Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
    Parti : PS
  • Profession : Directeur commercial
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Contact
{{#icon:Mp_cliquez_pour_appeler.png|01 40 63 69 03||callto://+33140636903}}
  • Assemblée nationale 126 rue de l'Université, 75355 Paris 07 SP
    Tél. : 01 40 63 69 03 - Fax : 01 40 63 57 15
  • Mairie 11 Place Léon Blum, 75536 Paris cedex 11
    Tél. : 01 53 27 11 11 - Fax : 01 53 27 10 54
  • 7 Rue François de Neufchâteau, 75011 Paris


Fonctions à l'Assemblée nationale

  • Commission : Commission des affaires culturelles, familiales et sociales (Membre), Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public et le projet de loi sur le service public de la télévision (Membre)
  • Groupe d'amitié : Croatie (Président), Burkina Faso (Vice-Président), Egypte (Vice-Président), Namibie (Vice-Président), Québec (Vice-Président), Israël (Secrétaire), Paraguay (Secrétaire)
  • Groupe d'études : Internet, audiovisuel et société de l'information (Co-Président), Adoption (Vice-Président), Tibet (Vice-Président), Cinéma et production audiovisuelle (Secrétaire), Musique (Secrétaire), Arts de la rue (Membre), Enfant (Membre), Presse (Membre), Prisons et conditions carcérales (Membre), Sida (Membre)

Mandats

  • Mandats et fonctions en cours à l'Assemblée nationale
    • Élections du 17/06/2007 - Mandat du 20/06/2007 (élections générales)
  • Anciens mandats et fonctions à l'Assemblée nationale
    • Élections du 01/06/1997 - Mandat du 01/06/1997 (élections générales) au 18/06/2002 (Fin de législature)
    • Élections du 16/06/2002 - Mandat du 19/06/2002 (élections générales) au 19/06/2007 (Fin de législature)
  • Organismes extra-parlementaires
    • Membre titulaire du conseil d'administration du centre hospitalier national d'ophtalmologie des quinze-vingts
    • Membre titulaire du Haut conseil des musées de France
  • Mandats locaux en cours
    • Maire d'arrondissement de Paris (11ème Arrondissement), Paris (149074 habitants)
    • Conseiller de Paris, Paris (2121291 habitants)
    • Conseiller de Paris
  • Anciens mandats locaux
    • Conseil municipal de Paris 11ème Arrondissement (Paris)
      • Mandat du 20/03/1989 au 18/06/1995 : Membre
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Adjoint au Maire
      • Mandat du 19/03/2001 au 09/03/2008 : Membre
    • Conseil de Paris (Paris)
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Conseiller
      • Mandat du 19/03/2001 au 16/03/2008 : Conseiller
    • Conseil de Paris
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Conseiller de Paris
      • Mandat du 19/03/2001 au 16/03/2008 : Conseiller de Paris
  • Fonctions dans les instances internationales ou judiciaires en cours
    • Vice-Président de la section française de l'Assemblée parlementaire de la francophonie

Prises de positions

Sources d'informations

Positions

Merci d'enrichir cette partie en y rapportant les prises de positions de Patrick Bloche concernant les sujets traités par La Quadrature du Net (consultez la page Aide:Memoire_politique pour savoir comment faire).

12/03/2009 Débats HADOPI : procédures de l'AN, chambre d'enregistrement, respect du contradictoire, offres commerciales légales, CSA, circulation des oeuvres, HADOPI représentant de la France dans les organisations internationales

Monsieur le président, vous avez interrompu M. Brard cet après-midi alors qu'il plaidait très légitimement en faveur d'un amendement loin d'être secondaire puisqu'il visait à supprimer l'article 2 créant cette usine à gaz, ce monstre juridique auquel nous nous opposons avec tant de vigueur.

Tout au long de l'après-midi, vous avez pu remarquer à quel point nous nous sommes comportés en parlementaires de bonne volonté : personne n'a prononcé le gros mot d'obstruction. Nous demandons simplement que notre discussion se poursuive au rythme qui convient, ne serait-ce que par égard pour nos concitoyens – et j'ai pu me rendre compte qu'ils étaient nombreux à suivre nos débats via Internet puisque, étant directement concernés, ils mesurent, à travers nos interventions, les risques qu'ils courront si cette funeste loi était votée.

Pour le bon déroulement de nos travaux, je fonde mon intervention sur l'article 58, alinéa 1, du règlement, et dans la mesure où Christian Paul vient de nous rejoindre, le groupe socialiste est à nouveau reconstitué pour la bonne cause : la défense des principes fondamentaux du droit.

Fort de la présence de Christian Paul, je ressens la nécessité urgente de réunir notre groupe pour que nous puissions faire le point sur les conditions du débat, pour préparer une séance plus sereine que celle de cet après-midi ou que celle de ce soir jusqu'à présent.

Je demande donc une suspension de séance qui, vous le savez, monsieur le président, est de droit.

[...]

L'amendement n° 404 va recueillir, selon nous, l'adhésion unanime de notre assemblée, surtout que nous avons tous encore à l'oreille les propos que Mme la ministre a tenus à la fin de la dernière séance.

Elle nous a parlé de l'exigence française. Et, s'agissant de la riposte graduée, elle a évoqué, sans sourire – bravo, madame la ministre –, le génie français. En cette affaire, malheureusement, c'est plutôt le mauvais génie français qui a œuvré dans la mise en place de cette usine à gaz qui produira des contentieux en série.

Bref, vous avez été amenée, madame la ministre, pour plaider votre cause, celle du Gouvernement, à dire qu'il n'y avait aucun problème : l'HADOPI est une gentille haute autorité administrative qui va, de façon très sympathique, envoyer un petit mail d'avertissement. Coucou, monsieur l'internaute, voilà, il y a un petit problème : petit téléchargement illégal, il faudra que ça s'arrête. Et puis après, une petite lettre recommandée – allez quand même chercher votre lettre à la poste, cela vaut mieux. Évidemment, il y aura peut-être une petite suspension de votre abonnement Internet, mais cela se fera après beaucoup de temps. Et puis, vous aurez le temps de faire valoir vos arguments. Bref, un conte de fées ! C'était la fée Mélusine qui nous parlait. Hélas, nous n'avons pas cette vision des choses.

Au-delà des bonnes intentions – ou, en l'occurrence, des mauvaises intentions, celles du Gouvernement –, il vaut mieux inscrire noir sur blanc, dans la loi, les garanties que nous devons à nos concitoyens internautes.

Puisque vous nous dites, madame la ministre, que le principe du contradictoire sera respecté à tous les niveaux de la procédure d'interpellation de l'internaute ; puisque vous estimez que les droits de la défense sont assurés comme ils peuvent l'être dans n'importe quelle procédure judiciaire ; puisque vous nous dites que l'internaute, ou plutôt le titulaire de l'accès qui recevra les interpellations de l'HADOPI, sera naturellement présumé innocent ; puisque vous nous dites que le principe d'imputabilité est également respecté par le dispositif que vous voulez mettre en place, il n'y aura donc, de ce fait, aucun problème pour que vous donniez un avis favorable à cet amendement n° 404.

Je vais le lire, ce sera plus simple :

« Le droit à une procédure équitable doit être respecté en toutes circonstances par la Haute autorité. Sont attachés à ce principe fondamental, les principes du contradictoire, du respect des droits de la défense, de la présomption d'innocence et d'imputabilité ».

Tout avis défavorable de votre part, ou de celle des rapporteurs, vous rendrait – excusez-nous du terme – immédiatement suspects quant aux intentions qui sont les vôtres avec cet article 2.

[...]

Monsieur le rapporteur, il y a quelque chose qui cloche, dans cet amendement [n° 318]. La rédaction du projet de loi issue des travaux du Sénat indique que la Haute autorité assure « une mission d'encouragement au développement de l'offre commerciale légale ». S'il existe des offres commerciales légales, il doit y avoir aussi des offres commerciales illégales – c'est en tout cas ce que laisse entendre la présence des deux adjectifs. Mais Internet est tout sauf un espace de non-droit et, s'il existe des offres commerciales illégales, nous disposons de lois et de règlements pour les réprimer. Cependant, autant on imagine ce qu'est qu'une offre commerciale, autant on se demande ce qu'est une offre légale, notion qui n'est définie ni dans le code de commerce ni dans celui de la propriété intellectuelle. De quoi s'agit-il donc ?

Si vous supprimez l'adjectif « commerciale », seuls subsisteront dans le texte les mots « l'offre légale », réalité qui n'est définie nulle part. En fait, vous auriez été mieux inspiré de supprimer « légale » et de conserver « l'offre commerciale ».

[...]

J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'intervenir à ce sujet, comme le rappelait M. le rapporteur. M. Martin-Lalande et moi-même avons d'ailleurs été amenés à plusieurs reprises à œuvrer dans le sens de son amendement [n° 222].

Je m'étonne de la réponse de Mme la ministre, qui fait référence au CSA et au Conseil de la concurrence – soit – en évoquant des problèmes liés à la relation contractuelle, que personne n'ignore. Or, le présent amendement trouve précisément sa justification à l'alinéa 8, et si nous n'avons pas déposé un amendement identique, mais plutôt un autre amendement qui, quoique poursuivant le même objectif, viendra ultérieurement dans notre débat, c'est parce que nous critiquons trop l'HADOPI pour lui confier des missions supplémentaires. Nous restons donc cohérents avec notre position dans le débat.

Cependant, M. Martin-Lalande, malgré ce qu'il nous a déclaré hier soir à cette tribune lors de la discussion générale, n'a peut-être pas la même prévention que nous. Il nous propose un amendement de cohérence. Je rappelle que j'ai présenté cet amendement à la commission mixte paritaire composée de quatorze députés et sénateurs saisis de la réforme de l'audiovisuel, qui s'est prononcée à sept voix pour et sept voix contre. Il aurait donc pu être adoptée si la règle n'exigeait pas qu'en cas d'égalité, l'adoption soit rejetée.

C'est un amendement de cohérence, qui vient après l'amendement de M. le rapporteur visant à confier à la Haute autorité une mission d'encouragement au développement de l'offre légale. Quoi de plus justifié, dès lors, que l'amendement de M. Martin-Lalande, tant le manque de fluidité dans la circulation des œuvres et le fait que certaines chaînes de télévision – que nous ne nommerons pas à cette heure tardive – puissent les bloquer sans les diffuser, incitent les internautes qui souhaitent y avoir accès à les chercher par le biais de moyens illégaux ?

L'amendement de M. Martin-Lalande permettra d'augmenter l'offre légale et, ce faisant, de réduire le téléchargement « illégal ». Ainsi, c'est un amendement imparable qu'il faut voter.

[...]

Lorsqu'on lit attentivement les alinéas qui concernent les missions confiées à la Haute autorité, c'est une liste à la Prévert qui ne peut que nous laisser interrogatifs ! Sur la mission de labellisation des offres commerciales et non commerciales, notre interrogation, qui reste entière, a été exposée avec une grande pertinence par Martine Billard et Christian Paul. Nous venons aussi de voir que la Haute autorité allait préparer notre travail. Certains, ici, en sont sans doute très heureux, ce qui n'est pas le cas des députés de l'opposition…

Quant à l'alinéa 12, dont nous proposons la suppression avec notre amendement n° 405, il nous interpelle fortement. Il précise en effet que la Haute autorité « contribue, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la protection des droits de propriété littéraire et artistique sur les réseaux numériques. Elle peut participer, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et européennes compétentes en ce domaine. »

Avouez que confier cette mission supplémentaire à l'HADOPI n'a aucun sens ! J'ai eu l'honneur, en 1998, d'être pendant six mois parlementaire en mission auprès du Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, et je lui ai remis un rapport sur la présence internationale de la France et la francophonie dans la société de l'information.

Je m'étais alors penché sur la question du développement, à l'extérieur de nos frontières et sur nos réseaux, d'une offre culturelle à l'international et d'une offre culturelle francophone. Abordant la problématique du droit d'auteur, j'avais pointé la complexité du problème, qui donnait traditionnellement lieu à polémique – nous le constatons encore aujourd'hui. C'est pourquoi, dans le rapport que j'avais remis au Premier ministre fin 1998, je suggérais la création d'une instance à laquelle il a été donné vie en 2001 : le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Le CSPLA, assisté d'un conseil scientifique composé de juristes et de représentants des professionnels du secteur, bénéficie d'une expertise reconnue. Pourquoi ne pas confier simplement cette mission au CSPLA plutôt qu'à l'HADOPI, dont on a pu constater, grâce aux demandes répétées de M. Tardy, qu'elle a beaucoup de choses à faire – même si ce ne sont pas toujours de bonnes choses ?

Nous demandons donc la suppression de l'alinéa 12, qui n'a pas grand sens.

12/03/2009 Débats HADOPI : propagande, DADVSI, information sur la répartition des revenus de la création, contribution créative, rapport d'étude, industrie du divertissement, taxe sur la publicité, DRM, riposte graduée, autorité administrative indépendante, autorité judiciaire, droits fondamentaux, sanctions, CNIL

Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement et concerne le déroulement de nos travaux qui, depuis hier, sont gravement perturbés par l'existence d'un site, un site officiel comme Mme la ministre de la culture et de la communication nous l'a confirmé et non un site pirate, dont l'intitulé même, « jaimelesartistes.fr », est une provocation pour tous ceux qui s'opposent à ce projet de loi.

Il se trouve que sa mise en ligne a été interrompue en fin de matinée : nous pensions que Mme la ministre nous avait entendus et qu'afin d'assurer la sérénité de nos débats, le site avait été définitivement fermé. En réalité, il s'agissait – sans doute à la suite de l'interpellation de notre collègue Christian Paul et des observations ô combien pertinentes de Martine Billard ! – d'une simple opération de maintenance visant à supprimer les codes sources.

Reste, madame la ministre, que j'ai reçu, comme d'autres collègues, un mail, dont j'aimerais rapidement vous exposer la teneur afin que vous mesuriez pleinement les conséquences de l'existence d'un tel site. « Dis, Christine, elles sont vraiment légales tes offres ?» : c'est le titre du message, madame la ministre ; je ne me permettrais bien sûr pas de m'adresser à vous de façon aussi familière, même si cela viendra peut-être un jour.

Le site« jaimelesartistes.fr », qui présente le projet de loi création et Internet, propose de découvrir ce qui est globalement appelé l'offre légale, c'est-à-dire les services où les internautes sont censés pouvoir écouter ou acheter de la musique en toute légalité, dans le respect des ayants droit. Parmi ces sites, « Jiwa.fm », un site d'écoute en streaming où l'on peut écouter sept titres de l'album Bidibule. Jusqu'ici tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes sauf que voici ce que dit l'internaute : « Je n'ai jamais uploadé de titre sur la plateforme Jiwa.fm, je n'ai jamais donné d'autorisation permettant cette diffusion ; aucun revenu en droits d'auteur liés à la diffusion de ces œuvres sur ce site ne m'est parvenu via la SACEM ; aucun revenu lié à l'exploitation de ces enregistrements dont je suis le producteur ne m'est versé par “Jiwa.fm” ».

« Mieux, sur le site, on peut lire : “Toute personne estimant qu'un utilisateur viole un droit dont elle serait titulaire doit porter ces faits litigieux à la connaissance de Jiwa, conformément aux dispositions de l'article 6-1-5 de la loi du 21 juin 2004 n° 2004-575, par courrier, avec accusé de réception. ”

« Dois-je le résumer par “pas vu, pas pris” ou par une forme de passage en force ? Dis, Christine, elles sont vraiment légales et respectueuses des artistes tes offres ? » Ainsi s'exprime donc le producteur d'œuvres qui ont été piratées sur une plateforme que le site « jaimelesartistes.fr »a fait figurer parmi ses liens.

Ce site, site officiel du ministère financé par l'argent du contribuable, s'expose donc à deux inconvénients majeurs.

D'abord, il perturbe gravement les travaux de la représentation nationale. Que je sache, Mme Bachelot n'a pas créé un site officiel du Gouvernement pour promouvoir sa réforme de l'hôpital avec des professionnels de santé vantant les mérites de son projet de loi !

En tant que site officiel, il devrait respecter les règles élémentaires du débat démocratique en présentant des points de vue contradictoires.

Ensuite, il renvoie par ses liens vers d'autres sites qui n'assurent pas la rémunération des ayants droit et des auteurs.

[...]

M. Riester a parlé d'équilibre et de cohérence et Mme la ministre de complémentarité. Il serait souhaitable de lever une ambiguïté, car le projet de loi nous est présenté dans une logique de substitution. Il s'agit en effet de remplacer le dispositif DADVSI par un autre tout simplement parce qu'aucun tribunal n'a voulu prononcer les sanctions prévues – trois ans de prison et 300 000 euros d'amende. Il paraît même que les représentants des ayants droit n'ont jamais osé saisir les tribunaux.

Madame la ministre, si vous voulez que votre projet de loi s'inscrive dans une démarche à la fois pédagogique et dissuasive, abrogez un dispositif qui, sans ambiguïté, est répressif ! Vous avez beau dire que les dispositions relatives à la contrefaçon ne concerneront désormais que ceux qui téléchargent massivement et en tirent bénéfice, encore faut-il que ce que vous dites soit traduit très précisément dans le code de la propriété intellectuelle !

Si nous n'abrogeons pas la loi dite DADVSI, n'importe quel internaute pourra être passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende dès le premier titre téléchargé illégalement.

La loi DADVSI est mauvaise, car elle est allée bien au-delà de la transposition de la directive européenne qui visait à sécuriser juridiquement les mesures techniques de protection.

Monsieur le rapporteur, vous nous dites que ces mesures sont abandonnées les unes après les autres. Vous avez raison, parce qu'elles ont montré leur inefficacité et surtout parce qu'elles constituent un obstacle commercial : iTunes et d'autres opérateurs ont bien compris que la non-interopérabilité et les DRM étaient des obstacles commerciaux – ce n'est pas par une générosité soudaine qu'ils abandonnent les DRM, c'est parce que leur intérêt commercial est en jeu.

Nous avons présenté un amendement prévoyant la fin des DRM, pour la musique le 31 décembre 2009 et, pour le cinéma et l'audiovisuel, le 31 décembre 2011. Or, cet amendement a été rejeté. Il y a trop d'ambiguïtés dans ce débat, qui souffre d'un double langage permanent : c'est pourquoi nous voulons plus de clarté. Nous avions obtenu des exceptions pour les copies privées, les bibliothèques et l'éducation : rien n'interdit de les reprendre dans ce texte. Fondamentalement, la loi DADVSI est une mauvaise loi, dont l'échec est patent – nous l'avons dit à plusieurs reprises et l'avions même prédit dans cet hémicycle il y a trois ans. Pour reprendre une formule chère à M. Brard, faisons du passé table rase !

Abroger la loi DADVSI serait essentiel pour clarifier le débat. Sinon, l'internaute conservera toujours, suspendue au-dessus de sa tête, l'épée de Damoclès que constitue la double peine, puisqu'il risquera à la fois une sanction pénale et une sanction administrative – la suspension de l'abonnement à Internet –, ce qui n'est pas acceptable.

[...]

Cet amendement [n° 441], comme le précédent [n° 440], a malheureusement été rejeté, pour des raisons particulièrement perplexes.

M. le rapporteur comme Mme la ministre ont bidouillé – il n'y a pas d'autre terme – des réponses vaseuses, sinon évasives. L'amendement n°440 et celui-ci n'ont qu'un objectif : la transparence à l'égard de nos concitoyens. Vous voulez nous entraîner dans ce que vous considérez comme un cercle vertueux, nous avons le nôtre, mais nous nous rejoignons sur le fait que nos concitoyens doivent être conscients de la nécessité d'une juste rémunération des auteurs, indispensable au financement de la création.

La transparence est un élément pédagogique essentiel. Quand on achète une œuvre sur un support physique ou de façon dématérialisée, il est essentiel de savoir où va l'argent, où vont, pour un titre, les 99 centimes, surtout quand les représentants des ayants droit, qu'il s'agisse des artistes interprètes ou des auteurs, nous rappellent qu'avec la dématérialisation ils ont perdu. Ils étaient en effet mieux rémunérés avec les supports physiques.

Nous nous interrogeons donc sur le rejet de l'amendement précédent. Nous ne voulons pas avoir mauvais esprit, mais vous nous renforcez ainsi dans l'idée que, derrière le financement de la création et l'amour que vous portez aux artistes, dont vous n'avez pas l'exclusivité ; la seule chose qui vous intéresse c'est l'intérêt des gros, des éditeurs, des producteurs et des majors. Sinon, vous accepteriez ces amendements de transparence que notre groupe n'est d'ailleurs pas le seul à présenter.

Nous n'en savons pas suffisamment sur la diffusion des œuvres sous forme de licence, de rémunération proportionnée ou de forfait. Il y a donc un usage global des œuvres. La logique du forfait amène en effet les ayants droit à ne pas percevoir la juste rémunération de leurs œuvres puisque l'organisme collecteur chargé de la redistribution des sommes ne le fait pas au prorata des passages radio du fait d'un phénomène de globalisation.

Nous voulons remédier au fait que cette information est au mieux partielle, voire la plupart du temps absente, et contraindre l'ensemble des utilisateurs à fournir aux organismes collecteurs les statistiques précises des titres diffusés pour que la répartition soit réellement représentative de l'audience.

Et ne nous dites pas, monsieur le rapporteur, madame la ministre, qu'il n'est pas possible de savoir comment on répartit la rémunération. Parce qu'alors là, nous vous attendons sur la contribution créative dans quelques instants !

[...]

Cet amendement [n° 444] est essentiel pour le groupe SRC, et sans doute aussi pour le groupe GDR que je me permets d'associer. Il est fondateur en ce sens que nous souhaitons adapter le droit d'auteur à l'ère numérique.

Depuis plus de deux siècles, depuis Beaumarchais, le droit d'auteur a été confronté à des défis technologiques qu'il a toujours su surmonter. Aujourd'hui, il s'agit de faire émerger un nouveau modèle économique, de mettre en place de nouveaux modes de rémunération pour les créateurs, auteurs, artistes, interprètes, ainsi que les titulaires de droits voisins.

Depuis la loi DADVSI, nous avons eu trois ans pour y travailler. L'occasion nous est offerte de proposer à notre assemblée d'ouvrir le débat sur une licence collective étendue, que nous appelons contribution créative. Celle-ci s'adressera, après négociation, car il ne s'agit pas de l'instituer dès l'adoption de la loi, à tous les acteurs concernés. Elle n'est pas limitative, comme le furent les accords de l'Élysée de novembre 2007, et prendra en compte non seulement les organisations professionnelles du secteur, les sociétés de perception et de répartition de droits, mais aussi les associations de consommateurs, les grands oubliés de ces accords.

Le dispositif permettra, contrairement à votre projet de loi, d'assurer une nouvelle rémunération pour les auteurs et les artistes. Il consiste en une contribution forfaitaire que paieront les abonnés à Internet, en contrepartie de laquelle ils pourront échanger entre eux, sans but de profit – nous ne visons que des échanges non lucratifs –, des œuvres numériques phonographiques. Ce dernier point est précisé pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, car nous avons conscience de la chronologie des médias et du fait que le mode de financement du cinéma et des productions audiovisuelles dans notre pays demande du temps. Alors que votre projet de loi n'amènera pas un euro de plus pour les créateurs, nous souhaitons trouver le moyen de dégager plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millions d'euros pour financer la création.

J'entends déjà vos remarques. Nous voudrions que vous perdiez ce réflexe, quelque peu sectaire et empreint de je ne sais quelle idéologie, d'écarter d'emblée, comme nous l'avions déjà constaté lors du débat sur la licence globale, la contribution créative. Renoncez à dire Vade retro Satanas et à refuser le débat. Car il y a débat ! Depuis trois ans et la loi DADVSI, en effet, les internautes n'ont pas fondamentalement changé leurs usages, et la création n'a pas profité d'une rémunération nouvelle, pourtant nécessaire à la production des œuvres.

Dans ce débat, nous posons et respectons les fondamentaux du droit d'auteur, qui est un droit moral d'autoriser la diffusion de ses œuvres sur Internet, et un droit patrimonial à une juste rémunération. Il ne s'agit pas d'enrôler les artistes, de les contraindre. Tout artiste qui ne souhaitera pas autoriser la diffusion de ses œuvres et entrer dans le dispositif de la contribution créative pourra le refuser. Dès lors, il ne pourra naturellement prétendre à sa part de la contribution créative.

Nous entendons également souvent que la contribution créative sera une rémunération impossible à répartir et qu'elle est injuste, car tous les internautes la paieront, y compris ceux qui ne téléchargent pas. Permettez-moi de répondre à ces deux observations en évoquant la grande loi de 1985, votée à l'unanimité dans cette assemblée, qui a créé la rémunération pour copie privée. Cette dernière est basée sur une taxation uniforme des supports physiques, qui se sont élargis depuis.

Tout consommateur s'acquitte de cette taxe en achetant un support physique, quel que soit l'usage qu'il en fasse, qu'il copie ou pas des œuvres culturelles sonores ou audiovisuelles.

Monsieur le président, cet amendement est essentiel pour nous. Il répond au faux procès qui nous est fait de ne pas aimer les artistes et de ne pas penser au financement de la création. Or c'est une obsession pour nous, d'où notre amendement.

J'en termine, parce que je suis soucieux du règlement et du bon fonctionnement de l'Assemblée nationale, en expliquant que, de la même façon qu'on répartit la rémunération pour copie privée ou le produit de la licence sur les radios, il faudra mettre en place des commissions de répartition. Il existe bien une commission de la copie privée pour assurer une juste répartition. Nous sommes persuadés que la contribution créative permettra de mieux rémunérer les auteurs et les artistes que les offres commerciales actuellement existantes dans lesquelles nous savons bien qu'ils ne trouvent pas leur compte.

[...]

Nous regrettons que le débat n'ait pu se poursuivre au-delà des interventions que nous venons d'entendre. Il reviendra – nous sommes prêts à prendre le pari en ce mois de mars 2009 – dans deux ou trois ans au maximum. Nous visons évidemment l'industrie musicale. Le Parlement sera amené à créer ce cadre de négociation. Certains des acteurs du secteur nous confient leur conviction que l'on en arrivera là. Donc rendez-vous dans deux ou trois ans pour voter à ce moment-là – espérons-le, à l'unanimité – la contribution créative. Nous aurons ainsi scellé l'échec du texte dont nous discutions actuellement.

Le cinéma français bénéficie de nombreuses aides publiques – c'est le rôle du CNC –, assorties d'un dispositif d'obligation pour les chaînes de télévision d'intervenir dans le financement de la production. Tel n'est pas le cas du secteur de la création musicale, fortement touché par la baisse de la vente de CD, et qui est entièrement dépendant du marché.

Le secteur de ce qui est communément appelé la chanson française, riche par sa grande diversité culturelle et où l'on ne compte plus les nouveaux talents, est un marqueur de notre identité culturelle, si ce n'est de notre identité nationale. C'est la raison pour laquelle notre amendement n° 443 propose la mise en œuvre d'un fonds de soutien à la création musicale, qui viserait tout particulièrement les labels indépendants, ces petits producteurs que vous prétendez défendre par le biais de votre mauvaise loi, madame la ministre. Une concertation avec l'ensemble des acteurs de ce secteur devra être organisée et un rapport présenté au Parlement avant le 31 octobre 2009. Nous avons souhaité fixer une date qui ne soit pas trop lointaine, compte tenu de la crise que traverse ce secteur. Pour autant, nous ne souhaitons pas légiférer dans l'instant, mais souhaitons disposer d'un rapport sur la mise en œuvre de ce fonds et sur ses modalités de financement.

[...]

Il ne pourra pas être dit que nous n'avons pas tenté d'engager un vrai débat sur le financement de la création à l'ère numérique !

À l'automne dernier, nous avons assisté à un véritable détournement – le mot est faible – avec l'instauration d'une taxe sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès et des opérateurs de télécommunications, taxe qui, en toute logique, aurait dû bénéficier au financement de la création : il aurait été normal que les propriétaires des tuyaux redistribuent de l'argent aux créateurs de contenus, contenus qu'ils ont été bien heureux de trouver et sans lesquels ils n'auraient jamais pu se développer.

L'idée qu'Internet finance la création et la culture est une idée forte. Depuis vingt-cinq ans, le cinéma est en partie financé, en France, par les chaînes de télévision.

Nous regrettons que l'article 40 nous ait été opposé, nous empêchant de développer toute la palette de possibilités qui d'ores et déjà s'ouvrent à nous. L'inconvénient majeur de vos réponses, madame la ministre, monsieur le rapporteur, c'est que vous repoussez toutes nos propositions à plus tard, exactement comme vous l'aviez fait il y a trois ans, lors de l'examen de la loi DADVSI, en prenant le pari que vos dispositifs répressifs bouleverseront les usages des internautes et que, de ce fait, les offres légales démarreront !

C'est la raison pour laquelle nous considérons que ce nouveau projet de loi est un pari perdu d'avance ! Didier Mathus a rappelé, à juste titre, qu'un milliard d'euros a été perdu pour la création ces trois dernières années parce que vous n'avez pas souhaité, en 2005, instaurer un nouveau mode de rémunération de la création.

Vous refusez notre amendement n° 443, à l'instar de la contribution créative et d'un autre amendement qui n'a pas franchi l'obstacle de l'article 40. Pourtant, notre proposition aurait permis que la taxe sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès et des opérateurs de télécommunications, qui a été votée par la majorité de cette assemblée à l'automne dernier, aille directement à la création au lieu de compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévisions. Nos concitoyens apprécieront ! En tout état de cause, ils seront en mesure de savoir où se trouvent les défenseurs des artistes à l'ère numérique : c'est, à n'en pas douter, dans les rangs de l'opposition !

[...]

Madame la ministre, je vais être un peu familier : arrêtez votre cinéma !

Nous aimons les artistes et nous les connaissons. Nous en rencontrons beaucoup, dont la rémunération quotidienne n'est pas nécessairement liée à la diffusion de leurs œuvres sur support physique ou sous forme dématérialisée. Les artistes, en France, appartiennent d'abord au spectacle vivant ; ce sont d'ailleurs eux qui représentent le plus grand nombre d'emplois culturels, bien plus que ceux que concerne le projet de loi. Madame la ministre, nous rencontrons ces artistes tous les jours.

Si vous saviez ce qu'ils nous disent de votre politique, du désengagement scandaleux de l'État, dont les budgets, qui annulent ou gèlent continuellement les crédits, incitent à se demander si, l'année de son cinquantenaire, le ministère de la culture existe encore !

Heureusement que le financement public de la culture est assuré aux deux tiers par les collectivités territoriales : sans elles, il aurait aujourd'hui entièrement disparu ! C'est aussi cela, l'exception culturelle, notre diversité culturelle, notre identité culturelle.

Dans notre débat, n'oublions pas ces artistes au profit des autres, même s'ils ne bénéficient pas de la même exposition médiatique. Remarquez ainsi la hiérarchie dont atteste l'appel des fameux dix mille artistes : on a établi une short list des plus connus, pour impressionner je ne sais qui – peine perdue pour les députés de l'opposition, en tout cas !

Madame la ministre, puisque, par définition, ces derniers ne disposent pas de la majorité leur permettant de faire adopter leurs idées, ils tentent simplement d'énoncer quelques évidences. Depuis des années – je songe au débat sur la loi DADVSI –, nous n'avons de cesse de trouver de nouveaux modes de rémunération de la création. En la matière, comme l'a dit à juste titre Didier Mathus, la réforme de l'audiovisuel survenue à l'automne a procédé à un véritable détournement de fonds. Dès lors que l'on taxait, pour la première fois en France, les fournisseurs d'accès et les opérateurs de télécommunications, le produit de cette taxe devait aller à la création. Vous savez fort bien, madame la ministre, que tous les producteurs audiovisuels, qu'ils s'occupent de fiction télévisée ou de documentaires, nourrissent aujourd'hui les plus vives inquiétudes lorsqu'ils s'adressent aux chaînes de télévision, qu'elles soient privées ou publiques : les carnets de commandes se vident, les délais de décision s'allongent. Nous voulions aussi nous faire l'écho dans l'hémicycle de l'inquiétude de ces créateurs.

Un dernier mot : lorsque vous affirmez que la France n'est pas le seul pays à envisager la riposte graduée, vous proférez une contre-vérité flagrante. S'agissant de la Nouvelle-Zélande, vous étiez si sûre de votre fait que vous avez cité cet exemple lors de votre audition devant les commissions des lois et des affaires culturelles. Malheureusement, vous anticipiez fort imprudemment sur une application prévue pour le 28 février, et que le Premier ministre néo-zélandais, insensible à votre détresse, a suspendue – par prudence, et non pour procéder à des négociations analogues aux accords de l'Élysée, en présélectionnant ses invités.

Sans aller jusqu'en Nouvelle-Zélande, prenons l'Angleterre ou l'Allemagne : je l'ai rappelé en défendant l'exception d'irrecevabilité, ces pays proches de nous se refusent à imiter la solution française, la ministre allemande de la justice allant jusqu'à déclarer qu'une fois les premières suspensions d'abonnement appliquées en France, le tollé se ferait entendre jusqu'à Berlin.

[...]

Nous aurons peut-être un débat complémentaire lorsque nos propres amendements portant sur ce sujet seront examinés. Nous avons déjà abordé ce sujet lors de la réforme de l'audiovisuel. Il s'agit effectivement de permettre une circulation plus fluide des œuvres. Le rapporteur a déposé un amendement a minima, qui propose de réunir autour d'une table des organisations professionnelles d'auteur et des sociétés de perception et de répartition des droits, pour qu'elles établissent, huit mois au plus tard après la publication de la loi, un code des usages de la profession. Pourquoi pas ? Peut-être faudra-t-il retravailler sur cette question, car elle s'impose plus que jamais dans la logique – qui nous est commune – de développement des offres commerciales.

Dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel, un amendement plus volontariste avait obtenu une égalité des voix en commission mixte paritaire et avait failli être adopté. Notre groupe considère donc que le présent amendement vaut mieux que rien.

[...]

Cet amendement vise à montrer une nouvelle fois combien les députés de l'opposition sont soucieux, à l'ère numérique, du financement de la création, notamment de celle diffusée sur les réseaux. Nous avons estimé qu'il fallait définir une plus juste répartition des revenus générés par la création dans le cadre du développement de l'économie numérique, et nous avons voulu accorder une attention particulière aux artistes interprètes qui doivent se battre pour bénéficier d'une rémunération équitable.

Il s'agit donc de permettre une meilleure répartition des recettes publicitaires. Certains sites gratuits de téléchargements légaux – pour reprendre votre appellation – vivent des revenus de la publicité. Dès lors qu'il y a rémunération, il faut mieux répartir ces recettes. Je sais, madame la ministre – vous ne vous en cachez pas –, que vous passez votre temps sur Deezer : avec un tel site, producteurs et éditeurs s'en tirent ; mais la vérité est un peu plus sombre pour les auteurs ou les artistes interprètes. La redistribution n'a en tout cas rien d'équitable. Cet amendement vise donc à y remédier.

Il ne s'agit nullement de faire en sorte, en taxant indûment ces sites, qu'ils ne puissent plus vivre de leurs recettes publicitaires. Mais ne taxons-nous pas celles que perçoivent les chaînes de télévision, qu'elles soient publiques ou privées ? C'est dans la logique des choses. Nous souhaitons que ces sites de téléchargement gratuit puissent continuer à exister, mais nous considérons qu'on peut imaginer une meilleure répartition de leurs recettes publicitaires.

[...]

Comment ne pas dire notre étonnement, et même notre atterrement ? Voici trois amendements presque identiques, l'un déposé par notre collègue du groupe UMP, M. Suguenot, et les autres issus du groupe SRC pour l'un et du groupe GDR pour le second – autant dire de l'opposition. Nous essayons par là d'élaborer de nouveaux modes de rémunération de la chaîne de la création, et visons ceux qui souffrent le plus : les auteurs et les artistes interprètes. J'espère que chacun a bien entendu ce que Mme Billard et MM. Suguenot et Brard viennent de dire : les artistes interprètes perçoivent une grande partie de leurs revenus grâce à la rémunération pour copie privée. Cette rémunération peut être directe, ou bien liée au taux de 25 % consacré au soutien au spectacle vivant. Même si la commission de la copie privée a élargi le champ des supports taxés, la rémunération pour copie privée déclinera inévitablement à mesure que la dématérialisation progressera. En conséquence, il faut créer de nouveaux modes de rémunération pour ces auteurs et ces artistes interprètes.

Au-delà du débat que nous venons d'avoir sur la contribution créative, convenez que notre amendement était bien modeste. Il existe des sites de téléchargement légaux et gratuits, y compris ceux qui permettent d'accéder à des contenus musicaux via la diffusion en flux, dite streaming – nous en avons longuement parlé. Ces sites sont gratuits parce qu'ils vivent de revenus publicitaires. Nous voulons qu'une part de ces revenus publicitaires soit reversée aux auteurs et aux artistes interprètes, car un modèle économique viable ne peut être qu'équitable et surtout redistributif.

À entendre M. le rapporteur, les pauvres sites de téléchargement seraient déjà contraints de donner de l'argent par la voie contractuelle. Et il faudrait encore taxer leurs revenus publicitaires, s'interroge-t-il, multipliant par là les contradictions avec ses déclarations antérieures.

Je retiendrai ce paradoxe essentiel : les sites de téléchargement, dans les relations contractuelles qu'ils entretiennent avec des titulaires de droits voisins, négocient avec des éditeurs et des producteurs qui ne redistribuent pas les sommes ainsi collectées. Ainsi, les artistes interprètes demeurent hors du circuit des accords contractuels que vous visez. Dans ces conditions, si le législateur n'intervient pas pour qu'une taxation des revenus publicitaires contribue à la rémunération des artistes interprètes, ceux-ci seront les oubliés de notre débat.

Par pitié, monsieur le rapporteur, ne nous renvoyez pas à une réflexion ultérieure ! Il est toujours trop tôt, il faut attendre plus tard : vous nous avez déjà servi le même discours lors de l'examen de la loi DADVSI.

J'ai encore à l'oreille les propos de M. Donnedieu de Vabres : nous ferons une loi, disait-il, qui bouleversera les usages de nos concitoyens.

Une fois votée, poursuivait-il devant les députés, les offres légales de téléchargement vont exploser, et nos internautes vont migrer massivement vers ces offres commerciales.

Voilà qui, selon lui, résoudrait tous les problèmes. Or, avec la loi HADOPI, vous refaites exactement le même pari : celui de la sanction administrative.

On mesure d'ailleurs toutes les funestes conséquences qu'ont de telles sanctions sur la vie quotidienne de nos concitoyens.

Vous refaites donc le même pari : votez notre loi, dites-vous, et vous verrez comme ce sera fantastique ! Les usages de nos internautes seront modifiés – pensez, ils auront trop peur que l'on suspende leur connexion à Internet. Par prudence, donc, ils migreront vers les offres commerciales, et le problème sera ainsi résolu !

Hélas, ce pari est perdu d'avance. Et pendant ce temps, pas un euro supplémentaire n'est accordé à la création, qui a déjà perdu un milliard en trois ans ! Et cela continuera par votre faute. Vous en porterez la responsabilité ; nous verrons alors qui aime vraiment les artistes !

[...]

Nous venons d'achever l'examen de tous les amendements portant articles additionnels avant l'article 1er. Nous siégeons depuis trois heures. En dépit des efforts convergents de parlementaires de différents groupes visant à mettre en place de nouveaux modes de rémunérations ou une répartition plus équitable des rémunérations existantes, nous constatons malheureusement que tous ces amendements, qu'ils émanent de la majorité, parfois, ou de l'opposition, le plus souvent, ont été rejetés. Cela pose à notre groupe un vrai problème. En effet, nous traitons ici du financement et de la création à l'ère du numérique et nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet en examinant ce projet de loi qui, à aucun moment, ne permettra d'assurer un euro de plus aux créateurs et aux artistes.

[...]

Madame Guégot, c'est la première fois que je vous entends dans cet hémicycle. Je vous conseille de ne pas prendre à l'avenir ce ton donneur de leçons, qui est insupportable. Je respecte parfaitement l'opinion que vous avez émise, même si je ne la partage pas, mais c'est très pénible d'entendre pendant cinq minutes – car, heureusement, le Règlement limite à cinq minutes les interventions sur un article – que nous sommes tous – pour parler poliment – des imbéciles, que nous ne comprenons rien à Internet, que vous avez tout compris et que vous allez nous expliquer ce que c'est.

Nous sommes nombreux à travailler sur ces questions depuis longtemps. Je suis désolé de ne pas être ingénieur de formation, mais je m'honore d'avoir, dès l'année 2000, dans un projet de loi dont Didier Mathus était le rapporteur, fait adopter un amendement qui a posé les bases d'un statut de responsabilité pour les hébergeurs et les fournisseurs d'accès à Internet, ce qui a permis à un grand nombre d'entre eux d'échapper à des procédures civiles. Il n'y aurait sans doute plus d'hébergeur ni de fournisseur d'accès en France si nous n'avions légiféré par anticipation sur la transposition de la directive sur le commerce électronique.

Bref, nous nous intéressons à ces questions depuis un bon bout de temps. Nous exprimons très librement notre opinion sur ce sujet et prenons en compte la réalité de ce projet de loi qui, quoi que vous disiez, est une usine à gaz, un monstre juridique, qui donnera lieu à bien des contentieux. Vous avez parlé des adresses IP, vous auriez pu parler accessoirement du cryptage des contenus ou des problèmes d'anonymisation, qui ne sont pas des problèmes secondaires. En l'occurrence, et c'est bien la difficulté, un grand nombre de nos concitoyens internautes vont se trouver incriminés alors qu'ils n'auront pas téléchargé illégalement.

Ce qui nous gêne le plus, nous le redirons fortement à l'article 2, c'est qu'il y a, à travers cet article 1er, une mise en cohérence, pour reprendre les propos de notre rapporteur, Franck Riester, de la loi DADVSI et de la loi HADOPI, une sorte de croisement, mais ô combien funeste, qui, loin de faire disparaître des dispositions aussi répressives que celles contenues dans DADVSI, aura un effet cumulatif.

À un premier dispositif répressif n'ayant pas produit les effets escomptés, on en ajoute un second, qui n'aura pas plus d'effets positifs pour le financement de la création dans notre pays, mais qui aura des effets collatéraux désastreux car, contrairement à ce que vous avez dit, madame Guégot, c'est une généralisation de la surveillance sur Internet qui se prépare, sous prétexte de défendre les créateurs et les artistes ; ce sont des pratiques de filtrage, des éléments qui donneront lieu à de nombreuses dérives, notamment lorsqu'on demandera aux particuliers de sécuriser leurs connexions Internet.

Je ne vais pas reprendre les arguments que nous avons développés dès hier. En tout cas, nous voterons contre l'article 1er car nous aurions souhaité que l'on abroge d'abord la loi DADVSI. Ceux qui l'ont votée il y a trois ans n'ont même pas respecté ce qu'ils ont voté. Nous sommes rentrés en live, si j'ose dire, dans le débat, sans évaluation, sans étude d'impact. La révision constitutionnelle aura au moins cet avantage que ce ne sera pas le cas la prochaine fois qu'il faudra réformer en ce domaine, c'est-à-dire très bientôt. Reste que, sans évaluation aucune, nous allons ajouter un dispositif répressif à un autre.

[...]

Cet amendement [n° 301 Rect.] est un test sur la bonne foi de ceux qui assurent la promotion de ce projet de loi. Madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, vous nous expliquez qu'il faut passer à autre chose, et vous instaurez l'HADOPI pour ce faire. La loi DADVSI, qui visait à sécuriser les mesures techniques de protection, a sombré dans les conditions que l'on sait ; la plupart des acteurs abandonnent progressivement ces verrous qui bloquaient le développement de l'offre commerciale, qui est votre obsession, la solution à tout, selon vous.

En votant cet amendement, vous ferez définitivement tomber les DRM : d'ici à fin 2009 pour la musique, fin 2011 pour le cinéma et l'audiovisuel. Volontairement, nous laissons un certain délai.

Nous attendons un avis favorable de la ministre et du rapporteur sur cet amendement qui s'inscrit dans leur propre logique.

[...]

Il s'agit encore des mesures techniques de protection. Mais c'est un débat qui me semble ô combien nécessaire et toujours d'actualité ; il ne relève pas de la nostalgie. Je le répète : nous ne nous satisfaisons pas d'avoir eu raison, il y a trois ans, de nous opposer au projet de loi DADVSI. Puisqu'il s'agit de retravailler sur le cadre législatif de la propriété intellectuelle en réécrivant la loi DADVSI, il faut prendre en compte l'insécurité juridique qui existe pour de nombreux auteurs de logiciels indépendants interopérant avec des mesures techniques, mais aussi pour des utilisateurs qui ne savent plus s'ils ont le droit de procéder aux manipulations leur permettant de lire, avec l'outil de leur choix, les fichiers porteurs de mesures techniques de protection.

De plus, ces dispositifs sont sources de désagrément parce qu'ils exercent un contrôle très souvent abusif. Nous voulons donc que les éditeurs de DRM soient incités à créer des dispositifs plus respectueux de la libre concurrence et des droits du public.

L'amendement vise ainsi à modifier l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle afin d'écarter de tels dispositifs, que nous jugeons obsolètes. Comme l'a rappelé Martine Billard, tous les verrous n'ont pas encore sauté.

[...]

Nous référant au débat que nous avons eu dans cet hémicycle il y a trois ans, nous manifestons le souci de faire disparaître certaines dispositions.

C'est le cas du troisième alinéa de l'article L. 331-7 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « le titulaire des droits sur la mesure technique ne peut imposer au bénéficiaire de renoncer à la publication du code source et de la documentation technique de son logiciel indépendant et interopérant que s'il apporte la preuve que celle-ci aurait pour effet de porter gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de ladite mesure technique. »

Voyez un peu comment, il y a trois ans, nous avons été amenés à traiter le problème des codes sources, comme celui de l'interopérabilité et des DRM.

Le problème posé est assez simple : nous devons avoir à l'esprit – c'est tout l'objet de la propriété intellectuelle – le fait que la décision de publier un logiciel avec son code source relève du droit moral de l'auteur. La possibilité laissée au titulaire des droits sur la mesure technique d'interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant et interopérant – c'est bien le propos du troisième alinéa – porte manifestestement atteinte au droit moral de l'éditeur de logiciel, défini comme « perpétuel, inaliénable et imprescriptible » par l'article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle. En outre, l'article L.121-2 indique : « L'auteur a seul le droit de divulguer son œuvre (…) Il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. »

En un mot, cet amendement vise à restaurer quelques principes fondamentaux du droit d'auteur, et notamment du droit moral « perpétuel, inaliénable et imprescriptible » de l'auteur. L'amendement tend donc à la suppression de ce troisième alinéa qui restreint l'exercice de ce droit moral de tout auteur à la diffusion de son œuvre, en l'occurrence des logiciels indépendants et interopérants. La défense de cette mesure salutaire nous permet de rappeler qu'il n'est pas question que de culture et de création, mais aussi de développement économique.

[...]

Cet article 2, article central de ce projet de loi, vise à créer une usine à gaz, une raffinerie pétrolière, une monstruosité juridique, bref, un nouveau machin, présenté abusivement comme un dispositif pédagogique et dissuasif alors qu'il s'agit en réalité d'un dispositif répressif et disproportionné.

L'avis de la Commission européenne, le vote par le Parlement européen à une très large majorité d'une résolution, reprise dans l'amendement n° 46, démontrent l'isolement de la France, de manière presque caricaturale.

Vous avez évoqué tout à l'heure le cas de la Nouvelle-Zélande, insistant sur le fait que l'absence d'une concertation analogue à celle ayant abouti aux accords de l'Élysée avait conduit à retarder la mise en œuvre du dispositif. Vos propos m'ont interpellé et j'ai voulu relire votre audition devant la commission des lois : vous souligniez que le nombre de téléchargements en Nouvelle-Zélande avait baissé depuis qu'avait été mis en place le système de la riposte graduée. Cela a évidemment quelque chose de drôle, je le dis en souriant et sans esprit polémique, car ce système n'a toujours pas été mis en œuvre, le Premier ministre néo-zélandais en ayant suspendu l'application.

Nous avons tous lu l'avis rendu par l'ARCEP et l'avis rendu par la CNIL. J'entends ici ou là que ce dernier aurait été satisfait par les discussions au Sénat. Notre rapporteur nous expliquera sans doute qu'il a quelques amendements dans la poche la main qui finiront de régler tous les problèmes. Il n'en est rien ! Beaucoup des interrogations de la CNIL restent en suspens et j'espère que l'adoption de nos amendements permettra d'y apporter des réponses.

La création de cette nouvelle Haute autorité, outre qu'elle aboutit à une gabegie financière supplémentaire, repose sur une démarche privative de libertés et de droits fondamentaux, qui ne sont pas seulement ceux des internautes mais ceux auxquels tout citoyen est attaché en démocratie. Cette instance repose sur une sorte d'extraterritorialité juridique : les conditions dans lesquelles elle pourra œuvrer empêcheraient tout tribunal en France de rendre justice, malgré les mauvaises réformes de Mme Dati.

L'internaute à qui il sera reproché un téléchargement dit illégal recevra un premier mail d'avertissement mais sans que lui soient communiqués les éléments matériels qui fondent cette démarche. Puis, après la recommandation, suivra la sanction suprême, la suspension de l'abonnement. Mais à aucun moment de cette procédure insensée – nous le répétons et nous le répéterons jusqu'à la fin de ce débat – ne sont respectés la présomption d'innocence, les droits de la défense les plus élémentaires ou le principe du contradictoire. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à ce que la suspension de l'abonnement soit soumise à une décision préalable d'une autorité judiciaire.

Je termine par la disposition la plus choquante : le caractère aléatoire des sanctions, qui constitue une rupture manifeste d'égalité de nos concitoyens devant la loi. L'HADOPI jouira d'un pouvoir discrétionnaire qui conduira, selon son bon vouloir, à ce qu'un internaute ne reçoive qu'un simple avertissement quand un autre sera l'objet de multiples courriers, qui conduira encore à ce qu'il soit proposé à l'un une transaction quand un autre se verra appliquer une sanction.

Je tiens à mettre en garde notre assemblée contre les funestes conséquences de cet article : nous ne pouvons légiférer dans de telles conditions et laisser naître un monstre juridique ni laisser l'HADOPI décider, selon son bon vouloir, que tel internaute est blanc et tel autre noir.

12/03/2009 Débats HADOPI : renvoi en commission, offre légale, DADVSI, contibution créative, propagande, droits fondamentaux, accès Internet

La motion de renvoi en commission défendue par notre collègue Martine Billard se trouve, ce matin, d'autant plus justifiée pour celles et ceux qui ont assisté la nuit dernière à notre discussion générale que celle-ci s'est conclue de manière très frappante par les interventions de MM. Martin-Lalande, Suguenot, Tardy, Dupont-Aignant et Calméjane, qui ont soulevé successivement des interrogations rejoignant, sur bien des points, nos préoccupations.

Pourquoi est-il demandé à notre Assemblée de renvoyer ce texte en commission ? Il ne s'agit certes pas de punir notre rapporteur, considérant qu'il n'aurait pas fait son travail. Je soulignerai toutefois, monsieur Riester, que vous vous en prenez un peu légèrement à nos collègues, membres de la commission des lois, en leur faisant valoir que vous avez entendu tout le monde et qu'ils auraient dû assister à ces auditions. Vous savez très bien que j'ai dû moi-même frapper à la porte et attendre quarante-huit heures avant que l'on me permette de participer à certaines de celles-ci.

Vous n'êtes, cependant, en rien en cause, monsieur Riester, en tant que rapporteur de la commission des lois.

Mais, comme l'a rappelé avec beaucoup de pertinence notre collègue Billard, nous devons incontestablement travailler de nouveau ce texte qui est mauvais et mal calé.

Mme la ministre a eu la bonté, ce matin, de commencer à répondre à certains des arguments que nous avons développés dans la discussion générale. M. Riester s'est également livré à cet exercice. Mais votre argumentaire, aimable bavardage, est resté très général. Vous nous avez ainsi narré un conte de fées. Je suis très frappé de constater que vous reprenez exactement les arguments défendus dans cet hémicycle par M. Donnedieu de Vabres. Sans doute est-ce d'ailleurs parce que ce sont les mêmes personnes qui ont rédigé les argumentaires.

Vous commettez une erreur essentielle. C'est la raison pour laquelle nous affirmons que votre projet de loi est un pari perdu d'avance. Vous essayez, en effet, de bousculer, de faire basculer, bref de changer par la loi les habitudes de millions de nos concitoyens internautes. Vous nous réaffirmez aujourd'hui que c'est pour permettre le développement des offres légales de téléchargement attractives. Mais qu'est-ce qui a empêché, au cours de ces trois dernières années, que ces offres légales se développent, que les catalogues s'ouvrent et, surtout, chers collègues, que les prix baissent ?

Il est, en effet, aujourd'hui frappant que le titre téléchargé soit toujours à 0,99 euro ! Faut-il une nouvelle fois, vous dire qu'en cette affaire, certains réalisent des profits considérables, parce qu'ils n'ont pas à intégrer les coûts de fabrication des supports physiques, mais que les auteurs et artistes interprètes y ont perdu ? Un auteur et un artiste interprète sont aujourd'hui moins bien rémunérés pour un titre téléchargé, sur une offre commerciale, qu'ils ne l'étaient hier ou le sont encore aujourd'hui grâce à la vente de CD ou le sont de DVD.

De la même façon, madame la ministre, je vous trouve bien faible, s'agissant de la loi DADSVI. Beaucoup d'entre vous – et j'interpelle là directement nos collègues de la majorité – ont constaté que cette loi est un échec patent, ce que nous avions d'ailleurs prédit. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas tout simplement l'abroger ? Vous affirmez, madame la ministre, qu'en pratique, la riposte graduée s'appliquera et qu'il n'y aura pas de procès en contrefaçon. Mais nous écrivons la loi, dans cet hémicycle ! Elle doit être précise ! Aujourd'hui, l'internaute est menacé par une sorte de double et même, comme nous l'avons démontré, de triple peine. Il y aura, si nous n'abrogeons pas la loi DADSVI, un cumul de sanctions administratives et pénales.

Vous faites un peu facilement le procès – et surtout sans guère d'arguments – de la contribution créative. Nous reprocher d'essayer de mettre en place de nouveaux modes de rémunération de la création dans notre pays pour tenir compte des évolutions technologiques, c'est tout de même un curieux procès, surtout quand on sait que votre projet de loi ne rapportera pas un euro de plus à la création !

Selon vous, il n'est pas juste que tous les internautes, y compris ceux qui ne téléchargent pas, paient cette contribution créative, mais nous payons bien la redevance audiovisuelle même si nous ne regardons pas France Télévisions, et on paie des impôts même si l'on ne va pas dans les musées, à des concerts ou au théâtre.

Mais si, c'est exactement la même chose. Il y a un principe de solidarité nationale.

On paie des redevances, des taxes, des impôts parce qu'on s'inscrit dans une collectivité. Ce que vous niez, c'est la notion même de collectivité. Votre projet de loi, nous le répétons, a un défaut majeur : il oppose inutilement nos concitoyens, les créateurs et les internautes, les artistes et leurs publics, et c'est la raison pour laquelle son échec est signé d'avance.

Nous voterons donc la motion de renvoi en commission.

[...]

Merci de me donner la parole, madame la présidente. Nous sommes au cœur de ce qu'est le règlement de l'Assemblée nationale, car il s'agit d'une grave perturbation du bon déroulement de nos travaux.

J'ai souhaité dès hier, pour que nous ayons des échanges plus sereins aujourd'hui, interpeller Mme la ministre pour lui demander de clore ce site et de cesser de nous envoyer, sous forme de lettres électroniques quotidiennes, la prose de ce que l'on ne peut qualifier autrement que de site de propagande gouvernementale.

Madame la ministre, si c'est de la communication et qu'il s'agit d'un site officiel, financé par de l'argent public, le moins que l'on puisse alors demander, c'est que la parole y soit donnée à ceux qui s'opposent à ce projet de loi.

Au lieu de dialoguer avec M. Luc Besson sous les ors du ministère, acceptez la contradiction ; acceptez que nous dialoguions avec vous sur ce site officiel et que nous y développions nos arguments. Cela, ce serait de la communication ! Comme ce n'est pas le cas, il s'agit d'un site de propagande.

Dans la mesure où cela perturbe gravement nos travaux et remet en cause la séparation des pouvoirs et l'indépendance du Parlement, je demande – et elle de droit, madame la présidente – une suspension de séance de dix minutes.

[...]

Nous avons déposé cet amendement [n° 401], car, dans le domaine de la culture en général, mais celui d'Internet en particulier, les règles s'établiront de plus en plus dans un cadre communautaire, les parlementaires nationaux que nous sommes ayant pour tâche de les transposer dans notre droit interne. D'ailleurs, la funeste loi DADVSI n'était-elle pas la transcription d'une directive européenne ultérieurement chargée – et de quelle façon ! – par le Gouvernement de l'époque ?

Cet amendement vise tout simplement à ce que nous prenions en compte le signe fort que nous a donné le Parlement européen en septembre dernier : tenez-vous bien, chers collègues, 88 % des parlementaires européens ont voté cet amendement appelé communément amendement 138, lors de l'adoption d'une nouvelle version du « paquet télécoms ». Ils ont souhaité adresser un message non seulement aux parlementaires nationaux mais plus largement à nos concitoyens de l'Union européenne.

Il existe des principes, des droits fondamentaux qui sont essentiels et que nous devons respecter dès lors que nous sommes attachés à la démocratie au sein même de l'Union européenne. À partir de là, on ne peut pas restreindre dans n'importe quelles conditions ces droits fondamentaux, et donc les libertés des utilisateurs de services de communication au public en ligne. Toute la problématique de l'accès se trouve ainsi posée.

Vous dites, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que rien n'empêche une autorité administrative de couper l'accès à l'Internet. Certes, la puissance publique peut lui donner une telle délégation ; sauf que le Conseil constitutionnel, heureusement très vigilant pour ce qui touche aux privations ou aux restrictions de libertés individuelles, considère qu'une haute autorité ne peut remplir ce rôle. C'est là une faiblesse juridique essentielle du texte. L'amendement n° 138 au Paquet Télécom, que nous reprenons, rappelle ainsi qu'en matière de restriction des libertés, une décision judiciaire, avec la garantie de procédure contradictoire qu'elle implique, est nécessaire.

Cette disposition du texte est donc inconstitutionnelle ; elle remet également en cause, non seulement la Déclaration des droits de l'homme, mais aussi la Convention européenne des droits de l'homme. Il serait donc raisonnable de prendre en compte le principe démocratique élémentaire que soutient notre amendement.

[...]

Il est dommage que les amendements précédents aient été rejetés parce que leur adoption aurait mis le Gouvernement et une partie de sa majorité, celle qui le soutient dans la discussion de ce projet de loi, à l'abri d'un élément d'inconstitutionnalité majeur.

Le Conseil constitutionnel aura sans doute le souci de rappeler qu'on ne peut pas priver dans n'importe quelles conditions nos concitoyens des libertés individuelles auxquelles ils sont attachés.

À travers l'amendement n° 397, nous avons souhaité relayer dans cet hémicycle les initiatives prises au Parlement européen pour atteindre des objectifs sur lesquels nous devrions tous être d'accord, qu'il s'agisse de l'accès du plus grand nombre à Internet ou de droits aussi essentiels que le droit à l'éducation ou à la culture. Nous ne parlons pas de droit fondamental, nous disons simplement que, dans les missions d'intérêt général que nous devons porter, l'accès de tous les citoyens à l'éducation doit être garanti à travers l'accès à Internet.

Mme Billard faisait référence au rapport présenté par notre collègue député européen, M. Stavros Lambrinidis, qui sera voté en séance plénière le 24 mars prochain au Parlement européen.

Ce rapport pointe, de façon remarquable comme l'indique Christian Paul, un certain nombre d'objectifs qui devraient nous réunir au-delà des clivages habituels qui existent au sein même de cet hémicycle.

L'exposé des motifs de ce rapport est très clair : « De même que chaque enfant a droit à l'enseignement et chaque adulte à la formation permanente, chaque individu tout au long de sa vie devrait avoir le droit d'accéder à l'ordinateur et à Internet. Les gouvernements devraient garantir un tel accès, même dans les régions les plus éloignées et pour les citoyens les plus pauvres. En outre, cet accès ne doit pas être refusé en tant que “sanction”. Les hommes de tous horizons, de toutes régions et de toutes cultures devraient pouvoir profiter du large éventail de services offerts par Internet. Ils pourront ainsi poursuivre leur développement personnel, nouer des relations éducatives, professionnelles et personnelles et explorer des possibilités économiques dans toute la mesure offerte par nos technologies et nos lois. » C'est bien écrit, et je pense que ces objectifs ne peuvent que nous rassembler.

Cela traduit en plus la place qu'Internet a prise dans la vie quotidienne de chacun. Ce n'est pas un gadget, ce n'est pas un élément secondaire, cela a autant d'importance aujourd'hui, pour la plupart de nos citoyens, que le téléphone et peut-être même encore plus car, c'est le miracle de cette technologie, on fait beaucoup plus de choses avec Internet qu'avec une simple ligne téléphonique.

Cet amendement ne peut, je pense, que recueillir l'adhésion de notre assemblée.

11/03/2009 Débats HADOPI : propagande

Monsieur le président, nous sommes un peu surpris, dans un débat aussi central pour la majorité, notamment pour le groupe UMP, compte tenu de l'engagement personnel de son président de constater qu'excepté deux rapporteurs sur trois – où est passée Mme Marland-Militello ? – aucun député UMP n'est dans l'hémicycle.

Par ailleurs, j'interpelle Mme la ministre sur le fait que nous sommes obligés de subir une lettre électronique quotidienne particulièrement insultante qui, par le jeu d'un lien avec le site www.jaimelesartistes.fr, induit l'idée que ceux qui s'opposent à ce projet de loi n'aimeraient pas les artistes.

Enfin, notre collègue Christian Paul a posé une question des plus pertinentes sur une intervention de M. Besson que l'on pourrait presque apparenter à un acte de censure, à tout le moins verbale.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, notamment pour permettre à nos collègues du groupe UMP, qui avaient montré une certaine promptitude à venir voter contre notre exception d'irrecevabilité et notre question préalable, de rejoindre l'hémicycle, je vous demande, en vertu des pouvoirs qui m'ont été conférés par le président de mon groupe, dix minutes de suspension de séance.

[...]

Je veux répondre brièvement à Mme la ministre.

J'ai apporté les deux lettres électroniques qu'elle m'a adressées, comme à tous les députés, l'une lundi, l'autre mercredi. Je m'étonne que le ministère, qui a établi un lien avec le site www.jaimelesartistes.fr, fasse tant de publicité sur le fait que la France serait la championne du monde du piratage.

Ainsi, on pouvait y voir lundi Luc Besson, filmé dans les salons du ministère, au cours d'une séquence intitulée : « Luc Besson et Christine Albanel discutent de la loi Création et Internet ».

On y découvre aussi des questions d'internautes qui ne ressemblent pas tout à fait à celles que l'on nous adresse.

Par exemple celle-ci, publiée lundi : « Je suis cinéphile et amateur de musique. Je préfère dans un premier temps télécharger un album ou regarder un film en streaming avant d'être convaincu et de l'acheter légalement. Suis-je condamnable pour cela ? ».

Ou cette autre, de mercredi : « Qu'apporte le système de "réponse graduée" par rapport au système judiciaire actuel ? » Que les internautes seraient naïfs s'ils exprimaient réellement ainsi ! Et vous récusez, madame la ministre, le terme de site de propagande ?

11/03/2009 Débats HADOPI : exception d'irrecevabilité, DADVSI, DRM, streaming, rapport d'évaluation, accords de l'Élysée, coûts pour les FAI, contribution créative, gratuité, riposte graduée, droits fondamentaux, sanctions, autorité judiciaire, filtrage, liste blanche, labellisation, CNIL, exemples étrangers

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme vous le savez sans doute, dans les séries américaines – qui sont d'ailleurs, nous dit-on, les œuvres télévisuelles les plus téléchargées –, les « saisons » se succèdent. À cet égard, le débat parlementaire que nous commençons aujourd'hui s'apparente à la « saison 2 » d'un mauvais feuilleton dont la « saison 1 » a été la discussion, en 2005 et 2006, de la funeste loi dite DADVSI.

Il s'agissait alors de donner une sécurité juridique aux mesures techniques de protection, qui étaient, à cette époque, la solution à tout, le Graal du Gouvernement en la matière. Votre prédécesseur, madame la ministre, faisait ici même, non sans quelque grandiloquence, le pari que nos millions de concitoyens internautes allaient, une fois sa loi votée, migrer massivement vers les offres commerciales de téléchargement. Trois ans plus tard, force est de constater que le pari de M. Donnedieu de Vabres a été perdu : les éditeurs abandonnent, les uns après les autres, les fameuses DRM, et les internautes n'ont pas modifié leurs usages de l'Internet, tout particulièrement dans leurs moyens d'accès aux œuvres de l'esprit. Craignez, madame la ministre, qu'il en soit de même aujourd'hui et que ce nouveau projet de loi soit d'ores et déjà un pari perdu d'avance.

Pourquoi est-il, selon nous, perdu d'avance ? Pour trois raisons au moins, qui constituent autant d'inconvénients majeurs.

On ne fait jamais de bonne loi en organisant la confrontation entre nos concitoyens, en l'occurrence, avec ce texte, en opposant les créateurs aux internautes, c'est-à-dire les artistes et leur public. Le droit d'auteur, ce n'est pas cela. Historiquement, et c'est la raison pour laquelle les socialistes y sont viscéralement attachés, le droit d'auteur a été conçu pour défendre les auteurs, les artistes, contre les abus des éditeurs et des producteurs, en un mot les petits contre les gros. C'est donc à un véritable détournement du droit d'auteur que nous assistons, pour la seconde fois, après la loi dite DADVSI.

Ce texte, pour notre groupe, est inutile à plusieurs titres : il est d'ores et déjà dépassé. Ainsi, il vise à réprimer le téléchargement et l'échange de fichiers au moment même où le streaming est en plein essor. Il est coûteux – d'ailleurs, qui va payer ? – ; il est inefficace, car contournable ; il est techniquement très difficile à mettre en œuvre ; il est risqué pour nos concitoyens, tant il comporte d'aléas et d'incertitudes juridiques.

Non seulement ce texte crée une usine à gaz sur le plan juridique – j'y reviendrai –, mais en plus, il passe totalement à côté des vrais enjeux, c'est-à-dire avant tout l'adaptation du droit d'auteur à l'ère numérique. Ainsi, il ne rapportera pas un euro de plus à la création.

La loi dite DADVSI a été un échec.

Mme Marland-Militello vient d'ailleurs de le confirmer. C'est la réalité de cet échec que vous auriez dû acter, madame la ministre, avant de nous proposer le présent projet de loi. Mais la vérité, c'est que vous n'avez pas osé lancer cette évaluation du dispositif, pourtant prévue par la loi dans les dix-huit mois suivant sa promulgation. Où est ce rapport ? Nous l'attendons encore.

À défaut, le Gouvernement a trouvé une nouvelle machine anti-téléchargement – qui s'enrayera comme la précédente –, s'appuyant cette fois, pour justifier le bien-fondé de sa démarche, sur les accords de l'Élysée.

Il n'est naturellement pas possible pour nous de cautionner la manière dont ont été signés, le 23 novembre 2007, ces accords que vous nous présentez encore aujourd'hui comme « historiques ». Le chef de l'État s'était alors bruyamment félicité du large consensus auquel il prétendait être parvenu. Et puis, patatras, quelques temps plus tard, le patron de la maison mère de Free, Xavier Niel, avouait avoir signé ce jour-là « une feuille blanche », remettant au passage en cause le contenu même des accords. Entre ceux qui ont signé une feuille blanche et ceux qui, comme les associations de consommateurs et d'internautes, n'ont tout simplement pas été invités, le consensus était effectivement facile à trouver. S'en enorgueillir encore aujourd'hui nous semble bien mal à propos.

Mais là où ce projet de loi est réellement décalé, c'est qu'il s'attache uniquement à la question du téléchargement. Or, nous savons bien que ce n'est déjà plus la vraie question. Aujourd'hui, le streaming commence à supplanter le téléchargement et, dans quelques mois, avec la diversification des terminaux, le téléchargement ne sera plus le mode le plus répandu pour avoir accès aux contenus. Les usages évoluent, le marché des ventes en ligne se développe. Avec la multiplication de plates-formes de type Deezer, la notion de captation de fichier est de moins en moins prégnante.

De plus en plus, y compris pour la VOD, nous basculons d'un système de stockage vers un système de flux.

À nouveau, vous avez un temps de retard, qui sera d'autant plus accentué que ce projet de loi ne pourra techniquement être mis en œuvre dès qu'il sera voté. Tous les opérateurs s'accordent à dire que, dans la majorité des cas, il ne sera pas possible de couper l'abonnement Internet sans interrompre en même temps la connexion au téléphone et à la télévision de ceux qui ont choisi une offre triple play.

Selon l'ARCEP, ce sont trois millions de foyers qui se trouveront ainsi concernés. Les plus gros opérateurs pensent pouvoir surmonter ces obstacles techniques en y consacrant plusieurs millions d'euros et ce, tenez-vous bien, dans un délai de deux ans minimum.

Au moment où la loi sera techniquement applicable, la question sera plus que jamais ailleurs.

Nous nous interrogeons, en conséquence, sur le fait de savoir qui prendra en charge les coûts d'investissement nécessaires à l'adaptation des réseaux aux exigences de la loi.

Le récent rapport du Conseil général des technologies de l'information, organisme dépendant de Bercy, estime ainsi que les coûts globaux de mise en œuvre s'élèveront pour les FAI à « un montant minimal » de 70 millions d'euros sur trois ans. Orange parle de 13 millions d'euros pour son seul réseau.

Qu'en sera-t-il des capacités de financement des opérateurs les plus modestes ? Votre absence de réponse, madame la ministre, à la question de savoir si ces coûts seront ou non pris en charge par l'État – ou par les FAI ? par les consommateurs ? – nous interpelle.

Plus grave encore, ce texte passe totalement sous silence la principale question qui nous préoccupe, et à laquelle vous feignez de répondre par ce seul projet de loi, je veux parler de la rémunération des auteurs. Il y a trois ans, on nous certifiait que le simple fait d'adopter la loi dite DADVSI allait mettre fin aux téléchargements illégaux, et que, de fait, tous les internautes allaient massivement basculer vers les offres légales, et qu'il était en soi totalement inutile de prévoir une rémunération nouvelle pour les créateurs.

Trois ans après, force est de constater que les effets escomptés ne se sont pas produits et que les auteurs, pendant tout ce temps-là, n'ont pas touché de rémunération complémentaire.

Nous avions, à l'époque, proposé de redistribuer aux créateurs de contenus une part, que nous estimions plus que légitime, des revenus de ceux qui possèdent les tuyaux. Nous avions alors reçu une fin de non-recevoir. Il fallait, nous disait-on, laisser à un nouveau modèle économique le temps de se développer. Il était donc inutile d'aller plus loin. L'ironie de l'histoire, madame la ministre, c'est que vous avez récemment préféré créer une taxe pour financer le manque à gagner publicitaire de France Télévisions, plutôt que de rémunérer la création. Et les fournisseurs d'accès à Internet, comme les opérateurs de télécoms, ne passeront pas une seconde fois à la caisse.

On pourrait se dire que l'expérience permet de progresser, d'évaluer et d'éviter de répéter inlassablement les mêmes erreurs. Mais non, vous restez arc-boutée, madame la ministre, sur une vision faussée d'Internet, et notamment en partant du postulat que ce sont principalement les jeunes qui seraient amenés à échanger des fichiers, mus qu'ils seraient par un désir irrépressible et absolu de gratuité. Étonnante vision que celle-là !

Je voudrais, à cet égard, relever un évident paradoxe. Vous pourfendez, avec le Président de la République, la gratuité sur Internet, assimilée à du vol. Mais parallèlement, les deux mesures phares en direction des jeunes qui ont été annoncées très médiatiquement par Nicolas Sarkozy en début d'année, et qui concernent précisément vos attributions ministérielles, visent justement à instaurer de la gratuité : la première autorise pour les jeunes un accès gratuit aux musées, et la seconde octroie pendant un an aux jeunes de dix-huit ans un abonnement gratuit à un journal quotidien.

En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas des idéologues de la gratuité. Au contraire, nous sommes en quête de nouveaux modes de financement de la création.

Car, à nouveau aujourd'hui, trois ans après le pari perdu de la loi dite DADVSI, le Gouvernement ignore totalement toute approche alternative qui pourrait être fondée sur la reconnaissance des échanges non lucratifs entre individus en contrepartie du paiement d'une contribution forfaitaire par les abonnés au haut débit.

Toute proposition qui pourrait amener une rémunération nouvelle des créateurs, un financement supplémentaire, précieux pour la production des œuvres, est d'emblée balayée d'un revers de main par le Gouvernement, qui n'a d'ailleurs jamais commandé ne serait-ce qu'une seule étude sur le sujet.

Si nous proposons, par un amendement, la création d'une contribution créative, c'est avant tout pour ouvrir ici même le débat. Le souci premier de notre groupe reste bien de savoir comment financer la création à l'ère numérique.

Abordant à présent la question des principes fondamentaux du droit, je dirai que le projet de loi est, de notre point de vue, tout simplement irrecevable. Comment, malgré les nombreux avis concordants dont il a été destinataire, le Gouvernement peut-il se présenter aujourd'hui devant la représentation nationale avec un texte qui n'est qu'un meccano hasardeux, et dont les dispositions sont contraires aux droits garantis tant par la Constitution que par la convention européenne des droits de l'homme ?

Tout d'abord, nous ne pouvons que nous inquiéter que la prise de sanction, telle la suspension d'un abonnement à Internet, soit confiée à une autorité indépendante. La compétence exclusive du juge pour toute mesure visant la protection ou la restriction de libertés individuelles est pourtant un principe rappelé à maintes reprises par le Conseil constitutionnel. Les mesures entraînant une restriction de la liberté individuelle de se connecter à Internet, outil de plus en plus indispensable à la vie quotidienne de chacun, sont suffisamment sensibles pour être prises par le juge et non par une autorité administrative. Si le législateur peut confier à une telle autorité, dans le cadre de prérogatives de puissance publique, un pouvoir d'infliger des sanctions, c'est à la condition que celles-ci soient exclusives de toute privation de liberté.

Dans le cadre de la révision du Paquet Télécom au Parlement européen, les discussions de l'automne dernier ont débouché sur l'adoption, par 573 voix contre 74, de l'amendement n° 138, présenté par Guy Bono et Daniel Cohn-Bendit.

Cet amendement visait à ce qu'aucune restriction des droits fondamentaux et des libertés des utilisateurs de services de communication au public en ligne ne puisse être imposée sans une décision préalable de l'autorité judiciaire. Son vote massif n'a fait que confirmer la nécessité de respecter le principe constitutionnel précédemment évoqué.

D'ailleurs, vous le savez parfaitement bien, madame la ministre, car tout en ayant déclaré officiellement que la portée de cet amendement n'était pas « suffisante pour remettre en cause notre démarche », vous n'avez pas ménagé votre peine, avec le Président de la République, pour tenter de réduire à néant cet amendement, en profitant de la présidence française de l'Union européenne à ce moment-là. Si la Commission n'a pas obtempéré, c'est du Conseil des ministres européens qu'est venu votre salut. Salut du reste très précaire, dans la mesure où l'amendement n° 138 vient de devenir l'amendement n° 46, tout juste réintroduit par Catherine Trautmann, rapporteure du Paquet Télécom en deuxième lecture, et qui, faut-il le rappeler, madame la ministre, vous a précédée rue de Valois.

Outre cet amendement qui vous dérange tant, la Commission européenne reste très réticente à l'idée de laisser à un organe administratif un tel pouvoir de suspension, soulignant très justement que « la réalité de l'utilisation actuelle d'Internet dépasse largement l'accès aux contenus ». En effet, la Commission vous a rappelé, comme nous le faisons aujourd'hui, qu'un nombre grandissant de services au public est fourni par Internet, moyen qui se substitue de plus en plus aux canaux traditionnels de communication.

Je vous invite à lire ou à relire la résolution du Parlement européen, adoptée par 586 voix contre 36, le 10 avril 2008, sur les industries culturelles en Europe. Cette résolution met en avant deux principes intéressants. Tout d'abord, les députés européens ont souligné que « la criminalisation des consommateurs qui ne cherchent pas à réaliser des profits ne constitue pas la bonne solution pour combattre le piratage numérique ». Le Parlement européen a également engagé « la Commission et les États membres à éviter l'adoption de mesures allant à l'encontre des droits de l'homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d'efficacité et d'effet dissuasif, telles que l'interruption de l'accès à Internet ». Jusqu'à quand le Gouvernement va-t-il faire comme si ces recommandations européennes n'existaient pas ?

La suspension de l'abonnement constitue une sanction disproportionnée. Cette appréciation est visiblement partagée jusque dans les rangs de la majorité, comme en témoigne l'adoption en commission d'un amendement visant à ce que la sanction de suspension relève de l'unique autorité judiciaire saisie par la commission de protection des droits, ainsi que d'un amendement remplaçant la procédure de la suspension par une amende.

Face à l'expression de ces doutes, vous avez, madame la ministre, lors de votre audition en commission, affirmé avec quelque légèreté qu'il ne s'agissait absolument pas d'une atteinte aux libertés, dans la mesure où l'internaute dont l'abonnement aura été suspendu aura toujours la possibilité de se rendre chez des voisins ou de la famille pour se connecter à Internet.

Certains y ont même vu une suggestion de contournement de votre propre loi.

Le texte pose donc des questions essentielles, notamment en ce qui concerne le non-respect des principes fondamentaux du droit. Nous contestons, vous l'avez compris, le caractère disproportionné de la sanction encourue par les internautes, encore aggravé par le fait que ces derniers ne pourront bénéficier des garanties procédurales habituelles. En effet, l'absence de procédure contradictoire, le défaut de prise en compte de la présomption d'innocence et du principe de l'imputabilité, ainsi que la possibilité de cumuler sanction administrative et sanction pénale sont, pour notre groupe, autant d'éléments d'irrecevabilité.

En matière de présomption d'innocence, tout d'abord, le fait que le titulaire de l'accès soit présumé responsable pose un réel problème. Le choix du Gouvernement de faire peser la charge de la preuve sur l'internaute et de la combiner à l'absence de possibilité de recours pour le titulaire de l'accès ignore tout simplement les droits de la défense. Dès lors, nous nous interrogeons sur ce qui se passera en cas d'erreur de transmission ou d'erreur dans la saisine initiale par les organismes de représentation des ayants droit. Le projet de loi ne dit pas comment la Haute autorité sera en mesure d'éviter les erreurs matérielles dans la gestion de l'envoi de recommandations, en particulier lorsque sera utilisée une procédure d'envoi systématique.

Le recours ne sera possible qu'après la suspension de l'abonnement à Internet – rien avant ! –, et il ne sera pas lui-même suspensif. Une fois leur abonnement indûment coupé, nos concitoyens devront attendre, nul ne sait combien de temps, que l'autorité judiciaire qu'ils auront alors pu saisir, constate la commission d'une erreur. Comme ils n'auront pu contester aux étapes précédentes, la sanction s'appliquera avant même qu'ils aient la possibilité de faire valoir leur bonne foi, en supposant, ce qui est loin d'être évident, qu'ils puissent le faire.

Dans notre droit, les décisions au fond doivent exclusivement s'appuyer sur des éléments de preuve sur lesquels les parties ont la possibilité de se faire entendre. Or, dans ce texte, les avertissements ou les recommandations ne sont pas de simples rappels de la loi ou d'innocentes mesures pédagogiques, comme vous essayez de nous le faire croire. Ils relèvent de la catégorie des actes administratifs qui vont produire des effets dans la sphère juridique des titulaires d'un accès à Internet. Le mail d'avertissement est en lui-même une étape qui conduit à la sanction future. Il devrait donc faire l'objet d'une contestation possible par l'internaute.

Aucun dispositif, ne serait-ce que d'accueil des internautes ainsi interpellés, n'est prévu pour répondre à leurs légitimes interrogations, demandes ou contestations. Il nous apparaît indispensable de créer au moins les conditions visant non seulement à la justification par la Haute autorité de son envoi, mais également à la possibilité de le contester. Cette demande est d'autant plus pertinente que, technologiquement parlant, le risque d'erreur est grand. D'autant que, si l'on se réfère aux chiffres que vous donnez vous-même, pas moins de 10 000 courriels de premier avertissement, 3 000 courriels ou lettres recommandées et 1 000 suspensions d'abonnements à Internet par jour ont été annoncés.

On ne compte plus les professionnels qui mettent en garde contre les obstacles techniques auxquels le dispositif prévu va se heurter. Comment va-t-on déterminer si l'internaute a ou non téléchargé illégalement ? Rien ne permettra de savoir si la personne qui se connecte par Wi-Fi sur la box d'un usager pour effectuer des téléchargements illégaux est un pirate extérieur ou l'usager lui-même ? Qui faudra-t-il croire ?

Quels seront les moyens de sécurisation prétendument absolue que l'Hadopi sera amenée à labelliser ? Sur quels critères le seront-ils ? Nous souhaiterions a minima que le secrétariat d'État à l'économie numérique publie une recommandation officielle sur la sécurisation des réseaux Wi-Fi. Quand, aujourd'hui, nombre d'entreprises emploient à plein-temps des experts pour sécuriser leur réseau sans obtenir malgré tout une sécurité totale, supposer que l'ensemble des particuliers y parviendra est absurde.

La recommandation de l'utilisation de pare-feu, visant à bloquer certains protocoles qui servent au piratage, ignore que ceux-ci sont utilisés pour bien d'autres services légaux, qui, de fait, ne seront plus accessibles. Une fois encore, le dispositif proposé apparaît aussi inefficace que disproportionné.

En ce qui concerne le téléchargement illégal via des réseaux publics, vous avez convenu, madame la ministre, lors de votre audition en commission, qu'il n'était pas prévu de suspendre les connexions Internet des collectivités territoriales et des entreprises, qui apprécieront sans doute ce traitement de faveur. Il reste qu'aucune précision de ce type n'apparaît dans le texte. Et comme les intentions n'ont pas force de loi, notre groupe a déposé un amendement qui, à ce stade de la discussion, nous le constatons avec regret, a été rejeté.

Vous nous avez également inquiétés, toujours lors de votre audition en commission, en proposant que les bornes Wi-Fi « ne permettent l'accès qu'à un nombre déterminé de sites », dont la liste « pourrait être établie en concertation avec toutes les parties – on se demande lesquelles –, de façon à ce qu'elles puissent permettre de répondre aux besoins de la vie quotidienne, sans qu'elles puissent servir de base de lancement du piratage, en quelque sorte ». En quelque sorte, comme vous dites, ce que vous proposez n'a pas grand sens. Qu'est-ce qu'un site qui répond ou non à un besoin de la vie quotidienne ? Comment établir une liste de tous les sites légaux mondiaux ? À vous entendre, on ne pourra plus accéder qu'à un Internet labellisé par une autorité officielle !

Sur un autre plan, le texte crée une réelle rupture d'égalité devant la loi en mettant en place, comme cela a déjà été évoqué, un double régime de sanction pour un même fait, en permettant la combinaison de poursuites pénales et de sanctions administratives.

Dans l'exposé des motifs, comme dans chacune de vos interventions sur ce texte, vous tentez, madame la ministre, de contourner l'inconstitutionnalité de cette mesure en présentant votre projet comme un dispositif « essentiellement pédagogique qui a vocation, en pratique, à se substituer aux poursuites pénales actuellement encourues par les internautes qui portent atteinte aux droits des créateurs ». Ces bonnes intentions ne sauraient masquer le fait qu'il s'agit bel et bien d'établir un double régime de sanction pour le même délit, avec la circonstance aggravante que le choix de requérir l'une ou l'autre, ou les deux, dépendra des seuls représentants des ayants droit, qui pourront en faire l'usage qu'ils voudront. Rien dans la loi ne s'oppose à ce qu'un procès en contrefaçon s'ajoute à la riposte dite graduée.

La CNIL s'en était d'ailleurs déjà émue. C'est la raison pour laquelle un de nos amendements propose tout simplement d'abroger les dispositions de la loi dite DADVSI.

Des ruptures d'égalité, il y en a lors de toutes les phases d'action de l'HADOPI. D'abord, entre les internautes selon que le fournisseur d'accès aura la capacité technique ou non de suspendre un abonnement.

Une autre rupture d'égalité réside dans le choix de la sanction par l'HADOPI, tant le texte laisse, en la matière, un champ très large à son pouvoir d'appréciation. L'internaute pourra ainsi recevoir un premier mail de recommandation, puis un deuxième mail qui pourra être assorti d'une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen prouvant sa réception par l'abonné. Une fois ce second mail reçu, l'HADOPI pourra choisir, à discrétion, entre une sanction de suspension de la connexion Internet assortie d'une interdiction de souscrire un autre abonnement ou une procédure d'injonction dont la définition est, une fois de plus, particulièrement floue puisqu'elle vise à obliger l'internaute à « prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté et à en rendre compte à la Haute autorité, le cas échéant sous astreinte ».

S'agissant de cette injonction, nous nous interrogeons, comme le souligne d'ailleurs le rapport de la commission des lois, sur « les délais au terme desquels l'absence de mise en œuvre des mesures de nature à éviter le renouvellement d'un manquement sera considérée comme une inexécution de la transaction ». Là encore, rien n'est spécifié dans le projet de loi. L'arbitraire régnera ainsi à toutes les étapes décisionnelles de l'HADOPI. Le principe d'égalité devant la loi de tous les citoyens nécessite, au minimum, de fixer un délai qui s'appliquera à tous.

Il en est de même pour la procédure dite de conciliation : celle-ci peut être proposée ou pas à un internaute passible de sanction, sans cadre défini. Pourquoi ouvrir la possibilité d'une transaction à l'un et pas à l'autre ? Nous ne le savons pas.

Inégalité entre les internautes toujours en fonction de leur abonnement. Car, cerise sur le gâteau et spécificité notable de ce texte qui, vous en conviendrez avec moi, innove, il est explicitement prévu qu'une fois l'accès suspendu, l'internaute devra continuer à s'acquitter du prix de son abonnement. Il sera donc contraint par la loi de payer pour un service dont il ne bénéficie plus !

De la double peine créée par la possibilité de cumuler une sanction administrative et une sanction pénale, nous passons avec cette sanction financière à une triple peine. Et comme tous les abonnements ne sont pas régis par un tarif unique, le coût financier de cette sanction ne sera pas le même.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit la création d'un traitement automatisé des données à caractère personnel qui permettra la mise en œuvre des mécanismes d'avertissement, de transaction et de sanction. Ce traitement permettra notamment de répertorier les personnes faisant l'objet d'une suspension de leur abonnement, ce qui les empêchera de conclure tout nouveau contrat avec un fournisseur d'accès.

À nouveau, rien n'est précisé quant à la durée de conservation de telles données personnelles. Nous considérons comme une évidence que cette durée ne doit pas excéder la période pendant laquelle l'abonné fait l'objet d'une mesure de la part de l'HADOPI. Or il est laissé à un décret en Conseil d'État le soin de fixer ce délai de conservation. Nous nous inquiétons d'autant plus que le délai suggéré – trois ans selon le rapporteur de la commission des lois – est largement excessif au regard des délais de suspension prévus, qui sont d'un mois à un an.

Il est nécessaire de rappeler les prescriptions de la loi Informatique et libertés qui soumettent la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel au respect d'une condition : « Les données sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées. » Par conséquent, ces données personnelles devraient être détruites dès la fin de la procédure liant un abonné à l'HADOPI. Si tel n'était pas le cas, des personnes pourraient continuer à se voir interdire la conclusion d'un nouveau contrat avec un fournisseur d'accès, alors même qu'elles ne feraient plus l'objet d'aucune mesure de la part de l'HADOPI.

Je souhaite, avant de conclure, alerter notre assemblée sur l'isolement de notre pays dans ce dossier. Le Gouvernement veut nous faire croire qu'il existerait une solution française que le monde nous envie. Madame la ministre, vous avez fait référence, en commission, aux baisses de téléchargements obtenues en Nouvelle-Zélande avec la riposte graduée. Mal vous en a pris ! La mise en œuvre de ce système était fixée au 28 février et a finalement été suspendue par le Premier ministre néozélandais.

Vous nous avez aussi fait part de l'intérêt que portaient les autorités allemandes à ce projet. Je vous accorde que Mme Brigitte Zypries, ministre de la justice allemande, s'y intéresse. Mais je crains que ce ne soit avant tout pour s'en inquiéter. Je vous laisse juge et je vais citer ses propos : « Je ne pense pas que la riposte graduée soit un schéma applicable à l'Allemagne ou même à l'Europe. Empêcher quelqu'un d'accéder à Internet me semble une sanction complètement déraisonnable. Ce serait hautement problématique d'un point de vue à la fois constitutionnel et politique. Je suis sûre qu'une fois que les premières déconnections se produiront en France, nous entendrons le tollé jusqu'à Berlin. »

En Angleterre, le 26 janvier dernier, David Lammy, ministre ayant en charge la propriété intellectuelle, excluait de légiférer sur un système à la française qu'il nomme : « Trois coups et vous êtes éjecté ! »

Désolé, madame la ministre, le monde n'attend rien de vous et surtout de votre projet de loi ! Le moins que l'on puisse dire c'est que ce texte n'est en rien avant-gardiste.

C'est plutôt une bataille de retardement. C'est une nouvelle ligne Maginot qui est édifiée.

Comme avec la loi DADVSI, il s'agit, une nouvelle fois, de gagner du temps. Cette constance à retarder systématiquement les vraies échéances pénalise gravement le financement de la création dans notre pays, une création qui, déjà, souffre tant du désengagement de l'État.

Nous ne nous satisfaisons pas d'avoir eu raison il y a trois ans. Nous ne nous satisfaisons pas de devoir à nouveau nous opposer à un texte qui s'inscrit dans la droite ligne de la loi DADVSI. Nous ne nous satisfaisons pas de devoir, dans un an, peut-être deux, faire le même et triste constat : les artistes n'auront pas touché un euro de plus, le contribuable aura financé cette gabegie.

Vous ou votre successeur n'osera même pas faire le bilan d'une loi aussi inefficace qu'inutile

Pour toutes ces raisons, je vous invite, chers collègues, à voter l'exception d'irrecevabilité.

18/02/2009 Examen en commission des lois du projet HADOPI : justice, autorité administrative indépendante, rapport au Parlement et au Gouvernement, vie privée, licence légale

Cet amendement ne fait que reprendre l'amendement n° 138 sur le Paquet télécom, adopté en première lecture par le Parlement européen le 24 septembre 2008 par 573 voix en sa faveur et seulement 74 contre son adoption. Il rappelle qu'aucune restriction aux droits fondamentaux et aux libertés des utilisateurs de services de communication au public en ligne ne peut être imposée sans une décision préalable des autorités judiciaires. Il s'agit d'une disposition à laquelle le groupe S.R.C. tient particulièrement.

Mais ici, nous abordons la question des droits fondamentaux. Il faut apporter des garanties essentielles aux internautes, car l'accès à Internet est un droit fondamental, qui permet de communiquer, de travailler, au même titre qu'une ligne téléphonique.

[En cas de sanction par une suspension de son abonnement, l'internaute pourra former un recours devant le juge. Il y aura donc bien intervention du juge.] Mais cette intervention aura lieu après la suspension de l'abonnement !

Le sujet est suffisamment grave pour que l'on souhaite que le juge intervienne préalablement à la suspension de l'abonnement.

[...]

Notre groupe est opposé à la mise en place de la nouvelle autorité administrative indépendante. Nous défendrons donc une série d'amendements visant, sinon à éviter sa création, du moins à limiter au maximum les dommages que ce texte pourrait causer.

[...]

Il faut rappeler que la HADOPI doit respecter le principe du contradictoire, les droits de la défense ou encore la présomption d'innocence.

La procédure proposée ne respecte pas le principe du contradictoire. Lorsqu'un internaute recevra un premier avertissement, il ne saura même pas ce qu'on lui reproche exactement.

[...]

La loi DADVSI avait imposé la remise d'un rapport sur l'application de cette loi par le Gouvernement. Or, ce rapport n'a jamais été remis. Il aurait pourtant été utile au moment où nous commençons l'examen de ce projet de loi. L'amendement que notre groupe vous soumet vise à dresser un bilan de l'application des sanctions administratives que la HADOPI prononce, de manière à en évaluer l'efficacité.

[...]

Compte tenu de l'incidence de la procédure prévue par le projet de loi sur la protection de la vie privée, il semble indispensable qu'un membre de la CNIL fasse partie de la commission de protection des droits.

[...]

Ces pouvoirs [des membres de la commission de protection des droits et des agents assermentés] sont non seulement exorbitants mais aléatoires. Selon les cas, la Haute Autorité pourra soit délivrer de simples avertissements, soit déclencher très rapidement une procédure de résiliation de l'accès à Internet. Cela pose un problème d'égalité du citoyen devant la loi.

Le problème est que l'on ne sait pas sur quels critères certains feront l'objet d'une procédure et pas d'autres.

[...]

Le manquement à cette nouvelle obligation [e surveillance de l'accès à Internet] doit être caractérisé de manière précise. La Haute Autorité rencontrera beaucoup d'aléas, notamment technologiques, pour identifier le propriétaire de l'adresse IP. Or le dispositif remet en cause la présomption d'innocence.

[...]

Cet amendement [écartant l'application des sanctions lorsque l'œuvre téléchargée ne fait pas l'objet d'une offre légale de téléchargement] irait dans le sens d'un lien vertueux entre l'augmentation de l'offre légale et la diminution du téléchargement légal, comme le souhaitait le rapporteur.

Les droits exclusifs ne seraient pas remis en cause ; l'internaute ne serait tout simplement pas sanctionné. Le fait de sanctionner un internaute pour le téléchargement d'une œuvre qui n'est pas disponible légalement affaiblit la dimension pédagogique supposée du projet de loi. En l'absence de concurrence avec une offre légale, le téléchargement ne lèse personne.

[...]

Comme je l'ai déjà indiqué, la compétence exclusive du juge judiciaire pour toute mesure portant atteinte aux libertés individuelles constitue un principe constitutionnel qui doit être rappelé avec force. À cet égard, je rappelle la disposition adoptée par le Parlement européen sur le Paquet télécom, prévoyant l'intervention systématique de l'autorité judiciaire pour toute sanction.

[...]

Le groupe SRC est réservé non seulement sur la procédure de suspension de l'accès à Internet mais aussi sur l'amende, raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement.

[...]

À l'heure d'Internet, cette possibilité de publication des sanctions par voie de presse écrite paraît d'un archaïsme sidérant, d'autant plus que les critères de la publication de la sanction ne sont pas précisés par le projet de loi.

Il n'est pas souhaitable de laisser autant de latitude à la HADOPI dans le choix de ses sanctions. Notre rôle en tant que législateur est précisément d'encadrer les pouvoirs attribués à cette autorité.

[...]

L'importance des conséquences de la sanction encourue nécessite que celle-ci soit entourée de toutes les garanties. Dans ce cadre, il est donc primordial que le recours de l'abonné se voyant reprocher un manquement dans la surveillance de son accès à Internet soit suspensif.

[...]

Si la juridiction estime la sanction infondée, il apparaît logique de prévoir que des dommages et intérêts peuvent être accordés pour réparer le préjudice subi par l'abonné.

[...]

Cet article instaure une double peine : non seulement l'internaute est privé de son accès à Internet, mais on lui demande en outre de continuer à régler ses factures. Je doute que le Conseil constitutionnel valide un tel dispositif.

Je doute vraiment du caractère pédagogique pour l'internaute de l'obligation de payer pour un service dont il sera privé...

[...]

Cet amendement répond à notre grande préoccupation face à ce texte qui consiste à rééquilibrer protection de la vie privée et droits d'auteurs. Cet article établit un répertoire national des personnes faisant l'objet d'une suspension de leur connexion Internet, sorte de « liste noire » privative de droits, doublé d'un traitement automatisé des données personnelles qu'il contient. Tous les FAI ayant accès à ce répertoire, il est très clair qu'il ne revêt aucun caractère de confidentialité. La CNIL a d'ailleurs jugé disproportionnée l'atteinte portée à la vie privée par cette disposition.

[...]

Il convient de limiter les mécanismes de responsabilité juridique prévus dans cet article aux seules personnes physiques, afin d'éviter de lourdes conséquences pour les collectivités locales, les bibliothèques, les écoles ou les entreprises qui offrent un accès à Internet

Qu'adviendra-t-il, dans ces conditions, des accès à Internet offerts par de nombreuses communes, telles que la Ville de Paris, par le biais des réseaux Wi-fi ?

Cette disposition engendrera des contentieux insensés ! Des logiciels de contournement seront mis en place et les députés eux-mêmes ne seront peut-être pas à l'abri d'une mesure de suspension de leur accès à Internet… Il est absurde de prêter des intentions de téléchargement illégal à des personnes morales. Cette loi sera donc inapplicable et inutile : elle n'aura eu pour seul effet que de se donner bonne conscience.

[...]

Le projet de loi ne doit pas, suivant une interprétation variable de son article 2, être tantôt pédagogique, tantôt dissuasif, tantôt répressif. Il doit en revanche garantir une juste rémunération aux ayants droit, en répartissant équitablement les revenus générés par le téléchargement légal.

[...]

La philosophie des droits d'auteur est de protéger les plus petits contre les plus gros. Il est donc essentiel de définir des règles équitables de répartition des revenus issus du téléchargement légal. Cette répartition suppose que tous les utilisateurs puissent fournir des statistiques précises d'audience réelle.

[...]

Plutôt que d'imposer par la loi une nouvelle rémunération des auteurs, cet amendement propose d'inciter les organisations professionnelles à négocier la mise en place d'une « contribution créative ». Ce mécanisme reposerait sur une contribution forfaitaire versée par les abonnés à un service de communication au public en ligne fournissant Internet à haut débit.

16/03/2006 Débats DADVSI : webradios, riposte graduée, neutralité de la technique, financement de la création, formats ouverts, logiciel libre

Il est tout de même extraordinaire que nous ne soyons pas capables de fixer, en mars 2006, un cadre juridique sécurisant pour le développement des webradios en France. Le rapporteur a très étonnamment dit que cette disposition avait été discutée et rejetée en première lecture. Sans doute faisait-il référence à nos débats du mois de décembre et au fait que nous étions censés examiner ce texte en deuxième lecture au mois de mars !

Tout le monde sait que la webradio est l'avenir de la radio. Or ce n'est pas tous les « quatre soirs » que nous légiférons sur ce domaine. Nous avons pour une fois l'opportunité à portée de main législative de nous inscrire dans une perspective à plus long terme alors que nous avons souvent dit que ce projet de loi visait à retarder des échéances inéluctables et que sa durée de vie législative serait nécessairement brève.

Tout le monde sait que la rareté des fréquences hertziennes a conduit à une concentration et à une standardisation de l'offre musicale. Or Internet, nous le savons tous ici, est avant tout une culture de la diversité. C'est même plus une culture de la diversité qu'une culture de la gratuité, ô combien stigmatisée dans cet hémicycle.

En l'occurrence, la webradio permet aujourd'hui d'assurer, compte tenu de la rareté des fréquences hertzienne, la diversité musicale, donc la diversité culturelle. De ce fait, nous considérons que le public doit pouvoir accéder par ce biais en toute légalité à la musique.

Notre amendement vise à sortir de ce cadre juridique incertain. Comme le rappelait Christian Paul, la piste du règlement contractuel entre webcasteurs et producteurs a été malheureusement abandonnée. À défaut de solution contractuelle, comme cela nous arrive régulièrement, réglons par la loi, donc de manière équilibrée, cette question. Nous savons toutes et tous que tous les portails et sites web français ont des projets de webradios publiques et privées qui sont bloqués depuis plus de deux ans à cause de cette incertitude juridique. Tout un secteur créateur de diversité culturelle et créateur d'emplois est ainsi en panne. En effet, aujourd'hui, les seules offres de webradios françaises restent cantonnées à une diffusion en ligne simultanée et intégrale de leurs programmes hertziens : le « simulcasting ». Et permettez-moi ce clin d'œil : cette diffusion en ligne simultanée et intégrale de programmes hertziens est une exploitation bien entendu couverte par la licence légale !

Construisons ensemble et au-delà de nos divergences l'avenir et assurons aux webradios le développement qu'elles attendent depuis maintenant plus de deux ans ! Donnons un cadre juridique sécurisé aux webradios !

[...]

Ce sous-amendement vise à clarifier la notion de mise à disposition résultant directement et à titre accessoire d'une reproduction.

La formulation retenue pourrait être comprise comme ne concernant que les mises à disposition résultant d'un acte de téléchargement initié par l'utilisateur d'un système d'échange. Or de telles mises à disposition peuvent être induites par la seule utilisation d'un système d'échange, imposant, par exemple, le partage des fichiers du disque dur de l'ordinateur connecté au service de communication au public en ligne. Une telle mise à disposition serait également effectuée à des fins personnelles et non commerciales. Il est donc logique de l'inclure plus explicitement dans l'article ainsi amendé.

Le ministre nous a annoncé cet après-midi que nous allions vivre avec l'amendement n° 263, deuxième rectification, un grand moment de notre histoire nationale. Comme nous savons tous ici que nous légiférons sous les yeux du monde entier... et même au-delà, nous en mesurons l'intensité. C'est la raison pour laquelle nous demanderons des scrutins publics, pour marquer dans l'histoire de l'Assemblée nationale ce moment que nous vivons collectivement.

Cela dit, il n'est tout de même pas inutile de rappeler à cet instant, aujourd'hui, 16 mars, que c'est parce qu'une majorité de députés de cette assemblée nationale, siégeant sur tous les bancs, ont voté un amendement légalisant le téléchargement et créant en contrepartie une rémunération nouvelle pour la culture que notre débat a pris une tout autre tournure et que des marges de manœuvre se sont dégagées pour préserver le droit à la copie privée. Comme vous en êtes convenu, monsieur le ministre, avec beaucoup d'honnêteté, nous sommes alors sortis du champ de la contrefaçon. Un internaute, n'étant plus un contrefacteur, n'est plus passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende. Donc bravo aux députés qui, le 21 décembre, dans cet hémicycle, ont cassé la logique du tout répressif du projet de loi qui nous avait été présenté initialement !

Nous revendiquons donc une large part de paternité de cet amendement n° 263, deuxième rectification, car, aussi insuffisant soit-il, il n'aurait jamais vu le jour si nous ne nous étions pas rassemblés majoritairement sur une logique visant à casser ce projet de loi. Que cet amendement existe est vraiment la preuve la plus tangible que l'aspect le plus liberticide de ce projet de loi est tombé grâce au vote historique du 21 décembre.

À partir de là, vous avez fait un choix surprenant et presque paradoxal car vous ne légalisez pas le téléchargement et vous maintenez un contexte de gratuité alors que nous voulions, nous, assurer une rémunération supplémentaire pour la culture. Le système dissuasif que vous nous présentez aujourd'hui, en passant de trois ans de prison et 300 000 euros d'amende à 38 euros d'amende, puisque c'est le prix d'une contravention de première classe, montre que vous êtes rentré dans un paradoxe étonnant. Restant dans l'interdiction du téléchargement, paradoxalement, vous banalisez la gratuité.

Grâce à une majorité de députés réunis dans cet hémicycle le 21 décembre, les 10 millions d'internautes qui pratiquent le peer to peer ne sont plus des délinquants potentiels, mais des contrevenants potentiels. Dans la mesure où vous renvoyez tout au pouvoir réglementaire, puisqu'il s'agit de contraventions, nous avons un certain nombre de questions précises à vous poser. Il est essentiel, comme l'a souligné très justement le président de la commission des lois, que l'infraction soit définie précisément par vous, monsieur le ministre, puisque c'est vous qui serez maître de la voie réglementaire une fois que la loi sera votée, si elle l'est. De fait, l'infraction sera-t-elle constituée pour chaque acte de téléchargement, pour chaque morceau téléchargé ? Qui fera les constatations ? Qui contrôlera ? Qui établira le lien entre l'adresse IP et l'identité de l'internaute ? Ce sont déjà des premières questions auxquelles nous souhaiterions avoir des réponses.

[...]

En ce qui concerne le fond de l'amendement n° 263, deuxième rectification, je vous poserai quelques questions, après avoir analysé de façon détaillée une délibération de la CNIL du 23 décembre 2003. C'est que je souhaite vous interroger de façon précise sur la procédure de constatation des contraventions sur Internet et que vous vous êtes visiblement inspiré de la constatation automatique des infractions routières. De ce fait, il convient d'analyser les conditions retenues pour légaliser, comme vous nous le proposez, un tel dispositif.

La CNIL a examiné les fondements juridiques permettant d'autoriser à titre expérimental la création d'un dispositif visant à automatiser la constatation de certaines infractions routières. Elle indique que « le fondement juridique de ce dispositif résulte de la combinaison des articles 529-11 du code de procédure pénale, qui dispose notamment que "l'avis de contravention prévu par les articles 529-1 et 529-8 peut être envoyé à la suite de la constatation d'une contravention au code de la route réalisée grâce à un appareil homologué de contrôle automatique", et L. 130-9 du code de la route, qui pose le principe de la force probante des constatations automatisées ainsi effectuées et fixe la liste des infractions qui, à terme, seront concernées par ce dispositif. »

Dans le cas de la constatation des infractions des téléchargements, deux questions ne sont pas traitées : qu'en est-il des modalités des constatations de contravention ? À ce jour, il n'existe aucune base légale pour utiliser un constat automatique des contraventions de téléchargement.

Par ailleurs, quand bien même un tel dispositif serait utilisé, quelle serait la valeur probante d'un tel constat ? Il n'existe aucune base légale pour asseoir la force probante d'un constat informatisé des contraventions pour téléchargement.

C'est pourquoi il me faut vous poser plusieurs questions. Comment seront collectées les infractions ? Va-t-on créer une police de l'Internet ? Si oui, sera-t-elle privée ou publique ? À ce titre, il faut savoir qu'en matière de code de la route, la CNIL a relevé, pour accepter le dispositif présenté, que le centre, « où seront effectués l'ensemble des opérations nécessaires à l'identification des titulaires du certificat d'immatriculation du véhicule en infraction et l'envoi de l'avis de contravention, gère et exploite le système d'informations automatisé. Il est placé sous la supervision de six officiers de police judiciaire, chargés notamment de valider les constats d'infractions effectués par les dispositifs de contrôle automatisé. »

Dernière question : comment les citoyens pourront-ils contester ces constats ? Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que la contestation est un élément essentiel des droits de la défense.

Sur le sujet, la CNIL « souligne cependant que les règles ainsi applicables ne permettent pas une contestation efficace de la sanction encourue automatiquement dès lors que le titulaire du certificat d'immatriculation n'a pas la possibilité d'accéder, dès réception de l'avis de contravention, à l'ensemble des informations le concernant, y compris à la partie du cliché représentant le conducteur de son véhicule, à l'exception toutefois de la partie du cliché représentant le ou les éventuels passagers. En conséquence elle recommande que soit étudiée une modification des règles de la procédure pénale applicables à ce traitement automatisé. » Elle ajoute : « En l'état du droit et dès lors que la constatation et le traitement de l'infraction relèvent de la procédure pénale, la Commission considère que le projet d'arrêté portant création du traitement expérimental envisagé doit indiquer de façon explicite que le centre de traitement national est placé sous la responsabilité du procureur de la République dont dépendent les officiers de police judiciaire en charge de la supervision du centre. »

Monsieur le ministre, pour nous l'avoir promis, vous nous devez des précisions sur le sujet.

C'est pourquoi il convient de rappeler que s'il appartient au titulaire du pouvoir réglementaire de créer des contraventions - ce que vous nous proposez de faire -, il appartient au législateur de fixer en vertu de l'article 34 de la Constitution les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et la procédure pénale.

Notre responsabilité est, à cet égard, directement engagée. Or, pour conclure, monsieur le ministre, comme le projet de loi ne donne aucune précision relative aussi bien aux modalités de constat qu'à la procédure pénale et aux droits de la défense applicables aux contraventions, les contraventions pour téléchargement seront, nous vous l'affirmons, mes chers collègues, vraisemblablement frappées d'inconstitutionnalité. Refusant de courir un tel risque, les députés socialistes voteront contre l'amendement n° 263, deuxième rectification.

[...]

La logique est exactement la même : au lieu de condamner les usages illicites, notamment ceux qui ont un but lucratif, on prend la grosse Bertha et on atteint la technologie.

Les développeurs aussi seront condamnés pour des usages de leurs créations qu'ils ne contrôlent pas. Vous ne pouvez pas demander aux éditeurs de logiciels de se porter garants et de maîtriser l'usage qui est fait de leurs créations. La démonstration que vient de développer Frédéric Dutoit est très pertinente. L'amendement, même modifié par le sous-amendement de M. Wauquiez, parle de l'éditeur. Or le logiciel libre, qui est à la base de la plupart des logiciels de peer to peer, étant un logiciel open source, la notion d'éditeur n'a pas de sens sur le plan juridique. Si bien que cet amendement fait de Vivendi l'arroseur arrosé.

Si cet amendement était voté, il aurait pour conséquence de pénaliser les développeurs de logiciels de peer to peer en France, ce qui les contraindrait à s'expatrier.

Aux yeux du monde, nous aurons une législation d'exception, et pas d'exception culturelle. Quel développeur de logiciels prendra un tel risque, sachant qu'il se trouvera immanquablement un producteur de films, un distributeur, un éditeur de DVD, une plateforme de VOD pour considérer que son logiciel sera « manifestement utilisé pour le partage illicite d'œuvres ou d'objets protégés » ? S'il n'a aucun effet sur les logiciels existants, en revanche, cet amendement comporte un risque évident pour les futurs logiciels. Encore une fois, vous tuez l'innovation et la recherche dans notre pays. C'est incompréhensible !

[...]

En instaurant en 1985 la rémunération pour copie privée, le législateur avait entendu soutenir les secteurs de la création les plus directement concernés en créant un flux régulier de revenus en leur faveur. À cet effet, il a notamment souhaité qu'un quart de cette ressource - que l'on appelle communément, pour ceux qui suivent ces questions, les 25 % - soit consacré à des actions d'intérêt général visant, aux termes de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, des actions d'aides à la création, de diffusion du spectacle vivant et de formation.

Vingt ans après, ces secteurs connaissent d'importantes évolutions techniques et un élargissement à d'autres modes d'exploitation : distribution en ligne, téléphonie mobile ou encore webradios.

Il convient donc que les actions d'intérêt général, financées par le quart de cette ressource, contribuent à leur meilleure adaptation au nouvel univers numérique : en premier lieu, pour soutenir la numérisation des catalogues, le développement d'offres numériques diversifiées, en particulier de la part des auteurs, artistes et producteurs indépendants ; en second lieu, pour favoriser la compréhension et le respect des droits de propriété littéraire et artistique comme des usages licites reconnus aux consommateurs.

De telles actions devraient également bénéficier aux secteurs de l'écrit et de l'image fixe que le législateur a inclus en 2000 parmi les bénéficiaires de la rémunération pour copie privée, sans que la définition des actions d'intérêt général prévue par l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle leur soit alors étendue. Nous avons fixé cette limite à 2 %.

[...]

Les signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l'objet d'une communication publique en ligne sont stockés en de multiples formats. Les spécifications de nombre de ces formats, comme par exemple celui du traitement de texte Microsoft Word, ne sont pas aujourd'hui publiques, rendant leur accès et leur transformation difficiles, voire impossibles.

De telles transformations sont cependant nécessaires pour permettre aux personnes morales visées à l'alinéa 7 de l'article 122-5 du code de la propriété intellectuelle de rendre accessibles les œuvres déposées aux personnes visées au même article, c'est-à-dire aux personnes handicapées.

Aussi les signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l'objet d'une communication publique en ligne doivent-ils, selon nous, être déposés dans un format ouvert, dont la publicité des spécifications techniques et l'absence de restriction d'accès ou de mise en œuvre sont garantes de son utilisation par les personnes morales que je viens de citer.

L'adoption de cet amendement contribuerait à rendre accessible les livres aux personnes atteintes d'un handicap. Elle constituerait donc pour elles un progrès majeur en matière d'accès au savoir.

[...]

Nous tenons à cet amendement qui vise à supprimer une disposition votée dans la loi du 6 août 2004, laquelle avait réformé celle de 1978, dite « informatique et libertés ».

Nous souhaitons que le dernier alinéa de l'article 9 de la loi du 6 août 2004, qui autorise la constitution de fichiers d'infractions au code de la propriété intellectuelle, soit supprimé.

La création de ces fichiers répertoriant des contrevenants est autorisée au motif qu'elle permettrait de freiner le téléchargement illégal de musique et de films en ligne.

Contre toute attente - nous avions protesté fermement, à l'époque ! -, ce droit a été ouvert à des sociétés privées de perception et de gestion des droits d'auteur et des droits voisins. Cette disposition entraîne trois problèmes majeurs : le premier est technique ; les deuxième et troisième sont juridiques.

Tout d'abord, il convient de critiquer la fiabilité des fichiers ainsi constitués en raison du risque d'erreur élevé qu'ils présentent. À titre d'exemple, on sait aujourd'hui que la marge d'erreur du système de traitement des infractions constatées est de 25 %, bien qu'il soit géré par l'État, sous le contrôle direct de l'autorité judiciaire, ce qui n'est pas le cas des fichiers précités. On sait également que ce risque est accru lorsque l'on autorise les croisements de fichiers.

Or, en pratique, c'est ce qu'entraîne la disposition contestée, puisque sa mise en œuvre repose sur la collecte automatique - on retrouve le terme « automatique » -, donc sans discernement, d'adresses IP répertoriées par des logiciels qui surveillent les réseaux et fonctionnent en monitoring.

À cet égard, je souhaiterais faire une remarque sur l'identification des adresses IP. Il faut savoir deux choses à ce propos. D'abord, tous les internautes n'ont pas d'adresse IP fixe, et certains - ils sont de plus en plus nombreux - ont des adresses IP variables. Comment parviendra-t-on à les identifier ? À mon avis, cela va devenir très rapidement impossible. Par ailleurs, certains logiciels dits « anonymiseurs » permettent d'attribuer une adresse IP masquant celle de l'internaute. Il est impossible donc, dans ce cas-là aussi, d'identifier les internautes.

J'en arrive à notre deuxième critique sur ce dernier alinéa de l'article 9 de la loi de 1978. Cette disposition constitue une entorse grave à des principes de nature constitutionnelle. En effet, elle autorise des personnes morales de droit privé à effectuer, notamment, des rappels à la loi. C'est ainsi que des messages électroniques sont envoyés aux adresses IP, via les fournisseurs d'accès, par des sociétés de perception et de gestion du droit d'auteur et de droits voisins à des usagers d'Internet. Or, le rappel à la loi est assimilable à « une sanction pénale », qui, dans le cas d'espèce, est prise en totale méconnaissance de nos principes constitutionnels, puisqu'elle est prononcée par une société privée, sur la base d'une présomption de culpabilité établie par des moyens pour le moins discutables.

Troisièmement, cette disposition constitue une atteinte à la liberté de conscience et à la vie privée. En effet, nul ne peut, au nom de la défense du droit d'auteur, ni même au nom de la création culturelle, privatiser l'espace public.

Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer l'autorisation donnée à des sociétés privées de constituer des fichiers de données à caractère personnel.

On pouvait sans doute considérer, à l'époque, qu'il s'agissait d'une mesure d'attente, mais, compte tenu du travail que nous avons effectué en examinant ce projet de loi, tout contestable qu'il soit, et compte tenu aussi de la conviction que vous avez d'avoir mis en place un dispositif qui protège réellement le droit d'auteur et les droits voisins, je pense qu'il serait sain et sage au regard de notre constitution d'adopter cet amendement.

[...]

Sans reprendre les propos très complets de Christian Paul sur l'amendement n° 5, je rappelle que l'objectif en ce domaine est évidemment de préserver le logiciel libre. Je ne vais pas non plus vous répéter ce que je vous ai dit à plusieurs reprises, mais je rappelle simplement pour mémoire les quatre libertés qui doivent être données à un utilisateur pour qu'un logiciel puisse être effectivement appelé logiciel libre : exécuter le logiciel comme il le souhaite, notamment sans avoir à payer quoi que ce soit, étudier son fonctionnement, le modifier et le redistribuer.

L'amendement n° 6 prévoit qu'on ne peut pas interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d'une œuvre. C'est un amendement simple qui vise à préserver le logiciel libre des dispositions prévues pour réprimer le contournement des mesures techniques de protection à des fins de contrefaçon.

[...]

Grâce au vote intervenu sur l'article 7 à cette heure tardive de la nuit, les grands gagnants seront les consommateurs, c'est-à-dire nos concitoyens et au final l'intérêt général. Je regrette, après Christian Paul, qu'il n'y ait pas eu de deuxième délibération sur l'amendement n° 150, deuxième rectification, devenu l'article 12 bis. Cet article n'apporte rien à la loi et ne fera que pénaliser gravement l'innovation et la recherche sur les logiciels peer to peer dans notre pays.

Je rappelle enfin que, tant pour des raisons de forme - les innovations en matière de procédure parlementaire - que pour des raisons de fond - nous jugeons non constitutionnelles nombre de dispositions, notamment le dispositif de réponses graduées -, nous saisirons le Conseil constitutionnel.

16/03/2006 Débats DADVSI : riposte graduée, logiciel libre, sécurité, interopérabilité

Par ailleurs, nous en arrivons à la fin de la discussion de l'amendement gouvernemental n° 261. Après avoir réexaminé celui-ci en détail, je souhaiterais poser au rapporteur et au ministre une question précise à laquelle j'aimerais obtenir une réponse précise. L'exposé sommaire indique que l'amendement « clarifie les incriminations du contournement des mesures techniques de protection des œuvres et d'atteinte aux informations protégées portées sur les œuvres, en mettant en place un système de réponse pénale graduée » - ce système de réponse que le monde entier nous envie...

Il est ensuite précisé que trois niveaux de responsabilité pénale sont ainsi distingués, dont un premier correspond à six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende et un deuxième, qui vise les hackers, consiste en une amende de 3 750 euros. C'est le troisième niveau qui me préoccupe : il est indiqué que « le détenteur ou l'utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement, qui profite des moyens mis à sa disposition pour s'affranchir des mesures de protection, relèvera d'une contravention de la quatrième classe - 750 euros d'amende -, qui sera créée par un décret en Conseil d'État ».

Il conviendrait d'effectuer un travail complémentaire sur les articles nouveaux, L. 335-3-1 et L. 335-3-2, introduits par cet amendement dans le code de la propriété intellectuelle, afin de préciser que le 2° du II de l'article L. 335-3-1 et le 2° du II de l'article L. 335-3-2 ne sont pas applicables à la détention ou à l'utilisation d'un logiciel mis au point pour le contournement à des fins personnelles. N'avez-vous pas indiqué en effet, monsieur le ministre, que ces dispositions ne s'appliquaient pas au téléchargement ?

En l'état, le troisième point de l'exposé sommaire n'est qu'une déclaration d'intention, car on ne retrouve pas les dispositions qu'il vise dans l'amendement n° 261. Il y a là un réel problème : l'amendement ne distingue pas les niveaux de peines mentionnés dans l'exposé sommaire qui l'accompagne. Une modification est indispensable.

[...]

Compte tenu du parallélisme entre les articles 13 et 14, je voudrais revenir sur la réponse graduée.

Comme je l'ai dit hier à propos de l'article 13, la réponse graduée procède d'une logique défensive, que la direction de la prévision et le Conseil d'analyse économique ont parfaitement décrite, conduisant à mener une guerre de retardement, avec tranchées et lignes Maginot.

La réponse graduée n'apporte pas de solution à la crise économique de la filière musicale, les ventes de titres réalisées sur les plateformes plafonnant à un niveau très bas et ne compensant pas la chute des revenus tirés de la vente des CD. De plus, la part des ventes allouée aux auteurs par les plateformes de musique en ligne est encore inférieure à celle dont ils bénéficient sur les CD. Il est à noter, d'ailleurs, que le produit des contraventions n'ira pas aux titulaires de droits, mais au budget de l'État.

Comme la première phase de poursuites judiciaires, la réponse graduée vise à contraindre les internautes à se tourner vers les plateformes de musique en ligne commerciales.

C'est l'objectif avoué que vous visez, monsieur le ministre, vous l'avez dit à plusieurs reprises. Mais c'est un pari qui fait l'impasse sur les limites mêmes des plateformes commerciales : limitation des usages par les DRM ; non-interopérabilité avec les baladeurs - opérabilité dont nous considérons, malgré l'article 7 dont vous vous glorifiez, qu'elle n'est globalement toujours pas assurée - ; étroitesse des catalogues ; ergonomie médiocre ; coût des œuvres élevé, largement aligné sur celui des supports physiques ; absence d'offres forfaitaires en France alors qu'elles existent dans d'autres pays.

La réponse graduée traduit aussi la défiance du Gouvernement vis-à-vis des juges, nous l'avons dit et le répétons. Depuis deux ans, la vague de procès, qui procédait d'une logique d'intimidation des internautes - des procès pour l'exemple ! - tourne au désavantage des titulaires de droits. Les tribunaux tendent à assimiler de plus en plus régulièrement téléchargement et copie privée. Les condamnations portent essentiellement sur les actes à finalité commerciale ou la copie sauvage de logiciels, ce qui exclut la copie privée. D'ailleurs, nous l'avons tous remarqué, les peines prononcées tendent à baisser.

Nous l'avons également dit à plusieurs reprises, la réponse graduée pose des problèmes au regard des libertés publiques. La question de l'identification des infractions n'est pas encore résolue, celle de la preuve non plus. Quant au dispositif des garanties procédurales pour les personnes poursuivies, il aura pour effet de susciter des systèmes de camouflage, qui rendront impossible de savoir ce qui est copié. Il risque aussi de délégitimer le droit d'auteur, auquel nous sommes tous attachés.

Enfin, la réponse graduée pose un dilemme en matière de répression. Le téléchargement étant un phénomène de masse, la répression, pour être dissuasive, doit être massive, frapper des milliers de personnes. Pour que le dispositif permette de poursuivre un grand nombre de personnes, il doit, à l'instar des radars et des amendes automatiques, être automatisé. Mais c'est prendre des libertés avec les libertés publiques. Et si l'on veut les respecter et préserver les droits des personnes, le dispositif sera inefficace, il n'aura pas les effets dissuasifs attendus et des millions d'internautes français continueront à partager des fichiers sans assurer une rémunération supplémentaire à la culture. Violer les libertés publiques ou banaliser, en abaissant à 38 euros le niveau de la sanction pour des actes qui jusqu'à présent exposaient à trois ans de prison et 500 000 euros d'amende, tel est le dilemme auquel vous êtes confronté. Pour 38 euros, les internautes prendront le risque de télécharger et de partager des fichiers, parce que les réseaux peer-to-peer leur offrent une diversité de choix qu'ils ne trouvent ni sur les plateformes commerciales ni chez les disquaires, depuis longtemps.

[...]

Ce sous-amendement vise à s'assurer que le logiciel libre ne sera pas affecté par les dispositions prévues pour réprimer le contournement de mesures techniques de protection à des fins de contrefaçon.

Il est justifié par la nature juridique du logiciel libre. Un logiciel est en effet dit libre si sa licence d'utilisation donne quatre libertés à ses utilisateurs : celle d'exécuter le logiciel, comme il le souhaite, et notamment sans avoir à payer quoi que ce soit ; celle d'étudier son fonctionnement ; celle de le modifier et celle de le redistribuer.

Puisque nous légiférons pour le monde entier, et même au-delà, je souhaite profiter de la défense de ce sous-amendement pour informer notre assemblée de la manière dont on essaie de résoudre les questions qui nous intéressent actuellement, notamment en termes de réponse graduée, dans un pays ami proche de nous, auquel tant de liens nous unissent, c'est-à-dire l'Allemagne.

Comme en France, les tribunaux allemands sont surchargés. Pour alléger leurs charges, les procureurs se sont mis d'accord sur la mise en place d'un filtre : en dessous de cinq cents chansons partagées sur les réseaux, les « P2Pistes » ne sont pas poursuivis par le parquet. Le journal Heise révèle que le procureur public de Karlsruhe a exprimé une recommandation au ministère public sur les poursuites massives contre les utilisateurs de partage de fichiers, ceux que vous voulez continuer à considérer comme des contrevenants.

Christine Hügel a demandé au procureur du parquet de ne pas poursuivre en dessous de cent fichiers téléchargés illicitement ; entre cent un et cinq cents fichiers, une simple audition est préconisée. C'est uniquement au-delà de cinq cents fichiers qu'une perquisition peut être demandée et que des poursuites pénales peuvent être engagées contre les « P2Pistes ».

Les recommandations n'ont pas force de loi, mais, en Allemagne, elles influencent fortement le ministère public, et la tradition veut qu'il s'en inspire.

Il semble que l'Allemagne, pays proche de nous, est capable de proposer des réponses graduées et d'offrir à l'internaute une certaine marge de manœuvre et une certaine liberté.

[...]

Les mesures techniques de protection peuvent poser des exigences incompatibles avec la sécurité des systèmes d'information sur lesquels elles sont exécutées. Certaines envoient ainsi des statistiques d'utilisation d'œuvres, voire des pans entiers de documents édités par leurs rédacteurs. Il est donc essentiel de permettre à leurs utilisateurs de les contourner afin de garantir l'intégrité de leurs systèmes d'information.

C'est une de nos revendications fortes. Dans un esprit de strict contrôle des mesures techniques de protection, nous entendons garantir dans certaines conditions la légalité du contournement.

Ce sous-amendement est d'autant plus justifié que les mesures techniques de protection concernent tous les types d'œuvre, hormis les logiciels. Les documents produits par les outils de traitement de texte sont également concernés par ces dispositions. La société Microsoft fait d'ailleurs déjà de la publicité pour ses DRM, qui permettent de contrôler finement la circulation des textes.

[...]

Ce sous-amendement vise à compléter l'article 14 par le paragraphe suivant : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés à des fins d'interopérabilité ou pour l'usage normal de l'œuvre. Elles ne le sont pas non plus aux actes réalisés afin de contourner une limitation résultant de l'utilisation d'une mesure technique de protection dont le consommateur n'a pas été informé lors de l'acquisition d'une copie d'une œuvre. »

Toujours dans la même préoccupation d'assurer l'interopérabilité, nous voulons inscrire dans l'article 14 la nécessité de contourner les mesures techniques de protection afin de pouvoir faire un usage normal des œuvres, qui implique non seulement la lecture mais aussi la copie.

15/03/2006 Débats DADVSI : riposte graduée, amendement vivendi, standards ouverts, interopérabilité, vie privée

Mes chers collègues, je voudrais que vous preniez toute la mesure des répercussions que pourrait avoir votre vote. Aux termes de cet amendement, il convient d'éviter d'incriminer les internautes, pour qui le peer-to-peer est une pratique habituelle, un mode d'échange et de partage qui est entré dans les mœurs - nous aurons l'occasion d'examiner le dispositif de « sanction allégée » ou de « réponse graduée » proposé à l'article 13. Par contre, il faut, nous dit-on, responsabiliser les éditeurs de logiciels. Je vous renvoie à une interview très intéressante, publiée en première page d'un quotidien du soir, du PDG de Vivendi, qui manifestait son scepticisme à l'égard du dispositif de sanction contre les internautes mais attachait une énorme importance à cet amendement dit de responsabilisation des éditeurs de logiciel.

Or que se cache-t-il derrière cette « responsabilisation » présentée de façon si courtoise ? Une machine de guerre contre le logiciel libre !

Voilà pourquoi j'interpelle chacune et chacun d'entre vous, mes chers collègues, et particulièrement M. Carayon, qui a, avec d'autres députés, montré par ses écrits son attachement, non seulement à l'interopérabilité, mais aussi à la défense du logiciel libre, et qui répond à notre demande de contrôler strictement les mesures techniques de production. Si nous votons cet amendement, présenté par notre rapporteur de façon anodine et lapidaire, nous tuons le développement du logiciel libre dans notre pays. Autrement dit, nous tuons l'innovation et la recherche dans un domaine où les Français ont été des pionniers.

Alors que le Premier ministre lui-même nous a demandé de faire preuve de patriotisme économique, nous ne pouvons en conscience voter cet amendement, mes chers collègues !

Cette disposition, j'y insiste, est d'une extrême gravité : c'est l'arrêt de mort du développement du logiciel libre. En proposant leur interdiction, on veut faire croire que les logiciels de peer-to-peer ont pour seule fonction la mise à disposition d'œuvres protégées dans des conditions qui n'assurent pas la rémunération des auteurs et des artistes.

Je m'adresse aussi à vous, monsieur le ministre. Il ne s'agit pas d'un amendement du Gouvernement, et vous avez pris vous-même des engagements très forts au sujet de l'interopérabilité et du devenir du logiciel libre. Permettez-moi de vous exhorter : vous ne pouvez donner un avis favorable à cette disposition !

Comme il s'agit d'un amendement portant article additionnel, le groupe socialiste a dû s'adapter : par le sous-amendement n° 376, il propose à tout le moins d'en atténuer les conséquences. L'amendement originellement proposé prévoit la pénalisation de la fabrication d'un outil en tant que tel, plutôt que la répression de ses usages répréhensibles. Cela revient, pour prendre une métaphore simple, à interdire de fabriquer des marteaux parce que ceux-ci peuvent être utilisés pour blesser quelqu'un ! Il est donc impératif d'en limiter les effets les plus désastreux en ne visant que ce qui est clairement répréhensible, à savoir le fait de tirer un bénéfice de l'échange illégal d'œuvres au mépris des droits d'autrui.

Encore ne s'agit-il que d'une proposition minimale : la meilleure solution serait, je le répète, de rejeter ce mauvais amendement.

[...]

Nous parvenons à un moment très grave de notre discussion, soit dit sans volonté de solenniser. Le propos de M. Carayon et les sous-amendements déposés par nos collègues de la majorité, que nous jugeons insuffisants mais qui vont dans le sens de nos opinions, montrent bien que nous sommes face à une vraie alternative. La question est simple : voulons-nous, oui ou non, que le logiciel libre, le peer-to-peer, puisse continuer à se développer dans notre pays ?

L'amendement n° 150 deuxième rectification tend à casser la fabrication de l'outil au lieu de viser l'usage répréhensible qui pourrait en être fait. Il prévoit de poursuivre les auteurs de logiciels d'échange. J'admets que ceux-ci permettent dans certains cas l'échange illégal d'œuvres protégées, mais pourquoi ne pas tracer une ligne de partage au lieu de tout dévaster ? C'est cette logique que nous contestons.

La menace de poursuites aura pour effet de brider l'innovation et la recherche sur les logiciels de peer-to-peer. Or chacun s'accorde à reconnaître qu'ils constituent une puissante architecture pour la circulation des œuvres et des savoirs. À l'INRIA, à France Télécom, dans des start-up, des centaines d'ingénieurs français travaillent à la mise au point de tels logiciels. Ce sont des élèves de l'École centrale qui ont mis au point VLC, un des formats vidéo les plus répandus dans le monde. Ce sont des développeurs français qui sont à l'origine de certains des logiciels et serveurs peer-to-peer les plus performants, capables de fournir simultanément à plusieurs millions d'utilisateurs des contenus à haut débit. Certains d'entre eux souhaitent créer des entreprises et lever des fonds. Va-t-on les contraindre à s'expatrier en Californie, comme l'inventeur français du DivX ? C'est tout le problème.

Alors que les industries culturelles se placent sous la dépendance d'une poignée de fournisseurs de solutions techniques pour les mesures techniques de protection et les plateformes commerciales, est-il raisonnable d'entraver l'exploitation de nouvelles pistes d'innovation en France et de contraindre nos inventeurs et nos entrepreneurs à s'expatrier pour aller créer des emplois ailleurs ? Tels sont tous les enjeux de cet amendement, qui justifient que l'on reprenne la thématique du patriotisme économique chère au Premier ministre.

Pour terminer mon appel à nos collègues de la majorité, je relaie, compte tenu de la gravité de la situation, la demande de suspension de séance de M. Christian Paul, afin que nous puissions, au cours d'un échange constructif, tenter de trouver avec eux une solution qui limite les dégâts causés par l'amendement n° 150 deuxième rectification.

Allons au-delà du vote des sous-amendements nos 363 et 364 deuxième rectification. Nous avons présenté deux sous-amendements, nos 376 et 324, et nous nous étonnons que le ministre et le rapporteur les refusent. L'Assemblée ne pourrait-elle pas voter au moins l'amendement n° 324 ?

Monsieur le ministre, nous sommes vraiment très déçus de l'avis favorable que vous avez émis sur l'amendement n° 150 deuxième rectification. Celui-ci contredit toutes vos promesses solennelles de préserver le développement du peer-to-peer et du logiciel libre dans notre pays. En fait il signe la mort du peer-to-peer, la mort du logiciel libre.

[...]

Nous avons essayé de mettre à profit la suspension de séance qui vient d'avoir lieu pour travailler sur l'amendement n° 150 deuxième rectification qui, en sa rédaction actuelle, suscite de nombreuses interrogations sur tous les bancs de notre assemblée. Nous ne pouvons que nous réjouir de l'approche consensuelle qui prévaut sur cette question et de la volonté largement partagée d'assurer au peer-to-peer des jours radieux.

Je rappelle que le principe du peer-to-peer est de permettre aux internautes de mettre à disposition le contenu ou une partie du contenu d'un disque dur. Il est impossible de connaître à l'avance le contenu des fichiers qui vont être mis à disposition. Il ne s'agit pas d'interdire l'outil lui-même, celui-ci étant neutre par définition, mais de pointer les différents usages qui peuvent en être faits.

Par ailleurs, l'emploi de l'adverbe « manifestement » est ambigu. Que signifie-t-il au juste ? Il faudrait au moins donner des exemples afin d'éclairer l'intention du législateur. Nous avons déjà rencontré cet adverbe en d'autres occasions, notamment lors de l'examen de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, lorsqu'il s'est agi de définir la responsabilité des fournisseurs d'accès.

Enfin, en droit pénal, l'intention délictuelle doit toujours être démontrée - la définition de la contrefaçon constitue l'illustration même de ce principe. Il est indispensable que nous écrivions le droit de manière intelligible, surtout en matière pénale. En l'occurrence, ne pas définir l'intention délictuelle entraîne le risque évident de voir cette disposition être déclarée anticonstitutionnelle. Nous souhaitons écarter ce risque en apportant certaines corrections d'écriture à l'amendement n° 150 deuxième rectification.

[...]

Nous sommes encore sous le choc du vote de l'amendement n° 150 deuxième rectification ! Riez, mes chers collègues, riez à gorge déployée ! Quand vous verrez nos entreprises, nos ingénieurs et nos chercheurs s'expatrier pour développer un logiciel hors de nos frontières, vous rirez moins !

Où sont les grandes déclarations de M. Sarkozy sur l'innovation, sur l'Internet, et celles de M. de Villepin sur le patriotisme économique ? Vous les avez oubliées pour défendre des intérêts particuliers, d'ailleurs défendus à longueur de colonnes dans la presse !

Nous, nous sommes ici pour défendre l'intérêt général, qui nous impose de ne pas voter un amendement scélérat pour l'économie française, l'industrie française, la recherche et l'emploi en France !

Prenez conscience de votre responsabilité et mesurez les conséquences du vote de cet amendement scélérat ! Nous avons encore l'espoir que l'imprécision de sa rédaction poussera le Conseil constitutionnel à faire œuvre salutaire en annulant cette disposition.

Nous en arrivons à l'article 13, celui qui permettra sans doute au ministre de dire combien il est fier de ce projet de loi : il s'agit du dispositif de sanction « allégé », de la riposte graduée.

Nous revenons ainsi dans le cadre répressif, mais dans des conditions très différentes de celles de décembre dernier. C'est en effet grâce au vote, le 21 décembre, d'un amendement tendant à légaliser le téléchargement afin de créer une rémunération supplémentaire pour les filières culturelles, en particulier la filière musicale, que nous avons sorti le projet de loi du champ de la contrefaçon.

Dans le rapport de M. Vanneste, en date du 7 juin 2005, l'article 13 porte en effet ce titre : « Assimilation au délit de contrefaçon des atteintes aux mesures techniques de protection et d'information dans le domaine des droits d'auteur ». À la clé, 300 000 euros d'amende et trois ans de prison !

On vous a entendu, monsieur le ministre, et quelquefois dans un langage peu châtié, dire que vous en aviez « plein la gueule » de vous voir accusé de vouloir « mettre les internautes en taule ». Mais c'est vous qui, au nom du Gouvernement, avez présenté dans cet hémicycle, le 20 décembre, un projet de loi qui assimilait le contournement des mesures techniques à de la contrefaçon, et qui faisait peser sur chaque internaute la menace de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende !

Si, aujourd'hui, vous nous proposez un autre dispositif, c'est bien grâce à la majorité qui s'est dressée, le 21 décembre, dans cet hémicycle, pour dire non !

Nous sommes donc sortis du champ de la contrefaçon mais votre nouveau dispositif de sanction a ceci d'étonnant qu'il nous fait passer de 300 000 euros d'amende et trois ans de prison à 38 euros d'amende, et qu'il fait des internautes non plus des délinquants possibles, mais des contrevenants potentiels.

Votre choix d'un système contraventionnel nous amène à nous poser de nombreuses questions. Cela vous permet, une nouvelle fois, comme aux articles 8 et 9, de dessaisir le Parlement et la justice et de renvoyer le dispositif de sanction à la voie réglementaire.

Nous avons posé, depuis les réunions de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles, un certain nombre de questions auxquelles nous n'avons pas encore reçu de réponse. Et le président de la commission des lois, M. Houillon, a très justement souhaité que l'intention du législateur soit clairement précisée pour définir l'infraction, au moins dans le cadre de nos débats puisque c'est la voie réglementaire qui a été choisie. Quand l'infraction sera-t-elle constituée ? À chaque acte de téléchargement, à chaque morceau téléchargé ? Qui fera les constatations, qui contrôlera, qui dressera les procès-verbaux ? Il nous a été dit en commission qu'un juge serait saisi à un moment de la procédure pour faire le lien entre l'adresse IP et l'identité de l'internaute. Encore une usine à gaz, qui alourdit encore un peu plus ce très mauvais projet de loi !

Je termine, monsieur le ministre, car nous aurons l'occasion de revenir longuement sur ce thème et de vous reposer incessamment des questions pour obtenir enfin, nous l'espérons, des réponses !

À l'arrivée, l'aspect le plus caricatural est que vous ayez refusé de légaliser le téléchargement ! Vous avez refusé une rémunération supplémentaire pour les filières culturelles et notamment la filière musicale ! Vous restez donc dans le choix de l'interdiction, de l'illégalité et de la gratuité. Et avec la contravention punissable d'une amende de 38 euros, nous sommes, comme l'écrivait un éditorial pas plus tard qu'hier soir, dans la farce du téléchargement tel que vous le concevez ! Car, en l'occurrence, avec ce dispositif nouveau que vous nous présentez - qui, certes, nous fait sortir du champ de la contrefaçon -, aussi paradoxal que cela puisse paraître, vous banalisez la gratuité et, sans doute plus accessoirement, vous allez alimenter le budget de l'État grâce aux contraventions ! Vous n'avez même pas été capable de nous proposer un dispositif qui aurait permis, au moins, de rémunérer les artistes.

[...]

Si j'ai demandé la parole, monsieur le président, c'est parce que le 21 décembre dernier dans cet hémicycle, où j'étais présent comme certains de mes collègues ce soir, le ministre de la culture déclarait : « Vous aurez, sous les yeux du monde entier, la magnifique responsabilité d'innover en la matière en définissant une réponse graduée. »

Légiférer « sous les yeux du monde entier », monsieur le président, mérite à tout le moins quelques considérations sur la réponse graduée.

La philosophie même de la réponse graduée - je ne ferai pas part d'un seul coup, rassurez-vous, monsieur le président, de toutes mes considérations en ce domaine, préférant les échelonner dans le temps - procède d'une logique défensive, qui a été analysée, de façon fort précise, par la Direction de la prévision et par le Conseil d'analyse économique. Dans son rapport sur la société de l'information, celui-ci explique que la voie défensive, « coûteuse en termes de bien-être social, cherche à maintenir le plus longtemps possible le fonctionnement classique des marchés, retardant ainsi la marche de la révolution numérique.[...] La logique défensive est celle qui anime certains acteurs dominants du secteur informationnel de "l'ancienne économie", éditeurs de contenus et grands groupes de médias - majors - inquiets à juste titre des menaces portées par la "nouvelle économie" sur leurs modèles d'affaire. Le ressort de cette logique est simple : restaurer la liaison entre l'information et son support physique.[...] L'histoire des révolutions industrielles semble montrer que de telles tentatives conservatrices sont à plus ou moins long terme vouées à l'échec. »

« À vouloir préserver à tout prix la protection de contenus propriétaires, on risque en outre de confisquer du bien-être, en privant la société d'une bonne partie des bénéfices de la révolution numérique. »

Voilà pourtant ce que vous nous proposez monsieur le ministre, de voter, je le répète, sous les yeux du monde entier !

[...]

Je ne peux que regretter l'absence de notre collègue Le Déaut, avocat ô combien convaincant du standard ouvert.

Pour nous, comme pour les autres députés de l'opposition, l'utilisation d'un standard ouvert ne saurait entraîner l'acquittement d'un droit de propriété intellectuelle, quel qu'il soit. En numérique, ces standards ouverts constituent en effet la langue commune parlée par tous, et il ne saurait être admis en République que son accès soit payant.

Notre amendement rédigerait donc comme suit l'article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique : « On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable dont les spécifications techniques sont publiques, dont l'utilisation ne fait l'objet d'aucune restriction d'accès ou de mise en œuvre et dont l'utilisation n'oblige pas à l'acquittement de droits de propriété intellectuelle. »

[...]

Nous sommes en plein dans le sujet puisque, à travers ces amendements, nous retrouvons une problématique qui n'a pas été résolue à l'article 7, celle de l'interopérabilité.

D'ailleurs, dans un excellent journal du matin, Le Figaro, une excellente journaliste qui suit nos débats depuis longtemps, Mme Paule Gonzalès, notait avec pertinence dans le compte rendu de nos débats sur l'article 7 concernant l'interopérabilité : « Les professionnels suivent avec attention cette discussion. Nul ne sait encore exactement où commence et où se termine cette interopérabilité. »

En restant dans l'imprécision, nous confirmons une nouvelle fois à cet article, comme à bien d'autres d'ailleurs, l'insécurité juridique qui est portée par ce projet de loi.

En l'occurrence, l'actualité est là pour nous demander de ne pas servir les intérêts des géants du logiciel et de Microsoft. Ayons autant de détermination sur l'interopérabilité en ce domaine que la Commission européenne. Chaque jour, une dépêche complémentaire nous parvient nous apprenant que la Commission européenne a indiqué avoir envoyé une nouvelle lettre à Microsoft signifiant au groupe informatique américain qu'il ne respectait toujours pas les mesures anti-trust imposées par Bruxelles en mars 2004. Dans la dernière, la Commission a souligné que l'arbitre indépendant mandaté par les deux parties appuyait dans son rapport la position de Bruxelles. Les services européens de la concurrence exigent de Microsoft qu'il fournisse à ses rivaux la documentation nécessaire au dialogue ou interopérabilité de son système d'exploitation vedette Windows avec les produits concurrents. Bien que Microsoft ait légèrement amélioré sa documentation, les informations fournies demeurent incomplètes et imprécises, selon le rapport de l'arbitre. La Commission a menacé Microsoft fin décembre d'amendes pouvant aller jusqu'à 2 millions d'euros par jour pour cette affaire s'il ne se mettait pas en règle.

[...]

M. Cazenave vient de nous dire qu'il n'était pas fanatique des DRM et qu'il était attaché à l'interopérabilité, en contradiction avec l'avis du rapporteur pour lequel, je le rappelle, les DRM sont un progrès pour l'humanité.

Alors que nous légiférons sous les yeux du monde entier - on appelle cela l'arrogance française -, M. Cazenave va donc pouvoir nous prouver qu'il était de bonne foi en votant l'amendement n° 331, qui prévoit un parallélisme de sanctions. Puisqu'il s'agit en effet de sanctionner les personnes qui contournent les mesures techniques de protection, nous vous proposons de sanctionner pénalement en parallèle les personnes qui mettent sur le marché des mesures techniques de protection limitant l'interopérabilité. C'est de la justice, bien équilibrée : on sanctionne d'un côté les personnes qui contournent les MTP, de l'autre celles qui les mettent sur le marché.

Cela a par ailleurs l'avantage, puisque le collège des médiateurs a été voté, de lui donner une base légale ainsi qu'aux consommateurs pour limiter une utilisation léonine et intrusive des MTP qui peut aboutir à restreindre et à contrôler l'usage d'un bien.

[...]

Comme chacun le sait ici, certaines mesures techniques de protection peuvent imposer l'envoi d'informations sur les habitudes ou le système de l'utilisateur : œuvres consultées, logiciels installés - autant d'éléments qui sont personnels à l'utilisateur et ne regardent que lui. Si de tels envois sont encore interdits par la loi informatique et libertés, il importe cependant de permettre aux utilisateurs d'assurer eux-mêmes la protection de leur vie privée, en attendant une éventuelle intervention, a posteriori, de la CNIL.

C'est pourquoi nous avons voulu compléter le III du texte proposé par l'amendement n° 261 pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa précisant que les dispositions de cet article ne sont pas non plus applicables « aux actes réalisés à des fins de protection de la vie privée ».

S'agissant de la protection de la vie privée des internautes, qui, avec le respect des libertés publiques, est un des facteurs qui motivent notre opposition à ce projet de loi, j'aimerais entendre s'élever du banc de la commission comme du banc du Gouvernement d'autres mots que les seuls « avis défavorable ».

C'est la vie privée des internautes qu'il s'agit ici de protéger.

[...]

L'article 13 du projet de loi suscite notre inquiétude, et notre collègue Dutoit vient de le rappeler. En effet, cet article pénalise le contournement des mesures techniques. Nous considérons que ce contournement ne doit pas être sanctionné, et ce au nom de la résistance à l'oppression constitutionnellement garantie par l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Je cite : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression. »

Certes, monsieur le rapporteur. Je constate d'ailleurs que c'est votre seul souci. Je vous parle de résistance à l'oppression et vous me répondez « propriété » !

Avec l'article 13, on en arrive à une situation absurde, monsieur le rapporteur, où l'on protège pénalement des mesures imposées par des personnes privées susceptibles de porter atteinte aux libertés publiques constitutionnellement garanties, à savoir la vie privée et, pour vous faire plaisir, monsieur le rapporteur, le droit de propriété.

Ainsi, pour restreindre l'exception pour copie privée, non garantie par la Constitution, et que le Gouvernement prétend vouloir garantir, on accepte de porter atteinte à des droits constitutionnellement garantis. Où va-t-on ?

[...]

Ce sous-amendement vise, là encore, à obtenir certaines garanties. En l'occurrence, il s'agit de compléter l'article 13 par l'alinéa suivant : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés sans but lucratif. »

Les actes de contournement, de mise à disposition d'un outil de contournement ou l'offre d'un service de contournement d'une mesure technique se justifient par de multiples raisons. L'une d'elles peut être la contrefaçon industrielle, visant à tirer profit de l'exploitation d'une œuvre sans acquitter aux ayants droit les licences qu'ils sont en droit d'exiger. Ce type de contournement, nuisible à la création, doit être combattu. Mais une autre motivation peut résider dans la volonté de passer outre une limitation introduite par une mesure technique faisant obstacle à la jouissance d'une exception. La motivation du contournement à des fins d'interopérabilité n'étant pas facile à établir, il semble judicieux d'offrir un second critère d'appréciation au juge : la recherche de profit.

Cela permettra, d'une part, de renforcer la sécurité juridique des utilisateurs contournant une mesure technique à des fins personnelles : il semble évident qu'une personne qui copie un CD afin de l'écouter sur l'appareil de son choix, un autoradio, par exemple, doit y être autorisée. Cela permettra, d'autre part, de garantir la sécurité juridique de ceux qui proposent des outils ou des services à leurs amis moins experts techniquement afin d'effectuer les actes de contournement nécessaires à la mise en œuvre de l'interopérabilité ou à la jouissance d'une exception. Ce second type de sécurité juridique est essentiel. Le droit de contournement à des fins d'interopérabilité prévu par cet article ne saurait demeurer seulement théorique pour la majorité des consommateurs.

15/03/2006 Débats DADVSI : autorité administrative indépendante, copie privée

L'article 9 nous plonge dans la plus grande perplexité. En matière de propriété intellectuelle, littéraire et artistique, compte tenu du climat historiquement passionnel qui prévaut et du conflit d'intérêt qui existe - dans ce secteur, les lobbies jouent pleinement leur rôle, comme nous avons pu le vérifier à l'occasion de l'examen de ce projet de loi -, une médiation apparaît nécessaire, surtout lorsque l'enjeu est aussi important que le droit à copie privée - élément majeur de la démocratisation culturelle puisqu'il permet l'accès du plus grand nombre au savoir.

En 1998, dans le cadre d'une mission qui m'avait été confiée, je me suis penché sur ces questions et ai remis au Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, un rapport sur la présence internationale de la France et la francophonie dans la société de l'information, intitulé « Le désir de France » .

Je m'étais permis à l'époque de souhaiter une médiation pour toutes les questions de propriété intellectuelle. Mon rapport avait d'ailleurs donné naissance au CSPLA, le conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, dont je ne suis pas certain, à l'usage, qu'il soit réellement une instance de médiation - mais c'est une autre affaire.

La création d'une institution de médiation pourrait donc paraître légitime. Le problème est que vous confiez à une autorité administrative indépendante des compétences qui, dans l'État de droit, reviennent naturellement au juge. Dès qu'il est question de litige, on pense en effet tout de suite au juge et, plus généralement, à l'institution judiciaire, avec la garantie d'indépendance qui y est attachée.

Le ministre a certes indiqué que le collège des médiateurs aura un pouvoir d'injonction et que ses décisions feront l'objet d'un appel. Qu'il apporte des garanties, je n'en disconviens pas, mais il reste que, après les votes intervenus sur l'article 8, vous faites du collège des médiateurs à la fois un régulateur et un arbitre des litiges, sans les garanties offertes par le juge. Vous dessaisissez les juges de leurs prérogatives alors que la légitimité du collège des médiateurs sera contestée. Voilà ce qui explique notre réticence à l'égard de cet article, d'autant que nous nous demandons comment il pourra s'appliquer : si chaque citoyen est amené à saisir le collège des médiateurs pour tout litige dû à la mise en œuvre des mesures techniques de protection et à la restriction de son droit légitime à la copie privée, cela pose la question des moyens humains et budgétaires dont le collège disposera. Nous aimerions, monsieur le ministre, avoir des éclaircissements à ce sujet.

[...]

Nous avons été amenés à plusieurs reprises à montrer que, contrairement aux affirmations péremptoires de notre rapporteur, cette transposition ne respectait pas l'équilibre établi entre le contrôle de l'usage des œuvres et la préservation de la copie privée. Nous y insistons, mais c'est notre rôle : la copie privée est malmenée. D'autant plus, ne l'oublions pas, que lorsque nous sommes entrés dans ce débat, le 20 décembre, tout internaute qui revendiquait son droit à la copie privée et contournait les mesures techniques de protection pour l'exercer se voyait assimilé à un contrefacteur, passible à ce titre d'une peine de trois ans de prison ou d'une amende de 300 000 euros. Il est utile de rafraîchir la mémoire de certains ici, notamment celle du ministre, pour qu'il rabatte un peu de sa fierté.

Pour notre part, nous avons le souci de prendre en compte les considérants de la directive. L'un d'eux prévoit ainsi que les « mesures techniques doivent être compatibles avec les exceptions ou limitations relatives à la copie privée ». Un autre recommande par ailleurs, de manière plus générale que vous ne le faites et sans en faire une obligation, ce qui est un élément déterminant, que le recours à la médiation puisse aider les utilisateurs et titulaires de droits à régler les litiges.

Nous souhaitons donc que, comme pour les brevets, un nombre restreint de tribunaux de grande instance soit désigné pour régler les différends relatifs à la copie privée et aux mesures techniques de protection. Nous opérons ainsi un retour légitime à la justice de notre République, marquée du sceau de l'indépendance, car elle seule peut garantir le droit à la copie privée, le collège des médiateurs ne saurait s'y substituer. La commission de la copie privée et les tribunaux de grande instance désignés formeraient un ensemble cohérent et efficace, de nature à protéger ayants droit et consommateurs. À ce titre, le Parlement ne doit pas déléguer son pouvoir de régulation. Ni la justice, ni le Parlement ne peuvent être dessaisis de leurs compétences respectives.

[...]

Nous n'arrivons toujours pas à être convaincus de la pertinence de la création de cette nouvelle autorité administrative indépendante, trente-cinquième ou trente-sixième organe selon la comptabilité pointilleuse de Dominique Richard.

Didier Mathus, avec beaucoup de pertinence et les compétences qu'on lui connaît, a rappelé, à juste titre, l'importance de l'indépendance à l'égard du pouvoir politique et exécutif. C'est toute la justification de l'existence du Conseil supérieur de l'audiovisuel, de l'Autorité de régulation des télécommunications et d'autres autorités administratives indépendantes.

Ce ne sera pas le cas ici et, en l'occurrence, nous sommes face à une création qui est peut-être la traduction d'une exception française, que les spécialistes et les bons connaisseurs du dossier pourraient peut-être qualifier de « regardise ».

Où est la rapidité de la procédure dont nous parle le rapporteur quand on sait qu'il pourra être fait appel des décisions du collège, que le juge de première instance pourra être dessaisi et que le collège des médiateurs arbitrera des litiges en exerçant son pouvoir d'injonction ? Voilà pourquoi nous avions voulu faire référence, à travers l'amendement n° 91 que vous avez refusé, à un nombre restreint de tribunaux de grande instance compétents.

Soucieux de l'indépendance de cette nouvelle instance que vous souhaitez si fièrement et si ardemment créer, nous proposons qu'elle soit présidée par un membre en activité ou honoraire de la Cour de cassation désigné par le vice-président de la Cour de cassation, et composée de deux membres en activité ou honoraires du Conseil d'État et par le premier président de la Cour des comptes, et de deux personnalités qualifiées nommées par décret conjoint du ministre chargé de la consommation et du ministre chargé de la culture.

[...]

C'est bien le minimum syndical que d'écrire dans la loi que : « Aucun des médiateurs ne peut délibérer dans une affaire impliquant une entreprise ou une société contrôlée, au sens de l'article L. 233-16 du code du commerce, par une entreprise dans laquelle lui-même, ou le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.»

Cet amendement n° 34 ne suffit en rien à assurer l'indépendance du collège. D'ailleurs, comme l'a rappelé Didier Mathus, nous avons été amenés à nous plaindre à de nombreuses reprises de l'absence d'indépendance de certaines autorités administratives. Pour les républicains que nous sommes, la meilleure garantie d'indépendance qui soit, c'est tout simplement la justice.

14/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, financement de la création

Chaque innovation technologique - piano mécanique, radio et télévision, photocopie, cassettes audio, magnétoscope - perturbe, dans un premier temps, les modèles économiques des industries culturelles, et réactive les tensions entre auteurs, producteurs, artistes-interprètes et utilisateurs autour de la rémunération et des modes de contrôle économique des exploitations nouvelles.

Ces conflits se sont toujours conclus, dans le passé, par des compromis dynamiques : la reconnaissance de nouveaux « droits » pour les titulaires, mais tout autant pour les utilisateurs, la mise en place de nouveaux modes de rémunération, l'extension de la gestion collective, l'ouverture de nouveaux marchés, et l'émergence de nouveaux acteurs.

Ce fut, notamment le cas face au développement de la diffusion radiophonique et télévisuelle, comme lors de l'apparition des cassettes audio et du magnétoscope, qui furent perçus et dénoncés comme des menaces mortelles par les industries culturelles. On sait ce qu'il advint : ces vecteurs sont devenus une source essentielle de croissance et de financement de la production pour la musique et le cinéma, auxquels l'octroi d'une rémunération pour copie privée a apporté en outre une ressource additionnelle. L'adoption d'une redevance pour reprographie a également permis une meilleure maîtrise des pratiques de reproduction et les a assorties d'une ressource non négligeable pour les titulaires de droits.

Dans chacune de ces crises, le droit d'auteur a révélé ses capacités d'adaptation et les pouvoirs publics sont intervenus pour préserver l'équilibre entre les intérêts des titulaires de droit et ceux du public, ainsi que pour encourager un développement profitable des potentialités du progrès technique.

Dans le nouvel univers numérique, le développement rapide du téléchargement d'œuvres et l'essor des échanges entre particuliers bousculent le modèle économique des industries culturelles, qui reste fondé sur le primat de la distribution physique et la vente unitaire des œuvres.

Les difficultés d'une telle période de transition se manifestent aujourd'hui par la coexistence de deux phénomènes des plus préoccupants.

Tout d'abord, bien que le téléchargement individuel puisse être considéré comme de la copie privée et soit, notamment pour les plus jeunes internautes, un admirable vecteur d'accès à la culture dans toute sa diversité, sa non-légalisation fait peser une insécurité juridique sur des millions de personnes.

Dans le même temps, l'essor de nouveaux usages des œuvres ne s'accompagne, pour les titulaires, d'aucune rémunération pour les œuvres téléchargées ou échangées. Cette situation qui pénalise lourdement les créateurs est d'autant plus problématique que le public ne se voit proposer aucune solution lui permettant de les rémunérer.

Les réponses à ces deux problèmes ne sont pourtant pas incompatibles. Diverses modalités sont, à cet égard, en débat, qu'il s'agisse d'étendre la rémunération pour copie privée à tous les supports numériques - amovibles ou intégrés - ou, plutôt, de l'étendre à l'activité des fournisseurs d'accès qui est directement liée à l'essor des échanges numériques. C'est là, précisément, l'objet de notre amendement n° 94 rectifié.

Ces propositions confirmeraient que le téléchargement individuel, non commercial, et dénué d'intention frauduleuse ne saurait être assimilé à de la contrefaçon et qu'il relève des pratiques de copie privée. Elles rejoignent les recommandations du Conseil économique et social, lequel proposait « de qualifier de copie privée les téléchargements d'œuvres, au lieu de les assimiler systématiquement à du piratage », ainsi que l'opinion de nombreux professeurs de droit et la décision de la première Cour d'appel, saisie de cette question. En effet, elles traduisent de manière positive la perspective tracée par le considérant 39 de la directive, recommandant que « lorsqu'il s'agit d'appliquer l'exception ou la limitation pour copie privée, les États membres doivent dûment tenir compte de l'évolution technologique et économique, en particulier pour ce qui concerne la copie privée ».

Il serait souhaitable que le législateur encourage les acteurs déjà représentés au sein de la commission chargée de fixer les rémunérations pour copie privée à sortir de l'impasse actuelle, en leur permettant d'étendre cette rémunération aux fournisseurs d'accès, formule susceptible de rencontrer plus aisément un consensus. Les simulations disponibles attestent en effet qu'un tel prélèvement conduirait à un apport économique très significatif pour les titulaires de droits. Outre une répartition individuelle au bénéfice des auteurs et artistes qui devrait refléter la diversité des utilisations en ligne, cette rémunération permettrait de financer des actions de soutien pour accompagner les industries culturelles, en particulier les éditeurs et producteurs indépendants, qui doivent opérer leur transition vers l'économie numérique des biens culturels.

La formule proposée par l'amendement n° 94 rectifié n'est pas de nature à compromettre le succès d'offres commerciales en ligne. En votant cet amendement, mes chers collègues de la majorité comme de l'opposition, vous assurerez aux filières de création l'apport immédiat d'une ressource décisive. Vous permettrez enfin qu'Internet finance la culture, comme la télévision finance le cinéma. Je vous en prie, mes chers collègues, ne ratez pas l'occasion qui vous est offerte par l'amendement n° 94 rectifié de faire participer, par le biais d'une taxe, les fournisseurs d'accès à Internet à la rémunération pour copie privée !

[...]

Comme M. Bocquet au nom du groupe communiste et Alain Suguenot, député de la majorité, je le dis avec force, nous ne comprenons pas, monsieur le ministre, qu'à ce moment du débat, vous ne donniez pas le feu vert pour faire contribuer les fournisseurs d'accès à Internet afin de financer la culture. Si, comme vous le dites, vous aimez les artistes et les créateurs, si vous êtes attaché à la liberté de création et à la diversité culturelle, si la convention, que vous avez fait signer à l'UNESCO et dont vous nous rappelez régulièrement l'existence, a un sens, vous devez le traduire par des actes ! Nous ne pouvons accepter votre refus systématique de recettes supplémentaires pour la culture.

Les amendements que nous avons déposés après l'article 5, que ce soient ceux de M. Suguenot ou ceux du groupe socialiste, sur lesquels Christian Paul et moi-même nous sommes exprimés, visent simplement, au-delà des débats que nous avons eus et de nos divergences, au-delà de tout modèle, à préciser que les fournisseurs d'accès à Internet participent au financement de la culture. Ils ont largement profité de la culture pour remplir leurs tuyaux et pour assurer leur développement économique. Compte tenu de ces éléments, nous ne comprenons pas pourquoi vous refusez ces recettes supplémentaires.

Comme nous l'avons déjà évoqué à plusieurs reprises, la télévision a été mise à contribution pour assurer le financement du cinéma, et elle constitue encore aujourd'hui un élément majeur de son financement et de sa diversité. C'est au nom même de la diversité culturelle et du droit - légitime - à rémunération pour les auteurs et les artistes que nous demandons à l'Assemblée de mettre à contribution les fournisseurs d'accès.

C'est dans le même esprit que nous avons déposé l'amendement n° 96 rectifié. Dans sa rédaction actuelle, le second alinéa se l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle se limite à prévoir que la rémunération pour copie privée est fonction du type de support et de la durée d'enregistrement. Compte tenu des capacités inégales requises par les différents genres d'œuvres susceptibles d'être enregistrées sur un même type de support, il est nécessaire de permettre à la commission chargée de fixer les rémunérations de prendre également en compte la capacité d'enregistrement et non la seule durée.

D'une manière plus générale, dans un contexte de mutations rapides des techniques, des modes de gestion des œuvres et des pratiques des usagers, la commission chargée de déterminer les rémunérations doit être invitée par le législateur à prendre en compte, dans un souci de rémunération équitable, les évolutions constatées tant du recours global à la copie privée que de son partage entre les diverses formes et supports d'enregistrement.

À ce titre, le considérant 47 et l'article 5-2-b de la directive prévoient que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l'application ou la non-application des mesures techniques. » Le projet de loi n'a pas transcrit cette disposition, alors qu'elle constitue un facteur essentiel d'équité économique entre utilisateurs et titulaires de droits ainsi qu'un élément d'arbitrage raisonné pour les industriels et titulaires de droits entre rémunération équitable et gestion numérique des droits.

Nous proposons donc, par notre amendement, que l'incidence constatée de la mise en œuvre des mesures techniques sur le bénéfice effectif de la copie privée soit prise en compte dans la fixation de la rémunération pour copie privée.

07/03/2006 Débats DADVSI : financement de la création

J'ai été déçu que le ministre nous resserve des arguments qui ne tiennent pas compte de la réflexion que nous avons conduite durant ces deux mois et demi d'interruption de nos travaux. Il veut à tout prix nous ramener sur le terrain de la licence globale, alors que nous nous demandons si le téléchargement est une exception pour copie privée.

Un jugement récent du TGI de Paris va justement dans cette voie de la reconnaissance du téléchargement comme une exception pour copie privée.

Durant ces deux mois et demi, la réflexion s'est développée dans la société, dans les médias. De nombreuses tribunes ont donné des points de vue très différents, proposant souvent une troisième voie.

Quant au Conseil économique et social, il nous avait alertés, dès le mois de juillet 2004, sur le fait que la criminalisation de l'utilisation de nouveaux moyens d'accès à la culture était une régression par rapport à la mise en place de la copie privée.

Il considérait également que l'utilisation des techniques de verrouillage, appelées mesures techniques de protection ou DRM, ne pouvait conduire qu'à une recherche sans fin des moyens de les contourner, donc à une situation sans issue.

En conséquence, il préconisait trois axes : le renforcement du droit d'auteur, l'appréhension des nouvelles technologies comme élément dynamique et positif pour la création artistique et culturelle et la mise en place de mécanismes et d'instruments nécessaires à l'adaptation du droit d'auteur.

Le Conseil économique et social a souhaité à nouveau intervenir dans notre débat. Le 27 février, il a réaffirmé la nécessité d'un nouveau contrat social car, selon lui, le droit d'auteur établit un contrat entre le créateur et la société. La question, à ses yeux, ne se résume pas à surveiller et punir, il faut aussi protéger et encourager les créateurs tout en favorisant l'usage d'Internet auprès d'une population qui y voit une nouvelle forme d'accès à la culture et à l'information.

Le Conseil économique et social s'est donc prononcé sur trois points : mettre à contribution les fournisseurs d'accès pour financer la création littéraire et artistique, c'est l'objet d'un amendement que notre groupe a déposé dès le mois de juin ; établir un marché légal des échanges garantissant au public l'accès par site payant à l'ensemble des productions culturelles et dématérialisées, ce que nous ne saurions contester ; considérer, comme la jurisprudence, les téléchargements comme des copies privées.

07/03/2006 Débats DADVSI : licence globale, riposte graduée

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions du retrait brutal, hier, de l'article 1er de ce projet de loi, sinon pour regretter, au nom de mon groupe, que le Gouvernement ne soit pas allé au bout de sa démarche en retirant purement et simplement la totalité d'un texte devenu incohérent.

Vous avez donc fait le choix, monsieur le ministre, d'occulter le vote intervenu, en décembre dernier, d'un amendement qui a remis radicalement en cause le dispositif de transposition de la directive que vous aviez choisi, cassant ainsi une logique funeste : celle du « tout répressif » sur Internet avec ses effets désastreux sur l'accès du public aux œuvres, sur l'exercice des missions des bibliothèques à l'ère numérique et sur la diversité culturelle comme logicielle.

Il n'est pas inutile à cet égard de rappeler que ce texte a mobilisé et continue de mobiliser contre lui beaucoup de monde, et tout particulièrement les dix millions de nos concitoyens qui pratiquent le peer to peer et qui, à ce titre, ont été considérés comme autant de délinquants potentiels hier et de contrevenants potentiels aujourd'hui.

L'urgence déclarée par le Gouvernement s'est finalement retournée contre lui, mettant à nu l'improvisation et l'amateurisme dont il a tant fait preuve sur ce dossier. En ce premier trimestre de 2006, nous nous retrouvons de fait amenés, chers collègues, à transposer dans notre droit interne un traité international - dit « OMPI » - vieux de très exactement dix ans !

Comme s'il ne s'était rien passé durant cette décennie, tant en ce qui concerne les évolutions technologiques que les pratiques culturelles de nos concitoyens !

Le principal mérite que nous pouvons légitimement attribuer à la représentation nationale, c'est d'avoir créé un débat public sur cette question qui intéresse toute la société. D'un point de vue démocratique, n'est-il pas satisfaisant d'avoir, à l'heure de la révolution numérique, libéré le dossier du droit d'auteur de l'emprise des spécialistes et des techniciens habituels de la propriété littéraire et artistique qui, sur ce sujet, savent si bien entretenir un climat aussi passionnel que confidentiel ?

C'est aussi rappeler que de puissants lobbies sont à l'œuvre. Ils ont activement contribué à rompre l'équilibre - certes fragile - que la directive ménageait entre une logique de contrôle des usages des œuvres et la préservation de la copie privée. Dès lors, il n'est pas étonnant que la présidente du MEDEF, oubliant le sort que son organisation réserve aux intermittents au sein de l'UNEDIC, se soit déclarée soudainement « aux côtés des artistes » contre les députés !

Durant trois jours, dans cet hémicycle, nous avons cherché la voie de l'intérêt général, celle qui concilie la liberté et la responsabilité, pour reprendre la formule de Jean-Marc Ayrault, l'accès de tous à la connaissance, au savoir et à la culture, et l'impérieuse nécessité de rémunérer les auteurs et les artistes.

À cet égard, rétablissons la vérité : aux antipodes d'une logique de gratuité que nous rejetons celle qui existe aujourd'hui dans l'illégalité et qui perdurera si le projet de loi dans sa version même relookée est voté ! -, nous n'avons pas voulu retarder la périodique adaptation du droit d'auteur aux évolutions technologiques.

Et c'est en fidèles héritiers de Beaumarchais que nous avons déposé, défendu et fait voter - avec une certaine surprise, avouons-le - un amendement inscrivant l'échange de fichiers musicaux dans le code de la propriété intellectuelle. Car c'est en contrepartie de l'identification à une exception pour copie privée d'un téléchargement sur Internet pour un usage limité et, bien entendu, non commercial que, sans équivoque possible, nous avons pu inscrire dans la loi le principe même de la légitime rémunération des auteurs.

Cette sécurité juridique, qui respecte les dispositions de la directive européenne et qui répond à une demande de nature jurisprudentielle - ayons à l'esprit le récent jugement du tribunal de grande instance de Paris - vaut tout autant pour les artistes que pour les internautes.

Comment, en effet, chers collègues, interdire sans sanctionner ? Ne vaut-il pas mieux autoriser pour rémunérer ?

C'est à partir de cette simple problématique, que nous avons été amenés à prendre comme modèle la licence globale, tout simplement parce qu'elle fonctionne déjà à la radio et à la télévision. Est-elle adaptable à Internet ? C'est la question qui nous est posée, et c'est pour s'en assurer que le groupe socialiste a beaucoup écouté durant les deux mois et demi d'interruption de cette discussion.

Comme nous l'avions déjà exprimé avec force en décembre, le cinéma ne saurait être concerné, en raison de la chronologie des médias et de son financement spécifique. Par ailleurs, la licence globale ne peut avoir qu'un caractère obligatoire si nous voulons satisfaire deux objectifs majeurs : le respect des libertés publiques et la protection de la vie privée des internautes.

Enfin, nous avons été sensibles aux interrogations exprimées, tout particulièrement, par les labels indépendants de la filière musicale sur le caractère équitable de la répartition du forfait perçu en supplément de l'abonnement auprès du fournisseur d'accès.

C'est la raison pour laquelle nous défendrons avec conviction un amendement que nous avions déposé, dès le mois de juin dernier, lors de l'examen du projet de loi par la commission des lois, et visant à taxer les fournisseurs d'accès à Internet.

De fait, nous refusons de nous laisser enfermer dans le débat manichéen du pour ou contre la licence globale. Cette alternative est d'autant plus stérilisante que le débat public qui s'est ouvert à l'initiative de notre assemblée, a conduit nombre d'intervenants à envisager plusieurs possibilités de «troisième voie », préservant les droits des créateurs et la liberté fondamentale du public d'accéder à la culture, sans laquelle le droit d'auteur n'a pas de sens.

Les idées ont foisonné. On aurait donc pu espérer que le Gouvernement tire le meilleur profit des deux mois et demi d'interruption de l'examen de ce projet de loi.

Las ! Il a été d'abord soucieux de reculer en bon ordre. Il a donc revu sa copie sans pour autant changer de pied. D'où des inquiétudes nouvelles et une grande perplexité sur le nouveau dispositif de sanctions qui nous est proposé.

Certes, nous quittons le champ de la contrefaçon, et c'est là le bénéfice le plus direct de la discussion parlementaire de décembre 2005. Mais, dans la mesure où le régime contraventionnel sera fixé par décret, il est essentiel, comme l'a souligné très justement le président de la commission des lois, que l'infraction soit définie précisément par le ministre, ici et maintenant.

Sera-t-elle constituée pour chaque acte de téléchargement ? Pour chaque morceau téléchargé ? Qui fera les constatations ? Qui contrôlera ? Qui établira le lien entre l'adresse IP et l'identité de l'internaute ?

Par ailleurs, nous sommes toujours dans l'attente des intentions du Gouvernement pour garantir l'interopérabilité, puisqu'il n'a encore déposé aucun amendement à l'article 7.

Enfin, le collège des médiateurs se voit confier, dans la nouvelle version, une mission supplémentaire. L'article 9 du projet de loi le chargeait déjà de réguler les mesures de protection technique, afin de garantir l'exercice de l'exception pour copie privée. L'article 8, amendé par le Gouvernement, lui confie aussi le soin de fixer les modalités de cet exercice, et notamment le nombre de copies autorisées, en ayant, naturellement, à l'esprit l'arrêt que vient de rendre la Cour de cassation. N'est-ce pas une position inconfortable que d'être à la fois régulateur et arbitre des litiges ?

Aussi, les députés socialistes renouvellent plus que jamais leurs exigences, à défaut d'obtenir - ce qui serait pourtant le plus sage - le retrait pur et simple d'un texte devenu incohérent.

C'est d'abord un encadrement strict des mesures techniques de protection afin de préserver l'exercice de la copie privée et des usages normaux d'une œuvre légalement acquise, notamment la possibilité de la reproduire et de la transférer d'un appareil à un autre, afin aussi de garantir l'interopérabilité, d'associer les auteurs et les artistes à la décision d'installer des mesures techniques de protection sur leurs œuvres et afin d'éviter les effets collatéraux sur le développement du logiciel libre.

C'est ensuite l'abandon de la riposte graduée : même dans sa version « allégée », elle suppose la mise en place d'une véritable « police privée » de l'Internet.

D'ailleurs, ce dispositif, en perdant sa capacité de dissuasion, banalise paradoxalement la gratuité et étatise le droit d'auteur, puisque les amendes versées par les internautes contrevenants iront au budget de l'État et ne serviront pas à rémunérer les auteurs.

C'est par ailleurs l'abandon des sanctions prévues à l'encontre des éditeurs de logiciels d'échanges, susceptibles de permettre la mise à disposition non autorisée d'œuvres protégées. Cette disposition, si elle était votée, aurait inévitablement pour effet de brider l'innovation et la recherche dans un domaine, le peer to peer, dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il constitue une puissante architecture pour la circulation des œuvres et des savoirs.

C'est enfin la préservation de la gestion collective, qui protège les droits des créateurs isolés face à de puissants opérateurs économiques : nous sommes donc vigilants sur les initiatives de la Commission européenne visant à ouvrir la concurrence dans ce secteur, car elle aurait pour effet de fragiliser la position des auteurs et des artistes et de conduire à un « moins-disant culturel ».

Parce qu'ils ont toujours été du côté des artistes et qu'à ce titre, ils sont viscéralement attachés au droit d'auteur, parce qu'ils considèrent qu'il faut légiférer prudemment, provisoirement, pour une période de trois ans seulement, les députés socialistes abordent cette deuxième partie de débat avec le souci majeur de contribuer à l'émergence d'un nouveau modèle de rémunération qui, à partir de la reconnaissance du téléchargement dans le code de la propriété intellectuelle, assure un financement supplémentaire à une filière culturelle, la filière musicale, qui est en difficulté.

N'est-il pas temps qu'Internet, dont le développement doit tant à la circulation et à l'échange des œuvres de l'esprit « dans ses tuyaux », contribue au financement de la culture comme, hier, nous avons été capables d'assurer le financement du cinéma par la télévision. Cela s'appelle, tout simplement, de la redistribution.

22/12/2005 Débats DADVSI : interopérabilité

Les interventions se suivent et se ressemblent, et je me réjouis de la convergence qui se dessine sur ce dossier. Le ministre appelait lui-même à la réconciliation et au rassemblement. Je suis certain qu'il saura donner aux amendements de la majorité et de l'opposition la réponse qui s'impose pour en créer les conditions.

L'interopérabilité, capacité de deux systèmes à échanger des données, est une condition préalable - j'insiste sur l'adjectif - à l'acceptation par les consommateurs, et donc par nos concitoyens, des mesures techniques de protection. Nous nous trouvons là au cœur de la problématique portée par l'article 7.

Mes collègues l'on dit et répété, en se fondant sur des exemples très concrets - ne faisons-nous pas, en ce moment, nos courses de Noël ? - : les consommateurs sont aujourd'hui confrontés à une offre complexe. L'incertitude quant à la capacité de lire une œuvre légalement acquise et dont l'usage est contrôlé par une mesure technique les dissuade d'acheter et freine donc considérablement le développement commercial des sites de vente en ligne - ce n'est défendre aucun intérêt particulier que de faire ce constat.

Il faut donc apporter aux consommateurs la garantie que les œuvres protégées dont ils font l'acquisition peuvent être converties dans un format accepté par le système de lecture dont ils disposent, comme dans l'exemple, souvent cité, d'un CD muni d'une mesure technique de protection que l'on veut écouter dans sa voiture. Une première condition est que le fournisseur de cette mesure technique ne puisse pas rendre ses clients captifs en bloquant la concurrence, soit par la rétention d'informations essentielles à l'interopérabilité, soit par le recours à des conditions discriminatoires et non équitables. Seconde condition : les acteurs du marché doivent faire en sorte que leurs logiciels respectent la loi et ne suppriment pas les informations électroniques jointes à une reproduction lorsqu'ils manipulent les flux les contenant.

Les députés socialistes ont donc déposé des amendements dans ce sens. Notre intention est également de répondre aux objectifs fixés par la Commission européenne lors de la revue de transposition de la directive 2001/29/CE, et de prendre en compte les attentes des nombreux acteurs - industriels et associations de consommateurs - qui ont exprimé le souhait que les fournisseurs de mesures techniques se mettent d'accord sur des formats pivots, aux spécifications publiques et librement implémentables par tous - ce que l'on appelle les « standards ouverts ».

Mais, sans signal fort d'un État membre - le nôtre, en l'occurrence -, les annonces de recherche à l'échelle européenne d'une solution d'interopérabilité des systèmes numériques de gestion de droits vont rester lettre morte. Nous verrons alors se former des consortiums de grandes sociétés principalement américaines et japonaises ou, plus vraisemblablement, nous assisterons au monopole d'un seul fournisseur américain, abusant notoirement de sa position dominante. Après avoir signé des accords stratégiques avec les grands producteurs de contenu, celui-ci pourra désormais imposer de façon parfaitement légale, à toutes les entreprises et au public européen, des licences sur ses technologies : Microsoft mettrait ainsi la main sur tout !

Or le texte du projet de loi est à cet égard insuffisant, car il ne prévoit qu'une licence obligatoire, et ne donnera pas à tous les acteurs concernés, et notamment aux développeurs, commerciaux ou non, de logiciels libres, la possibilité pratique de mettre en œuvre cette interopérabilité.

Pourtant, comme le soulignait, dans son rapport d'information sur la stratégie de sécurité économique nationale, notre excellent collègue de la majorité Bernard Carayon - signataire de l'amendement auquel M. Cazenave faisait à l'instant allusion -, la réponse à cette hégémonie américaine pourrait venir du logiciel libre. En entravant le développement de celui-ci, la France se priverait en outre de systèmes d'informations interopérables et sûrs, dépourvus de portes dérobées - les back doors -, utilisables par des personnes malintentionnées ou des services de renseignement étrangers.

Il me semble donc que la représentation nationale pourrait se retrouver sur un texte favorisant l'interopérabilité et l'accès aux standards ouverts.

[...]

Nous avons bien compris que nos collègues de l'UMP allaient se rallier à l'amendement n° 253, en abandonnant les amendements identiques aux nôtres. Après l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, nous savons aussi que cet amendement a quelque chance d'être adopté, faisant tomber nos amendements.

Cet amendement a cependant d'incontestables vertus : il prévoit d'abord que « les mesures techniques ne doivent pas empêcher la mise en œuvre de l'interopérabilité », objectif que nous partageons, et précise, dans son deuxième alinéa, ce que l'on entend par informations essentielles.

En revanche, et cela a déjà été dit, nous nous étonnons que vous ne considériez les développeurs que comme des développeurs commerciaux. J'en veux pour preuve que la référence aux pratiques anticoncurrentielles nous place directement dans des logiques strictement commerciales. Pour notre part, nous souhaiterions que cet amendement n'oublie personne.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je propose de sous-amender l'amendement n° 253 en y insérant les premier et troisième alinéas de l'amendement n° 85. Le premier alinéa prévoit que « Toute personne développant un système interopérant avec un système utilisant des mesures techniques doit pouvoir obtenir les informations nécessaires à cette interopérabilité dans un délai raisonnable et dans des conditions non discriminatoires » et le troisième alinéa que « Les fournisseurs de mesures techniques ne peuvent exiger de contrepartie financière pour la fourniture d'informations essentielles à l'interopérabilité que lorsque ces informations sont transmises sur un support physique et uniquement pour couvrir les frais d'impression, de stockage et de transport ».

Par ailleurs, il doit être bien clair que le prix doit être entendu comme le simple prix de mise à disposition des informations et non comme une nouvelle forme de propriété intellectuelle. Ce prix ne peut donc être que forfaitaire. Il doit être fixé à l'avance pour éviter toute contestation et il ne doit pas être indexé sur l'activité créative ou commerciale du destinataire des informations.

22/12/2005 Débats DADVSI : licence globale

L'adoption, hier soir, de deux amendements identiques, dont l'un émanait du groupe socialiste, a pour conséquence d'inscrire dans un cadre légal le téléchargement et l'échange de fichiers tout en permettant que les auteurs, les producteurs, les interprètes, bref, tous les titulaires des droits d'auteur et droits voisins soient rémunérés.

J'ai cru comprendre de ce que disait le président Accoyer que le message clair délivré hier par l'Assemblée nationale a été entendu, et que notre souci de légiférer hors de toute influence - et Dieu sait si les lobbies sont nombreux compte tenu des intérêts économiques et financiers en jeu - a été compris.

Au-delà de nos clivages habituels, nous avons fait le choix de l'intérêt général, c'est-à-dire le choix de la liberté, mais aussi de la responsabilité en rassemblant la collectivité nationale. Nous avons oeuvré dans l'intérêt du public en lui permettant d'accéder aux contenus de la culture, de la connaissance et du savoir tout en tenant compte des intérêts des auteurs et de tous ceux qui appartiennent au monde de la création. Nous pouvons même affirmer que l'Assemblée nationale a émis hier un vote très important, historique même !

Le président Accoyer propose de rouvrir le débat et d'approfondir la réflexion. Et pour cause : le vote des deux amendements identiques d'hier bouleverse l'économie du projet en créant une licence globale contractuelle, mais aussi optionnelle comme le prévoient d'autres amendements que nous avons déposés.

À cette occasion, je voudrais lancer un message clair en direction du monde de la création. Je ne voudrais pas que ce dernier fasse l'objet d'une manipulation qui consisterait à dire que les parlementaires ont fait le choix de la gratuité contre ses intérêts. Dire cela serait mentir, car avec l'exception pour copie privée telle que le prévoit notre code de la propriété intellectuelle, il y a à la clé une rémunération des auteurs.

C'est en prélevant une part de l'abonnement perçu par les fournisseurs d'accès à Internet que nous pourrons mobiliser des centaines de millions d'euros au bénéfice des acteurs culturels de notre pays. Nous avons dit aussi, et je tiens à le rappeler, que seule l'industrie musicale est concernée et que nous avons laissé de côté l'industrie du cinéma.

Je tenais à rappeler les aspects les plus saillants de notre débat d'hier soir. Il reste que le groupe socialiste se trouve plus que jamais justifié dans sa démarche et qu'il a eu raison de dire que le Gouvernement n'était pas prêt. D'ailleurs le dépôt tardif de nombreux amendements dont certains, à nos yeux, d'une gravité extrême pour nos libertés publiques - je pense notamment aux amendements sur la riposte graduée - en témoigne. Nous considérons désormais que le Gouvernement doit revoir sa copie. Dois-je rappeler qu'il y a un an, à l'initiative de Jean-Marc Ayrault, de Christian Paul, de Didier Mathus et de moi-même, nous avions demandé la création d'une mission d'information qui nous a été refusée ? Dans la même optique nous avons défendu une question préalable et une motion de renvoi en commission.

À ce stade, la raison devrait donc l'emporter. Nous devrions arrêter là la discussion de ce projet de loi. Car je vois bien ce qui se prépare en réservant des amendements et des articles, bref, tout ce qui fâche autour de la licence globale contractuelle. Légiférer dans ces conditions, de plus un 22 décembre, n'est pas de bonne méthode !

Si nous voulons retrouver de la sérénité et, surtout, de la cohérence, si nous voulons légiférer au nom de l'intérêt général afin qu'au terme du débat, ce projet de loi ait un sens, nous devons suspendre nos travaux le temps de trouver les équilibres nécessaires.

Le chemin a été tracé par le vote d'hier soir. Empruntons-le ensemble afin d'unir dans une même démarche les intérêts des internautes et des plus jeunes de nos concitoyens et bien sûr les intérêts des auteurs et artistes-interprètes de notre pays. À cet égard, je rappelle que deux sociétés de gestion collective, l'ADEMI et la SPEDIMAN qui défendent les intérêts des artistes-interprètes, soutiennent notre démarche.

21/12/2005 Débats DADVSI : riposte graduée

Avec d'autres collègues ici présents, je sors de la réunion de la commission des lois, qui était convoquée pour vingt et une heures. À cette occasion, nous avons été amenés à découvrir de manière officielle et approfondie les deux amendements que le Gouvernement présente sur ce que l'on appelle désormais la « riposte graduée ».

Nous sommes sidérés par le contenu de ces deux amendements.

L'amendement n° 228 est devenu l'amendement n° 228 rectifié. Nous remercions notre collègue Warsmann de nous avoir apporté quelques éclaircissements sur cette nouvelle rédaction. Celle-ci, d'après l'information dont je dispose à l'heure où je vous parle, tendrait à supprimer la possibilité de poursuivre un abonné qui, « y compris par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à l'obligation de prudence », aurait « reproduit, représenté ou communiqué au public des œuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits ». Aux termes de la première rédaction, en effet, quelqu'un pouvait en effet se trouver sanctionné sans qu'il ait eu d'intention coupable, ce qui est absolument insensé.

Visiblement, l'amendement n° 228 rectifié marque un ressaisissement du Gouvernement, puisque la disposition en question aurait été supprimée. Reste que nous sommes dans un cadre qui crée une infraction de présomption de contrefaçon en méconnaissant totalement la présomption d'innocence, à laquelle nous sommes attachés.

Si je pointe ainsi des arguments de fond, madame la présidente, c'est parce qu'ils sont tout à fait révélateurs de l'organisation de nos travaux et de la façon dont nous légiférons. Nous venons en effet de découvrir deux amendements du Gouvernement longs de plusieurs pages qui créent ex abrupto une nouvelle autorité administrative indépendante, puisque tel est désormais le statut du collège des médiateurs.

21/12/2005 Débats DADVSI : motion de renvoi en commission

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention en vous rapportant la mise en garde de Renouard dans le tout premier Traité des droits d'auteurs, paru en 1838, récemment rappelée par Me Cyril Rojinsky et Me Sébastien Cavenet : « Une loi sur cette matière ne saurait être bonne qu'à la double condition de ne sacrifier le droit des auteurs à celui du public, ni le droit du public à celui des auteurs ». Le même Renouard aurait, le premier, substitué au terme de « propriété » celui de « droit d'auteur ». Ce principe élémentaire montre combien votre projet de loi, monsieur le ministre, est symptomatique de nos approches différentes du droit d'auteur et, plus largement, de la société de l'information.

Là où vous voulez maintenir les contraintes de rareté des biens physiques dans le monde d'abondance qu'est la société de l'information, nous considérons au contraire que la création culturelle se nourrit avant tout du partage des savoirs et de la circulation des œuvres. Alors que vous considérez la copie privée comme le spectre du droit d'auteur, nous la voyons au contraire comme le point d'équilibre entre le droit des créateurs et l'intérêt du public. Plus concrètement, là où vous n'envisagez que des mesures de repli, qui sont souvent des sanctions, nous préférons, tout en partageant nombre d'inquiétudes, défendre des solutions novatrices permettant le fonctionnement efficace d'une économie de la culture.

Ignorant ces principes, le Gouvernement a préféré camper sur ses positions, commettant d'importantes erreurs d'appréciation. Dès lors, il nous propose un texte inadapté, à l'analyse biaisée, aux mesures inefficaces, voire anachroniques. Mais, comment aurait-t-il pu en être autrement ?

On éprouverait presque de l'indulgence pour votre copie, monsieur le ministre, si la question posée au législateur n'était pas de toute première importance pour l'avenir de la culture en France. Comment en effet examiner un projet de loi portant sur une question en perpétuelle évolution et vieux de deux ans ? Comment s'appuyer sur un rapport de commission datant du mois de juin, alors que chaque jour apporte de nouveaux éléments propres à enrichir notre réflexion ? On en sait, par exemple, plus aujourd'hui qu'hier sur les mesures techniques de protection ou sur l'impact des réseaux peer to peer sur les ventes de disques. Malgré cela, le Gouvernement a soudainement décidé d'inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée, en cette fin d'année, ce texte dont, je le dis d'emblée, nous estimons qu'il nécessite une réflexion plus approfondie et, par conséquent, un renvoi en commission.

[...]

De plus, en inscrivant ce texte à l'ordre du jour il y a seulement deux semaines, vous avez rendu le travail parlementaire impossible : nous n'avons disposé que de 48 heures pour déposer de nouveaux amendements, le rapport de la commission des lois ayant été publié lors de la précédente session pour une discussion prévue en juillet dernier ! Nous allons également devoir nous prononcer sur des amendements importants - vous venez encore d'en annoncer, monsieur le ministre -, dont certains créent de nouvelles infractions pénales, sans les avoir préalablement examinés en commission. Avant-hier encore, cette dernière n'en disposait pas ! Je pense tout particulièrement aux amendements visant à instaurer une « riposte graduée », - une « réponse graduée », selon vous, monsieur le ministre - dont l'objectif n'est en fait que de contourner les exigences de la CNIL, qui, rappelons-le, a repoussé les dernières demandes de l'industrie musicale.

[...]

Ces atermoiements successifs et cet élan soudain ne favorisent pas l'émergence d'un vrai débat. Ils traduiraient même une volonté de passer en force contre l'avis des consommateurs, contre l'avis de nombreux artistes et des organisations qui les représentent, contre l'avis des internautes, des bibliothécaires et des documentalistes, contre l'avis de l'Association des maires de France et, enfin, contre l'avis même de certains députés de la majorité, comme nous avons pu encore le constater lors de la discussion générale. C'est dire la complexité du dossier ! C'est dire aussi s'il transcende les clivages partisans traditionnels !

Or cette complexité, ces divisions, vous semblez les ignorer. Loin de faire l'unanimité, votre texte, monsieur le ministre, cède au contraire à des logiques simplificatrices dont le principal effet est de satisfaire d'abord les intérêts des majors de la culture et du logiciel.

Ils traduisent surtout une conception du droit d'auteur qui n'est pas du tout la nôtre, et qui n'est pas du tout celle sur laquelle se sont édifiées, depuis tant de temps, l'activité et la création culturelles en France.

Force est de constater que vous ne vous êtes pas contentés de transposer simplement une directive - et c'est bien là le problème. Vous l'avez surchargée de mesures répressives supplémentaires tout en écartant les vrais enjeux que pose aujourd'hui la société de l'information.

Le choix du Gouvernement de ne pas apporter de véritables réponses à la question du peer to peer, si ce n'est celle de la criminalisation, et d'opposer les intérêts du public à ceux du créateur, la liberté d'accès au droit au respect et à la rémunération de la création ne va pas sans nous inquiéter.

[...]

Mes chers collègues, le droit d'auteur est le principal mode de régulation de la société de la connaissance et un garant de la diversité culturelle. Il ne peut souffrir un traitement à la hâte, et nous ne pouvons faire l'économie d'une réflexion plus poussée, d'autant que l'ensemble de l'édifice argumentaire sur lequel se fonde ce texte repose sur des bases bien peu solides, contestables et d'ailleurs très contestées.

En ignorant les objections soulevées par des artistes, des économistes, des juristes et de bien d'autres encore, nous nous privons d'éléments de réflexion essentiels et nous nous trouvons entraînés dans un faux débat.

Premier élément de ce faux débat : vous prétendez défendre le droit d'auteur, mais vous contribuez à l'affaiblir et en assurez, en réalité, le dévoiement.

Bien évidemment, nous avons à l'esprit les difficultés que rencontrent nombre d'industries culturelles. La plupart des activités artistiques et des métiers culturels sont confrontés, depuis quelques années, à une évolution rapide et majeure. La société de l'information porte en germe la démocratisation de l'accès aux œuvres culturelles et une meilleure diffusion du savoir. Elle n'en a pas moins considérablement bouleversé les conditions économiques de la création, tout comme celles de la diffusion et de l'accès au patrimoine culturel.

La première étape de cette mutation numérique a été extrêmement profitable aux industries culturelles. Je pense, par exemple, au passage du vinyle au CD, qui s'est révélé très bénéfique pour l'industrie de la musique.

La seconde étape de cette mutation a été celle de la dématérialisation des œuvres à laquelle nous assistons depuis plusieurs années. Avec le développement d'Internet et du numérique, les possibilités offertes semblent devenir infinies. La compression et la numérisation des données, la généralisation progressive des capacités à haut débit et le développement de l'interactivité ont presque annihilé les contraintes liées à la pénurie des ressources. Les technologies arrivent aujourd'hui à maturité - numérisation, largeur de bande, réseaux IP, codage, cryptage, miniaturisation, ou encore compression - et une floraison de terminaux et d'outils sont disponibles sur les marchés : PC, récepteurs mobiles, baladeurs, graveurs de CD, et cetera.

Cette convergence, non seulement permet de proposer de nouveaux services, mais également modifie en profondeur les pratiques et les usages de millions de nos concitoyens.

Dans le même temps et parallèlement à ce développement sans précédent d'échanges entre les personnes, s'opère, dans tous les domaines de la création, une volonté d'accélérer le mouvement de l'appropriation privée. La mutation numérique bouleverse les intérêts économiques, industriels et financiers attachés au droit de la propriété intellectuelle. Comme chaque innovation technologique, elle ravive les tensions entre auteurs, producteurs, artistes et interprètes autour de la rémunération, c'est-à-dire autour du contrôle économique des exploitations.

D'un côté, les auteurs, les créateurs et leurs représentants se sentent souvent menacés par l'évolution des modes de création et de diffusion. Ils craignent une évolution des pratiques en leur défaveur et adoptent une position défensive qui ne facilite sans doute pas le dialogue avec les autres acteurs.

De l'autre, les utilisateurs ne comprennent pas toujours les entraves qui sont faites à la mise à disposition et à l'utilisation des contenus auxquels ils souhaitent accéder ou dont ils ont besoin.

Dans le passé, ces conflits se sont toujours conclus par des compromis : la reconnaissance de nouveaux « droits » pour les investisseurs et les diffuseurs, mais aussi pour les utilisateurs, la mise en place de nouveaux modes de rémunération, l'extension de la gestion collective, l'ouverture de nouveaux marchés, l'émergence de nouveaux opérateurs.

Ce fut notamment le cas lors de l'apparition des cassettes audio et du magnétoscope, perçus et dénoncés à l'époque comme une menace pour les industries de la musique et du cinéma. On sait ce qu'il advint : le magnétoscope et les cassettes audio, et aujourd'hui le DVD, sont devenus une source essentielle de croissance pour les industries culturelles.

Aussi, dans chacune de ces crises, le droit d'auteur a révélé ses capacités d'adaptation et les pouvoirs publics sont à chaque fois intervenus pour préserver l'équilibre entre les intérêts des titulaires de droit et ceux du public.

La notion de droit d'auteur doit nécessairement évoluer. Mais, si elle est adaptable, elle ne doit pas être seulement un outil d'appropriation à l'instar du copyright américain. Si la propriété intellectuelle est vitale pour nombre d'entreprises culturelles et d'auteurs, elle ne doit pas pour autant empêcher la diffusion et la circulation des œuvres. L'extension du domaine privé n'est donc certainement pas la seule solution à apporter. Elle constitue même une réponse paradoxale aux effets de la numérisation et de l'interconnexion des réseaux, qui sont des procédés ouverts et interopérables favorisant les nouveaux entrants, de nouveaux publics et un plus large accès aux œuvres.

Nous ne pensons pas qu'il convienne de modifier le droit dans un sens plus répressif. Nous croyons au contraire que « le prétendu renforcement des droits de propriété intellectuelle » que vous nous proposez risque de produire les effets inverses et conduire à son propre « affaiblissement » car, à raisonner en termes de répression, à assimiler les œuvres à des biens de consommation courante ou encore à criminaliser les internautes, le risque est grand que le droit d'auteur, tel que nous le concevons, s'y perde.

Hélas, le Gouvernement n'a pas choisi cette voie, et c'est là le deuxième élément de ce faux débat : vous comptez sur l'industrie du disque pour développer une offre dite légale alors que son objectif le plus visible est aujourd'hui de poursuivre les pirates.

En reprenant à son compte de manière unilatérale le diagnostic, le langage et les solutions préconisées par une partie des industries culturelles, le Gouvernement est largement responsable de la situation conflictuelle que l'on connaît aujourd'hui et du fossé grandissant entre l'industrie musicale et son public.

On a bien cru pourtant, à l'été 2004, que les ministres de l'économie et des finances et de l'industrie avaient amorcé une légère correction de tir avec la signature, à l'Olympia, propriété de Vivendi Universal - tout un symbole ! - de la « charte d'engagements pour le développement de l'offre légale de musique en ligne, le respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique ». Cette charte, qui visait à impliquer les fournisseurs d'accès dans la lutte contre le piratage, devait combiner promotion des offres légales et payantes et pédagogie auprès des internautes. Mais de développement de l'offre légale, il y en eut très peu, tandis que des mesures répressives, il y en eut beaucoup.

Rappelons les mots, d'ailleurs, de Pascal Nègre, principal promoteur de cette charte, pour en saisir l'esprit et, au passage, une conception quelque peu personnelle de la diffusion des œuvres culturelles : « Vous voulez la plus belle discothèque du monde. Chacun a ses rêves : il y a des filles qui veulent 153 diamants mais elles ne peuvent pas se les payer et elles n'en ont aucun. »

Tout est dit. Les œuvres sont réduites à des produits de consommation courante, fussent-ils des bijoux.

Cette charte s'appuie sur la loi pour la confiance dans l'économie numérique, qui prévoit jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende pour les actes de contrefaçon, ainsi que sur la révision de la loi informatique et libertés qui autorise désormais des personnes morales à relever et traiter les données relatives à des infractions dont elles s'estiment victimes. Elle n'a en définitive eu qu'un seul but : entamer, dès la rentrée 2004, une vague de « procès pour l'exemple ».

Alors qu'en est-il aujourd'hui du développement de l'offre dite légale, présentée, à l'époque, comme la solution unique ? Nous avions émis de vives réserves et exprimé des craintes quant à l'efficacité des mesures proposées.

L'objectif de 600 000 titres nous paraissait très faible. Il correspond à peine au nombre d'albums disponibles dans un grand magasin.

Nous avions également exprimé des craintes quant au risque que l'effort de numérisation, du fait de son coût, ne porte que sur des best-sellers, entraînant inévitablement une baisse de la diversité culturelle D'ailleurs, aucune obligation en matière de diversité culturelle, notamment quant au ratio d'œuvres françaises, n'était prévue.

Par ailleurs, cette charte n'envisageait rien de concret pour l'interopérabilité des plates-formes de téléchargement en ligne et du matériel d'écoute.

Un an plus tard, nos craintes se sont confirmées. Le Bureau européen des consommateurs vient de publier deux études pointant les carences de la seule alternative officielle aux usages actuels des internautes. La conclusion de cette étude est sans appel : « pauvreté de l'offre » et « casse-tête technique ».

Côté diversité culturelle tout d'abord, et aux dires de Julien Dourgnon, directeur des études de l'UFC-Que Choisir, le résultat est « affligeant ». La disponibilité des œuvres de 260 artistes a été testée sur sept sites : trois anglais, un français, un allemand et deux hollandais. En moyenne, les deux tiers ne sont pas disponibles, et ce chiffre atteint 90 % sur le seul répertoire consacré à la musique classique.

En somme, comme l'a titré récemment un quotidien, : « Télécharger légal, c'est télécharger banal ».

Côté interopérabilité des plates-formes, là aussi, la situation est ubuesque. Chaque site légal dispose de son propre système et il est quasiment impossible de lire un fichier téléchargé sur un baladeur numérique. Comme si l'acheteur d'un CD devait se préoccuper de la marque de sa propre chaîne Hi-Fi. Il y a là une appropriation des nouvelles technologies et des œuvres culturelles par certains professionnels qui ne se préoccupent absolument pas des droits du consommateur.

Troisième élément de ce faux débat, et non des moindres : l'établissement d'un lien contestable entre baisse des ventes de disques et téléchargement sur les réseaux peer to peer.

Cette incapacité à s'adapter aux évolutions de la société de l'information et cette volonté d'une répression accrue sont d'autant plus mal perçues qu'elles reposent sur ce présupposé initial contestable. Ce n'est pas parce qu'il y a concomitance de ces deux phénomènes qu'ils ont un lien direct entre eux. Aucune étude sérieuse ne vient confirmer une telle hypothèse. Toutes celles dont nous disposons sont diverses dans leurs conclusions, mais elles convergent toutes vers le même point : seule une part très limitée de la réduction des ventes de disques est due aux réseaux d'échanges en ligne.

Par exemple, une étude américaine publiée en 2004 conclut qu'il faut 5 000 téléchargements de fichiers pour diminuer la vente d'un disque. Dans ces conditions, les réseaux d'échanges ne seraient responsables que d'une baisse de 2,5 pour mille des ventes de disques. Plus intéressante encore, une autre étude, toujours américaine, souligne le fait que l'échange de fichiers conduit à de nouvelles consommations qui n'auraient pu avoir lieu sans l'existence des réseaux peer to peer.

Plus récemment, et plus proche de nous, le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture vient de publier une étude portant sur les pratiques déclarées de téléchargement de fichiers à contenu culturel des internautes. Que nous dit-elle ? D'abord, elle évalue à 31 % le nombre d'internautes qui téléchargent régulièrement sur les réseaux d'échanges. Elle nous apprend également que c'est la musique qui est le premier contenu culturel téléchargé et qu'il s'agit avant tout d'une population jeune et masculine. Mais surtout, l'impact du peer to peer n'est pas aussi négatif qu'il y paraît : la plupart des internautes estiment en effet que le téléchargement n'a pas modifié leurs consommation et pratiques pour le cinéma, les jeux vidéo ou la musique.

Depuis qu'ils téléchargent des fichiers films, 75 % des internautes ont déclaré ne pas avoir modifié leur fréquence de sortie au cinéma. Ils sont même 19 % à déclarer avoir modifié celle-ci à la hausse.

De même, 64 % des personnes qui téléchargent des fichiers musicaux déclarent acheter des CD neufs autant qu'avant, et 12 % plus qu'avant.

Autre enseignement, d'importance essentielle, la motivation première n'est pas la gratuité. Le téléchargement de fichiers à contenu culturel semble s'inscrire dans un ensemble d'usages extrêmement variés. Les internautes disent vouloir explorer, tester, échantillonner et profiter d'une offre plus abondante que sur les plates-formes légales.

Je pourrais également évoquer une récente étude de l'OCDE, qui, elle aussi, minimise l'impact des réseaux peer to peer sur les difficultés du marché du disque, mais surtout qui souligne que les industries du disque n'ont pas encore su tirer profit des nouvelles technologies. Ou encore, les conclusions d'une enquête de la FNAC, qui attribue la baisse des ventes de disques pour l'année 2003 à des facteurs de toute autre nature : l'usure du support physique, avec la fin du rééquipement en CD ; la déstructuration du marché liée à une gestion incohérente pour le public des prix et du cycle de vie « produit » ; une baisse des investissements marketing ; et, enfin, le déplacement du pouvoir d'achat en raison d'une concurrence accrue des DVD, livres ou encore jeux vidéos.

Aujourd'hui, mes chers collègues, les chiffres parlent : plus de 8,5 millions de personnes téléchargent des fichiers sur les réseaux peer to peer, plus de 20 milliards de fichiers musicaux ont été téléchargés en 2004 à travers les serveurs d'échanges, contre seulement 310 millions sur les sites payants. Un constat s'impose : les internautes ont bel et bien adopté le peer to peer.

Comme le souligne Dominique Barella, président de l'Union syndicale des magistrats, dans une tribune parue dans Libération en mars 2004 : « Quand une pratique infractionnelle devient généralisée pour toute une génération, c `est la preuve que l'application d'un texte à un domaine particulier est inepte ».

Et c'est là, mes chers collègues, le quatrième élément de ce faux débat : vous criminalisez des pratiques tout en ignorant les avancées jurisprudentielles récentes.

Cette inadéquation entre la règle et la pratique est source d'une insécurité juridique importante. Or, les termes de piraterie et de piratage ne sauraient viser uniformément le téléchargement d'œuvres protégées, leur mise à disposition et la contrefaçon de ces œuvres dans un but commercial. S'agissant du téléchargement, son caractère illicite est largement controversé. La Commission canadienne du droit d'auteur, par exemple, a conclu que télécharger sur Internet constitue un acte de copie privée tout à fait légal, à condition cependant de ne pas vendre, louer ou encore communiquer la copie au public.

Les tribunaux hollandais, quant à eux, assimilent téléchargement et copie privée.

En France, des voix de plus en plus nombreuses, dont la nôtre, s'élèvent pour demander une clarification de la ligne de partage entre le licite et l'illicite. Ainsi, le Conseil économique et social a récemment proposé de « qualifier de copie privée les téléchargements d'œuvres, au lieu de les assimiler systématiquement à du piratage ». À cet égard, la jurisprudence vient d'apporter quelques éclaircissements en considérant comme relevant de l'exception pour copie privée, les œuvres téléchargées sur les réseaux peer to peer.

C'est ainsi que le 10 mars 2005, je tiens à le rappeler, la cour d'appel de Montpellier a confirmé la relaxe prononcée par le tribunal de grande instance de Rodez d'un internaute ayant téléchargé des œuvres. C'est aussi la Cour d'appel de Paris qui, le 22 avril dernier, a précisé que l'exception pour copie privée n'est limitée ni par la nature du support sur lequel la reproduction est effectuée - numérique ou analogique -, ni par la source à partir de laquelle s'effectue la copie. Autrement dit, il n'est pas nécessaire de disposer d'un exemplaire original et acheté dans le commerce pour bénéficier de l'exception pour copie privée.

Nul doute que ces décisions feront date. Elles mettent un frein aux tentatives de poursuite des pirates - notion qui ne recouvre d'ailleurs aucune réalité juridique. Mais surtout, elles doivent être le point de départ d'une réflexion renouvelée sur le devenir de la copie privée comme point d'équilibre du droit d'auteur.

Enfin, cinquième et dernier élément de ce faux débat, vous prétendez agir pour sauvegarder la vitalité économique de l'industrie culturelle - et les emplois de cette industrie disiez-vous, il y a quelques instants -, mais vous l'empêchez de profiter des bénéfices de la société de l'information.

L'avis du Conseil d'analyse économique est à ce titre éclairant. Il montre, en effet, que les logiques défensives, dont les éditeurs de contenus et les majors sont les principaux promoteurs, cherchent à maintenir le plus longtemps possible le fonctionnement classique des marchés et visent à restaurer la liaison entre le contenu d'une œuvre et son support physique. Et il estime que ces tentatives sont non seulement vouées à l'échec à plus ou moins long terme, mais que, en plus, leur persistance prive la société des bénéfices de la révolution numérique. Gageons que ceux qui mènent ces combats d'arrière-garde auront, comme le souligne l'économiste Pierre-Noël Giraud : « Autant de chances de succès que ceux qui se seraient opposés à l'imprimerie pour sauvegarder l'emploi des copistes et l'art de la calligraphie dans l'Occident médiéval ».

Les technologies de l'information et de la communication multiplient les capacités de diffusion et de production des programmes. Elles représentent un gain considérable pour l'ensemble des acteurs. Elles sont une chance pour les auteurs et les artistes : potentialités de diffusion accrues, prime à la diversité, lutte contre la tendance à la standardisation et à l'uniformisation d'une industrie musicale concentrée, chance pour les labels indépendants. Mais à la seule condition d'oublier nos craintes et d'entrer rapidement dans une logique de gestion des gains et de développement et ne pas rester dans une logique de limitations des risques. C'est cette voie que le Conseil d'analyse économique et sociale nous indique d'emprunter : une voie plus novatrice consistant à inventer un nouveau modèle économique.

Malheureusement, nous n'en trouvons nulle trace dans ce projet de loi. L'absence de réflexion du Gouvernement sur les tenants et les aboutissants d'une question aussi importante le conduit à naviguer à vue, sans le souci du long terme, sans le souci de la moindre prospective. Il donne ainsi son blanc-seing aux majors du disque qui s'ingénient à mettre en place des moyens, juridiques et techniques, pour dissuader ou faire payer ce que le progrès technique rend progressivement accessible au plus grand nombre.

Elles n'ont manifestement pas su profiter du développement du commerce électronique et souhaitent aujourd'hui se voir reconnaître les moyens d'endiguer ce phénomène par le recours à un arsenal pénal et technologique. Or, l'Internet ne peut être le bouc émissaire de cette industrie qui peine à renouveler son modèle économique. Même les artistes ne vous suivent pas dans cette volonté de construire des clôtures autour du droit d'auteur. Car ils ont bien compris que cette révolution culturelle était inéluctable. Et ils ont d'ailleurs été bien plus nombreux à signer la pétition initiée par Le Nouvel Observateur l'année dernière pour « libérer la musique » que l'ensemble des artistes enrôlés par les majors pour faire la promotion de l'offre dite légale. Ce phénomène se vérifie même aux Etats-Unis, où, d'après une enquête auprès de plus de 2 700 artistes, 3 % seulement des musiciens estiment qu'Internet nuit à la possibilité de protéger leurs créations.

À son actif, reconnaissons tout de même au Gouvernement le mérite de la cohérence. Ce manque cruel de vision à long terme l'amène, en effet, à proposer des dispositions en parfaite adéquation avec son incapacité à saisir les évolutions à l'œuvre dans la société d'aujourd'hui. Au mieux, ces mesures seront inefficaces ou inadaptées ; au pire, elles auront des conséquences fort dommageables pour la diversité et la création culturelle dans notre pays.

Force est de constater que le projet de loi qu'il nous est proposé d'adopter part sur les mêmes bases que l'ensemble des textes qui nous ont été présentés en ce domaine depuis 2002 et tout particulièrement l'année dernière. La dimension répressive est toujours privilégiée.

Résultat logique me direz-vous : ce projet de loi ne se contente pas simplement de transposer une directive, il ajoute des sanctions supplémentaires, se lançant ainsi dans ce que Philippe Aigrain nomme « une course aux armements de la propriété intellectuelle ». L'idée de la riposte graduée est peut-être venue de là.

L'assimilation du contournement d'une mesure technique de protection à de la contrefaçon, j'y reviendrai dans quelques instants, en est la parfaite illustration.

Transposer une directive ne doit cependant pas nous faire oublier notre rôle de régulateur. Au contraire, il doit nous amener à nous interroger sur des dispositions qui se révèlent aujourd'hui plus problématiques qu'il n'y paraissait il y a quatre ans. Or vous avez fait le contraire : vous avez ignoré les difficultés et durci les problèmes.

Ce durcissement est particulièrement vrai pour les dispositions relatives aux mesures techniques de protection, sur lesquelles je souhaiterais concentrer un instant mon propos.

Jusqu'à présent, la protection des droits sur les œuvres était essentiellement juridique. Désormais, des techniques et systèmes numériques permettent d'envisager une protection physique des documents audiovisuels ou multimédias et des droits d'auteur qui s'y rattachent. Pourtant, aucun de ces procédés ne résiste à l'épreuve de l'inventivité des ingénieurs et des hackers. Les logiciels de contrôle peuvent être contournés, les algorithmes de codage et le marquage neutralisés. Les promoteurs des mesures techniques de protection l'ont bien compris, et, conscients de la vulnérabilité de ces mesures, ils ont souhaité que les mesures techniques soient elles-mêmes protégées, ce que font le traité de l'OMPI - organisation mondiale sur la propriété intellectuelle - de 1996 et la directive sur le droit d'auteur et les droits voisins.

Ainsi, s'est constitué un empilement de protections. D'abord, la loi sur le droit d'auteur. Ensuite, les mesures techniques de protection qui contrôlent l'accès ou l'utilisation d'une l'œuvre. Puis, à un troisième niveau, la protection de la mesure technique de protection - un utilisateur qui la contournerait se rendrait coupable de deux actes répréhensibles : la violation du droit d'auteur, d'une part, et la violation des dispositions relatives aux mesures techniques, d'autre part. Mais, alors que la directive ne le requiert pas, je le répète, le projet de loi rajoute un quatrième niveau de protection en considérant comme un délit le fait de divulguer ou de rendre publique une information sur le contournement des mesures techniques.

Gardons à l'esprit, mes chers collègues, que les mesures techniques de protection ne constituent pas à l'origine - d'ailleurs, elles n'ont pas été pensées ainsi - une réponse aux échanges de fichiers sur les réseaux peer to peer. Car la directive qu'il nous est proposé de transposer aujourd'hui remonte à 1996, puisqu'elle a pour objet d'intégrer dans le droit européen le traité de l'organisation mondiale sur la propriété intellectuelle, lequel introduit en droit international la notion de mesures de protection contre la copie. Elle est donc antérieure au phénomène du peer to peer, qui, lui, ne démarre qu'en 1999. Aussi, en 1998, date à laquelle les négociations ont été entamées autour de ce projet de directive, nous n'avions qu'une idée vague de ce que recouvraient réellement les mesures techniques de protection. Aujourd'hui, nous en avons une idée plus précise, et sans doute convient-il de distinguer les finalités qui peuvent leur être assignées.

Certaines mesures techniques se contentent de notifier à l'utilisateur le régime de protection de l'œuvre : ce qu'il a le droit de faire avec cette œuvre et comment s'acquitter, le cas échéant, du paiement d'une redevance. Ce type de mesure technique ne soulève aucune objection de principe. Il participe, au contraire, d'une démarche de responsabilisation des utilisateurs.

D'autres mesures, en revanche, ont pour objet de contrôler ou de restreindre l'utilisation des œuvres. Ces dispositifs peuvent être « anti-copie » - interdiction ou limitation de la copie - « anti-usage » - la lecture n'est possible que sur certaines marques de logiciels ou de matériels - ou encore être des dispositifs d'identification de l'utilisateur, de tatouage de l'œuvre ou bien de traçage de l'usage.

Au-delà de leurs aspects intrusifs - je pense au fameux rootkit de Sony que les éditeurs de logiciels anti-virus ont récemment classé dans la catégorie espions -, la généralisation de ces dispositifs de protection ne va pas sans poser de problèmes et risque de transformer en profondeur le régime du droit d'auteur.

D'abord, les mesures techniques de protection peuvent porter atteinte à la vie privée, notamment en violant le secret des choix de programmes. Certaines peuvent même espionner les utilisateurs qui accèdent à des œuvres sur leur ordinateur relié à l'Internet, et envoyer des données vers un serveur à leur insu. De tels dispositifs autorisent ainsi un industriel à savoir qui lit quelle œuvre et à quel moment !

Elles peuvent également faire obstacle à la faculté de procéder à des copies privées, et leur développement non contrôlé annulerait de fait l'exception reconnue en la matière. Comment, par exemple, un utilisateur pourrait-il accepter de payer une taxe « copie privée » sur les supports vierges - ou plus exactement une redevance - et, dans le même temps, se voir interdire par une mesure technique de protection le droit effectif à la copie privée ? De plus, la directive repose sur un mauvais équilibre, et il est à craindre que ces exceptions pour copie privée ne soient peu a peu annulées par les progrès technologiques des mesures de protection.

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Enfin, les mesures techniques de protection posent un problème d'interopérabilité. Didier Mathus et Christian Paul avant moi ont longuement évoqué cette question, mais je souhaite y revenir.

Il nous faut lever l'incertitude des consommateurs quant à la capacité du matériel dont il dispose à lire une œuvre acquise « légalement » - j'insiste sur ce point. Le fournisseur doit donner tous les éléments qui garantissent que les œuvres protégées peuvent être converties dans un format accepté par tout autre système de lecture.

Mais, plus globalement, la généralisation des mesures techniques de protection est également préoccupante puisqu'elle place la filière musicale sous la dépendance d'une poignée de fournisseurs de solutions techniques que sont Microsoft, Apple ou Sony. Le secteur de la musique, déjà fortement concentré, est en train de confier son avenir à des acteurs industriels de l'informatique dont le modèle économique repose sur l'organisation de marchés captifs : Microsoft via Windows Media Audio, Apple via l'iPod. Mais, comble du paradoxe, nombre des technologies de numérisation et de diffusion des biens culturels ont été développées grâce à des financements communautaires comme le MP3, le DivX, le VLC à l'École Centrale ou encore certains des meilleurs logiciels de peer to peer. Au lieu de s'appuyer sur ce potentiel d'innovation, la filière musicale se tourne vers des solutions techniques américaines, Microsoft principalement, au lieu de se conformer au patriotisme économique prôné par le Premier ministre !

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Christian Paul a rappelé hier, disais-je, le casse-tête auquel est confronté tout détenteur de baladeur numérique. D'ailleurs, d'ici trois jours, je puis vous garantir que ces appareils, peu importe la marque, figureront en bonne place au pied des sapins de Noël.

Or quel message envoyez-vous à leurs futurs propriétaires ? « Attention, vous êtes des délinquants potentiels. Attention, vous allez être bientôt des pirates. »

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Avec un iPod, je ne peux transférer les titres d'un CD qui comporte des mesures techniques de protection même si je l'ai acheté légalement. Pour les lire, je suis obligé de les contourner. Sanction prévue par le projet de loi : jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende.

Avec un iPod, je ne peux transférer un titre acheté dans une boutique en ligne - e-Compil, fnacmusic ou virginmega : les marchands du temple qui étaient hier après-midi à proximité immédiate de cet hémicycle -, les formats et les mesures techniques de protection de ces plates-formes n'étant pas compatibles avec les formats acceptés par mon baladeur numérique. Pour le lire, je vais donc devoir contourner les mesures techniques de protection installées par la maison de disque. Sanction prévue par le projet de loi : jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende.

La FNAC - premier vendeur européen d'iPod - vend sur sa plate-forme de musique en ligne des fichiers protégés par le format et les mesures techniques de protection Microsoft que l'iPod ne peut pas lire. Dès lors, elle donne l'astuce pour contourner la mesure technique et recommande à ses clients de graver le titre qu'ils ont acheté sur sa plate-forme pour pouvoir le lire sur l'iPod qu'elle leur a vendu. Sanction prévue par le projet de loi : jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende.

Avec un iPod, la seule option légale qui m'est offerte, si je souhaite acheter de la musique en ligne, c'est de me rendre sur la plate-forme iTunes d'Apple. Le but du projet de loi serait-il donc de conforter le monopole d'Apple qui contrôle déjà le plus grand parc de baladeurs numériques ?

Il me reste néanmoins la solution d'acheter un second baladeur, d'une autre marque, qui accepte les formats Microsoft pour lire les titres que j'achète sur d'autres plates-formes, fnacmusic ou virginmega. Le but du projet de loi serait-il alors, dans ce cas, de renforcer le monopole de Microsoft sur les systèmes d'exploitation, alors que c'est justement pour avoir lié Windows et Windows Media - le format de diffusion de musique et de films - que cette société a été récemment condamnée pour abus de position dominante par la Commission européenne ?

Alors certes, quel que soit mon baladeur, je peux lire de la musique en format MP3. Mais, malheureusement, aucune des grandes plates-formes de musique en ligne n'en propose à la vente. Je suis donc obligé d'aller sur les réseaux d'échangess peer to peer. Sanction prévue par le projet de loi : jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende.

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Mais, comme je l'ai souligné au début de mon intervention, vous avez bien saisi que cet arsenal répressif était mal compris, mal perçu et surtout fortement contesté. Alors vous nous avez sorti cet amendement n° 228 qui instaure une « réponse graduée » au peer to peer, que nous considérons davantage comme une riposte. Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles il nous a été transmis, qui constituent une injure au débat parlementaire. Mais avouez tout de même que la création d'un nouveau chapitre dans le code de la propriété culturelle, composé de sept nouveaux articles, méritait un examen plus sérieux ! Nous n'avons eu l'amendement que hier soir !

De quoi s'agit-il ? Ni plus ni moins que de dispositions dignes de la loi « anti-casseurs », qui instaurent une responsabilité pénale collective en créant de nouvelles obligations à l'égard des abonnés d'Internet. Il appartient en effet désormais aux internautes de « prendre les précautions nécessaires pour ne pas reproduire, représenter ou communiquer au public des œuvres de l'esprit sans autorisation des titulaires des droits d'auteur ». La peine plancher se situe entre 150 et 300 euros d'amende en cas de récidive dans l'année qui suit une première mise en demeure et s'élève à 1 500 euros les deux années suivantes. Compte tenu du nombre de personnes qui sont obligées de contourner les mesures techniques de protection, il y a fort à parier que de telles dispositions seront source d'un important contentieux.

C'est pour cela que vous avez choisi, avec l'amendement n° 225, de transformer le collège des médiateurs en autorité de médiation et de protection de la propriété littéraire et artistique. Cette nouvelle autorité administrative indépendante sera ainsi chargée de statuer sur les différends nés de l'utilisation des mesures techniques et de prononcer les sanctions à l'encontre des internautes. Il y a vraiment deux poids, deux mesures, ce qui est insupportable : à l'endroit de l'industrie culturelle, qui porte sciemment atteinte au droit à la copie privée, le Gouvernement choisit la conciliation a posteriori ; à l'encontre des internautes, il choisit la répression aveugle. Ainsi, il contourne la justice qu'il trouve trop clémente vis-à-vis des internautes et trop sévère avec l'industrie culturelle. À cet égard, Christian Paul a eu raison de faire un rappel au règlement pour demander que le garde des sceaux soit présent dans cet hémicycle quand nous discuterons de ces deux amendements, auxquels tout laisse à penser que la Chancellerie est fondamentalement opposée, eu égard à ce qu'est le droit dans notre pays.

Il ne s'agit donc que de la mise en place d'une justice d'exception qui n'a pour principal objectif que de servir, une fois de plus, les intérêts de l'industrie culturelle. Quel sens de la graduation !

Tels sont, mes chers collègues, les problèmes concrets posés par les mesures techniques et les contradictions qu'elles recèlent. On marche sur la tête ! Vous en conviendrez, il faut encadrer strictement l'application de ces dispositions.

Ainsi, si les amendements que nous proposons étaient adoptés, le bénéfice de l'utilisation d'une mesure de protection serait relativisé pour les ayants droit et des garanties d'interopérabilité, essentielles pour les utilisateurs de logiciels libres, leur seraient apportées.

Je veux bien évidemment ici faire référence aux deux amendements identiques qui visent à rendre obligatoire l'intégration de mesures techniques de protection pour tout logiciel de communication, amendements que nous appelons communément « amendements Vivendi Universal ». Ils nous inquiètent fortement car les dispositions qu'ils proposent auront pour effet de brider l'innovation dans les technologies de diffusion, notamment pour les logiciels libres et les logiciels destinés à organiser l'interopérabilité. Les effets de ces amendements dépassent très largement le seul périmètre de la musique en ligne, et nous ne pouvons accepter que, sous couvert de transposer une directive, le Gouvernement outrepasse le cadre qui lui a été fixé et en profite pour entamer un processus d'éradication du libre.

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Notre opposition n'est pas le fruit d'un hasard, pas plus qu'elle ne résulte d'une volonté farouche de s'opposer coûte que coûte à ce projet de loi. L'opposition à ce texte ne se situe d'ailleurs pas seulement dans nos rangs. Notre démarche est fondée sur le refus de rentrer dans des logiques uniquement répressives qui, de toute façon, sont vouées à court terme à l'échec. Mais, entendons-nous bien et évitons les faux procès : si nous ne souscrivons pas à une stratégie d'éradication progressive des réseaux peer to peer, nous ne souhaitons pas pour autant adopter une stratégie de laisser-faire. Entre les deux, il existe d'autres solutions envisageables qu'une concertation préalable et a fortiori un renvoi en commission permettraient d'explorer.

L'Internet et les réseaux peer to peer sont les laboratoires où s'activent les créateurs d'aujourd'hui, où vit une partie de notre jeunesse et où s'inventent les cultures numériques de demain. L'utilisation de ces réseaux est durablement inscrite dans les pratiques de millions d'internautes. Avec 250 millions d'utilisateurs dans le monde en cinq ans, le peer to peer constitue en effet la technologie adoptée le plus rapidement de tous les temps. C'est une architecture de diffusion remarquablement efficace et économe en bande passante. Il s'agit là d'un instrument idéal pour la valorisation des œuvres du domaine public ainsi qu'un puissant outil de découverte, d'exposition et de promotion des œuvres.

La croissance exponentielle du peer to peer, fondée sur l'augmentation du nombre d'internautes et les effets de réseaux, ainsi que ses qualités intrinsèques le rendent incontournable pour les acteurs des industries culturelles. Nous récusons l'idée selon laquelle il serait un fléau qu'il faudrait combattre, une nuisance qu'il faudrait endiguer, une parenthèse qu'il conviendrait de refermer, tout comme nous récusons l'idée selon laquelle il constituerait un espace de gratuité qu'il faudrait à tout prix préserver, ou encore l'idée selon laquelle il annoncerait la fin des intermédiaires que sont les éditeurs et les producteurs.

Mais ce qui est certain, c'est que la situation actuelle ne peut plus perdurer : poursuites judiciaires de l'industrie musicale à l'encontre du public, insécurité juridique pour des millions de personnes, qui touchera bientôt d'autres utilisateurs après Noël, absence de rémunération pour les œuvres téléchargées et échangées. Il est plus qu'urgent désormais d'imaginer les solutions qui permettent d'encadrer ces pratiques, tout en les intégrant dans l'économie culturelle.

Ainsi, entre la stratégie d'endiguement du peer to peer et le laisser-faire, il existe une voie moyenne qui consiste à reconnaître la légitimité des échanges non-commerciaux et à en encadrer l'exercice. En tout état de cause, l'utilisation des œuvres doit donner lieu à une rémunération. Et le groupe socialiste, dans cet hémicycle, n'est en rien l'avocat de la gratuité. D'abord, parce que la gratuité sur Internet, loin de se développer, est prise dans l'étau de logiques commerciales qui la font plutôt régresser. Ensuite, parce que, notre groupe est attaché aux droits d'auteur et qu'il revendique, plus que jamais, des solutions novatrices pour que les auteurs soient rémunérés.

À ce titre, les fournisseurs d'accès à Internet sont aujourd'hui, avec les fournisseurs d'équipement, de stockage et de lecture, les principaux bénéficiaires du téléchargement des œuvres. Par conséquent, ils ne peuvent s'exonérer d'une double obligation : vis-à-vis de leurs abonnés, à qui ils doivent garantir une certaine sécurité juridique, et vis-à-vis des créateurs, dont les œuvres sont massivement utilisées sans aucune contrepartie.

Je crois qu'il y a deux manières d'aborder cette question de la rémunération.

La première s'inscrit dans une logique de compensation du préjudice. Elle tend à considérer que le téléchargement se substitue à l'achat d'œuvres fixées sur CD ou DVD, ou disponibles sur les plates-formes commerciales. Mais l'ampleur des effets de substitution et du manque à gagner qui en résulte est controversée et, en tout état de cause, difficile à mesurer.

La seconde manière part du constat simple que les échanges d'œuvres protégés sur Internet n'engendrent aucune rémunération pour les créateurs. Il s'agit dès lors d'étendre aux échanges de fichiers non commerciaux les mêmes principes que ceux qui ont présidé, dans le passé, à l'instauration de rémunérations forfaitaires - redevance pour copie privée sur les supports vierges, rémunération équitable en matière de radio.

C'est à cette seconde option que va notre préférence. Cette démarche n'est d'ailleurs pas très différente de celle qui conduisit, en 1985, le législateur à reconnaître le phénomène de la copie privée et à l'encadrer par l'instauration d'un mécanisme de rémunération, assis au départ sur les supports vierges analogiques puis étendu aux supports numériques. La philosophie de la rémunération pour copie privée n'est pas de faire payer les utilisateurs pour les autoriser à faire des copies privées. Elle vise en fait les fabricants et les importateurs de supports, analogiques et numériques, qui tirent profit de la vente de supports permettant de réaliser ces copies. Son extension aux échanges sur Internet aboutirait ainsi à faire supporter la rémunération des créateurs par les fournisseurs d'accès à Internet.

C'est pourquoi, à travers nos amendements, nous faisons la proposition d'expérimenter, de manière provisoire, une licence globale contractuelle. Il s'agit de donner une autorisation aux internautes d'accéder à des contenus culturels sur Internet et de les échanger entre eux, à des fins non commerciales en contrepartie d'une rémunération versée aux auteurs à l'occasion du paiement mensuel de l'abonnement Internet.

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Mais, monsieur Cazenave, écoutez au lieu de monter au créneau dès que vous entendez les mots de « licence globale ». Cela fait près d'une heure, en faisant, je l'espère, preuve de pédagogie, que j'explique ce à quoi nous pourrions unanimement aboutir. Je veux parler de cette solution moyenne, qui refuse la répression comme la gratuité et le laisser-faire, en créant une rémunération pour les auteurs dans la logique même des lois de 1957 et de 1985.

Nous proposons de mettre en œuvre la licence globale contractuelle pour une durée de trois ans, afin d'en mesurer tous les effets. Elle constitue pour nous une mesure de sauvegarde à même d'éviter le tout répressif contre lequel nous ne cessons de nous élever et susceptible de clarifier la ligne de partage entre ce qui deviendrait clairement licite et ce qui resterait illicite, comme la contrefaçon à grande échelle de CD et de DVD réalisée à des fins commerciales et à laquelle il convient de s'attaquer.

Elle permet également de remédier à l'absence de rémunération pour les œuvres échangées, car nous savons bien que la gratuité n'est pas le motif essentiel des internautes. Elle leur est plutôt imposée, si j'ose dire, puisqu'ils ne se voient proposer aucune solution leur permettant de rémunérer les œuvres auxquelles ils veulent avoir accès. J'ajoute qu'un récent sondage montre que 75 % des internautes sont prêts à payer près de 7 euros par mois pour accéder librement aux réseaux d'échangess.

Une telle solution repose sur deux fondements. Tout d'abord, il convient d'entériner la jurisprudence actuelle qui considère que les téléchargements sur les réseaux peer to peer relèvent de l'exception pour copie privée. C'est tout le sens d'un amendement que le groupe socialiste a déposé et qui vise à créer cet espace de sécurité juridique pour les utilisateurs des réseaux numériques qui sont amenés à effectuer toutes sortes de reproductions d'œuvres protégées : consultation de sites web, réception d'œuvres par courrier électronique, téléchargements dans les news group ou à partir de réseaux peer to peer ou encore de radios en ligne.

Le second fondement est une rétribution pour les ayants droit au titre du droit exclusif de mise à la disposition du public. Cette autorisation est donnée aux internautes, et la rémunération est ensuite redistribuée aux auteurs, aux artistes-interprètes et aux producteurs. Le rapport du professeur Lucas constate d'ailleurs qu'une telle solution est comparable à celle qui a conduit le législateur à créer un régime très spécifique de gestion collective obligatoire dans l'hypothèse de la reprographie, c'est-à-dire de la possibilité de faire des photocopies. Elle donne toute sa place à la gestion collective à laquelle, nous socialistes, sommes particulièrement attachés. D'ailleurs, nous serons très vigilants sur les initiatives de la Commission européenne visant à ouvrir à la concurrence le secteur de la gestion collective, ce qui pourrait fragiliser la position des créateurs et conduire à un « moins-disant culturel ». Nous espérons que le Gouvernement fera preuve de la même vigilance que nous.

Voilà donc une solution adaptée au réseau, une solution qui ne va pas à contre-courant des usages de millions d'internautes. Voilà une solution qui permet de rémunérer les ayants droit et qui met fin au principe de gratuité dans la clarté. L'Alliance public-artistes, qui défend également la licence globale, a d'ailleurs fait un calcul fort intéressant. Sur la base d'une perception mensuelle de 5 euros, prélevée au niveau des fournisseurs d'accès à Internet et auprès des internautes connectés au haut débit, 600 millions d'euros auraient déjà pu revenir aux ayants droit dont les œuvres sont utilisées. C'est dire si la situation qui prévaut actuellement, et que vous souhaitez renforcer, pénalise lourdement les créateurs.

Cela dit, il faut rappeler ici le caractère illicite d'activités qui compromettent l'exploitation normale des œuvres, comme le téléchargement d'œuvres avant leur fixation sur un support ou avant l'exploitation en salle pour les films. Il importe, dans le domaine cinématographique, de respecter la chronologie des médias. C'est la raison pour laquelle aucun de nos amendements ne concernera cette activité.

Bien sûr, les adversaires d'une solution équilibrée considèrent que tous les internautes ne fréquentent pas forcément les réseaux d'échangess, ce en quoi ils ont raison. C'est pourquoi, nous souhaitons que cette licence globale revête un caractère optionnel, ce qui n'obligerait pas ceux qui n'effectuent pas de téléchargements, à part ceux qui fréquentent les plates-formes payantes, d'y souscrire.

J'insiste à nouveau sur le fait qu'un tel dispositif devrait être mis en place pour une durée provisoire afin de tester son efficacité et de ne pas compromettre des développements futurs. Le secteur de la musique en ligne est en effet en pleine évolution. Les grandes maisons de disques, comme les labels indépendants, développent actuellement des offres commerciales à partir de forfaits et d'une nouvelle génération innovante de plates-formes fondées sur les technologies peer to peer.

Un régime transitoire aurait pour effet d'accompagner l'industrie de la musique dans sa transition numérique, laquelle, je le rappelle, est inéluctable à plus ou moins long terme. Et, sans préjuger ce que doit être le modèle de la musique en ligne de demain, cette solution a, en raison de son caractère provisoire, l'avantage de ne fermer aucune porte et de n'écarter aucune piste. Elle permet, au contraire, de poursuivre la réflexion pour mettre au point les modèles économiques, techniques et sociaux qui sembleront les plus pertinents.

Monsieur le ministre, vous nous demandez d'approuver un projet de loi qui fait, je le répète, la part trop belle aux mesures répressives. Soyons réalistes : vous savez bien, tout comme les acteurs de la filière musicale d'ailleurs, que la multiplication des procès et les stratégies défensives de lutte contre les réseaux peer to peer sont vaines. Elles produiront, si ce n'est déjà fait, l'inverse des effets attendus et conduiront en définitive à affaiblir le droit d'auteur.

Faute d'une analyse approfondie de la situation, faute de propositions innovantes et adaptées à la société de l'information, votre texte, s'il n'est pas sérieusement amendé, sera inapplicable et source d'importants contentieux. Or le but de la loi n'est pas d'être ainsi dévalorisée et délégitimée.

Et il y a aussi les dommages collatéraux, les effets induits. Le droit d'auteur ne concerne pas uniquement l'industrie culturelle : il régit également des pans entiers de la société des connaissances et du savoir. Nous ne pouvons l'ignorer, comme vous ne pouvez ignorer les divisions, celles que suscite votre texte parmi l'ensemble des professions concernées - producteurs, créateurs, sociétés de gestion collective -, mais aussi chez les juristes, les économistes, et même dans votre propre majorité, monsieur le ministre.

Affaiblissement du droit d'auteur, dévalorisation de la loi, dommages collatéraux pour de nombreux secteurs, contestations, divisions : à l'évidence, ce projet de loi n'est pas mûr. Peut-être son âge maintenant avancé - deux ans, rendez-vous compte ! - l'empêche-t-il de saisir l'ensemble des problématiques et des enjeux actuels. Il nous semble donc que l'Assemblée nationale doit disposer de plus de temps et de moyens. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de ce texte en commission.