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''Merci d'enrichir cette partie en y rapportant les prises de positions de Patrick Bloche concernant les sujets traités par La Quadrature du Net (consultez la page [[Aide:Memoire_politique]] pour savoir comment faire).''
 
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===== 15/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060172.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du mecredi 15 mars 2006]
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===== 15/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060172.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du mecredi 15 mars 2006] =====
  
 
<blockquote>Mes chers collègues, je voudrais que vous preniez toute la mesure des répercussions que pourrait avoir votre vote. Aux termes de cet amendement, il convient d'éviter d'incriminer les internautes, pour qui le peer-to-peer est une pratique habituelle, un mode d'échange et de partage qui est entré dans les mœurs - nous aurons l'occasion d'examiner le dispositif de « sanction allégée » ou de « réponse graduée » proposé à l'article 13. Par contre, il faut, nous dit-on, responsabiliser les éditeurs de logiciels. Je vous renvoie à une interview très intéressante, publiée en première page d'un quotidien du soir, du PDG de Vivendi, qui manifestait son scepticisme à l'égard du dispositif de sanction contre les internautes mais attachait une énorme importance à cet amendement dit de responsabilisation des éditeurs de logiciel.</blockquote>
 
<blockquote>Mes chers collègues, je voudrais que vous preniez toute la mesure des répercussions que pourrait avoir votre vote. Aux termes de cet amendement, il convient d'éviter d'incriminer les internautes, pour qui le peer-to-peer est une pratique habituelle, un mode d'échange et de partage qui est entré dans les mœurs - nous aurons l'occasion d'examiner le dispositif de « sanction allégée » ou de « réponse graduée » proposé à l'article 13. Par contre, il faut, nous dit-on, responsabiliser les éditeurs de logiciels. Je vous renvoie à une interview très intéressante, publiée en première page d'un quotidien du soir, du PDG de Vivendi, qui manifestait son scepticisme à l'égard du dispositif de sanction contre les internautes mais attachait une énorme importance à cet amendement dit de responsabilisation des éditeurs de logiciel.</blockquote>
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<blockquote>Ce sous-amendement vise, là encore, à obtenir certaines garanties. En l'occurrence, il s'agit de compléter l'article 13 par l'alinéa suivant : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés sans but lucratif. »</blockquote>
 
<blockquote>Ce sous-amendement vise, là encore, à obtenir certaines garanties. En l'occurrence, il s'agit de compléter l'article 13 par l'alinéa suivant : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés sans but lucratif. »</blockquote>
 
<blockquote>Les actes de contournement, de mise à disposition d'un outil de contournement ou l'offre d'un service de contournement d'une mesure technique se justifient par de multiples raisons. L'une d'elles peut être la contrefaçon industrielle, visant à tirer profit de l'exploitation d'une œuvre sans acquitter aux ayants droit les licences qu'ils sont en droit d'exiger. Ce type de contournement, nuisible à la création, doit être combattu. Mais une autre motivation peut résider dans la volonté de passer outre une limitation introduite par une mesure technique faisant obstacle à la jouissance d'une exception. La motivation du contournement à des fins d'interopérabilité n'étant pas facile à établir, il semble judicieux d'offrir un second critère d'appréciation au juge : la recherche de profit.</blockquote>
 
<blockquote>Les actes de contournement, de mise à disposition d'un outil de contournement ou l'offre d'un service de contournement d'une mesure technique se justifient par de multiples raisons. L'une d'elles peut être la contrefaçon industrielle, visant à tirer profit de l'exploitation d'une œuvre sans acquitter aux ayants droit les licences qu'ils sont en droit d'exiger. Ce type de contournement, nuisible à la création, doit être combattu. Mais une autre motivation peut résider dans la volonté de passer outre une limitation introduite par une mesure technique faisant obstacle à la jouissance d'une exception. La motivation du contournement à des fins d'interopérabilité n'étant pas facile à établir, il semble judicieux d'offrir un second critère d'appréciation au juge : la recherche de profit.</blockquote>
<blockquote>Cela permettra, d'une part, de renforcer la sécurité juridique des utilisateurs contournant une mesure technique à des fins personnelles : il semble évident qu'une personne qui copie un CD afin de l'écouter sur l'appareil de son choix, un autoradio, par exemple, doit y être autorisée. Cela permettra, d'autre part, de garantir la sécurité juridique de ceux qui proposent des outils ou des services à leurs amis moins experts techniquement afin d'effectuer les actes de contournement nécessaires à la mise en œuvre de l'interopérabilité ou à la jouissance d'une exception. Ce second type de sécurité juridique est essentiel. Le droit de contournement à des fins d'interopérabilité prévu par cet article ne saurait demeurer seulement théorique pour la majorité des consommateurs.</blockquote> =====
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<blockquote>Cela permettra, d'une part, de renforcer la sécurité juridique des utilisateurs contournant une mesure technique à des fins personnelles : il semble évident qu'une personne qui copie un CD afin de l'écouter sur l'appareil de son choix, un autoradio, par exemple, doit y être autorisée. Cela permettra, d'autre part, de garantir la sécurité juridique de ceux qui proposent des outils ou des services à leurs amis moins experts techniquement afin d'effectuer les actes de contournement nécessaires à la mise en œuvre de l'interopérabilité ou à la jouissance d'une exception. Ce second type de sécurité juridique est essentiel. Le droit de contournement à des fins d'interopérabilité prévu par cet article ne saurait demeurer seulement théorique pour la majorité des consommateurs.</blockquote>
  
===== 15/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060171.asp Débats DADVSI : Première séance du mecredi 15 mars 2006]
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===== 15/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060171.asp Débats DADVSI : Première séance du mecredi 15 mars 2006] =====
  
 
<blockquote>L'article 9 nous plonge dans la plus grande perplexité. En matière de propriété intellectuelle, littéraire et artistique, compte tenu du climat historiquement passionnel qui prévaut et du conflit d'intérêt qui existe - dans ce secteur, les lobbies jouent pleinement leur rôle, comme nous avons pu le vérifier à l'occasion de l'examen de ce projet de loi -, une médiation apparaît nécessaire, surtout lorsque l'enjeu est aussi important que le droit à copie privée - élément majeur de la démocratisation culturelle puisqu'il permet l'accès du plus grand nombre au savoir.</blockquote>
 
<blockquote>L'article 9 nous plonge dans la plus grande perplexité. En matière de propriété intellectuelle, littéraire et artistique, compte tenu du climat historiquement passionnel qui prévaut et du conflit d'intérêt qui existe - dans ce secteur, les lobbies jouent pleinement leur rôle, comme nous avons pu le vérifier à l'occasion de l'examen de ce projet de loi -, une médiation apparaît nécessaire, surtout lorsque l'enjeu est aussi important que le droit à copie privée - élément majeur de la démocratisation culturelle puisqu'il permet l'accès du plus grand nombre au savoir.</blockquote>
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<blockquote>[...]</blockquote>
 
<blockquote>[...]</blockquote>
 
<blockquote>C'est bien le minimum syndical que d'écrire dans la loi que : « Aucun des médiateurs ne peut délibérer dans une affaire impliquant une entreprise ou une société contrôlée, au sens de l'article L. 233-16 du code du commerce, par une entreprise dans laquelle lui-même, ou le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.»</blockquote>
 
<blockquote>C'est bien le minimum syndical que d'écrire dans la loi que : « Aucun des médiateurs ne peut délibérer dans une affaire impliquant une entreprise ou une société contrôlée, au sens de l'article L. 233-16 du code du commerce, par une entreprise dans laquelle lui-même, ou le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.»</blockquote>
<blockquote>Cet amendement n° 34 ne suffit en rien à assurer l'indépendance du collège. D'ailleurs, comme l'a rappelé Didier Mathus, nous avons été amenés à nous plaindre à de nombreuses reprises de l'absence d'indépendance de certaines autorités administratives. Pour les républicains que nous sommes, la meilleure garantie d'indépendance qui soit, c'est tout simplement la justice.</blockquote> =====
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<blockquote>Cet amendement n° 34 ne suffit en rien à assurer l'indépendance du collège. D'ailleurs, comme l'a rappelé Didier Mathus, nous avons été amenés à nous plaindre à de nombreuses reprises de l'absence d'indépendance de certaines autorités administratives. Pour les républicains que nous sommes, la meilleure garantie d'indépendance qui soit, c'est tout simplement la justice.</blockquote>
  
===== 14/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060169.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du mardi 14 mars 2006]
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===== 14/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060169.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du mardi 14 mars 2006] =====
  
 
<blockquote>Chaque innovation technologique - piano mécanique, radio et télévision, photocopie, cassettes audio, magnétoscope - perturbe, dans un premier temps, les modèles économiques des industries culturelles, et réactive les tensions entre auteurs, producteurs, artistes-interprètes et utilisateurs autour de la rémunération et des modes de contrôle économique des exploitations nouvelles.</blockquote>
 
<blockquote>Chaque innovation technologique - piano mécanique, radio et télévision, photocopie, cassettes audio, magnétoscope - perturbe, dans un premier temps, les modèles économiques des industries culturelles, et réactive les tensions entre auteurs, producteurs, artistes-interprètes et utilisateurs autour de la rémunération et des modes de contrôle économique des exploitations nouvelles.</blockquote>
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<blockquote>D'une manière plus générale, dans un contexte de mutations rapides des techniques, des modes de gestion des œuvres et des pratiques des usagers, la commission chargée de déterminer les rémunérations doit être invitée par le législateur à prendre en compte, dans un souci de rémunération équitable, les évolutions constatées tant du recours global à la copie privée que de son partage entre les diverses formes et supports d'enregistrement.</blockquote>
 
<blockquote>D'une manière plus générale, dans un contexte de mutations rapides des techniques, des modes de gestion des œuvres et des pratiques des usagers, la commission chargée de déterminer les rémunérations doit être invitée par le législateur à prendre en compte, dans un souci de rémunération équitable, les évolutions constatées tant du recours global à la copie privée que de son partage entre les diverses formes et supports d'enregistrement.</blockquote>
 
<blockquote>À ce titre, le considérant 47 et l'article 5-2-b de la directive prévoient que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l'application ou la non-application des mesures techniques. » Le projet de loi n'a pas transcrit cette disposition, alors qu'elle constitue un facteur essentiel d'équité économique entre utilisateurs et titulaires de droits ainsi qu'un élément d'arbitrage raisonné pour les industriels et titulaires de droits entre rémunération équitable et gestion numérique des droits.</blockquote>
 
<blockquote>À ce titre, le considérant 47 et l'article 5-2-b de la directive prévoient que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l'application ou la non-application des mesures techniques. » Le projet de loi n'a pas transcrit cette disposition, alors qu'elle constitue un facteur essentiel d'équité économique entre utilisateurs et titulaires de droits ainsi qu'un élément d'arbitrage raisonné pour les industriels et titulaires de droits entre rémunération équitable et gestion numérique des droits.</blockquote>
<blockquote>Nous proposons donc, par notre amendement, que l'incidence constatée de la mise en œuvre des mesures techniques sur le bénéfice effectif de la copie privée soit prise en compte dans la fixation de la rémunération pour copie privée.</blockquote> =====
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<blockquote>Nous proposons donc, par notre amendement, que l'incidence constatée de la mise en œuvre des mesures techniques sur le bénéfice effectif de la copie privée soit prise en compte dans la fixation de la rémunération pour copie privée.</blockquote>
  
===== 07/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060162.asp Débats DADVSI : Troisième séance du mardi 7 mars 2006]
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===== 07/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060162.asp Débats DADVSI : Troisième séance du mardi 7 mars 2006] =====
  
 
<blockquote>J'ai été déçu que le ministre nous resserve des arguments qui ne tiennent pas compte de la réflexion que nous avons conduite durant ces deux mois et demi d'interruption de nos travaux. Il veut à tout prix nous ramener sur le terrain de la licence globale, alors que nous nous demandons si le téléchargement est une exception pour copie privée.</blockquote>
 
<blockquote>J'ai été déçu que le ministre nous resserve des arguments qui ne tiennent pas compte de la réflexion que nous avons conduite durant ces deux mois et demi d'interruption de nos travaux. Il veut à tout prix nous ramener sur le terrain de la licence globale, alors que nous nous demandons si le téléchargement est une exception pour copie privée.</blockquote>
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<blockquote>En conséquence, il préconisait trois axes : le renforcement du droit d'auteur, l'appréhension des nouvelles technologies comme élément dynamique et positif pour la création artistique et culturelle et la mise en place de mécanismes et d'instruments nécessaires à l'adaptation du droit d'auteur.</blockquote>
 
<blockquote>En conséquence, il préconisait trois axes : le renforcement du droit d'auteur, l'appréhension des nouvelles technologies comme élément dynamique et positif pour la création artistique et culturelle et la mise en place de mécanismes et d'instruments nécessaires à l'adaptation du droit d'auteur.</blockquote>
 
<blockquote>Le Conseil économique et social a souhaité à nouveau intervenir dans notre débat. Le 27 février, il a réaffirmé la nécessité d'un nouveau contrat social car, selon lui, le droit d'auteur établit un contrat entre le créateur et la société. La question, à ses yeux, ne se résume pas à surveiller et punir, il faut aussi protéger et encourager les créateurs tout en favorisant l'usage d'Internet auprès d'une population qui y voit une nouvelle forme d'accès à la culture et à l'information.</blockquote>
 
<blockquote>Le Conseil économique et social a souhaité à nouveau intervenir dans notre débat. Le 27 février, il a réaffirmé la nécessité d'un nouveau contrat social car, selon lui, le droit d'auteur établit un contrat entre le créateur et la société. La question, à ses yeux, ne se résume pas à surveiller et punir, il faut aussi protéger et encourager les créateurs tout en favorisant l'usage d'Internet auprès d'une population qui y voit une nouvelle forme d'accès à la culture et à l'information.</blockquote>
<blockquote>Le Conseil économique et social s'est donc prononcé sur trois points : mettre à contribution les fournisseurs d'accès pour financer la création littéraire et artistique, c'est l'objet d'un amendement que notre groupe a déposé dès le mois de juin ; établir un marché légal des échanges garantissant au public l'accès par site payant à l'ensemble des productions culturelles et dématérialisées, ce que nous ne saurions contester ; considérer, comme la jurisprudence, les téléchargements comme des copies privées.</blockquote> =====
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<blockquote>Le Conseil économique et social s'est donc prononcé sur trois points : mettre à contribution les fournisseurs d'accès pour financer la création littéraire et artistique, c'est l'objet d'un amendement que notre groupe a déposé dès le mois de juin ; établir un marché légal des échanges garantissant au public l'accès par site payant à l'ensemble des productions culturelles et dématérialisées, ce que nous ne saurions contester ; considérer, comme la jurisprudence, les téléchargements comme des copies privées.</blockquote>
  
===== 07/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060161.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du mardi 7 mars 2006]
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===== 07/03/2006 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060161.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du mardi 7 mars 2006] =====
  
 
<blockquote>Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions du retrait brutal, hier, de l'article 1er de ce projet de loi, sinon pour regretter, au nom de mon groupe, que le Gouvernement ne soit pas allé au bout de sa démarche en retirant purement et simplement la totalité d'un texte devenu incohérent.</blockquote>
 
<blockquote>Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions du retrait brutal, hier, de l'article 1er de ce projet de loi, sinon pour regretter, au nom de mon groupe, que le Gouvernement ne soit pas allé au bout de sa démarche en retirant purement et simplement la totalité d'un texte devenu incohérent.</blockquote>
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<blockquote>C'est enfin la préservation de la gestion collective, qui protège les droits des créateurs isolés face à de puissants opérateurs économiques : nous sommes donc vigilants sur les initiatives de la Commission européenne visant à ouvrir la concurrence dans ce secteur, car elle aurait pour effet de fragiliser la position des auteurs et des artistes et de conduire à un « moins-disant culturel ».</blockquote>
 
<blockquote>C'est enfin la préservation de la gestion collective, qui protège les droits des créateurs isolés face à de puissants opérateurs économiques : nous sommes donc vigilants sur les initiatives de la Commission européenne visant à ouvrir la concurrence dans ce secteur, car elle aurait pour effet de fragiliser la position des auteurs et des artistes et de conduire à un « moins-disant culturel ».</blockquote>
 
<blockquote>Parce qu'ils ont toujours été du côté des artistes et qu'à ce titre, ils sont viscéralement attachés au droit d'auteur, parce qu'ils considèrent qu'il faut légiférer prudemment, provisoirement, pour une période de trois ans seulement, les députés socialistes abordent cette deuxième partie de débat avec le souci majeur de contribuer à l'émergence d'un nouveau modèle de rémunération qui, à partir de la reconnaissance du téléchargement dans le code de la propriété intellectuelle, assure un financement supplémentaire à une filière culturelle, la filière musicale, qui est en difficulté.</blockquote>
 
<blockquote>Parce qu'ils ont toujours été du côté des artistes et qu'à ce titre, ils sont viscéralement attachés au droit d'auteur, parce qu'ils considèrent qu'il faut légiférer prudemment, provisoirement, pour une période de trois ans seulement, les députés socialistes abordent cette deuxième partie de débat avec le souci majeur de contribuer à l'émergence d'un nouveau modèle de rémunération qui, à partir de la reconnaissance du téléchargement dans le code de la propriété intellectuelle, assure un financement supplémentaire à une filière culturelle, la filière musicale, qui est en difficulté.</blockquote>
<blockquote>N'est-il pas temps qu'Internet, dont le développement doit tant à la circulation et à l'échange des œuvres de l'esprit « dans ses tuyaux », contribue au financement de la culture comme, hier, nous avons été capables d'assurer le financement du cinéma par la télévision. Cela s'appelle, tout simplement, de la redistribution.</blockquote> =====
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<blockquote>N'est-il pas temps qu'Internet, dont le développement doit tant à la circulation et à l'échange des œuvres de l'esprit « dans ses tuyaux », contribue au financement de la culture comme, hier, nous avons été capables d'assurer le financement du cinéma par la télévision. Cela s'appelle, tout simplement, de la redistribution.</blockquote>
  
===== 22/12/2005 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060112.asp Débats DADVSI : Troisème séance du jeudi 22 décembre 2005]
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===== 22/12/2005 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060112.asp Débats DADVSI : Troisème séance du jeudi 22 décembre 2005] =====
  
 
<blockquote>Les interventions se suivent et se ressemblent, et je me réjouis de la convergence qui se dessine sur ce dossier. Le ministre appelait lui-même à la réconciliation et au rassemblement. Je suis certain qu'il saura donner aux amendements de la majorité et de l'opposition la réponse qui s'impose pour en créer les conditions.</blockquote>
 
<blockquote>Les interventions se suivent et se ressemblent, et je me réjouis de la convergence qui se dessine sur ce dossier. Le ministre appelait lui-même à la réconciliation et au rassemblement. Je suis certain qu'il saura donner aux amendements de la majorité et de l'opposition la réponse qui s'impose pour en créer les conditions.</blockquote>
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<blockquote>En revanche, et cela a déjà été dit, nous nous étonnons que vous ne considériez les développeurs que comme des développeurs commerciaux. J'en veux pour preuve que la référence aux pratiques anticoncurrentielles nous place directement dans des logiques strictement commerciales. Pour notre part, nous souhaiterions que cet amendement n'oublie personne.</blockquote>
 
<blockquote>En revanche, et cela a déjà été dit, nous nous étonnons que vous ne considériez les développeurs que comme des développeurs commerciaux. J'en veux pour preuve que la référence aux pratiques anticoncurrentielles nous place directement dans des logiques strictement commerciales. Pour notre part, nous souhaiterions que cet amendement n'oublie personne.</blockquote>
 
<blockquote>C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je propose de sous-amender l'amendement n° 253 en y insérant les premier et troisième alinéas de l'amendement n° 85. Le premier alinéa prévoit que « Toute personne développant un système interopérant avec un système utilisant des mesures techniques doit pouvoir obtenir les informations nécessaires à cette interopérabilité dans un délai raisonnable et dans des conditions non discriminatoires » et le troisième alinéa que « Les fournisseurs de mesures techniques ne peuvent exiger de contrepartie financière pour la fourniture d'informations essentielles à l'interopérabilité que lorsque ces informations sont transmises sur un support physique et uniquement pour couvrir les frais d'impression, de stockage et de transport ».</blockquote>
 
<blockquote>C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je propose de sous-amender l'amendement n° 253 en y insérant les premier et troisième alinéas de l'amendement n° 85. Le premier alinéa prévoit que « Toute personne développant un système interopérant avec un système utilisant des mesures techniques doit pouvoir obtenir les informations nécessaires à cette interopérabilité dans un délai raisonnable et dans des conditions non discriminatoires » et le troisième alinéa que « Les fournisseurs de mesures techniques ne peuvent exiger de contrepartie financière pour la fourniture d'informations essentielles à l'interopérabilité que lorsque ces informations sont transmises sur un support physique et uniquement pour couvrir les frais d'impression, de stockage et de transport ».</blockquote>
<blockquote>Par ailleurs, il doit être bien clair que le prix doit être entendu comme le simple prix de mise à disposition des informations et non comme une nouvelle forme de propriété intellectuelle. Ce prix ne peut donc être que forfaitaire. Il doit être fixé à l'avance pour éviter toute contestation et il ne doit pas être indexé sur l'activité créative ou commerciale du destinataire des informations.</blockquote> =====
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<blockquote>Par ailleurs, il doit être bien clair que le prix doit être entendu comme le simple prix de mise à disposition des informations et non comme une nouvelle forme de propriété intellectuelle. Ce prix ne peut donc être que forfaitaire. Il doit être fixé à l'avance pour éviter toute contestation et il ne doit pas être indexé sur l'activité créative ou commerciale du destinataire des informations.</blockquote>
  
===== 22/12/2005 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060111.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du jeudi 22 décembre 2005]
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===== 22/12/2005 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060111.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du jeudi 22 décembre 2005] =====
  
 
<blockquote>L'adoption, hier soir, de deux amendements identiques, dont l'un émanait du groupe socialiste, a pour conséquence d'inscrire dans un cadre légal le téléchargement et l'échange de fichiers tout en permettant que les auteurs, les producteurs, les interprètes, bref, tous les titulaires des droits d'auteur et droits voisins soient rémunérés.</blockquote>
 
<blockquote>L'adoption, hier soir, de deux amendements identiques, dont l'un émanait du groupe socialiste, a pour conséquence d'inscrire dans un cadre légal le téléchargement et l'échange de fichiers tout en permettant que les auteurs, les producteurs, les interprètes, bref, tous les titulaires des droits d'auteur et droits voisins soient rémunérés.</blockquote>
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<blockquote>À ce stade, la raison devrait donc l'emporter. Nous devrions arrêter là la discussion de ce projet de loi. Car je vois bien ce qui se prépare en réservant des amendements et des articles, bref, tout ce qui fâche autour de la licence globale contractuelle. Légiférer dans ces conditions, de plus un 22 décembre, n'est pas de bonne méthode !</blockquote>
 
<blockquote>À ce stade, la raison devrait donc l'emporter. Nous devrions arrêter là la discussion de ce projet de loi. Car je vois bien ce qui se prépare en réservant des amendements et des articles, bref, tout ce qui fâche autour de la licence globale contractuelle. Légiférer dans ces conditions, de plus un 22 décembre, n'est pas de bonne méthode !</blockquote>
 
<blockquote>Si nous voulons retrouver de la sérénité et, surtout, de la cohérence, si nous voulons légiférer au nom de l'intérêt général afin qu'au terme du débat, ce projet de loi ait un sens, nous devons suspendre nos travaux le temps de trouver les équilibres nécessaires.</blockquote>
 
<blockquote>Si nous voulons retrouver de la sérénité et, surtout, de la cohérence, si nous voulons légiférer au nom de l'intérêt général afin qu'au terme du débat, ce projet de loi ait un sens, nous devons suspendre nos travaux le temps de trouver les équilibres nécessaires.</blockquote>
<blockquote>Le chemin a été tracé par le vote d'hier soir. Empruntons-le ensemble afin d'unir dans une même démarche les intérêts des internautes et des plus jeunes de nos concitoyens et bien sûr les intérêts des auteurs et artistes-interprètes de notre pays. À cet égard, je rappelle que deux sociétés de gestion collective, l'ADEMI et la SPEDIMAN qui défendent les intérêts des artistes-interprètes, soutiennent notre démarche.</blockquote> =====
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<blockquote>Le chemin a été tracé par le vote d'hier soir. Empruntons-le ensemble afin d'unir dans une même démarche les intérêts des internautes et des plus jeunes de nos concitoyens et bien sûr les intérêts des auteurs et artistes-interprètes de notre pays. À cet égard, je rappelle que deux sociétés de gestion collective, l'ADEMI et la SPEDIMAN qui défendent les intérêts des artistes-interprètes, soutiennent notre démarche.</blockquote>
  
===== 21/12/2005 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060109.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du mercredi 21 décembre 2005]
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===== 21/12/2005 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060109.asp Débats DADVSI : Deuxième séance du mercredi 21 décembre 2005] =====
  
 
<blockquote>Avec d'autres collègues ici présents, je sors de la réunion de la commission des lois, qui était convoquée pour vingt et une heures. À cette occasion, nous avons été amenés à découvrir de manière officielle et approfondie les deux amendements que le Gouvernement présente sur ce que l'on appelle désormais la « riposte graduée ».</blockquote>
 
<blockquote>Avec d'autres collègues ici présents, je sors de la réunion de la commission des lois, qui était convoquée pour vingt et une heures. À cette occasion, nous avons été amenés à découvrir de manière officielle et approfondie les deux amendements que le Gouvernement présente sur ce que l'on appelle désormais la « riposte graduée ».</blockquote>
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<blockquote>L'amendement n° 228 est devenu l'amendement n° 228 rectifié. Nous remercions notre collègue Warsmann de nous avoir apporté quelques éclaircissements sur cette nouvelle rédaction. Celle-ci, d'après l'information dont je dispose à l'heure où je vous parle, tendrait à supprimer la possibilité de poursuivre un abonné qui, « y compris par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à l'obligation de prudence », aurait « reproduit, représenté ou communiqué au public des œuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits ». Aux termes de la première rédaction, en effet, quelqu'un pouvait en effet se trouver sanctionné sans qu'il ait eu d'intention coupable, ce qui est absolument insensé.</blockquote>
 
<blockquote>L'amendement n° 228 est devenu l'amendement n° 228 rectifié. Nous remercions notre collègue Warsmann de nous avoir apporté quelques éclaircissements sur cette nouvelle rédaction. Celle-ci, d'après l'information dont je dispose à l'heure où je vous parle, tendrait à supprimer la possibilité de poursuivre un abonné qui, « y compris par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à l'obligation de prudence », aurait « reproduit, représenté ou communiqué au public des œuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits ». Aux termes de la première rédaction, en effet, quelqu'un pouvait en effet se trouver sanctionné sans qu'il ait eu d'intention coupable, ce qui est absolument insensé.</blockquote>
 
<blockquote>Visiblement, l'amendement n° 228 rectifié marque un ressaisissement du Gouvernement, puisque la disposition en question aurait été supprimée. Reste que nous sommes dans un cadre qui crée une infraction de présomption de contrefaçon en méconnaissant totalement la présomption d'innocence, à laquelle nous sommes attachés.</blockquote>
 
<blockquote>Visiblement, l'amendement n° 228 rectifié marque un ressaisissement du Gouvernement, puisque la disposition en question aurait été supprimée. Reste que nous sommes dans un cadre qui crée une infraction de présomption de contrefaçon en méconnaissant totalement la présomption d'innocence, à laquelle nous sommes attachés.</blockquote>
<blockquote>Si je pointe ainsi des arguments de fond, madame la présidente, c'est parce qu'ils sont tout à fait révélateurs de l'organisation de nos travaux et de la façon dont nous légiférons. Nous venons en effet de découvrir deux amendements du Gouvernement longs de plusieurs pages qui créent ex abrupto une nouvelle autorité administrative indépendante, puisque tel est désormais le statut du collège des médiateurs.</blockquote> =====
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<blockquote>Si je pointe ainsi des arguments de fond, madame la présidente, c'est parce qu'ils sont tout à fait révélateurs de l'organisation de nos travaux et de la façon dont nous légiférons. Nous venons en effet de découvrir deux amendements du Gouvernement longs de plusieurs pages qui créent ex abrupto une nouvelle autorité administrative indépendante, puisque tel est désormais le statut du collège des médiateurs.</blockquote>
  
===== 21/12/2005 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060108.asp Débats DADVSI : Première séance du mercredi 21 décembre 2005]
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===== 21/12/2005 [http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2005-2006/20060108.asp Débats DADVSI : Première séance du mercredi 21 décembre 2005] =====
  
 
<blockquote>Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention en vous rapportant la mise en garde de Renouard dans le tout premier Traité des droits d'auteurs, paru en 1838, récemment rappelée par Me Cyril Rojinsky et Me Sébastien Cavenet : « Une loi sur cette matière ne saurait être bonne qu'à la double condition de ne sacrifier le droit des auteurs à celui du public, ni le droit du public à celui des auteurs ». Le même Renouard aurait, le premier, substitué au terme de « propriété » celui de « droit d'auteur ». Ce principe élémentaire montre combien votre projet de loi, monsieur le ministre, est symptomatique de nos approches différentes du droit d'auteur et, plus largement, de la société de l'information.</blockquote>
 
<blockquote>Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention en vous rapportant la mise en garde de Renouard dans le tout premier Traité des droits d'auteurs, paru en 1838, récemment rappelée par Me Cyril Rojinsky et Me Sébastien Cavenet : « Une loi sur cette matière ne saurait être bonne qu'à la double condition de ne sacrifier le droit des auteurs à celui du public, ni le droit du public à celui des auteurs ». Le même Renouard aurait, le premier, substitué au terme de « propriété » celui de « droit d'auteur ». Ce principe élémentaire montre combien votre projet de loi, monsieur le ministre, est symptomatique de nos approches différentes du droit d'auteur et, plus largement, de la société de l'information.</blockquote>
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<blockquote>Faute d'une analyse approfondie de la situation, faute de propositions innovantes et adaptées à la société de l'information, votre texte, s'il n'est pas sérieusement amendé, sera inapplicable et source d'importants contentieux. Or le but de la loi n'est pas d'être ainsi dévalorisée et délégitimée.</blockquote>
 
<blockquote>Faute d'une analyse approfondie de la situation, faute de propositions innovantes et adaptées à la société de l'information, votre texte, s'il n'est pas sérieusement amendé, sera inapplicable et source d'importants contentieux. Or le but de la loi n'est pas d'être ainsi dévalorisée et délégitimée.</blockquote>
 
<blockquote>Et il y a aussi les dommages collatéraux, les effets induits. Le droit d'auteur ne concerne pas uniquement l'industrie culturelle : il régit également des pans entiers de la société des connaissances et du savoir. Nous ne pouvons l'ignorer, comme vous ne pouvez ignorer les divisions, celles que suscite votre texte parmi l'ensemble des professions concernées - producteurs, créateurs, sociétés de gestion collective -, mais aussi chez les juristes, les économistes, et même dans votre propre majorité, monsieur le ministre.</blockquote>
 
<blockquote>Et il y a aussi les dommages collatéraux, les effets induits. Le droit d'auteur ne concerne pas uniquement l'industrie culturelle : il régit également des pans entiers de la société des connaissances et du savoir. Nous ne pouvons l'ignorer, comme vous ne pouvez ignorer les divisions, celles que suscite votre texte parmi l'ensemble des professions concernées - producteurs, créateurs, sociétés de gestion collective -, mais aussi chez les juristes, les économistes, et même dans votre propre majorité, monsieur le ministre.</blockquote>
<blockquote>Affaiblissement du droit d'auteur, dévalorisation de la loi, dommages collatéraux pour de nombreux secteurs, contestations, divisions : à l'évidence, ce projet de loi n'est pas mûr. Peut-être son âge maintenant avancé - deux ans, rendez-vous compte ! - l'empêche-t-il de saisir l'ensemble des problématiques et des enjeux actuels. Il nous semble donc que l'Assemblée nationale doit disposer de plus de temps et de moyens. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de ce texte en commission.</blockquote> =====
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<blockquote>Affaiblissement du droit d'auteur, dévalorisation de la loi, dommages collatéraux pour de nombreux secteurs, contestations, divisions : à l'évidence, ce projet de loi n'est pas mûr. Peut-être son âge maintenant avancé - deux ans, rendez-vous compte ! - l'empêche-t-il de saisir l'ensemble des problématiques et des enjeux actuels. Il nous semble donc que l'Assemblée nationale doit disposer de plus de temps et de moyens. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de ce texte en commission.</blockquote>
  
 
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Version du 17 février 2009 à 00:37

Mémoire politique : Patrick Bloche, député

Patrick Bloche

Informations générales

  • Né le 04 juillet 1956 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
  • Circonscription d'élection : Paris (75), 7ème circonscription
    Cantons de Partie du 11e arrondissement (quartiers Roquette et Sainte-Marguerite) ; partie du 12e arrondissement (quartier Quinze-Vingts)
  • Groupe politique : Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
    Parti : PS
  • Profession : Directeur commercial
Calligraphy.png
Contact
{{#icon:Mp_cliquez_pour_appeler.png|01 40 63 69 03||callto://+33140636903}}
  • Assemblée nationale 126 rue de l'Université, 75355 Paris 07 SP
    Tél. : 01 40 63 69 03 - Fax : 01 40 63 57 15
  • Mairie 11 Place Léon Blum, 75536 Paris cedex 11
    Tél. : 01 53 27 11 11 - Fax : 01 53 27 10 54
  • 7 Rue François de Neufchâteau, 75011 Paris


Fonctions à l'Assemblée nationale

  • Commission : Commission des affaires culturelles, familiales et sociales (Membre), Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public et le projet de loi sur le service public de la télévision (Membre)
  • Groupe d'amitié : Croatie (Président), Burkina Faso (Vice-Président), Egypte (Vice-Président), Namibie (Vice-Président), Québec (Vice-Président), Israël (Secrétaire), Paraguay (Secrétaire)
  • Groupe d'études : Internet, audiovisuel et société de l'information (Co-Président), Adoption (Vice-Président), Tibet (Vice-Président), Cinéma et production audiovisuelle (Secrétaire), Musique (Secrétaire), Arts de la rue (Membre), Enfant (Membre), Presse (Membre), Prisons et conditions carcérales (Membre), Sida (Membre)

Mandats

  • Mandats et fonctions en cours à l'Assemblée nationale
    • Élections du 17/06/2007 - Mandat du 20/06/2007 (élections générales)
  • Anciens mandats et fonctions à l'Assemblée nationale
    • Élections du 01/06/1997 - Mandat du 01/06/1997 (élections générales) au 18/06/2002 (Fin de législature)
    • Élections du 16/06/2002 - Mandat du 19/06/2002 (élections générales) au 19/06/2007 (Fin de législature)
  • Organismes extra-parlementaires
    • Membre titulaire du conseil d'administration du centre hospitalier national d'ophtalmologie des quinze-vingts
    • Membre titulaire du Haut conseil des musées de France
  • Mandats locaux en cours
    • Maire d'arrondissement de Paris (11ème Arrondissement), Paris (149074 habitants)
    • Conseiller de Paris, Paris (2121291 habitants)
    • Conseiller de Paris
  • Anciens mandats locaux
    • Conseil municipal de Paris 11ème Arrondissement (Paris)
      • Mandat du 20/03/1989 au 18/06/1995 : Membre
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Adjoint au Maire
      • Mandat du 19/03/2001 au 09/03/2008 : Membre
    • Conseil de Paris (Paris)
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Conseiller
      • Mandat du 19/03/2001 au 16/03/2008 : Conseiller
    • Conseil de Paris
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Conseiller de Paris
      • Mandat du 19/03/2001 au 16/03/2008 : Conseiller de Paris
  • Fonctions dans les instances internationales ou judiciaires en cours
    • Vice-Président de la section française de l'Assemblée parlementaire de la francophonie

Prises de positions

Sources d'informations

Positions

Merci d'enrichir cette partie en y rapportant les prises de positions de Patrick Bloche concernant les sujets traités par La Quadrature du Net (consultez la page Aide:Memoire_politique pour savoir comment faire).

15/03/2006 Débats DADVSI : Deuxième séance du mecredi 15 mars 2006

Mes chers collègues, je voudrais que vous preniez toute la mesure des répercussions que pourrait avoir votre vote. Aux termes de cet amendement, il convient d'éviter d'incriminer les internautes, pour qui le peer-to-peer est une pratique habituelle, un mode d'échange et de partage qui est entré dans les mœurs - nous aurons l'occasion d'examiner le dispositif de « sanction allégée » ou de « réponse graduée » proposé à l'article 13. Par contre, il faut, nous dit-on, responsabiliser les éditeurs de logiciels. Je vous renvoie à une interview très intéressante, publiée en première page d'un quotidien du soir, du PDG de Vivendi, qui manifestait son scepticisme à l'égard du dispositif de sanction contre les internautes mais attachait une énorme importance à cet amendement dit de responsabilisation des éditeurs de logiciel.

Or que se cache-t-il derrière cette « responsabilisation » présentée de façon si courtoise ? Une machine de guerre contre le logiciel libre !

Voilà pourquoi j'interpelle chacune et chacun d'entre vous, mes chers collègues, et particulièrement M. Carayon, qui a, avec d'autres députés, montré par ses écrits son attachement, non seulement à l'interopérabilité, mais aussi à la défense du logiciel libre, et qui répond à notre demande de contrôler strictement les mesures techniques de production. Si nous votons cet amendement, présenté par notre rapporteur de façon anodine et lapidaire, nous tuons le développement du logiciel libre dans notre pays. Autrement dit, nous tuons l'innovation et la recherche dans un domaine où les Français ont été des pionniers.

Alors que le Premier ministre lui-même nous a demandé de faire preuve de patriotisme économique, nous ne pouvons en conscience voter cet amendement, mes chers collègues !

Cette disposition, j'y insiste, est d'une extrême gravité : c'est l'arrêt de mort du développement du logiciel libre. En proposant leur interdiction, on veut faire croire que les logiciels de peer-to-peer ont pour seule fonction la mise à disposition d'œuvres protégées dans des conditions qui n'assurent pas la rémunération des auteurs et des artistes.

Je m'adresse aussi à vous, monsieur le ministre. Il ne s'agit pas d'un amendement du Gouvernement, et vous avez pris vous-même des engagements très forts au sujet de l'interopérabilité et du devenir du logiciel libre. Permettez-moi de vous exhorter : vous ne pouvez donner un avis favorable à cette disposition !

Comme il s'agit d'un amendement portant article additionnel, le groupe socialiste a dû s'adapter : par le sous-amendement n° 376, il propose à tout le moins d'en atténuer les conséquences. L'amendement originellement proposé prévoit la pénalisation de la fabrication d'un outil en tant que tel, plutôt que la répression de ses usages répréhensibles. Cela revient, pour prendre une métaphore simple, à interdire de fabriquer des marteaux parce que ceux-ci peuvent être utilisés pour blesser quelqu'un ! Il est donc impératif d'en limiter les effets les plus désastreux en ne visant que ce qui est clairement répréhensible, à savoir le fait de tirer un bénéfice de l'échange illégal d'œuvres au mépris des droits d'autrui.

Encore ne s'agit-il que d'une proposition minimale : la meilleure solution serait, je le répète, de rejeter ce mauvais amendement.

[...]

Nous parvenons à un moment très grave de notre discussion, soit dit sans volonté de solenniser. Le propos de M. Carayon et les sous-amendements déposés par nos collègues de la majorité, que nous jugeons insuffisants mais qui vont dans le sens de nos opinions, montrent bien que nous sommes face à une vraie alternative. La question est simple : voulons-nous, oui ou non, que le logiciel libre, le peer-to-peer, puisse continuer à se développer dans notre pays ?

L'amendement n° 150 deuxième rectification tend à casser la fabrication de l'outil au lieu de viser l'usage répréhensible qui pourrait en être fait. Il prévoit de poursuivre les auteurs de logiciels d'échange. J'admets que ceux-ci permettent dans certains cas l'échange illégal d'œuvres protégées, mais pourquoi ne pas tracer une ligne de partage au lieu de tout dévaster ? C'est cette logique que nous contestons.

La menace de poursuites aura pour effet de brider l'innovation et la recherche sur les logiciels de peer-to-peer. Or chacun s'accorde à reconnaître qu'ils constituent une puissante architecture pour la circulation des œuvres et des savoirs. À l'INRIA, à France Télécom, dans des start-up, des centaines d'ingénieurs français travaillent à la mise au point de tels logiciels. Ce sont des élèves de l'École centrale qui ont mis au point VLC, un des formats vidéo les plus répandus dans le monde. Ce sont des développeurs français qui sont à l'origine de certains des logiciels et serveurs peer-to-peer les plus performants, capables de fournir simultanément à plusieurs millions d'utilisateurs des contenus à haut débit. Certains d'entre eux souhaitent créer des entreprises et lever des fonds. Va-t-on les contraindre à s'expatrier en Californie, comme l'inventeur français du DivX ? C'est tout le problème.

Alors que les industries culturelles se placent sous la dépendance d'une poignée de fournisseurs de solutions techniques pour les mesures techniques de protection et les plateformes commerciales, est-il raisonnable d'entraver l'exploitation de nouvelles pistes d'innovation en France et de contraindre nos inventeurs et nos entrepreneurs à s'expatrier pour aller créer des emplois ailleurs ? Tels sont tous les enjeux de cet amendement, qui justifient que l'on reprenne la thématique du patriotisme économique chère au Premier ministre.

Pour terminer mon appel à nos collègues de la majorité, je relaie, compte tenu de la gravité de la situation, la demande de suspension de séance de M. Christian Paul, afin que nous puissions, au cours d'un échange constructif, tenter de trouver avec eux une solution qui limite les dégâts causés par l'amendement n° 150 deuxième rectification.

Allons au-delà du vote des sous-amendements nos 363 et 364 deuxième rectification. Nous avons présenté deux sous-amendements, nos 376 et 324, et nous nous étonnons que le ministre et le rapporteur les refusent. L'Assemblée ne pourrait-elle pas voter au moins l'amendement n° 324 ?

Monsieur le ministre, nous sommes vraiment très déçus de l'avis favorable que vous avez émis sur l'amendement n° 150 deuxième rectification. Celui-ci contredit toutes vos promesses solennelles de préserver le développement du peer-to-peer et du logiciel libre dans notre pays. En fait il signe la mort du peer-to-peer, la mort du logiciel libre.

[...]

Nous avons essayé de mettre à profit la suspension de séance qui vient d'avoir lieu pour travailler sur l'amendement n° 150 deuxième rectification qui, en sa rédaction actuelle, suscite de nombreuses interrogations sur tous les bancs de notre assemblée. Nous ne pouvons que nous réjouir de l'approche consensuelle qui prévaut sur cette question et de la volonté largement partagée d'assurer au peer-to-peer des jours radieux.

Je rappelle que le principe du peer-to-peer est de permettre aux internautes de mettre à disposition le contenu ou une partie du contenu d'un disque dur. Il est impossible de connaître à l'avance le contenu des fichiers qui vont être mis à disposition. Il ne s'agit pas d'interdire l'outil lui-même, celui-ci étant neutre par définition, mais de pointer les différents usages qui peuvent en être faits.

Par ailleurs, l'emploi de l'adverbe « manifestement » est ambigu. Que signifie-t-il au juste ? Il faudrait au moins donner des exemples afin d'éclairer l'intention du législateur. Nous avons déjà rencontré cet adverbe en d'autres occasions, notamment lors de l'examen de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, lorsqu'il s'est agi de définir la responsabilité des fournisseurs d'accès.

Enfin, en droit pénal, l'intention délictuelle doit toujours être démontrée - la définition de la contrefaçon constitue l'illustration même de ce principe. Il est indispensable que nous écrivions le droit de manière intelligible, surtout en matière pénale. En l'occurrence, ne pas définir l'intention délictuelle entraîne le risque évident de voir cette disposition être déclarée anticonstitutionnelle. Nous souhaitons écarter ce risque en apportant certaines corrections d'écriture à l'amendement n° 150 deuxième rectification.

[...]

Nous sommes encore sous le choc du vote de l'amendement n° 150 deuxième rectification ! Riez, mes chers collègues, riez à gorge déployée ! Quand vous verrez nos entreprises, nos ingénieurs et nos chercheurs s'expatrier pour développer un logiciel hors de nos frontières, vous rirez moins !

Où sont les grandes déclarations de M. Sarkozy sur l'innovation, sur l'Internet, et celles de M. de Villepin sur le patriotisme économique ? Vous les avez oubliées pour défendre des intérêts particuliers, d'ailleurs défendus à longueur de colonnes dans la presse !

Nous, nous sommes ici pour défendre l'intérêt général, qui nous impose de ne pas voter un amendement scélérat pour l'économie française, l'industrie française, la recherche et l'emploi en France !

Prenez conscience de votre responsabilité et mesurez les conséquences du vote de cet amendement scélérat ! Nous avons encore l'espoir que l'imprécision de sa rédaction poussera le Conseil constitutionnel à faireœuvre salutaire en annulant cette disposition.

Nous en arrivons à l'article 13, celui qui permettra sans doute au ministre de dire combien il est fier de ce projet de loi : il s'agit du dispositif de sanction « allégé », de la riposte graduée.

Nous revenons ainsi dans le cadre répressif, mais dans des conditions très différentes de celles de décembre dernier. C'est en effet grâce au vote, le 21 décembre, d'un amendement tendant à légaliser le téléchargement afin de créer une rémunération supplémentaire pour les filières culturelles, en particulier la filière musicale, que nous avons sorti le projet de loi du champ de la contrefaçon.

Dans le rapport de M. Vanneste, en date du 7 juin 2005, l'article 13 porte en effet ce titre : « Assimilation au délit de contrefaçon des atteintes aux mesures techniques de protection et d'information dans le domaine des droits d'auteur ». À la clé, 300 000 euros d'amende et trois ans de prison !

On vous a entendu, monsieur le ministre, et quelquefois dans un langage peu châtié, dire que vous en aviez « plein la gueule » de vous voir accusé de vouloir « mettre les internautes en taule ». Mais c'est vous qui, au nom du Gouvernement, avez présenté dans cet hémicycle, le 20 décembre, un projet de loi qui assimilait le contournement des mesures techniques à de la contrefaçon, et qui faisait peser sur chaque internaute la menace de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende !

Si, aujourd'hui, vous nous proposez un autre dispositif, c'est bien grâce à la majorité qui s'est dressée, le 21 décembre, dans cet hémicycle, pour dire non !

Nous sommes donc sortis du champ de la contrefaçon mais votre nouveau dispositif de sanction a ceci d'étonnant qu'il nous fait passer de 300 000 euros d'amende et trois ans de prison à 38 euros d'amende, et qu'il fait des internautes non plus des délinquants possibles, mais des contrevenants potentiels.

Votre choix d'un système contraventionnel nous amène à nous poser de nombreuses questions. Cela vous permet, une nouvelle fois, comme aux articles 8 et 9, de dessaisir le Parlement et la justice et de renvoyer le dispositif de sanction à la voie réglementaire.

Nous avons posé, depuis les réunions de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles, un certain nombre de questions auxquelles nous n'avons pas encore reçu de réponse. Et le président de la commission des lois, M. Houillon, a très justement souhaité que l'intention du législateur soit clairement précisée pour définir l'infraction, au moins dans le cadre de nos débats puisque c'est la voie réglementaire qui a été choisie. Quand l'infraction sera-t-elle constituée ? À chaque acte de téléchargement, à chaque morceau téléchargé ? Qui fera les constatations, qui contrôlera, qui dressera les procès-verbaux ? Il nous a été dit en commission qu'un juge serait saisi à un moment de la procédure pour faire le lien entre l'adresse IP et l'identité de l'internaute. Encore une usine à gaz, qui alourdit encore un peu plus ce très mauvais projet de loi !

Je termine, monsieur le ministre, car nous aurons l'occasion de revenir longuement sur ce thème et de vous reposer incessamment des questions pour obtenir enfin, nous l'espérons, des réponses !

À l'arrivée, l'aspect le plus caricatural est que vous ayez refusé de légaliser le téléchargement ! Vous avez refusé une rémunération supplémentaire pour les filières culturelles et notamment la filière musicale ! Vous restez donc dans le choix de l'interdiction, de l'illégalité et de la gratuité. Et avec la contravention punissable d'une amende de 38 euros, nous sommes, comme l'écrivait un éditorial pas plus tard qu'hier soir, dans la farce du téléchargement tel que vous le concevez ! Car, en l'occurrence, avec ce dispositif nouveau que vous nous présentez - qui, certes, nous fait sortir du champ de la contrefaçon -, aussi paradoxal que cela puisse paraître, vous banalisez la gratuité et, sans doute plus accessoirement, vous allez alimenter le budget de l'État grâce aux contraventions ! Vous n'avez même pas été capable de nous proposer un dispositif qui aurait permis, au moins, de rémunérer les artistes.

[...]

Si j'ai demandé la parole, monsieur le président, c'est parce que le 21 décembre dernier dans cet hémicycle, où j'étais présent comme certains de mes collègues ce soir, le ministre de la culture déclarait : « Vous aurez, sous les yeux du monde entier, la magnifique responsabilité d'innover en la matière en définissant une réponse graduée. »

Légiférer « sous les yeux du monde entier », monsieur le président, mérite à tout le moins quelques considérations sur la réponse graduée.

La philosophie même de la réponse graduée - je ne ferai pas part d'un seul coup, rassurez-vous, monsieur le président, de toutes mes considérations en ce domaine, préférant les échelonner dans le temps - procède d'une logique défensive, qui a été analysée, de façon fort précise, par la Direction de la prévision et par le Conseil d'analyse économique. Dans son rapport sur la société de l'information, celui-ci explique que la voie défensive, « coûteuse en termes de bien-être social, cherche à maintenir le plus longtemps possible le fonctionnement classique des marchés, retardant ainsi la marche de la révolution numérique.[...] La logique défensive est celle qui anime certains acteurs dominants du secteur informationnel de "l'ancienne économie", éditeurs de contenus et grands groupes de médias - majors - inquiets à juste titre des menaces portées par la "nouvelle économie" sur leurs modèles d'affaire. Le ressort de cette logique est simple : restaurer la liaison entre l'information et son support physique.[...] L'histoire des révolutions industrielles semble montrer que de telles tentatives conservatrices sont à plus ou moins long terme vouées à l'échec. »

« À vouloir préserver à tout prix la protection de contenus propriétaires, on risque en outre de confisquer du bien-être, en privant la société d'une bonne partie des bénéfices de la révolution numérique. »

Voilà pourtant ce que vous nous proposez monsieur le ministre, de voter, je le répète, sous les yeux du monde entier !

[...]

Je ne peux que regretter l'absence de notre collègue Le Déaut, avocat ô combien convaincant du standard ouvert.

Pour nous, comme pour les autres députés de l'opposition, l'utilisation d'un standard ouvert ne saurait entraîner l'acquittement d'un droit de propriété intellectuelle, quel qu'il soit. En numérique, ces standards ouverts constituent en effet la langue commune parlée par tous, et il ne saurait être admis en République que son accès soit payant.

Notre amendement rédigerait donc comme suit l'article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique : « On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable dont les spécifications techniques sont publiques, dont l'utilisation ne fait l'objet d'aucune restriction d'accès ou de mise enœuvre et dont l'utilisation n'oblige pas à l'acquittement de droits de propriété intellectuelle. »

[...]

Nous sommes en plein dans le sujet puisque, à travers ces amendements, nous retrouvons une problématique qui n'a pas été résolue à l'article 7, celle de l'interopérabilité.

D'ailleurs, dans un excellent journal du matin, Le Figaro, une excellente journaliste qui suit nos débats depuis longtemps, Mme Paule Gonzalès, notait avec pertinence dans le compte rendu de nos débats sur l'article 7 concernant l'interopérabilité : « Les professionnels suivent avec attention cette discussion. Nul ne sait encore exactement où commence et où se termine cette interopérabilité. »

En restant dans l'imprécision, nous confirmons une nouvelle fois à cet article, comme à bien d'autres d'ailleurs, l'insécurité juridique qui est portée par ce projet de loi.

En l'occurrence, l'actualité est là pour nous demander de ne pas servir les intérêts des géants du logiciel et de Microsoft. Ayons autant de détermination sur l'interopérabilité en ce domaine que la Commission européenne. Chaque jour, une dépêche complémentaire nous parvient nous apprenant que la Commission européenne a indiqué avoir envoyé une nouvelle lettre à Microsoft signifiant au groupe informatique américain qu'il ne respectait toujours pas les mesures anti-trust imposées par Bruxelles en mars 2004. Dans la dernière, la Commission a souligné que l'arbitre indépendant mandaté par les deux parties appuyait dans son rapport la position de Bruxelles. Les services européens de la concurrence exigent de Microsoft qu'il fournisse à ses rivaux la documentation nécessaire au dialogue ou interopérabilité de son système d'exploitation vedette Windows avec les produits concurrents. Bien que Microsoft ait légèrement amélioré sa documentation, les informations fournies demeurent incomplètes et imprécises, selon le rapport de l'arbitre. La Commission a menacé Microsoft fin décembre d'amendes pouvant aller jusqu'à 2 millions d'euros par jour pour cette affaire s'il ne se mettait pas en règle.

[...]

M. Cazenave vient de nous dire qu'il n'était pas fanatique des DRM et qu'il était attaché à l'interopérabilité, en contradiction avec l'avis du rapporteur pour lequel, je le rappelle, les DRM sont un progrès pour l'humanité.

Alors que nous légiférons sous les yeux du monde entier - on appelle cela l'arrogance française -, M. Cazenave va donc pouvoir nous prouver qu'il était de bonne foi en votant l'amendement n° 331, qui prévoit un parallélisme de sanctions. Puisqu'il s'agit en effet de sanctionner les personnes qui contournent les mesures techniques de protection, nous vous proposons de sanctionner pénalement en parallèle les personnes qui mettent sur le marché des mesures techniques de protection limitant l'interopérabilité. C'est de la justice, bien équilibrée : on sanctionne d'un côté les personnes qui contournent les MTP, de l'autre celles qui les mettent sur le marché.

Cela a par ailleurs l'avantage, puisque le collège des médiateurs a été voté, de lui donner une base légale ainsi qu'aux consommateurs pour limiter une utilisation léonine et intrusive des MTP qui peut aboutir à restreindre et à contrôler l'usage d'un bien.

[...]

Comme chacun le sait ici, certaines mesures techniques de protection peuvent imposer l'envoi d'informations sur les habitudes ou le système de l'utilisateur : œuvres consultées, logiciels installés - autant d'éléments qui sont personnels à l'utilisateur et ne regardent que lui. Si de tels envois sont encore interdits par la loi informatique et libertés, il importe cependant de permettre aux utilisateurs d'assurer eux-mêmes la protection de leur vie privée, en attendant une éventuelle intervention, a posteriori, de la CNIL.

C'est pourquoi nous avons voulu compléter le III du texte proposé par l'amendement n° 261 pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa précisant que les dispositions de cet article ne sont pas non plus applicables « aux actes réalisés à des fins de protection de la vie privée ».

S'agissant de la protection de la vie privée des internautes, qui, avec le respect des libertés publiques, est un des facteurs qui motivent notre opposition à ce projet de loi, j'aimerais entendre s'élever du banc de la commission comme du banc du Gouvernement d'autres mots que les seuls « avis défavorable ».

C'est la vie privée des internautes qu'il s'agit ici de protéger.

[...]

L'article 13 du projet de loi suscite notre inquiétude, et notre collègue Dutoit vient de le rappeler. En effet, cet article pénalise le contournement des mesures techniques. Nous considérons que ce contournement ne doit pas être sanctionné, et ce au nom de la résistance à l'oppression constitutionnellement garantie par l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Je cite : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression. »

Certes, monsieur le rapporteur. Je constate d'ailleurs que c'est votre seul souci. Je vous parle de résistance à l'oppression et vous me répondez « propriété » !

Avec l'article 13, on en arrive à une situation absurde, monsieur le rapporteur, où l'on protège pénalement des mesures imposées par des personnes privées susceptibles de porter atteinte aux libertés publiques constitutionnellement garanties, à savoir la vie privée et, pour vous faire plaisir, monsieur le rapporteur, le droit de propriété.

Ainsi, pour restreindre l'exception pour copie privée, non garantie par la Constitution, et que le Gouvernement prétend vouloir garantir, on accepte de porter atteinte à des droits constitutionnellement garantis. Où va-t-on ?

[...]

Ce sous-amendement vise, là encore, à obtenir certaines garanties. En l'occurrence, il s'agit de compléter l'article 13 par l'alinéa suivant : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés sans but lucratif. »

Les actes de contournement, de mise à disposition d'un outil de contournement ou l'offre d'un service de contournement d'une mesure technique se justifient par de multiples raisons. L'une d'elles peut être la contrefaçon industrielle, visant à tirer profit de l'exploitation d'une œuvre sans acquitter aux ayants droit les licences qu'ils sont en droit d'exiger. Ce type de contournement, nuisible à la création, doit être combattu. Mais une autre motivation peut résider dans la volonté de passer outre une limitation introduite par une mesure technique faisant obstacle à la jouissance d'une exception. La motivation du contournement à des fins d'interopérabilité n'étant pas facile à établir, il semble judicieux d'offrir un second critère d'appréciation au juge : la recherche de profit.

Cela permettra, d'une part, de renforcer la sécurité juridique des utilisateurs contournant une mesure technique à des fins personnelles : il semble évident qu'une personne qui copie un CD afin de l'écouter sur l'appareil de son choix, un autoradio, par exemple, doit y être autorisée. Cela permettra, d'autre part, de garantir la sécurité juridique de ceux qui proposent des outils ou des services à leurs amis moins experts techniquement afin d'effectuer les actes de contournement nécessaires à la mise en œuvre de l'interopérabilité ou à la jouissance d'une exception. Ce second type de sécurité juridique est essentiel. Le droit de contournement à des fins d'interopérabilité prévu par cet article ne saurait demeurer seulement théorique pour la majorité des consommateurs.

15/03/2006 Débats DADVSI : Première séance du mecredi 15 mars 2006

L'article 9 nous plonge dans la plus grande perplexité. En matière de propriété intellectuelle, littéraire et artistique, compte tenu du climat historiquement passionnel qui prévaut et du conflit d'intérêt qui existe - dans ce secteur, les lobbies jouent pleinement leur rôle, comme nous avons pu le vérifier à l'occasion de l'examen de ce projet de loi -, une médiation apparaît nécessaire, surtout lorsque l'enjeu est aussi important que le droit à copie privée - élément majeur de la démocratisation culturelle puisqu'il permet l'accès du plus grand nombre au savoir.

En 1998, dans le cadre d'une mission qui m'avait été confiée, je me suis penché sur ces questions et ai remis au Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, un rapport sur la présence internationale de la France et la francophonie dans la société de l'information, intitulé « Le désir de France » .

Je m'étais permis à l'époque de souhaiter une médiation pour toutes les questions de propriété intellectuelle. Mon rapport avait d'ailleurs donné naissance au CSPLA, le conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, dont je ne suis pas certain, à l'usage, qu'il soit réellement une instance de médiation - mais c'est une autre affaire.

La création d'une institution de médiation pourrait donc paraître légitime. Le problème est que vous confiez à une autorité administrative indépendante des compétences qui, dans l'État de droit, reviennent naturellement au juge. Dès qu'il est question de litige, on pense en effet tout de suite au juge et, plus généralement, à l'institution judiciaire, avec la garantie d'indépendance qui y est attachée.

Le ministre a certes indiqué que le collège des médiateurs aura un pouvoir d'injonction et que ses décisions feront l'objet d'un appel. Qu'il apporte des garanties, je n'en disconviens pas, mais il reste que, après les votes intervenus sur l'article 8, vous faites du collège des médiateurs à la fois un régulateur et un arbitre des litiges, sans les garanties offertes par le juge. Vous dessaisissez les juges de leurs prérogatives alors que la légitimité du collège des médiateurs sera contestée. Voilà ce qui explique notre réticence à l'égard de cet article, d'autant que nous nous demandons comment il pourra s'appliquer : si chaque citoyen est amené à saisir le collège des médiateurs pour tout litige dû à la mise en œuvre des mesures techniques de protection et à la restriction de son droit légitime à la copie privée, cela pose la question des moyens humains et budgétaires dont le collège disposera. Nous aimerions, monsieur le ministre, avoir des éclaircissements à ce sujet.

[...]

Nous avons été amenés à plusieurs reprises à montrer que, contrairement aux affirmations péremptoires de notre rapporteur, cette transposition ne respectait pas l'équilibre établi entre le contrôle de l'usage des œuvres et la préservation de la copie privée. Nous y insistons, mais c'est notre rôle : la copie privée est malmenée. D'autant plus, ne l'oublions pas, que lorsque nous sommes entrés dans ce débat, le 20 décembre, tout internaute qui revendiquait son droit à la copie privée et contournait les mesures techniques de protection pour l'exercer se voyait assimilé à un contrefacteur, passible à ce titre d'une peine de trois ans de prison ou d'une amende de 300 000 euros. Il est utile de rafraîchir la mémoire de certains ici, notamment celle du ministre, pour qu'il rabatte un peu de sa fierté.

Pour notre part, nous avons le souci de prendre en compte les considérants de la directive. L'un d'eux prévoit ainsi que les « mesures techniques doivent être compatibles avec les exceptions ou limitations relatives à la copie privée ». Un autre recommande par ailleurs, de manière plus générale que vous ne le faites et sans en faire une obligation, ce qui est un élément déterminant, que le recours à la médiation puisse aider les utilisateurs et titulaires de droits à régler les litiges.

Nous souhaitons donc que, comme pour les brevets, un nombre restreint de tribunaux de grande instance soit désigné pour régler les différends relatifs à la copie privée et aux mesures techniques de protection. Nous opérons ainsi un retour légitime à la justice de notre République, marquée du sceau de l'indépendance, car elle seule peut garantir le droit à la copie privée, le collège des médiateurs ne saurait s'y substituer. La commission de la copie privée et les tribunaux de grande instance désignés formeraient un ensemble cohérent et efficace, de nature à protéger ayants droit et consommateurs. À ce titre, le Parlement ne doit pas déléguer son pouvoir de régulation. Ni la justice, ni le Parlement ne peuvent être dessaisis de leurs compétences respectives.

[...]

Nous n'arrivons toujours pas à être convaincus de la pertinence de la création de cette nouvelle autorité administrative indépendante, trente-cinquième ou trente-sixième organe selon la comptabilité pointilleuse de Dominique Richard.

Didier Mathus, avec beaucoup de pertinence et les compétences qu'on lui connaît, a rappelé, à juste titre, l'importance de l'indépendance à l'égard du pouvoir politique et exécutif. C'est toute la justification de l'existence du Conseil supérieur de l'audiovisuel, de l'Autorité de régulation des télécommunications et d'autres autorités administratives indépendantes.

Ce ne sera pas le cas ici et, en l'occurrence, nous sommes face à une création qui est peut-être la traduction d'une exception française, que les spécialistes et les bons connaisseurs du dossier pourraient peut-être qualifier de « regardise ».

Où est la rapidité de la procédure dont nous parle le rapporteur quand on sait qu'il pourra être fait appel des décisions du collège, que le juge de première instance pourra être dessaisi et que le collège des médiateurs arbitrera des litiges en exerçant son pouvoir d'injonction ? Voilà pourquoi nous avions voulu faire référence, à travers l'amendement n° 91 que vous avez refusé, à un nombre restreint de tribunaux de grande instance compétents.

Soucieux de l'indépendance de cette nouvelle instance que vous souhaitez si fièrement et si ardemment créer, nous proposons qu'elle soit présidée par un membre en activité ou honoraire de la Cour de cassation désigné par le vice-président de la Cour de cassation, et composée de deux membres en activité ou honoraires du Conseil d'État et par le premier président de la Cour des comptes, et de deux personnalités qualifiées nommées par décret conjoint du ministre chargé de la consommation et du ministre chargé de la culture.

[...]

C'est bien le minimum syndical que d'écrire dans la loi que : « Aucun des médiateurs ne peut délibérer dans une affaire impliquant une entreprise ou une société contrôlée, au sens de l'article L. 233-16 du code du commerce, par une entreprise dans laquelle lui-même, ou le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.»

Cet amendement n° 34 ne suffit en rien à assurer l'indépendance du collège. D'ailleurs, comme l'a rappelé Didier Mathus, nous avons été amenés à nous plaindre à de nombreuses reprises de l'absence d'indépendance de certaines autorités administratives. Pour les républicains que nous sommes, la meilleure garantie d'indépendance qui soit, c'est tout simplement la justice.

14/03/2006 Débats DADVSI : Deuxième séance du mardi 14 mars 2006

Chaque innovation technologique - piano mécanique, radio et télévision, photocopie, cassettes audio, magnétoscope - perturbe, dans un premier temps, les modèles économiques des industries culturelles, et réactive les tensions entre auteurs, producteurs, artistes-interprètes et utilisateurs autour de la rémunération et des modes de contrôle économique des exploitations nouvelles.

Ces conflits se sont toujours conclus, dans le passé, par des compromis dynamiques : la reconnaissance de nouveaux « droits » pour les titulaires, mais tout autant pour les utilisateurs, la mise en place de nouveaux modes de rémunération, l'extension de la gestion collective, l'ouverture de nouveaux marchés, et l'émergence de nouveaux acteurs.

Ce fut, notamment le cas face au développement de la diffusion radiophonique et télévisuelle, comme lors de l'apparition des cassettes audio et du magnétoscope, qui furent perçus et dénoncés comme des menaces mortelles par les industries culturelles. On sait ce qu'il advint : ces vecteurs sont devenus une source essentielle de croissance et de financement de la production pour la musique et le cinéma, auxquels l'octroi d'une rémunération pour copie privée a apporté en outre une ressource additionnelle. L'adoption d'une redevance pour reprographie a également permis une meilleure maîtrise des pratiques de reproduction et les a assorties d'une ressource non négligeable pour les titulaires de droits.

Dans chacune de ces crises, le droit d'auteur a révélé ses capacités d'adaptation et les pouvoirs publics sont intervenus pour préserver l'équilibre entre les intérêts des titulaires de droit et ceux du public, ainsi que pour encourager un développement profitable des potentialités du progrès technique.

Dans le nouvel univers numérique, le développement rapide du téléchargement d'œuvres et l'essor des échanges entre particuliers bousculent le modèle économique des industries culturelles, qui reste fondé sur le primat de la distribution physique et la vente unitaire desœuvres.

Les difficultés d'une telle période de transition se manifestent aujourd'hui par la coexistence de deux phénomènes des plus préoccupants.

Tout d'abord, bien que le téléchargement individuel puisse être considéré comme de la copie privée et soit, notamment pour les plus jeunes internautes, un admirable vecteur d'accès à la culture dans toute sa diversité, sa non-légalisation fait peser une insécurité juridique sur des millions de personnes.

Dans le même temps, l'essor de nouveaux usages des œuvres ne s'accompagne, pour les titulaires, d'aucune rémunération pour les œuvres téléchargées ou échangées. Cette situation qui pénalise lourdement les créateurs est d'autant plus problématique que le public ne se voit proposer aucune solution lui permettant de les rémunérer.

Les réponses à ces deux problèmes ne sont pourtant pas incompatibles. Diverses modalités sont, à cet égard, en débat, qu'il s'agisse d'étendre la rémunération pour copie privée à tous les supports numériques - amovibles ou intégrés - ou, plutôt, de l'étendre à l'activité des fournisseurs d'accès qui est directement liée à l'essor des échanges numériques. C'est là, précisément, l'objet de notre amendement n° 94 rectifié.

Ces propositions confirmeraient que le téléchargement individuel, non commercial, et dénué d'intention frauduleuse ne saurait être assimilé à de la contrefaçon et qu'il relève des pratiques de copie privée. Elles rejoignent les recommandations du Conseil économique et social, lequel proposait « de qualifier de copie privée les téléchargements d'œuvres, au lieu de les assimiler systématiquement à du piratage », ainsi que l'opinion de nombreux professeurs de droit et la décision de la première Cour d'appel, saisie de cette question. En effet, elles traduisent de manière positive la perspective tracée par le considérant 39 de la directive, recommandant que « lorsqu'il s'agit d'appliquer l'exception ou la limitation pour copie privée, les États membres doivent dûment tenir compte de l'évolution technologique et économique, en particulier pour ce qui concerne la copie privée ».

Il serait souhaitable que le législateur encourage les acteurs déjà représentés au sein de la commission chargée de fixer les rémunérations pour copie privée à sortir de l'impasse actuelle, en leur permettant d'étendre cette rémunération aux fournisseurs d'accès, formule susceptible de rencontrer plus aisément un consensus. Les simulations disponibles attestent en effet qu'un tel prélèvement conduirait à un apport économique très significatif pour les titulaires de droits. Outre une répartition individuelle au bénéfice des auteurs et artistes qui devrait refléter la diversité des utilisations en ligne, cette rémunération permettrait de financer des actions de soutien pour accompagner les industries culturelles, en particulier les éditeurs et producteurs indépendants, qui doivent opérer leur transition vers l'économie numérique des biens culturels.

La formule proposée par l'amendement n° 94 rectifié n'est pas de nature à compromettre le succès d'offres commerciales en ligne. En votant cet amendement, mes chers collègues de la majorité comme de l'opposition, vous assurerez aux filières de création l'apport immédiat d'une ressource décisive. Vous permettrez enfin qu'Internet finance la culture, comme la télévision finance le cinéma. Je vous en prie, mes chers collègues, ne ratez pas l'occasion qui vous est offerte par l'amendement n° 94 rectifié de faire participer, par le biais d'une taxe, les fournisseurs d'accès à Internet à la rémunération pour copie privée !

[...]

Comme M. Bocquet au nom du groupe communiste et Alain Suguenot, député de la majorité, je le dis avec force, nous ne comprenons pas, monsieur le ministre, qu'à ce moment du débat, vous ne donniez pas le feu vert pour faire contribuer les fournisseurs d'accès à Internet afin de financer la culture. Si, comme vous le dites, vous aimez les artistes et les créateurs, si vous êtes attaché à la liberté de création et à la diversité culturelle, si la convention, que vous avez fait signer à l'UNESCO et dont vous nous rappelez régulièrement l'existence, a un sens, vous devez le traduire par des actes ! Nous ne pouvons accepter votre refus systématique de recettes supplémentaires pour la culture.

Les amendements que nous avons déposés après l'article 5, que ce soient ceux de M. Suguenot ou ceux du groupe socialiste, sur lesquels Christian Paul et moi-même nous sommes exprimés, visent simplement, au-delà des débats que nous avons eus et de nos divergences, au-delà de tout modèle, à préciser que les fournisseurs d'accès à Internet participent au financement de la culture. Ils ont largement profité de la culture pour remplir leurs tuyaux et pour assurer leur développement économique. Compte tenu de ces éléments, nous ne comprenons pas pourquoi vous refusez ces recettes supplémentaires.

Comme nous l'avons déjà évoqué à plusieurs reprises, la télévision a été mise à contribution pour assurer le financement du cinéma, et elle constitue encore aujourd'hui un élément majeur de son financement et de sa diversité. C'est au nom même de la diversité culturelle et du droit - légitime - à rémunération pour les auteurs et les artistes que nous demandons à l'Assemblée de mettre à contribution les fournisseurs d'accès.

C'est dans le même esprit que nous avons déposé l'amendement n° 96 rectifié. Dans sa rédaction actuelle, le second alinéa se l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle se limite à prévoir que la rémunération pour copie privée est fonction du type de support et de la durée d'enregistrement. Compte tenu des capacités inégales requises par les différents genres d'œuvres susceptibles d'être enregistrées sur un même type de support, il est nécessaire de permettre à la commission chargée de fixer les rémunérations de prendre également en compte la capacité d'enregistrement et non la seule durée.

D'une manière plus générale, dans un contexte de mutations rapides des techniques, des modes de gestion des œuvres et des pratiques des usagers, la commission chargée de déterminer les rémunérations doit être invitée par le législateur à prendre en compte, dans un souci de rémunération équitable, les évolutions constatées tant du recours global à la copie privée que de son partage entre les diverses formes et supports d'enregistrement.

À ce titre, le considérant 47 et l'article 5-2-b de la directive prévoient que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l'application ou la non-application des mesures techniques. » Le projet de loi n'a pas transcrit cette disposition, alors qu'elle constitue un facteur essentiel d'équité économique entre utilisateurs et titulaires de droits ainsi qu'un élément d'arbitrage raisonné pour les industriels et titulaires de droits entre rémunération équitable et gestion numérique des droits.

Nous proposons donc, par notre amendement, que l'incidence constatée de la mise en œuvre des mesures techniques sur le bénéfice effectif de la copie privée soit prise en compte dans la fixation de la rémunération pour copie privée.

07/03/2006 Débats DADVSI : Troisième séance du mardi 7 mars 2006

J'ai été déçu que le ministre nous resserve des arguments qui ne tiennent pas compte de la réflexion que nous avons conduite durant ces deux mois et demi d'interruption de nos travaux. Il veut à tout prix nous ramener sur le terrain de la licence globale, alors que nous nous demandons si le téléchargement est une exception pour copie privée.

Un jugement récent du TGI de Paris va justement dans cette voie de la reconnaissance du téléchargement comme une exception pour copie privée.

Durant ces deux mois et demi, la réflexion s'est développée dans la société, dans les médias. De nombreuses tribunes ont donné des points de vue très différents, proposant souvent une troisième voie.

Quant au Conseil économique et social, il nous avait alertés, dès le mois de juillet 2004, sur le fait que la criminalisation de l'utilisation de nouveaux moyens d'accès à la culture était une régression par rapport à la mise en place de la copie privée.

Il considérait également que l'utilisation des techniques de verrouillage, appelées mesures techniques de protection ou DRM, ne pouvait conduire qu'à une recherche sans fin des moyens de les contourner, donc à une situation sans issue.

En conséquence, il préconisait trois axes : le renforcement du droit d'auteur, l'appréhension des nouvelles technologies comme élément dynamique et positif pour la création artistique et culturelle et la mise en place de mécanismes et d'instruments nécessaires à l'adaptation du droit d'auteur.

Le Conseil économique et social a souhaité à nouveau intervenir dans notre débat. Le 27 février, il a réaffirmé la nécessité d'un nouveau contrat social car, selon lui, le droit d'auteur établit un contrat entre le créateur et la société. La question, à ses yeux, ne se résume pas à surveiller et punir, il faut aussi protéger et encourager les créateurs tout en favorisant l'usage d'Internet auprès d'une population qui y voit une nouvelle forme d'accès à la culture et à l'information.

Le Conseil économique et social s'est donc prononcé sur trois points : mettre à contribution les fournisseurs d'accès pour financer la création littéraire et artistique, c'est l'objet d'un amendement que notre groupe a déposé dès le mois de juin ; établir un marché légal des échanges garantissant au public l'accès par site payant à l'ensemble des productions culturelles et dématérialisées, ce que nous ne saurions contester ; considérer, comme la jurisprudence, les téléchargements comme des copies privées.

07/03/2006 Débats DADVSI : Deuxième séance du mardi 7 mars 2006

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions du retrait brutal, hier, de l'article 1er de ce projet de loi, sinon pour regretter, au nom de mon groupe, que le Gouvernement ne soit pas allé au bout de sa démarche en retirant purement et simplement la totalité d'un texte devenu incohérent.

Vous avez donc fait le choix, monsieur le ministre, d'occulter le vote intervenu, en décembre dernier, d'un amendement qui a remis radicalement en cause le dispositif de transposition de la directive que vous aviez choisi, cassant ainsi une logique funeste : celle du « tout répressif » sur Internet avec ses effets désastreux sur l'accès du public auxœuvres, sur l'exercice des missions des bibliothèques à l'ère numérique et sur la diversité culturelle comme logicielle.

Il n'est pas inutile à cet égard de rappeler que ce texte a mobilisé et continue de mobiliser contre lui beaucoup de monde, et tout particulièrement les dix millions de nos concitoyens qui pratiquent le peer to peer et qui, à ce titre, ont été considérés comme autant de délinquants potentiels hier et de contrevenants potentiels aujourd'hui.

L'urgence déclarée par le Gouvernement s'est finalement retournée contre lui, mettant à nu l'improvisation et l'amateurisme dont il a tant fait preuve sur ce dossier. En ce premier trimestre de 2006, nous nous retrouvons de fait amenés, chers collègues, à transposer dans notre droit interne un traité international - dit « OMPI » - vieux de très exactement dix ans !

Comme s'il ne s'était rien passé durant cette décennie, tant en ce qui concerne les évolutions technologiques que les pratiques culturelles de nos concitoyens !

Le principal mérite que nous pouvons légitimement attribuer à la représentation nationale, c'est d'avoir créé un débat public sur cette question qui intéresse toute la société. D'un point de vue démocratique, n'est-il pas satisfaisant d'avoir, à l'heure de la révolution numérique, libéré le dossier du droit d'auteur de l'emprise des spécialistes et des techniciens habituels de la propriété littéraire et artistique qui, sur ce sujet, savent si bien entretenir un climat aussi passionnel que confidentiel ?

C'est aussi rappeler que de puissants lobbies sont à l'œuvre. Ils ont activement contribué à rompre l'équilibre - certes fragile - que la directive ménageait entre une logique de contrôle des usages des œuvres et la préservation de la copie privée. Dès lors, il n'est pas étonnant que la présidente du MEDEF, oubliant le sort que son organisation réserve aux intermittents au sein de l'UNEDIC, se soit déclarée soudainement « aux côtés des artistes » contre les députés !

Durant trois jours, dans cet hémicycle, nous avons cherché la voie de l'intérêt général, celle qui concilie la liberté et la responsabilité, pour reprendre la formule de Jean-Marc Ayrault, l'accès de tous à la connaissance, au savoir et à la culture, et l'impérieuse nécessité de rémunérer les auteurs et les artistes.

À cet égard, rétablissons la vérité : aux antipodes d'une logique de gratuité que nous rejetons celle qui existe aujourd'hui dans l'illégalité et qui perdurera si le projet de loi dans sa version même relookée est voté ! -, nous n'avons pas voulu retarder la périodique adaptation du droit d'auteur aux évolutions technologiques.

Et c'est en fidèles héritiers de Beaumarchais que nous avons déposé, défendu et fait voter - avec une certaine surprise, avouons-le - un amendement inscrivant l'échange de fichiers musicaux dans le code de la propriété intellectuelle. Car c'est en contrepartie de l'identification à une exception pour copie privée d'un téléchargement sur Internet pour un usage limité et, bien entendu, non commercial que, sans équivoque possible, nous avons pu inscrire dans la loi le principe même de la légitime rémunération des auteurs.

Cette sécurité juridique, qui respecte les dispositions de la directive européenne et qui répond à une demande de nature jurisprudentielle - ayons à l'esprit le récent jugement du tribunal de grande instance de Paris - vaut tout autant pour les artistes que pour les internautes.

Comment, en effet, chers collègues, interdire sans sanctionner ? Ne vaut-il pas mieux autoriser pour rémunérer ?

C'est à partir de cette simple problématique, que nous avons été amenés à prendre comme modèle la licence globale, tout simplement parce qu'elle fonctionne déjà à la radio et à la télévision. Est-elle adaptable à Internet ? C'est la question qui nous est posée, et c'est pour s'en assurer que le groupe socialiste a beaucoup écouté durant les deux mois et demi d'interruption de cette discussion.

Comme nous l'avions déjà exprimé avec force en décembre, le cinéma ne saurait être concerné, en raison de la chronologie des médias et de son financement spécifique. Par ailleurs, la licence globale ne peut avoir qu'un caractère obligatoire si nous voulons satisfaire deux objectifs majeurs : le respect des libertés publiques et la protection de la vie privée des internautes.

Enfin, nous avons été sensibles aux interrogations exprimées, tout particulièrement, par les labels indépendants de la filière musicale sur le caractère équitable de la répartition du forfait perçu en supplément de l'abonnement auprès du fournisseur d'accès.

C'est la raison pour laquelle nous défendrons avec conviction un amendement que nous avions déposé, dès le mois de juin dernier, lors de l'examen du projet de loi par la commission des lois, et visant à taxer les fournisseurs d'accès à Internet.

De fait, nous refusons de nous laisser enfermer dans le débat manichéen du pour ou contre la licence globale. Cette alternative est d'autant plus stérilisante que le débat public qui s'est ouvert à l'initiative de notre assemblée, a conduit nombre d'intervenants à envisager plusieurs possibilités de «troisième voie », préservant les droits des créateurs et la liberté fondamentale du public d'accéder à la culture, sans laquelle le droit d'auteur n'a pas de sens.

Les idées ont foisonné. On aurait donc pu espérer que le Gouvernement tire le meilleur profit des deux mois et demi d'interruption de l'examen de ce projet de loi.

Las ! Il a été d'abord soucieux de reculer en bon ordre. Il a donc revu sa copie sans pour autant changer de pied. D'où des inquiétudes nouvelles et une grande perplexité sur le nouveau dispositif de sanctions qui nous est proposé.

Certes, nous quittons le champ de la contrefaçon, et c'est là le bénéfice le plus direct de la discussion parlementaire de décembre 2005. Mais, dans la mesure où le régime contraventionnel sera fixé par décret, il est essentiel, comme l'a souligné très justement le président de la commission des lois, que l'infraction soit définie précisément par le ministre, ici et maintenant.

Sera-t-elle constituée pour chaque acte de téléchargement ? Pour chaque morceau téléchargé ? Qui fera les constatations ? Qui contrôlera ? Qui établira le lien entre l'adresse IP et l'identité de l'internaute ?

Par ailleurs, nous sommes toujours dans l'attente des intentions du Gouvernement pour garantir l'interopérabilité, puisqu'il n'a encore déposé aucun amendement à l'article 7.

Enfin, le collège des médiateurs se voit confier, dans la nouvelle version, une mission supplémentaire. L'article 9 du projet de loi le chargeait déjà de réguler les mesures de protection technique, afin de garantir l'exercice de l'exception pour copie privée. L'article 8, amendé par le Gouvernement, lui confie aussi le soin de fixer les modalités de cet exercice, et notamment le nombre de copies autorisées, en ayant, naturellement, à l'esprit l'arrêt que vient de rendre la Cour de cassation. N'est-ce pas une position inconfortable que d'être à la fois régulateur et arbitre des litiges ?

Aussi, les députés socialistes renouvellent plus que jamais leurs exigences, à défaut d'obtenir - ce qui serait pourtant le plus sage - le retrait pur et simple d'un texte devenu incohérent.

C'est d'abord un encadrement strict des mesures techniques de protection afin de préserver l'exercice de la copie privée et des usages normaux d'une œuvre légalement acquise, notamment la possibilité de la reproduire et de la transférer d'un appareil à un autre, afin aussi de garantir l'interopérabilité, d'associer les auteurs et les artistes à la décision d'installer des mesures techniques de protection sur leursœuvres et afin d'éviter les effets collatéraux sur le développement du logiciel libre.

C'est ensuite l'abandon de la riposte graduée : même dans sa version « allégée », elle suppose la mise en place d'une véritable « police privée » de l'Internet.

D'ailleurs, ce dispositif, en perdant sa capacité de dissuasion, banalise paradoxalement la gratuité et étatise le droit d'auteur, puisque les amendes versées par les internautes contrevenants iront au budget de l'État et ne serviront pas à rémunérer les auteurs.

C'est par ailleurs l'abandon des sanctions prévues à l'encontre des éditeurs de logiciels d'échanges, susceptibles de permettre la mise à disposition non autorisée d'œuvres protégées. Cette disposition, si elle était votée, aurait inévitablement pour effet de brider l'innovation et la recherche dans un domaine, le peer to peer, dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il constitue une puissante architecture pour la circulation des œuvres et des savoirs.

C'est enfin la préservation de la gestion collective, qui protège les droits des créateurs isolés face à de puissants opérateurs économiques : nous sommes donc vigilants sur les initiatives de la Commission européenne visant à ouvrir la concurrence dans ce secteur, car elle aurait pour effet de fragiliser la position des auteurs et des artistes et de conduire à un « moins-disant culturel ».

Parce qu'ils ont toujours été du côté des artistes et qu'à ce titre, ils sont viscéralement attachés au droit d'auteur, parce qu'ils considèrent qu'il faut légiférer prudemment, provisoirement, pour une période de trois ans seulement, les députés socialistes abordent cette deuxième partie de débat avec le souci majeur de contribuer à l'émergence d'un nouveau modèle de rémunération qui, à partir de la reconnaissance du téléchargement dans le code de la propriété intellectuelle, assure un financement supplémentaire à une filière culturelle, la filière musicale, qui est en difficulté.

N'est-il pas temps qu'Internet, dont le développement doit tant à la circulation et à l'échange des œuvres de l'esprit « dans ses tuyaux », contribue au financement de la culture comme, hier, nous avons été capables d'assurer le financement du cinéma par la télévision. Cela s'appelle, tout simplement, de la redistribution.

22/12/2005 Débats DADVSI : Troisème séance du jeudi 22 décembre 2005

Les interventions se suivent et se ressemblent, et je me réjouis de la convergence qui se dessine sur ce dossier. Le ministre appelait lui-même à la réconciliation et au rassemblement. Je suis certain qu'il saura donner aux amendements de la majorité et de l'opposition la réponse qui s'impose pour en créer les conditions.

L'interopérabilité, capacité de deux systèmes à échanger des données, est une condition préalable - j'insiste sur l'adjectif - à l'acceptation par les consommateurs, et donc par nos concitoyens, des mesures techniques de protection. Nous nous trouvons là au cœur de la problématique portée par l'article 7.

Mes collègues l'on dit et répété, en se fondant sur des exemples très concrets - ne faisons-nous pas, en ce moment, nos courses de Noël ? - : les consommateurs sont aujourd'hui confrontés à une offre complexe. L'incertitude quant à la capacité de lire une œuvre légalement acquise et dont l'usage est contrôlé par une mesure technique les dissuade d'acheter et freine donc considérablement le développement commercial des sites de vente en ligne - ce n'est défendre aucun intérêt particulier que de faire ce constat.

Il faut donc apporter aux consommateurs la garantie que les œuvres protégées dont ils font l'acquisition peuvent être converties dans un format accepté par le système de lecture dont ils disposent, comme dans l'exemple, souvent cité, d'un CD muni d'une mesure technique de protection que l'on veut écouter dans sa voiture. Une première condition est que le fournisseur de cette mesure technique ne puisse pas rendre ses clients captifs en bloquant la concurrence, soit par la rétention d'informations essentielles à l'interopérabilité, soit par le recours à des conditions discriminatoires et non équitables. Seconde condition : les acteurs du marché doivent faire en sorte que leurs logiciels respectent la loi et ne suppriment pas les informations électroniques jointes à une reproduction lorsqu'ils manipulent les flux les contenant.

Les députés socialistes ont donc déposé des amendements dans ce sens. Notre intention est également de répondre aux objectifs fixés par la Commission européenne lors de la revue de transposition de la directive 2001/29/CE, et de prendre en compte les attentes des nombreux acteurs - industriels et associations de consommateurs - qui ont exprimé le souhait que les fournisseurs de mesures techniques se mettent d'accord sur des formats pivots, aux spécifications publiques et librement implémentables par tous - ce que l'on appelle les « standards ouverts ».

Mais, sans signal fort d'un État membre - le nôtre, en l'occurrence -, les annonces de recherche à l'échelle européenne d'une solution d'interopérabilité des systèmes numériques de gestion de droits vont rester lettre morte. Nous verrons alors se former des consortiums de grandes sociétés principalement américaines et japonaises ou, plus vraisemblablement, nous assisterons au monopole d'un seul fournisseur américain, abusant notoirement de sa position dominante. Après avoir signé des accords stratégiques avec les grands producteurs de contenu, celui-ci pourra désormais imposer de façon parfaitement légale, à toutes les entreprises et au public européen, des licences sur ses technologies : Microsoft mettrait ainsi la main sur tout !

Or le texte du projet de loi est à cet égard insuffisant, car il ne prévoit qu'une licence obligatoire, et ne donnera pas à tous les acteurs concernés, et notamment aux développeurs, commerciaux ou non, de logiciels libres, la possibilité pratique de mettre enœuvre cette interopérabilité.

Pourtant, comme le soulignait, dans son rapport d'information sur la stratégie de sécurité économique nationale, notre excellent collègue de la majorité Bernard Carayon - signataire de l'amendement auquel M. Cazenave faisait à l'instant allusion -, la réponse à cette hégémonie américaine pourrait venir du logiciel libre. En entravant le développement de celui-ci, la France se priverait en outre de systèmes d'informations interopérables et sûrs, dépourvus de portes dérobées - les back doors -, utilisables par des personnes malintentionnées ou des services de renseignement étrangers.

Il me semble donc que la représentation nationale pourrait se retrouver sur un texte favorisant l'interopérabilité et l'accès aux standards ouverts.

[...]

Nous avons bien compris que nos collègues de l'UMP allaient se rallier à l'amendement n° 253, en abandonnant les amendements identiques aux nôtres. Après l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, nous savons aussi que cet amendement a quelque chance d'être adopté, faisant tomber nos amendements.

Cet amendement a cependant d'incontestables vertus : il prévoit d'abord que « les mesures techniques ne doivent pas empêcher la mise en œuvre de l'interopérabilité », objectif que nous partageons, et précise, dans son deuxième alinéa, ce que l'on entend par informations essentielles.

En revanche, et cela a déjà été dit, nous nous étonnons que vous ne considériez les développeurs que comme des développeurs commerciaux. J'en veux pour preuve que la référence aux pratiques anticoncurrentielles nous place directement dans des logiques strictement commerciales. Pour notre part, nous souhaiterions que cet amendement n'oublie personne.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je propose de sous-amender l'amendement n° 253 en y insérant les premier et troisième alinéas de l'amendement n° 85. Le premier alinéa prévoit que « Toute personne développant un système interopérant avec un système utilisant des mesures techniques doit pouvoir obtenir les informations nécessaires à cette interopérabilité dans un délai raisonnable et dans des conditions non discriminatoires » et le troisième alinéa que « Les fournisseurs de mesures techniques ne peuvent exiger de contrepartie financière pour la fourniture d'informations essentielles à l'interopérabilité que lorsque ces informations sont transmises sur un support physique et uniquement pour couvrir les frais d'impression, de stockage et de transport ».

Par ailleurs, il doit être bien clair que le prix doit être entendu comme le simple prix de mise à disposition des informations et non comme une nouvelle forme de propriété intellectuelle. Ce prix ne peut donc être que forfaitaire. Il doit être fixé à l'avance pour éviter toute contestation et il ne doit pas être indexé sur l'activité créative ou commerciale du destinataire des informations.

22/12/2005 Débats DADVSI : Deuxième séance du jeudi 22 décembre 2005

L'adoption, hier soir, de deux amendements identiques, dont l'un émanait du groupe socialiste, a pour conséquence d'inscrire dans un cadre légal le téléchargement et l'échange de fichiers tout en permettant que les auteurs, les producteurs, les interprètes, bref, tous les titulaires des droits d'auteur et droits voisins soient rémunérés.

J'ai cru comprendre de ce que disait le président Accoyer que le message clair délivré hier par l'Assemblée nationale a été entendu, et que notre souci de légiférer hors de toute influence - et Dieu sait si les lobbies sont nombreux compte tenu des intérêts économiques et financiers en jeu - a été compris.

Au-delà de nos clivages habituels, nous avons fait le choix de l'intérêt général, c'est-à-dire le choix de la liberté, mais aussi de la responsabilité en rassemblant la collectivité nationale. Nous avons oeuvré dans l'intérêt du public en lui permettant d'accéder aux contenus de la culture, de la connaissance et du savoir tout en tenant compte des intérêts des auteurs et de tous ceux qui appartiennent au monde de la création. Nous pouvons même affirmer que l'Assemblée nationale a émis hier un vote très important, historique même !

Le président Accoyer propose de rouvrir le débat et d'approfondir la réflexion. Et pour cause : le vote des deux amendements identiques d'hier bouleverse l'économie du projet en créant une licence globale contractuelle, mais aussi optionnelle comme le prévoient d'autres amendements que nous avons déposés.

À cette occasion, je voudrais lancer un message clair en direction du monde de la création. Je ne voudrais pas que ce dernier fasse l'objet d'une manipulation qui consisterait à dire que les parlementaires ont fait le choix de la gratuité contre ses intérêts. Dire cela serait mentir, car avec l'exception pour copie privée telle que le prévoit notre code de la propriété intellectuelle, il y a à la clé une rémunération des auteurs.

C'est en prélevant une part de l'abonnement perçu par les fournisseurs d'accès à Internet que nous pourrons mobiliser des centaines de millions d'euros au bénéfice des acteurs culturels de notre pays. Nous avons dit aussi, et je tiens à le rappeler, que seule l'industrie musicale est concernée et que nous avons laissé de côté l'industrie du cinéma.

Je tenais à rappeler les aspects les plus saillants de notre débat d'hier soir. Il reste que le groupe socialiste se trouve plus que jamais justifié dans sa démarche et qu'il a eu raison de dire que le Gouvernement n'était pas prêt. D'ailleurs le dépôt tardif de nombreux amendements dont certains, à nos yeux, d'une gravité extrême pour nos libertés publiques - je pense notamment aux amendements sur la riposte graduée - en témoigne. Nous considérons désormais que le Gouvernement doit revoir sa copie. Dois-je rappeler qu'il y a un an, à l'initiative de Jean-Marc Ayrault, de Christian Paul, de Didier Mathus et de moi-même, nous avions demandé la création d'une mission d'information qui nous a été refusée ? Dans la même optique nous avons défendu une question préalable et une motion de renvoi en commission.

À ce stade, la raison devrait donc l'emporter. Nous devrions arrêter là la discussion de ce projet de loi. Car je vois bien ce qui se prépare en réservant des amendements et des articles, bref, tout ce qui fâche autour de la licence globale contractuelle. Légiférer dans ces conditions, de plus un 22 décembre, n'est pas de bonne méthode !

Si nous voulons retrouver de la sérénité et, surtout, de la cohérence, si nous voulons légiférer au nom de l'intérêt général afin qu'au terme du débat, ce projet de loi ait un sens, nous devons suspendre nos travaux le temps de trouver les équilibres nécessaires.

Le chemin a été tracé par le vote d'hier soir. Empruntons-le ensemble afin d'unir dans une même démarche les intérêts des internautes et des plus jeunes de nos concitoyens et bien sûr les intérêts des auteurs et artistes-interprètes de notre pays. À cet égard, je rappelle que deux sociétés de gestion collective, l'ADEMI et la SPEDIMAN qui défendent les intérêts des artistes-interprètes, soutiennent notre démarche.

21/12/2005 Débats DADVSI : Deuxième séance du mercredi 21 décembre 2005

Avec d'autres collègues ici présents, je sors de la réunion de la commission des lois, qui était convoquée pour vingt et une heures. À cette occasion, nous avons été amenés à découvrir de manière officielle et approfondie les deux amendements que le Gouvernement présente sur ce que l'on appelle désormais la « riposte graduée ».

Nous sommes sidérés par le contenu de ces deux amendements.

L'amendement n° 228 est devenu l'amendement n° 228 rectifié. Nous remercions notre collègue Warsmann de nous avoir apporté quelques éclaircissements sur cette nouvelle rédaction. Celle-ci, d'après l'information dont je dispose à l'heure où je vous parle, tendrait à supprimer la possibilité de poursuivre un abonné qui, « y compris par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à l'obligation de prudence », aurait « reproduit, représenté ou communiqué au public des œuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits ». Aux termes de la première rédaction, en effet, quelqu'un pouvait en effet se trouver sanctionné sans qu'il ait eu d'intention coupable, ce qui est absolument insensé.

Visiblement, l'amendement n° 228 rectifié marque un ressaisissement du Gouvernement, puisque la disposition en question aurait été supprimée. Reste que nous sommes dans un cadre qui crée une infraction de présomption de contrefaçon en méconnaissant totalement la présomption d'innocence, à laquelle nous sommes attachés.

Si je pointe ainsi des arguments de fond, madame la présidente, c'est parce qu'ils sont tout à fait révélateurs de l'organisation de nos travaux et de la façon dont nous légiférons. Nous venons en effet de découvrir deux amendements du Gouvernement longs de plusieurs pages qui créent ex abrupto une nouvelle autorité administrative indépendante, puisque tel est désormais le statut du collège des médiateurs.

21/12/2005 Débats DADVSI : Première séance du mercredi 21 décembre 2005

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention en vous rapportant la mise en garde de Renouard dans le tout premier Traité des droits d'auteurs, paru en 1838, récemment rappelée par Me Cyril Rojinsky et Me Sébastien Cavenet : « Une loi sur cette matière ne saurait être bonne qu'à la double condition de ne sacrifier le droit des auteurs à celui du public, ni le droit du public à celui des auteurs ». Le même Renouard aurait, le premier, substitué au terme de « propriété » celui de « droit d'auteur ». Ce principe élémentaire montre combien votre projet de loi, monsieur le ministre, est symptomatique de nos approches différentes du droit d'auteur et, plus largement, de la société de l'information.

Là où vous voulez maintenir les contraintes de rareté des biens physiques dans le monde d'abondance qu'est la société de l'information, nous considérons au contraire que la création culturelle se nourrit avant tout du partage des savoirs et de la circulation des œuvres. Alors que vous considérez la copie privée comme le spectre du droit d'auteur, nous la voyons au contraire comme le point d'équilibre entre le droit des créateurs et l'intérêt du public. Plus concrètement, là où vous n'envisagez que des mesures de repli, qui sont souvent des sanctions, nous préférons, tout en partageant nombre d'inquiétudes, défendre des solutions novatrices permettant le fonctionnement efficace d'une économie de la culture.

Ignorant ces principes, le Gouvernement a préféré camper sur ses positions, commettant d'importantes erreurs d'appréciation. Dès lors, il nous propose un texte inadapté, à l'analyse biaisée, aux mesures inefficaces, voire anachroniques. Mais, comment aurait-t-il pu en être autrement ?

On éprouverait presque de l'indulgence pour votre copie, monsieur le ministre, si la question posée au législateur n'était pas de toute première importance pour l'avenir de la culture en France. Comment en effet examiner un projet de loi portant sur une question en perpétuelle évolution et vieux de deux ans ? Comment s'appuyer sur un rapport de commission datant du mois de juin, alors que chaque jour apporte de nouveaux éléments propres à enrichir notre réflexion ? On en sait, par exemple, plus aujourd'hui qu'hier sur les mesures techniques de protection ou sur l'impact des réseaux peer to peer sur les ventes de disques. Malgré cela, le Gouvernement a soudainement décidé d'inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée, en cette fin d'année, ce texte dont, je le dis d'emblée, nous estimons qu'il nécessite une réflexion plus approfondie et, par conséquent, un renvoi en commission.

[...]

De plus, en inscrivant ce texte à l'ordre du jour il y a seulement deux semaines, vous avez rendu le travail parlementaire impossible : nous n'avons disposé que de 48 heures pour déposer de nouveaux amendements, le rapport de la commission des lois ayant été publié lors de la précédente session pour une discussion prévue en juillet dernier ! Nous allons également devoir nous prononcer sur des amendements importants - vous venez encore d'en annoncer, monsieur le ministre -, dont certains créent de nouvelles infractions pénales, sans les avoir préalablement examinés en commission. Avant-hier encore, cette dernière n'en disposait pas ! Je pense tout particulièrement aux amendements visant à instaurer une « riposte graduée », - une « réponse graduée », selon vous, monsieur le ministre - dont l'objectif n'est en fait que de contourner les exigences de la CNIL, qui, rappelons-le, a repoussé les dernières demandes de l'industrie musicale.

[...]

Ces atermoiements successifs et cet élan soudain ne favorisent pas l'émergence d'un vrai débat. Ils traduiraient même une volonté de passer en force contre l'avis des consommateurs, contre l'avis de nombreux artistes et des organisations qui les représentent, contre l'avis des internautes, des bibliothécaires et des documentalistes, contre l'avis de l'Association des maires de France et, enfin, contre l'avis même de certains députés de la majorité, comme nous avons pu encore le constater lors de la discussion générale. C'est dire la complexité du dossier ! C'est dire aussi s'il transcende les clivages partisans traditionnels !

Or cette complexité, ces divisions, vous semblez les ignorer. Loin de faire l'unanimité, votre texte, monsieur le ministre, cède au contraire à des logiques simplificatrices dont le principal effet est de satisfaire d'abord les intérêts des majors de la culture et du logiciel.

Ils traduisent surtout une conception du droit d'auteur qui n'est pas du tout la nôtre, et qui n'est pas du tout celle sur laquelle se sont édifiées, depuis tant de temps, l'activité et la création culturelles en France.

Force est de constater que vous ne vous êtes pas contentés de transposer simplement une directive - et c'est bien là le problème. Vous l'avez surchargée de mesures répressives supplémentaires tout en écartant les vrais enjeux que pose aujourd'hui la société de l'information.

Le choix du Gouvernement de ne pas apporter de véritables réponses à la question du peer to peer, si ce n'est celle de la criminalisation, et d'opposer les intérêts du public à ceux du créateur, la liberté d'accès au droit au respect et à la rémunération de la création ne va pas sans nous inquiéter.

[...]

Mes chers collègues, le droit d'auteur est le principal mode de régulation de la société de la connaissance et un garant de la diversité culturelle. Il ne peut souffrir un traitement à la hâte, et nous ne pouvons faire l'économie d'une réflexion plus poussée, d'autant que l'ensemble de l'édifice argumentaire sur lequel se fonde ce texte repose sur des bases bien peu solides, contestables et d'ailleurs très contestées.

En ignorant les objections soulevées par des artistes, des économistes, des juristes et de bien d'autres encore, nous nous privons d'éléments de réflexion essentiels et nous nous trouvons entraînés dans un faux débat.

Premier élément de ce faux débat : vous prétendez défendre le droit d'auteur, mais vous contribuez à l'affaiblir et en assurez, en réalité, le dévoiement.

Bien évidemment, nous avons à l'esprit les difficultés que rencontrent nombre d'industries culturelles. La plupart des activités artistiques et des métiers culturels sont confrontés, depuis quelques années, à une évolution rapide et majeure. La société de l'information porte en germe la démocratisation de l'accès aux œuvres culturelles et une meilleure diffusion du savoir. Elle n'en a pas moins considérablement bouleversé les conditions économiques de la création, tout comme celles de la diffusion et de l'accès au patrimoine culturel.

La première étape de cette mutation numérique a été extrêmement profitable aux industries culturelles. Je pense, par exemple, au passage du vinyle au CD, qui s'est révélé très bénéfique pour l'industrie de la musique.

La seconde étape de cette mutation a été celle de la dématérialisation des œuvres à laquelle nous assistons depuis plusieurs années. Avec le développement d'Internet et du numérique, les possibilités offertes semblent devenir infinies. La compression et la numérisation des données, la généralisation progressive des capacités à haut débit et le développement de l'interactivité ont presque annihilé les contraintes liées à la pénurie des ressources. Les technologies arrivent aujourd'hui à maturité - numérisation, largeur de bande, réseaux IP, codage, cryptage, miniaturisation, ou encore compression - et une floraison de terminaux et d'outils sont disponibles sur les marchés : PC, récepteurs mobiles, baladeurs, graveurs de CD, et cetera.

Cette convergence, non seulement permet de proposer de nouveaux services, mais également modifie en profondeur les pratiques et les usages de millions de nos concitoyens.

Dans le même temps et parallèlement à ce développement sans précédent d'échanges entre les personnes, s'opère, dans tous les domaines de la création, une volonté d'accélérer le mouvement de l'appropriation privée. La mutation numérique bouleverse les intérêts économiques, industriels et financiers attachés au droit de la propriété intellectuelle. Comme chaque innovation technologique, elle ravive les tensions entre auteurs, producteurs, artistes et interprètes autour de la rémunération, c'est-à-dire autour du contrôle économique des exploitations.

D'un côté, les auteurs, les créateurs et leurs représentants se sentent souvent menacés par l'évolution des modes de création et de diffusion. Ils craignent une évolution des pratiques en leur défaveur et adoptent une position défensive qui ne facilite sans doute pas le dialogue avec les autres acteurs.

De l'autre, les utilisateurs ne comprennent pas toujours les entraves qui sont faites à la mise à disposition et à l'utilisation des contenus auxquels ils souhaitent accéder ou dont ils ont besoin.

Dans le passé, ces conflits se sont toujours conclus par des compromis : la reconnaissance de nouveaux « droits » pour les investisseurs et les diffuseurs, mais aussi pour les utilisateurs, la mise en place de nouveaux modes de rémunération, l'extension de la gestion collective, l'ouverture de nouveaux marchés, l'émergence de nouveaux opérateurs.

Ce fut notamment le cas lors de l'apparition des cassettes audio et du magnétoscope, perçus et dénoncés à l'époque comme une menace pour les industries de la musique et du cinéma. On sait ce qu'il advint : le magnétoscope et les cassettes audio, et aujourd'hui le DVD, sont devenus une source essentielle de croissance pour les industries culturelles.

Aussi, dans chacune de ces crises, le droit d'auteur a révélé ses capacités d'adaptation et les pouvoirs publics sont à chaque fois intervenus pour préserver l'équilibre entre les intérêts des titulaires de droit et ceux du public.

La notion de droit d'auteur doit nécessairement évoluer. Mais, si elle est adaptable, elle ne doit pas être seulement un outil d'appropriation à l'instar du copyright américain. Si la propriété intellectuelle est vitale pour nombre d'entreprises culturelles et d'auteurs, elle ne doit pas pour autant empêcher la diffusion et la circulation des œuvres. L'extension du domaine privé n'est donc certainement pas la seule solution à apporter. Elle constitue même une réponse paradoxale aux effets de la numérisation et de l'interconnexion des réseaux, qui sont des procédés ouverts et interopérables favorisant les nouveaux entrants, de nouveaux publics et un plus large accès auxœuvres.

Nous ne pensons pas qu'il convienne de modifier le droit dans un sens plus répressif. Nous croyons au contraire que « le prétendu renforcement des droits de propriété intellectuelle » que vous nous proposez risque de produire les effets inverses et conduire à son propre « affaiblissement » car, à raisonner en termes de répression, à assimiler les œuvres à des biens de consommation courante ou encore à criminaliser les internautes, le risque est grand que le droit d'auteur, tel que nous le concevons, s'y perde.

Hélas, le Gouvernement n'a pas choisi cette voie, et c'est là le deuxième élément de ce faux débat : vous comptez sur l'industrie du disque pour développer une offre dite légale alors que son objectif le plus visible est aujourd'hui de poursuivre les pirates.

En reprenant à son compte de manière unilatérale le diagnostic, le langage et les solutions préconisées par une partie des industries culturelles, le Gouvernement est largement responsable de la situation conflictuelle que l'on connaît aujourd'hui et du fossé grandissant entre l'industrie musicale et son public.

On a bien cru pourtant, à l'été 2004, que les ministres de l'économie et des finances et de l'industrie avaient amorcé une légère correction de tir avec la signature, à l'Olympia, propriété de Vivendi Universal - tout un symbole ! - de la « charte d'engagements pour le développement de l'offre légale de musique en ligne, le respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique ». Cette charte, qui visait à impliquer les fournisseurs d'accès dans la lutte contre le piratage, devait combiner promotion des offres légales et payantes et pédagogie auprès des internautes. Mais de développement de l'offre légale, il y en eut très peu, tandis que des mesures répressives, il y en eut beaucoup.

Rappelons les mots, d'ailleurs, de Pascal Nègre, principal promoteur de cette charte, pour en saisir l'esprit et, au passage, une conception quelque peu personnelle de la diffusion des œuvres culturelles : « Vous voulez la plus belle discothèque du monde. Chacun a ses rêves : il y a des filles qui veulent 153 diamants mais elles ne peuvent pas se les payer et elles n'en ont aucun. »

Tout est dit. Les œuvres sont réduites à des produits de consommation courante, fussent-ils des bijoux.

Cette charte s'appuie sur la loi pour la confiance dans l'économie numérique, qui prévoit jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende pour les actes de contrefaçon, ainsi que sur la révision de la loi informatique et libertés qui autorise désormais des personnes morales à relever et traiter les données relatives à des infractions dont elles s'estiment victimes. Elle n'a en définitive eu qu'un seul but : entamer, dès la rentrée 2004, une vague de « procès pour l'exemple ».

Alors qu'en est-il aujourd'hui du développement de l'offre dite légale, présentée, à l'époque, comme la solution unique ? Nous avions émis de vives réserves et exprimé des craintes quant à l'efficacité des mesures proposées.

L'objectif de 600 000 titres nous paraissait très faible. Il correspond à peine au nombre d'albums disponibles dans un grand magasin.

Nous avions également exprimé des craintes quant au risque que l'effort de numérisation, du fait de son coût, ne porte que sur des best-sellers, entraînant inévitablement une baisse de la diversité culturelle D'ailleurs, aucune obligation en matière de diversité culturelle, notamment quant au ratio d'œuvres françaises, n'était prévue.

Par ailleurs, cette charte n'envisageait rien de concret pour l'interopérabilité des plates-formes de téléchargement en ligne et du matériel d'écoute.

Un an plus tard, nos craintes se sont confirmées. Le Bureau européen des consommateurs vient de publier deux études pointant les carences de la seule alternative officielle aux usages actuels des internautes. La conclusion de cette étude est sans appel : « pauvreté de l'offre » et « casse-tête technique ».

Côté diversité culturelle tout d'abord, et aux dires de Julien Dourgnon, directeur des études de l'UFC-Que Choisir, le résultat est « affligeant ». La disponibilité des œuvres de 260 artistes a été testée sur sept sites : trois anglais, un français, un allemand et deux hollandais. En moyenne, les deux tiers ne sont pas disponibles, et ce chiffre atteint 90 % sur le seul répertoire consacré à la musique classique.

En somme, comme l'a titré récemment un quotidien, : « Télécharger légal, c'est télécharger banal ».

Côté interopérabilité des plates-formes, là aussi, la situation est ubuesque. Chaque site légal dispose de son propre système et il est quasiment impossible de lire un fichier téléchargé sur un baladeur numérique. Comme si l'acheteur d'un CD devait se préoccuper de la marque de sa propre chaîne Hi-Fi. Il y a là une appropriation des nouvelles technologies et desœuvres culturelles par certains professionnels qui ne se préoccupent absolument pas des droits du consommateur.

Troisième élément de ce faux débat, et non des moindres : l'établissement d'un lien contestable entre baisse des ventes de disques et téléchargement sur les réseaux peer to peer.

Cette incapacité à s'adapter aux évolutions de la société de l'information et cette volonté d'une répression accrue sont d'autant plus mal perçues qu'elles reposent sur ce présupposé initial contestable. Ce n'est pas parce qu'il y a concomitance de ces deux phénomènes qu'ils ont un lien direct entre eux. Aucune étude sérieuse ne vient confirmer une telle hypothèse. Toutes celles dont nous disposons sont diverses dans leurs conclusions, mais elles convergent toutes vers le même point : seule une part très limitée de la réduction des ventes de disques est due aux réseaux d'échanges en ligne.

Par exemple, une étude américaine publiée en 2004 conclut qu'il faut 5 000 téléchargements de fichiers pour diminuer la vente d'un disque. Dans ces conditions, les réseaux d'échanges ne seraient responsables que d'une baisse de 2,5 pour mille des ventes de disques. Plus intéressante encore, une autre étude, toujours américaine, souligne le fait que l'échange de fichiers conduit à de nouvelles consommations qui n'auraient pu avoir lieu sans l'existence des réseaux peer to peer.

Plus récemment, et plus proche de nous, le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture vient de publier une étude portant sur les pratiques déclarées de téléchargement de fichiers à contenu culturel des internautes. Que nous dit-elle ? D'abord, elle évalue à 31 % le nombre d'internautes qui téléchargent régulièrement sur les réseaux d'échanges. Elle nous apprend également que c'est la musique qui est le premier contenu culturel téléchargé et qu'il s'agit avant tout d'une population jeune et masculine. Mais surtout, l'impact du peer to peer n'est pas aussi négatif qu'il y paraît : la plupart des internautes estiment en effet que le téléchargement n'a pas modifié leurs consommation et pratiques pour le cinéma, les jeux vidéo ou la musique.

Depuis qu'ils téléchargent des fichiers films, 75 % des internautes ont déclaré ne pas avoir modifié leur fréquence de sortie au cinéma. Ils sont même 19 % à déclarer avoir modifié celle-ci à la hausse.

De même, 64 % des personnes qui téléchargent des fichiers musicaux déclarent acheter des CD neufs autant qu'avant, et 12 % plus qu'avant.

Autre enseignement, d'importance essentielle, la motivation première n'est pas la gratuité. Le téléchargement de fichiers à contenu culturel semble s'inscrire dans un ensemble d'usages extrêmement variés. Les internautes disent vouloir explorer, tester, échantillonner et profiter d'une offre plus abondante que sur les plates-formes légales.

Je pourrais également évoquer une récente étude de l'OCDE, qui, elle aussi, minimise l'impact des réseaux peer to peer sur les difficultés du marché du disque, mais surtout qui souligne que les industries du disque n'ont pas encore su tirer profit des nouvelles technologies. Ou encore, les conclusions d'une enquête de la FNAC, qui attribue la baisse des ventes de disques pour l'année 2003 à des facteurs de toute autre nature : l'usure du support physique, avec la fin du rééquipement en CD ; la déstructuration du marché liée à une gestion incohérente pour le public des prix et du cycle de vie « produit » ; une baisse des investissements marketing ; et, enfin, le déplacement du pouvoir d'achat en raison d'une concurrence accrue des DVD, livres ou encore jeux vidéos.

Aujourd'hui, mes chers collègues, les chiffres parlent : plus de 8,5 millions de personnes téléchargent des fichiers sur les réseaux peer to peer, plus de 20 milliards de fichiers musicaux ont été téléchargés en 2004 à travers les serveurs d'échanges, contre seulement 310 millions sur les sites payants. Un constat s'impose : les internautes ont bel et bien adopté le peer to peer.

Comme le souligne Dominique Barella, président de l'Union syndicale des magistrats, dans une tribune parue dans Libération en mars 2004 : « Quand une pratique infractionnelle devient généralisée pour toute une génération, c `est la preuve que l'application d'un texte à un domaine particulier est inepte ».

Et c'est là, mes chers collègues, le quatrième élément de ce faux débat : vous criminalisez des pratiques tout en ignorant les avancées jurisprudentielles récentes.

Cette inadéquation entre la règle et la pratique est source d'une insécurité juridique importante. Or, les termes de piraterie et de piratage ne sauraient viser uniformément le téléchargement d'œuvres protégées, leur mise à disposition et la contrefaçon de ces œuvres dans un but commercial. S'agissant du téléchargement, son caractère illicite est largement controversé. La Commission canadienne du droit d'auteur, par exemple, a conclu que télécharger sur Internet constitue un acte de copie privée tout à fait légal, à condition cependant de ne pas vendre, louer ou encore communiquer la copie au public.

Les tribunaux hollandais, quant à eux, assimilent téléchargement et copie privée.

En France, des voix de plus en plus nombreuses, dont la nôtre, s'élèvent pour demander une clarification de la ligne de partage entre le licite et l'illicite. Ainsi, le Conseil économique et social a récemment proposé de « qualifier de copie privée les téléchargements d'œuvres, au lieu de les assimiler systématiquement à du piratage ». À cet égard, la jurisprudence vient d'apporter quelques éclaircissements en considérant comme relevant de l'exception pour copie privée, lesœuvres téléchargées sur les réseaux peer to peer.

C'est ainsi que le 10 mars 2005, je tiens à le rappeler, la cour d'appel de Montpellier a confirmé la relaxe prononcée par le tribunal de grande instance de Rodez d'un internaute ayant téléchargé des œuvres. C'est aussi la Cour d'appel de Paris qui, le 22 avril dernier, a précisé que l'exception pour copie privée n'est limitée ni par la nature du support sur lequel la reproduction est effectuée - numérique ou analogique -, ni par la source à partir de laquelle s'effectue la copie. Autrement dit, il n'est pas nécessaire de disposer d'un exemplaire original et acheté dans le commerce pour bénéficier de l'exception pour copie privée.

Nul doute que ces décisions feront date. Elles mettent un frein aux tentatives de poursuite des pirates - notion qui ne recouvre d'ailleurs aucune réalité juridique. Mais surtout, elles doivent être le point de départ d'une réflexion renouvelée sur le devenir de la copie privée comme point d'équilibre du droit d'auteur.

Enfin, cinquième et dernier élément de ce faux débat, vous prétendez agir pour sauvegarder la vitalité économique de l'industrie culturelle - et les emplois de cette industrie disiez-vous, il y a quelques instants -, mais vous l'empêchez de profiter des bénéfices de la société de l'information.

L'avis du Conseil d'analyse économique est à ce titre éclairant. Il montre, en effet, que les logiques défensives, dont les éditeurs de contenus et les majors sont les principaux promoteurs, cherchent à maintenir le plus longtemps possible le fonctionnement classique des marchés et visent à restaurer la liaison entre le contenu d'une œuvre et son support physique. Et il estime que ces tentatives sont non seulement vouées à l'échec à plus ou moins long terme, mais que, en plus, leur persistance prive la société des bénéfices de la révolution numérique. Gageons que ceux qui mènent ces combats d'arrière-garde auront, comme le souligne l'économiste Pierre-Noël Giraud : « Autant de chances de succès que ceux qui se seraient opposés à l'imprimerie pour sauvegarder l'emploi des copistes et l'art de la calligraphie dans l'Occident médiéval ».

Les technologies de l'information et de la communication multiplient les capacités de diffusion et de production des programmes. Elles représentent un gain considérable pour l'ensemble des acteurs. Elles sont une chance pour les auteurs et les artistes : potentialités de diffusion accrues, prime à la diversité, lutte contre la tendance à la standardisation et à l'uniformisation d'une industrie musicale concentrée, chance pour les labels indépendants. Mais à la seule condition d'oublier nos craintes et d'entrer rapidement dans une logique de gestion des gains et de développement et ne pas rester dans une logique de limitations des risques. C'est cette voie que le Conseil d'analyse économique et sociale nous indique d'emprunter : une voie plus novatrice consistant à inventer un nouveau modèle économique.

Malheureusement, nous n'en trouvons nulle trace dans ce projet de loi. L'absence de réflexion du Gouvernement sur les tenants et les aboutissants d'une question aussi importante le conduit à naviguer à vue, sans le souci du long terme, sans le souci de la moindre prospective. Il donne ainsi son blanc-seing aux majors du disque qui s'ingénient à mettre en place des moyens, juridiques et techniques, pour dissuader ou faire payer ce que le progrès technique rend progressivement accessible au plus grand nombre.

Elles n'ont manifestement pas su profiter du développement du commerce électronique et souhaitent aujourd'hui se voir reconnaître les moyens d'endiguer ce phénomène par le recours à un arsenal pénal et technologique. Or, l'Internet ne peut être le bouc émissaire de cette industrie qui peine à renouveler son modèle économique. Même les artistes ne vous suivent pas dans cette volonté de construire des clôtures autour du droit d'auteur. Car ils ont bien compris que cette révolution culturelle était inéluctable. Et ils ont d'ailleurs été bien plus nombreux à signer la pétition initiée par Le Nouvel Observateur l'année dernière pour « libérer la musique » que l'ensemble des artistes enrôlés par les majors pour faire la promotion de l'offre dite légale. Ce phénomène se vérifie même aux Etats-Unis, où, d'après une enquête auprès de plus de 2 700 artistes, 3 % seulement des musiciens estiment qu'Internet nuit à la possibilité de protéger leurs créations.

À son actif, reconnaissons tout de même au Gouvernement le mérite de la cohérence. Ce manque cruel de vision à long terme l'amène, en effet, à proposer des dispositions en parfaite adéquation avec son incapacité à saisir les évolutions à l'œuvre dans la société d'aujourd'hui. Au mieux, ces mesures seront inefficaces ou inadaptées ; au pire, elles auront des conséquences fort dommageables pour la diversité et la création culturelle dans notre pays.

Force est de constater que le projet de loi qu'il nous est proposé d'adopter part sur les mêmes bases que l'ensemble des textes qui nous ont été présentés en ce domaine depuis 2002 et tout particulièrement l'année dernière. La dimension répressive est toujours privilégiée.

Résultat logique me direz-vous : ce projet de loi ne se contente pas simplement de transposer une directive, il ajoute des sanctions supplémentaires, se lançant ainsi dans ce que Philippe Aigrain nomme « une course aux armements de la propriété intellectuelle ». L'idée de la riposte graduée est peut-être venue de là.

L'assimilation du contournement d'une mesure technique de protection à de la contrefaçon, j'y reviendrai dans quelques instants, en est la parfaite illustration.

Transposer une directive ne doit cependant pas nous faire oublier notre rôle de régulateur. Au contraire, il doit nous amener à nous interroger sur des dispositions qui se révèlent aujourd'hui plus problématiques qu'il n'y paraissait il y a quatre ans. Or vous avez fait le contraire : vous avez ignoré les difficultés et durci les problèmes.

Ce durcissement est particulièrement vrai pour les dispositions relatives aux mesures techniques de protection, sur lesquelles je souhaiterais concentrer un instant mon propos.

Jusqu'à présent, la protection des droits sur les œuvres était essentiellement juridique. Désormais, des techniques et systèmes numériques permettent d'envisager une protection physique des documents audiovisuels ou multimédias et des droits d'auteur qui s'y rattachent. Pourtant, aucun de ces procédés ne résiste à l'épreuve de l'inventivité des ingénieurs et des hackers. Les logiciels de contrôle peuvent être contournés, les algorithmes de codage et le marquage neutralisés. Les promoteurs des mesures techniques de protection l'ont bien compris, et, conscients de la vulnérabilité de ces mesures, ils ont souhaité que les mesures techniques soient elles-mêmes protégées, ce que font le traité de l'OMPI - organisation mondiale sur la propriété intellectuelle - de 1996 et la directive sur le droit d'auteur et les droits voisins.

Ainsi, s'est constitué un empilement de protections. D'abord, la loi sur le droit d'auteur. Ensuite, les mesures techniques de protection qui contrôlent l'accès ou l'utilisation d'une l'œuvre. Puis, à un troisième niveau, la protection de la mesure technique de protection - un utilisateur qui la contournerait se rendrait coupable de deux actes répréhensibles : la violation du droit d'auteur, d'une part, et la violation des dispositions relatives aux mesures techniques, d'autre part. Mais, alors que la directive ne le requiert pas, je le répète, le projet de loi rajoute un quatrième niveau de protection en considérant comme un délit le fait de divulguer ou de rendre publique une information sur le contournement des mesures techniques.

Gardons à l'esprit, mes chers collègues, que les mesures techniques de protection ne constituent pas à l'origine - d'ailleurs, elles n'ont pas été pensées ainsi - une réponse aux échanges de fichiers sur les réseaux peer to peer. Car la directive qu'il nous est proposé de transposer aujourd'hui remonte à 1996, puisqu'elle a pour objet d'intégrer dans le droit européen le traité de l'organisation mondiale sur la propriété intellectuelle, lequel introduit en droit international la notion de mesures de protection contre la copie. Elle est donc antérieure au phénomène du peer to peer, qui, lui, ne démarre qu'en 1999. Aussi, en 1998, date à laquelle les négociations ont été entamées autour de ce projet de directive, nous n'avions qu'une idée vague de ce que recouvraient réellement les mesures techniques de protection. Aujourd'hui, nous en avons une idée plus précise, et sans doute convient-il de distinguer les finalités qui peuvent leur être assignées.

Certaines mesures techniques se contentent de notifier à l'utilisateur le régime de protection de l'œuvre : ce qu'il a le droit de faire avec cette œuvre et comment s'acquitter, le cas échéant, du paiement d'une redevance. Ce type de mesure technique ne soulève aucune objection de principe. Il participe, au contraire, d'une démarche de responsabilisation des utilisateurs.

D'autres mesures, en revanche, ont pour objet de contrôler ou de restreindre l'utilisation des œuvres. Ces dispositifs peuvent être « anti-copie » - interdiction ou limitation de la copie - « anti-usage » - la lecture n'est possible que sur certaines marques de logiciels ou de matériels - ou encore être des dispositifs d'identification de l'utilisateur, de tatouage de l'œuvre ou bien de traçage de l'usage.

Au-delà de leurs aspects intrusifs - je pense au fameux rootkit de Sony que les éditeurs de logiciels anti-virus ont récemment classé dans la catégorie espions -, la généralisation de ces dispositifs de protection ne va pas sans poser de problèmes et risque de transformer en profondeur le régime du droit d'auteur.

D'abord, les mesures techniques de protection peuvent porter atteinte à la vie privée, notamment en violant le secret des choix de programmes. Certaines peuvent même espionner les utilisateurs qui accèdent à des œuvres sur leur ordinateur relié à l'Internet, et envoyer des données vers un serveur à leur insu. De tels dispositifs autorisent ainsi un industriel à savoir qui lit quelleœuvre et à quel moment !

Elles peuvent également faire obstacle à la faculté de procéder à des copies privées, et leur développement non contrôlé annulerait de fait l'exception reconnue en la matière. Comment, par exemple, un utilisateur pourrait-il accepter de payer une taxe « copie privée » sur les supports vierges - ou plus exactement une redevance - et, dans le même temps, se voir interdire par une mesure technique de protection le droit effectif à la copie privée ? De plus, la directive repose sur un mauvais équilibre, et il est à craindre que ces exceptions pour copie privée ne soient peu a peu annulées par les progrès technologiques des mesures de protection.

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Enfin, les mesures techniques de protection posent un problème d'interopérabilité. Didier Mathus et Christian Paul avant moi ont longuement évoqué cette question, mais je souhaite y revenir.

Il nous faut lever l'incertitude des consommateurs quant à la capacité du matériel dont il dispose à lire une œuvre acquise « légalement » - j'insiste sur ce point. Le fournisseur doit donner tous les éléments qui garantissent que les œuvres protégées peuvent être converties dans un format accepté par tout autre système de lecture.

Mais, plus globalement, la généralisation des mesures techniques de protection est également préoccupante puisqu'elle place la filière musicale sous la dépendance d'une poignée de fournisseurs de solutions techniques que sont Microsoft, Apple ou Sony. Le secteur de la musique, déjà fortement concentré, est en train de confier son avenir à des acteurs industriels de l'informatique dont le modèle économique repose sur l'organisation de marchés captifs : Microsoft via Windows Media Audio, Apple via l'iPod. Mais, comble du paradoxe, nombre des technologies de numérisation et de diffusion des biens culturels ont été développées grâce à des financements communautaires comme le MP3, le DivX, le VLC à l'École Centrale ou encore certains des meilleurs logiciels de peer to peer. Au lieu de s'appuyer sur ce potentiel d'innovation, la filière musicale se tourne vers des solutions techniques américaines, Microsoft principalement, au lieu de se conformer au patriotisme économique prôné par le Premier ministre !

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Christian Paul a rappelé hier, disais-je, le casse-tête auquel est confronté tout détenteur de baladeur numérique. D'ailleurs, d'ici trois jours, je puis vous garantir que ces appareils, peu importe la marque, figureront en bonne place au pied des sapins de Noël.

Or quel message envoyez-vous à leurs futurs propriétaires ? « Attention, vous êtes des délinquants potentiels. Attention, vous allez être bientôt des pirates. »

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Avec un iPod, je ne peux transférer les titres d'un CD qui comporte des mesures techniques de protection même si je l'ai acheté légalement. Pour les lire, je suis obligé de les contourner. Sanction prévue par le projet de loi : jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende.

Avec un iPod, je ne peux transférer un titre acheté dans une boutique en ligne - e-Compil, fnacmusic ou virginmega : les marchands du temple qui étaient hier après-midi à proximité immédiate de cet hémicycle -, les formats et les mesures techniques de protection de ces plates-formes n'étant pas compatibles avec les formats acceptés par mon baladeur numérique. Pour le lire, je vais donc devoir contourner les mesures techniques de protection installées par la maison de disque. Sanction prévue par le projet de loi : jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende.

La FNAC - premier vendeur européen d'iPod - vend sur sa plate-forme de musique en ligne des fichiers protégés par le format et les mesures techniques de protection Microsoft que l'iPod ne peut pas lire. Dès lors, elle donne l'astuce pour contourner la mesure technique et recommande à ses clients de graver le titre qu'ils ont acheté sur sa plate-forme pour pouvoir le lire sur l'iPod qu'elle leur a vendu. Sanction prévue par le projet de loi : jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende.

Avec un iPod, la seule option légale qui m'est offerte, si je souhaite acheter de la musique en ligne, c'est de me rendre sur la plate-forme iTunes d'Apple. Le but du projet de loi serait-il donc de conforter le monopole d'Apple qui contrôle déjà le plus grand parc de baladeurs numériques ?

Il me reste néanmoins la solution d'acheter un second baladeur, d'une autre marque, qui accepte les formats Microsoft pour lire les titres que j'achète sur d'autres plates-formes, fnacmusic ou virginmega. Le but du projet de loi serait-il alors, dans ce cas, de renforcer le monopole de Microsoft sur les systèmes d'exploitation, alors que c'est justement pour avoir lié Windows et Windows Media - le format de diffusion de musique et de films - que cette société a été récemment condamnée pour abus de position dominante par la Commission européenne ?

Alors certes, quel que soit mon baladeur, je peux lire de la musique en format MP3. Mais, malheureusement, aucune des grandes plates-formes de musique en ligne n'en propose à la vente. Je suis donc obligé d'aller sur les réseaux d'échangess peer to peer. Sanction prévue par le projet de loi : jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende.

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Mais, comme je l'ai souligné au début de mon intervention, vous avez bien saisi que cet arsenal répressif était mal compris, mal perçu et surtout fortement contesté. Alors vous nous avez sorti cet amendement n° 228 qui instaure une « réponse graduée » au peer to peer, que nous considérons davantage comme une riposte. Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles il nous a été transmis, qui constituent une injure au débat parlementaire. Mais avouez tout de même que la création d'un nouveau chapitre dans le code de la propriété culturelle, composé de sept nouveaux articles, méritait un examen plus sérieux ! Nous n'avons eu l'amendement que hier soir !

De quoi s'agit-il ? Ni plus ni moins que de dispositions dignes de la loi « anti-casseurs », qui instaurent une responsabilité pénale collective en créant de nouvelles obligations à l'égard des abonnés d'Internet. Il appartient en effet désormais aux internautes de « prendre les précautions nécessaires pour ne pas reproduire, représenter ou communiquer au public des œuvres de l'esprit sans autorisation des titulaires des droits d'auteur ». La peine plancher se situe entre 150 et 300 euros d'amende en cas de récidive dans l'année qui suit une première mise en demeure et s'élève à 1 500 euros les deux années suivantes. Compte tenu du nombre de personnes qui sont obligées de contourner les mesures techniques de protection, il y a fort à parier que de telles dispositions seront source d'un important contentieux.

C'est pour cela que vous avez choisi, avec l'amendement n° 225, de transformer le collège des médiateurs en autorité de médiation et de protection de la propriété littéraire et artistique. Cette nouvelle autorité administrative indépendante sera ainsi chargée de statuer sur les différends nés de l'utilisation des mesures techniques et de prononcer les sanctions à l'encontre des internautes. Il y a vraiment deux poids, deux mesures, ce qui est insupportable : à l'endroit de l'industrie culturelle, qui porte sciemment atteinte au droit à la copie privée, le Gouvernement choisit la conciliation a posteriori ; à l'encontre des internautes, il choisit la répression aveugle. Ainsi, il contourne la justice qu'il trouve trop clémente vis-à-vis des internautes et trop sévère avec l'industrie culturelle. À cet égard, Christian Paul a eu raison de faire un rappel au règlement pour demander que le garde des sceaux soit présent dans cet hémicycle quand nous discuterons de ces deux amendements, auxquels tout laisse à penser que la Chancellerie est fondamentalement opposée, eu égard à ce qu'est le droit dans notre pays.

Il ne s'agit donc que de la mise en place d'une justice d'exception qui n'a pour principal objectif que de servir, une fois de plus, les intérêts de l'industrie culturelle. Quel sens de la graduation !

Tels sont, mes chers collègues, les problèmes concrets posés par les mesures techniques et les contradictions qu'elles recèlent. On marche sur la tête ! Vous en conviendrez, il faut encadrer strictement l'application de ces dispositions.

Ainsi, si les amendements que nous proposons étaient adoptés, le bénéfice de l'utilisation d'une mesure de protection serait relativisé pour les ayants droit et des garanties d'interopérabilité, essentielles pour les utilisateurs de logiciels libres, leur seraient apportées.

Je veux bien évidemment ici faire référence aux deux amendements identiques qui visent à rendre obligatoire l'intégration de mesures techniques de protection pour tout logiciel de communication, amendements que nous appelons communément « amendements Vivendi Universal ». Ils nous inquiètent fortement car les dispositions qu'ils proposent auront pour effet de brider l'innovation dans les technologies de diffusion, notamment pour les logiciels libres et les logiciels destinés à organiser l'interopérabilité. Les effets de ces amendements dépassent très largement le seul périmètre de la musique en ligne, et nous ne pouvons accepter que, sous couvert de transposer une directive, le Gouvernement outrepasse le cadre qui lui a été fixé et en profite pour entamer un processus d'éradication du libre.

[...]

Notre opposition n'est pas le fruit d'un hasard, pas plus qu'elle ne résulte d'une volonté farouche de s'opposer coûte que coûte à ce projet de loi. L'opposition à ce texte ne se situe d'ailleurs pas seulement dans nos rangs. Notre démarche est fondée sur le refus de rentrer dans des logiques uniquement répressives qui, de toute façon, sont vouées à court terme à l'échec. Mais, entendons-nous bien et évitons les faux procès : si nous ne souscrivons pas à une stratégie d'éradication progressive des réseaux peer to peer, nous ne souhaitons pas pour autant adopter une stratégie de laisser-faire. Entre les deux, il existe d'autres solutions envisageables qu'une concertation préalable et a fortiori un renvoi en commission permettraient d'explorer.

L'Internet et les réseaux peer to peer sont les laboratoires où s'activent les créateurs d'aujourd'hui, où vit une partie de notre jeunesse et où s'inventent les cultures numériques de demain. L'utilisation de ces réseaux est durablement inscrite dans les pratiques de millions d'internautes. Avec 250 millions d'utilisateurs dans le monde en cinq ans, le peer to peer constitue en effet la technologie adoptée le plus rapidement de tous les temps. C'est une architecture de diffusion remarquablement efficace et économe en bande passante. Il s'agit là d'un instrument idéal pour la valorisation desœuvres du domaine public ainsi qu'un puissant outil de découverte, d'exposition et de promotion des œuvres.

La croissance exponentielle du peer to peer, fondée sur l'augmentation du nombre d'internautes et les effets de réseaux, ainsi que ses qualités intrinsèques le rendent incontournable pour les acteurs des industries culturelles. Nous récusons l'idée selon laquelle il serait un fléau qu'il faudrait combattre, une nuisance qu'il faudrait endiguer, une parenthèse qu'il conviendrait de refermer, tout comme nous récusons l'idée selon laquelle il constituerait un espace de gratuité qu'il faudrait à tout prix préserver, ou encore l'idée selon laquelle il annoncerait la fin des intermédiaires que sont les éditeurs et les producteurs.

Mais ce qui est certain, c'est que la situation actuelle ne peut plus perdurer : poursuites judiciaires de l'industrie musicale à l'encontre du public, insécurité juridique pour des millions de personnes, qui touchera bientôt d'autres utilisateurs après Noël, absence de rémunération pour les œuvres téléchargées et échangées. Il est plus qu'urgent désormais d'imaginer les solutions qui permettent d'encadrer ces pratiques, tout en les intégrant dans l'économie culturelle.

Ainsi, entre la stratégie d'endiguement du peer to peer et le laisser-faire, il existe une voie moyenne qui consiste à reconnaître la légitimité des échanges non-commerciaux et à en encadrer l'exercice. En tout état de cause, l'utilisation des œuvres doit donner lieu à une rémunération. Et le groupe socialiste, dans cet hémicycle, n'est en rien l'avocat de la gratuité. D'abord, parce que la gratuité sur Internet, loin de se développer, est prise dans l'étau de logiques commerciales qui la font plutôt régresser. Ensuite, parce que, notre groupe est attaché aux droits d'auteur et qu'il revendique, plus que jamais, des solutions novatrices pour que les auteurs soient rémunérés.

À ce titre, les fournisseurs d'accès à Internet sont aujourd'hui, avec les fournisseurs d'équipement, de stockage et de lecture, les principaux bénéficiaires du téléchargement des œuvres. Par conséquent, ils ne peuvent s'exonérer d'une double obligation : vis-à-vis de leurs abonnés, à qui ils doivent garantir une certaine sécurité juridique, et vis-à-vis des créateurs, dont lesœuvres sont massivement utilisées sans aucune contrepartie.

Je crois qu'il y a deux manières d'aborder cette question de la rémunération.

La première s'inscrit dans une logique de compensation du préjudice. Elle tend à considérer que le téléchargement se substitue à l'achat d'œuvres fixées sur CD ou DVD, ou disponibles sur les plates-formes commerciales. Mais l'ampleur des effets de substitution et du manque à gagner qui en résulte est controversée et, en tout état de cause, difficile à mesurer.

La seconde manière part du constat simple que les échanges d'œuvres protégés sur Internet n'engendrent aucune rémunération pour les créateurs. Il s'agit dès lors d'étendre aux échanges de fichiers non commerciaux les mêmes principes que ceux qui ont présidé, dans le passé, à l'instauration de rémunérations forfaitaires - redevance pour copie privée sur les supports vierges, rémunération équitable en matière de radio.

C'est à cette seconde option que va notre préférence. Cette démarche n'est d'ailleurs pas très différente de celle qui conduisit, en 1985, le législateur à reconnaître le phénomène de la copie privée et à l'encadrer par l'instauration d'un mécanisme de rémunération, assis au départ sur les supports vierges analogiques puis étendu aux supports numériques. La philosophie de la rémunération pour copie privée n'est pas de faire payer les utilisateurs pour les autoriser à faire des copies privées. Elle vise en fait les fabricants et les importateurs de supports, analogiques et numériques, qui tirent profit de la vente de supports permettant de réaliser ces copies. Son extension aux échanges sur Internet aboutirait ainsi à faire supporter la rémunération des créateurs par les fournisseurs d'accès à Internet.

C'est pourquoi, à travers nos amendements, nous faisons la proposition d'expérimenter, de manière provisoire, une licence globale contractuelle. Il s'agit de donner une autorisation aux internautes d'accéder à des contenus culturels sur Internet et de les échanger entre eux, à des fins non commerciales en contrepartie d'une rémunération versée aux auteurs à l'occasion du paiement mensuel de l'abonnement Internet.

[...]

Mais, monsieur Cazenave, écoutez au lieu de monter au créneau dès que vous entendez les mots de « licence globale ». Cela fait près d'une heure, en faisant, je l'espère, preuve de pédagogie, que j'explique ce à quoi nous pourrions unanimement aboutir. Je veux parler de cette solution moyenne, qui refuse la répression comme la gratuité et le laisser-faire, en créant une rémunération pour les auteurs dans la logique même des lois de 1957 et de 1985.

Nous proposons de mettre en œuvre la licence globale contractuelle pour une durée de trois ans, afin d'en mesurer tous les effets. Elle constitue pour nous une mesure de sauvegarde à même d'éviter le tout répressif contre lequel nous ne cessons de nous élever et susceptible de clarifier la ligne de partage entre ce qui deviendrait clairement licite et ce qui resterait illicite, comme la contrefaçon à grande échelle de CD et de DVD réalisée à des fins commerciales et à laquelle il convient de s'attaquer.

Elle permet également de remédier à l'absence de rémunération pour les œuvres échangées, car nous savons bien que la gratuité n'est pas le motif essentiel des internautes. Elle leur est plutôt imposée, si j'ose dire, puisqu'ils ne se voient proposer aucune solution leur permettant de rémunérer les œuvres auxquelles ils veulent avoir accès. J'ajoute qu'un récent sondage montre que 75 % des internautes sont prêts à payer près de 7 euros par mois pour accéder librement aux réseaux d'échangess.

Une telle solution repose sur deux fondements. Tout d'abord, il convient d'entériner la jurisprudence actuelle qui considère que les téléchargements sur les réseaux peer to peer relèvent de l'exception pour copie privée. C'est tout le sens d'un amendement que le groupe socialiste a déposé et qui vise à créer cet espace de sécurité juridique pour les utilisateurs des réseaux numériques qui sont amenés à effectuer toutes sortes de reproductions d'œuvres protégées : consultation de sites web, réception d'œuvres par courrier électronique, téléchargements dans les news group ou à partir de réseaux peer to peer ou encore de radios en ligne.

Le second fondement est une rétribution pour les ayants droit au titre du droit exclusif de mise à la disposition du public. Cette autorisation est donnée aux internautes, et la rémunération est ensuite redistribuée aux auteurs, aux artistes-interprètes et aux producteurs. Le rapport du professeur Lucas constate d'ailleurs qu'une telle solution est comparable à celle qui a conduit le législateur à créer un régime très spécifique de gestion collective obligatoire dans l'hypothèse de la reprographie, c'est-à-dire de la possibilité de faire des photocopies. Elle donne toute sa place à la gestion collective à laquelle, nous socialistes, sommes particulièrement attachés. D'ailleurs, nous serons très vigilants sur les initiatives de la Commission européenne visant à ouvrir à la concurrence le secteur de la gestion collective, ce qui pourrait fragiliser la position des créateurs et conduire à un « moins-disant culturel ». Nous espérons que le Gouvernement fera preuve de la même vigilance que nous.

Voilà donc une solution adaptée au réseau, une solution qui ne va pas à contre-courant des usages de millions d'internautes. Voilà une solution qui permet de rémunérer les ayants droit et qui met fin au principe de gratuité dans la clarté. L'Alliance public-artistes, qui défend également la licence globale, a d'ailleurs fait un calcul fort intéressant. Sur la base d'une perception mensuelle de 5 euros, prélevée au niveau des fournisseurs d'accès à Internet et auprès des internautes connectés au haut débit, 600 millions d'euros auraient déjà pu revenir aux ayants droit dont les œuvres sont utilisées. C'est dire si la situation qui prévaut actuellement, et que vous souhaitez renforcer, pénalise lourdement les créateurs.

Cela dit, il faut rappeler ici le caractère illicite d'activités qui compromettent l'exploitation normale des œuvres, comme le téléchargement d'œuvres avant leur fixation sur un support ou avant l'exploitation en salle pour les films. Il importe, dans le domaine cinématographique, de respecter la chronologie des médias. C'est la raison pour laquelle aucun de nos amendements ne concernera cette activité.

Bien sûr, les adversaires d'une solution équilibrée considèrent que tous les internautes ne fréquentent pas forcément les réseaux d'échangess, ce en quoi ils ont raison. C'est pourquoi, nous souhaitons que cette licence globale revête un caractère optionnel, ce qui n'obligerait pas ceux qui n'effectuent pas de téléchargements, à part ceux qui fréquentent les plates-formes payantes, d'y souscrire.

J'insiste à nouveau sur le fait qu'un tel dispositif devrait être mis en place pour une durée provisoire afin de tester son efficacité et de ne pas compromettre des développements futurs. Le secteur de la musique en ligne est en effet en pleine évolution. Les grandes maisons de disques, comme les labels indépendants, développent actuellement des offres commerciales à partir de forfaits et d'une nouvelle génération innovante de plates-formes fondées sur les technologies peer to peer.

Un régime transitoire aurait pour effet d'accompagner l'industrie de la musique dans sa transition numérique, laquelle, je le rappelle, est inéluctable à plus ou moins long terme. Et, sans préjuger ce que doit être le modèle de la musique en ligne de demain, cette solution a, en raison de son caractère provisoire, l'avantage de ne fermer aucune porte et de n'écarter aucune piste. Elle permet, au contraire, de poursuivre la réflexion pour mettre au point les modèles économiques, techniques et sociaux qui sembleront les plus pertinents.

Monsieur le ministre, vous nous demandez d'approuver un projet de loi qui fait, je le répète, la part trop belle aux mesures répressives. Soyons réalistes : vous savez bien, tout comme les acteurs de la filière musicale d'ailleurs, que la multiplication des procès et les stratégies défensives de lutte contre les réseaux peer to peer sont vaines. Elles produiront, si ce n'est déjà fait, l'inverse des effets attendus et conduiront en définitive à affaiblir le droit d'auteur.

Faute d'une analyse approfondie de la situation, faute de propositions innovantes et adaptées à la société de l'information, votre texte, s'il n'est pas sérieusement amendé, sera inapplicable et source d'importants contentieux. Or le but de la loi n'est pas d'être ainsi dévalorisée et délégitimée.

Et il y a aussi les dommages collatéraux, les effets induits. Le droit d'auteur ne concerne pas uniquement l'industrie culturelle : il régit également des pans entiers de la société des connaissances et du savoir. Nous ne pouvons l'ignorer, comme vous ne pouvez ignorer les divisions, celles que suscite votre texte parmi l'ensemble des professions concernées - producteurs, créateurs, sociétés de gestion collective -, mais aussi chez les juristes, les économistes, et même dans votre propre majorité, monsieur le ministre.

Affaiblissement du droit d'auteur, dévalorisation de la loi, dommages collatéraux pour de nombreux secteurs, contestations, divisions : à l'évidence, ce projet de loi n'est pas mûr. Peut-être son âge maintenant avancé - deux ans, rendez-vous compte ! - l'empêche-t-il de saisir l'ensemble des problématiques et des enjeux actuels. Il nous semble donc que l'Assemblée nationale doit disposer de plus de temps et de moyens. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de ce texte en commission.