PPL Surveillance internationale/Analyse : Différence entre versions

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=Une protection insuffisante des communications rattachables au territoire national=
 
=Une protection insuffisante des communications rattachables au territoire national=
y compris celles de citoyens français et de personnes résidant en France. En effet, une grande partie des communications entre Français passe par des serveurs situés à l'étranger.  
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La proposition de loi prévoit une collecte de masse de toute les communications internationales, y compris celles '''émises ou reçues''' à l'étranger. Cela implique une collecte par défaut des communications entre personnes dont les identifiants sont rattachables au territoire national (numéro de téléphone français ou adresse IP française) mais dont les communications passeraient par l'étranger (utilisation de services dont les serveurs sont situés à l'étranger comme Google, hotmail, Skype, par exemple. Pour plus de détails, voir notamment le §9.1 de l'[http://www.fdn.fr/pjlr/amicus1.pdf amicus curiae]).
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Il est précisé que la surveillance '''individuelle''' des communications de personnes utilisant des numéros d'abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoires national ne sont pas soumises à ce régime (numéro de téléphone français, adresse IP française). La collecte des communications de ces personnes serait donc possible, mais elles seraient "instantanément détruites". Cela implique une intervention spécifique pour détruire les communications rattachables à la France, automatique ou manuelle, sans que le texte ne précise rien.
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D'autre part, les *citoyens français* dont les communications ne sont pas rattachables au territoire national ne bénéficieront pas de la protection réservée aux personnes dont les communications seront rattachables au territoire national. Ce texte introduit une rupture dans l'universalité des droits entre citoyens français rattachables au territoire national et citoyens français non rattachables au territoire national, mais aussi avec les citoyens européens qui ne sont pas protégés par le texte. La destruction instantanée de ces communications (dès lors qu'on s'aperçoit qu'elles sont rattachées au territoire nationale, c'est à dire après collecte et stockage) ne constitue pas une assurance du respect du droit à la vie privée, et des libertés de communication et d'information.
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Deux exceptions sont prévues par la loi et permettent au services de renseignement de mettre en place leurs techniques de surveillance internationale pour des communications rattachables au territoire français. Les personnes qui communiquent depuis l'étranger et qui:
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* soit faisaient l’objet d’une  autorisation  d’interception de sécurité en application de l’article  L. 852-1 à la  date à laquelle elles ont quitté le territoire national,
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* soit sont  identifiées comme présentant une menace au regard des intérêts  fondamentaux de la Nation mentionnés à l’article L. 811-3.
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D'une part, cela donne aux différents services de renseignement un droit de communication, voire la possibilité pour la DGSI d'utiliser les techniques de la DGSE, sans même un avis préalable de la CNCTR. D'autre part, le Premier ministre peut décider seul et sans aucun contrôle qu'une personne présente une menace au regard des intérêts fondamentaux de la nation. (Notion qui apparait dans l'art. 851-3 de la LR)
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Enfin, la disposition prévoit que les communications électroniques échangées entre personnes ou équipements rattachables au territoires national doivent être détruites. Or il n'est pas précisé si les communications électroniques entre une personne ou équipement rattachable au territoire nationale et une autre personne non rattachable au territoire national doivent etre détruites ou non. Cela laisse ainsi un véritable vide juridique pour toute personne souhaitant communiquer à l'étranger.
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=> Propositions d'amendements :
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    «  Ces mesures ne peuvent avoir pour objet  d’assurer la surveillance individuelle des communications de personnes utilisant des numéros  d’abonnement ou des identifiants techniques  rattachables au territoire  national, à l’exception du cas où ces  personnes communiquent depuis  l’étranger et soit faisaient l’objet d’une  autorisation d’interception  de sécurité en application de l’article  L. 852-1 à la date à laquelle  elles ont quitté le territoire national,  soit sont identifiées comme  présentant une menace au regard des intérêts  fondamentaux de la Nation  mentionnés à l’article L. 811-3.
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    « Sauf dans les cas où sont en cause les  personnes mentionnées au troisième alinéa du présent I, lorsqu’il  apparaît que  des communications électroniques sont échangées entre des personnes ou équipements <insert> dont au moins l'un d'entre eux utilise </insert> des numéros  d’abonnement ou des  identifiants  techniques rattachables au territoire  national,  y compris  lorsque ces  communications transitent par des équipements  non  rattachables à ce  territoire, les communications sont  instantanément  détruites.  
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=Un contrôle limité et a posteriori=
 
=Un contrôle limité et a posteriori=

Version du 14 septembre 2015 à 14:58

Introduction

En juillet 2015, le Conseil constitutionnel a validé l'ensemble de la loi sur le renseignement à l'exception de quelques dispositions dont celle, majeure, sur la surveillance internationale. Selon le Conseil constitutionnel, cette disposition, silencieuse sur les conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés ainsi que sur le contrôle par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), ne comportait pas suffisamment de garanties aux citoyens.

Le 1er juillet, L'Obs publiait un article dévoilant l'existence d'un décret secret pris par Nicolas Sarkozy en 2008 et autorisant la DGSE à espionner les communications internationales transitant par les câbles sous-marins qui relient l'Europe au reste du monde. Ce décret ne reposait sur aucune base légale et La Quadrature du Net, la Fédération FDN et French Data Network (FDN) ont donc décidé de l'attaquer le 31 août devant le Conseil d’État via deux procédures, l'une en référé-suspension, et l'autre au fond. Le 9 septembre, Le Conseil d'État a signifié sa décision de rejet du référé référé, marquant ainsi sa volonté de ne pas faire du respect de la vie privée une urgence absolue.

Le 10 septembre, soit le lendemain du rejet du référé, une proposition de loi sur la surveillance internationale était déposée par deux députés. Cette proposition est en réalité issue du gouvernement, qui, pour éviter la publication d'une étude d'impact et d'une étude budgétaire, a préféré passer par le biais de la proposition de loi.

Cette proposition de loi semble très clairement avoir pour objectif de légaliser les pratiques existantes révélées par L'Obs. Le vocabulaire est intéressant car on ne parle plus d'une loi sur le renseignement, mais sur la surveillance internationale. Il s'agit bien d'une surveillance massive des communications internationales, indépendamment des menaces possibles. Et le contrôle de la CNCTR, trop faible dans le cadre du renseignement national, est quasi inexistant dans cette nouvelle proposition. Le texte omet même de mentionner la conclusion d'accords entre les différents services de renseignement de différents pays (portant sur l'échange de données de leurs citoyens respectifs par exemple), laissant un vide juridique béant sur des accords pouvant être extrêmement attentatoires au droits fondamentaux et aux libertés.

Le texte comprend deux articles uniquement, l'un afin d'ajouter un chapitre IV sur les mesures de surveillance des communications internationales au code de la sécurité intérieure, et l'autre afin de compléter le code de justice administrative.

Des finalités disproportionnées et inintelligibles

Le texte fait référence à l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, introduit par la loi sur le renseignement. La surveillance peut ainsi être autorisée "aux seules fins de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation". Or ces finalités sont extrêmement larges et incluent la liste suivante :

  • La sécurité nationale ;
  • Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l'exécution des engagements européens et internationaux de la France ;
  • Les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France ;
  • La prévention du terrorisme ;
  • La prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous en application de l'article L. 212-1 ;
  • La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;
  • La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.

Dans leur amicus curiae soumis au Conseil constitutionnel pour appuyer la saisine parlementaire sur la loi sur le renseignement, FDN, FFDN et La Quadrature du Net avaient mis en lumière l'aspect disproportionné de certaines finalités ainsi que leur inintelligibilité. Ces finalités sont toutes reprises par la proposition de loi sur la surveillance internationale, permettant une surveillance massive des communications pour chacune des finalités, légalisant ainsi toute activité de contre-espionnage, espionnage économique, mais aussi l'espionnage des organisations citoyennes, largement visées par le texte.

Une surveillance massive

Le texte prévoit la possibilité pour les services de renseignement de collecter massivement toutes les données sur les systèmes de communication désignés par le Premier ministre (Art. L. 854-1 II). Il revient ainsi au Premier ministre de décider quels systèmes de communication seront visés. Rien ne sera fixé dans la loi. Ces autorisations évolueront donc en fonction de l'évolution des techniques de communication, sans que les citoyens puissent avoir une vision claire des techniques pouvant être mises en œuvre par les services de renseignement. Aucune limitation de durée n'est prévue.

Toutes les données transitant sur ces systèmes de communication seront ainsi collectées, et les autorisations données par le Premier ministre ne porteront que sur l'exploitation de ces données interceptées. Les autorisations seront données de façon extrêmement large :

  • pour une durée d'un an renouvelable pour l'exploitation non individualisée de données de connexions pour une ou des finalités données et les types de traitement mis en œuvre. Il s'agit donc d'une analyse massive des données de connexion recueillies, sans aucun ciblage a priori et la totalité des données de connexion (non rattachables à la France), y compris des citoyens européens, peuvent faire l'objet d'une collecte massive et d'une exploitation, sans aucun contrôle a priori.
  • pour une durée de quatre mois renouvelable pour les communications ou les seules données de connexion provenant de zones géographiques (toute l'Afrique, toute l'Amérique du Nord, toute l'Amérique du Sud), organisations (toute la société X, toute l'ONG X), personnes ou groupes de personnes définis. Cette mesure permet de mettre en place une surveillance massive des communications plus ou moins ciblée en fonction des besoins. L'argument de la lutte contre le terrorisme ne tient pas pour justifier une telle surveillance et l'espionnage économique, le contre-espionnage, l'espionnage des organisations citoyennes sont largement visés. Contrairement aux boites noires qui sont limitées à la lutte contre le terrorisme, toutes les finalités sont ici valables.

Amendements nécessaires :

  • Inclure dans la loi la liste des systèmes de communication qui peuvent être utilisés
  • Diminuer la durée de validité des autorisations pour l'interception des données de connexion à 4 mois
  • N'autoriser qu'une collecte ciblée et une exploitation ciblée sur des groupes ou personnes spécifiques à surveiller

Une protection insuffisante des communications rattachables au territoire national

La proposition de loi prévoit une collecte de masse de toute les communications internationales, y compris celles émises ou reçues à l'étranger. Cela implique une collecte par défaut des communications entre personnes dont les identifiants sont rattachables au territoire national (numéro de téléphone français ou adresse IP française) mais dont les communications passeraient par l'étranger (utilisation de services dont les serveurs sont situés à l'étranger comme Google, hotmail, Skype, par exemple. Pour plus de détails, voir notamment le §9.1 de l'amicus curiae).

Il est précisé que la surveillance individuelle des communications de personnes utilisant des numéros d'abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoires national ne sont pas soumises à ce régime (numéro de téléphone français, adresse IP française). La collecte des communications de ces personnes serait donc possible, mais elles seraient "instantanément détruites". Cela implique une intervention spécifique pour détruire les communications rattachables à la France, automatique ou manuelle, sans que le texte ne précise rien.

D'autre part, les *citoyens français* dont les communications ne sont pas rattachables au territoire national ne bénéficieront pas de la protection réservée aux personnes dont les communications seront rattachables au territoire national. Ce texte introduit une rupture dans l'universalité des droits entre citoyens français rattachables au territoire national et citoyens français non rattachables au territoire national, mais aussi avec les citoyens européens qui ne sont pas protégés par le texte. La destruction instantanée de ces communications (dès lors qu'on s'aperçoit qu'elles sont rattachées au territoire nationale, c'est à dire après collecte et stockage) ne constitue pas une assurance du respect du droit à la vie privée, et des libertés de communication et d'information.

Deux exceptions sont prévues par la loi et permettent au services de renseignement de mettre en place leurs techniques de surveillance internationale pour des communications rattachables au territoire français. Les personnes qui communiquent depuis l'étranger et qui:

  • soit faisaient l’objet d’une autorisation d’interception de sécurité en application de l’article L. 852-1 à la date à laquelle elles ont quitté le territoire national,
  • soit sont identifiées comme présentant une menace au regard des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés à l’article L. 811-3.

D'une part, cela donne aux différents services de renseignement un droit de communication, voire la possibilité pour la DGSI d'utiliser les techniques de la DGSE, sans même un avis préalable de la CNCTR. D'autre part, le Premier ministre peut décider seul et sans aucun contrôle qu'une personne présente une menace au regard des intérêts fondamentaux de la nation. (Notion qui apparait dans l'art. 851-3 de la LR)

Enfin, la disposition prévoit que les communications électroniques échangées entre personnes ou équipements rattachables au territoires national doivent être détruites. Or il n'est pas précisé si les communications électroniques entre une personne ou équipement rattachable au territoire nationale et une autre personne non rattachable au territoire national doivent etre détruites ou non. Cela laisse ainsi un véritable vide juridique pour toute personne souhaitant communiquer à l'étranger.

=> Propositions d'amendements :

   «  Ces mesures ne peuvent avoir pour objet  d’assurer la surveillance individuelle des communications de personnes utilisant des numéros  d’abonnement ou des identifiants techniques  rattachables au territoire  national, à l’exception du cas où ces  personnes communiquent depuis  l’étranger et soit faisaient l’objet d’une  autorisation d’interception  de sécurité en application de l’article  L. 852-1 à la date à laquelle  elles ont quitté le territoire national,  soit sont identifiées comme  présentant une menace au regard des intérêts  fondamentaux de la Nation  mentionnés à l’article L. 811-3. 
   « Sauf dans les cas où sont en cause les  personnes mentionnées au troisième alinéa du présent I, lorsqu’il  apparaît que  des communications électroniques sont échangées entre des personnes ou équipements <insert> dont au moins l'un d'entre eux utilise </insert> des numéros  d’abonnement ou des  identifiants  techniques rattachables au territoire  national,  y compris  lorsque ces  communications transitent par des équipements  non  rattachables à ce  territoire, les communications sont  instantanément  détruites. 


Un contrôle limité et a posteriori