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<blockquote>Le groupe GDR votera cette exception d'irrecevabilité, parce que, comme l'a très élégamment dit notre collègue du Nouveau Centre, ce texte est « fragile » du point de vue constitutionnel. Il comporte de nombreuses atteintes à l'égalité devant la loi. Nous le démontrerons dans le recours que nous soumettrons au Conseil constitutionnel.</blockquote>
 
<blockquote>Le groupe GDR votera cette exception d'irrecevabilité, parce que, comme l'a très élégamment dit notre collègue du Nouveau Centre, ce texte est « fragile » du point de vue constitutionnel. Il comporte de nombreuses atteintes à l'égalité devant la loi. Nous le démontrerons dans le recours que nous soumettrons au Conseil constitutionnel.</blockquote>
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<blockquote>Voilà, chers collègues, toutes les raisons pour lesquelles les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine vous invitent à voter la question préalable, car il vaut mieux s'abstenir de légiférer que mal légiférer. Rien ne sert de faire des lois inapplicables.</blockquote>
 
<blockquote>Voilà, chers collègues, toutes les raisons pour lesquelles les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine vous invitent à voter la question préalable, car il vaut mieux s'abstenir de légiférer que mal légiférer. Rien ne sert de faire des lois inapplicables.</blockquote>
  
===== 02/04/2009 [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090214.asp Débats HADOPI : blacklist, mouchards filtrants, données à caractère personnel, CNIL, camrecording, DADVSI amendement Vivendi civil, LCEN, responsabilité des FAI, chronologie des médias, bibliotèques] =====
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<blockquote>Nous abordons les alinéas consacrés au fichier, qui, comme à mon collègue Patrick Bloche, nous posent de nombreux problèmes.</blockquote>
 
<blockquote>Nous abordons les alinéas consacrés au fichier, qui, comme à mon collègue Patrick Bloche, nous posent de nombreux problèmes.</blockquote>

Version du 18 mai 2009 à 18:16

Sommaire

Mémoire politique : Martine Billard, députée

Martine Billard

Informations générales

  • Née le 07 octobre 1952 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)
  • Circonscription d'élection : Paris (75), 1ère circonscription
    Cantons de 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements
  • Groupe politique : Gauche démocrate et républicaine
  • Profession : Bibliothécaire
Calligraphy.png
Contact
{{#icon:Mp_cliquez_pour_appeler.png|01 40 63 01 11||callto://+33140630111}}
  • Assemblée nationale 126 rue de l'Université, 75355 Paris 07 SP
    Tél. : 01 40 63 01 11 - Fax : 01 40 63 01 91
  • 14 Rue Saint-Germain-l'Auxerrois, 75001 Paris
    Tél. : 01 42 36 04 52 - Fax : 01 42 36 04 53


Fonctions à l'Assemblée nationale

  • Commission : Commission des affaires culturelles, familiales et sociales (Membre), Commission chargée de l'application de l'article 26 de la Constitution (Membre suppléante)
  • Délégation et Office : Secrétaire de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes
  • Groupe d'amitié : Argentine (Vice-Présidente), Bolivie (Vice-Présidente), Chili (Vice-Présidente), Colombie (Vice-Présidente), Equateur (Vice-Présidente), Guatemala (Vice-Présidente), Uruguay (Vice-Présidente)
  • Groupe d'études : Sida (Vice-Présidente), Pénibilité du travail et maladies professionnelles (Membre)
  • Mission d'information : Membre de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mandats

  • Mandats et fonctions en cours à l'Assemblée nationale
    • Élections du 17/06/2007 - Mandat du 20/06/2007 (élections générales)
  • Anciens mandats et fonctions à l'Assemblée nationale
    • Élections du 16/06/2002 - Mandat du 19/06/2002 (élections générales) au 19/06/2007 (Fin de législature)
  • Organismes extra-parlementaires
    • Membre suppléante du conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale
  • Anciens mandats locaux
    • Conseil municipal de Paris 20ème Arrondissement (Paris)
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Conseillère
    • Conseil de Paris (Paris)
    • Conseil de Paris
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Conseillère de Paris

Prises de positions

Sources d'informations

Positions

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09/04/2009 Débats HADOPI : exception d'irrecevabilité, question préalable

Le groupe GDR votera cette exception d'irrecevabilité, parce que, comme l'a très élégamment dit notre collègue du Nouveau Centre, ce texte est « fragile » du point de vue constitutionnel. Il comporte de nombreuses atteintes à l'égalité devant la loi. Nous le démontrerons dans le recours que nous soumettrons au Conseil constitutionnel.

Et puis, vous êtes toujours en retard sur les réalités. Mais je vois que notre collègue Lefebvre, l'intermittent des séances, est une fois de plus parti. C'est toujours comme ça !

Le problème, c'est que vous en êtes encore au téléchargement. Je note d'abord que notre collègue Lefebvre nous dit que certains défendent « les illégaux ». Je ne savais pas qu'il y avait des personnes illégales. Il y a des actes illégaux, mais les personnes, qu'elles en commettent ou pas, ne sont pas illégales.

Le problème, c'est que ce qui se développe beaucoup aujourd'hui, c'est l'écoute en ligne. Et celle-ci est gratuite. Vous tentez d'opposer constamment l'offre payante et la gratuité, mais ce modèle commence à être quelque peu dépassé. Les choses sont un peu plus complexes que cette opposition primaire. Mais il est vrai que M. Lefebvre, à ce qu'il m'a semblé, a un problème avec le streaming . Il essaierait bien de le remettre en cause.

Quant aux jeunes et aux moins jeunes, monsieur Lefebvre, ce n'est pas nous qui avons tenté de les opposer, c'est Mme la ministre. Hier encore, dans sa réponse à un collègue socialiste, elle accusait l'opposition de faire du « jeunisme ».

Un certain nombre de contrevérités sont constamment martelées, ce qui n'en fait pas des vérités. Ainsi, les sénateurs communistes ont voté contre ce texte et les sénateurs Verts se sont abstenus, après avoir hésité entre le vote contre et l'abstention. Mais aujourd'hui, étant donné les modifications apportées par la CMP, il n'y aura pas de désaccord entre nous.

Ce texte pose un problème de rupture d'égalité devant la loi, et à de nombreuses reprises. Ainsi, certains pourront être sanctionnés par la coupure de leur connexion, d'autres non, et selon des critères qui ne nous ont jamais été exposés. On pourra, en outre, être poursuivi au titre de deux lois, la loi DADVSI et la loi HADOPI. Et contrairement à ce qui a été dit et répété, le recours à la loi DADVSI n'a pas été limité aux seuls internautes qui auraient téléchargé et fait commerce de ces téléchargements de manière illicite.

Quant aux fournisseurs d'accès à Internet, ils ne sont pas du tout prêts, et ils l'ont dit après la première lecture et le vote de ce projet de loi par l'Assemblée nationale, à prendre en charge le coût qu'implique l'application de cette loi. Ils font remarquer que le coût d'une mission d'intérêt général ne doit pas incomber aux opérateurs mais, selon la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000, au budget de l'État. Cela signifie, d'ailleurs, que le budget de la culture sera diminué des 70 à 100 millions d'euros nécessaires aux modifications techniques auxquelles devront procéder les fournisseurs d'accès. Non seulement il faudra que toutes les offres triple play puissent, dans l'avenir, être dégroupées, de manière à ne couper que la connexion Internet, mais même en ce qui concerne les offres triple play actuelles, il faudra faire en sorte que la coupure du canal Internet n'ait pas de conséquence sur les deux autres canaux.

Cette loi ne pourra donc pas être applicable techniquement avant un an ou dix-huit mois, si tant est qu'elle puisse l'être pour ce qui concerne la coupure Internet.

Je crois donc effectivement que, comme dirait notre collègue Dionis du Séjour, elle est plus que « fragile » du point de vue constitutionnel.

En outre, elle n'est pas en phase avec les avancées de la technologie. On ne peut pas faire une loi qui^S^Q porte sur des aspects technologiques sans prendre en compte l'évolution des technologies. On ne peut pas faire croire qu'il est possible de défendre les propositions que vous défendez sans faire avec la technologie existante.

Ce débat aura eu au moins deux mérites : il aura été un débat citoyen très important, et il aura fait beaucoup rire tous les internautes.

[...]

Madame la ministre, je voudrais sans détour vous faire part de ma colère devant ce texte de loi que vous avez présomptueusement baptisé « Création sur Internet ». Et je dois dire que l'intervention que vous venez de faire ne modifie pas mon appréciation, parce que payer son abonnement pendant une coupure d'un an, c'est payer 360 euros, ce qui est tout de même une somme importante pour bon nombre de nos concitoyens.

Les grands lobbies et les petits amis qui tournent autour de notre Président de la République ont été servis. Ce n'est ni l'intérêt général, ni l'intérêt des artistes, ni celui de la création.

Les rares amendements votés par notre assemblée, dont certains à l'unanimité contre l'avis de Mme la ministre, ont été méthodiquement écartés par la commission mixte paritaire, rayés de la loi par le simple fait majoritaire d'un soir, en niant les débats qui avaient conduit à leur adoption. Votre passage en force est ressenti par tous les internautes comme un énorme déni de démocratie.

Vous avez rejeté tout amendement, même de bon sens, émanant des deux groupes de l'opposition, du groupe Nouveau Centre, et même de députés du groupe UMP qui se rendent compte du désastre – nous venons à l'instant d'en avoir un exemple. Vous avez même rejeté des amendements qui pouvaient faire consensus et qui avaient été adoptés par les trois commissions saisies.

Pour justifier vos refus, madame la ministre, vous n'avez pas hésité à aligner de véritables bourdes techniques, aujourd'hui immortalisées sur tous les sites, blogs et twitters consacrés au monde de l'Internet, depuis « la preuve par le disque dur » apporté sous le bras à l'HADOPI jusqu'à l'inoubliable « pare-feu du logiciel OpenOffice ».

Or cette loi ne touche pas seulement au droit et à la culture : elle touche aussi à l'informatique et, à cet égard, le moins que l'on puisse dire est que vous avez encore des progrès à faire. Vous avez ainsi offert un divertissement gratuit aux internautes, ce qui n'était peut-être pas votre objectif. Mais le ridicule ne tue pas.

Par ailleurs, vous avez une fâcheuse tendance à incriminer les outils, et non l'usage détourné qui peut en être fait. Ainsi revient régulièrement la tentation d'interdire le peer to peer et de museler Internet.

À l'inverse, je veux saluer le civisme et l'engagement citoyen de centaines d'internautes, dont certains ont découvert pour la première fois, en direct, à quoi ressemblait un débat parlementaire sous une majorité UMP. Je voudrais les remercier chaleureusement pour les éclaircissements, les apports, les précisions, les témoignages qu'ils nous ont envoyés tout au long de ces débats. Une telle participation citoyenne est à l'honneur de la démocratie.

Madame la ministre, vous accusez l'opposition de faire du « jeunisme » en les soutenant. Mais contrairement à votre formule désormais célèbre et reprise de blog en blog, les internautes, ce ne sont pas « cinq gus dans un garage » : 18 millions de citoyens sont connectés.

Avec ce projet de loi, vous portez atteinte au libre usage du Net et à la confidentialité de la vie privée et des communications de ces millions d'utilisateurs, comme l'ont fort justement rappelé des cinéastes et actrices de renom, dans une tribune de presse publiée dans le journal Libération , il y a deux jours.

Pour vous, les artistes qui approuvent intégralement cette loi sans se poser de questions sur la nécessité d'assurer la compatibilité entre droits d'auteur et neutralité de l'Internet sont dans le juste, tandis que ceux qui refusent l'opposition que vous créez entre auteurs et internautes ne peuvent que se laisser entraîner. Vous avez tenu ces propos hier lors des questions au Gouvernement.

Malgré les nombreuses heures que nous avons consacrées à l'examen de ce projet de loi, nous nous retrouvons avec un texte mal écrit, posant de graves problèmes juridiques, tant sur la forme que sur le fond, et aggravé par la commission mixte paritaire.

C'est également un nouveau coup dur pour tout le secteur des logiciels libres, véritable secteur d'innovation de l'économie, qui est une nouvelle fois mis en situation d'insécurité juridique, dans la lignée de la loi DADVSI. Ce secteur pourrait cependant être le garant de la sécurité, de la confidentialité commerciale des connexions sur le réseau informatique, face aux logiciels propriétaires liés à une grande société transnationale nord-américaine bien connue, déjà condamnée en Europe pour abus de position dominante. Madame la ministre, sur ce point, vous n'avez pas choisi le bon camp en servant de la sorte les intérêts d'une multinationale.

Après le fiasco de la loi DADVSI – dont le Parlement attend toujours le bilan qui devait lui être remis dans les dix-huit mois –, vous continuez de courir derrière la chimère du contrôle absolu d'Internet. Vous vous obstinez avec ce que vous appelez « riposte graduée », terme issu du vocabulaire militaire, à imposer une procédure administrative, au lieu d'une procédure judiciaire, et à étendre des mesures conçues pour la lutte anti-terroriste à la défense du droit de propriété sous la forme des droits d'auteur. Si je suis totalement pour la défense de ces derniers, je ne les place pas au même niveau que la lutte contre le terrorisme.

La HADOPI avertira par deux messages électroniques, puis par lettre recommandée, avant de passer à la coupure de la connexion Internet. Le rapporteur a essayé de nous expliquer qu'il ne s'agissait pas de coupure mais de suspension ; il a tout juste fait rire de lui sur Internet.

La réécriture de la procédure de transaction par notre rapporteur a introduit dans notre droit français une sanction fondée sur « l'engagement de ne plus recommencer ». Curieuse formulation, issue, semble-t-il, de la morale chrétienne ; mais, pour écrire la loi, c'est un petit peu juste.

Il n'en demeure pas moins que le principe de la coupure de connexion a fait l'objet de trois votes défavorables au Parlement européen depuis l'automne dernier et que la « riposte graduée » est un fiasco partout où elle a été adoptée.

Ce n'est pas à coup d'idéologie punitive que l'on peut venir à bout des limites d'une technologie pour la contrôler ! La loi a pour objet de réprimer crimes et délits et d'apporter une réparation aux victimes. Elle ne peut avoir pour unique objectif de faire peur sans constituer une véritable atteinte aux libertés. Or, dans tous les débats, vous avez asséné à plusieurs reprises : « Cette loi a pour objectif de faire peur. »

Avec la loi DADVSI, vous avez voulu faire croire aux auteurs que les DRM – mesures techniques de protection, en français – allaient régler tous les problèmes. Il n'en a rien été. Mais vous n'avez pas voulu abolir de façon pure et simple cette loi.

Vous récidivez avec la loi HADOPI, qui, par bien des aspects, sera totalement inapplicable, Comme vous ne voulez pas que la justice intervienne, il sera impossible de prouver le délit de téléchargement illicite. Vous avez donc été obligés d'inventer la sanction pour manquement à la sécurisation de sa connexion Internet, dont vous confiez la constatation à la HADOPI.

Vous obligez ainsi tous les citoyens de notre pays à sécuriser leur connexion, alors même que l'immense majorité des entreprises et des administrations, qui disposent pourtant de services informatiques, en sont incapables. Vous supposez que tout citoyen français est capable de maîtriser suffisamment l'informatique pour répondre devant la loi du fait que son ordinateur et sa connexion à Internet ne peuvent pas être piratés.

Vous introduisez une labellisation des logiciels de sécurisation qui provoque, de fait, une discrimination à l'encontre du logiciel libre. Ces logiciels, qui devront être installés sur les ordinateurs de tout un chacun, seront, semble-t-il, constamment en liaison avec les fournisseurs d'accès à Internet et ne pourront pas être désactivés sans que la HADOPI en soit immédiatement informée.

Vous créez ainsi le mouchard universel et obligatoire, ce qu'aucun pays n'a osé faire.

Ceux qui avaient choisi la riposte graduée ont reculé, en raison des difficultés techniques, que vous avez constamment niées. Nous l'avons vu dernièrement en Nouvelle-Zélande, pays que Mme la ministre n'avait cessé de nous citer en exemple tout au long de ce débat. Mais la Nouvelle-Zélande a dû arrêter.

Ces difficultés techniques ne concernent pas seulement les logiciels de sécurisation, mais aussi la preuve par l'adresse IP. Nous allons nous retrouver avec un tiers d'innocents – c'est la proportion d'erreurs constatées dans les pays qui ont essayé, comme les États-Unis – qui seront sanctionnés, parce qu'ils n'auront pas été en mesure de maîtriser leur ordinateur et leur connexion Internet. On nage en pleine inversion de la charge de la preuve et de la présomption d'innocence dans un scénario kafkaïen !

Vous introduisez une autre rupture d'égalité devant la loi, puisque les mails d'avertissement et les lettres recommandées ne seront pas envoyés automatiquement lorsqu'il y aura soupçon de téléchargement illicite – M. le rapporteur nous l'a répété à plusieurs reprises. Nous ne savons toujours pas en fonction de quels critères ces avertissements seront envoyés. Ce dispositif est l'expression même de votre volonté de traitement inégalitaire au regard de la loi,

Autre rupture d'égalité devant la loi : les trois millions de Français disposant de connexions non dégroupées ne pourront pas voir suspendu leur accès à Internet, car cela entraînerait de facto la coupure de la télévision et du téléphone, ce qui est contraire à la loi.

Au cours de la discussion dans notre assemblée, nous avions adopté en commission des lois, puis à l'unanimité en séance, certes contre l'avis de Mme la ministre, le principe de non-paiement par l'abonné en cas de suspension de sa connexion. À ce propos, madame la ministre, on ne peut pas comparer la culture et une voiture ! Pour une voiture, c'est un emprunt, non un abonnement.

Las ! La CMP a rétabli la « double peine » proposée par le Sénat. En cas de suspension de leur accès, les internautes devront encore payer leur abonnement.

Par ailleurs, à la suite des travaux de la CMP, il n'y aura pas d'amnistie pour les internautes poursuivis pour téléchargement illégal sans recherche d'avantages commerciaux avant l'entrée en vigueur de la loi. L'amendement [n° 494] de notre collègue Alain Suguenot était pourtant précis : cela ne concernait pas les internautes qui auraient téléchargé en cherchant des avantages commerciaux, en revendant les téléchargements illégaux.

D'autre part, les délais de recours étant différents entre la loi DAVSI et la loi HADOPI, des internautes pourront être poursuivis au titre des deux lois. En sus de la double peine de la coupure et du paiement de l'abonnement suspendu, vous avez ainsi maintenu la possibilité de poursuites au titre de la loi contre la contrefaçon. Nous en arrivons donc à une triple peine.

Les fournisseurs d'accès ont récemment fait savoir, par l'intermédiaire de la Fédération française des télécoms, qu'ils refusaient de payer les pots cassés en finançant la généralisation du dégroupage. Ils considèrent qu'il n'appartient pas aux opérateurs de payer ce coût très lourd – entre 70 et 100 millions d'euros. Ils rappellent que les fameux accords de l'Élysée n'ont jamais prévu de mettre cette dépense à leur charge. Avec le rétablissement du paiement de l'abonnement, en cas de coupure d'Internet, peut-être se montreront-ils plus conciliants.

Vous mettez en cause la neutralité de l'Internet, en vous croyant seuls sur terre avec un Internet limité à notre pays. La France va donc imposer aux moteurs de recherche d'organiser le référencement d'un certain nombre de sites. Dès le lendemain de l'adoption de cet amendement [n° 110], Google, qui n'est pas le plus petit des moteurs de recherche, récusait cette obligation de référencement de listes blanches introduite par le législateur français.

Depuis quand, dans notre économie de marché, garantie par la Constitution, une administration d'État aurait-elle le pouvoir de dire ce qu'il faut consommer selon les diverses enseignes commerciales ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Voici venu le temps d'un Internet d'État dans un seul pays !

Ce texte va-t-il régler le problème de la rémunération des auteurs ? Non ! Votre vision se limite strictement à l'aspect commercial. Ainsi, vous avez refusé l'amendement [n° 527] que j'ai défendu, visant à faire connaître les licences libres, type Creative commons. Pas plus que celles de la DADVSI, les mesures que vous proposez ne peuvent fonctionner.

Je voudrais exprimer ma colère, madame la ministre, face à l'attitude de nos collègues UMP qui ont fait voler en éclats le difficile consensus sur le droit d'auteur à l'ère numérique, qui avait été obtenu au sein des professions de presse lors de l'examen expéditif en fin de séance par notre assemblée d'un amendement [n° 490] du Gouvernement. Le groupe GDR – nos collègues du groupe SRC avaient eu la même attitude – avait indiqué à Mme la ministre que nous étions prêts à faire confiance si cet amendement respectait bien le Livre Blanc et si les sous-amendements n'allaient pas au-delà.

Vous avez menti à la représentation nationale quant au contenu du sous-amendement [n° 532] de notre collègue Kert, en prétextant qu'il n'était que rédactionnel et en ne prenant pas position, puisque vous vous en remettiez à la sagesse de l'Assemblée. En réalité, ce sous-amendement a fait exploser le consensus. Vous vous êtes privée, de ce fait, d'un vote unanime d'une disposition sur la presse, sur les droits d'auteur sur Internet et vous avez mis le feu à la profession.

Les syndicats de journalistes dénoncent aujourd'hui votre attitude irresponsable, qui n'a consisté qu'à servir les intérêts de quelques patrons de presse en rompant l'équilibre obtenu lors des États généraux de la presse ! Selon eux, vous avez porté un coup d'arrêt aux négociations sur les évolutions multimédias engagées dans ces entreprises de presse. Sous la pression des mêmes éditeurs, la CMP a maintenu la disposition.

Pour conclure, je voudrais dire aux auteurs et aux ayants droit qu'il faut, en effet, défendre le droit d'auteur sous ses deux formes – droit moral, droit commercial. Mais la défense des droits commerciaux du droit d'auteur ne peut passer que par le développement des offres et par la baisse des prix. Tant que les prix seront ce qu'ils sont, qu'ils ne provoqueront aucune amélioration de la rémunération des auteurs mais uniquement celle des intermédiaires par le passage des supports physiques aux chargements en ligne, vous serez obligés de construire des usines à gaz pour essayer de contenir, en vain, le flot d'Internet.

Il est piquant de lire, pas plus tard qu'avant-hier, les propos tenus par le président de la SACEM en personne. Laurent Petitgirard « croit peu dans les effets bénéfiques de la loi en question pour améliorer la rémunération des auteurs et des créateurs ». Pour lui, « l'une des solutions à explorer maintenant est celle de la taxe sur les tuyaux, les fournisseurs d'accès » – ceux-ci étant accusés de profiter indûment de l'offre de musique. J'avais défendu au nom des députés Verts, lors de l'examen de la loi DADVSI, une telle taxe, mais celle-ci avait été refusée par le gouvernement de l'époque sous prétexte qu'elle fragiliserait l'économie des fournisseurs d'accès. Cela n'a pas empêché le Gouvernement de reprendre cette disposition dans la loi sur l'audiovisuel.

Donc, si le plus haut représentant de la SACEM enterre déjà le dispositif HADOPI, notamment parce que « la sanction sera aveugle et faussée », quelle crédibilité pouvons-nous prêter à ce texte de loi sans nous discréditer nous-mêmes ?

Voilà, chers collègues, toutes les raisons pour lesquelles les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine vous invitent à voter la question préalable, car il vaut mieux s'abstenir de légiférer que mal légiférer. Rien ne sert de faire des lois inapplicables.

02/04/2009 Débats HADOPI : blacklist, mouchards filtrants, données à caractère personnel, CNIL, camrecording, DADVSI amendement Vivendi civil, LCEN, responsabilité des FAI, chronologie des médias, bibliothèques, explication de vote

Nous abordons les alinéas consacrés au fichier, qui, comme à mon collègue Patrick Bloche, nous posent de nombreux problèmes.

En effet, ils permettent un accès disproportionné aux données personnelles. La CNIL, saisie pour avis à propos de ce nouveau fichier, a émis des réserves, remarquant que l'HADOPI pourra recueillir et traiter, sous une forme nominative, des données de trafic hors de toute procédure judiciaire, garantie jugée cependant essentielle par le Conseil constitutionnel.

Tel est le débat qui nous oppose depuis le début de la semaine : vous avez obstinément refusé tous les amendements – qu'ils émanent du groupe SRC ou du groupe GDR – tendant à réintroduire l'autorité judiciaire afin de fournir des garanties aux personnes mises en cause, qu'elles le soient à juste titre, si elles ont effectivement procédé à des téléchargements illégaux, ou par erreur, par exemple si leur adresse IP a été piratée, entre autres raisons – on sait que les erreurs sont fréquentes dans ce type de détection.

La CNIL relève en outre que la loi attribue à des agents des compétences que l'article 6-II de la loi pour la confiance dans l'économie numérique réservait jusqu'à présent aux seules autorités judiciaires agissant dans le cadre d'une procédure judiciaire. Selon la CNIL, en l'état, le texte ne comporte donc pas les garanties nécessaires à un juste équilibre entre respect de la vie privée et respect du droit d'auteur, qui semble pourtant essentiel.

La fiabilité des fichiers nous inspire par ailleurs quelques inquiétudes. S'ils sont de plus en plus nombreux dans notre pays et ailleurs, tant l'outil informatique facilite leur création, qu'en est-il de la fiabilité des données, ou de leur effacement une fois l'infraction classée ? Jusqu'à présent, aucune des réponses qui nous ont été apportées sur ce point ne nous a véritablement convaincus que les abonnés seront assurés de ne pas rester inscrits dans ces fichiers sans raison.

D'autre part, monsieur le rapporteur, madame la ministre, ces fichiers sont censés être établis par la Haute Autorité, mais le débat nous a permis de comprendre qu'ils seraient également gérés par les fournisseurs d'accès, chargés de la coupure et du rétablissement de la connexion. On ajoute ainsi des informations à celles dont les fournisseurs d'accès disposaient déjà grâce au fichier des abonnés. Les fichiers concernés seront-ils gérés directement par les fournisseurs d'accès ou par des sous-traitants ? Dans ce dernier cas, le seront-ils depuis l'étranger ?

En effet, votre obstination à vouloir obliger les possesseurs d'ordinateurs à installer des mouchards reliés à un serveur auquel les FAI et l'HADOPI auront accès les expose au risque d'intrusion depuis l'extérieur, qui pose un problème de respect des données privées, de sécurité commerciale et de sécurité nationale.

[...]

Cet amendement [n° 358] de repli vise à supprimer, non plus le dispositif lié au répertoire national dans son entier comme l'amendement [n° 357] précédent, mais le répertoire en tant que tel.

Votre réponse ne m'a pas satisfaite, madame la ministre. Les choses ne sont pas aussi simples que cela. Il ne s'agit pas seulement de savoir si l'abonnement de l'internaute est suspendu ou non. Le fournisseur d'accès, informé par la commission des droits de la sanction qui frappe un de ses abonnés, complétera ses fichiers par des champs supplémentaires destinés à intégrer les suspensions de connexion. Or, nous le savons tous, il y a toujours des erreurs possibles, dues à des homonymies ou des mauvaises saisies.

En outre, se pose le problème de l'effacement des données. Il ne s'agit pas d'un fichier portant sur des crimes ou des actes de terrorisme mais sur un délit qui ne relève pas des autorités judiciaires mais seulement d'une autorité administrative. Dans ces conditions, il est normal de se préoccuper des garanties qui entourent l'effacement de ces données.

Sachez que nous ne mettons absolument pas en cause la CNIL.

Nous ne l'avons jamais critiquée, mais peut-être entendez-vous des voix, ce qui est un autre problème.

C'est au Gouvernement que nous reprochons de ne pas attribuer les moyens nécessaires à la CNIL pour le bon accomplissement de ses missions. Ses moyens sont même dérisoires, comparés à ceux dont bénéficient des instances similaires en Europe. Cela explique que nombre de fichiers ne soient pas à jour. Cela explique encore que lorsqu'un citoyen fait part de sa volonté d'exercer son droit d'accès aux données personnelles dont il est l'objet, sa demande ne soit satisfaite qu'un an après.

[...]

Cet amendement [n° 359] est défendu, monsieur le président.

[...]

Monsieur le président, j'estime que cet amendement [n° 76] du rapporteur n'a pas lieu d'être.

Aux termes de l'alinéa 100, la HADOPI établit un répertoire des personnes qui font l'objet d'une suspension. L'alinéa 101 précise que le fournisseur d'accès peut consulter ce répertoire pour procéder à des vérifications. Qu'une société commerciale puisse avoir accès à un fichier public me pose problème. Et j'aimerais avoir une réponse sur ce point.

Ensuite, lorsque la sanction de suspension est établie, l'HADOPI met à jour son fichier. Quant au fournisseur d'accès à Internet, il devra indiquer, dans son fichier d'abonnés, les dates de début et de fin de la suspension, le rapporteur ayant indiqué, au cours du débat, que c'était au fournisseur d'accès de gérer la fin de la suspension. Le FAI sait donc à tout moment si son abonné est ou non en règle avec la loi. Il n'est donc pas utile de préciser que, lors du renouvellement du contrat, le fournisseur d'accès consulte le fichier public de l'HADOPI. Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur, votre amendement n'a pas lieu d'être.

[...]

Monsieur le rapporteur, je souhaiterais sous-amender l'amendement n° 77. Vous proposez que la personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne puisse également « consulter ce répertoire ». Or vous venez de me répondre qu'elle ne peut pas le consulter mais seulement interroger l'HADOPI pour savoir si l'abonnement de telle ou telle personne est suspendu ou non. Aussi n'est-il pas possible d'écrire « elle peut également consulter ce répertoire ».

Tel qu'il est rédigé, votre amendement [n° 77] introduit la possibilité à tout FAI d'avoir accès au fichier de l'HADOPI en le consultant directement, ce qui pose un problème de liberté.

[...]

Monsieur Gosselin, vous venez de me demander pourquoi je n'avais pas adopté l'amendement n° 77 rectifié. Je vous répondrai que je suis en désaccord sur le fond et que l'ensemble des alinéas de l'article 2 posent un problème de rédaction, puisqu'il est question, à plusieurs reprises, de la consultation du répertoire. Peut-être pourra-t-il y avoir, à l'occasion de la CMP, relecture de cet article.

Avouez que je suis bien honnête en vous évitant de faire des boulettes. J'ai d'ailleurs peut-être commis une erreur en vous faisant remarquer la vôtre. Le Conseil constitutionnel n'aurait peut-être pas laissé passer cette impossibilité légale.

[...]

Monsieur le rapporteur, vouloir trop en faire finit par nuire à la cause qu'on défend.

Mes chers collègues, je doute d'autant plus que vous lisiez tous les messages que vous recevez de vos fournisseurs d'accès que l'expérience, hier, m'a montré que certains de leurs courriels arrivent directement dans la boîte des messages indésirables, ce qui signifie que le paramétrage des anti-spam peut être fautif. Je crains donc que votre désir de bien faire ne se conclue par une inefficacité totale. Les collègues présents lors de l'examen de la loi DADVSI pourront me le confirmer : ce texte prévoyait déjà que les fournisseurs d'accès informent leurs abonnés de l'intérêt des offres légales – on ne voit pas bien, du reste, comment ils pourraient les informer de l'intérêt présenté par des offres illégales : cette mesure est donc superfétatoire !

Monsieur le rapporteur, peut-être pourrions-nous éviter de voter une disposition dont le résultat, au mieux, sera nul, et, au pire, sera d'encombrer les boîtes anti-spam des fournisseurs d'accès ou de chaque abonné.

[...]

Cet amendement [n° 362] de repli, en prévoyant la suppression des alinéas 109 à 115, vise notamment à supprimer le nouvel article, L. 331-34, du code de la propriété intellectuelle, qui autorise « la création, par la Haute autorité, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel portant sur des personnes faisant l'objet d'une procédure dans le cadre de la présente sous-section ».

La suppression de ces alinéas nous paraît d'autant plus nécessaire que l'alinéa 112 précise qu'« un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article ».

Nous aimerions obtenir plus d'information sur la teneur d'un tel décret, puisqu'il doit préciser notamment « les catégories de données enregistrées et leur durée de conservation ». Or il nous semblait que la durée de conservation était liée à l'application de la sanction et ne pouvait donc excéder la durée de celle-ci. De plus, le décret devra également préciser « les destinataires habilités à recevoir communication de ces données, notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne » : je suis très surprise car nous ne voyons pas qui d'autres que la HADOPI et les FAI pourraient avoir le droit de recevoir communication de ces données. À nos yeux, en effet, les seuls intervenants sont les fournisseurs d'accès et la HADOPI et il ne saurait être question que ces fichiers de données personnelles d'abonnés soumis à une suspension d'abonnement à Internet puissent être communiqués à d'autres intervenants. À qui pensez-vous ?

[...]

L'alinéa 114 du texte évoque « les destinataires habilités à recevoir communication de ces données,... » – il s'agit des données personnelles qui figurent dans le répertoire géré par l'HADOPI – « ...notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ».

Je souhaite savoir, outre l'HADOPI et les fournisseurs d'accès, quelles sont les autres personnes qui ont accès à ces données.

Le mot « notamment » implique que d'autres acteurs que les fournisseurs d'accès à Internet sont susceptibles d'être concernés. Or, depuis le début de la discussion sur l'article L. 331-31, il a été convenu que les seuls intervenants sur ce répertoire étaient l'HADOPI et les FAI.

Si c'est le cas, il convient donc de supprimer le mot « notamment ».

Si ! Sinon, cela signifie qu'un troisième acteur peut intervenir.

[...]

Il est indéniable qu'essayer d'enregistrer un film dans une salle de cinéma est absolument inadmissible. Nous en avons discuté lorsque nous avons débattu de la loi DADVSI. À l'époque, nous avons essayé de comprendre comment se faisait le piratage. Cet élément avait été alors avancé ainsi que le problème de la copie des DVD envoyée dans le cadre de festivals. La loi DADVSI avait tenté de donner des réponses à ces problèmes.

Certains DVD sont recopiés puis envoyés à des jurys ou dans des festivals. Je me rappelle avoir dit, sur ce point, qu'il incombait à la profession de faire le ménage en son sein. Cela avait été reconnu.

S'agissant du captage de films dans les salles, ceux qui y perdent ne sont pas les exploitants de salles de cinéma, mais les auteurs et les ayants droit des films concernés.

Mais ceux qui filment ont payé pour entrer.

La question s'est posée, lors l'examen du projet de loi DADVSI, mais elle a été réglée différemment. Je crois qu'il faut vraiment être quelque peu attardé, aujourd'hui, pour user d'une telle pratique, alors qu'il existe de nombreux dispositifs de téléchargement sur Internet qui permettent d'obtenir des copies sans acheter le film en question – de surcroît de bien meilleure qualité – sur les plateformes payantes.

Enfin, je vois mal la police entrer dans une salle de cinéma bondée pour arrêter un contrevenant en train de filmer.

Je crains que la mesure prévue par ces amendements [n° 169 et 386] ne se retourne donc contre ceux qui essaient de trouver des solutions.

Autant je condamne totalement cette façon de filmer des films projetés, autant je pense qu'il existe déjà des solutions juridiques. C'est d'ailleurs ce qui a conduit la commission à refuser ces amendements, comme l'a d'ailleurs précisé M. le rapporteur.

J'ai le sentiment qu'à vouloir toujours essayer de poursuivre dans le moindre recoin de notre pays tous les délits, on ne finisse par créer de nouveaux délits que l'on ne pourra sanctionner. Je le répète : s'il convient, certes, de limiter ce genre d'abus, veillons à ne pas inventer de nouveaux délits qui ne pourront être punis.

[...]

Cet amendement [n° 414] tend à abroger l'article L. 336-1 du code de la propriété intellectuelle. Aux termes de cet article, conséquence de la loi DADVSI, lorsqu'un logiciel est principalement utilisé pour la mise à disposition illicite de biens culturels protégés, le président du tribunal de grande instance peut ordonner sous astreinte les mesures nécessaires à la protection des droits.

C'est toujours la même obsession, la poursuite des logiciels de peer-to-peer. À l'époque, certains avaient carrément essayé de les interdire, mais, devant la montée au créneau d'un certain nombre d'entreprises, des universités et des chercheurs expliquant qu'ils utilisaient constamment de tels logiciels dans leurs activités professionnelles, l'article L. 336-1 ne concerne qu'un logiciel principalement utilisé pour la mise à disposition illicite.

C'est déjà un peu compliqué. Les commentaires sur les codes parlent de logiciel à usage dévoyé. C'est assez joli comme expression, mais un outil est un outil. J'ai un marteau chez moi, je peux l'utiliser pour taper sur la tête de mon voisin mais et je ne le ferai pas, je vous le précise. Je ne vois pas très bien quelle mesure on pourrait prendre pour protéger la tête du voisin.

À l'époque déjà, on avait souligné l'absurdité de cet article, qui est absolument inapplicable, comme de nombreux autres.

Pour certains, la solution pourrait être le filtrage. Comme l'idée est réintroduite dans le texte, il faut clarifier la situation et abroger l'article L. 336-1 du code de la propriété intellectuelle pour arrêter de courir derrière une chimère, l'interdiction du, .

[...]

Dire, madame la ministre, qu'il faut pouvoir interdire des logiciels permettant le piratage, c'est penser que l'outil est conçu pour. Or le peer-to-peer, parce que c'est ça dont il s'agit, n'est pas conçu pour le piratage. Le code parle d'ailleurs d'usage dévoyé.

Je suis inquiète qu'après tant d'heures de débat, vous vous obstiniez à répéter qu'il y a des logiciels ayant un objectif illicite, car ce n'est pas le cas. J'aimerais bien que vous nous précisiez si, pour vous, il faut interdire tout logiciel de peer-to-peer car, à écouter vos interventions, on peut se poser des questions.

[...]

Je soutiens tout à fait les propos qui ont été tenus par nos collègues Jean Dionis du Séjour et Patrick Bloche. Il est vrai que l'on a tous envie de faire arrêter ce qui circule sur Internet quand il s'agit de négationnisme, d'appel à la haine raciale ou de pédophilie. Des dispositions ont été prises à cet effet. Elles ne sont, hélas, pas toujours efficaces, mais tout est fait pour qu'elles atteignent leur but. Mais il faut faire attention : ces dispositions législatives, qui visent à empêcher non seulement un trouble à l'ordre public, mais aussi une atteinte à l'intégrité physique des personnes, ne doivent pas être étendues à toute circulation d'informations sur Internet. Ce qui est proposé aujourd'hui pour la défense des droits d'auteur pourrait être demandé, demain, pour d'autres raisons, et on en arriverait à ne plus respecter la subsidiarité du réseau. L'éditeur du site étant considéré comme responsable, il migrera dans des pays où il sera plus difficilement atteint par la législation européenne ; ensuite, c'est l'hébergeur à qui il sera enjoint d'intervenir pour faire cesser l'acte illégal : si on continue à allonger ainsi la chaîne des responsabilités, on risque finalement de couper toutes les voies d'accès à Internet, y compris celles fournies par les FAI. Tel que l'article est rédigé – et conforté par certains amendements –, on va finir, pour sanctionner une atteinte aux droits d'auteur, par perturber l'ensemble d'Internet. Ce qui est proposé s'avère démesuré. L'article dispose que le juge peut ordonner toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte à un droit d'auteur « à l'encontre de toute personne », ce qui inclut bien les éditeurs, les hébergeurs et les fournisseurs d'accès.

En outre, madame la ministre, je tiens à préciser que je souhaitais l'abrogation de l'article L. 336-1 du code de la propriété intellectuelle parce qu'il ne mentionne que les logiciels utilisés principalement pour la mise à disposition illicite d'œuvres protégés par le droit d'auteur : un logiciel de craquage étant totalement destiné à contourner le droit d'auteur, il ne tombe donc pas sous le coup de cet article.

Il faut rester où on est aujourd'hui, avec la loi pour la confiance dans l'économie numérique, et ne pas étendre, à chaque nouveau problème, le champ d'application de dispositions qui n'ont pas été prévues pour les résoudre. Ce serait une très mauvaise façon de légiférer. Si on continue ainsi, le dispositif deviendra inutilisable puisqu'il n'y aura plus de hiérarchie de la sanction par rapport à ses conséquences sur la circulation d'informations sur Internet.

[...]

Vous devriez, madame la ministre, écouter Jean Dionis du Séjour, qui parle en connaissance de cause, avec conviction et du fond du cœur. Le site « Aaargh » est un site nazi et antisémite ; je le sais d'autant mieux qu'un habitant de ma circonscription a précisément subi de sa part des menaces à caractère antisémite. Dans ce cas, il faut évidemment tout faire pour mettre fin au site, car il menace la sécurité des personnes. Je pensais par ailleurs que la décision de la Cour de cassation avait été suivie d'effets ; or Jean Dionis du Séjour vient de nous dire que le site était réapparu sous une autre forme. De fait, depuis plusieurs années, il migrait vers différentes plateformes pour essayer d'échapper à une fermeture légale.

Comment comparer les mesures nécessaires prises contre ce type de sites avec le droit d'auteur ? Il y a une proportion dans le droit, qu'il nous revient d'ailleurs de marquer : pour que le juge puisse juger, il faut que le législateur ait défini un cadre. M. Dionis du Séjour a donc raison de défendre son amendement [n° 324] avec passion. On nous demande aujourd'hui d'étendre des dispositions prévues contre le négationnisme ou la pédophilie au droit d'auteur ; demain, on nous demandera de les étendre au droit de la presse !

Si ! De telles tentations ont déjà existé en matière de diffamation, et des poursuites sont en cours sur la question de savoir si un site doit ou non se prononcer a priori sur le caractère diffamatoire des propos qu'il met en ligne ; mais c'est précisément ce que les sites ne sont pas à même d'apprécier : pour cela, il faut un jugement.

Si : en matière de diffamation, il est difficile de savoir à l'avance.

Préservons la proportionnalité de la loi, sans tout mélanger : si l'on commence aujourd'hui avec les droits d'auteur, la même question se posera demain pour les droits de la presse.

[...]

Le débat devient un peu désespéré.

Nous n'aurions pas dû avoir à déposer un tel amendement [n° 415].

Nous sommes malheureusement obligés de le faire car, comme l'ont montré les interventions de M. le rapporteur et de Mme la ministre, le texte s'écarte de l'article 6 de la loi de confiance dans l'économie numérique. C'est bien cela qui est inquiétant, tant il est fondamental à nos yeux de respecter le cadre défini par cet article, selon lequel les fournisseurs d'accès à l'Internet ou les hébergeurs « ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ».

Je rappelle par ailleurs qu'aux termes de l'article L. 32-3-3 du code des postes et des communications électroniques, les personnes qui exercent une surveillance deviennent responsables du contenu qu'elles ont surveillé. Autrement dit, un fournisseur d'accès à l'Internet qui laisserait circuler des contenus qu'il est censé filtrer sera responsable du délit et, à ce titre, passible de poursuites. Les délits liés aux propos racistes ou antisémites ne sont déjà pas faciles à juger, la justice ne donnant pas toujours raison aux plaignants ; or ce problème se posera même pour le droit d'auteur, non pas systématiquement mais parfois.

Il peut y avoir des conflits, cela arrive, même si c'est exceptionnel. Selon votre dispositif, dès lors qu'un ayant droit se plaindra d'une atteinte au droit d'auteur, le juge pourra d'emblée obliger le fournisseur d'accès à couper l'accès au site incriminé. Or la loi pour la confiance dans l'économie numérique prévoit un ordre précis : d'abord l'éditeur, puis l'hébergeur et, en dernier ressort, le fournisseur d'accès.

La loi ne prévoit pas une telle responsabilité, pour le fournisseur d'accès, au sujet du terrorisme, du négationnisme, de l'appel à la haine raciale ou de la pédophilie, délits pourtant bien plus graves que l'atteinte au droit d'auteur. Même si celle-ci est en effet condamnable, on n'est assurément pas dans la même échelle de valeurs, comme l'ont souligné Patrick Bloche et Jean Dionis du Séjour.

[...]

Les procédures fondées sur des relevés d'adresses IP ayant montré qu'elles manquaient de fiabilité pour établir le délit de contrefaçon, vous avez décidé, madame la ministre, de contourner la difficulté en inventant une nouvelle infraction, le défaut de sécurisation de connexion à Internet.

Malheureusement, en informatique, la notion de sécurité est à géométrie variable : l'évolution constante de la technologie fait qu'il ne peut y avoir de sécurité absolue. Nous demandons donc à des consommateurs de réaliser ce que des spécialistes sont incapables d'obtenir.

Vous dites ensuite que la HADOPI va établir la liste des moyens de sécurisation. Les choses évoluant très vite, la HADOPI va avoir beaucoup de travail pour être à jour en permanence.

[Vous avez déjà posé toutes ces questions !] Si je les repose, c'est que vous n'y avez pas répondu !

Les outils recommandés par la HADOPI seront-ils compatibles avec les principes fondamentaux du logiciel libre ? N'y aura-t-il pas des problèmes de compatibilité entre un logiciel de sécurisation validé par la HADOPI et un ordinateur fonctionnant entièrement avec des logiciels libres ?

L'un de vos conseillers, madame la ministre, a déclaré lors d'un débat public que ces moyens de sécurisation pourraient prendre la forme d'un dispositif implanté dans la carte mère et que, au cas où il serait désactivé, la HADOPI en serait informée. Madame la ministre, reprenez-vous cette proposition à votre compte ? Pensez-vous que c'est ainsi que devront fonctionner les logiciels de sécurisation ? Cela signifierait que tout ordinateur sera constamment sous surveillance et que son utilisateur, même s'il ne commet aucun délit de téléchargement illégal, même s'il ne pratique pas le téléchargement d'œuvres culturelles, pourra être mis en cause s'il a désactivé le logiciel de sécurisation implanté dans la carte mère.

Vous le voyez, ces questions sont très concrètes. À ce stade du débat, il serait bon que nous puissions obtenir des réponses précises : en cas de contentieux, le compte rendu de nos débats pourrait éclairer les juges, qui se prononceraient ainsi en toute connaissance de cause. Votre silence laisserait la porte ouverte à toutes les interprétations.

[...]

Je me réjouis que Mme la ministre ait enfin répondu concrètement à une question que j'avais déjà posée à de nombreuses reprises. Vous voyez, monsieur le rapporteur, qu'il est utile de répéter les questions ! Cela étant, la réponse est très inquiétante. Je pense qu'elle intéressera beaucoup M. Dionis du Séjour.

Mme la ministre a confirmé qu'il y aura obligation d'avoir un dispositif sur son ordinateur – sur la carte-mère –, lequel devra être activé et sera en lien direct avec le fournisseur d'accès qui en gardera la trace. Autrement dit, l'ensemble des ordinateurs de notre pays sera sous la surveillance directe des fournisseurs d'accès. C'est ce que vient de nous confirmer Mme la ministre !

C'est Big Brother ! Votre fournisseur d'accès est en lien avec votre ordinateur pour vous envoyer vos mises à jour. Mais vous pouvez refuser : il suffit de cliquer sur les paramètres. Ainsi, vous refusez les mises à jour et il y a peu d'intrusions de la part de votre fournisseur d'accès. Vous pouvez d'ailleurs avoir un FAI qui soit un fournisseur d'accès en logiciels libres et qui n'a pas les mêmes pratiques. Vous pouvez, à tout moment, paramétrer vos ordinateurs afin de ne pas avoir les mises à jour en ligne, ou du moins pour pouvoir les contrôler et qu'elles ne soient donc pas installées automatiquement. C'est votre droit le plus strict.

Or la réponse de Mme la ministre signifie que vous n'aurez plus aucun contrôle sur votre machine. Dorénavant, tout fournisseur d'accès à Internet avec lequel vous aurez souscrit un abonnement aura directement la maîtrise de votre ordinateur.

C'est grave, madame la ministre, car nous passons dans une autre dimension. Nous sommes en France, dans un pays démocratique. Je suis navrée de vous le dire, mais il n'y a qu'en Chine que l'on essaie de contrôler tous les ordinateurs du pays ! Jusqu'à présent, il ne peut y avoir de contrôle que dans le cadre d'une procédure judiciaire, s'agissant de terrorisme par exemple. Ce n'est pas une société commerciale de droit privé qui peut avoir le droit de surveiller votre ordinateur ! Je me demande si vous vous rendez compte de ce que cela implique, madame la ministre ! Visiblement, cela fait rire votre équipe. D'ailleurs, votre conseiller l'avait assumé puisqu'il l'a dit publiquement au cours d'un débat.

J'appelle l'attention de tous nos collègues et de tous ceux qui écoutent notre débat en ce moment sur Internet, sur l'importance de la réponse de Mme la ministre, car elle représente une atteinte aux libertés publiques.

[...]

L'alinéa 4 prévoit les cas où la responsabilité du titulaire de l'accès ne peut être retenue. Notre amendement [n° 417] propose d'ajouter le cas où le titulaire de l'accès ne procède jamais à des téléchargements d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits.

J'estime qu'il est abusif d'obliger des personnes qui ne pratiquent jamais le téléchargement à sécuriser leur connexion Internet. On ne devrait pas pouvoir les mettre en cause. Il y a des limites à ce que l'on peut exiger !

[...]

Le problème est que cela ne fonctionne pas comme cela. Au cas où la connexion Internet d'un abonné est piratée et utilisée pour des téléchargements illégaux sans qu'il puisse s'en rendre compte, c'est lui qui sera responsable, alors qu'il ne télécharge lui-même jamais illégalement.

Et je ne parle même pas des membres de sa famille, mais seulement du piratage de sa ligne depuis l'extérieur.

Enfin, je rappelle à Mme la ministre, qui affirmait tout à l'heure qu'il était « naturel » que les parents soient responsables, qu'en droit français, ce sont les enfants qui sont responsables de leurs actes lorsqu'ils sont majeurs. Vous créez donc une responsabilité collective qui n'existe pas dans le droit français et n'y a été introduite que par les lois Pasqua.

[Et Pasqua n'était pas ministre de la culture !] Cela se serait su !

[...]

La question soulevée par notre collègue Christian Paul est fort pertinente, et la réponse du rapporteur n'est pas tout à fait efficace.

J'ai le droit de donner mon point de vue, comme vous avez le droit de juger que je me trompe.

Pourquoi, monsieur le rapporteur, avez-vous défendu tout à l'heure des amendements tendant à permettre aux fournisseurs d'accès de vérifier que la connexion d'un nouvel abonné n'avait pas été précédemment suspendue ? Vous vous contredisez maintenant en affirmant que le sort de l'abonnement souscrit chez un premier fournisseur ne concerne pas le second.

Prenons le problème à l'envers : en tant que députés, nous avons souvent deux abonnements, l'un, privé, à domicile, l'autre en circonscription. Nous pouvons donc avoir deux fournisseurs d'accès ou bien deux connexions différentes, avec deux abonnements différents, chez un même fournisseur. Dans ce cas, la suspension concerne-t-elle les deux abonnements ou le seul abonnement correspondant à la connexion que l'on est soupçonné d'avoir utilisée pour télécharger ?

Enfin, cet amendement [n° 418] est important car, comme l'a dit M. Tardy, les matériels et les logiciels évoluent très vite ; or, de mémoire – M. le rapporteur rectifiera au besoin –, dans les entreprises, le délai d'amortissement d'un ordinateur est aujourd'hui de trois ans.

Deux ans, soit ; les entreprises ne changeront pas plus vite leur matériel, et celui des très petites entreprises est évidemment bien plus ancien.

Il en va de même chez les particuliers, qui ne changeront pas non plus leur matériel tant que celui-ci fonctionnera.

Les mises à jour de logiciels posent déjà des problèmes : des particuliers ou des entreprises disposent d'un système d'exploitation qui n'est plus commercialisé, pour lequel il n'existe donc plus de mises à jour et qui peut entrer en contradiction avec d'autres logiciels. Cette situation est très fréquente. Il arrive également que soient mis sur le marché des systèmes d'exploitation qui fonctionnent très mal – nous en avons eu un exemple fameux ces dernières années.

L'amendement aux termes duquel l'abonné ne peut être mis en cause si aucun moyen de sécurisation adapté à la configuration qu'il utilise n'est disponible est donc fondamental.

[...]

Votre explication, monsieur le rapporteur, implique que la mise à disposition des œuvres passe forcément par des plates-formes. Or ce n'est pas toujours le cas. Un auteur peut exercer son droit moral et décider de mettre son œuvre à disposition du public de manière gratuite.

Il n'y a aucune obligation de faire commerce de ses œuvres.

[...]

Nous arrivons bientôt au terme de l'examen de ce projet de loi, mais on ne peut pas dire qu'il aura été beaucoup amélioré. Au contraire, on pourrait même dire qu'il se dégrade.

L'article 9 entraînera une hausse des dépenses publiques puisque toutes les administrations, toutes les collectivités territoriales devront installer ces logiciels payants, mais aussi un coût supplémentaire pour les entreprises. Or je ne suis pas sûre que le moment soit bien choisi pour augmenter les charges des entreprises publiques.

Certes, mais cela ne changera rien pour la filière culturelle, uniquement pour les FAI.

Vous nous expliquez que ceux-ci vont devoir supporter des coûts supplémentaires pour pouvoir proposer des logiciels, mais ces coûts seront répercutés sur des millions de postes de travail et amortis par les abonnements. Vous évitez toujours d'imposer des coûts supplémentaires aux FAI, mais pas à nos entreprises ni à nos concitoyens. Au contraire, vous êtes plutôt pour augmenter leurs charges et vous n'essayez pas d'améliorer leur pouvoir d'achat, alors que nous connaissons une crise économique.

Enfin, la loi DADVSI prévoyait de protéger les DRM – les MTP en français. Les logiciels de sécurisation entrent-ils dans le cadre de ces mesures techniques de protection ? Madame la ministre, je souhaiterais avoir une réponse précise en la matière.

[...]

Nous demandons la suppression de l'article 9 pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être développées par M. Bloche.

Madame la ministre, je vous demande à nouveau quelle sera l'articulation entre les moyens de sécurisation de l'HADOPI et la protection juridique des mesures techniques telles que prévues par la loi DADVSI.

[...]

Ce sous-amendement [n° 528] vise à compléter l'amendement n° 23 par les deux phrases suivantes : « Cette information est neutre et pluraliste. Elle porte également sur l'offre légale d'œuvres culturelles sur les services de communication au public en ligne, notamment les avantages pour la création artistique du téléchargement et de la mise à disposition licites des contenus et œuvres sous licences ouvertes ou libres. »

Il convient en effet d'englober l'ensemble de la mise à disposition d'œuvres sur les services de communication au public en ligne, afin de sensibiliser des jeunes qui, peut-être, débuteront très vite une vie d'auteur en recourant aux licences ouvertes ou libres, comme Art Libre ou Creative Commons, et de leur expliquer pourquoi il s'agit d'un excellent moyen de diffusion légal de la culture et de partage culturel, qui enrichit la création artistique. Cela les incitera à respecter l'ensemble de la légalité d'accès aux œuvres.

[...]

Tant qu'on n'essaie pas, on est certain d'échouer ! Telle est la raison pour laquelle je présente ce sous-amendement [n° 527]. Peut-être Mme Marland-Militello me soutiendra-t-elle de nouveau.

L'article 9 bis prévoit que les élèves recevront une information sur les dangers du téléchargement pour la création artistique dans le cadre du brevet informatique et Internet des collégiens. Soit, mais comme nous ne disposons toujours pas du rapport prévu par la loi DADVSI, le débat reste ouvert sur le bilan de celle-ci.

C'est la raison pour laquelle ce sous-amendement vise à prévoir que l'information sera « neutre et pluraliste » – ce n'est pas encore une réalité – et qu'elle présentera « également la diffusion légale des contenus et œuvres sous licences ouvertes ou libres ». Si j'insiste sur les licences du type Art Libre ou Creative Commons, c'est qu'elles sont un excellent moyen de diffusion légale de la culture et de partage culturel entre particuliers.

Il est important d'expliquer que ces licences existent. Du reste, Mme la rapporteure pour avis l'a reconnu, en nous indiquant qu'elle a utilisé une œuvre sous licence Creative Commons tout en omettant de signaler son auteur. Il s'agit d'une licence encore assez récente et qui a donc besoin d'être davantage connue pour éviter qu'involontairement des internautes n'utilisent des œuvres qui sont sous cette licence sans préciser l'auteur de l'œuvre, alors que c'est la condition d'utilisation de cette licence. Ce sous-amendement est donc tout d'abord essentiel pour assurer le respect du droit d'auteur dans le cas de la diffusion d'œuvres pour lesquelles les auteurs demandent le respect de leur droit moral sans exiger de rémunération. Il l'est ensuite parce que, je le maintiens, la pratique culturelle des jeunes vers l'extérieur suppose l'utilisation de telles licences. Les grands artistes aujourd'hui connus n'ont-ils pas débuté de façon plus modeste ?

Il est vrai qu'Internet constitue pour les nouveaux artistes un outil fantastique de diffusion. Il est donc très important d'expliquer aux jeunes qu'ils doivent respecter le droit d'auteur en ne téléchargeant pas illégalement des œuvres mais qu'ils peuvent très bien utiliser les licences ouvertes et libres.

[...]

Je souhaite expliquer la position du groupe GDR. Je voterai l'amendement [n° 515] du rapporteur.

Il est à craindre qu'il n'y ait jamais d'accord interprofessionnel, cela a été dit. Une pression avait été exercée au moyen de ce texte, qui fixait comme date butoir la date du 31 mars. Nous sommes le 3 avril et aucun accord interprofessionnel n'est intervenu.

On ne peut se limiter à la répression, il faut aussi favoriser la mise à disposition des œuvres cinématographiques et ce dans les meilleures conditions. De ce point de vue, il s'imposait de réduire le délai.

Je suis pour qu'on maintienne la possibilité de moduler ce délai – y compris en descendant en dessous de quatre mois. Tout le monde pense aux grands films qui obtiennent une belle réussite et des millions d'entrées, mais n'oublions pas les autres ! Il arrive que des films soient très appréciés par les cinéphiles après avoir eu peu de succès lors de leur sortie en salle. Il faut donc laisser, au cas par cas, la possibilité de les distribuer autrement. Ce serait impossible si vous refusiez de descendre en dessous de quatre mois.

[...]

Comme cela vient d'être précisé, cet amendement [n° 335] était très attendu par la profession. La mesure proposée a fait l'objet de nombreuses discussions et négociations. Il s'avérait, en effet, nécessaire de faire évoluer la législation des droits d'auteur des journalistes en tenant compte de l'évolution de la profession, des technologies et des pratiques.

J'avais déposé un amendement parce que des propositions différentes circulaient alors qu'il importait de respecter ce qui avait été discuté, négocié et qui avait donné lieu à accord entre les différents représentants de la profession, à savoir journalistes et entreprises de presse.

L'amendement [n° 490] proposé par le Gouvernement respecte cet équilibre. En conséquence, monsieur le président, je retire celui que j'ai déposé au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Je précise, toutefois, que je voterai l'amendement du Gouvernement à condition qu'il demeure dans son intégralité, donc tel qu'il vient d'être présenté. S'il est modifié, voire dénaturé, par un ensemble de sous-amendements qui ne correspondent plus aux accords et aux points d'équilibre trouvés au sein de la profession, je ne le voterai pas.

[...]

Nous arrive abruptement un amendement [n° 490] du Gouvernement de sept pages, censé être conforme à l'accord obtenu avec les représentants des journalistes et des entreprises de presse. Nous n'avons pas le temps de l'étudier et de procéder aux vérifications nécessaires. Nous arrivent ensuite onze sous-amendements, et nous n'avons pas non plus les moyens de vérifier en séance s'ils dénaturent ou non le texte.

En l'occurrence, ce dernier sous-amendement [n° 532] de M. Kert n'est pas anodin parce qu'il porte sur un sujet qui fait débat dans la profession et qui est au cœur des conflits entre journalistes et propriétaires de presse.

J'appelle donc à voter contre, car soit il y a eu accord des syndicats, ce qui m'étonnerait, soit on est en train d'essayer de faire passer ainsi à la faveur d'un sous-amendement une disposition qui risque d'être très controversée.

Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelle est la position des syndicats de journalistes sur cette question ? Je crains que ce ne soit pas la position défendue par M. Kert.

[...]

J'ai retiré l'amendement [n° 335] que j'avais déposé en expliquant que je faisais confiance à Mme la ministre qui affirmait que le sien [n° 490] respectait le « Blanc ».

Or, madame la ministre, l'un des sous-amendements [n° 532] de M. Kert, qui n'est pas dans le « Blanc », vient d'être adopté suite à votre avis de sagesse. Vous avez reconnu, après quelques atermoiements, que ce sous-amendement ne faisait pas partie du « Blanc ». Il s'agit d'un amendement conflictuel, compte tenu de la situation de la profession en ce moment ; il aurait mieux valu laisser se poursuivre les négociations sur cet aspect.

Dans ces conditions, je ne voterai pas l'amendement du Gouvernement, madame la ministre, parce que je considère que vous avez manqué à l'engagement que vous aviez pris, et que vous trahissez les journalistes en ayant laissé voter le sous-amendement de M. Kert.

[...]

C'est un amendement [n° 422] identique [à l'amendement n° 306]. J'espère qu'il sera accepté, car il est de bon sens et rendrait beaucoup plus facile la communication de documents par les archives, les bibliothèques et les centres de documentation.

[...]

Les bibliothèques, les centres d'archives et les centres de documentation fonctionnent beaucoup en réseau. Le temps où, au sein d'un réseau, par exemple un réseau universitaire, on demandait la communication par envoi postal des documents est un peu passé. Vous êtes en train de revenir à cette époque puisque vous exigez des terminaux dédiés sur le site possédant la copie.

Nos amendements [n° 306 et 422] sont conformes à la directive. Le dispositif du sous-amendement [n° 425] est totalement contraire à l'organisation d'une bibliothèque en réseau.

Par cet amendement, il ne s'agit pas de faciliter la consultation de la revue ou du livre courants, que l'on va de toute façon trouver dans quasiment toutes les bibliothèques – bibliothèques publiques ou d'études, selon le type de documents–, mais de favoriser l'accès à des publications rares, que possèdent seulement quelques bibliothèques sur le territoire national. Auparavant, dans le cadre des échanges inter-universitaires, on les envoyait par la poste ; maintenant, on les consulte à distance quand elles sont mises à disposition sur le réseau par la bibliothèque d'origine. Mais vous dites aux chercheurs qu'ils devront prendre le train – non la voiture, car il ne faut pas polluer ! – pour se rendre à la bibliothèque, à l'autre bout de la France si nécessaire. Reconnaissez que c'est un peu bizarre, au XXI, e, siècle et alors qu'on légifère sur l'utilisation d'internet, de proposer une telle limitation.

[...]

Malgré les nombreuses heures que nous avons consacrées à l'examen de ce projet de loi, nous sommes ce soir un peu déçus, tant par la forme – ce texte est mal écrit et pose bien des problèmes juridiques – que par le fond.

Après le fiasco de la loi DADVSI, dont le Parlement attend toujours le bilan qui devait lui être remis selon les termes mêmes de la loi, vous continuez de courir derrière la chimère du contrôle absolu d'Internet. Avec la loi DADVSI, vous avez voulu faire croire aux auteurs que les DRM allaient régler tous les problèmes. Vous recommencez avec la loi HADOPI qui, par bien des aspects, sera totalement inapplicable.

Comme vous ne voulez pas que la justice intervienne, il sera impossible de prouver le délit de téléchargement illicite : vous avez donc été obligés d'inventer l'incrimination de non-sécurisation de connexion à Internet, dont vous confiez la constatation à une autorité administrative, l'HADOPI. Vous obligez ainsi tous les citoyens de ce pays à sécuriser leur connexion, alors même que l'immense majorité des entreprises et des administrations, qui disposent pourtant de services informatiques, n'y arrivent pas. Vous supposez que tout citoyen français est capable de maîtriser suffisamment l'informatique pour répondre devant la loi du fait que son ordinateur et sa connexion à Internet ne peuvent pas être piratés.

Vous introduisez une labellisation des logiciels de sécurisation qui provoque de fait une discrimination à l'encontre du logiciel libre. Ces logiciels, qui devront être installés sur les ordinateurs de tout un chacun, seront constamment en liaison avec les fournisseurs d'accès à Internet et ne pourront pas être désactivés sans que l'HADOPI ne soit immédiatement informée : vous créez le mouchard universel et obligatoire, ce qu'aucun pays n'a osé faire. Ceux qui avaient choisi la riposte graduée ont reculé, en raison de difficultés techniques que vous avez constamment niées. Ces difficultés techniques ne concernent pas seulement les logiciels de sécurisation, mais aussi la preuve par l'adresse IP. Nous allons nous retrouver avec un tiers d'innocents – c'est la proportion d'erreurs constatées dans les pays qui s'y sont essayés – qui seront sanctionnés parce qu'ils n'ont pas été en mesure de maîtriser leur ordinateur et leur connexion à Internet.

Vous introduisez une rupture d'égalité devant la loi, puisque les mails d'avertissement et les lettres recommandées ne seront pas envoyés automatiquement lorsqu'il y aura soupçon de téléchargement illicite – M. le rapporteur nous l'a répété à plusieurs reprises. Nous ne savons toujours pas en fonction de quels critères ces avertissements seront envoyés.

Autre rupture d'égalité devant la loi, les 3 millions de Français disposant de connexions non dégroupées ne pourront pas avoir de suspension de leur accès à Internet, qui entraînerait de facto la coupure de la télévision et du téléphone, ce qui est contraire à la loi.

En fait, vous imaginez pouvoir créer l'Internet dans un seul pays. C'est assez impressionnant : on a l'impression que la France est une île. Vous allez même jusqu'à créer l'Internet d'État, puisque la France, l'un des vingt-sept pays de l'Union européenne, va imposer aux moteurs de recherche d'organiser le référencement d'un certain nombre de sites !

Ce texte va-t-il régler le problème de la rémunération des auteurs ? Non. Comme celles de la DADVSI, les mesures que vous proposez ne peuvent pas fonctionner. Vous avez systématiquement rejeté les propositions qu'ont avancées l'opposition ou le groupe Nouveau Centre. Nous allons donc, dans deux ou trois ans, nous retrouver dans la même situation. Je suppose que vous proposerez – si, hélas, vous êtes encore au Gouvernement – une nouvelle loi dont le nom se terminera aussi en

Pour conclure, je voudrais dire aux auteurs et aux ayants droit qu'il faut, en effet, défendre le droit d'auteur, mais que cela passe – c'est d'ailleurs le seul point d'accord que j'ai eu avec nos collègues de l'UMP – par le développement des offres et par la baisse des prix. Tant que les prix seront ce qu'ils sont, n'améliorant pas la rémunération des auteurs mais uniquement celle des intermédiaires, vous serez obligés de construire des usines à gaz pour essayer de contenir le flot d'Internet : vous n'y arriverez pas.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera donc contre le projet de loi.

02/04/2009 Débats HADOPI : mouchards filtrants, preuve, paradis fiscaux, adresse IP, autorité judiciaire, paiement durant la suspension, rétablissement de la connexion, recours

Je tiens à préciser que l'amendement n° 18 a tout de même été voté par la commission. Il correspond, certes, à un amendement du rapporteur précédemment adopté, mais il ne se situe pas au même endroit.

Le débat est justement là ! Il convient de savoir si nous devons ou non prendre des mesures sur la transaction, comme nous l'avons fait concernant la sanction. Ainsi, l'amendement tendant à supprimer l'alinéa 86 a été voté, conformément à ce qu'il avait été décidé pour l'alinéa 77. Nous devons, maintenant, mettre le dispositif de la transaction en cohérence avec la décision prise précédemment. Je maintiens donc mon amendement [n° 437].

[...]

Madame la ministre, je pensais qu'il ne serait pas nécessaire, après tous les débats que nous avons eus depuis le début, d'expliquer à nouveau un certain nombre de choses.

Open Office, c'est une suite bureautique. Une suite bureautique comporte en général un traitement de texte, un tableur et une base de données, mais pas de pare-feu. Un pare-feu, cela sert notamment à éviter les spams, les logiciels espions et les virus. Cela n'a donc rien à voir avec une suite bureautique. Dans votre ministère, il y a effectivement des pare-feu, à l'Assemblée nationale aussi d'ailleurs, ce qui nous évite d'être inondés de spams – même si certains passent tout de même au travers, car il y a des limites à tout – et nous protège d'un certain nombre de virus.

Le problème, c'est que le logiciel libre est un logiciel participatif, avec des codes ouverts, et que tout informaticien ou toute personne maîtrisant un tant soit peu la question peut donc le modifier. C'est le principe même du logiciel libre.

Dès lors qu'un ordinateur sera équipé en logiciels libres, avec, par exemple, Linux comme système d'exploitation, Firefox comme navigateur Internet et Open Office comme suite bureautique, on ne pourra pas y installer ce que vous appelez un logiciel de sécurisation, c'est-à-dire un mouchard, car il ne devra pas être modifiable, sans quoi la loi ne sera pas respectée. Comment, dans ces conditions, la HADOPI pourrait-elle certifier un logiciel libre comme logiciel de sécurisation ?

La contradiction est insoluble. LA HADOPI ne pourra certifier que des logiciels du style Microsoft, et nous retomberons dans un système déjà condamné maintes fois au niveau européen, celui de la vente liée : on sera obligé, pour se conformer aux obligations de la loi, de s'équiper, disons, en logiciels Microsoft.

C'est bien le problème, et c'est la raison pour laquelle cette loi ne peut pas fonctionner. Elle est anticoncurrentielle et introduit une inégalité devant la loi entre possesseurs de matériel informatique.

[...]

Le rapporteur nous dit dans l'exposé sommaire que « le titulaire d'abonnement mis en cause devra impérativement rendre des comptes sur la mise en place des mesures de nature à prévenir le renouvellement des manquements constatés ». Cela va très loin !

Le titulaire de l'abonnement, c'est en effet celui qui correspond à l'adresse IP. Or, celle-ci, par exemple dans le cas d'une Live Box, peut concerner plusieurs ordinateurs. À supposer même qu'il n'y ait pas eu de piratage, le titulaire devra rendre des comptes sur la mise en place des mesures de nature à prévenir le renouvellement des manquements constatés sur chaque ordinateur. C'est totalement irréaliste !

Actuellement, dans les affaires de pédophilie ou de terrorisme, la police judiciaire débarque chez vous, emporte l'ordinateur et vérifie ensuite s'il y a eu, par exemple, téléchargement d'images pédophiles. C'est particulièrement difficile à vérifier, car on peut facilement prouver ce qui est, mais moins facilement prouver ce qui n'est pas. Il faut donc des heures et des heures de travail à un expert informatique pour trouver des preuves et justifier l'incrimination.

Vous nous annoncez de but en blanc que le titulaire de l'abonnement devra impérativement rendre des comptes, mais ce sera strictement impossible dans la majorité des cas. Vous êtes donc en train de nous demander de voter une loi qui n'est pas applicable, et face à laquelle les Français seront totalement démunis. Ils n'auront ni les moyens techniques ni les moyens financiers de se défendre, car la personne accusée de télécharger illégalement devra engager un expert informatique pour prouver sa bonne foi.

Vous n'avez pas voulu modifier la loi DADVSI pour vous situer dans le champ de la contrefaçon. Vous avez essayé de contourner le problème en inventant cette obligation de sécurisation des ordinateurs. Or c'est techniquement impossible, contrairement à ce que disait hier soir M. Lefebvre, qui semble avoir une confiance illimitée en la technologie.

Pas un informaticien, pas un seul expert auprès des tribunaux n'osera proférer une contrevérité comme celle qu'a énoncée hier soir M. Lefebvre.

[...]

Je voudrais lire un témoignage intéressant, qui soulève un point auquel nous n'avions pas pensé, et qu'il me semble important de verser au débat.

Un internaute m'écrit : « Un point me taraude. Vous avez abordé le cas d'œuvres musicales non disponibles en France, en l'absence d'offre légale en magasin ou sur Internet. Je me suis donc naturellement retourné vers des sites marchands étrangers. J'ai voulu acheter ces œuvres à l'étranger. » C'est donc quelqu'un qui ne cherche pas à télécharger illégalement. Il poursuit : « Le problème est que l'offre de téléchargement légal d'Amazon.com est réservée aux seuls Américains. Que faire dans ce cas ? On souhaite acheter légalement, et le système l'interdit. Un grand nombre de films que j'ai vus n'ont pas été distribués en France et, à mon grand regret, ne le seront pas. »

Je pense et j'espère que cet amendement [n° 214] pourra permettre à un cinéphile averti, qui souhaite respecter la loi et rémunérer les auteurs mais n'a pas les moyens de le faire, de ne pas être poursuivi s'il télécharge des films non disponibles légalement en France.

[...]

Ce point est l'un de ceux qui justifient notre opposition au texte. Il est constant, dans notre droit, de faire intervenir un juge de l'ordre judiciaire pour tout ce qui touche aux restrictions à la liberté individuelle, ce qui est bien le cas, en l'espèce, de la sanction envisagée : il ne s'agit pas de juger les manquements à une simple relation contractuelle privée.

La décision de suspendre l'accès à l'Internet est motivée par le soupçon de téléchargement illégal ; mais encore faut-il que celui-ci soit prouvé. J'ai déjà fait part de cette difficulté, illustrée par le témoignage d'un expert judiciaire en informatique : « Je suis », écrit-il, « amené à réaliser des investigations notamment sur des disques durs pour rechercher des images ou vidéos à caractère pédophile. Typiquement, l'adresse IP d'un individu a été repérée dans un forum de discussion et transmise à la justice, qui ordonne une saisie au domicile de l'individu pour récupérer l'ordinateur. »

Quel est le point commun avec ce dont nous parlons ? Le repérage de l'adresse IP, dans un forum ou via les multiples moyens de téléchargement disponibles sur la toile. La différence est que, en matière de vidéos ou d'images pédophiles, seule la justice peut ordonner la saisie l'ordinateur au domicile de la personne incriminée, seul moyen de prouver le délit. « Souvent », poursuit l'expert, « les personnes mises en examen se défendent en arguant que les images ont été placées sur le disque dur à leur insu, ou que leur connexion a été piratée. Il faut donc démontrer qu'il n'y a pas eu de piratage à quelque niveau que ce soit, ou que le piratage n'a pas pu avoir pour conséquence la présence des images. Le coût de telles recherches est de l'ordre de quelques milliers d'euros par disque, à la charge de la collectivité. » Je rappelle que l'adresse IP est celle de la box, de sorte que, si plusieurs ordinateurs y sont reliés, le coût en sera multiplié d'autant.

« Que se passera-t-il », s'interroge l'expert, « lorsqu'un usager voudra démontrer sa bonne foi et que sa mise en cause est abusive ? La preuve étant en grande partie technique, cet individu pourra-t-il débourser quelques milliers d'euros pour établir sa bonne foi ? Est-ce la collectivité qui devra prendre en charge ce coût ? De plus, à supposer que le disque dur de l'individu verbalisé ne contienne aucun fichier incriminé, l'absence de preuve ne signifie pas la preuve de l'absence. Il est quasiment impossible de justifier que l'on n'a pas réalisé un tel téléchargement. »

Voilà pourquoi nous insistons avec obstination pour inscrire dans le texte la saisine de la justice. Un recours sera possible, nous répond-on. Mais encore faut-il que la personne incriminée puisse le faire – qui plus est dans un délai d'un mois –, les nombreuses connaissances techniques exigeant le recours à des experts.

[...]

Le débat sur la suspension a également eu lieu en commission des affaires culturelles. Nous avons considéré qu'une inégalité devant la loi risquait d'apparaître entre ceux qui ont un abonnement triple play, qu'il soit ou non dégroupé, et ceux qui ont un abonnement mono-VC.

Pour les premiers, vous dites, madame la ministre, que l'abonnement représente 30 euros – en fait 29,90 ou 29,99 euros, car le marketing a l'art de ne pas afficher des prix ronds. Mais, si la coupure dure un an, cela fait tout de même 360 euros, ce qui n'est pas une somme négligeable. La suspension ne doit s'appliquer qu'à l'accès à des services de communication au public en ligne. Or, depuis le début de nos débats, notre collègue Dionis du Séjour demande ce qu'il advient de la messagerie, qui n'est pas considérée comme un service de communication au public en ligne. Nous n'avons toujours pas obtenu de réponse sur ce point.

Nous proposons pour notre part que, en cas d'offre composite, la coupure ne touche que la connexion Internet et qu'elle suspende en même temps le « versement de la part du prix y afférent ». Il faut donc que tous les contrats à terme des offres composites mentionnent les parts respectives des différents services – télévision, Internet et téléphone – dans le prix de l'abonnement. Il n'y a pas de raison qu'un abonné paie la totalité de l'abonnement, alors qu'il subit une dégradation du service liée à une décision administrative.

Certes, la mise en œuvre de ces mesures risque de prendre du temps. Pour les contrats en cours, il faudra faire des avenants : le dispositif ne sera donc pas applicable immédiatement. On sait que les fournisseurs d'accès à Internet ne sont pas favorables à cette solution et préfèrent le texte du Gouvernement, qui prévoit que l'abonné continue de payer, même si sa connexion est suspendue. Il est vrai que le fournisseur d'accès n'est pour rien dans la sanction. Mais, sur tous les bancs de la commission des affaires culturelles, nous avons considéré que l'abonné ne devrait pas avoir à payer un service auquel il n'a plus accès et que, si vous vous obstiniez à maintenir le paiement, il faudrait au moins que cela serve à la création culturelle. Ce texte ne prétend-il pas la protéger et veiller au respect du droit d'auteur ? Puisqu'il y a atteinte au droit d'auteur, il faut que la sanction serve à la rémunération des droits d'auteur.

Vous n'arriverez pas, madame la ministre, à nous faire pleurer sur les bénéfices des fournisseurs d'accès à Internet. Qu'ils aient de quoi continuer leurs investissements ou améliorer le service, c'est bien normal, c'est le principe de toute entreprise. Mais, à l'heure actuelle, on ne peut pas dire qu'ils aient de gros problèmes financiers. Le Gouvernement n'a-t-il d'ailleurs pas décidé de les taxer pour compenser sa décision abrupte de supprimer la publicité sur les chaînes publiques de télévision ? En soi, il ne s'agissait pas d'une mauvaise mesure, mais comme elle n'a pas été préparée, comme le financement de remplacement n'a pas été prévu et comme la publicité a augmenté sur les autres chaînes, on n'a pas bien vu où était l'avantage. Quand il s'agit d'essayer de régler une situation qui est la conséquence d'une décision impromptue du Président de la République – qui a l'habitude de faire de grandes annonces sans se préoccuper de la suite –, vous ne versez pas une larme pour les fournisseurs d'accès. Mais, quand on en est à faire payer aux abonnés un service auquel ils n'ont plus accès, voilà que vous pleurez sur leur sort. Votre chagrin est vraiment sélectif.

[...]

Que l'on ne nous fasse pas la comparaison avec la suspension du permis de conduire et l'obligation d'assurance : en droit, on est obligé d'assurer sa voiture tant qu'elle n'est pas une épave. Cela n'a donc rien à voir avec le fait de continuer à payer son abonnement lorsqu'on ne peut pas utiliser sa connexion Internet.

[...]

M. Tardy devrait approuver cet amendement [n° 447], au moins sur le fond, la forme pouvant toujours être discutée. Il s'agit du rétablissement de l'accès à l'issue de la période de coupure.

Peut-être vais-je le retirer, je n'en sais rien, monsieur le rapporteur, mais cela pose tout de même un petit problème : bon nombre de fournisseurs d'accès Internet sous-traitent la partie technique de la coupure ou du rétablissement de la connexion.

Comment cela se passera-t-il ? Les données personnelles de l'abonné seront saisies dans un fichier et, tant qu'elles y figureront, la connexion ne pourra être rétablie et il ne pourra pas non plus s'abonner à un autre fournisseur d'accès Internet.

Les fournisseurs Internet devront-ils être attentifs à la date de rétablissement et prévoir en conséquence le rétablissement de la connexion à la date prévue de la fin de la sanction ou recevront-ils une indication de la commission de la protection des droits ? Le texte de loi est, sinon incertain, du moins imprécis sur ce point. Cela relève peut-être du domaine réglementaire ; en tous cas, à aucun moment de nos débats il n'a été indiqué comment cela allait se passer concrètement.

Nous n'avons pas de garantie sur les délais. Dans le centre de Paris, le rétablissement ne posera peut-être pas trop de difficultés, mais dans des zones moins denses, il ne faudrait pas que les délais s'allongent le temps que le fournisseur d'accès Internet contacte un sous-traitant qui puisse rétablir la connexion dans un domicile éloigné de l'entreprise. Il ne faudrait pas que l'internaute subisse plusieurs jours de suspension supplémentaires qui n'auraient plus rien à voir avec la sanction. C'est la préoccupation qui m'a amenée à déposer l'amendement n° 447.

[...]

[Avez-vous été rassurée, madame Billard ?] Pas tout à fait, pour deux raisons, monsieur le président.

Premièrement, j'aimerais que l'on m'explique en quoi la suspension est une mise entre parenthèses. Peut-être au niveau juridique, mais, au niveau technique, il faudra bien que le fournisseur d'accès coupe la connexion. En technique, la suspension n'existe pas, c'est une innovation. Je sais bien que, selon Frédéric Lefèbvre, la technologie peut tout mais je crains que la technologie ne parvienne pas à faire en sorte qu'une suspension ne se traduire pas par une coupure de connexion.

Deuxièmement, l'argument de M. le rapporteur selon lequel les fournisseurs d'Internet auront intérêt à rétablir rapidement la connexion puisque nous avons voté la suspension du paiement de l'abonnement ne me convainc qu'à moitié : d'abord parce que la gestion des fichiers dans notre pays pose problème, ensuite parce que je ne suis pas certaine que l'amendement que nous avons voté tout à l'heure contre l'avis du Gouvernement sera maintenu en CMP.

Par prudence, je maintiens mon amendement [n° 447].

[...]

Pour la mise en œuvre de la sanction, le texte initial du Gouvernement prévoyait un délai de quinze jours, que l'amendement n° 320 a allongé ensuite à vingt et un jour au moins et à vingt-huit jours au plus. La deuxième rectification le porte à quarante-cinq jours au moins et à soixante jours au plus. Il faut convenir que le délai de quinze jours initialement prévu était techniquement peu crédible et difficilement envisageable.

Hier, nous avons débattu du délai de recours pour l'abonné, initialement fixé à sept jours – je signale au passage que l'exposé des motifs de l'amendement n° 320 deuxième rectification ne prend pas en compte l'allongement de ce délai et devient, de ce fait, inexact, mais cela n'a rien de dramatique pour qui a suivi le débat. Notre collègue Brard avait proposé d'étendre le délai de recours à trente jours pour essayer d'éviter une catastrophe. Après une nouvelle discussion, à la faveur d'une suspension de séance, nos collègues socialistes ont proposé de l'allonger à deux mois, ce qui aurait permis un alignement sur le droit constant administratif. Leur amendement a été rejeté, au motif qu'un délai d'un mois vous paraissait suffisant.

Je ne suis pas opposée à ce que, comme le prévoit l'amendement n° 320 deuxième rectification, le délai dont disposeront les FAI soit allongé de quinze à soixante jours. Mais je m'étonne que cet allongement ne bénéficie pas également aux titulaires de l'abonnement.

Enfin, je reviens sur la réponse du rapporteur. Le fournisseur d'accès devra nécessairement gérer un fichier des titulaires d'abonnement concernés, mentionnant la date de la coupure et celle du rétablissement. L'article L. 331-31, à l'alinéa 100 de l'article 2 du projet de loi, prévoit en outre que « la Haute Autorité établit un répertoire national des personnes qui font l'objet d'une suspension en cours de leur accès à un service de communication au public en ligne. » Il y aura en fait deux fichiers gérés, l'un par la Haute autorité, l'autre par les FAI. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous confirmer que le second sera déclaré à la CNIL et, si oui, nous indiquer dans quelles conditions il sera établi ?

[...]

N'ayant pas été totalement convaincus par les arguments du rapporteur hier soir, nous maintenons, par cet amendement n° 450, la demande que le recours soit suspensif et que la sanction ne soit appliquée qu'à la forclusion de ce délai. Nous craignons que, sinon, un abonné qui n'est responsable d'aucun acte délictueux ne puisse être victime d'une coupure avant même d'avoir pu prouver sa bonne foi.

[...]

Avec l'article L. 331-30, nous abordons un autre sujet, celui des logiciels de sécurisation que ce projet veut imposer. Par l'amendement 451, nous proposons de supprimer ces dispositions, sur lesquelles il vaut la peine de se pencher plus longuement.

L'utilisation des ces moyens de sécurisation est censée exonérer les utilisateurs d'Internet de la responsabilité que cette loi va leur faire porter. Il s'agit de dispositifs qui font obstacle à l'utilisation de certains protocoles. En outre, un serveur distant vérifiera s'ils sont activés. En clair, il s'agit de mouchards filtrants – comme l'avait expliqué un conseiller de Mme la ministre sur un chat au représentant d'une association d'internautes. Puisque c'est l'utilisation de tels dispositifs qui exonère le titulaire de l'accès de sa responsabilité, comme le précise l'article L. 336-3, chaque abonné à Internet se trouvera obligé d'en installer, ce qui constitue à nos yeux une réduction arbitraire de son droit à l'information, à la communication et au respect de la vie privée. En outre, les particuliers auront sans doute quelque peine à le faire, et on peut s'attendre à un tollé général comme celui suscité, lors du vote de la loi DADVSI, par les DRM.

Imposer une telle obligation est inadmissible. On peut discuter de la philosophie de la riposte graduée. Mais comment justifier qu'on oblige à sécuriser ainsi un poste de travail, alors qu'on ne demande pas la même sécurisation pour d'autres fonctions de l'Internet ? Rappelons que l'accès à des contenus ou applications sur internet ne peut être limité que suite à une décision de l'autorité judiciaire.

Enfin, les techniques de filtrage quelles qu'elles soient présentent deux défauts intrinsèques majeurs. D'une part, elles empêchent des usages légaux. On rejoint ici votre fantasme d'interdire le protocole peer to peer – qui s'est heurté au fait que universités et entreprises l'utilisent et que les techniques de filtrage peuvent être contournées, car elles sont en fait très limitées, comme l'explique le rapporteur lui-même, reprenant le rapport Olivennes. J'y reviendrai.

La solution la plus raisonnable pour respecter les droits fondamentaux des utilisateurs consisterait, comme le préconise Bruno Retailleau dans un amendement adopté par le Sénat en un dispositif de sécurisation de la connexion de type chiffrement WPA2 pour le Wi-Fi. L'inconvénient de cette solution est que pour sécuriser véritablement une connexion, elle nécessite un mot de passe, changé très régulièrement. De nombreux internautes qui ne sont pas de spécialistes de l'informatique, ne tiennent pas à ce qu'on leur complique la vie a lieu de la simplifier, sans oublier le fait que cela poserait problème à tous ceux dont le matériel n'est pas adapté aux technologies de chiffrement.

Ajoutons qu'obliger à l'utilisation de ces techniques peut poser un problème de respect de la libre concurrence.

Selon une étude parue récemment dans une revue de sécurité, dans les 5, e, et 13, e, arrondissements de Paris, sur 31 000 points d'accès à Internet étudiés, plus de 2 000 étaient totalement ouverts et plus de 40 % utilisaient le protocole WEP notoirement inefficace, puisqu'il peut être cassé en moins de quatre minutes.

En résumé, je suis totalement opposée à ce dispositif pour des raisons de fond ; au demeurant, il est irréaliste, inapplicable et donc inefficace.

[...]

Je ne sais si nous allons finir par arriver au bout de ce débat : il est tout de même surprenant !

Je souhaite bien du plaisir à la HADOPI pour parvenir à établir la liste des « spécifications nécessaires fonctionnelles objectives » dont parlait Mme la ministre. Monsieur Riester, il suffit de lire les pages de votre rapport consacrées aux problèmes que cela pose pour constater que les choses ne sont pas si simples.

Madame la ministre, vous citez le cas des administrations : vous vous rendez tout de même compte que l'usager ne dispose pas individuellement des services qui composent une administration ! Prenez le cas du service informatique de l'Assemblée qui organise la maintenance de l'ensemble des postes informatiques des députés et des fonctionnaires : pour faire face à ces tâches, vous constaterez qu'il est nécessaire de mobiliser énormément de monde.

Par ailleurs, le pare-feu n'a rien à voir avec ce sujet. Nous essayons de vous l'expliquer depuis déjà un bon moment.

Quant au logiciel de contrôle parental, il peut certes bloquer le port utilisé pour le peer to peer, mais il peut aussi à tout moment être désactivé par le parent qui peut vouloir se servir du logiciel de P2P.

Le logiciel de contrôle parental permet aux adultes d'empêcher les enfants d'accéder involontairement à des sites pédophiles, ou volontairement, lorsqu'ils sont un peu plus grands, à des films pornographiques. Mais, madame la ministre, contrairement à ce que vous venez de dire, l'obligation dont il est question ici n'a rien à voir avec cela.

Ainsi, selon l'article 6 du projet de loi, l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle les personnes titulaires de l'accès à Internet ont bel et bien une obligation, assortie de sanctions, parmi lesquelles l'injonction d'installer un logiciel de sécurisation. Vous ne pouvez donc pas dire que l'internaute installe le logiciel s'il le veut.

Madame la ministre, il faut suivre l'évolution des techniques.

Au départ, comme vous dites, la carte mère des matériels vendus comportent de plus en plus souvent – et cela va se généraliser – un dispositif de sécurisation qui, aujourd'hui, n'est pas encore activé, mais qui le sera bientôt pour être en liaison avec un serveur auquel la HADOPI aura accès. Le message envoyé à la Haute autorité est clair : tout abonné à Internet qui désactivera ce dispositif est un délinquant, il ne respecte plus les termes de la loi, il faut le poursuivre.

Voilà pourquoi nous maintenons notre refus absolu de l'obligation d'installer de prétendus logiciels de sécurisation. Pour nous, il s'agit de mouchards espions.

[...]

L'amendement n° 73 rectifié n'est pas anodin : il réécrit complètement l'alinéa 97 de l'article 2.

La nouvelle rédaction diffère notablement de celle du projet de loi originel, qui faisait obligation à la HADOPI de valider les spécifications fonctionnelles et d'en faire la liste, alors que l'amendement de la commission, selon les termes de son exposé sommaire, « supprime l'établissement d'une liste de ces spécifications fonctionnelles en se bornant d'exiger de la Haute Autorité qu'elle les rende publiques ». Il s'agit bien d'une modification de fond. Cela dit, cette solution est peut-être préférable car la rédaction d'origine pouvait paraître bizarre. Il reste que nous ne savons toujours pas quelle peut être la conception de ces spécifications fonctionnelles.

Monsieur le rapporteur, à la page 55 de votre rapport, vous reprenez le rapport Olivennes pour citer divers outils de filtrage et leurs limites. Première possibilité, le filtrage d'URL ou d'adresse IP a plusieurs limites : non seulement il bloque l'accès à l'ensemble d'un serveur – ce qui est plutôt gênant –, mais il nécessite une surveillance constante.

Deuxième possibilité : le filtrage des ports. Les services de peer to peer utilisent en effet des ports clairement identifiés, qu'il est possible de bloquer. Mais ces ports seront alors bloqués pour tous les usages, y compris légaux, ce qui est tout de même gênant.

Troisième possibilité : le filtrage des protocoles, qui se heurte aux mêmes limites que le filtrage des ports.

Quatrième possibilité : le filtrage des contenus. Mais, tous ceux qui cherchent à filtrer les spams le savent, les logiciels anti-spams qui utilisent ce principe on beau être de plus en plus poussés, ceux qui conçoivent ce type d'e-mails parviennent toujours à trouver une astuce pour les contourner.

Par ailleurs, le rapport Olivennes soulève le problème du point d'implantation du filtrage. Compte tenu du volume des données qui transitent par le réseau du fournisseur d'accès à Internet, il est pratiquement impossible d'installer le dispositif de filtrage à ce niveau. En tout état de cause, comme le reconnaît le rapport, cela représenterait un coût d'investissement et de fonctionnement très élevé. Je souhaite donc bien du courage à ceux qui tenteront d'établir la liste des spécifications fonctionnelles que les outils de sécurisation devront présenter. Je crains que le résultat ne soit désastreux.

Enfin, s'il est vrai que certaines sociétés vendent des programmes basés sur des logiciels libres, n'oublions pas que le principe du logiciel libre est précisément de rendre ses codes accessibles et modifiables par tous.

[...]

Je défends [l'amendement n° 356] d'autant plus volontiers, monsieur le président de la commission, que notre amendement n°354 relatif à l'interopérabilité est tombé du fait de l'adoption de l'amendement n° 73 rectifié.

Notre amendement n° 356 propose d'obliger les fournisseurs d'accès à Internet de proposer à leurs abonnés un moyen de sécurisation adapté à la configuration de leur installation et labellisé par la Haute autorité. Il s'agit de résoudre ainsi les problèmes d'interopérabilité et de coût induits par le dispositif du Gouvernement.

En effet, il n'est pas envisageable que des abonnés entièrement équipés en logiciels libres soient obligés de modifier leur équipement et d'utiliser des logiciels imposés, écrits et vendus par des sociétés commerciales.

Par ailleurs, nous savons que le coût des logiciels anti-spams, par exemple, est assez élevé. Mais personne n'est obligé d'en équiper son ordinateur, d'autant que le filtrage de premier niveau opéré par les FAI est assez efficace. En revanche, les logiciels dits de sécurisation, et que nous préférons appeler mouchards, seront, quant à eux, obligatoires. Il ne serait pas normal que l'internaute soit obligé d'acheter assez cher non seulement ce logiciel, mais aussi ses mises à jour régulières : pour les logiciels anti-spams par exemple, on est obligé d'acheter une nouvelle version tous les ans. L'obligation que vous imposez ne doit pas entraîner un coût supplémentaire pour l'abonné.

01/04/2009 Débats HADOPI : injonction, mouchards filtants, secret défense, télétravail, critères, publication des sanctions, recours, engagement

L'alinéa 78 porte que la commission de la protection des droits peut prononcer « une injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté et à en rendre compte à la Haute Autorité, le cas échéant sous astreinte. »

Je précise d'entrée de jeu que je ne suis pas du tout d'accord avec cette disposition. Mais, craignant qu'elle ne soit de toute façon votée, je veux essayer d'éviter le pire. Que signifie exactement « prendre des mesures de nature à prévenir... » ? Cette rédaction est d'un flou qui a de quoi inquiéter quant aux obligations qui pourraient être imposées à l'internaute.

Nous préférons donc, par cet amendement [n° 13] – le groupe GDR a déposé un amendement 385 identique – rédiger ainsi l'alinéa 78 :

« 2° Une injonction de mettre en œuvre un moyen de sécurisation figurant sur la liste définie à l'article L. 331-30, adapté à la configuration de son installation, le cas échéant sous astreinte et à en rendre compte à la Haute Autorité. »

Cela évitera au moins les problèmes d'interprétation sur les possibilités ouvertes à la commission.

[...]

Il me semblait qu'en règle générale on évitait d'introduire dans la loi le terme « notamment », qui rend la législation très floue.

Par ailleurs je m'inquiète. Il existe en effet des rapports, comme celui du Conseil général des technologies de l'information, qui recommande de mener à bref délai une expérimentation sur le filtrage sur le poste client synchronisé avec un serveur central. Cette proposition a reçu l'aval de votre conseiller juridique, madame la ministre, lors d'un chat sur 01.net. au motif, a-t-il indiqué, que ces dispositifs auraient pour but de faire obstacle à certains protocoles. Le problème, c'est qu'on a l'impression de voir réapparaître tout à coup le fantasme de l'interdiction du protocole peer to peer.

D'autre part, la Haute autorité serait informée de la désactivation des moyens de sécurisation par leurs éditeurs. Il y aurait donc obligation de sécuriser le poste de travail grâce à un logiciel – de Microsoft, on a compris à travers les propos de Mme la ministre qu'il n'y aura pas beaucoup d'autres logiciels labellisés. Si on le désactive, un serveur stockera cette information et la Haute autorité pourra avoir accès à ce serveur pour vérifier si quelqu'un a désactivé son logiciel de sécurisation. Cela signifie que l'internaute ne bénéficie plus de la présomption d'innocence, mais est sous le coup d'une présomption de culpabilité, considéré comme un délinquant en puissance. Voilà ce qu'implique la rédaction proposée par le rapporteur. Tous les ordinateurs, partout en France, seront soumis à une surveillance constante. Or on commence à vendre des appareils avec des puces intégrées dans la carte-mère qui ont pour objectif d'empêcher l'utilisation de logiciels peer to peer. Actuellement, elles ne sont pas activées, mais si elles le sont par la suite et que vous voulez utiliser un de ces logiciels peer to peer, qui sont des outils neutres, et très utilisés par les entreprises et les universités, ce qui n'est pas interdit par la loi.

Ce que la loi interdit c'est de pratiquer des téléchargements illégaux. Si donc vous voulez utiliser un de ces logiciels, il faudra désactiver cette puce. On voit ce qu'il adviendra dans ce cas, avec cette disposition que le rapporteur propose d'aggraver.

[...]

L'Assemblée a précédemment adopté un amendement n° 456, présenté par le Gouvernement, pour compléter l'alinéa 52 de l'article 2. Il prévoit que l'habilitation des agents de l'HADOPI « ne dispense pas de l'application des dispositions définissant les procédures autorisant l'accès aux secrets protégés par la loi ».

Or le Gouvernement est tellement obsédé par son idée d'empêcher les internautes de télécharger qu'il en oublie que toutes les situations ne sont pas individuelles, et qu'elles ne concernent pas que les jeunes, ou les moins jeunes, utilisant Internet pour télécharger des œuvres sans en payer les droits. Mon sous-amendement précise donc que l'injonction s'applique, « sauf à l'encontre des personnes habilitées dans le cadre du décret n° 98-608 du 17 juillet 1998 », c'est-à-dire les personnes habilitées au secret défense.

En effet, il ne faut pas oublier ceux qui travaillent pour la DGSE, en particulier lorsqu'ils utilisent un ordinateur depuis leur domicile – on peut supposer que, dans les locaux de cette direction, les protections sont suffisantes. Au-delà de la DGSE, d'autres personnes peuvent aussi être habilitées au secret défense, notamment celles qui travaillent dans certaines entreprises comme Dassault ou SAFRAN.

Mon sous-amendement [n° 506] permet d'éviter qu'à terme, cette loi s'appliquant sans avoir prévu cette situation, nous soyons confrontés à de réelles difficultés. Ceux qui ont participé aux débats sur le projet de loi DADVSI se souviennent du problème que nous ont posé les logiciels libres : nous nous étions rendu compte qu'ils avaient été choisis par certaines entreprises sensibles, mais aussi par la police, la gendarmerie ou des ministères, qui souhaitaient améliorer la sécurité de leurs réseaux informatique. Ces acteurs considéraient que les réseaux équipés de logiciels fournis par des entreprises comme Microsoft pouvaient être confrontés à des problèmes d'intrusion.

[...]

Madame la ministre, j'avoue que je ne comprends pas bien votre réponse. Mon sous-amendement [n° 506] a pour objectif de protéger le secret défense et vous me parlez des consommateurs !

Je vous rappelle que vous nous avez fait adopter votre amendement n° 496 qui avait le même objectif. À juste titre, à ce moment, vous n'avez pas argué de la liberté du consommateur !

[...]

Je soutiens l'amendement [n° 192] de la commission des affaires économiques.

Vous nous dites que la commission de protection des droits se prononce en fonction de l'usage de l'accès. Certes, mais elle peut se prononcer dans le sens qu'elle veut. Elle peut considérer que l'usage d'Internet à des fins de télétravail par l'abonné rend préférable le choix d'une autre sanction afin de ne pas empêcher ce dernier de travailler – cela éviterait de compter un chômeur de plus. Mais la commission peut aussi estimer que l'abonné n'avait qu'à y penser avant.

Madame la ministre, vous nous avez parlé du permis de conduire mais, si les points sont bien retirés par une instance administrative, pour le retrait du permis, le juge doit intervenir. En ce qui concerne la connexion Internet, un dispositif semblable devrait être mis en place.

J'ajoute que nous aurions dû déposer des amendements similaires à l'amendement n° 192 rectifié, par exemple au bénéfice des médecins – je regrette de ne pas y avoir pensé. Imaginez que l'ordinateur professionnel d'un médecin ait été utilisé, à son insu ou non, par un membre de sa famille : sa connexion Internet pourrait être coupée. Le même problème se posera d'ailleurs pour d'autres professions libérales comme les avocats, ou encore pour les magistrats !

Monsieur Gosselin, cela montre surtout que votre projet de loi ne tient pas la route. Nous sommes même sur une sortie de route totale !

[...]

Pardonnez-moi, madame la ministre, mais j'ai du mal à garder mon sérieux. En effet, le risque d'inconstitutionnalité que vous venez d'évoquer pèse sur l'ensemble de votre texte. Ainsi, le fait, comme le rapporteur nous l'a expliqué lundi dernier, que la représentation nationale ne puisse pas connaître les critères en fonction desquels l'HADOPI décidera de prendre telle ou telle sanction, d'envoyer ou non les e-mails d'avertissement et les lettres recommandées, pose problème à cet égard. Car cela signifie que la décision dépendra de la tête du client, si je puis dire. Or une telle mesure, qui introduit une rupture de l'égalité devant la loi, est inconstitutionnelle.

Par ailleurs, comment pouvez-vous penser, monsieur le rapporteur, que des associations vont se constituer en ayant pour seule vocation de télécharger illégalement ? Cela tourne à l'obsession ! Je ne vois pas comment les statuts de telles associations, dont l'objet serait illicite, pourraient être acceptés par la préfecture. La loi ne le permet pas.

[...]

[L'amendement n° 387] est défendu.

[...]

L'alinéa 80 indique : « La commission notifie à l'abonné la sanction prise à son encontre et l'informe des voies et délais de recours ». L'abonné qui considère qu'il n'est en rien responsable des faits qui lui sont reprochés pourra décider de déposer un recours devant le juge. Certes, mais la sanction aura bel et bien été prononcée : elle provoquera la suspension de l'accès à Internet, dont les FAI nous ont précisé qu'elle peut être pratiquée de manière immédiate, après inscription de l'utilisateur dans leurs fichiers.

Vous vantez le caractère pédagogique de ce projet de loi. Mais, déjà, nous ne connaissons pas les critères retenus pour les avertissements qui semblent dépendre de la tête de l'usager avec, selon les cas, l'envoi d'un mail ou non. Et pour ce qui est du caractère suspensif du recours, le juge n'aura que très peu d'éléments pour décider si l'usager est de bonne foi. Un amendement du groupe GDR déposé en commission des affaires culturelles ainsi qu'un autre amendement déposé par le groupe SRC en commission des lois visaient à ce que le recours soit d'emblée suspensif.

On nous a répondu que ce n'était pas possible, sinon les abonnés de mauvaise foi déposeraient immédiatement un recours suspensif, ce qui aurait pour conséquence d'engorger les tribunaux, et qu'il était préférable de suspendre la connexion Internet et que les abonnés fassent un recours pour protester contre la suspension de leur abonnement alors qu'ils n'avaient commis aucun délit.

Monsieur le rapporteur, il y a donc une contradiction entre ce qui nous a été répondu en commission des affaires culturelles et en commission des lois, ce qui est écrit dans votre rapport et ce que vous venez de nous répondre.

[...]

Nous pouvons prendre une décision dès ce soir. Le président de la commission des lois avait fort bien commencé son intervention et parlait même d'or.

Puisqu'il s'agit d'un recours devant une juridiction, un abonné peut demander à bénéficier de l'aide juridictionnelle ; or il ne l'obtiendra jamais en sept jours ni même en trente, surtout à Paris.

[...]

Je dois reconnaître que le président de la commission des lois a essayé de sortir par le haut de cette situation. Et il n'y a aucun déshonneur, monsieur le rapporteur, à reconnaître que l'on a pu se tromper. Cela arrive à tout le monde. À partir du moment où le délai de sept jours a donné lieu à une discussion et où il est apparu qu'il n'était ni crédible ni efficace, vous pouviez vous raviser et proposer un autre délai.

M. Brard, en proposant trente jours, a permis d'ouvrir le débat et de mettre à profit la suspension de séance pour essayer de trouver une solution. Mais je rappelle que notre assemblée examinera prochainement en deuxième lecture la loi relative à la simplification du droit. Essayons donc de ne pas instaurer systématiquement des délais différents selon les procédures et d'adopter quelques principes généraux sur les délais. Celui que proposait Jean-Pierre Brard visait à répondre à l'urgence, en obligeant au débat dans le but de trouver une solution. La proposition de nos collègues socialistes, dont nous avons discuté en aparté, consiste à retenir le délai aujourd'hui en vigueur dans les procédures du même type.

Vous nous dites en substance, monsieur Nicolin : « Comment ! On va protéger le fraudeur ! » Mais je rappelle qu'il y a une présomption d'innocence en droit français, et que les internautes qui déposeront des recours ne seront pas, a priori, ceux qui auront été pris sur le fait, avec des preuves bien établies ; ils feront partie du tiers des abonnés qui auront été mis en cause bien qu'ils n'aient procédé à aucun acte illégal. Les recours, c'est pour eux qu'ils sont prévus. Dès lors, il faut leur donner la possibilité de se retourner, pour qu'ils puissent démontrer qu'ils n'ont rien fait d'illégal, ce qui n'est pas si facile, étant donné la complexité technique. Ils doivent avoir le temps de prendre un conseil s'ils le souhaitent, et éventuellement de demander l'aide juridictionnelle.

Voilà le sens du délai de recours. La question n'est pas de protéger ou de ne pas protéger. Il s'agit tout simplement de respecter un principe de droit : même quand une personne assassine quelqu'un, elle a le droit de se défendre, selon des principes inscrits dans la loi. Rien de plus.

[...]

Cet amendement [n° 391] prévoit l'indemnisation du préjudice subi lorsqu'un titulaire d'abonnement est victime de sanctions ensuite annulées par le juge.

Nous sommes toujours en pleine incertitude. Lors de la suspension de séance, il a été dit que si la sanction était la coupure de la connexion Internet, un amendement de la commission des lois prévoirait un délai de trois semaines entre la notification de la sanction et la coupure réelle par le fournisseur Internet. Mais, actuellement, dans le texte proposé, l'article L. 331-29 précise que, lorsque la sanction comporte une suspension de l'accès Internet de l'abonné, la commission de protection des droits notifie ladite suspension au fournisseur d'accès et lui « enjoint de mettre en œuvre cette mesure de suspension dans un délai de quinze jours ». En outre, quels seront les délais de notification ? Cela dépendra du procédé choisi : par mail, par courrier, par lettre recommandée. Quelques jours seront perdus.

Parallèlement, la commission notifie au FAI qu'il doit couper la connexion au plus tard dans les quinze jours, sous peine d'amende. La sanction financière prévue est d'un montant maximal de 5 000 euros.

On fait valoir qu'il y aura un délai pour les recours. Cet argument ne tient pas dans la mesure où la coupure aura déjà eu lieu. Des titulaires d'abonnement seront sanctionnés alors qu'ils ne sont responsables de rien. Dans tous les pays qui ont mis en œuvre ce type de procédure – et qui, depuis, ont reculé – on a observé qu'il y avait environ un tiers d'erreurs, compte tenu de la non-fiabilité des adresses IP.

Il est donc normal que les personnes accusées à tort, et dont la connexion à Internet aura été coupée, puissent percevoir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Le préjudice peut se limiter à la coupure de la connexion à Internet si l'abonné utilise cette connexion uniquement pour ses activités personnelles, de loisirs par exemple, mais il peut être plus grave si la connexion a une utilité professionnelle.

[...]

On a en effet le sentiment d'être en droit canon. L'exposé sommaire est très clair puisqu'on peut lire que cet amendement [n° 63] « vise à prévoir explicitement des contreparties à la transaction ». On nous explique donc que l'abonné doit s'engager à ne pas réitérer le manquement. Comment fera-t-il ? Devra-t-il jurer sur la Constitution, puisque nous sommes dans un État laïc ? Devra-t-il lever la main et cracher par terre ?

En effet. Mais il ne faut pas jurer non plus. L'abonné devra donc promettre humblement qu'il ne recommencera pas.

Et s'il recommence, il sera condamné.

Tout cela n'est vraiment pas sérieux. Je vous rappelle qu'il ne s'agit pas d'un rapport ou d'un exposé des motifs mais de la rédaction d'un article du code de la propriété intellectuelle. Et nous allons y introduire un nouveau concept : l'engagement à ne pas réitérer un manquement.

[Il n'y a là rien de nouveau : c'est le rappel à la loi !] Monsieur le président, le rappel à la loi est encadré et n'est pas une sanction. Il est au contraire pédagogique. C'est précisément un préalable à la sanction pour prévenir la réitération d'un acte. Or, là, nous sommes dans la transaction avant une éventuelle sanction définitive.

La rédaction de ce texte est souvent surprenante. S'agissant de ce point précis, je me demande vraiment si la Chancellerie a été consultée.

A-t-elle été convaincue par cette rédaction ? A-t-elle souhaité des modifications ? À lire en tout cas certains articles ou amendements, on ne peut pas ne pas s'interroger. Je me croyais dans un État laïc mais j'en arrive à me poser des questions...

[...]

Monsieur le président, la réforme de la Constitution en cours va modifier notre façon de travailler. Nous le savons, un temps législatif contraint est prévu, et les députés ne pourront plus défendre tous les amendements qu'ils auront déposés. Mais la réforme prévoit que la commission, elle, pourra continuer à défendre l'ensemble des amendements qu'elle a déposés. Nous sommes au Parlement pour légiférer. Dès lors que des amendements sont déposés par une commission, la moindre des choses nous semble donc qu'ils soient expressément défendus et fassent l'objet d'un débat. Ils peuvent présenter des difficultés de compréhension du fait d'une rédaction dont les finesses peuvent nous échapper. Certaines notions ne sont pas forcément familières à l'ensemble d'entre nous. Lorsqu'on n'a pas reçu une éducation chrétienne, par exemple, on peut avoir du mal à comprendre la subtilité de l'amendement [n° 63] de notre rapporteur. C'est mon cas, et j'aurais bien aimé qu'il nous fournisse une explication plus complète.

01/04/2009 Débats HADOPI : autorité judiciaire, preuve, adresse IP, amende, limitation des débits

Madame la ministre, si la France pouvait éviter d'être pionnière dans l'absurdité, nous serions tous fiers d'être français.

Dans la liste que vous venez de dresser, vous avez plusieurs fois mentionné la menace d'un recours ultérieur au juge. Tel est précisément le sens de mon amendement, aux termes duquel on ne pourrait recourir à des sanctions sans saisine de la juridiction judiciaire.

À propos de sécurité, notamment dans les ministères, il est intéressant de lire ce que dit de la loi Hadopi l'auteur du logiciel P2P utilisé par la gendarmerie et par les services de police. Vous nous avez expliqué que, pour détecter les téléchargements abusifs, on repérera sur le réseau les adresses IP susceptibles d'être à l'origine de l'obtention de manière illicite de fichiers correspondant à des œuvres. Or tout dépendra du mode opératoire utilisé pour détecter l'éventuel téléchargement illicite.

Selon ce concepteur, en effet, « établir une liste de diffuseurs potentiels » – ce que vous prévoyez de faire – « n'est pas suffisant ». « Je pense », ajoute-t-il, « que, le téléchargement lui-même ne constituant qu'un commencement de preuve, la simple liste apparaît comme un commencement de commencement de preuve... pas grand-chose, en fait ».

« Quel impact peut avoir l'exigence de télécharger le contenu sur chacune des adresses IP pour éviter les faux positifs ? », lui demande-t-on. « C'est colossal », répond-il. « De toute façon, il convient de télécharger des contenus pour valider le constat d'infraction. Or tenter de télécharger tout ce qui semble être diffusé est hypothétique, et de toute façon il n'en reste pas moins qu'il faudrait finalement saisir et analyser les disques. »

Question subsidiaire : « En cas de faux positif, la ministre de la culture propose aux internautes de fournir leur disque dur comme preuve de leur bonne foi. Que pensez-vous de cette proposition ? »

« C'est absurde », répond-il. « Tout d'abord, c'est contraire aux usages : l'utilisateur n'a pas à prouver qu'il est innocent, mais plutôt qu'il n'est pas coupable. Ensuite, une infime fraction des utilisateurs d'ordinateurs sait ce qu'est un disque dur. Le reste des utilisateurs sait effacer toute trace ou connaît quelqu'un qui sait le faire. »

Madame la ministre, nous y insistons depuis le début : vous n'êtes pionnière que dans l'impossibilité technique d'appliquer le texte que vous tentez de nous vendre depuis plusieurs jours.

Vous demandez donc au Parlement de voter une loi qui ne sera pas applicable, comme l'a fait votre prédécesseur avec la loi DAVDSI. Vous vendez un mythe aux auteurs attachés à juste titre à leur droit, lequel n'est pas seulement patrimonial, mais moral : vous leur faites croire que vous avez sorti de votre chapeau un système magique où Open Office contient un pare-feu – ce qui n'est absolument pas le cas. Tous, dans cette assemblée, nous sommes équipés en logiciels libres sur nos postes de travail, ce qui est une très bonne chose ; et nous avons des anti-spams qui laissent malheureusement encore passer quelques spams, car il n'existe pas de protection absolue. Tel est le principe même d'un logiciel informatique : on peut toujours développer un nouveau logiciel qui permet de passer outre le premier, d'où une course constante entre logiciels à qui aura le dernier mot.

Afin d'éviter que des personnes de bonne foi ne soient frappées de sanctions qu'elles ne méritent pas, car elles n'ont commis aucun acte illégal, mieux vaut, à ce stade de la procédure, en appeler à la justice, puisque c'est à celle-ci qu'il incombe d'apporter la preuve de la culpabilité ou de la non-culpabilité, et que chacun peut y protester de son innocence par des témoignages, et échapper à des sanctions qui n'ont plus lieu d'être.

[...]

M. le rapporteur nous a accusés de nous répéter et de répéter des contrevérités. Mais avec M. Lefebvre, on est servi ! Aussi les internautes devraient-ils lui faire savoir un certain nombre de choses.

J'ai été stupéfaite de l'entendre considérer comme scandaleux de décider de capituler devant des problèmes technologiques. Je trouve le mythe de la technologie fabuleux, même si, au cours de l'histoire, il a pu avoir des conséquences désastreuses. C'est ainsi que Staline, qui voulait faire pousser du blé au-delà du cercle polaire, a mis en prison ceux qui n'y sont pas parvenus. Je suis inquiète pour M. Lefebvre car, s'il n'arrive pas à démontrer, une fois cette loi votée, qu'il n'a pas la maîtrise sur la technologie, que fera de lui le Président de la République ?

Heureusement pour lui, la Bastille a été détruite !

Monsieur Lefebvre, il ne s'agit pas seulement d'un problème de sites pirates, ceux-ci entrent tout à fait dans le cadre de la loi DADVSI. Les échanges de fichiers ne se font pas seulement par le biais des sites, mais aussi grâce à de nombreux autres systèmes, comme le peer to peer, les pièces jointes ou le bluetooth qui se développe massivement. Il y a donc des tas de façons de télécharger des fichiers, dont certains peuvent être des fichiers d'œuvres, pour lesquels effectivement n'auront été respectés ni le droit moral de l'auteur ni la rémunération qui lui était due.

Nous le répétons, nous le martelons, votre loi est incohérente. En tant que législateurs, il est irresponsable de faire des lois inapplicables, comme nous l'avons fait avec la loi DADVSI. C'est l'honneur de notre Parlement que de se préoccuper des conditions techniques de l'application d'une loi.

Ne nous contentons pas de voter des lois bavardes, pour reprendre une expression de l'ancien président de l'Assemblée nationale. Mieux vaut voter des lois qui donnent des orientations, fixent des droits et des devoirs, mais aussi qui soient applicables techniquement. Nous ne sommes plus au XIX, e, siècle ; il faut tenir compte de la technologie existante.

Je constate que M. Lefebvre, une fois de plus, joue à l'intermittent de la séance puisqu'il s'en va. Mais nous sommes habitués !

Enfin, madame la ministre, quand on en arrive à l'étape de la sanction de la coupure de l'Internet, compte tenu des difficultés pour prouver la commission de l'acte délictueux, il est normal de demander la saisine du juge. Je ne comprends pas votre obstination. Vous dites que cette loi a un caractère pédagogique, qu'avec les messages d'avertissement 90 % des internautes qui se livrent à des téléchargements illicites s'arrêteront. S'il n'en reste que 10 %, cela ne concernera pas des dizaines de milliers d'internautes et il n'y aura donc pas de problème pour saisir la justice. Il est donc normal qu'elle puisse intervenir et conduire une procédure contradictoire d'un autre niveau que l'échange de mails.

[...]

Puisque les députés du groupe GDR ont déjà déposé un amendement [n° 381] similaire, ils voteront celui de M. Tardy [n° 121], adopté par la commission des affaires économiques [n° 188].

Madame la ministre, il faudrait veiller à ne pas effrayer nos concitoyens. J'espère, ce texte devant malheureusement être voté, que l'HADOPI ne commettra pas les mêmes erreurs que celles que vous multipliez en séance.

Ainsi, le protocole que vous avez dénoncé comme pirate est en fait un protocole peer to peer.

Nous avons déjà abordé la question du peer to peer lors de l'examen de la loi DADVSI. Certains députés de l'UMP souhaitaient carrément interdire ce protocole au nom de la logique selon laquelle, au lieu de chercher le responsable du délit, on préfère interdire l'objet du délit.

Or, en l'occurrence, cet objet est neutre. On peut faire ce que l'on veut avec le peer to peer, de même qu'avec l'Internet qui peut être un outil fantastique – nous-mêmes, en tant que députés, en profitons à chaque instant –, aussi bien qu'un outil terrible quand on songe, par exemple, aux sites pédophiles. Seulement, dans ce dernier cas, madame la ministre, ce n'est pas l'outil qui est responsable, puisqu'il est neutre. Aussi le protocole peer to peer ne peut-il être considéré comme un protocole pirate.

On note d'ailleurs une grande avancée y compris sur les sites pirates. Vous auriez pu prendre l'exemple du site Pirate Bay, madame la ministre, et si vous y aviez cherché Winnie l'ourson, vous seriez tombée sur Winnie l'ourson et non sur des films pornographiques ! Ce site permet de transgresser les droits d'auteur, à notre grand regret, mais ses responsables ne souhaitent pas pour autant violer systématiquement la loi et ont fait en sorte que l'on ne puisse tomber sur des films pornographiques.

Ne semons donc pas la panique dans les foyers. Et même si certains réseaux de l'Internet ne sont pas épargnés, les exemples que vous avez donnés n'étaient pas les bons.

Le sujet est si complexe que l'on se prend à espérer qu'avec la réforme de la Constitution, à supposer que l'on dispose du temps nécessaire – or l'urgence a été déclarée sur ce texte – ce type de projet, qui combine des aspects culturels, techniques et juridiques, fasse l'objet d'un travail approfondi en commission. Ainsi eût-il été profitable que nous disposions des outils nécessaires pour bien comprendre les notions auxquelles a recours le présent texte. Open Office, par exemple, est une suite bureautique qui n'a rien à voir avec les anti-spam.

Si l'on ne veut pas induire nos concitoyens en erreur sur le fondement d'inexactitudes proférées en séance – et qui n'en commet ? –, que ce soit de manière délibérée ou non, il faut pouvoir maîtriser l'ensemble des techniques. Reconnaissons que nous ne pouvons pas être omniscients. Peut-être pourrez-vous transmettre à qui de droit, monsieur le président, cette requête visant à travailler à l'aide de supports techniques de façon à bien comprendre les implications des dispositions que nous examinons.

[...]

À entendre le rapporteur et la ministre, l'amende serait injuste car elle ne tiendrait pas compte des revenus. Cet argument pourra désormais être utilisé dans les prétoires, puisque notre droit français n'est pas avare en contraventions de ce type, et je ne doute pas que les avocats sauront le resservir à bon escient.

Vous nous expliquez par ailleurs que vous étendez échapper avec ce projet de loi à la logique répressive et que c'est la raison pour laquelle vous refusez le principe de l'amende. À vos yeux donc, la suspension n'est pas de la répression, ce qui me paraît surprenant. Je ne suis pas convaincue en effet que les personnes qui auront à subir une suspension de leur connexion Internet considéreront qu'il ne s'agit pas d'une sanction.

Enfin, je rappelle au rapporteur qui aime les comparaisons automobiles, qu'il existe des voitures sans permis.

Pour rester dans le même ordre d'images, j'avais moi-même d'abord abordé le problème en termes de gestion des flux. Considérant que ce qui rend possible le téléchargement massif, c'est le haut débit, j'avais pensé qu'il suffisait de réduire le débit pour limiter le téléchargement illégal. Je me suis renseignée et me suis aperçue que mon idée, pleine de bon sens en apparence, ne valait rien technologiquement parlant, quand bien même Frédéric Lefebvre considère que l'on peut passer outre la technologie. Non, on ne peut pas réduire le débit.

Concernant les problèmes de mono-VC et de multi-VC, vous venez d'admettre, madame la ministre, contrairement à ce que vous disiez auparavant, que, lorsqu'on est sur du canal unique – ce qui concerne près de trois millions d'internautes – la coupure est impossible. Pour ce qui est du multicanal, les fournisseurs d'Internet expliquent que, dans un certain nombre de cas, le canal qui sert à la connexion Internet sert aussi à transmettre des informations nécessaires au téléphone et à la télévision. Dans ces cas, la coupure du canal Internet a des conséquences sur la télévision ou le téléphone, et les fournisseurs d'accès vont donc devoir transformer leurs réseaux et passer sur du bicanal pour pouvoir différencier les différents flux et autoriser la suspension de la connexion Internet, ce qui va prendre du temps.

Par ailleurs, M. Dionis du Séjour, dont je salue l'obstination, rappelait que l'article 1er de la loi pour la confiance dans l'économie numérique établissait que les services de messagerie sont des services de communication électronique qui ne relèvent pas de la catégorie des services de communication publique en ligne. La coupure de la connexion Internet pose donc, là encore, problème.

Enfin, un rapport du conseil général des technologies de l'information, dont le principal rapporteur est M. Berbinau, a étudié la question de la coupure dans le cas du mono-VC et du multi-VC.

Dans le premier cas, il conclut que « puisque l'accès aux différents services est réalisé sur un même canal, faute d'être à même de trier dans ce dernier des paquets préalablement “taggés”, la coupure du canal serait en contradiction avec l'exigence prise par l'article L. 331-28 en son troisième alinéa. Cette solution est donc à écarter. »

Dans le cas du multi-VC, il explique que « techniquement, et sous réserve des répercussions admises sur les services de messagerie, cette double limitation peut être satisfaite si l'accès aux différents services est réalisé sur des canaux différents ». « Néanmoins, ajoute le rapport, l'objectif étant la lutte contre le téléchargement illicite, et ces services pouvant en être l'un des vecteurs, il n'est pas exclu que le législateur en vienne à les englober, quitte à rendre obligatoires des mesures permettant à l'abonné de récupérer les messages de son courrier électronique à partir d'un autre accès. » Cette dernière recommandation n'a pas été reprise.

M. Berbinau considère donc que la coupure n'est pas la bonne solution, que l'on soit dans le cas d'un canal unique ou dans celui du multiplay dégroupé. À un moment donné, il faut donc savoir tenir compte des réalités et renoncer à la coupure.

Quant à l'amende, les députés du groupe GDR ne prendront pas part au vote.

D'abord, parce que, en l'état il est impossible de garantir la fiabilité du relevé des adresses IP et que la justice n'est pas saisie dans cette partie de la procédure ; ensuite, parce que nous ne voulons pas remplacer une sanction par une autre. C'est la manière dont le principe même de la sanction est conçu avec laquelle nous sommes en désaccord.

[...]

Je tenais à préciser que je suis favorable aux amendements [n° 123 et 278]. Vouliez-vous vous priver de ce plaisir, chers collègues ? À vrai dire, je regrette même de ne pas avoir déposé un amendement identique à ceux-ci.

N'accablons pas nos collègues du Sénat, qui étaient sans doute de bonne foi.

Toutefois un réseau n'est pas un robinet, sur lequel on pourrait installer un réducteur de débit. D'ailleurs, quand on demande à un fournisseur d'accès d'augmenter le débit, il accepte toujours, car il s'agit non de dilater un tuyau, mais de faire intervenir des canaux distincts. Aujourd'hui, tous les fournisseurs d'accès prévoient le débit maximum, sans plus se soucier d'introduire des différences de débit, qui coûtent finalement très cher. En somme, la réduction proposée ne serait pas impossible techniquement, mais les fournisseurs d'accès y sont réticents pour des raisons financières. Le plus sage est donc de supprimer l'alinéa 77.

31/03/2009 Débats HADOPI : contestation des menaces, preuve, égalité devant la loi, envoi des courriels de menace, données à caractère personnel

J'avais également déposé un amendement similaire devant la commission des affaires culturelles.

En proposant la création d'un numéro vert, je n'avais pas été aussi astucieuse que M. Dionis. Comme en témoigne le rapport pour avis de la commission des affaires culturelles, la rapporteure m'a répondu : « Je suis favorable au principe de cet amendement. Mais je crois qu'une telle disposition a un coût. L'amendement pourrait donc être déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. » Mon amendement avait ensuite été adopté. Il y avait donc bien un accord sur le fond, même si aujourd'hui, parce que M. Dionis du Séjour a habilement contourné l'obstacle de l'article 40 – je retiens la leçon pour la prochaine fois –, c'est son seul amendement qui est appelé en séance publique.

Monsieur le rapporteur, nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen de l'alinéa 56 de l'article 2, relatif à la transmission des coordonnées téléphoniques de l'abonné. J'avais tenu à préciser que le fournisseur d'accès ne devait donner à la commission de protection des droits que celles qui correspondent à la connexion Internet. Or vous avez rejeté cet amendement [n° 351] en nous expliquant avec un bel enthousiasme qu'il était important que la commission dispose de l'ensemble des coordonnées téléphoniques de l'abonné pour permettre un dialogue constructif avec ce dernier lorsqu'il est mis en cause. Selon vous, cela devait éviter certaines erreurs, par exemple dans le cas où l'abonné mis en cause ne serait pas celui qui a téléchargé, ou dans le cas où son adresse IP aurait été relevée par erreur.

Monsieur le rapporteur, depuis tout à l'heure, vous nous parlez de l'amendement n° 52, mais ce dispositif ne s'y trouve pas.

Je lis vos amendements de très près – d'autant que vous oubliez parfois de les défendre dans leur intégralité – et j'ai constaté que celui-ci ne réglait pas totalement les problèmes que soulevaient les amendements déclarés irrecevables au titre de l'article 40, non plus que ceux traités par l'amendement n° 273.

Par ailleurs, je vous fais observer, monsieur le rapporteur, qu'en adoptant l'amendement [n° 273] de notre collègue du Nouveau Centre, nous réduirions les dépenses de l'État, en tout cas celles de la HADOPI, puisque le prix de la communication serait à la charge de l'abonné.

[...]

Selon moi, ce sous-amendement [n° 183] reconnaît surtout implicitement qu'il n'existe aucun lien certain entre une adresse IP et l'abonné à la connexion à Internet. En effet, si vous étiez certains d'identifier la personne qui a téléchargé illégalement à partir de l'adresse IP qui a servi au téléchargement, vous ne seriez pas obligés d'apporter une telle précision.

Je rappelle la procédure mise en œuvre. Les ayants droit vont relever sur le réseau Internet, par l'intermédiaire de sociétés privées, les adresses IP utilisées pour télécharger des œuvres comportant une signature – principalement sur les réseaux, – et identifier ainsi les ordinateurs susceptibles de contenir ces œuvres. Or ces sociétés ne vérifieront pas que l'adresse IP correspond bien à un ordinateur dont le disque dur contient réellement l'œuvre en question. La procédure choisie ne permet donc pas d'apporter la preuve du téléchargement sur un ordinateur donné

Dès lors, le délit n'est pas constitué par le fait de télécharger illégalement, mais par le manquement à l'article L. 336-3, qui oblige l'internaute à sécuriser sa connexion à Internet. Or je ne vois pas très bien comment on pourra prouver un tel manquement, à moins de s'introduire dans le disque dur de l'abonné. Certes, vous avez indiqué, madame la ministre – et cela a fait beaucoup rire l'ensemble des internautes – que l'abonné pourrait envoyer son disque dur. Mais, plus sérieusement, à moins que la police ne se rende au domicile de l'internaute concerné, il n'est pas possible de vérifier si celui-ci a manqué à l'obligation de protéger sa connexion.

En revanche, on peut craindre qu'à terme, les ordinateurs ne soient vendus équipés d'un dispositif pouvant être activé à distance et destiné à surveiller l'ensemble des disques durs des ordinateurs connectés sur le réseau.

En fait, c'est la seule solution technique qui puisse garantir contre ce que vous introduisez dans la loi, à savoir, non pas le délit de téléchargement illégal, mais un délit de non-protection de sa connexion Internet. Sans doute est-il un peu difficile de reconnaître que ce qui est prévu à terme, c'est en fait le flicage de tous les ordinateurs connectés au réseau Internet – ce qui justifie ce recul consistant à considérer que les manquements signalés par la HADOPI ne sont que présumés –, mais je ne vois dans cette proposition de rectification que la marque d'une pure hypocrisie.

[...]

La conception de la pédagogie que défendent le Gouvernement et la commission est pour le moins surprenante : c'est à la tête du client !

C'est, en tout cas, un délit d'adresse IP. Si la loi poursuit un objectif pédagogique en cherchant à décourager 90 % des internautes pratiquant le téléchargement illégal de continuer, elle ne pourra l'atteindre qu'à la condition que les personnes concernées soient prévenues du caractère délictueux de leur comportement.

Madame la ministre, puisque vous semblez apprécier les comparaisons entre les internautes et les automobilistes, que diriez-vous d'une opération de contrôle effectuée par la police à un feu rouge, lors de laquelle seuls quelques contrevenants seraient verbalisés, les autres n'étant pas inquiétés ? Tous les conducteurs qui franchissent un feu rouge en présence des forces de l'ordre doivent être arrêtés – cela vaut mieux pour la sécurité routière – et non quelques-uns au hasard, car il s'agirait alors d'une rupture d'égalité devant la loi ! Je ne vois pas comment vous allez pouvoir défendre devant le Conseil constitutionnel le fait que l'envoi d'e-mails par la HADOPI, avertissant les internautes qu'ils ont commis un manquement à l'obligation de sécurisation de la ligne, ne sera pas systématique.

Peut-être le critère pour l'envoi d'un e-mail d'avertissement résidera-t-il dans le nombre de téléchargements effectués, mais dans ce cas il aurait fallu le préciser dans la loi. Or, cela ne figure pas dans le texte.

Le Gouvernement a encore la possibilité d'introduire un sous-amendement pour autoriser une telle modulation. À défaut, ce texte est contraire à l'objectif que vous dites poursuivre et introduit une rupture d'égalité devant la loi – ce qui, vous en conviendrez, ne saurait être pris à la légère.

[...]

Ce sous-amendement [n° 500] reprend le fond de cinq des amendements que le groupe GDR avait défendus en commission des affaires culturelles, en donnant notamment la possibilité de s'adresser à la commission de protection des droits par lettre ou courrier électronique – ce qui n'était pas prévu au départ –, en ouvrant aux internautes de bonne foi la faculté d'introduire des objections à une mise en cause, et en visant à une synthèse entre protection des droits de l'internaute mis en cause et maîtrise des éléments d'information caractérisant le manquement, tels que la date et l'heure.

Il y a eu un débat sur ce dernier point, le fait que l'internaute puisse demander des précisions sur l'infraction qui lui est reprochée pouvant être considéré comme un juste milieu entre la protection de la vie privée de l'utilisateur et son droit à disposer de telles précisions. Je pense notamment à un amendement, proposé par des sénateurs Verts, qui prend en compte le cas d'adolescents mineurs qui auraient visité des sites à caractère non répréhensible, mais dont la mention révélerait une orientation sexuelle que leurs parents pourraient avoir du mal à accepter. La rédaction que vous proposez, monsieur le rapporteur, constitue donc peut-être un bon compromis.

Cela étant, certains des amendements que nous avions proposés n'ont pas été adoptés, et nous avons dû les déposer à nouveau, sous la forme de sous-amendements. Tel est le cas du sous-amendement n° 500, qui vise à supprimer, à la fin de la première phrase de l'alinéa 2 de l'article 2, les mots : « et par l'intermédiaire de la personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec l'abonné » – c'est-à-dire le fournisseur d'accès. En effet, madame la ministre, je vous ai interrogée à plusieurs reprises, hier soir, afin que vous nous précisiez qui serait chargé d'envoyer les mails d'avertissement : les fournisseurs d'accès ou la commission de protection des droits ? Vous m'avez répondu que ce serait cette dernière. Or, l'amendement du rapporteur précise que ce sera la commission de protection des droits, mais par l'intermédiaire du fournisseur d'accès !

Si vous ne m'avez, certes, rien dit de faux hier soir, vos propos étaient entachés d'une contrevérité par omission ! Il faudrait tout de même que l'on puisse savoir qui, de la commission de protection des droits ou des fournisseurs d'accès, sera chargé d'envoyer les messages d'avertissement.

Tel que c'est écrit dans le texte, c'est aux fournisseurs d'accès qu'incombera cette mission. Je ne doute pas qu'ils apprécieront comme il se doit cette annonce qui ne correspond pas aux engagements qu'ils avaient reçus, et qui va se traduire par un coût à leur charge – mais je ne pleurerai certainement pas sur leur sort.

Reconnaissez en tout cas, madame la ministre, qu'entre ce que vous m'avez répondu hier soir et ce qui est contenu dans l'amendement [n° 52] du rapporteur, il y a une sacrée différence !

[...]

Sur les tuyaux, nous sommes tous d'accord. On voit mal d'ailleurs comment le mail pourrait être envoyé autrement...

Le problème est ailleurs. Il est évident, en effet, que la réaction de l'internaute sera différente selon que le mail qu'il recevra apparaîtra comme étant envoyé par la commission de protection des droits ou par son fournisseur d'accès à Internet. Pour les antispams, la différence aussi est de taille.

C'est ce qui avait motivé ma question à Mme la ministre, hier. Pour ce qui est des tuyaux, un enfant de cinq ans sait que le tuyau est forcément celui du FAI. Il n'y en a pas d'autre possible.

Il est normal, à l'Assemblée nationale, d'attendre des réponses précises. La question l'est tout autant : qui est l'expéditeur, la commission de protection des droits, la HADOPI ou le FAI ? Cela aura des conséquences sur la façon dont ce sera perçu par l'internaute et ce n'est pas indifférent au regard des protections qu'il aura installées. Il ne faut pas que le message puisse être détourné.

[...]

Nous souhaitons en effet travailler dans la sérénité, sans faire d'obstruction, pour améliorer la loi, là où c'est possible. Cela n'a rien à voir avec un clivage entre majorité et opposition, puisque les lignes de divergence traversent les groupes.

En tant que législateurs, nous voulons éviter de produire une loi mal écrite et inutilisable, ce qui fut le cas avec la loi DADVSI. Il est de notre responsabilité de députés de défendre nos amendements et de faire en sorte que nous aboutissions à une loi qui ne soit pas inutilisable et ne subisse pas la censure du Conseil constitutionnel, pour rupture du principe d'égalité.

[...]

Il est très important, dans ce débat, de ne pas opposer les uns aux autres.

De même qu'il importe que les internautes respectent les droits d'auteur, il faut que les auteurs comprennent les problèmes techniques d'Internet. Partout où on a tenté de mettre en place ce type de dispositif, c'est-à-dire de mettre face à face l'adresse IP et le supposé internaute qui aurait téléchargé illégalement, on s'est rendu compte qu'il y avait environ un tiers d'erreurs. Car s'il existe des téléchargements illicites, il existe également beaucoup de piratages d'adresses IP que la technologie actuelle ne sait pas empêcher. Je l'ai déjà dit à Mme la ministre, on ne peut pas inventer des contre-logiciels qui évitent ce genre de situation.

Je crois qu'il est important de bien comprendre tous les éléments du débat si l'on veut éviter des affrontements qui n'ont pas lieu d'être. Je rappelle que beaucoup d'auteurs sont internautes et que beaucoup d'internautes sont des auteurs. Ils sont bien placés pour cerner les problèmes.

Il faut obliger à plus de rigueur dans l'incrimination des personnes qui peuvent avoir commis ou non l'infraction de téléchargement illicite. En effet, je le répète, la détection d'une adresse IP susceptible d'accueillir une œuvre de manière illégale ne prouve pas que l'œuvre en cause est effectivement sur l'ordinateur correspondant à cette adresse IP.

Tant qu'on ne peut pas lever cette incohérence entre adresse IP et ordinateur, on doit permettre au titulaire de l'abonnement mis en cause, fût-ce plusieurs fois, de dire qu'il s'agit d'une dénonciation abusive. Les internautes qui n'utilisent pas la messagerie de leur fournisseur d'accès ne recevront pas les mails d'avertissement. Ils verront arriver la lettre recommandée, du moins on l'espère – car certaines personnes qui n'ont pas qu'Internet comme source de difficulté dans la vie n'ouvrent pas leurs lettres recommandées...

Je sais que vous considérez que c'est scandaleux mais cela fait aussi partie de la réalité quotidienne en France.

C'est la réalité aujourd'hui pour beaucoup de familles qui subissent des difficultés financières. Ce n'est pas une turpitude, c'est une réalité sociale, tout simplement. Demandez à Emmaüs, à ATD Quart Monde et vous verrez.

Des internautes peuvent se retrouver avec une coupure de connexion alors qu'ils ne sont vraiment pour rien dans ce dont on les accuse. Il me paraît normal de leur donner le droit de contester ceux qui les ont accusés afin qu'ils puissent démontrer qu'ils ne sont pas responsables. Tant que les sociétés d'ayants droit ou ceux qui travaillent pour eux ne pratiqueront pas avec plus de méthode et de rigueur, il faut offrir cette possibilité aux internautes. Cela pourrait réduire, à terme, le nombre des erreurs.

[...]

Sur le fond, je suis gênée par certaines imprécisions. Les recommandations mentionneront la date et l'heure des faits reprochés. Malheureusement, en informatique, celles-ci ne sont pas toujours sûres. C'était le cas, par exemple, dans le procès de Guingamp, dans lequel un internaute était accusé – à tort – d'avoir porté sur un blog des propos malveillants. Si la divulgation directe des informations peut poser un problème dans une famille, il peut aussi arriver que la date et l'heure ne signifient rien, pour peu que l'horloge de l'ordinateur soit mal réglée.

Dans un tel projet de loi, il faut bien parler technique, puisque c'est sur cette base que certaines personnes seront poursuivies. Dès lors que les constatations techniques ne peuvent pas être certifiées, il convient d'être prudent : deux précautions valent mieux qu'une et la précision – sur l'heure, et sur l'œuvre que l'on reproche à l'internaute d'avoir abusivement téléchargée – peuvent l'amener à formuler des observations à la commission, comme le prévoit l'amendement n° 52. En cas de doute, je crains que l'internaute ne considère que, n'ayant commis aucune faute, il n'a pas à répondre. Or, dans un souci de pédagogie, nous devons prévoir toutes les cas.

L'utilisation constante du verbe pouvoir – la lettre recommandée « peut être envoyée » – s'explique peut-être par le fait que, tout en prévoyant de sanctionner les internautes individuels, le Gouvernement sait bien que ce sera le plus souvent impossible : dans les universités, les web-cafés, les entreprises,...

[Dans les parcs et jardins !] En effet ! Pour prendre un autre exemple, il sera impossible d'intervenir sur la connexion de quelqu'un qui exerce une profession médicale, car il n'est pas envisageable de priver de connexion d'un médecin dont le fils aura effectué un téléchargement en dehors des heures d'ouverture du cabinet.

Dans bien des cas, même si l'on peut prouver qu'un téléchargement a été effectué sur un ordinateur, il ne sera pas possible d'intervenir. Autant d'inégalités devant la loi.

Finalement, on ne sanctionnera que les internautes qui auront effectué un téléchargement sur un ordinateur personnel ne servant qu'à leur usage propre. Or ceux-ci sont de moins en moins nombreux, puisque de plus en plus d'employeurs font pression sur leurs salariés pour qu'ils continuent à travailler chez eux. C'est d'ailleurs une position que la majorité défend dans certains débats sur le droit du travail, arguant que la limite entre les sphères personnelle et privée n'est pas très claire de nos jours, compte tenu du développement d'Internet.

[...]

Le rapporteur nous dit que la HADOPI définira des critères. Or il est de tradition, lorsque le Parlement débat d'un texte de loi, que soient présentées au moins sommairement les dispositions de la partie réglementaire. Je considère que, s'ils ne sont pas à proprement parler dans la partie réglementaire, les critères définis par la HADOPI relèvent d'un raisonnement similaire. Le minimum serait que la représentation nationale soit éclairée sur ces critères, que nous sachions comment la Haute Autorité choisira à quels internautes elle enverra messages d'avertissement et lettre recommandée, et à qui elle coupera la connexion.

Monsieur le rapporteur, si vous souhaitez une procédure automatisée, il faudra que les critères le soient. En informatique, quand on crée un logiciel, ce n'est pas « peut-être » ni « oui mais non » ; c'est très précis, c'est un ou zéro, c'est du binaire. Si cela doit être écrit très précisément, je pense que l'Assemblée peut être à même d'en connaître. Il est tout de même invraisemblable que l'on nous fasse voter des dispositifs en nous disant : « Mesdames et messieurs les députés, circulez, il n'y a rien à voir : c'est la HADOPI qui décidera. »

[...]

Ce sous-amendement [n° 503] vise à prévoir que la Haute Autorité efface de son système de traitement automatisé les données à caractère personnel portant sur les personnes faisant l'objet d'une procédure dès qu'elle constate la bonne foi de ladite personne quant à son absence de responsabilité pour les faits mis en cause à l'alinéa 1er du présent article.

En effet, depuis des heures, nous expliquons qu'il y aura des erreurs concernant les personnes incriminées, et cela n'est nié ni par Mme la ministre ni par les rapporteurs. M. le rapporteur de la commission des lois nous dit que ce n'est pas grave, qu'il s'agit seulement d'une recommandation, mais je rappelle que ces personnes seront tout de même fichées dès l'envoi du premier avertissement. Or il y a une multiplication des fichiers dans notre pays, la fiabilité de certains d'entre eux étant pour le moins discutable. Monsieur le président de la commission des lois, dans les deux premiers jours de nos débats sur ce texte de loi, j'avais rappelé que nous pouvions éprouver quelques doutes sur la fiabilité des fichiers, faisant référence au STIC.

Vous me répondez que votre commission travaille à la fiabilité et au nettoyage du STIC, mais c'est pourquoi il serait plus prudent de prévoir, dès maintenant, que les données des internautes incriminés à tort soient bien effacées du futur fichier de la HADOPI.

J'insiste sur ce point parce qu'avec le dispositif qui nous est proposé, il risque d'y avoir des mises en cause répétées. Un internaute qui prouvera une première fois que son adresse IP a été piratée, aura tout de même été fiché en tant que suspect. La HADOPI prendra en compte sa bonne foi, mais il faudrait être sûr de son effacement du fichier parce que sinon, en cas de repiratage, il risque d'être considéré comme récidiviste, du fait de l'automatisation des procédures. La réitération du piratage n'est en effet pas impossible puisqu'il arrive fréquemment que des ordinateurs soient piratés plusieurs fois, et sans que leurs utilisateurs s'en rendent compte. Son nom n'ayant pas été effacé du fichier après le premier avertissement, il recevra alors la lettre recommandée, puis, après un nouveau piratage, sera sanctionné par une suspension de sa connexion.

[...]

Madame la ministre, les députés ne sont pas les seuls à vous mettre en garde contre les problèmes que va poser cette partie de la loi. Un institut fort connu, l'INRIA, spécialisé dans les recherches sur l'informatique et les processus automatiques, a publié une analyse du projet de loi. On ne peut la qualifier de prise de position idéologique, on ne peut l'accuser de méconnaître les problèmes. En voici les conclusions :

« Du point de vue scientifique et technologique et au regard de l'utilisation actuelle de l'Internet dans le monde, la restriction d'accès à Internet – telle que l'envisage le législateur – serait impossible à réaliser dans les faits. [...]

« Il est impossible de supprimer totalement l'accès à Internet à un usager sans supprimer Internet lui-même, en raison de la multiplicité des points d'accès. [...]

« La suspension de l'accès “individuel” à Internet suppose un dispositif de contrôle “individuel” des identités électroniques.

« L'application du dispositif prévu [...] supposerait un système de contrôle électronique “individuel”, avec de sévères conséquences pour les libertés fondamentales, dépassant largement le contexte de la protection des œuvres artistiques. »

Vous le voyez, madame la ministre, nous ne sommes pas seuls à parler des atteintes aux libertés que contiennent certaines dispositions du texte.

Je poursuis la lecture : « La surveillance généralisée du réseau est techniquement possible. Mais elle irait à l'encontre des principes démocratiques, comme le rappelle un avis de la Commission européenne en novembre 2008. »

Et la conclusion est la suivante : « En conséquence, l'INRIA émet de sérieuses réserves sur la faisabilité scientifique et technologique de doter la HADOPI des pouvoirs de suspension d'accès à Internet prévus par le projet de loi. Outre l'impossibilité technique de restreindre l'accès à Internet dans un seul pays et les multiples voies de contournement des interdictions d'entrée sur le réseau, les évolutions de l'Internet du futur devraient rendre caduque l'identification électronique. Le dispositif envisagé par le législateur apparaît donc comme inapplicable au regard des propriétés intrinsèques de l'Internet. »

Vous nous expliquez qu'il s'agit d'une loi pédagogique. Mais à en juger par l'analyse qu'en a faite l'INRIA, je crains que votre pédagogie ne soit quelque peu dépassée ! Il y a environ un siècle, le débat portant sur le socialisme dans un seul pays semblait totalement ésotérique et bizarre à certains. Mais j'ai l'impression qu'avec ce texte, vous avez essayé de moderniser ce débat en en faisant un débat sur Internet dans un seul pays. Et, de la même manière que le socialisme dans un seul pays était condamné, l'Internet dans un seul pays n'a aucune chance de fonctionner !

31/03/2009 Débats HADOPI : preuve, données à caractère personnel, obligation de dénonciation au procureur, moteurs de recherche, neutralité du Net, filtrage, ARCEP, MGMT, Creative Commons, coût de l'offre légale, saisine du procureur, délai de prescription, système informatique de mise en œuvre de la riposte graduée, cumul des sanctions pénales et administratives, amnistie, disponibilité de l'offre légale

Avant de présenter mon amendement [n° 351], je veux souligner combien il est important que nos concitoyens s'intéressent à un débat parlementaire. Nous nous plaignons souvent que nos discussions rencontrent peu d'écho dans le pays. Or, ainsi que vient de le rappeler Christian Paul, l'examen de ce texte est suivi très attentivement par un certain nombre de nos concitoyens, qui nous font connaître leurs arguments, pour ou contre le texte – arguments qui sont d'ailleurs très élaborés –, et nous transmettent des informations techniques que nous ne maîtrisons pas forcément.

L'alinéa 56 de l'article 2 concerne les missions de la commission de protection des droits, qui sera l'une des instances de la HADOPI. Ainsi, si une adresse IP est soupçonnée d'avoir servi à un téléchargement abusif, il est prévu que les opérateurs transmettent à la commission les données personnelles de l'internaute auquel est supposée correspondre cette adresse – laquelle, je n'y reviens pas, n'est pas un élément si sûr que cela.

Parmi ces données figurent, aux termes de l'alinéa 56, « les coordonnées téléphoniques de l'abonné », que je propose de remplacer par « les coordonnées téléphoniques de la connexion Internet ». Un abonné peut, en effet, disposer de plusieurs lignes téléphoniques, fixes ou mobiles, et il serait abusif que soient transmises à la commission des données personnelles qui n'ont rien à voir avec l'acte commis, d'autant que, selon de nombreux rapports, un tiers des mises en cause ne correspondent pas à des faits réels. Il s'agirait donc d'un abus au regard de la protection des données privées – et il serait d'ailleurs intéressant de connaître l'avis de la CNIL sur ce sujet.

J'espère, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que vous accepterez cet amendement de bon sens.

[...]

Je suis sidérée. En effet, cette disposition permettra à la commission de recueillir, au début d'un processus de sanction – que vous avez nommé la riposte graduée – des données personnelles, qui seront stockées dans un fichier. Comment pouvez-vous nous dire, madame la ministre, qu'il s'agit de faciliter des échanges fructueux avec l'internaute ? Nous sommes loin des Bisounours, tout de même ! Encore une fois, il s'agit de ficher des personnes dont on suppose qu'elles ont commis un acte délictueux – que certaines d'entre elles n'auront d'ailleurs pas commis, puisqu'on a montré que les adresses IP pouvaient être piratées et ne pas correspondre à l'ordinateur de l'abonné.

Madame la ministre, lorsque j'ai expliqué, hier, qu'un internaute pouvait utiliser une adresse mail qui ne correspond pas à sa connexion Internet, vous m'avez répondu que ce n'était pas un problème, puisqu'il recevra une lettre recommandée. Aujourd'hui, je propose de préciser que les coordonnées téléphoniques transmises à la commission seront celles qui correspondent à l'accès Internet et vous me dites qu'il faut pouvoir joindre l'abonné !

Il en va tout de même du respect de la protection des données personnelles et de la vie privée.

Faut-il rappeler qu'il s'agit simplement d'avertir un internaute qu'il a peut-être réalisé un téléchargement illégal ? Nous ne sommes pas encore dans la phase judiciaire, dans l'antiterrorisme ! Que vous refusiez cet amendement de bon sens me paraît très significatif.

[...]

Madame la ministre, notre rôle, en tant que législateur, est d'éviter de faire des lois qui ne servent à rien. Je rappelle que la loi DADVSI, votée par la majorité et promulguée en août 2006, c'est-à-dire il y a deux ans et demi, n'a pu être intégralement mise en œuvre, certaines de ses dispositions s'étant révélées inapplicables. Procéder de la sorte ne peut aboutir qu'à déconsidérer le Parlement et chacun s'accorde, de part et d'autre de cet hémicycle, pour considérer que si les dispositions proposées en matière culturelle et de droit d'auteur ne sont pas efficaces, il vaut mieux en chercher d'autres ! Dans le cas contraire, nous risquons de donner l'illusion aux auteurs que leurs droits vont être défendus, alors que ce ne sera pas le cas.

Quant aux systèmes que vous dites efficaces dans d'autres pays, nous vous avons déjà expliqué, madame la ministre, que bon nombre de pays sont déjà revenus en arrière du fait des dysfonctionnements de ces systèmes.

Quand une loi provoque un tiers d'erreurs judiciaires – façon de parler, puisque les décisions sont rendues par une autorité administrative –, c'est bien qu'il y a un problème !

Un tiers d'erreurs, c'est tout de même beaucoup.

Avec l'amendement n° 428, le groupe GDR propose que la Haute autorité, dans le cas où elle aurait connaissance d'un délit, transmette au procureur de la République toutes les informations relatives à ce délit – conformément à l'article 40 du code de procédure pénale. Alors que, depuis le début, vous refusez l'intervention de l'autorité judiciaire, nous considérons pour notre part que la mise en cause de données privées rend nécessaire cette intervention, a fortiori dans une situation où l'absence de procédure contradictoire induit beaucoup d'incertitude.

Par ailleurs, à juste titre, les ayants droit ne seront pas informés de l'identité des personnes mises en cause. Toutefois, la loi DADVSI ayant été maintenue en l'état, les ayants droit et les représentants des auteurs qui considéreront que les droits de ceux-ci ont été bafoués pourront toujours introduire, parallèlement, une action judiciaire. De ce fait, une même personne pourra être poursuivie à la fois dans le cadre de la HADOPI et dans le cadre d'une procédure judiciaire. C'est là une raison supplémentaire justifiant que la justice soit informée par la HADOPI des procédures en cours.

[...]

L'amendement [n° 50] de notre rapporteur, c'est un peu « souriez, vous êtes listé ! » Monsieur Riester, vous avez beaucoup de talent pour enrober les amendements que vous proposez. En l'occurrence, je ne relèverai que la fin de l'alinéa 5 : « ainsi qu'à l'actualisation d'un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques. » Or cela revient à dire que les moteurs de recherche devront référencer parmi les premières les offres que la HADOPI aura labellisées.

Voilà ce que prévoit cet amendement ! C'est pour le moins étonnant de la part de défenseurs de la concurrence libre et non faussée. Celle-ci suppose en effet qu'il n'y ait pas d'autorité administrative, quasiment d'État, pour imposer aux moteurs de recherche les sites qui doivent apparaître en premier dans les listes recherchées par les internautes. Il y a là une atteinte au principe fondamental de neutralité de l'Internet. C'est une atteinte d'ailleurs à toutes les dispositions qui peuvent être prises au niveau européen.

Les consommateurs ont protesté, par l'intermédiaire de l'UFC-Que Choisir comme ont protesté des associations liées à Internet, telles que le Groupement des éditeurs de services en ligne, l'Association des services Internet communautaires ou l'Association de l'économie numérique, présidée par M. Pierre Kosciusko-Morizet, qui n'a rien d'un dangereux gauchiste. Le fait que ces associations considèrent que l'amendement du rapporteur constitue une atteinte à la neutralité d'Internet devraient faire réfléchir nos collègues de l'UMP à la manière dont ils vont voter, à moins que le Gouvernement ne rejette cet amendement ou que notre rapporteur le retire, tant qu'il est encore temps.

[...]

Je suis tout à fait d'accord : accepter ce sous-amendement [n° 167], c'est le minimum !

Internet dans un seul pays, monsieur le rapporteur, cela n'existe pas. Internet est mondial, et vous nous proposez une distorsion de concurrence qui n'est pas même acceptable au niveau européen ! Bruxelles pourra rappeler la France à l'ordre au motif que le référencement des sites par une autorité publique pose problème.

Vous nous racontez de belles histoires, monsieur le rapporteur, mais votre amendement dit : « la Haute Autorité attribue [...] un label [...]. » Regardez, c'est écrit !

« Elle veille à la mise en place ainsi qu'à l'actualisation d'un système de référencement de ces mêmes offres. » La HADOPI va-t-elle veiller à ce que Google et Yahoo – et j'en passe – actualisent leur système de référencement de manière à ce que les sites labellisés par la HADOPI soient mieux référencés par ces moteurs de recherche ? Franchement, dans quel monde est-on ?

Nous ne sommes pas loin, effectivement, des pays qui cherchent à contrôler Internet.

Monsieur le rapporteur, acceptez au moins cet amendement : vous êtes en train de vous ridiculiser !

Ce Gouvernement fait assez d'entorses aux libertés publiques. Il serait bon qu'il épargne Internet !

[...]

Je suis, comme mon collègue Jean Dionis du Séjour, assez obstinée. Franchement, je suis catastrophée de voir notre assemblée s'enfoncer dans l'absurdité.

Monsieur le rapporteur, vous oubliez le texte de votre amendement [n° 50], que nous avons pourtant été nombreux à relire – M. Tardy, M. Dionis du Séjour, moi-même. Vous y parlez bien de « système de référencement par les logiciels » donc par les moteurs de recherche.

C'est ce qui écrit. Si ce n'est pas ce que vous voulez dire, suspendons la séance pour vous laisser le temps de modifier la rédaction.

Si l'idée est qu'il y ait un site qui référence les offres, écrivez-le ainsi – même si, personnellement, je pense que cela fait un peu culture officielle.

En tous les cas, c'est moins ridicule que de dire que les moteurs de recherche vont référencer les offres qui auront obtenu le label de la HADOPI.

Au moins, ce serait plus cohérent que la proposition absurde que vous nous proposez.

Je parle du contexte. Je suis en désaccord mais j'essaie, en tant que législatrice, d'éviter les désastres. Or, non seulement on est en train de voter un texte qui n'a pas de sens, mais en plus on se ridiculise. C'est gênant.

[...]

L'alinéa 6 de l'amendement [n° 50] prévoit que l'HADOPI supervise l'évaluation du suivi des expérimentations. Or il existe une autre autorité chargée de la même mission : l'ARCEP. Pour éviter une redondance ou une contradiction entre ces deux instances, il paraît logique de prévoir qu'elles travailleront conjointement. On le comprend, ce sous-amendement [n° 476] constitue pour nous une proposition de repli, puisque nous sommes en total désaccord avec l'amendement lui-même.

Par ailleurs, je veux revenir sur la question de la légalité. Mme Greff a accusé tout à l'heure les députés de l'opposition d'être de quasi-délinquants ; mais, même quand on dit défendre le droit d'auteur, des dérapages peuvent se produire. C'est arrivé à certains membres de l'UMP. La chanson Kids du groupe MGMT a été utilisée au cours d'un meeting de l'UMP et diffusée sur Internet, ce qui témoigne d'un manque de respect du droit moral et du droit patrimonial. À la suite d'une erreur de manipulation, Mme la rapporteure pour avis a reproduit des logos sur son site sans l'autorisation de ceux qui détenaient la licence. Certes, l'utilisation d'une licence Creative Commons permettait de les utiliser sans verser de droits, mais qu'en est-il des droits moraux ? Dans le cadre d'un festival de l'affiche, M. Luc Chatel, maire de Chaumont et secrétaire d'État à la consommation, a exigé des auteurs un abandon total de leurs droits au profit de sa ville : les affiches auraient pu être présentées partout, reproduites sous n'importe quelle forme et mises en vente sans aucune contrepartie. Contraint de reculer face à la mobilisation des auteurs dénonçant ce contrat léonin, M. Chatel a dû ouvrir des négociations. Vous le voyez : il est facile de traiter les autres de délinquants, mais je vous engage à plus d'humilité. À quoi bon inventer un label officiel du ministère de la culture pour défendre le droit d'auteur, quand se montre, dans les faits, si peu capable ou si peu désireux de le respecter ?

[...]

Certains contenus qui circulent sur Internet posent effectivement problème : ceux, par exemple, des sites néo-nazis et des sites pédophiles. Or, jusqu'ici, aucun gouvernement n'a tenté de confier à une haute autorité la mission de labelliser des logiciels qui filtreraient les contenus pédophiles ou néo-nazis. Pourquoi, alors que les services de police, les autorités judiciaires, en France comme dans de nombreux pays, notamment européens, essaient pourtant depuis des années de lutter contre la circulation des informations véhiculées par ces sites qui portent atteinte, entre autres, à l'intégrité physique des mineurs ? Si aucune loi n'a été votée pour instaurer des dispositifs de filtrage contre ces deux types de sites que tous, ici, nous voulons combattre, il y a bien une raison à cela. La raison, c'est que la lutte à mener est une lutte au quotidien, une lutte de tous les instants, et que ce n'est pas en consacrant des millions d'euros à la recherche d'un illusoire procédé miracle que l'on trouvera des solutions !

Nous vous reprochons, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, de vouloir faire croire que vous allez défendre les droits des auteurs et améliorer leur rémunération grâce à des procédés qui n'existent pas et ne peuvent pas exister. Vous nous faites légiférer pour rien et vous allez dépenser de l'argent pour rien.

Il est préférable de mener de grandes campagnes pour promouvoir les téléchargements respectueux du droit d'auteur. Il faut aussi convaincre tous ceux qui diffusent sur Internet de la musique ou des films payants de baisser leurs tarifs. En effet, les coûts de diffusion sur Internet ne sont pas les mêmes que ceux des supports physiques, et la différence ne va pas, pour l'heure, dans la poche des auteurs, mais dans celle des intermédiaires. Nous devons, là-dessus aussi, nous battre.

Vous disiez, madame la ministre, qu'il se passe la même chose dans les autres pays. Or, en Angleterre, 700 musiciens ont demandé que cesse la criminalisation des consommateurs qui téléchargent, et se sont prononcés en faveur d'une démarche positive pour les convaincre d'arrêter de télécharger sans que les auteurs soient respectés. Ces 700 artistes ne sont pas n'importe qui : on peut citer, entre autres, Mick Jones des Clash, Nick Mason et David Gilmour des Pink Floyd...

Ce que vous essayez de faire ressemble au nuage de Tchernobyl qui s'était prétendument arrêté aux frontières de la France. C'est absurde ! Nous ne sommes plus à l'époque des diligences et des charrettes à chevaux !

Nous sommes à l'ère d'Internet !

Il est encore temps d'arrêter les absurdités de votre texte de loi ou, tout au moins, de les limiter ! Monsieur le rapporteur, retirez cet amendement totalement absurde et essayons d'améliorer les offres légales, qui respectent l'ensemble des acteurs. Ce sera bien plus intéressant que de se battre contre des moulins à vent !

[...]

Cet amendement [n° 429], proposé par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, précise que la commission de protection des droits, constituée au sein de l'HADOPI, agit sur la base d'informations qui lui sont transmises par le procureur de la République.

C'est cohérent avec ce que nous défendons depuis le début : la procédure doit passer par la voie juridictionnelle. Nous considérons en effet que, compte tenu de l'incertitude des preuves et de l'importance des sanctions prévues, il faut que la procédure soit contradictoire, c'est-à-dire judiciaire.

Par ailleurs, à l'heure actuelle, quand les sociétés d'auteurs relèvent des présomptions de téléchargements illégaux portant atteinte au droit des auteurs, elles transmettent à la justice les éléments en leur possession tendant à prouver l'existence du délit. La justice se saisit alors de cette demande et enquête pour vérifier que celui-ci est bien constitué ; cela lui permet d'obtenir les données personnelles du ou des internautes concernés et de décider, le cas échéant, de poursuites.

[...]

L'alinéa 67 de l'article 2 prévoit que la commission de protection des droits ne peut être saisie de faits remontant à plus de six mois. Nous proposons de réduire ce délai à un mois.

Si l'objectif de la loi est de faire cesser le plus vite possible les téléchargements abusifs, pourquoi attendre six mois ? C'est d'autant plus surprenant que, comme Mme la ministre me l'a répondu hier, c'est la commission de protection des droits qui sera chargée de l'envoi des mails d'avertissement aux internautes concernés.

Je comprends bien que, dans un premier temps, ce sera un peu difficile car les outils techniques manqueront, mais vous avez déjà lancé l'avis d'appel à candidatures pour la réalisation, l'hébergement et la maintenance du prototype du système d'information gérant le mécanisme de riposte graduée. Avis de publication des candidatures : 27 février. Remise des candidatures : 30 mars. Je suppose qu'elles ont été remises. L'ouverture des plis, et donc l'attribution du marché, devraient avoir lieu autour du 13 mai. Alors que nous n'avons même pas fini d'examiner la loi, l'appel d'offres pour sa mise en œuvre est déjà lancé. Cela arrive souvent, me répondrez-vous. Cela pose tout de même un problème de respect des prérogatives du Parlement.

Cela dit, puisque vous avez pris de l'avance, je pense que vous pouvez réduire le délai de saisine et faire en sorte que, s'il y a téléchargement abusif, il y soit mis fin le plus rapidement possible. Si vous attendez près de six mois, l'internaute dont l'adresse IP aura été usurpée aura du mal à rassembler les preuves de sa bonne foi. Et, s'il est responsable, il aura le temps d'effacer les indices : vous savez bien que ce n'est pas en apportant son ordinateur qu'on peut prouver qu'on a ou non téléchargé.

[...]

J'avais compris, monsieur le rapporteur, que la riposte graduée commençait par un mail d'avertissement lorsqu'on se rendait compte qu'un internaute avait téléchargé abusivement, et qu'on ne conservait ses données qu'à compter de ce moment-là.

Or, vous nous expliquez que le délai de six mois permettra de vérifier si l'internaute a récidivé et téléchargé plusieurs fois au cours des six mois. Cela veut donc dire que l'on aura conservé ses données depuis la première vérification, mais sans l'en avertir. Cela pose un problème de droit. Si l'on constate qu'il a procédé à un téléchargement illégal, il faut immédiatement l'avertir, sans attendre.

[...]

À l'heure actuelle, rien n'est prévu pour que l'HADOPI soit informée d'une saisine de la juridiction judiciaire et, inversement, l'autorité judiciaire n'a aucun moyen de savoir si une sanction administrative a été prononcée par l'HADOPI, dans la mesure où les ayants droit n'ont pas communication des données personnelles de l'internaute poursuivi, dont seule l'adresse IP est relevée.

C'est à raison que les ayants droit ne sont pas informés, mais il faut prévoir des garanties permettant de prévenir des poursuites cumulatives, à défaut de quoi nous serions confrontés à des situations abracadabrantes. Nous ne saurions pas quelle poursuite doit prendre le pas sur l'autre. Je crois d'ailleurs que le dispositif pose de graves problèmes au regard au droit communautaire.

[...]

Madame la ministre, vous avez apporté de l'eau à notre moulin.

Vous nous dites que les deux procédures doivent coexister parce qu'elles ne répondent pas aux mêmes faits. Dans le cadre de la loi DADVSI, il s'agirait de lutter contre la contrefaçon. Nous pouvons nous retrouver sur le fait que les personnes trafiquant de téléchargements illégaux doivent être poursuivies dans ce cadre. Mais il aurait pour cela fallu que vous proposiez une modification de la loi DADVSI limitant cette dernière à ce seul aspect.

Nous vous aurions suivie. Mais vous ne l'avez pas fait, et la loi DADVSI reste en l'état. Il sera donc possible de choisir soit la procédure de la commission de protection des droits, soit la procédure judiciaire. Or, comme les ayants droit ne savent pas, et c'est heureux, qui est la personne mise en cause devant la commission de protection des droits, ils pourront utiliser les deux procédures.

Madame la ministre, un automobiliste n'est poursuivi en justice que s'il provoque un accident. S'il a simplement commis une infraction par excès de vitesse, des points lui sont retirés sur son permis de conduire mais il n'est pas poursuivi au pénal. L'internaute, lui, pourra à la fois voir sa connexion à Internet suspendue pendant un an et être poursuivi au titre du délit de contrefaçon. Il y a donc bien double peine.

[...]

Madame la ministre, vous reconnaissez vous-même la création d'un nouveau délit : manquement à la protection de la connexion Internet. C'est déjà un peu osé : même les experts les plus confirmés sont incapables de garantir la protection de quelque connexion Internet que ce soit... Mais l'article L. 336-3 qui créé le nouveau délit n'évoque pas de manière générale le manquement à la protection de l'accès à Internet. Il précise : « La personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin ». Nous sommes bien dans le cadre du téléchargement visé par la loi DADVSI.

Nous avons donc bien deux textes prévoyant deux façons de poursuivre un internaute qui télécharge abusivement. De ce point de vue, l'amendement de notre collègue Suguenot a tout à fait sa place. Quand je vous entends, monsieur le rapporteur et madame la ministre, excusez-moi, mais je me demande si vous lisez les amendements !

Notre collègue [Alain Suguenot] a bien précisé que l'amendement [n° 494] visait les actes commis avant l'entrée en vigueur de la présente loi ; il ne s'agit donc pas de supprimer la DADVSI – malheureusement pour nous, d'ailleurs !

Dans sa dernière phrase, il précise en outre que l'amnistie « ne s'applique pas non plus à ceux qui se livrent à un usage commercial. » Autrement dit, les personnes poursuivies dans le cadre des mesures sur la contrefaçon de la loi DADVSI, parce qu'elles ont fait un usage commercial des œuvres protégées par des droits d'auteur après les avoir téléchargées, ne seraient pas concernées par cette amnistie.

Monsieur le rapporteur et madame la ministre, vous avez carrément évacué ce qu'ont écrit nos collègues Suguenot, Le Fur et Lezeau. Même si de petits points de rédaction auraient pu être discutés, je crois que leur amendement est bon, en ce sens qu'il essaie de purger une situation rendue absurde par l'entrée en vigueur de la nouvelle loi en distinguant ceux qui seront poursuivis au titre de cette nouvelle loi et ceux qui le seront dans le cadre de la contrefaçon, pour avoir fait un usage commercial d'un téléchargement illégal.

Pour le groupe GDR, je voterai donc cet amendement [n° 494].

[...]

Cet amendement [n° 433] propose de favoriser l'offre légale en prévoyant qu'en cas de rétention par les auteurs et donc de l'inexistence d'une offre légale d'une œuvre, les téléchargements ne seront pas sanctionnés s'ils sont utilisés dans un cadre privé et non pas commercial.

Cette absence d'offre légale peut concerner des œuvres anciennes ou des œuvres étrangères qui ont existé sur microsillon, qui n'ont pas été reproduites mais qui peuvent parfois se trouver sur Internet. Dans ce cas, elles ne sont pas mises à la disposition des internautes par les ayants droits mais par des personnes qui ont pu organiser la reproduction dans un but culturel plutôt que commercial.

[...]

Avec l'amendement n° 433, le groupe GDR, non plus que le groupe SRC, je suppose, n'entendait remettre en cause la chronologie des médias.

Il y a peut-être à cet égard un petit problème de rédaction.

L'amendement n° 433 propose d'insérer, après l'alinéa 68, l'alinéa suivant : « Aucune sanction ne peut être prise en l'absence de l'existence d'une offre légale des œuvres ou objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin. La Haute Autorité apprécie l'existence, l'accessibilité et le contenu de cette offre », de sorte qu'il appartient à la Haute autorité de juger du respect de la chronologie des médias – dans le cas d'une œuvre cinématographique – et de sanctionner les téléchargement qui y contreviendraient ou qui auraient lieu, dans le cas d'une œuvre musicale, avant que l'artiste ait eu le temps de diffuser son œuvre en ligne. Si l'œuvre est dans le domaine public depuis très longtemps, en revanche, le téléchargement ne sera pas sanctionné. Tel est le sens de notre amendement, qui, en laissant la Haute autorité apprécier en dernier ressort, prend en compte les remarques de Mme la ministre ; il ne porte donc pas atteinte aux droits des auteurs.

[...]

J'ai reconnu tout à l'heure que notre amendement n° 433 posait un problème de rédaction, puisqu'il faisait l'impasse sur la chronologie des médias. C'était, bien sûr, involontaire, et cela s'expliquait sans doute par le fait qu'il visait davantage la musique que le cinéma. Je retire donc l'amendement n° 433, pour éviter les erreurs et les faux débats.

Quant à l'amendement de M. Suguenot, je serais tentée de la sous-amender. Il dispose en effet qu'« aucune sanction ne peut être prise en l'absence d'une offre légale ». Ne faut-il pas préciser « une offre légale en ligne » ? Je ne pense pas qu'il y ait, sur ce point, de désaccord entre nous.

Je suis également très surprise par la réaction de Mme la ministre. L'amendement ne respecte-t-il pas le droit moral des auteurs ou des ayants droit ? Si ceux-ci consentent, cela signifie qu'ils ne demandent pas de rémunération spécifique. Dans l'idée de Mme la ministre, n'a-t-on le droit de donner accès légalement à des œuvres en ligne que si l'on passe par des intermédiaires tels que des plateformes qui, au passage, prennent une rémunération ? Il semble, madame la ministre, que votre action tende bien à cela : des auteurs n'auraient pas le droit d'accepter que leur œuvre soit mise en ligne si cela ne se fait pas par le biais d'un intermédiaire rémunéré. J'espère que vous allez donner une autre explication au rejet de l'amendement de notre collègue, qui paraît excellent.

30/03/2009 Débats HADOPI : composition de la HADOPI, nommination du président de la HADOPI, données à caractère personnel, menaces, preuves, cryptage

Je suis stupéfaite par les propos que je viens d'entendre. Le ministre de la consommation servirait de filtre. Après les filtres sur Internet, les filtres ministériels ! Il me semble que cela avait déjà été le cas pour les accords dits de l'Élysée, où il n'y avait aucun représentant des internautes. On nous avait dit que ce n'était pas la peine !

On nous explique que, pour la suite, il n'est pas non plus nécessaire qu'il y ait des représentants des utilisateurs des réseaux de communication en ligne, ni de la CNIL, etc.

Si vous vouliez arriver – je n'y crois hélas ! pas trop – à une loi équilibrée et éviter de donner l'impression de ne prendre en compte que les ayants droit, sans vous soucier de ce qui se passe au niveau d'Internet, vous ne continueriez pas à rejeter toute possibilité d'équilibre et la représentation de tous ceux qui sont intéressés à la circulation des œuvres culturelles sur Internet.

Je soutiens l'amendement [n° 407] de nos collègues socialistes et celui [n° 178] du rapporteur de la commission des affaires économiques. C'est un minimum.

Il me semble illusoire, monsieur Riester, de faire confiance, soit au Gouvernement, soit aux présidents de nos assemblées pour faire le choix d'envoyer dans ce collège un des représentants des utilisateurs des réseaux de communication en ligne. Chacun d'eux aura beau jeu de dire que c'est à l'autre de le faire et chacun aura de bonnes raisons d'expliquer qu'il a trouvé un représentant qualifié, bien meilleur, et que l'on peut donc se passer des représentants des utilisateurs d'Internet.

Si vous continuez ainsi à nier la réalité de ces millions d'internautes, vous pourriez avoir un gros problème avec une bonne partie des citoyens de notre pays – la jeunesse, mais pas seulement. N'oubliez pas qu'il y a, au mois de juin, les élections européennes, à l'occasion desquelles vous pourriez rencontrer des problèmes.

[...]

Nous l'avons déjà précisé au début de la discussion de ce texte, mais je le rappelle, monsieur le rapporteur, puisque vous vous obstinez à dire une contrevérité. Lors du vote intervenu sur ce texte au Sénat, les sénateurs Verts et les sénateurs communistes se sont abstenus. Ce projet n'a donc pas été voté à l'unanimité.

Il n'y a certes pas eu de vote contre, mais il vous est très facile, parce que cela vous arrange, de faire comme si personne n'avait émis de réserves sur ce texte au Sénat !

Monsieur le rapporteur, vous avez tout à l'heure dit que si les internautes étaient représentés, les ayants droit devaient l'être aussi. C'est bizarre, mais, je fais, quant à moi, le pari que, parmi toutes les personnalités qualifiées qui seront nommées, il y a de fortes chances que l'on retrouve un représentant des ayants droit.

Ce n'est pas une suspicion, monsieur Geoffroy. Cela ne me choquerait pas. Nous examinons, en effet, un texte relatif à la diffusion et à la protection de la création sur Internet. Donc, qu'il y ait des représentants de la création culturelle, comme des représentants des internautes, me semble effectivement équilibré. Or vous avez refusé que les internautes soient représentés, alors qu'il y a de fortes chances qu'il y ait un représentant des ayants droit. C'est bien ce que je vous reproche !

[...]

Je suis quelque peu étonnée par l'amendement [n° 40] du rapporteur. Il a été décidé, sur sa demande, de donner la personnalité morale à la HADOPI pour garantir son indépendance. Or M. Riester propose, par cet amendement, que le président soit nommé, quand le projet de loi prévoit qu'il est élu. Comme vient de le souligner notre collègue Dionis du Séjour, il y a une incohérence. Si cette autorité est réellement indépendante elle doit élire son président ! Le choix du président entre une personne nommée par le président de la Cour de cassation, d'autres nommées par le président de l'Assemblée nationale, par le président du Sénat et par le Gouvernement présenterait-il le risque de placer un dangereux agitateur à la tête de la Haute Autorité ? Des personnalités sont déjà nommées par des instances et je pense que nous tous, représentants du peuple, avons confiance en elles. En dépit de cela, on nous dit qu'il y a un pouvoir supérieur et que le président de la HADOPI sera nommé. Cela devient grave. Si l'on n'a plus confiance dans les mécanismes de notre République au point de décider que le président de la HADOPI sera nommé par décret, nous marchons sur la tête ! Il serait sage, monsieur le rapporteur, d'en revenir au texte du Gouvernement qui me semble plus équilibré !

[...]

Je suis un peu étonnée par la composition du collège. Voici en effet ce qu'on peut lire dans le rapport de la commission des affaires culturelles :

« Suite à l'adoption d'un amendement de Mme Catherine Morin-Desailly, suivant l'avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, le Sénat a prévu que le président du collège devra être élu par les membres du collège parmi les magistrats, et non plus nommé comme initialement prévu par le projet de loi. »

« Cette élection, actuellement prévue pour le président de l'ARMT, vise à renforcer l'indépendance du collège, on ne peut donc que s'en féliciter. »

Le Gouvernement n'a pas peur de se contredire à quelques mois d'intervalle. Visiblement, le 30 mars, l'indépendance du collège a volé en éclats.

Vous proposez maintenant, monsieur le rapporteur, de supprimer l'alinéa 26. Or vous m'avez répondu tout à l'heure qu'il n'y avait pas de contradiction entre l'alinéa 17 et l'alinéa 26.

Supprimer l'alinéa 26 ne me gêne pas en soi, car sa rédaction me paraît incohérente avec celle de l'alinéa 17, mais, dans la mesure où vous nous demandez un vote aveugle puisque nous n'avons pas le texte qui va le remplacer, je ne voterai pas cet amendement.

[...]

L'alinéa 28 ne pourrait être valide que s'il ne prenait pas effet dès maintenant. Sinon, la durée des mandats pourrait être assez longue dans un premier temps. Il serait bon en tout cas que les mandats des personnalités qualifiées soient renouvelés assez souvent, d'autant que, comme vous avez refusé qu'il y ait des représentants des internautes…

Vous avez refusé de l'inscrire dans la loi, monsieur le rapporteur. Vous dites que ça pourrait ne pas être impossible, mais il n'y a aucune certitude sur le fait que ce soit possible. La probabilité me paraît assez minime mais peut-être que le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le Gouvernement me démontreront dans les semaines à venir que je me suis trompée. Si, grâce à nos débats, il y a un représentant des internautes, je ne pourrai que m'en féliciter.

Comme je suis un petit peu méfiante, parce que votre gouvernement, celui élu depuis 2007 mais aussi celui qui a gouverné le pays de 2002 à 2007 ne nous a pas permis d'avoir confiance, c'est le moins que l'on puisse dire, dans la majorité qui gouverne ce pays depuis 2002…

Ils se posent pas mal de questions actuellement, et j'ai l'impression qu'ils ont de moins en moins confiance en vous.

Nous proposons donc que le mandat ne soit ni révocable ni renouvelable.

[...]

L'amendement [n° 475] dispose que, comme celui des membres du collège, le mandat des membres de la commission de protection des droits n'est ni révocable ni renouvelable.

[...]

L'amendement [n° 349] vise à supprimer les alinéas 53 à 56, qui portent sur les prérogatives de la commission de protection des droits. Cette structure, constituée de trois membres seulement, a des objectifs qui semblent irréalistes : même si un chiffre maximal de 1 000 a maintenant été fixé, ce seront tout de même plusieurs centaines d'avertissements qui devront être envoyés chaque jour. À ce sujet, j'ai une question très précise à vous poser, madame la ministre : le premier mail d'avertissement sera-t-il envoyé par les fournisseurs d'accès Internet ou par la commission de protection des droits ? Ce n'est absolument pas la même chose. Or, pour le moment, nous n'en savons rien.

Par ailleurs, je rappelle que, jusqu'à maintenant, les données des internautes ne pouvaient être obtenues que sur réquisition judiciaire. Dorénavant, une autorité administrative, la commission de protection des droits, pourra aussi les transmettre. Dans le projet de loi, vous précisez, à l'alinéa 53, que ses membres « procèdent à l'examen des faits et constatent la matérialité des manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3 [du code de la propriété intellectuelle] ». Au passage, je signale que cet article rend obligatoire le logiciel de sécurisation des ordinateurs alors que personne n'est en mesure, à ce jour, de promettre la réalisation d'un tel logiciel. Comment cette commission procèdera-t-elle à l'examen des faits et constatera-t-elle la matérialité des manquements ? Vous nous avez dit que les internautes contestant sa décision pourront lui faire parvenir leur disque dur, mais nous en avons déjà discuté, et une telle éventualité semble impossible en pratique.

En effet, lorsque l'internaute dispose d'une Live Box, l'adresse IP est celle de la Live Box et non celle de l'ordinateur. Dès lors, s'il y a quatre ou cinq ordinateurs derrière la Live Box, quel sera le disque dur que devront faire parvenir à la commission les internautes de bonne foi ? De plus, s'ils n'utilisent pas un ordinateur mais un système Live CD, comment feront-ils ? Je pourrais encore citer beaucoup d'autres exemples de ce genre. Ensuite, comment la commission pourra-t-elle prouver qu'elle a bien reçu le bon disque dur, celui sur lequel l'internaute est soupçonné d'avoir procédé à un téléchargement abusif, et non un autre ? Cet alinéa 53 qui porte sur la matérialité des manquements apparaît donc quelque peu ubuesque.

Quant à l'alinéa 54, il précise que les membres de la commission peuvent « obtenir tous documents, quel qu'en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques ». Or c'est en contradiction avec la LCEN – la loi pour la confiance dans l'économie numérique. J'y reviendrai.

Cet amendement propose la suppression d'un certain nombre de dispositions précisant les missions de la commission de protection des droits parce que ces dispositions ne correspondent à aucune réalité concrète et n'ont aucune possibilité pratique d'être mises en œuvre.

Avant de sombrer dans l'absurdité, il serait temps de s'arrêter.

[...]

Madame la ministre, je remarque que vous n'avez pas répondu à ma question, donc je la repose : qui va envoyer le premier mail d'avertissement ? les fournisseurs d'accès Internet ou la commission de protection des droits ?

Cette réponse ne veut rien dire puisque la HADOPI recouvre à la fois un collège et la commission de protection des droits ! On a besoin d'une réponse précise.

S'agissant des spams, je pourrais vous montrer de ces courriers non sollicités que nous recevons alors que le réseau de l'Assemblée nationale est ultra-protégé. Les services de l'Assemblée entretiennent très bien ce réseau mais, malgré cela, eux-mêmes ne parviennent pas à faire obstacle à l'ensemble des spams. Dès lors, prétendre que les internautes pourront sécuriser leur poste de travail me paraît irréaliste.

De plus, même les fournisseurs d'accès reconnaissent qu'un tiers des ordinateurs sont infectés par des virus, ces logiciels dits trojan qui viennent s'installer à votre insu sur votre disque dur. Ils peuvent ensuite lui faire effectuer des tâches qui, le plus souvent, sont malheureusement des escroqueries.

S'agissant des messages d'avertissement, madame la ministre, figurez-vous que de petits marrants – si j'ose dire – commencent déjà à envoyer des mails ainsi rédigés : « Votre adresse IP a été relevée comme ayant procédé à un téléchargement illégal. Veuillez cliquer sur le lien suivant. » Pour l'instant, ces mails présentent les défauts d'être en anglais et d'arriver avant le vote de la loi. Néanmoins cela montre que certains ont pris les devants. Quand la loi sera votée et que les petits astucieux auront traduit les messages en français, que se passera-t-il si vous cliquez sur le lien en pensant que le message vient de la HADOPI ? Vous arrivez sur un site totalement pirate. Et alors comment prouvez-vous votre bonne foi ? Si cela existe déjà en anglais, on peut imaginer que la version française ne va tarder à circuler.

[...]

La réponse n'est pas très précise, madame la ministre. D'ailleurs, la HADOPI n'a pas du tout les mêmes besoins en nombre de techniciens que la CNIL ou l'AMF.

En outre, vous expliquez que la Haute autorité enverra un mail et que vous ne voyez pas où est le problème. Si telle était la réalité, les internautes qui essaient de consulter leur compte en banque ne se feraient pas avoir comme cela leur arrive parfois. Malheureusement, il existe des experts en informatique capables de simuler des envois de mails officiels, par exemple. Nous risquons donc de voir apparaître des simulations de mails de la HADOPI.

La lettre recommandée soulève un autre problème : vous pouvez avoir une connexion chez un fournisseur d'accès à Internet, mais utiliser une boîte mail d'un autre fournisseur.

Ces internautes ne recevront jamais le message envoyé par leur fournisseur d'Internet.

Alors, ils n'auront pas reçu le premier message, et ils auront peu de temps pour apporter la preuve de leur bonne foi.

[...]

Madame la ministre, vous dites que les sociétés d'auteurs repèrent déjà les adresses IP. C'est bien le problème ! Ces sociétés collectent les adresses IP d'internautes censés télécharger abusivement des œuvres que les ayants droit n'ont pas mises à leur libre disposition, mais elles ne vont pas vérifier que les adresses IP communiquées par le serveur, ou tracker, correspondent bien à des personnes téléchargeant illégalement des œuvres par le biais du P2P. Elles ne vont pas vérifier que ces œuvres sont stockées sur le disque dur d'un ordinateur et qu'il y a donc bien un délit.

À l'heure actuelle, quand ces sociétés constatent un téléchargement sporadique, elles renoncent à engager des poursuites : la justice coûte cher, et le jeu n'en vaut la chandelle que lorsqu'elles ont repéré quelqu'un qui profite du système, en revendant, par exemple, les œuvres téléchargées, ce qui est absolument inadmissible.

Avec votre système, ces sociétés vont transmettre toutes les adresses IP qu'elles auront collectées, sans avoir vérifié qu'elles correspondent à des ordinateurs contenant des œuvres téléchargées abusivement. La commission demandera donc aux FAI de communiquer l'identité des titulaires des adresses IP. Nous vous avons expliqué trente-six fois que cela ne prouvait rien.

Lors de votre audition en commission, madame la ministre, vous aviez dit que « l'usager sera en mesure d'établir sa bonne foi pendant la phase contractuelle s'il peut prouver, par exemple, qu'il n'était pas chez lui au moment des faits ». On ne voit pas très bien le rapport : d'une part, on peut télécharger de n'importe où, c'est le propre d'Internet ; d'autre part, on peut être chez soi et ne pas être responsable du téléchargement, car la connexion peut avoir été piratée. Votre argument paraît donc un peu bizarre.

Nous avons déjà eu ce débat à propos d'un jugement rendu par le tribunal de Guingamp, qui a estimé qu'un internaute ne pouvait être considéré responsable de l'incrimination qui lui était faite par le seul biais de son adresse IP. Peu importe, nous avez-vous expliqué : la Cour de cassation fait jurisprudence.

En effet : cela n'a rien à voir.

Dans ce cas précis, il est prouvé que l'internaute incriminé n'était pas coupable : les faits se sont produits dans sa résidence secondaire, à un moment où il ne s'y trouvait pas. N'étant pas là au moment des faits, il a pu – cas rare – prouver qu'il ne pouvait pas être jugé responsable sur le seul fondement de son adresse IP. La Cour de cassation n'a rien à voir là-dedans.

D'alinéa en alinéa, madame la ministre, vous ajoutez des dispositifs dont il est aisé de prouver qu'ils ne tiennent pas la route. C'est pourquoi mon amendement propose de supprimer l'alinéa en question.

[...]

J'évoquerai le même sujet et, comme l'ont souligné précédemment nos collègues, notamment M. Suguenot et M. Tardy, il est d'importance puisqu'il s'agit de la transmission des données personnelles. Celle-ci pourra en effet être dorénavant effectuée sans contrôle de l'autorité judiciaire, ce qui pose, selon nous, un grave problème.

En outre, l'alinéa 56 ouvre la possibilité d'obtenir les données personnelles de l'abonné « dont l'accès à des services de communication au public en ligne a été utilisé à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'œuvres ou d'objets protégés sans l'autorisation des titulaires des droits ». Je croyais qu'il s'agissait seulement de réprimer le téléchargement abusif ; en réalité, l'objectif visé par l'alinéa 56 est bien plus large.

Aux États-Unis, Google s'est inquiété des accusations infondées dont certains internautes faisaient l'objet ; l'on a observé que 57 % des demandes de retrait de contenus concernaient des contenus d'entreprises concurrentes de celles, peu scrupuleuses, qui cherchaient à les faire disparaître – c'est un aspect dont nous n'avons pas encore discuté jusqu'à présent – et que 37 % des demandes de retrait de contrefaçons n'étaient pas valides. Madame la ministre, nous risquons de nous retrouver dans une situation similaire en France : or 37 % des demandes de retrait non valides, cela représente plus d'un tiers des demandes, ce qui est énorme !

Par ailleurs, vous avez dit tout à l'heure que, pour faire face au risque de cryptage des transferts de fichiers non conformes aux desiderata des ayants droit, on pourrait mettre en place des contre-logiciels. J'ai voulu savoir ce qu'étaient des contre-logiciels. L'ingénieur réseau que j'ai interrogé était un peu surpris et m'a expliqué que, dans les affaires de terrorisme – car il s'agit là de l'extension d'une disposition prévue au départ par la loi antiterroriste –, lorsqu'il faut casser un cryptage d'échanges de données, cela prend des heures, des jours, voire des semaines. Dans ce cas, on n'installe pas un contre-logiciel, mais, à la suite d'une réquisition judiciaire, on demande à des spécialistes de tenter de cracker le cryptage.

Madame la ministre, les contre-logiciels me semblent être une invention laissant à penser que l'on a trouvé la solution, celle-ci consistant à installer sur son ordinateur un logiciel de sécurisation ou des contre-logiciels de je ne sais quoi. De fait, tout cela n'existe pas, sauf dans l'imagination des membres de votre cabinet !

30/03/2009 Débats HADOPI : Nouvelle-Zélande, rapport Lambridinis, rapport d'évaluation, Europe, NKM, durée du mandat à l'Hadopi, CNIL

C'est la CNIL qu'on assassine par deux fois ! Je considère qu'il faut maintenir un de ses représentants dans le collège des personnes qualifiées. Sur ces questions, en effet, qui est mieux qualifié que la CNIL ?

Par ailleurs, je relève que lors du vote précédent, pour que, à égalité des voix, l'amendement [n° 2] ne soit pas adopté, il a fallu que le président de séance vote, ce qui n'arrive pas fréquemment. J'ai rarement vu cela en plusieurs années de mandat ! Je tiens à le souligner pour que cela figure dans le compte rendu de nos travaux, et qu'on sache comment a été sauvé le revirement de la rapporteure de la commission des affaires culturelles.

Je crois, en effet, que nous sommes bien partis pour connaître d'autres moments historiques

[...]

Cet amendement [n° 2] est un amendement du groupe GDR, que j'ai défendu en commission des affaires culturelles, et que celle-ci a adopté. Or, madame la rapporteure pour avis, vous rapportez au nom de la commission. C'est après que auriez dû prendre la parole en votre nom personnel.

Il y a quand même un petit problème. À partir du moment où un amendement est défendu en commission, le rapporteur de cette commission le présente tel qu'il a été adopté. Sinon, il y a un mélange des genres, et l'on ne sait plus très bien où l'on en est. C'est un premier problème que je tenais à souligner, et qui sera encore plus important quand le texte examiné en séance sera le texte adopté par la commission. On risque de ne plus s'y retrouver.

S'agissant maintenant du contenu de cet amendement, la rapporteure nous dit que la CNIL dispose de tous les moyens nécessaires par ailleurs, et qu'il n'est pas nécessaire que l'un de ses membres appartienne au collège de la HADOPI.

Je rappelle d'abord que la CNIL dispose hélas de peu de moyens, compte tenu de l'ampleur des tâches qui sont les siennes. En outre, ce projet de loi confie beaucoup de missions à la HADOPI, notamment celle de valider les offres légales. On voit mal comment elle pourra valider rapidement tout ce qu'on lui demande de valider si elle ne peut pas compter sur un représentant de la CNIL pour lui dire où sont les risques de dérapage par rapport à ses missions.

En outre, ce texte prévoit la constitution de fichiers pour garder en mémoire les mails envoyés à titre de premier avertissement, les lettres recommandées à titre de deuxième avertissement, ainsi que les éventuelles coupures.

Il a été calculé que la commission de protection des droits aurait à peu près 25 secondes pour trancher sur les demandes.

Il me semble donc important qu'un représentant de la CNIL siège au sein du collège de la HADOPI pour garantir la protection des droits des usagers. Car sinon, il risque d'y avoir des dérapages.

Prenons l'exemple du STIC. Voici ce qu'en dit la CNIL : erreurs de saisie ; manque de rigueur dans la consultation ; absence quasi-systématique de mise à jour. Elle précise que le STIC a des conséquences sociales considérables, puisque l'inscription d'une personne dans ce fichier peut entraîner des refus d'embauche, voire des licenciements, pour des personnes qui s'y retrouvent abusivement.

La CNIL avait travaillé sur un échantillon d'affaires portant sur l'année 2007. Elle avait relevé que les décisions de classement sans suite n'ont été transmises que dans 21 % des cas, les relaxes dans 31 % des cas, les acquittements dans 7 % des cas et les non-lieux dans 0,5 % des cas.

Ce qui veut dire que s'il n'y a pas un représentant de la CNIL dans le collège de la HADOPI, il risque de se produire des situations dans lesquelles les internautes seront obligés, après coup, de saisir la CNIL, d'abord pour avoir accès aux fiches les concernant. Or, on sait que c'est particulièrement difficile, et compte tenu, justement, des faibles moyens de la CNIL, madame la rapporteure pour avis, il faut des mois et des mois pour obtenir l'accès aux différentes fiches auxquelles tout citoyen a le droit d'avoir accès pour vérifier que les informations qui y sont contenues ne soient pas préjudiciables et ne soient pas erronées.

Il vaut mieux prévenir que guérir. Le vote de la commission des affaires culturelles était un vote tout à fait éclairé. Je pense que notre assemblée doit le confirmer.

[...]

Il s'agit d'un amendement [n° 340] de précision. Nous abordons l'article L. 331-15 du code de la propriété intellectuelle, relatif à la composition du collège de la Haute Autorité. Or, si l'alinéa 17 de l'article 2 dit que le collège est composé de neuf membres nommés par décret pour une durée de six ans, le texte dispose plus loin qu'une partie des membres du collège n'est pas nommée pour six ans, mais, par tirage au sort, pour quatre ans.

Il semble assez absurde de préciser, dans un premier temps, à l'alinéa 17, que la durée du mandat est de six ans, pour revenir sur cette durée à l'alinéa 26. Nous reviendrons de toute façon sur la question puisque le groupe GDR présentera d'autres amendements sur la composition du collège.

Si nous persistons à penser que ce texte est inefficace et inapplicable, au moins souhaiterions-nous qu'il ne comporte pas de dispositions contradictoires, susceptibles de brouiller son interprétation. Depuis la loi DASVI, nous disposons d'exemples suffisamment nombreux de lois inapplicables à propos d'Internet.

[...]

Il est en effet important de pouvoir bénéficier d'un rapport assez rapidement car de nombreuses incertitudes pèsent sur les dispositions figurant dans ce texte.

Madame la ministre, vous avez beau souligner le fait que le rapport adopté par le Parlement européen n'a aucune valeur juridique et que le Conseil européen a approuvé les dispositions du Paquet Télécoms, il n'en reste pas moins que le Conseil rassemble les représentants des gouvernements et le Parlement les représentants élus par les différents peuples de l'Union européenne. Vouloir opposer l'un à l'autre, surtout à quelques mois des élections européennes, ne laisse pas d'inquiéter quant à l'appréciation que vous portez sur le rôle de ce parlement.

Outre les désaccords de fond, de nombreux doutes pèsent sur le texte, puisque même les fournisseurs d'accès à Internet ne sont pas aussi disposés que vous le prétendez à appliquer la loi : ils soulignent en effet que le texte sera inapplicable, au moins dans les dix-huit prochains mois, pour des raisons d'ordre technique. C'est la raison pour laquelle, je le répète, il sera nécessaire de disposer rapidement d'un rapport pour connaître la situation exacte.

Par ailleurs, Mme Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, semble à juste titre considérer qu'il sera très facile de contourner les dispositifs prévus par le texte.

Enfin, madame la ministre, je tiens à citer ici les propos du Premier ministre néo-zélandais – ce ne sont donc pas seulement quatre gus dans un garage qui disent leur opposition à de telles mesures !

« Nous sommes, dit le Premier ministre néo-zélandais, reconnaissants au Gouvernement de s'être abstenu de permettre qu'Internet soit compromis sur la base des intérêts commerciaux étroits des industries du divertissement, qui tentent de sauver des modèles économiques chancelants. Ces industries devraient se concentrer sur l'éducation de leurs clients, pas sur les menaces. »

Lorsqu'un Premier ministre considère, lui aussi, que le problème est celui du passage d'un modèle culturel à un autre sur fond de modèles économiques chancelants, il serait temps de vous interroger sur votre obstination à vous voiler la face pour ne pas voir que ces derniers sont condamnés. La remise rapide d'un rapport permettrait d'éviter une nouvelle catastrophe, celle que nous avons connue avec la DADVSI étant à nos yeux suffisante. En effet, si ce texte n'avait pas été adopté, nous aurions économisé des heures de séances et des articles de code inutiles et nous aurions pu nous consacrer à permettre aux artistes et aux internautes de trouver ensemble des solutions conciliant la protection des droits d'auteur et celle de l'exercice de la liberté sur Internet. Il ne saurait être question en effet ni d'opposer la liberté aux droits d'auteur ni de la brider par de prétendues solutions techniques en fait inapplicables.

[...]

Monsieur le président, j'aimerais savoir comment sera organisée la suite de nos débats sur ce projet de loi. En effet, comme vient de le souligner notre collègue, depuis le 12 mars, deux changements sont intervenus qui sont de nature à modifier l'appréciation du Gouvernement.

Mme la ministre a souvent invoqué, pour défendre son texte, le fait que d'autres pays prenaient des mesures similaires. Or nous avons appris que la Nouvelle-Zélande avait abandonné la riposte graduée et décidé de protéger le caractère ouvert d'Internet. Son Premier ministre s'est exprimé en ce sens.

Par ailleurs, le Parlement européen a voté à une écrasante majorité le rapport Lambrinidis. Il a réaffirmé pour la deuxième fois que la coupure de l'accès à Internet est contraire aux droits à la culture, à l'éducation, à la liberté d'information et considéré que « l'évolution d'Internet prouve qu'il devient un outil indispensable pour promouvoir des initiatives démocratiques ». Vous avez affirmé, madame la ministre, que cela n'entraînait aucune conséquence pour votre projet de loi. Mais comment le Gouvernement peut-il s'obstiner de la sorte à instaurer une riposte graduée allant jusqu'à la coupure des connexions Internet quand les pays ayant envisagé cette solution l'abandonnent les uns après les autres et que le Parlement européen s'y oppose, deux fois de suite, à une si forte majorité ?

J'aimerais donc savoir, madame la ministre, comment vous comptez prendre en compte ces évolutions et éviter que la France reste à la traîne en ce domaine.

12/03/2009 Débats HADOPI : droits fondamentaux, offres commerciales légales, labellisation, DRM, logiciels libres

À entendre ses réponses, je sens que Mme la ministre est en train de faiblir.

On peut être fatigué, mais les droits de la défense sont tout de même un point important sur lequel je ne partage pas l'enthousiasme de notre rapporteur.

Bien sûr, c'est dans le droit, mais dans la pratique il risque d'y avoir un problème.

D'abord, on se réfère au droit pour les sanctions. Mais avant, il y a les avertissements. Or quelle conséquence auront ceux-ci pour l'internaute ? D'ailleurs, pas pour l'internaute, pour le titulaire de l'abonnement, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

Le titulaire de l'abonnement, donc, recevra un avertissement, et il sera fiché parce qu'il faut bien garder une mémoire pour le deuxième avertissement puis la sanction éventuelle. À cette étape, il n'y a pas de procédure contradictoire puisqu'il n'y a pas encore de sanction. Des amendements ont prévu que les abonnés auront la possibilité d'adresser à la commission leur appréciation de la réalité du manquement qu'on leur impute. Cet après-midi, Mme la ministre a indiqué qu'ils pourraient apporter la preuve qu'ils n'avaient pas procédé au téléchargement abusif avec leur disque dur. Mais ce type de preuve n'est recevable que dans une procédure où la police judiciaire débarque chez vous et vérifie in situ que le disque dur contient bien la preuve du délit commis. Or ce sera à eux de prendre leur disque dur sous le bras. Outre que je connais peu de nos concitoyens qui soient capables de démonter leur disque dur, si leur ordinateur est sous garantie, ils ne pourront pas l'ouvrir sous peine de perdre cette dernière, ce qui pose un problème. Du reste, cela ne prouverait rien du tout : vous pouvez très bien changer de disque dur ou en effacer certaines données – si vous êtes très doué, vous y arriverez beaucoup mieux que certains élus parisiens à propos des faux électeurs.

C'est pourquoi j'appréhende mal la procédure contradictoire avant la sanction. C'est une des critiques, parmi beaucoup d'autres, que nous faisons à ce dispositif. Vous allez incriminer des titulaires d'abonnement qui n'auront rien à voir avec ce qui leur sera reproché.

Pour prendre un dernier exemple, une personne qui a souscrit un abonnement triple play pour avoir la téléphonie et la télévision n'a pas forcément Internet, même si elle a la ligne. Or cette ligne peut être piratée. Dans ce cas, la commission de protection envoie un mail signalant un téléchargement abusif via cette connexion internet. Mais la personne ne reçoit jamais ce mail puisqu'elle n'a pas de connexion internet ! Pour peu qu'elle ait quelques difficultés financières et n'ouvre pas non plus ses lettres recommandées, comme cela se produit souvent, elle se retrouve avec une coupure de connexion, ce qui en soi n'est pas très grave puisqu'elle n'a pas de connexion...

Ce qui est bancal, c'est qu'elle a la sanction et qu'elle est fichée. Ce n'est pas n'importe quoi ! Quand on voit comment fonctionne le STIC, ce fameux fichier où des tas de personnes sont mises en cause alors qu'elles ne devraient pas l'être...

[La commission des lois s'en occupe !] Fantastique ! Si la commission des lois s'occupe de faire vider le STIC de tous ceux qui ne devraient pas y être, et il y a, en effet, beaucoup de travail, comme l'a signalé un rapport récent, je vous invite, monsieur le président de la commission des lois, à veiller à ce que les abus de stockage ne s'y reproduisent pas, et à être tout aussi vigilant s'agissant du fichier des titulaires d'abonnement qui seraient mis en cause.

[...]

L'expression « offre légale » est très ambiguë. En effet, il existe à la fois des œuvres commerciales et des offres sans objet lucratif, et je ne vois pas très bien ce que vient faire l'HADOPI dans cette surveillance des offres sans but lucratif. Chaque auteur peut mettre ses œuvres à disposition sur Internet. Pourquoi, dans ce cas, aurait-on besoin d'une Haute Autorité pour surveiller cette mise à disposition ? Quand on pense au nombre de lettres recommandées qu'elle va devoir envoyer – si l'on en croit ce que l'on nous annonce –, elle risque d'être passablement débordée et il n'est peut-être pas très judicieux de lui confier en plus cette obligation, qui n'aura pas, en soi, beaucoup de conséquences.

D'autre part, dans votre exposé sommaire, monsieur le rapporteur, il est question de « réserver la labellisation de l'HADOPI aux seules offres commercialisées ». De quelle labellisation s'agit-il ? demandait avec raison notre collègue Christian Paul.

L'HADOPI pourrait-elle décider que telle offre commerciale ne peut pas recevoir son label ? Peut-être y a-t-il une erreur dans l'exposé sommaire, mais il faudrait que ce soit clair, car nulle part il n'est prévu que l'HADOPI labellise les offres, qu'elles soient commerciales ou pas. Il est important, monsieur le rapporteur, de clarifier vos intentions. Si, vraiment, il doit y avoir une labellisation des offres par l'HADOPI, cela ouvre un autre débat et pose de nouveaux problèmes. Nous avons réussi à perdre, en cours de route, les listes blanches de sites.

Il ne faudrait pas que nous en venions maintenant à labelliser les offres sur internet.

[...]

J'évoquerai d'abord la labellisation. Je reconnais, monsieur le rapporteur, que j'avais oublié l'alinéa 120, vous avez eu raison de le rappeler, car la labellisation est une question qui interpelle. Cela signifie-t-il que, dans les moteurs de recherche, les sites labellisés seront privilégiés ? Je regrette, monsieur le président, que nous n'ayons pas pu avoir ce débat, même si, en effet, il est décalé par rapport à l'ordre des alinéas. Cela aurait permis de clore la discussion à ce sujet. Quoi qu'il en soit, je préférerais être rassurée concernant les conséquences de ce label.

Mais je reviens à l'amendement n° 34. L'alinéa 10 indique que l'HADOPI s'occupe des mesures techniques de protection, ce qui prouve l'intérêt du débat précédent sur la suppression de ces mesures de protection ou sur l'interopérabilité. Avant la fin de la séance de cet après-midi, j'ai dit que je regrettais de ne pas pouvoir citer les propos tenus à ce sujet par le précédent ministre de la culture. J'ai retrouvé l'intervention s'y rapportant et je vais vous en lire quelques passages pour montrer qu'il y avait bien eu, parmi nos thèmes de discussion, le principe de l'interopérabilité des mesures de protection.

Je cite les propos du ministre de la culture et de la communication de l'époque, Renaud Donnedieu de Vabres, tenus le 14 mars 2006 : « Je voudrais d'autre part attirer votre attention sur le fait que les mesures techniques de protection ne sont pas qu'un dispositif de verrouillage sans aspect positif pour le consommateur. » Au moins, il reconnaissait que c'était un dispositif de verrouillage. « Elles rendent possible en effet une grande diversité de l'offre. » On a vu ce qu'il en a été...

M. Donnedieu de Vabres poursuit : « Je veux bien le redire haut et fort ce soir : [l'interopérabilité,] c'est la liberté d'utiliser le support de son choix, de choisir un logiciel libre ou propriétaire, et de faire en sorte que la lecture d'une œuvre légalement acquise soit possible sur tous les supports ». Voilà ce qu'il entendait par interopérabilité. Le débat avait bien abouti à ce que le ministre s'engage sur cette question.

Je continue à le citer : « Les créateurs de logiciels libres continuent à bénéficier de l'exception de décompilation qui est explicitement rappelée. Ils peuvent d'autre part s'appuyer sur les mesures garantissant l'interopérabilité pour développer des logiciels compatibles avec des œuvres protégées. Ce sont précisément les questions soulevées par les auteurs de logiciels libres qui nous ont conduits à ne pas sanctionner le contournement des mesures techniques à des fins d'interopérabilité. »

Ce principe avait donc été reconnu dans le débat sur la loi DADVSI par le ministre de l'époque. Je regrette que, trois ans après, nous en soyons toujours au même point, malgré la démonstration de l'inefficacité des DRM qui, contrairement à ce que pensait le ministre, n'ont pas entraîné une plus grande diversité de l'offre. On fait comme si rien ne s'était passé et l'on se contente de dire qu'il y a des accords pour ceux qui acceptent d'enlever les DRM. Faute de quoi, ils devront être surveillés, et ce sera la mission de régulation de l'HADOPI.

12/03/2009 Débats HADOPI : propagande, DADVSI, sanctions, information sur la répartition des revenus de la création, contribution créative, taxe sur la publicité, industrie du divertissement, logiciels de sécurisation, DRM, interopérabilité, logiciel libre

Deux erreurs ont été commises : une par moi-même – j'ai l'honnêteté de le reconnaître –, une autre par Mme la ministre.

Mon erreur porte sur le marketing viral et les spots viraux, auxquels j'ai fait référence à propos des mails envoyés par la société servant de support au courrier du site « jaimelesartistes.fr ». Ces pratiques ne sont en fait pas illégales, il s'agit de techniques de commercialisation de spams. Mais cela n'enlève rien à leur caractère intrusif s'agissant d'adresses privées, comme j'ai pu en faire l'expérience. J'aimerais donc savoir, madame la ministre, si dans le marché passé entre le ministère et cette entreprise, il était prévu d'envoyer des spams commerciaux intrusifs vers les boîtes mail privées des députés ?

J'en viens à l'erreur de Mme la ministre : sur la page d'accueil du site « jaimelesartistes.fr », on ne trouve pas le logo du ministère qui figure, en revanche, en gros sur les mails envoyés quotidiennement par cette fameuse société que je viens de citer.

[...]

Madame la ministre, la loi DADVSI n'est pas la transposition pure et simple de la directive européenne. Elle la transposée en partie seulement. À l'époque, la France a été le pays qui l'a transposée de la façon la plus dure, puisque les exceptions pour copies privées ont été transposées au strict minimum. Qu'il s'agisse de l'enseignement, des bibliothèques ou des personnes en situation de handicap, les autres pays ont transposé la directive de façon beaucoup plus large.

S'agissant des DRM, les députés de l'opposition et un certain nombre de députés de la majorité avaient indiqué quels problèmes cela posait. Nous avions tellement tort que ces DRM ont disparu en partie, mais pas totalement ! Il faut donc les supprimer totalement.

Ce matin, j'ai évoqué, en défendant la motion de renvoi en commission, la mesure qui avait été proposée par M. Dutoit, député communiste de Marseille, dans le cadre de la loi DADVSI. Cette mesure, qui avait été maintenue en commission mixte paritaire, prévoyait la possibilité pour les auteurs qui le souhaitaient de mettre leurs oeuvres à la disposition du public sur une plate-forme légale publique. Or, cette disposition n'a jamais été mise en œuvre. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un hasard.

Il serait donc sage d'abroger la loi DADVSI et de reprendre les quelques mesures indispensables qui y figurent plutôt que de juxtaposer cette loi et ce nouveau texte.

[...]

Madame la rapporteure pour avis, la sanction pénale ne sera pas remplacée par la sanction administrative : les deux existeront désormais !

Vous auriez pu réserver la sanction pénale aux internautes qui organisent les téléchargements illégaux pour en tirer une source de revenus, ce qui me semblerait juste. Or l'internaute lambda qui, pour telle ou telle raison, se contente d'écouter un titre sans payer de droits, est lui aussi concerné par la sanction pénale. Vous auriez pu différencier les sanctions puisqu'il s'agit de deux cas différents. Vous ne l'avez pas fait !

Selon vous, le dispositif prévu par l'amendement serait trop compliqué à appliquer. C'est une attitude étonnante puisque nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut absolument informer les internautes de la nécessité de rémunérer les auteurs. Il faut les convaincre que lorsqu'ils écoutent abusivement des œuvres qui n'ont pas été mises gratuitement à la disposition du public, ils commettent un préjudice à l'encontre des auteurs. Or, justement, l'amendement de nos collègues socialistes permettrait aux internautes d'en prendre pleinement conscience.

Toute diffusion de musique doit être déclarée à la SACEM. Et l'on peut faire confiance à cette dernière pour poursuivre les contrevenants qui, s'ils ne déclarent pas la musique qu'ils ont diffusée, lèsent les auteurs. J'ai moi-même été confrontée à cette situation il y a très longtemps, dans ma jeunesse. J'avais diffusé de la musique à l'occasion d'une petite fête et les employés de la SACEM sont arrivés pour me faire payer des droits, ce qui était juste.

Par conséquent, grâce aux performances de l'outil informatique et malgré une inévitable fraude, il paraît simple de déterminer la part qui revient à tel ou tel auteur à partir des déclarations à la SACEM de ceux qui diffusent de la musique. C'est pourquoi je ne comprends pas votre argument selon lequel ce calcul serait très difficile.

[...]

Le débat est intéressant. J'ai l'impression que ni Mme la ministre ni notre collègue Dionis du Séjour n'ont lu l'amendement [n°444] ou écouté sa défense.

L'amendement propose un rapport, c'est-à-dire une étude sur la question. On nous avait vendu la loi DADVSI qui devait tout résoudre – elle n'a rien résolu – ; un rapport devait être remis dans les dix-huit mois au Parlement, mais nous ne l'avons jamais vu.

Aujourd'hui, nous légiférons sur un nouveau texte sans réelle étude d'impact préalable puisque les seules études dont nous disposons sont celles réalisées par les sociétés intéressées au sujet. Avec la réforme de notre fonctionnement, les études d'impact devraient être obligatoires. Il serait donc intéressant d'en disposer.

Ensuite, les propositions de nos collègues socialistes ont évolué. Avant, ils prônaient la licence globale facultative pour les internautes. Tous les auteurs étaient concernés et les internautes payaient ou non. Je pensais que cela ne pouvait pas marcher. Nos collègues nous proposent aujourd'hui une contribution créative des auteurs volontaires. Les auteurs qui le souhaiteront participeront et pourront ainsi voir leurs œuvres mises en ligne sur cette plateforme. Ceux qui ne le souhaiteront pas continueront à mettre leurs œuvres à disposition sur des sites payants ou en streaming sur Deezer par exemple. Il n'y a donc pas de spoliation des auteurs. Chacun décidera de ce qu'il fera. Le seul débat qui subsiste, c'est la petite contribution supplémentaire que devront payer les internautes dans leur abonnement Internet.

On nous dit : ce n'est pas comme la copie privée. Moi, je ne télécharge pas de musique, je suis de la vieille école qui achète des CD. Nous sommes dépassés. Je fais partie de ces dinosaures qui achètent encore des CD et ne téléchargent pas !

J'achète des CD pour sauvegarder mon travail, pour l'Assemblée par exemple, ou pour des photos de vacances, comme tout un chacun. Je paye la redevance pour copie privée. Pourtant, je n'en fais pas ! Je pourrais donc m'interroger sur le bien-fondé de ce paiement.

Monsieur le rapporteur, vous n'étiez pas là au moment de l'examen de la loi DADVSI, mais certains de vos collègues du groupe UMP avaient proposé la suppression de la redevance pour copie privée, considérant qu'à partir du moment où l'on payait les téléchargements, il n'y avait plus de raison d'avoir une redevance pour copie privée. Et il s'en était fallu de peu que ce soit adopté par notre assemblée !

En ce qui concerne le montant payé, les internautes vont être obligés – c'est scandaleux, je le répète ! – d'installer sur leur ordinateur – PC ou Mac – des logiciels de sécurisation. On nous rétorque que rien ne dit qu'ils seront payants. Mais, comme par hasard, l'amendement que j'ai déposé au nom de mon groupe pour que ces logiciels soient gratuits a été rejeté.

Cela signifie bien que la possibilité qu'ils soient payants est ouverte.

Quand vous avez un logiciel, vous avez également des mises à jour. Si vous êtes encore dans le cadre de Microsoft et que vous avez Norton, vous payez, tous les ans, la mise à jour. Certes avec les logiciels libres, vous n'avez pas ce problème. C'est l'avantage. Mais comme beaucoup de nos concitoyens ne sont pas venus aux logiciels libres, ils paieront ces logiciels de sécurisation et leur mise à jour annuelle. Cela représentera bien un coût.

Qui prendra en charge les 70 millions que coûtera cette loi aux fournisseurs d'accès Internet ? Mme la ministre ne nous a pas répondu. Les fournisseurs d'accès n'ont pas l'air d'accord. Sera-ce le ministère sur son budget ? Les consommateurs ?

Si une partie est reportée sur les consommateurs, et que l'on ajoute le logiciel de sécurisation et les mises à jour, cela représentera une somme assez importante et, de notre point de vue, abusive. Je préfère donc la solution proposée par nos collègues socialistes, qui permettrait d'avoir accès à des œuvres de la création culturelle française.

[...]

Le problème, que nous avions déjà soulevé à l'occasion de la loi DAVDSI, demeure pour les interprètes. Pire : il s'aggrave. En effet, les supports physiques disparaissent peu à peu : après les vinyles et les cassettes, chacun constate aujourd'hui la chute des ventes de CD. Or, ces supports physiques alimentent l'essentiel des droits perçus par les interprètes, qui ne perçoivent pas de rémunération pour l'écoute en ligne de leurs œuvres. Certes, la taxe pour la copie privée au format MP3 demeure ; cela étant, sur des sites tels que Deezer, il est très facile d'enregistrer ce que l'on écoute !

Oui, au point que l'on peut parfaitement remplir un baladeur MP3 en enregistrant des morceaux écoutés en ligne sur Deezer, par exemple. L'enregistrement aura beau être analogique et ne pas avoir la qualité d'une version numérique, certains ne se privent pas de le pratiquer !

Quid, dès lors, de la rémunération des interprètes ? Si les sites d'écoute en ligne se multiplient au détriment des plateformes de téléchargement et des supports physiques, certains interprètes, même lorsqu'une large diffusion leur procure des revenus confortables – je pense à Johnny Hallyday, par exemple – risquent d'avoir des problèmes.

On ne peut donc pas dire que la priorité accordée à la lutte contre le téléchargement illégal permettra d'améliorer la rémunération des auteurs, car rien ne changera pour les interprètes. Il faut distinguer entre les auteurs, les ayants droit et les interprètes, compte tenu de la nature spécifique de la rémunération de ces derniers, aujourd'hui dépassée par le modèle économique dématérialisé de l'écoute en ligne.

[...]

Je m'étonne, moi aussi, des réponses de Mme la ministre et de Mme Marland-Militello.

Jusqu'à présent, je n'avais pas remis en cause le choix du Gouvernement et de sa majorité. Mais Mme Marland-Militello vient de dire clairement que la préoccupation portait sur les producteurs. Je croyais, pour ma part, que nous traitions de la rémunération des auteurs.

Vous nous expliquez, depuis le début de l'examen de ce texte, qu'il y a une crise et que ne pas prendre de sanctions efficaces signifierait que l'on refuse de défendre la rémunération des auteurs. Trois groupes de l'Assemblée proposent justement de tenir compte de l'évolution des technologies et d'appliquer sur Internet le modèle utilisé pour la radio, et qui a fait ses preuves, l'écoute en ligne s'apparentant totalement à une radio.

Vous nous répondez alors qu'il faut attendre et que se pose le problème des producteurs. Or, la loi a d'autant moins pour objectif central d'organiser la rémunération des producteurs que nous traitons du droit d'auteur, c'est-à-dire de la rémunération des auteurs ! Je trouve tout de même invraisemblable que l'on nous oppose les producteurs quand nous essayons de trouver des solutions pour la rémunération des auteurs !

Vous nous dites qu'un auteur n'est rien sans un producteur.

Je vais vous citer un exemple. Peut-être avez-vous entendu parler de Kamini Santoko, auteur de Marly-Gomont. Ce clip musical, libre de droit, a très bien fonctionné, alors qu'il avait été refusé à l'époque par toutes les majors. S'il n'avait pas circulé librement sur Internet, personne n'aurait entendu parler de Marly-Gomont et son auteur ne connaîtrait pas aujourd'hui une telle carrière et un tel succès.

Non, il a été lancé libre de droits sur Internet parce que les majors de la musique l'ont refusé ! Cela montre bien qu'il faut laisser des espaces de liberté hors producteurs, sauf à risquer un appauvrissement de la création culturelle ! On ne peut pas toujours mettre en parallèle la rémunération des auteurs avec celle des producteurs ! Comme l'a souligné notre collègue, les producteurs doivent effectivement apporter une plus-value, sinon pourquoi seraient-ils systématiquement rémunérés ? Il convient, en conséquence, de modifier la répartition des bénéfices entre les producteurs, les distributeurs et les auteurs parce qu'elle se fait effectivement au détriment de ces derniers, alors que les coûts liés à la diffusion sur Internet n'ont rien à voir avec ceux des supports physiques. La répartition, à l'époque justifiée, permet aujourd'hui, comme je l'ai expliqué dans ma motion de renvoi en commission, une augmentation de 22 % des bénéfices des distributeurs, contre 1 % seulement pour les auteurs.

La réponse qui nous a été donnée est donc quelque peu abusive.

[...]

Comme vient de le dire notre collègue Christian Paul, il n'y a pas que la France : les DRM ont été supprimées bien plus tôt par les majors aux États-Unis, qui se sont rendu compte que, loin de protéger les auteurs, ces mesures les désavantageaient, à cause des problèmes d'interopérabilité.

À l'époque, nous avions l'impression que, pour M. Donnedieu de Vabres, les DRM, c'était comme la Ligne Maginot. Heureusement qu'ils ont moins de conséquence ! Nous n'avons pas eu le temps de rechercher certains morceaux d'anthologie, mais nous essaierons de le faire pour ce soir : cela fera rire les collègues qui n'étaient pas sur nos bancs à l'époque.

Par ailleurs, madame Guégot, c'est bien gentil de venir nous dire : « Moi, je m'y connais ; vous, vous n'y connaissez rien ! »

C'est comme cela que je l'ai ressenti moi aussi. Or c'est un peu abusif. Certains parlementaires travaillent sur ces questions depuis longtemps. Et puis il ne faut pas toujours se fier aux CV tels qu'ils sont écrits ; certaines personnes ont pu connaître de ces problématiques dans leur cadre professionnel.

Cela étant, je m'inscris en faux contre ce qu'affirment certains depuis hier, à savoir que les DRM sur la musique auraient disparu en France. C'est faux. Il en reste encore de nombreux : il y en a sur les CD, sur les œuvres dites « en écoute illimitée » telles que celles protégées par les opérateurs de téléphonie mobile, et même sur les sites de plusieurs fournisseurs d'accès à Internet – Neufbox et Orange. Ces mesures techniques de protection empêchent l'utilisateur d'écouter la musique lorsqu'il n'est pas connecté au service. Vous voyez qu'il reste encore beaucoup à faire.

C'est pourquoi nous demandons l'abrogation de ces DRM. À l'heure actuelle, on donne l'impression que le problème est réglé parce qu'ils ont été supprimés d'un certain nombre de plates-formes. Or non seulement le problème de l'interopérabilité persiste – j'y reviendrai dans un amendement ultérieur –, mais il y a toujours des personnes confrontées aux difficultés que nous avions déjà soulignées lors de l'examen de la loi DADVSI, et pas uniquement dans les rangs de l'opposition : vous pouvez acheter un morceau de musique, mais s'il a un DRM, vous ne pourrez l'écouter que sur un support dédié et sur aucun autre. C'est bien pour cette raison que les DRM sont tombés en désuétude, pour la majorité d'entre eux. Les consommateurs ne sont pas stupides, ils n'ont pas pour habitude d'acheter à plusieurs reprises la même œuvre musicale, à raison d'une pour chaque support : un exemplaire pour leur lecteur de CD, un autre pour le baladeur, un autre pour le lecteur de CD dans la voiture, et ainsi de suite. Cela a conduit à l'abandon d'un certain nombre de DRM, mais contrairement à ce qui est affirmé, cet abandon n'est pas total.

[...]

Je tiens d'abord à revenir sur la décision du Conseil constitutionnel parce que, monsieur le rapporteur, vous avez menti par omission. En effet, il n'a pas considéré que l'interopérabilité était anticonstitutionnelle, mais il a censuré le terme au motif qu'il n'était pas défini dans la loi. C'est d'ailleurs un peu bizarre puisque ce mot était présent dans notre législation depuis la transposition de la directive de 1991 – sur les problèmes d'ordinateurs – et la reconnaissance de l'exception de décompilation à des fins d'interopérabilité. Le Conseil constitutionnel ne s'est donc pas prononcé sur le fond, mais uniquement sur la forme.

J'apprécie l'évolution de notre collègue Jean Dionis du Séjour, mais je regrette qu'il se soit abstenu à l'époque. S'il avait voté contre, on aurait peut-être empêché le désastre qu'il a évoqué. Non seulement nous avons une loi illisible, mais qui, en plus, est porteuse d'une insécurité juridique. En effet, tous ceux qui développent ou qui utilisent des logiciels libres se retrouvent dans une situation qui, de par la décision du Conseil constitutionnel, pose un problème. Je rappelle qu'il y avait déjà eu, à l'époque, une longue bataille sur la question de l'interopérabilité et de la non-protection des DRM par le droit d'auteur. Notre position avait rassemblé des députés de tous bords.

L'APRIL – l'association pour la promotion et la recherche en informatique libre –, la plus importante association française de défense du logiciel libre, a adressé une requête au Conseil d'État. Celui-ci a répondu que l'exception de décompilation, c'est-à-dire le fait de pouvoir utiliser des logiciels libres dans le cadre d'une interopérabilité, prime sur la protection juridique des DRM imposée par la loi DADVSI.

Mais nous sommes toujours dans une situation d'insécurité juridique. C'est pourquoi il faut clarifier les choses en inscrivant dans la loi qu'il est indispensable de fixer des limites aux DRM au nom de l'ineropérabilité.

On reviendra sur la question de l'interopérabilité puisque M. le rapporteur de la commission des lois, contrairement à son homologue de la commission des affaires culturelles, a expliqué qu'un tel débat n'avait pas d'importance pour les consommateurs.

Certes, monsieur le rapporteur, j'évoque vos propos de mémoire mais nous, à la commission des affaires culturelles, nous avons fait reconnaître la primauté de l'interopérabilité.

Pour finir, je rappelle quel a été le résultat du dispositif sur les mesures de protection établi par la loi DADVSI : cela a permis à Microsoft et à Apple de renforcer leur position dominante sur le marché des lecteurs multimédias, puisqu'il ne pouvait plus y avoir de craquage des DRM. Il est temps de mettre fin à une telle situation et de ne pas continuer à cautionner la vente liée et la captation de clientèle permises par les DRM, du logiciel au matériel.

Tel est le sens de ces amendements qui sont, je le souligne, défendus par trois groupes de cette assemblée, ce qui prouve qu'il y a un vrai problème. J'espère, madame la ministre, que vous allez cette fois-ci donner un avis favorable, compte tenu du fait que la décision du Conseil constitutionnel portait sur la forme et non sur le fond.

[...]

Comme l'amendement précédent, celui-ci [n°337] tend aussi à défendre le droit moral de l'auteur d'un logiciel – ce droit ne concerne pas que la musique ou le cinéma dont nous avons surtout parlé jusqu'à présent. Il nous semble évident que ce n'est pas à une autorité administrative ou à un tiers de décider à la place de l'auteur ce qu'il est possible de faire.

Mais je voudrais revenir sur le débat précédent qui est lié à celui-ci : l'exception de décompilation et l'interopérabilité sont dans le considérant 48 de la directive EUCD. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez donc pas soutenir que l'interopérabilité est contraire à la directive européenne concernant les DRM. Ce n'est pas vrai ; c'est contenu dans la directive EUCD.

Si le Conseil constitutionnel a censuré « interopérabilité », ce n'est pas au nom de la directive, mais parce qu'il a considéré que le terme n'était pas défini dans la loi. Il n'a donc pas pris position sur le fond, à savoir : si des DRM empêchent d'accéder à une œuvre, peut-il y avoir exception dans le cas d'utilisation de logiciels libres ? Cela revient à ça.

Si une telle exception ne peut exister, cela signifie, par exemple, qu'à l'Assemblée nationale où nous avons des postes de travail sous Linux, complètement en logiciel libre, nous ne pouvons pas avoir accès à certains CD ou certaines œuvres en lignes. C'est la conséquence logique, si, comme vous l'affirmez, il n'est pas possible de passer outre un DRM protégé si les fournisseurs de ce DRM n'ont pas donné la possibilité de lire le morceau avec des logiciels libres.

Nous avons un désaccord sur la lecture de la décision du Conseil constitutionnel qui est fondamental puisque en découle la possibilité d'inscrire dans la loi les amendements que nous proposons depuis tout à l'heure.

[...]

Nous sommes au cœur du projet de loi, puisque l'article 2 contient la majorité de ses dispositions.

L'ARMT, autorité créée par la loi DADVSI, est remplacée par une haute autorité, une de plus : c'est devenu une manie – je souscris aux propos de M. Tardy sur ce point – qui, à certains égards, témoigne d'un démantèlement de la justice. On nous explique parfois que celle-ci n'aurait pas les moyens de traiter aussi rapidement que nécessaire les procédures visées, en l'occurrence celles liées aux téléchargements abusifs ; mais il est un peu étonnant d'en tirer argument pour créer une haute autorité dont on externalise alors certaines charges.

Selon un communiqué publié aujourd'hui par l'AFP, l'IFPI, la Fédération internationale de l'industrie phonographique, basée à Londres, soutient totalement le projet de loi. Pour lutter contre le piratage, cette fédération s'appuyait sur une association interprofessionnelle américaine, la RIAA – Recording industry association of America –, laquelle regroupe les sociétés privées détentrices des labels et maisons de disques représentant 90 % de la production aux États-Unis. Or les majors – EMI, entre autres – qui finançaient la RIAA ont décidé de se retirer massivement. Résultat : cette association a dû licencier plus d'une centaine d'employés qui étaient affectés à la surveillance des réseaux et à la lutte contre le piratage. Le dispositif que l'on nous propose revient donc à transférer vers le contribuable la charge d'un financement jusqu'alors assuré par des sociétés du secteur de la musique. Voilà qui explique sans doute le soutien enthousiaste de l'IFPI au présent texte.

L'article pose plusieurs problèmes que je n'ai pas le temps de détailler. En particulier, la Haute autorité, qui comprendra une commission de protection des droits, pourra obtenir toutes les données conservées et traitées par les opérateurs de communication électronique dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, article auquel seul la lutte contre le terrorisme permet de déroger. Je trouve inadmissible que, pour défendre la propriété privée, on en vienne à utiliser des mécanismes prévus pour la lutte contre le terrorisme. Il ne s'agit pas de contrôler l'Internet, nous dit-on.

On veut instaurer une surveillance continuelle des réseaux qui, si elle ne porte pas sur l'ensemble des données, a quand même pour objectif de repérer les œuvres illicitement téléchargées qui y circuleraient.

Je développerai ces différents points ultérieurement ; en tout état de cause, les Verts sont totalement opposés à l'article 2.

12/03/2009 Débats HADOPI : renvoi en commission, DADVSI, DRM, mission Olivennes, sécurisation, propagande, industries du divertissement, partage sur Internet, autorité judiciaire, droits fondamentaux, données à caractère personnel, sanctions, labellisation, filtrage, logiciel libre, financement de la création, contribution créative, licence collective étendue, accès Internet

Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, bien des raisons justifient le renvoi en commission du projet de loi relatif à la création sur Internet. Elles portent tant sur le fond que sur la forme de nos travaux. Dans la mesure où les droits d'auteur et droits voisins sur Internet constituent une matière législative particulièrement technique, il serait nécessaire que la commission des lois, celle des affaires culturelles et celle des affaires économiques, qui ont pris des positions contradictoires sur nombre de dispositifs du texte – par exemple sur l'interopérabilité –, puissent de nouveau en débattre sereinement.

Le Gouvernement n'avait pas ménagé les artifices de procédure pour faire passer en force le texte de la loi DADVSI. Certes, nous légiférons aujourd'hui sur la base du rapport de Denis Olivennes – à l'époque PDG de la FNAC –, mais il ne serait pas moins indispensable de disposer d'un bilan de cette loi. Nous aimerions savoir, en effet, pour quelles raisons la majorité UMP s'est finalement rangée à l'idée qu'elle serait inadaptée et déjà obsolète – ce que l'opposition n'avait cessé de répéter lors des débats de 2005-2006.

À l'époque, la majorité de l'Assemblée affirmait de façon péremptoire, au mépris des mises en garde lancées par les acteurs des cultures numériques, notamment ceux du mouvement qui défend le principe des logiciels libres, que la protection juridique des « mesures techniques de protection » – DRM, en anglais – était le seul moyen de sauver la création : reconnaît-elle aujourd'hui s'être trompée ? Il est désormais avéré que ces DRM ne remplissent pas le rôle de protection des droits des créateurs. Et ce sont aujourd'hui les majors de la musique qui abandonnent ces dispositifs de contrôle anti-copie, tant ceux-ci sont rejetés par les consommateurs qui se retrouvent empêchés de jouir légitimement de leurs droits sur des biens qu'ils ont acquis légalement. On peut citer l'exemple de la plateforme multimédia MySpace sans DRM, lancée il y a plus d'un an par quatre majors. Les DRM sont donc abandonnées, mais les plateformes multimédias sont toujours inaccessibles au logiciel libre, et les rémunérations des artistes ne sont pas améliorées !

L'article 52 de la loi DADVSI fait obligation au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de ladite loi dans les dix-huit mois suivant sa promulgation et précise : « Ce rapport comporte un chapitre spécifique sur les conditions de mise en place d'une plateforme publique de téléchargement permettant à tout créateur vivant, qui se trouve absent de l'offre commerciale en ligne, de mettre ses œuvres ou ses interprétations à la disposition du public et d'en obtenir une juste rémunération. » – cette dernière phrase étant issue d'un amendement de notre collègue Frédéric Dutoit. Le renvoi en commission permettrait de laisser au Gouvernement le temps de nous présenter ce fameux rapport d'application, dont nous aurions dû avoir communication dès l'an dernier.

Un autre point de forme plaide pour le renvoi en commission. Contrairement aux affirmations du Gouvernement et du rapporteur, les conclusions du rapport de la mission Olivennes ne font en rien consensus parmi les professions concernées par la protection des droits d'auteur et de la création sur Internet. Ainsi, alors que le rapporteur qualifie d'« historique » et d'« exemplaire » l'accord signé, le 23 novembre 2007 à l'Élysée, entre quarante-deux organisations réunissant les fournisseurs d'accès à Internet, des chaînes de télévision, des représentants des ayants droit de l'audiovisuel, du cinéma et de la musique, nous apprenons ces derniers jours par voie de presse que plusieurs représentants des FAI récusent leur signature de cet accord et expliquent que les négociations se sont faites sur des bases bilatérales avec le négociateur Olivennes, et non multilatérales dans le cadre d'une discussion commune. Ils auraient signé un texte dont ils ne connaissaient pas le contenu ! Avouez qu'il y a là motif à organiser de nouvelles auditions devant les commissions pour connaître le fin mot de l'histoire et savoir quelle est la position réellement défendue par les FAI.

Ce texte s'apparente à un tel bourbier juridique que M. Pierre Kosciusko-Morizet, président de l'association pour le commerce et les services en ligne, qui ne représente pas moins de cent quatre-vingts entreprises, juge que le projet de loi « date un peu et n'est pas tellement adapté ». Il demande « un moratoire de six mois » pour donner au Gouvernement le temps de réécrire sa copie. Six mois : c'est précisément le temps nécessaire à la représentation nationale pour retravailler le texte après son renvoi en commission !

Cela permettrait en outre de revenir sur les causes de la censure constitutionnelle décidée à l'été 2006 contre les dispositifs qui prévoyaient déjà une « riposte graduée » en trois étapes, en cas de téléchargements illicites. Or la finalité même du texte relatif à la diffusion et à la protection de la création sur Internet est d'instituer une Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet – HADOPI – pour réintroduire la riposte graduée censurée en 2006. Comme le téléchargement est difficile à prouver, à moins d'aller inspecter le disque dur de la personne suspectée, le Gouvernement a cherché un autre critère d'incrimination et n'a rien trouvé de mieux que d'obliger les particuliers à installer un logiciel de sécurisation de leur poste et, en cas de défaut d'installation, de les rendre responsables de tout téléchargement jugé illicite par les représentants des ayants droit.

À propos de cette question centrale de l'obligation de sécurisation, Fabrice Le Fessant, chercheur à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique et enseignant en informatique à l'École polytechnique, indique, dans une note diffusée le 16 février dernier, que « cette loi est inadaptée à un certain nombre de caractéristiques techniques des réseaux et d'Internet ». La note met en évidence que « le système d'identification du coupable, fondé sur l'adresse de la connexion Internet, implique une sécurisation de l'installation informatique, hors de portée des simples particuliers ». Les grandes entreprises salarient des experts en informatique pour la maintenance de leurs postes et la protection de leurs accès au réseau ; nous ne pouvons en attendre autant de particuliers. Les députés peuvent d'ailleurs constater eux-mêmes que, malgré toutes les protections dont sont dotés leurs postes de l'Assemblée nationale, de nombreux spams arrivent encore à passer, dont certains sont d'ailleurs assez désagréables. Du reste, la première faille de sécurité est souvent le logiciel : un grand éditeur de logiciels a dû effectuer quarante-neuf mises à jour critiques de sécurité en 2006 et quarante-trois en 2007, car des failles permettaient à un intrus de prendre le contrôle de l'ordinateur. Quant aux connexions sans fil, chacun sait qu'il est facile de se connecter sur un réseau wi-fi qui n'est pas le sien.

Les réseaux de pair à pair vont migrer vers les nouveaux réseaux sociaux « d'amis à amis », beaucoup plus difficiles à contrôler. Je crois, mes chers collègues, que nous devrions auditionner les experts de l'INRIA, afin d'éviter un faux pas législatif.

Mais je voudrais aussi, madame la ministre, vous interpeller à propos de spams que nous recevons en ce moment et qui sont envoyés par une liste de diffusion appelée « J'aime les artistes ! ». Je les reçois sur ma messagerie personnelle : cette intrusion dans ma vie privée est un peu surprenante. Je me suis demandé qui était derrière « J'aime les artistes ! » et j'ai découvert que ces pourriels étaient envoyés par la société Push It Up, qui s'exprime ainsi sur son site : « Push It Up conçoit vos campagnes Internet, intégrant la recherche de relais et supports, la diffusion de spots viraux... De la création d'outils marketing classiques à la réalisation de mini-sites satellites, en passant par des campagnes de mots clés, emailing ciblé, jusqu'au marketing viral. » Des « spots viraux » ! Du « marketing viral » !

Tout cela n'est-il pas un peu consternant ? Et qui se trouve derrière tout cela ?

La société a été fondée par deux personnes, dont l'une, en 2008, était candidate aux élections municipales dans le huitième arrondissement de Paris, soutenue par le parti radical valoisien. « J'aime les artistes ! » n'est donc pas si neutre que cela.

S'il y a deux chambres, dans notre Parlement, ce n'est pas un hasard : l'une doit pouvoir corriger les éventuelles erreurs de l'autre. On a souvent dit que, au Sénat, la loi a été votée à l'unanimité. Je tiens à préciser que les sénateurs communistes et Verts se sont abstenus, et que le groupe GDR de l'Assemblée votera contre ce texte, pour des raisons que j'ai déjà exposées dans mon explication de vote sur la motion d'irrecevabilité et que nous développerons tout au long de ce débat.

Je voudrais m'attarder sur un autre motif de renvoi en commission. Vous partez d'un postulat contestable quant à l'origine des difficultés des industries culturelles, que ce soit dans le rapport, dans l'avis des deux commissions parlementaires, ou dans l'argumentaire de Mme la ministre.

Le Gouvernement et les rapporteurs dressent un tableau apocalyptique de l'économie de la création culturelle, postulant que les téléchargements sont responsables de la chute des ventes de disques et de DVD. Je cite l'exposé des motifs : « Le marché du disque a baissé de près de 50 % en volume et en valeur au cours des cinq dernières années, ce qui s'est traduit par un fort impact aussi bien sur l'emploi des maisons de production que sur la création et le renouveau artistique avec la résiliation de nombreux contrats d'artistes et une baisse de 40 % du nombre de nouveaux artistes “signés” chaque année. Le cinéma et la télévision commencent à ressentir les premiers effets de ce changement des usages et le livre ne devrait pas tarder à suivre. »

Sans contester que l'industrie culturelle soit bouleversée par les nouveaux usages liés à l'utilisation massive d'Internet, il me semble que l'analyse mérite d'être à la fois affinée et inscrite dans un contexte plus vaste de transformation massive des usages, d'un basculement d'une partie de notre économie vers le numérique. On nous explique que l'industrie du disque souffre d'une très grave crise liée au téléchargement illégal d'œuvres. Mais de quelle crise parle-t-on ? Les revenus issus du spectacle vivant ou même de la diffusion publique d'œuvres augmentent régulièrement. En réalité, seule la vente de supports – c'est-à-dire de CD – souffre, mais cette technologie peut désormais être considérée comme dépassée, comme le vinyle le fut en son temps. Quant à la question même de la baisse des ventes de CD, comment ne pas la lier au fait que les prix exorbitants pratiqués n'ont pas baissé en vingt ans ? Les industries du disque n'ont-elles pas, ainsi, tout simplement tué la poule aux œufs d'or ?

La crise est d'abord celle des maisons de disques qui ne se sont pas dotées suffisamment vite de plateformes de téléchargement. Rien dans le projet de loi ne permet au secteur du disque de faire face aux vrais enjeux, aux nouveaux défis de l'ère numérique.

En ce qui concerne l'industrie cinématographique, les entrées en salles progressent, la vidéo à la demande se développe et les bouquets attirent chaque jour de nouveaux consommateurs. Ainsi, la dernière enquête Médiamétrie pour l'année écoulée contredit les assertions du rapporteur, selon lesquelles la fréquentation des salles serait en baisse. Certes, elle risque de l'être bientôt en raison de la crise économique : les familles voyant leurs moyens se réduire, cela peut provoquer, à terme, des baisses de fréquentation, mais celles-ci ne seront pas liées aux téléchargements. Il est vrai que la vente de supports – CD, DVD ou cassettes vidéo, ces dernières ayant complètement disparu – décline régulièrement. Cependant, on peut noter qu'elle ne représente en 2007 que 16,5 % des sommes collectées par la SACEM. La vente de fichiers numériques ou de musiques sous des formes spécifiques, comme les sonneries téléphoniques, même si elle représente un faible volume de 10 millions d'euros, augmente très fortement : de près de 27 %. La musique à la demande, qui pèse aujourd'hui 3,46 millions d'euros, augmente de 85 %. Autant de bonnes nouvelles ! Le spectacle vivant et les sonorisations publiques sont en forte hausse. Il y a par conséquent d'importantes possibilités de compensation.

Au moment du débat sur la loi DADVSI, vous aviez refusé les amendements des Verts qui proposaient une contribution des FAI et des opérateurs téléphoniques à la création culturelle, sous prétexte que cela fragiliserait ces derniers. Pourtant, cela ne les fragilisait plus dans la loi audiovisuelle et vous avez adopté une telle contribution. Je regrette qu'une telle mesure ne soit pas prévue pour aider à la rémunération des auteurs.

En fait, nous assistons à une transformation du modèle économique. L'introduction du numérique a bouleversé la pratique et la consommation de la culture. Au titre des pratiques numériques ne donnant pas lieu à perception de droits d'auteur ou de droits voisins, le rapporteur souligne l'augmentation des visionnages en streaming – directement sur l'écran en ligne –, sur des sites web spécialisés, tels que YouTube ou Dailymotion, ou l'écoute en ligne sur Deezer. Ce dernier dispositif, grâce à son instantanéité, remporte un franc succès. On a beaucoup entendu dire que la gratuité, c'est le vol ; or, Deezer propose de la musique gratuite aux internautes qui s'y connectent ! S'agirait-il donc de vol dans certains cas, et pas dans d'autres ?

Ensuite, vous ne dites rien du succès des sites de revente en ligne par les particuliers, et de ses conséquences. Ainsi, au début du mois de janvier, alors que la revente des cadeaux offerts lors des fêtes de fin d'année était promue au rang de sport national, le patron de l'un de ces sites d'enchères et de revente en ligne, M. Pierre Kosciusko-Morizet, n'a cessé, dans les médias, de nous expliquer le succès de sa démarche en se vantant d'avoir inventé un magnifique slogan publicitaire – « Devenez radins ! ». Grâce à de tels sites, chacun peut acheter ou visionner un DVD, ou encore écouter un CD pendant un temps, pour ensuite les revendre d'occasion à d'autres internautes et à des prix défiant très largement les prix d'articles neufs. Là encore, il convient d'éclairer davantage les commissions parlementaires saisies, afin qu'elles évaluent mieux l'impact réel de ces sites de vente d'occasion, de particulier à particulier, sur les chiffres de ventes de biens culturels, et sur leur contribution aux sociétés de collecte des droits d'auteur des artistes.

Selon l'OCDE, le téléchargement de musique en réseaux de « pair-à-pair » ne conduit pas tous les utilisateurs à substituer systématiquement ce type d'acquisition aux modes traditionnels de consommation ; si certaines études démontrent que le partage non autorisé de fichiers a un effet négatif sur les ventes de musique, d'autres prouvent au contraire qu'il a un effet positif, et d'autres encore que son impact est nul. Vous le voyez : la question mérite d'être étudiée davantage.

Quoi qu'il en soit, le téléchargement existe de manière massive depuis une décennie. Peut-on dire que cette période a été mise à profit pour étoffer l'offre légale de téléchargement et en améliorer la qualité ? Hélas, non seulement le consommateur n'a toujours pas accès à l'ensemble des artistes, mais il lui est bien souvent impossible de se constituer un capital musical, car la durée de vie et d'utilisation des fichiers est limitée par les mesures techniques de protection – les DRM, qui ont fait l'objet d'un long débat en 2006. Je me réjouis que vous reconnaissiez aujourd'hui qu'elles étaient une erreur ; je regrette qu'elle n'ait pas été évitée d'emblée – nous aurions gagné du temps, ce qui aurait profité aux auteurs.

En outre, les offres légales utilisent les DRM compatibles avec le seul système d'exploitation de Microsoft, et non avec les ordinateurs équipés des systèmes Apple ou Linux, non plus qu'avec les baladeurs Apple – qui représentent pourtant 60 % du marché. Force est donc de constater le verrouillage actuel du marché par quelques majors qui en contrôlent presque les trois quarts et, ce faisant, empêchent l'émergence d'un marché concurrentiel. Ainsi, un album peut être proposé en promotion à 6,99 euros, contre 9 euros sur les plateformes payantes. Comment, dans ces conditions, convaincre les jeunes qu'il faut acheter des CD ou bien télécharger à ce prix ?

En somme, il est abusif de prétendre que ce projet de loi favorise les artistes. Au contraire : il maintient le système existant sans qu'on se donne la peine d'ouvrir le débat sur des mécanismes contributifs qui permettraient de compenser le téléchargement. Les internautes, in fine, devront payer un logiciel de sécurisation et des mises à jour régulières. Et l'on nous dit que l'augmentation de l'abonnement aux fournisseurs d'accès afin d'inclure une rémunération supplémentaire pour les artistes serait insupportable !

Ce projet de loi revient au dispositif de « riposte graduée » en trois étapes, que mettra en œuvre la Haute autorité – une autorité administrative dérogatoire à l'autorité judiciaire. Celle-ci sera saisie par des agents désignés par les industries de la production culturelle, et fichera les identités électroniques des internautes en reprenant une procédure de la loi contre le terrorisme. Le cas échéant, elle enverra aux internautes une « recommandation » électronique, puis une autre avec accusé de réception. Ensuite, l'accès à Internet sera suspendu, mais l'internaute devra tout de même continuer à payer les frais d'abonnement à son fournisseur – à moins que l'un de nos amendements, adopté en commission, ne le soit aussi dans l'hémicycle. En cas de détournement d'une connexion à l'insu du particulier, par piratage ou par utilisation d'un réseau sans fil ouvert, la personne poursuivie ne sera pas celle qui a procédé au téléchargement non autorisé, mais le titulaire de l'abonnement.

Ce dispositif est un non-sens historique. Au plan juridique, il est inacceptable ; en pratique, il est inefficace, puisqu'il n'empêchera pas l'échange d'œuvres numérisées entre particuliers. En revanche, il provoquera d'importants dommages collatéraux.

Nombreux sont les principes et les libertés fondamentales au regard desquels ce texte est inacceptable. Ainsi, la loi permet à la Haute autorité de demander l'identification des personnes liées à une adresse IP collectée par les sociétés d'auteurs, et ce en dehors de toute intervention de l'autorité judiciaire. Or, lors de la refonte de la loi « informatique et libertés », en 2004, le Conseil constitutionnel avait restreint le traitement des fichiers d'infractions en le subordonnant à la condition que les données recueillies n'acquièrent un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire, et que la conservation des informations soit limitée à un an – ce qui n'est pas le cas dans le présent texte.

Les mesures d'exception relatives à l'accès aux données personnelles accordé aux services de police luttant contre le terrorisme ne peuvent être étendues à la lutte contre l'échange non autorisé de musiques et de films. La dérogation permettant – à juste titre – aux services antiterroristes d'accéder aux données de connexion sans contrôle de l'autorité judiciaire à des fins préventives est une mesure d'exception temporaire, que le Conseil constitutionnel a acceptée parce qu'elle concerne certains des crimes les plus réprimés du code pénal. Or, dans le cas qui nous occupe, il ne s'agit ni de crimes, ni d'atteintes aux personnes. Le droit pénal français distingue clairement entre les crimes et les délits contre les personnes d'une part, et ceux contre les biens de l'autre !

Les sociétés privées ne doivent pas être habilitées à rechercher des infractions pénales sur Internet. Le groupe « Article 29 » – équivalent de la CNIL au niveau européen – l'a dit : même si tout individu a naturellement le droit d'exploiter des données judiciaires dans le cadre de litiges le concernant, ce principe ne va pas jusqu'à permettre l'examen approfondi, la collecte et la centralisation de données à caractère personnel par des tiers, y compris la recherche systématique à grande échelle, comme le balayage d'Internet ou la demande de communication de données personnelles détenues par d'autres acteurs tels que les fournisseurs d'accès. De telles enquêtes sont de la compétence des autorités judiciaires.

La coupure de l'accès à Internet est une mesure manifestement disproportionnée au regard des objectifs visés, car elle constitue une sanction aux effets puissants, qui pourrait entraîner de graves répercussions dans une société où l'accès à Internet est devenu une condition de l'inclusion sociale. En effet, un nombre croissant de formalités s'effectuent désormais en ligne ; les administrations d'État sont d'ailleurs les premières à encourager cette pratique pour bien des formalités, notamment pour réduire la part du téléphone dans ses contacts avec les administrés.

La suspension de l'accès à Internet, sanction choisie par le Gouvernement, va à l'encontre des positions récentes du Parlement européen. En février 2009, à l'occasion de la parution du rapport visant à garantir aux citoyens européens « un accès à Internet sans réserve et sûr », présenté par l'eurodéputé grec Stavros Lambrinis, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté à l'unanimité le principe en vertu duquel le droit d'accès ne doit pas être refusé en tant que sanction. Autant dire que son refus de la riposte graduée, envisagée par le présent projet, est clair. Ledit rapport fait écho au vote par le Parlement européen, en septembre dernier, de l'amendement au projet de directive du « paquet télécom ».

Un relevé informatique ne constitue pas une preuve suffisante. Dans un rapport que le ministère de la culture a tenté d'enterrer, le professeur Jean Cedras, agrégé de droit pénal et ancien avocat général à la Cour de cassation, a indiqué que l'imputabilité des actes – quelles qu'en soient l'ampleur ou la gravité – à un internaute particulier, qui est la condition essentielle de sa responsabilité pénale ou civile, est impossible à établir sans la visite de son disque dur. Une réponse graduée automatique, aussi séduisante qu'elle apparaisse aux sociétés représentant les ayants droit, est donc un abus de pouvoir.

Selon l'étude de l'INRIA que j'ai déjà citée, « cette loi est inadaptée à un certain nombre de caractéristiques techniques des réseaux et d'Internet, et va introduire de nouveaux problèmes sans résoudre ceux qu'elle vise ». Et pour cause : l'internaute n'est pas toujours en mesure de savoir que la mise à sa disposition, d'un simple clic, de telle ou telle œuvre n'est pas légalement autorisée. Il faudrait en effet analyser les liens hypertextes pour, éventuellement, savoir où l'utilisateur se retrouve – ce qui n'est guère à la portée de tous !

Rien, dans les systèmes existants, ne permet d'identifier la personne qui a téléchargé. Ainsi, comment rechercher le « coupable » lorsque, dans une même famille vivant sous un même toit, qui dispose d'un boîtier de connexion unique et, partant, d'un seul identifiant, plusieurs personnes majeures – parents et enfants, par exemple – utilisent la même connexion ? Si la riposte graduée permettra d'établir le caractère délictueux d'un acte, elle n'établira ni l'intention de le commettre, ni l'identité de celui qui l'a commis. Tout cela rappelle un peu la responsabilité collective et les fameuses lois Pasqua dites « anti-casseurs » – aujourd'hui supprimées.

Le présent texte introduira une discrimination, parmi les usagers d'Internet, entre les personnes physiques, sommées de se doter d'une protection pour ne pas être suspendues de connexion, et les entreprises, pour lesquelles cette mesure est évidemment exclue. Et qu'en sera-t-il des auto-entrepreneurs, dont le Gouvernement fait tant la promotion ?

Oui, mais si leur connexion est piratée, elle risque d'être suspendue !

Le Gouvernement reconnaît lui-même enfin qu'il ne s'agit pas de supprimer tout téléchargement illégal – c'est d'ailleurs techniquement impossible, car les technologies évoluent plus vite que les lois. Pour contourner la censure constitutionnelle de 2006, ce texte propose donc de sortir de l'incrimination de contrefaçon en créant, à la charge des internautes, une obligation de sécurisation des connexions à Internet. Ainsi, en cas de détournement d'une connexion, c'est le titulaire de l'abonnement qui sera poursuivi, et non le responsable du téléchargement illégal. Cette obligation est inadmissible : elle introduit un retournement de la charge de responsabilisation au détriment des internautes. La sanction ne portera plus sur l'acte de téléchargement, mais sur le défaut d'installation de mesures de protection !

La Haute autorité aura compétence pour labelliser les outils de filtrage susceptibles de satisfaire à l'obligation de protection de la connexion. Or, le rapport du Conseil général des télécommunications au ministère de la culture, présidé par Jean Berbinau – actuel secrétaire général de l'Autorité de régulation des mesures techniques – préconise ouvertement, en application de la loi, « une expérimentation portant sur le filtrage sur le poste client synchronisé avec un serveur central ».

Ce rapport prône également l'établissement de « listes blanches » de sites Internet qui seraient autorisés pour les réseaux publics de connexion sans fil. Si la France en vient à une telle extrémité, il nous sera bien difficile de critiquer les pratiques de l'Internet dans les pays les moins libres de ce monde, de la Chine à la Biélorussie, qui sont sous l'emprise du contrôle politique d'État...

Quant à l'homologation envisagée des logiciels de sécurisation, elle exclut de facto la possibilité d'utiliser un ordinateur équipé en logiciels libres. Les utilisateurs de systèmes d'exploitation comme Linux se retrouveront donc dans une situation d'insécurité juridique discriminatoire. Le problème s'était déjà posé avec les DRM lors de l'examen de la loi DADVSI ; aujourd'hui, il se pose à nouveau, avec ces logiciels de sécurisation.

Au fond, les traités OMPI et la loi DADVSI autant que ce projet de loi dit « HADOPI » ne sont pas autre chose que des armes de guerre économique au service des sociétés dominantes du secteur de l'informatique, comme Microsoft et Apple, et contre les acteurs des logiciels libres – notamment ceux qui créent et produisent des logiciels non propriétaires. C'est un comble !

Revenons au débat sous-jacent : qu'en est-il de la rémunération des artistes, en particulier celle des auteurs ? En effet, c'est en leur nom que sont décidées de telles mesures liberticides contre les internautes. Hélas, aucune amélioration ne leur est accordée. Le système de répartition des droits est tel que les recettes des plateformes alimentent avant tout les majors de production, et fort peu les artistes. En outre, très peu d'artistes perçoivent une rémunération de la part de la SACEM, dont la répartition des droits a été citée hier. Au passage, je rappelle à ceux qui invoquent si souvent la pétition de 10 000 artistes – tout à fait respectable – que la SACEM compte plus de 3 000 sociétaires.

Certes, parmi les nombreux signataires de ladite pétition, les artistes sont mieux représentés que les sociétaires de la SACEM. Elle est parfaitement respectable, je le répète ; néanmoins, en regard du nombre d'artistes concernés par cette loi, elle demeure assez minoritaire.

Chacun peut aujourd'hui constater que, même avec des chiffres d'affaires en baisse, les majors de production continuent à engranger des bénéfices, et ce pour une raison simple : les coûts de diffusion sur Internet diminuent, et sont bien inférieurs aux coûts de fabrication d'un CD. Dans le même temps, la proportion des droits d'auteur dans la répartition des bénéfices stagne, alors même que les sommes perçues par les sociétés de distribution passent de 40 % sur les CD à 61,60 % sur les téléchargements. D'où le déséquilibre suivant : une augmentation de 20 % de la rémunération des distributeurs d'un côté, mais aucune augmentation pour les auteurs de l'autre !

Certes, les téléchargements illicites posent problème, et il convient d'inciter les internautes qui souhaitent écouter de la musique à utiliser les plateformes « légales ». Cependant, ce problème est loin d'être le seul : au fil de l'évolution technologique, la répartition des bénéfices, in fine, profite aux distributeurs et ignore les auteurs. J'insiste sur ce point, car on nous présente trop souvent les artistes comme les pauvres victimes des seuls internautes qui téléchargent illégalement, les autres acteurs n'étant responsables de rien. C'est une fable !

Une des solutions pour rémunérer les auteurs serait de percevoir une taxation sur les FAI et sur les opérateurs de téléphonie mobile. Si ceux-ci ont aujourd'hui un tel succès, c'est qu'ils peuvent mettre à la disposition du public un ensemble d'œuvres qui plaisent à celui-ci. De même que la télévision a aidé à financer le cinéma, ils doivent contribuer à financer l'ensemble de la culture, tant en matière de cinéma que de musique.

Une autre solution serait d'envisager la licence collective étendue volontaire – et nous défendrons un amendement en ce sens – par exemple lors de l'abonnement aux services des FAI, avec une clé de répartition plus juste pour les artistes. À défaut, on s'achemine vers des dispositifs encore plus arbitraires et qui ne reviendront pas moins cher aux particuliers, leur coût étant reporté sur les prix d'abonnement aux fournisseurs d'accès.

Enfin, il faut que les distributeurs prennent leurs responsabilités, ainsi que les majors, en ce qui concerne la musique, et qu'ils baissent le prix des morceaux ou celui des forfaits sur les plateformes de téléchargement payantes. Dans ces conditions, beaucoup d'internautes qui, pour avoir accès à la culture, utilisent aujourd'hui Internet plutôt que d'acheter des CD, recourront à ces plateformes légales.

Une telle réflexion nécessite le renvoi en commission, que je vous demande de voter pour éviter d'adopter un texte absurde technologiquement, discriminatoire, qui porte atteinte aux libertés et qui n'améliorera ni la rémunération des auteurs ni la situation de la création culturelle dans notre pays.

[...]

Madame la ministre, j'ai soulevé la question lors de mon intervention. Vous dites ne pas voir où est le problème avec ce site, qui porte la bannière du ministère. Mais je vous ai déjà indiqué que la société qui a réalisé ce site, Push it up, envoie des mails à un certain nombre de personnes et que j'en ai reçu un, non pas à l'une de mes adresses publiques, dans ma circonscription ou à l'Assemblée nationale, mais à mon adresse personnelle, ce qui est une intrusion dans ma vie privée. Je me demande comment ils ont bien pu trouver cette adresse, qui n'est nullement publique.

En outre, sur son site « pushitup.com », que chacun peut aller voir, cette société se vante de diffuser des spots viraux et d'aller jusqu'au marketing viral. Comment le ministère peut-il passer un accord avec une société qui se vante de telles pratiques ? Je croyais que nous étions, en tant que législateurs, préoccupés par la lutte contre le marketing viral. Il est problématique qu'une société avec laquelle le ministère de la culture a passé un marché pour sa communication se vante de recourir à de tels procédés. Comment le ministère contrôle-t-il les sociétés avec lesquelles il passe des marchés ?

[...]

Je partage tout à fait ce que viennent de dire M. Mathus et M. Tardy. Madame la ministre, vous nous répondez, d'une manière assez désinvolte : « Mais on peut avoir un accès à Internet partout ailleurs. » Or, premièrement, ce n'est pas toujours vrai et, deuxièmement, il ne suffit pas d'y avoir potentiellement accès, encore faut-il disposer d'un ordinateur. Il peut s'agir d'un PC portable, mais je rappelle que tout le monde n'en possède pas, puisque l'on peut recevoir Internet chez soi à partir d'un PC fixe, difficilement transportable.

Certes, il y a des possibilités de se connecter à des accès disponibles en dehors de son domicile, mais ils sont payants pour les trois quarts d'entre eux – hôtels, webcafés... Cela veut dire que l'internaute qui aura subi une coupure de son accès continuera à payer l'abonnement et, en plus, devra payer pour se connecter ailleurs. Or, de plus en plus de démarches administratives indispensables, imposées par les administrations, le Pôle emploi ou les impôts doivent être effectuées par Internet. En effet, vous réduisez le personnel d'accueil, et il y a maintenant des serveurs téléphoniques hyper-compliqués, dans lesquels bon nombre de personnes se perdent : « Taper un, puis taper deux ; ensuite, taper trois »... à la fin, elles ne savent plus ce qu'elles doivent faire et raccrochent, après avoir passé pas mal de temps au téléphone, sans être arrivées à joindre l'interlocuteur qu'elles recherchaient. Elles ont alors tendance à aller sur Internet – c'est d'ailleurs l'objectif des administrations – parce que c'est plus facile pour contacter ces services. Et pourtant, vous nous dites, madame la ministre : « L'accès à Internet n'est pas un droit fondamental, essentiel, on peut s'en passer. »

De plus, je rappelle que les droits évoluent en fonction des besoins de la société. Au début du XXe siècle, l'électricité n'était pas un droit essentiel ; dans les campagnes, jusque vers 1950, il y avait beaucoup d'endroits sans accès à l'électricité, où on en était encore à la lampe à pétrole et à la bougie. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que l'accès à l'électricité est un droit essentiel. Il en est de même de l'accès à l'eau. Internet, à son tour, devient, peu à peu, un droit essentiel pour pouvoir s'insérer dans la société.

[...]

De nouveau, je suis étonnée. Ne pas être capable de se servir d'un ordinateur vous exclut aujourd'hui, nous le savons, du marché du travail.

L'évolution a été très rapide. Au début des années quatre-vingt-dix, il était encore possible de trouver du travail sans savoir se servir d'un ordinateur. Aujourd'hui, rendez-vous dans un pôle emploi et regardez les annonces, vous aurez beaucoup de mal à postuler si vous ne savez pas vous servir d'un ordinateur.

Aujourd'hui, nous en sommes à l'étape suivante, c'est-à-dire à l'ordinateur connecté à Internet.

J'aimerais citer une autre phrase de ce fameux rapport parce que je la trouve très intéressante par rapport à l'amendement de nos collègues du groupe SRC : « Considérant que l' “ e-illetrisme” – c'est-à-dire l'illettrisme sur Internet – sera l'illettrisme du XXIe siècle ; considérant que garantir l'accès de tous les citoyens à Internet équivaut à garantir l'accès de tous les citoyens à l'éducation – l'utilisation d'Internet se développe d'ailleurs, pour diffuser les cours de fac, donner les notes des lycéens – et considérant qu'un tel accès ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées – ce que va permettre ce projet de loi en refusant un accès au nom d'une sanction prononcée par une haute autorité sous l'impulsion des ayants droit représentés par des sociétés privées ; considérant qu'il est important de se pencher sur les questions émergentes telles que la neutralité des réseaux, l'interopérabilité, l'accessibilité globale de tous les nœuds Internet et l'utilisation de formats et de normes ouverts »...

Ce paragraphe montre bien le lien qui existe entre Internet et l'éducation, l'objet de l'amendement n° 397. Il faut regarder ce qui est possible. Nous ne disons pas : « C'est fantastique, continuez à télécharger abusivement, illicitement... »

Si vous aviez été présent depuis le début, vous l'auriez déjà entendu, cher collègue. Ce débat, nous l'avons déjà eu en 2005-2006. Nous l'avons toujours dit : nous sommes contre les téléchargements abusifs qui portent préjudice aux auteurs. Mais nous sommes en désaccord sur les méthodes proposées pour réduire ces téléchargements abusifs.

Je ne dis pas pour les supprimer – même le Gouvernement et les rapporteurs reconnaissent qu'il faut proposer des solutions mais que, de toute façon, on n'arrivera jamais à empêcher le téléchargement, ce qui est déjà un progrès par rapport à M. Donnedieu de Vabres qui nous expliquait que la loi DADVSI et les fameux DRM allaient tout régler et que plus un téléchargement illégal ne passerait sur le net. Donc la situation évolue.

Nous considérons qu'il faut trouver des solutions pour garantir les droits d'auteurpour convaincre tous ceux qui téléchargent de le faire dans des conditions licites, mais nous sommes en désaccord avec la coupure de la connexion Internet. Cette sanction nous paraît inadmissible par rapport aux besoins d'Internet dans la société d'aujourd'hui et par rapport à la faute. Cela concerne le droit de la propriété, ce n'est pas une atteinte aux personnes physiques.

Il faut quand même maintenir une hiérarchie de la sanction. Ce projet de loi s'appuie sur une extension du droit utilisé dans la lutte contre le terrorisme. Nous sommes là à un autre niveau : l'atteinte à des droits de la propriété, toute désagréable qu'elle soit, n'est tout de même pas du même niveau qu'une atteinte aux personnes physiques.

11/03/2009 Débats HADOPI : exception d'irrecevabilité, DADVSI, échanges sur Internet, autorité judiciaire, sanctions, droits fondamentaux, surveillance, vie privée

Défendre la création et les droits d'auteur, nous y sommes tous attachés. Ce qui nous oppose, c'est que certains cherchent à reproduire un modèle obsolète, celui des supports matériels, en le transférant sur le support immatériel de l'Internet, mission évidemment impossible. Pour protéger la création et l'exception culturelle française ainsi que les droits d'auteur, il faut innover en tenant compte des nouveaux outils technologiques.

J'admire l'empressement de nos collègues de l'UMP à jeter aux orties la loi DADVSI de 2006, loi qui devait tout régler et qu'ils ont défendue avec le même enthousiasme qu'aujourd'hui la loi HADOPI, laquelle, de nouveau, réglera tout...

La réalité, c'est que les jeunes, comme les moins jeunes, achètent de moins en moins de CD. Ou ils téléchargent ou ils écoutent, de plus en plus, en ligne. Se fonder sur les baisses de vente de CD pour expliquer que l'industrie musicale est en crise est un non-sens, voire une tromperie.

En 2004, le Conseil constitutionnel déclarait : « Les données ainsi recueillies ne pourront, en vertu de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire. » Votre projet de loi prévoit de passer outre et de transférer ce qui relevait des procédures judiciaires à une autorité administrative. Voilà le premier point de désaccord qui nous conduira à voter l'exception d'irrecevabilité défendue par le groupe SRC.

Deuxièmement, comme vous ne pouvez plus rester dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la contrefaçon, vous inventez une sanction pour manque de surveillance de la connexion Internet, avec l'obligation de sécuriser sa ligne, ce qui revient à une inversion de la preuve de responsabilité. Si, au sein d'une famille, les enfants téléchargent illégalement, il est normal selon vous, madame la ministre, que la famille soit responsable. Permettez-moi de vous soumettre un autre exemple, celui d'une famille qui est munie d'une live box – l'adresse IP étant celle de la live box – et dont les enfants majeurs téléchargent sur un ordinateur indépendant mais relié à la live box. En droit, madame la ministre, il faut une enquête de police pour identifier l'auteur d'un délit. Avec ce texte, vous décidez, bien que les enfants soient majeurs, que les responsables seront les parents. Une telle disposition est en contradiction avec notre droit.

Troisièmement, ce texte introduit une rupture d'égalité – Patrick Bloche l'a démontré – entre les internautes dont la ligne sera coupée, soit parce qu'ils ne disposent que d'une ligne Internet, soit parce que leur ligne est totalement dégroupée, et ceux qui seront épargnés parce qu'une coupure de la connexion entraînerait en même temps celle du téléphone et de la télévision. Inégalité entre internautes, d'une part ; inégalité territoriale, de l'autre.

L'inégalité existe également entre les ayants droit. Seuls les sociétés qui perçoivent les droits ou les organismes professionnels pourront saisir la commission de protection des droits. Quant aux petits ayants droit, ils n'auront pas forcément les moyens de le faire.

S'agissant enfin des fichiers, le rapporteur Franck Riester a indiqué que ces messages ne font pas grief. Peut-être, mais ils entraînent le fichage des internautes concernés, dès le premier avertissement. Ils n'auront aucun moyen de faire valoir leur bonne foi s'ils ne sont pas responsables du téléchargement, soit parce que leur connexion a été piratée ou qu'un wifi libre a été utilisé, etc. Ces internautes-là seront fichés sans raison. Nous ne connaissons que trop les garanties de sécurité liées à ce type de fichiers ! Je pense notamment, chers collègues, au fameux fichier STIC. Nombreux sont les cas de personnes qui se sont vu refuser un accès à un emploi parce que leurs coordonnées figuraient dans cette base de données alors que celles-ci auraient dû être effacées ou même ne jamais y figurer ! Quelle garantie avons-nous que ce fichier sera plus sécurisé que le STIC ? Aucune !

Au nom de ces quatre objections de nature constitutionnelle, nous voterons l'exception d'irrecevabilité.

16/03/2006 Débats DADVSI : surveillance, contravention, amendement vivendi

Le ministre vient de nous apporter quelques éclaircissements. Jusqu'à présent nous n'avions pas eu beaucoup de réponses aux questions que nous avions posées, tant ici qu'en commission. Nous en sommes quand même à la cinquième rectification, ce qui montre que le Gouvernement n'a pas beaucoup de certitudes. Si la version actuelle n'envoie plus les internautes en prison, son application n'en soulève pas moins encore beaucoup de questions.

Monsieur le ministre, vous nous répétez constamment que ce sont les œuvres qui seront surveillées et les auteurs qui détermineront le régime de diffusion. Vous venez de nous expliquer que le constat s'effectuera par un logiciel peer to peer et qu'on demandera à un officier de police judiciaire de remonter jusqu'au propriétaire de l'adresse IP, ce qui est parfois difficile, procédure utilisée actuellement dans les cas de pédophilie, de racisme et d'antisémitisme. D'ailleurs, l'amendement n° 228 indiquait qu'il est souvent impossible de préciser que l'auteur de la contrefaçon est le titulaire de l'abonnement à Internet et du numéro IP correspondant.

Par ailleurs, vous dites que les actes de simple téléchargement seront désormais passibles d'une contravention de 38 euros et ceux qui s'accompagnent d'une mise en ligne d'une amende de 150 euros. On voit là ressurgir cette obsession d'interdire le peer to peer. Comme il est assez rare qu'on ne fasse que télécharger, l'amende sera systématiquement de 150 euros et non de 38 euros. Je vois mal comment vous parviendrez à détecter un téléchargement individuel d'une œuvre sur Internet, à moins qu'il y ait dénonciation. Finalement, je ne sais pas dans quel cas s'appliquera l'amende de 38 euros. Ne laissez donc pas croire qu'il y aura deux sortes d'amendes puisque c'est celle de 150 euros qui s'appliquera systématiquement.

À moins que, comme vous l'aviez laissé entendre pour la peine de prison prévue dans la première version de l'amendement, elle ne doive jamais être appliquée.

Vous savez très bien que la loi que nous allons voter ne sera pas appliquée. Mais une telle méthode pourrait paraître bizarre de la part du législateur et de la commission des lois.

Par ailleurs, à la question que nous vous posons depuis le début, à savoir si c'est la connexion, la durée ou le nombre d'œuvres téléchargées qui sont visées, vous nous répondez que c'est le Conseil d'État qui le précisera. Et que se passera-t-il quand le nombre d'œuvres téléchargées sera différent du nombre d'œuvres mises en ligne ? Je trouve tout cela pour le moins dommageable, alors que ce texte est à l'étude depuis deux ans et en discussion à l'Assemblée nationale depuis le mois de décembre.

Nous avons déploré, à plusieurs reprises, que l'Assemblée se trouve de plus en plus dessaisie de son pouvoir de législateur.

Là, elle ne peut même plus être informée des décisions qui pourront être prises. Il est pourtant important que les justiciables de ce pays puissent savoir quelle sera réellement l'étendue de la sanction et quels seront les recours possibles.

...

Une précision d'abord : il ne s'agit pas d'un amendement Vivendi, mais d'un amendement Philips. En effet, il s'agit de contraindre à l'adoption, dans les logiciels de peer to peer, d'une nouvelle technologie connue sous le nom de Snocap et développée par Shawn Fanning, l'ancien responsable de Napster, pour la société Philips. Un accord a déjà été conclu, par exemple, avec Universal Music, et l'on essaie aujourd'hui de faire pression pour que tous les logiciels de peer to peer adoptent la technologie Snocap, ce qui en fera un équivalent des DRM.

Le développement des plateformes payantes était censé garantir le droit d'auteur. Or voilà que l'on en remet une couche en n'autorisant le peer to peer qu'avec la technologie Snocap - puis, j'imagine, avec d'autres technologies de même nature qui se développeront. Cela revient à interdire toute autre possibilité de peer to peer, alors que celui-ci ne sert pas qu'à des échanges illégaux : à l'origine, il n'était pas du tout prévu pour cela, et l'on peut constater aujourd'hui son utilisation croissante dans les échanges universitaires, par exemple.

Par ailleurs, l'amendement n° 261, qui réécrit l'article 13, punit déjà d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de « procurer » des moyens de contourner les mesures techniques de protection. Maintenant, on enjoint l'éditeur, qui est en l'espèce distributeur, de prendre des mesures pour empêcher ou limiter l'usage illicite de son logiciel. Or nous parlons toujours d'un outil, qui peut avoir un usage licite ou illicite. Ce n'est pas l'outil qui détermine son usage !

L'amendement n° 267 rectifié prévoit la saisine du tribunal de grande instance, qui « peut ordonner, sous astreinte, toute mesure nécessaire ». Ne risque-t-il pas d'y avoir contradiction, dans certains cas, entre la nouvelle sanction prévue ici et celles qui sont introduites à l'article 13 ?

C'est bien le problème du développement des logiciels de peer to peer qui est posé. Ceux-ci, je le répète, ne sont pas intrinsèquement illégaux, contrairement à ce que l'on voudrait établir avec cet amendement.

16/03/2006 Débats DADVSI : logiciel libre, interopérabilité, sécurité, contravention

En tant que députée Verte, je souligne tout de même, et c'est le moins que l'on puisse dire, qu'il n'y a pas eu égalité de traitement dans les auditions. Pendant longtemps, les grands absents ont été les représentants du logiciel libre. Heureusement que le vote de décembre, auquel ont d'ailleurs pris part certains collègues de l'UMP, a suspendu le cours du débat ! Cela a au moins permis d'entendre les associations défendant les logiciels libres, même si elles n'ont guère été écoutées, à en juger par l'adoption de l'amendement n° 150. Sinon, une seule partie aurait été consultée sur l'aspect technique et informatique. Or c'est bien ce que nous reprochons. Personne ne peut contester qu'un gros travail ait été accompli sur tous nos bancs et beaucoup de temps consacré à rechercher des informations. Mais force est de constater que, pendant un temps au moins, toutes les parties prenantes n'auront pas été traitées à égalité.

...

Le sous-amendement n° 292 va dans le même sens. Il propose en effet que « les dispositions du présent article n'interdisent pas la distribution du code source d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique ».

Si cette précision n'est pas adoptée, c'est la mort du logiciel libre, puisque l'accès au code source conditionne son existence. Pourquoi, du reste, refuser l'accès au code source d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique ? Chacun le sait, ce sont tous les dispositifs imaginés visant à empêcher les copies illégales qui sont contournés. À titre d'exemple, les logiciels qui n'autorisent que des copies de sauvegarde voient leur protection contournée par des informaticiens qui réussissent à effectuer des copies illégales. Il sera donc très difficile d'empêcher le contournement des mesures techniques à venir.

Ce n'est pas en bridant le logiciel libre que vous réaliserez votre objectif puisque ceux qui cassent les protections ne passent pas nécessairement par de tels logiciels. Nous l'avons rappelé au cours du débat : il est malheureusement vrai que des informaticiens ont déjà réussi à pénétrer des réseaux informatiques d'entreprises, même liées à la défense nationale de certains pays - dont les États-Unis.

Les systèmes de protection que certains informaticiens inventent, d'autres informaticiens parviennent à les détruire. Fort de cette réalité, source d'indéniables dangers, j'estime que ce n'est pas, une fois encore, en s'en prenant aux outils qu'on empêchera le contournement des mesures techniques de protection.

Le sens de cet amendement est donc d'assurer l'utilisation du logiciel libre pour l'exercice des exceptions pour copie privée prévue par la loi, voire par des accords signés par la France, sur le contenu desquels nous n'avons jamais réussi à obtenir d'explications de la part de M. le ministre.

Quoi qu'il en soit, il reste fondamental de laisser cette fenêtre ouverte, sans quoi le logiciel libre risque d'être mis à mort.

...

Revenons à notre discussion. L'article que nous examinons porte sur la sécurité des mesures techniques de protection. Nous devrions, parallèlement, nous préoccuper de la protection des informations qui circulent sur l'Internet.

Ce sous-amendement a donc pour objet de préciser qu'on ne peut autoriser la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels qui permettent la surveillance de données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de l'autorité judiciaire.

Ce me semble un minimum : quand les autorités procèdent à l'écoute de conversations téléphoniques, c'est à la suite d'une autorisation judiciaire. Or, nous nous trouvons quelque peu dans le même cas de figure. D'ailleurs, le sujet est d'importance puisque la CNIL en a déjà été saisie. Aussi m'apparaît-il très important de ne pas permettre une surveillance permanente et continue des échanges de données sur l'Internet indépendamment de toute décision judiciaire.

Nous devons absolument encadrer ces techniques qui se développent. En effet, comment les personnes s'estimant injustement victimes de surveillance vont-elles pouvoir protester si la loi ne précise pas dans quel cadre cette surveillance est exercée ?

Nous reviendrons, certes, sur ces dispositions après l'article 14, lors de l'examen d'un amendement du Gouvernement. Toutefois, alors que nous en sommes à la partie technique, le moment me semble bien choisi pour les introduire dans le texte, ce qui permettrait de lever toutes les ambiguïtés et faciliterait le travail de la CNIL.

...

J'entends bien que la contravention sera créée par un décret en Conseil d'État, mais je crains que ce système ne finisse par rendre possible une double peine. En effet, l'exposé sommaire indique que « le détenteur ou l'utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement, qui profite des moyens mis à sa disposition pour s'affranchir des mesures de protection, relèvera d'une contravention », tandis que le téléchargement, comme nous le verrons après l'article 14, sera aussi passible d'une amende.

Si l'internaute télécharge au moyen d'un logiciel mis au point pour le contournement, sera-t-il passible des deux peines ? C'est l'œuvre qui est mise sous surveillance, et non les internautes, ne cessez-vous de nous répondre. Ce n'est pas chercher à vous embêter que d'essayer de comprendre la traduction concrète de tout cela ! Dès lors qu'un projet de loi prévoit des dispositifs de sanction, le législateur se demande comment ces dispositifs seront mis en place, afin de déterminer s'ils sont bien dans l'esprit du texte qu'il va voter et si des recours peuvent s'exercer. Qu'importe si le recours est abusif : le droit au recours existe. Encore faut-il que la sanction apparaisse très clairement au départ !

Tel est le sens de nos questions sur le troisième point de l'exposé sommaire. Pour ma part, je crains que la disposition annoncée ici ne puisse se cumuler avec la sanction que nous allons bientôt discuter et n'ouvre la voie à une double peine.

15/03/2006 Débats DADVSI : amendement vivendi, logiciel libre, riposte graduée, sécurité, vie privée

J'avoue, monsieur le ministre, que je suis effondrée. On m'avait prévenue que vous pourriez émettre un avis favorable sur ce fameux amendement n° 150 deuxième rectification, surnommé « amendement Vivendi », mais je n'avais pas pu le croire. Je ne pensais pas que nous en étions là et je conservais encore un espoir après vos grandes déclarations sur le logiciel libre affirmant que le texte en discussion ne visait qu'à favoriser l'offre légale sur Internet et à décourager tous ceux qui cherchaient à contourner le droit d'auteur. Je croyais que des compromis étaient encore possibles et que vous ne voudriez pas d'un tel amendement.

En vous entendant émettre un avis favorable et, pis encore, un avis défavorable au sous-amendement n° 324, je me suis dit que j'avais été naïve. Je ne pensais pas que vous iriez aussi loin dans l'interdiction à terme de tout l'espace du logiciel libre.

D'autres l'ont rappelé avant moi : il ne faut pas confondre l'outil et l'usage qui en est fait. Internet peut être un outil fantastique, qu'utilisent d'ailleurs presque tous les parlementaires, notamment pour des échanges internes à l'Assemblée. Malheureusement, c'est en même temps un outil très dangereux permettant de diffuser des idées racistes et de la propagande antisémite ou de servir le développement de réseaux pédophiles. Pour autant, dans les démocraties, personne n'a proposé d'interdire Internet.

Tous nos collègues ici présents ont probablement reçu aujourd'hui comme moi, par le biais d'Internet, un « torchon » raciste et antisémite, prétendument issu du conseil régional du Languedoc, qui met en cause le cercle Léon Blum. En l'état des techniques, il est difficilement possible d'empêcher la circulation de tels « torchons ». Nous en sommes réduits à demander ensuite l'ouverture d'une instruction judiciaire pour retrouver et sanctionner ceux qui sont à l'origine d'un tel message.

Un tel envoi est inadmissible au regard de nos lois et de notre conception des droits de l'homme et de la démocratie. Cependant, nous ne pouvons réagir qu'a posteriori. Pour autant, nous ne bloquons pas Internet a priori, comme on le fait en Chine. Or, avec cet amendement, c'est exactement ce que vous nous proposez de faire.

Pour ma part, jugeant l'amendement inadmissible, je n'avais pas déposé de sous-amendement. Mais je constate que vous refusez même toute tentative de limiter les dégâts par ce biais. En somme, il sera bientôt impossible de développer des logiciels permettant de faire respecter le droit que vous avez fait voter, et je le déplore, quels que soient nos désaccords sur ce texte.

Si des entreprises, des producteurs ou des diffuseurs mettent à la disposition du public des œuvres qui ne respectent pas le droit à la copie privée ou qui sont pourvues de DRM ne respectant pas les dispositions définies par le collège des médiateurs, les consommateurs attendront que celui-ci fasse respecter leurs droits. Pour autant, le fait d'utiliser un outil pour faire respecter ses droits est, lui, parfaitement admissible. Pourquoi l'interdirait-on ? On interdirait du même coup à terme toute recherche dans ce domaine.

Nous vivons en ce moment des heures importantes. On pourra même parler d'un jour noir pour le logiciel libre en France, monsieur le ministre, si vous allez jusqu'au bout de vos positions en acceptant cet amendement.

...

À voir la difficulté que nous avons à interpréter cette rédaction, mot après mot, on peut se faire du souci pour la jurisprudence ! Nous sommes en train d'instaurer une insécurité juridique et économique totale pour nos entreprises. Que signifie « un dispositif manifestement destiné à » ? On pourrait tout à fait soutenir qu'Internet est manifestement destiné à la diffusion de discours racistes et d'images pédophiles ! En réalité, l'outil est neutre : le problème réside dans la façon dont il est utilisé. Or c'est l'outil que vous voulez poursuivre en justice !

Ce que nous redoutons depuis le début de ce débat est arrivé : nous allons mettre en péril toute l'industrie du logiciel libre, et pour un temps assez long.

La concurrence économique est rude, on se plaint que la France manque d'industries innovantes et que les jeunes n'ont pas le goût du risque, mais on veut voter un amendement qui ne peut qu'inciter tous ceux qui travaillent dans ce secteur à tout arrêter pour ne pas risquer de se retrouver en prison pour trois ans et de payer 300 000 euros d'amende !

Lorsqu'on est devant un danger, on applique le principe de précaution et l'on ne prend pas de risque. Alors ne votons pas cet amendement !

...

Voici une nouvelle illustration des conditions rocambolesques dans lesquelles nous travaillons. Lorsque, en décembre, nous avons déposé nos amendements, ils concernaient un texte bien précis. Pour ma part, j'avais déposé un amendement de suppression de l'article 13 qui, à l'époque, visait la contrefaçon. Entre-temps, nous avons vécu ces fameuses séances de décembre et le Gouvernement a proposé une nouvelle rédaction de l'article 13. Difficile de suivre, dans ces conditions !

Cela dit, comme tous mes collègues Verts, je me félicite que la nouvelle rédaction ne fasse plus référence au délit de contrefaçon, notion qui, il faut bien le reconnaître, était assez peu pertinente en l'espèce. On nous assure aujourd'hui que la riposte graduée est un grand pas en avant. Elle consiste à infliger une pénalité de 38 euros pour un téléchargement simple, et de 150 euros pour la mise à la disposition de fichiers. Cependant, j'ai un peu de mal à comprendre : le principe d'un logiciel de peer-to-peer est précisément de mettre à disposition les fichiers dont on dispose et de télécharger ceux que l'on trouve. Dans ce cas, est-ce la contravention de 38 euros ou celle de 150 euros qui s'applique ? Faut-il, pour se voir infliger la plus lourde, qu'un internaute intéressé par ce que vous avez à proposer le télécharge effectivement ? Et si vous téléchargez deux œuvres, aurez-vous une ou deux amendes de 38 euros ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que cet amendement n'est pas aussi fantastique qu'on le prétend. Je vois que certains collègues hochent la tête : c'est qu'ils ignorent la réalité du pee-to-peer.

[Et quand vous roulez à 160 kilomètres à l'heure pendant deux heures, on doit vous verbaliser une ou deux fois ?] Mais vous roulez avec une seule voiture, pas avec deux, tandis que, là, vous pouvez transférer plusieurs œuvres : c'est toute la différence. Je ne suis pas la première à poser la question, et c'est bien la preuve qu'elle est importante.

D'autre part, comment détermine-t-on que l'infraction est constituée ? Il y a plusieurs possibilités. Vous pouvez continuer à hocher la tête, le monde d'Internet n'est pas si simple. Certes, dans le cas d'un téléchargement à partir d'un site interdit, ce n'est pas très compliqué. Si le site est interdit, c'est qu'il y a eu ouverture d'une instruction judiciaire : la police surveille le site, vérifie qui se connecte, comme elle le fait, par exemple, pour la répression de la pédophilie. Mais dans le cas d'un logiciel de peer-to-peer, on ne peut pas passer son temps à surveiller tout le réseau.

Pour cela, il faudrait qu'il y ait une demande judiciaire, et peut-on accepter de placer Internet sous surveillance constante ?

Enfin, on peut inciter au délit et proposer des films au téléchargement : celui qui les demande se trouvant en infraction, il suffit de le poursuivre.

blockquote&gt;Mais, en droit français, à l'exception de quelques cas très précis définis assez récemment, la provocation au délit est interdite.&lt;/blockquote&gt;

Vous le voyez, ce n'est pas si simple de réprimer l'internaute.

Mais c'est la réalité. Vous le sauriez si vous étiez un peu plus souvent sur Internet.

La seule possibilité qu'on envisage aujourd'hui, c'est de surveiller les logiciels de peer-to-peer. Tout va donc se passer dans la clandestinité, dans l'anonymat, dans le cryptage, et vous ne pourrez pas savoir qui télécharge illégalement, à moins de demander l'ouverture d'une instruction. Mais, pour cela, il faut avoir des soupçons, il faut qu'il y ait eu dénonciation. Dans la pratique, on se rend compte que cette solution prétendument idéale, on n'est pas près de la mettre en œuvre !

...

Avant de défendre mon sous-amendement, j'aurais une question sur l'article 13. Quand je lis l'exposé de l'amendement gouvernemental, et notamment le paragraphe qui explique que « le détenteur ou l'utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement qui profite des moyens mis à sa disposition pour s'affranchir des mesures de protection, relèvera d'une contravention de la quatrième classe, qui sera créée par un décret en Conseil d'État », j'avoue ne pas en retrouver la transcription dans le texte de l'amendement.

Cette parenthèse refermée, j'en viens à mon sous-amendement n° 288.

L'amendement n° 261 du Gouvernement propose d'écrire, dans le III de l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle, que les dispositions du présent article « ne sont pas applicables aux actes réalisées à des fins d'interopérabilité ou pour l'usage régulier des droits acquis sur l'œuvre ». Je propose de modifier cette rédaction et de faire référence aux actes réalisés « à des fins d'interopérabilité, de sécurité informatique, de protection de la vie privée ou pour l'usage licite de l'œuvre ».

En matière de sécurité informatique, je veux bien qu'une entreprise victime d'un problème avec un support contenant un DRM ayant permis l'intrusion d'un virus doive saisir le collège des médiateurs et attendre sa décision. Ceci étant, il serait préférable qu'elle puisse très rapidement rétablir la sécurité sur son réseau informatique.

Vous me direz que, a priori, dans une entreprise, on n'est pas forcément censé écouter des CD de l'entreprise Sony. C'est indéniable. Cela étant, je ne vois pas comment un chef d'entreprise peut se garantir contre le fait qu'un employé utilise l'ordinateur mis à sa disposition pour écouter un CD en sa possession, notamment pendant les pauses. Il doit pouvoir dans ce cas-là rétablir la sécurité informatique de son installation, susceptible d'avoir été mise à mal. Sans interférer dans les rapports entre l'employeur et son employé, il est indispensable de maintenir cette possibilité pour l'entreprise.

Il faut également autoriser la protection de la vie privée - nous avons eu le problème avec le fameux CD de Sony -, ainsi que l'usage licite, à mon sens plus pertinent que les droits acquis sur l'œuvre qui ouvrent la voie à de multiples interprétations.

...

L'objet de l'amendement n° 261, tel qu'il ressort de l'exposé sommaire, vise à clarifier « les incriminations du contournement des mesures techniques de protection des œuvres et d'atteinte aux informations protégées portées sur les œuvres ».

Le sous-amendement n° 290 tend à compléter le texte proposé pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par le paragraphe suivant : « IV. - Les dispositions du présent article n'interdisent pas la distribution du code source d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique. »

Rappelons que l'interopérabilité peut être réalisée de diverses façons : par des logiciels propriétaires, par des logiciels mis sur le marché et par des logiciels libres. Le sous-amendement n° 290 prolonge le précédent, car il respecte l'exception prévue au septième alinéa de l'article L. 122-5 pour le handicap visuel. Si cette précision n'était pas apportée, on ne pourrait réaliser l'interopératibilité que par des logiciels propriétaires, ce qui suppose des coûts de développement, alors qu'il est possible de passer par des logiciels libres, moins coûteux pour ceux qui seront amenés à développer ces mesures, visant à assurer le respect de cette exception.

Si cette possibilité n'était pas précisée, on enfermerait totalement l'interopérabilité dans un système très contraint, qui risquerait de limiter sa portée, si les associations, les personnes morales autorisées à mettre en œuvre cette exception n'avaient pas la possibilité d'utiliser le logiciel indépendant, interopérant avec une mesure technique.

...

M. le ministre nous répond que rien n'interdit la publication d'un code source d'un logiciel indépendant, mais que le code source ne doit pas permettre de contourner la mesure technique. Or il le faudra bien pour le respect de l'exception handicap.

Nous avons certes déjà largement débattu du sous-amendement n° 296, mais nous ne sommes pas responsables de l'organisation de la discussion. Dès lors que Gouvernement dépose un amendement qui rédige l'article, l'opposition ne peut que déposer des sous-amendements.

Nous proposons donc que les dispositions du chapitre sur les mesures techniques ne soient pas « applicables aux logiciels utilisés à des fins de partage de fichiers personnels, de recherche et de travail collaboratif ».

Ce sous-amendement devrait recueillir l'assentiment général, car nous avons déjà adopté une disposition allant dans ce sens.

15/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, autorité administrative indépendante

Le conflit entre les deux instances est patent. Le rapporteur nous explique que le collège des médiateurs s'occupera par exemple des supports et des techniques de protection disponibles. Mais la commission pour copie privée se penche déjà sur cette question des supports. Dans ses réunions, elle se pose déjà la question de savoir s'il faut étendre ou non la redevance, à quel montant il faut fixer ces redevances sur tel ou tel nouveau support ou s'il faut baisser la redevance. En voulant rajouter une instance, vous allez créer une usine à gaz.

S'agissant de la méthode, certains collègues de l'UMP nous reprochent de revenir toujours sur la même question. Mais ce n'est pas de notre faute. Reconnaissez qu'il aurait été plus facile de discuter de cet amendement si, préalablement, nous avions examiné la création de ce fameux collège des médiateurs, qui n'intervient qu'à l'article suivant. Comment discuter de la mission du collège des médiateurs alors qu'on ne l'a pas encore créé ?

En outre, l'arrêt de la Cour de cassation anticipe une loi et même la transposition de la directive. En effet, la directive n'a jamais parlé de la défense des intérêts économiques de la production puisque son sujet, c'était le droit d'auteur. La Cour de cassation aurait dû, dans sa décision, se limiter à la défense du droit d'auteur et ne pas prendre en compte la question du marché et de l'environnement économique des producteurs - il y a là un glissement que j'ai déjà dénoncé. Nous ne pouvons pas reprendre en notre nom la décision de la Cour de cassation parce qu'elle est extérieure au champ du projet de loi et de la directive.

Le véritable problème, c'est l'abandon depuis hier de nos prérogatives de législateur. Nous les transférons à une autorité, sans fixer aucune limite. S'il faut respecter la chronologie des médias, que se passera-t-il pour les films qui sont sortis depuis dix, quinze ou vingt ans ? Il n'y aura toujours aucun droit à la copie privée sur ces films. Ils pourront certes être reproduits sur support DVD mais dans ce cas-là, ce sont les droits du producteur qui seront concernés puisqu'on aura effectué un transfert sur un autre support, non les droits d'auteur.

Pour conclure, si l'on ne fixe pas de minimum, le collège des médiateurs risque de se retrouver dans la même situation et de ne pas réussir à fixer des normes sur lesquelles s'accorder - on le verra au moment de la discussion de l'article 9. Dans ces cas-là, il faudra repasser devant la justice, avec les mêmes problèmes de jurisprudences différentes, ce qui obligera à légiférer de nouveau pour trancher enfin entre les différents arrêts.

Par ailleurs, les décisions du collège des médiateurs étant susceptibles d'appel, on retombe, là aussi, sur une procédure jurisprudentielle, sans que le législateur ait fixé de cadre légal minimal.

Tout ceci n'est pas très sérieux, et il aurait mieux valu discuter d'abord du collège des médiateurs et ensuite de ses attributions. Par ailleurs, nous devrions d'abord, en tant que législateurs, fixer un cadre minimum avant de faire intervenir une instance de proposition, qui laisse en dernier ressort la décision finale aux pouvoirs publics dans la mesure où il s'agit de questions qui relèvent de l'intérêt général. Cela permettrait de concilier plus simplement l'ensemble des intérêts en cause, ceux des auteurs, des producteurs et des consommateurs, ces derniers ayant, contrairement à ce qui a été dit hier, la même importance que les précédents.

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Nous venons d'évoquer deux amendements qui me semblent pourtant différents. L'amendement n° 31 porte sur la limitation de la lecture et le n° 87 sur la limitation de la copie. Or jusqu'ici nous n'avions parlé que des limitations apportés à la copie, et l'amendement de la commission, sur la limitation de la lecture, opère donc un glissement dans le débat. Pouvez-vous donc, monsieur le rapporteur, préciser vos intentions.

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J'ai écouté avec intérêt M. Wauquiez. Notre critique a justement porté sur le fait que les députés n'aient pas pu entendre l'ensemble des acteurs concernés, notamment sur la partie technique.

L'article 9 prévoit que le collège des médiateurs sera composé de trois personnalités qualifiées nommées par décret, dont deux seront choisies « parmi des magistrats ou des fonctionnaires appartenant, ou ayant appartenu, à un corps dont le statut garantit l'indépendance ; ils désignent ensuite le troisième médiateur... »

De quels moyens disposeront-ils ? Pour ma part, je ne vois pas très bien comment deux magistrats peuvent être plus compétents que la cinquantaine de parlementaires qui ont suivi ce débat de bout en bout, qui sont le plus au fait de la question et qui ont le plus travaillé.

J'estime que l'on plonge dans l'inconnu avec ce collège de médiateurs. Quelle sera sa compétence technique en la matière ? Immense point d'interrogation !

Le collège de médiateurs est chargé de définir les modalités de l'exercice de la copie privée en prenant en compte les différents types de contenu, les différents modes d'exploitation et les techniques de protections. Face à une telle responsabilité, il va de soi qu'il faut une grande compétence technique.

Le collège gère aussi les différends portant sur le bénéfice des exceptions ce qui, du reste, était sa seule compétence au départ. Pour ma part, j'étais défavorable au dessaisissement de la puissance publique. Maintenant, ses compétences ont été étendues ; non seulement le collège gère les différends portant sur le bénéfice des exceptions introduits à l'article 1er, mais il doit aussi s'occuper des types de contenu, de supports, y compris la programmation des DRM. On est donc en droit de se demander comment il va procéder.

Permettez-moi de revenir à l'amendement n° 31 du rapporteur à l'article 8 : « Toute limitation de la lecture d'une œuvre, d'un vidéogramme ou d'un phonogramme, ou du bénéfice de l'exception prévue au 2° de l'article L. 122-5 et au 2° de l'article L. 211-3, résultant de mesures techniques mentionnées à l'article L. 331-5 fait l'objet d'une information de l'utilisateur. »

S'agissant de la limitation de lecture d'une œuvre, on peut comprendre qu'il s'agit d'une œuvre mise à disposition sur le réseau Internet et on sait donc que les DRM peuvent limiter la lecture. Mais s'agissant de la limitation de la lecture d'un vidéogramme ou d'un phonogramme, cela signifie que l'on introduit subrepticement la possibilité de limiter la lecture de supports physiques, ce qui n'est actuellement pas le cas.

Cela veut-il dire que le collège des médiateurs sera aussi chargé de gérer les différends sur l'utilisation des DRM ? Pour l'instant, ce n'est pas le cas, puisqu'il ne doit gérer que les différends portant sur le bénéfice des exceptions.

Reconnaissez tout de même, monsieur le ministre, que l'on finit par aboutir à un texte, en première et dernière lecture à l'Assemblée, difficilement lisible suite aux modifications continuelles par le biais d'amendements émanant tant du Gouvernement que du rapporteur.

On saisit mal les conditions dans lesquelles le collège pourra travailler. Quels seront les moyens dont il disposera ? Quelles sont ses compétences ? Comment n'y aura-t-il pas de conflit entre la médiation et la définition de tout ce qui tourne autour de la copie privée ? Tout à l'heure, notre collègue M. Richard disait que le collège siégerait en formations séparées pour éviter d'être juge et partie. Je veux bien que les trois personnalités siègent une fois pour gérer les différends et la fois suivante pour définir la copie privée. Mais il s'agira toujours des mêmes personnes. En tout état de cause, ce n'est pas précisé dans l'article tel qu'il est rédigé.

Enfin, comment, sur l'ensemble du territoire, sera-t-il possible pour un citoyen de saisir individuellement le collège des médiateurs, s'il s'estime lésé parce qu'une mesure technique de protection l'empêche de bénéficier de l'exception pour copie privée ?

14/03/2006 Débats DADVSI : interopérabilité, DRM, sécurité, copie privée

Pour ce qui est de la garantie de l'interopérabilité, nous sommes très loin du compte. En effet, l'amendement proposé représente une très légère avancée et les sous-amendements vont un peu plus loin, mais le Gouvernement n'est visiblement pas prêt à garantir réellement l'interopérabilité.

Je voudrais tout de même rappeler que, dans le fameux amendement voté en décembre, le deuxième alinéa introduit une restriction puisque les mesures techniques ne doivent pas conduire à empêcher la mise en œuvre de l'interopérabilité pour autant que celle-ci ne porte pas atteinte aux conditions d'utilisation d'une œuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme. Cette restriction prête à interprétation, car comment une interopérabilité pourrait-elle porter atteinte aux conditions d'utilisation d'une œuvre ? S'il y a interopérabilité, on peut accéder à une œuvre, notamment la lire, sur l'ensemble des supports disponibles, que ce soit lecteur de CD, lecteur de DVD, MP3, autoradio, etc. Une œuvre est rendue interopérable, soit en faisant sauter le DRM pour pourvoir la lire avec des logiciels libres, soit en fournissant l'oeuvre sous un format ouvert. Introduire cette restriction dans le texte revient donc à démontrer qu'on ne parle pas d'interopérabilité.

Notre collègue Frédéric Dutoit vient d'expliquer l'enjeu du prix. C'était d'ailleurs un élément qui avait été inscrit dans la première mouture de l'exception handicap, car si l'interopérabilité ne respecte pas certaines conditions tarifaires dès le départ, on se demande comment une association va pouvoir saisir le conseil de la concurrence pour avoir accès aux informations, à des conditions de prix équitables. Et on ne voit pas pourquoi, tout à coup, il faudrait payer pour avoir un format ouvert. S'il y a un support ou un envoi qui suppose très peu de frais, en ce cas cette dépense serait prise en compte ; mais c'est la seule raison pour laquelle il pourrait y avoir éventuellement indemnisation de la mise à disposition.

De surcroît, la rédaction est particulièrement peu claire : les fabricants et exploitants qui veulent mettre en œuvre l'interopérabilité devraient s'engager à respecter, dans leur domaine d'activité, les conditions garantissant la sécurité de fonctionnement des mesures techniques de protection qu'ils utilisent ! Autrement dit, on nous explique qu'il y a une interopérabilité mais qu'elle doit garantir la sécurité du fonctionnement des mesures techniques. Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela signifie-t-il qu'une fois qu'on a réalisé la possibilité de lire l'œuvre sur un autre support, il faut fermer les conditions d'accès ?

L'amendement no 233 troisième rectification ne va pas très loin, mais je le voterai au nom des députés Verts.

Toutefois, je voterai contre l'article 7, parce que ce n'est que de la poudre aux yeux.

...

À la lecture de l'exposé « sommaire » de l'amendement n° 273 deuxième rectification, je me demande si j'ai rêvé pendant tout le débat précédent ! Je comprends que le rapporteur n'ait pas eu l'air très à l'aise pour défendre cet amendement.

Le Parlement est fait pour débattre et je souhaite donner mon opinion !

Quand on lit donc, dans l'exposé des motifs : « L'objet de cet amendement est d'éviter que la gestion de droits d'auteur ne compromette de facto la sécurité des utilisateurs individuels, des entreprises, des administrations », on a vraiment du mal à croire que les DRM soient bien, comme on nous l'a expliqué tout au long de la discussion de l'article 7, un grand progrès pour l'humanité !

Il y a un risque indéniable pour la sécurité nationale, pour nos entreprises, nos centres de recherche et nos administrations, comme le répètent depuis le début de ce débat tous ceux qui sont défavorables aux DRM. Mais les auteurs de l'amendement se montrent beaucoup moins soucieux des risques, pourtant tout aussi réels, que les DRM représentent pour la sécurité des ordinateurs des particuliers et pour les libertés individuelles des internautes ! N'y aurait-il pas là une certaine tartuferie ?

Oui, le danger existe - comme le souligne M. Lasbordes dans son rapport intitulé : « La sécurité des systèmes d'information. Un enjeu majeur pour la France » -, mais il existe pour tous les ordinateurs, pas seulement pour ceux de l'administration ou des entreprises !

Pourquoi en ce cas rejeter le sous-amendement de nos collègues socialistes, en prétextant la disposition relative à la publication au Journal officiel d'un décret du Conseil d'État ? Une telle disposition ne garantit pas l'information de tous les internautes. On peut même être sûr du contraire, si l'on en juge par la teneur des débats jusqu'à présent !

Vous essayez, à la faveur de l'article 7, de faire croire à tous les utilisateurs et acteurs du logiciel libre que vous avez su les écouter et que vous avez réglé la question. Mais ce n'est pas vrai, et eux-mêmes le disent. Ils demandent une deuxième délibération sur l'article 7, parce qu'il ne tient pas les engagements que vous aviez pris sur l'interopérabilité !

...

L'article 8 précise les conditions d'exercice de l'exception pour copie privée. Il autorise les titulaires de droits à prendre des mesures permettant de limiter le nombre de copies, sans pour autant en fixer le nombre. Plusieurs amendements ont été déposés : l'un, de notre collègue Wauquiez, pose en matière de copie privée un principe dont on ne voit pas comment il trouvera à s'appliquer. Un autre, du rapporteur, précise que le nombre de copies autorisées doit être au moins égal à un - sauf dans le cas d'un DVD loué. C'est cependant le collège de médiateurs, créé par l'article 9 et chargé de garantir le bénéfice de l'exception pour copie privée, qui va finalement décider des conditions de cette exception, en fixant le nombre de copies et en vérifiant que les MTP ne se transforment pas en un contrôle de l'usage.

Quelle nébuleuse ! L'article fait état de quelques principes assez vagues, mais en définitive, ce n'est pas la représentation nationale qui décidera. De même que l'on a transféré - certes il y a longtemps, et dans un contexte différent - à une commission la responsabilité de décider du taux et de l'assiette de la rémunération pour copie privée, on nous demande aujourd'hui de transférer à une autre instance - laquelle ? les amendements de la commission et ceux du Gouvernement sont en contradiction sur ce point - le soin d'en fixer les modalités.

En outre, les titulaires de droits ne sont pas tenus de prendre les mesures prévues au premier alinéa lorsque l'œuvre est mise à la disposition du public selon les stipulations contractuelles convenues entre les parties. Nous avons vu que ces fameuses stipulations pouvaient notamment concerner l'exception pédagogique. Rappelons que les cinq accords signés par le ministère de l'éducation nationale ne concernent que la formation initiale, et non la formation permanente et continue, qui constitue pourtant une des missions de l'université.

Jusqu'à présent, en l'absence de précisions sur le statut des nouveaux supports, certaines pratiques des enseignants et des chercheurs pouvaient s'avérer illégales. Comme le projet de loi ne dit rien sur l'exception pédagogique mais renvoie sur ce point aux accords contractuels, on ne sait pas très bien, après son adoption, comment pourront travailler les enseignants impliqués dans la formation permanente, puisque celle-ci est exclue des accords.

Par ailleurs, dans l'accord sur l'audiovisuel, seule la programmation des télévisions hertziennes est prise en compte. Mais comment peut-on croire que le travail des enseignants et des chercheurs ne porte que sur cette programmation ? Et l'accord ne s'appliquant qu'à partir de 2007, que devront-ils faire dans les mois à venir ? Vont-ils rester dans l'illégalité ? Doivent-ils s'abstenir d'utiliser ces supports pour enseigner ? Le problème se pose notamment pour l'enseignement du cinéma : compte tenu de la chronologie des médias - que je ne remets d'ailleurs pas en cause - et de la rareté des films diffusés sur les chaînes non payantes, comment les enseignants pourront-ils faire connaître la production française à leurs élèves ? Le Gouvernement ne donne aucune réponse à cette question.

Je constate que les enseignants et les chercheurs ont du mal à accepter vos accords, monsieur le ministre, puisqu'une pétition circule en ce moment même. Entre la contestation de la loi de programmation pour la recherche, la mobilisation contre le CPE et cette partie du texte sur les droits d'auteur, je crains que vous ne connaissiez quelques problèmes avec les enseignants et les chercheurs.

...

Tout cela tourne à la prestidigitation : les articles vont et viennent, les amendements sont retirés sans qu'on ait eu le temps de les voir apparaître... Il y aurait matière à un vrai numéro !

Mais je préfère vous lire le début de l'exposé des motifs de l'amendement n° 30 rectifié : « Sauf à accréditer l'idée selon laquelle le projet de loi aurait pour conséquence la disparition progressive de la copie privée dans l'univers numérique, il convient de prévoir que la notion d'exception pour copie privée aura toujours un sens et que, donc, le nombre de copies autorisées ne pourra pas être inférieur à un, du moins s'agissant d'œuvres achetées, et non simplement louées. »

Si l'amendement, ainsi justifié par le rapporteur, est retiré, je suppose que cela « accrédite l'idée que le projet de loi aura pour conséquence la disparition progressive de la copie privée ».

Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas faire exactement le contraire de ce que vous écrivez. Il faut revenir à un minimum de rigueur : on passe les bornes !

Nous avions déjà critiqué la formulation de cet amendement : quel nombre de copies pourrait en effet être inférieur à un ? Il n'y a pas de demi-copie ! Maintenant que vous faites discrètement disparaître cet amendement, on en arrive à zéro copie ! Le collège des médiateurs pourra très bien décider qu'il existe un droit à l'exception de copie privée mais que, compte tenu de divers éléments, il n'y a pas de copie autorisée.

14/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, interopérabilité

Qui fixe la redevance, monsieur le rapporteur ? C'est la commission pour la copie privée, et elle peut très bien décider - ce qu'elle fait d'ailleurs régulièrement - de l'étendre à tel ou tel support. C'est une taxation de fait sur des supports existants, et la commission s'est d'ailleurs posé la question des flux Internet. Quelle horreur, des députés voudraient ajouter une taxation ! En fait, le Gouvernement en transfère la responsabilité à la commission. Nous, nous avons le courage de l'assumer, et je soutiens la proposition faite par nos collègues socialistes.

Il serait normal que les fournisseurs d'accès, qui sont ceux qui retirent les plus gros bénéfices de l'extension de l'Internet et notamment de la circulation d'un certain nombre d'œuvres, dont les œuvres musicales, ainsi d'ailleurs que les opérateurs de téléphonie mobile, participent à l'aide à la création culturelle. Cela n'a rien de choquant, et autant que ce soit prévu dans la loi plutôt que d'être décidé dans une commission qui, de toute façon, finira par prendre une telle décision.

Si vous continuez à restreindre l'exception de copie privée, s'il n'y a plus d'exception de copie privée, les consommateurs seront à juste titre autorisés à attaquer en justice pour dire que cette redevance est abusive et en demander la suppression. Qui, dans ce cas-là, en subira les conséquences ? La création culturelle, et les auteurs, indirectement.

Il faut donc que vous choisissiez. Ou l'on maintient l'exception de copie privée, et c'est le Parlement qui encadre les modalités de la redevance, ou vous la supprimez, et ne venez pas ensuite vous étonner si les consommateurs, à terme, refusent de payer cette redevance. Là, vous n'ajouterez pas de taxe, c'est le moins que l'on puisse dire, mais vous assécherez le financement de la création culturelle en France.

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Le débat s'éclaircit progressivement. Selon vous, monsieur le ministre, la contribution pour copie privée est une compensation aux pertes de droits qu'elle engendre. Le rapporteur nous dit à son tour que nous l'aurions déjà adoptée en votant l'amendement n° 23 rectifié.

Mais, monsieur le ministre, j'aimerais vous entendre dire clairement ce que vous pensez. S'il n'y a plus de droit à la copie privée des DVD, quelles recommandations allez-vous donner à la commission pour la copie privée en ce qui concerne la redevance pour copie privée sur un DVD vierge ? Pourquoi le consommateur paierait-il une redevance sur un support qui sera interdit de copie ?

Vous pensez pouvoir tout contrôler - le nombre de copies, leur fréquence d'utilisation et leur durée d'usage - grâce aux DRM. Mais pourquoi maintenir le principe d'une rémunération pour copie privée sur des supports vierges sans tenir compte de l'utilisation qui en sera faite ? En d'autres termes, pourquoi les acheteurs de supports vierges qui ne font jamais de copie de musique ou de cinéma paieraient-ils une redevance pour copie privée ?

Sachez, monsieur le ministre, qu'un support peut servir à sauvegarder des données ou des photos de famille et non pas uniquement à copier des œuvres soumises au droit d'auteur.

Quand les consommateurs achètent aujourd'hui un support vendu dans des conditions telles qu'ils peuvent faire une copie privée d'une œuvre et l'écouter ou la diffuser dans un cercle privé, c'est à juste titre qu'ils acquittent une contribution destinée à compenser la perte de revenus des auteurs. Mais s'ils ne peuvent plus copier des œuvres soumises au droit d'auteur, pourquoi paieraient-ils une contribution sur les supports vierges ?

Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous répondiez clairement à ce sujet, et non en arguant qu'un amendement réaffirme le droit à la copie privée, argument classique mais spécieux, puisque ce droit ne sera bientôt plus qu'une coquille vide.

Le Gouvernement en use de même avec le code du travail. Quand il maintient le principe des 35 heures, il le vide en réalité de tout contenu. Depuis quatre ans, il multiplie ainsi les lois qui, sous de belles apparences, ne contiennent plus rien. Il peut toujours proposer un amendement maintenant l'exception pour copie privée, mais à quoi cela sert-il s'il supprime cette même exception pour tous les supports, notamment par l'intermédiaire des DRM, en se gardant bien d'inscrire dans la loi le droit à ne serait-ce qu'une copie privée ?

Ou alors, monsieur le ministre, acceptez qu'un amendement inscrive noir sur blanc dans la loi l'exception pour copie privée sur l'ensemble des supports, y compris pour le download.

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La limitation du droit à la copie privée et l'instauration de DRM auront bien évidemment des conséquences sur la répartition entre les ayants droit. Monsieur le ministre, vous m'avez répondu qu'on pouvait graver un DVD à partir d'un film diffusé sur le réseau hertzien. Certes. Mais, dans ce cas-là, les auteurs dont les œuvres passent sur ces chaînes de télévision pourraient être habilités à réclamer une différenciation sur la redevance perçue sur les DVD. Les auteurs dont les œuvres n'ont pas été copiées ne devraient pas entrer dans le droit à la répartition. Cet exemple montre comme que tout cela est très compliqué.

Et si vous instaurez des DRM de contrôle sur l'usage, faudra-t-il modifier la répartition des droits entre les auteurs selon qu'ils auront autorisé la diffusion du film avec ou sans possibilité de téléchargement ? Dès lors que vous vantez les mérites de ce système individuel, il serait logique, monsieur le ministre, que vous individualisiez aussi beaucoup plus la répartition des droits.

Il est normal qu'une commission travaille sur la redevance et fasse des propositions sur cette taxation. Mais si on en arrive à une différenciation de plus en plus grande, et que se pose la question de la perception et de la répartition, appartiendra-t-il à la commission de trancher ? Ce point mérite d'être soulevé alors qu'il y a déjà conflit sur les répartitions et mise en cause de sociétés d'auteurs - justifiée ou pas. Devons-nous faire comme si ces problèmes n'existaient pas ? Devons-nous continuer à fonctionner avec un système ancien qui ne correspond plus à l'évolution des technologies et encore moins à ce que vous nous proposez avec le présent texte, quitte à légiférer de nouveau dans deux ou trois ans ?

En fait, vous souhaitez qu'on s'en tienne aujourd'hui au statu quo, en espérant qu'il n'y aura pas trop de protestations. Et il nous faudra modifier la législation dans quelques années, en fonction des rapports de force entre les différents types de plateformes payantes - à l'œuvre ou à la location, au téléchargement ou pas -, l'évolution sur la répartition entre le numérique et les supports physiques.

Pourtant, nous avions aujourd'hui les moyens d'aller beaucoup plus loin. Certes, cela supposait un travail de préparation plus sérieux et plus approfondi, avec l'ensemble des acteurs. Mais nous n'avons pas fait ce travail. Nous légiférons donc dans l'urgence et nous serons obligés de recommencer dans peu de temps.

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Au nom des députés Verts, j'irai dans le même sens que Christian Paul. Cet amendement révèle ce que j'ai déjà dénoncé, à savoir un certain manque de cohérence : soit on veut maintenir la contribution sur la copie privée, soit on commence à la démanteler ! Le problème, c'est que nous n'avons pas étudié la question de façon globale. Je suis sensible aux difficultés du secteur de la santé, mais je trouve un peu gênant de le financer par le biais d'une exonération de la rémunération sur la copie privée !

Je suis tellement ennuyée que je m'abstiendrai sur cet amendement, d'autant que, la semaine dernière, on nous a refusé une exonération en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Quand on voit l'état de nos universités, on est en droit de se demander pourquoi on leur refuserait l'exonération de redevance !

Si l'amendement inclut les laboratoires pharmaceutiques, il faut le modifier pour limiter l'exonération au secteur public et inclure la recherche et l'enseignement, qui sont aussi en grande difficulté. Comment peut-on faire de la recherche en France si l'on n'a pas le droit d'utiliser dans les supports de cours des extraits de l'œuvre d'origine, quelle qu'elle soit ? Quand on connaît le contenu des fameux accords, dont malheureusement nous avons trop peu discuté dans la mesure où ils ont été connus après le vote du fameux amendement, on comprend à quel point il est important que nous revenions sur ce point.

J'insiste pour que vous réfléchissiez à la portée de la mesure. Soit on ne touche à rien parce qu'on n'a pas travaillé assez, et l'on ne remet pas en cause la contribution sur la copie privée - ce qui signifie malheureusement qu'on renvoie le texte à la commission, sans que le Parlement se soit prononcé - soit on y touche, mais en prenant en compte l'ensemble des secteurs publics en difficulté, et l'on ajoute aux secteurs qui utilisent des supports d'enregistrement l'enseignement et la recherche.

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L'article 7 constitue le principal motif d'opposition des députés Verts au projet de loi car tout le reste en découle.

Il convient d'abord de préciser que les DRM ne sont pas définis par la directive européenne. Il y a un flou très important. Il convient donc d'être extrêmement attentif à la définition ou à la non-définition que nous allons en donner dans la loi ainsi qu'à leurs limites.

D'abord, notre collègue tout à l'heure l'a fort bien démontré, les DRM ne doivent pas porter atteinte à la sécurité informatique. C'est un point fondamental. Dans le monde en compétition dans lequel nous vivons, qu'on le veuille ou non, en matière économique, la sécurité informatique des différents systèmes doit être assurée, que ce soit au niveau des entreprises ou que ce soit au niveau de nos centres de recherche. Nous connaissons toute l'importance de l'espionnage industriel et de l'espionnage sur la recherche.

Ensuite, ils ne doivent pas porter atteinte à la vie privée ou à la confidentialité. De ce point de vue, les DRM tels qu'ils se profilent, au regard des recherches notamment de Microsoft sur les possibilités de contrôle absolu des machines de chaque utilisateur, y compris de leur utilisation à des fins commerciales, ne peuvent pas être acceptés. Comment accepter que, parce que nous nous sommes connectés innocemment sur une plateforme payante pour télécharger un morceau de musique, nous nous retrouvions avec un logiciel espion sur notre machine, capable de révéler toutes nos pratiques culturelles, mais pas seulement, et de nous inonder massivement, par la suite, de spams commerciaux ?

Enfin, il faut garantir l'interopérabilité et permettre la lecture sur quelque appareil que ce soit. On nous explique que les DRM proposés par Windows dans les versions à venir permettront de vérifier l'appareil sur lequel on lit l'œuvre qui est soumis à DRM, par l'intermédiaire d'un support physique ou d'un téléchargement. Mais qu'en sera-t-il si on change de machine ? On nous explique qu'on peut limiter le nombre, mais un disque dur peut très bien se « scratcher », et dans ce cas, il peut être impossible de récupérer les morceaux téléchargés à partir d'une plateforme payante avec des DRM sur son disque dur. Il faut alors tout racheter. On en arrive à une situation qui « pousse au crime ». Quand vous avez acheté plusieurs fois des œuvres et que vous les perdez à cause d'erreurs de manipulation - cela arrive à tout le monde en informatique -, ou à cause d'un paramétrage de DRM, au bout d'un moment, vous vous lassez et vous vous décidez à télécharger illégalement. Il faut faire attention. Il faut que les auteurs qui nous écoutent comprennent qu'à trop vouloir tout verrouiller, à trop vouloir assurer ainsi la mise à disposition des œuvres, on risque, avec ce système de DRM, d'aboutir au résultat contraire. De ce point de vue, nous régressons.

Il y a quinze ans, il n'y avait justement aucune compatibilité entre les machines. C'était fantastique pour un certain secteur de l'informatique, qui employait des informaticiens spécialisés dans la conversion de données d'une machine à l'autre. Aujourd'hui, nous cherchons à développer la compatibilité. Lorsqu'on achète un produit, on veut pouvoir en profiter quel que soit l'appareil utilisé. De ce point de vue, Internet est un espace fantastique d'échanges, d'une manière générale, indépendamment des formats et des droits d'auteur. Pour l'utilisateur, le fait de recevoir des informations de l'autre bout de la planète sur une machine totalement différente n'avait aucune importance. Ces échanges fantastiques ont été rendus possible par le développement des techniques informatiques, des codages, de caractères, etc. Or voilà qu'on nous propose un système qui, au contraire, limite ces possibilités d'échange, un système qui conditionne l'interopérabilité à la bonne volonté de fournisseurs de logiciels bien connus qui sont en situation de monopole.

Le problème, c'est qu'il ne faut pas non plus laisser aux fournisseurs de logiciels le choix de respecter ou non cette interopérabilité. Il faut que le format ouvert soit obligatoire, sans quoi on se trouvera dans la même situation qu'aujourd'hui, où Microsoft refuse de respecter les obligations auxquelles Bruxelles lui demande de se soumettre.

09/03/2006 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur, licence globale, test en 3 étapes, copie privée

Le débat nous permet d'aller un peu plus loin que le projet de loi, que l'on peut étudier dans son contexte, celui des activités culturelles et des industries de la culture. Mais l'objet même du texte, c'est le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, non la rémunération des producteurs ou des acteurs du secteur culturel. Or, on constate quelques petits dérapages, notamment à l'article 2. La directive précise bien que les exceptions ne doivent pas être contraires aux intérêts des auteurs, ce qui a été à peu près maintenu dans la réécriture de l'article 1er, avec le paragraphe qui fait référence au test en trois étapes de la directive. Mais, dans l'article 2, on ne retrouve pas l'exception sur les bibliothèques pour les droits voisins.

Pourtant, il y a bien des droits voisins en bibliothèque. C'est un premier problème : les bibliothèques auront droit à l'exception pour ce qui est du droit d'auteur, mais pas pour les droits voisins.

Toutefois, le test en trois étapes a été complété par le droit des producteurs : on peut se demander ce que cela vient faire dans l'article 2, consacré aux droits voisins. Pourquoi ne pas avoir adopté la même formule pour ce qui remplace l'article 1er sur le droit d'auteur et pour l'article 2 sur les droits voisins ? On instaure des déséquilibres entre les deux articles, alors qu'il aurait fallu créer des similitudes.

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Selon notre rapporteur, cet amendement serait utopique. Il s'agit pourtant de la transcription de l'article 5. 2. b) de la directive européenne 2001/29, laquelle, que je sache, est loin d'avoir un caractère utopique !

Quant au fait que la France serait le seul pays à faire ce choix, ne faut-il pas plutôt souligner que nous serons malheureusement les seuls à ne pas transposer l'exception pédagogique ? Voilà qui n'a rien non plus d'utopique, parce que cela va fragiliser notre recherche et notre enseignement !

Enfin, nous dit-on, on ne saurait sur quelles statistiques, ou tout autre élément, se fonder pour répartir la redevance perçue : c'est faux ! Si les sociétés peuvent aujourd'hui, avec leur agent assermenté, voir en ligne quels titres s'échangent en peer to peer, cela signifie qu'elles peuvent aussi les compter : en informatique, quand on peut lire, on peut compter et donc savoir combien de fois, par exemple, Les Bronzés 3 sont téléchargés !

Je rappelle que ce fameux amendement à l'article 1er, a tout de même été voté, au cours de la deuxième séance du mercredi 21 décembre, par 22 membres de l'UMP, alors que 26 votaient contre et 1 s'abstenait, ce qui prouve que ce débat est bien transversal et que ce n'est pas l'opposition, que l'on accuse de manœuvrer pour le cacher, qui a un problème d'unité.

Le problème est que nous allons être aussi, et là nous ne sommes pas dans l'utopie, l'un des rares pays de l'Union européenne à prévoir explicitement des DRM qui peuvent contrôler l'usage, alors qu'il en existe déjà qui bloquent la copie des DVD. Après le ministre, qui nous les vante constamment, voilà notre rapporteur qui se déclare également fervent défenseur des DRM, trouvant fantastique que l'on puisse ainsi contrôler le nombre et la durée de l'usage !

Nous assistons là à un glissement du droit d'auteur et de l'exception de copie privée, qui jusqu'à présent était reconnue dans notre droit.

Sous le prétexte de transposer la directive, vous nous faites vivre une régression phénoménale du droit d'auteur et de l'accès à la culture en France.

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Le rapporteur a fait, je crois, une erreur de lecture, soit sur la directive, soit sur le dernier aliéna de l'article 2.

En effet, l'avant-dernier aliéna de l'article 1er dispose que les exceptions ne peuvent porter atteinte « à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur ». Et vous étendez, à l'article 2, ces exceptions « aux intérêts légitimes de l'artiste-interprète ». Mais, après une virgule, l'article poursuit « du producteur ou de l'entreprise de communication audiovisuelle ». Et cela, cela n'a rien à voir avec la directive.

On peut en discuter, mais alors on entre dans un débat sur la production audiovisuelle et sur les entreprises culturelles et plus sur le droit d'auteur. Cet ajout n'a rien à voir avec la transposition de la directive. Il n'est d'ailleurs pas cohérent avec le droit d'auteur défini dans l'article 1er ou maintenant avec l'amendement n° 272 du Gouvernement.

C'est pourquoi je soutiens et je voterai l'amendement de nos collègues socialistes.

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L'amendement en discussion propose à terme de remettre en cause la rémunération pour copie privée, ce qui est fondamental puisque cette rémunération sert, d'une part, à rémunérer les auteurs et les interprètes et, d'autre part, pour 25 %, à financer le spectacle vivant. Sa remise en cause induit donc un risque d'autant plus grand pour le spectacle vivant que le budget du ministère de la culture n'augmente pas beaucoup.

On ne peut donc pas aujourd'hui s'attaquer à ce mode de financement sans mettre en cause le spectacle vivant dans notre pays.

La question est d'ailleurs si complexe que, lors de sa dernière réunion - en décembre, me semble-t-il -, la commission s'est interrogée sur ce droit à rémunération et sur ses liens avec la notion d'exception pour copie privée. Assez curieusement, le représentant de Business Software Alliance estime que le législateur de 1985 a clairement voulu lier les deux mécanismes de dérogation au droit exclusif et de rémunération pour copie privée. On ne peut donc pas prétendre trancher ce problème au détour d'un amendement !

Si l'on veut moduler cette rémunération il faut proposer d'autres solutions. Notre collègue de l'UDF suggère de réfléchir à une taxation sur les plateformes payantes. Il faudrait y ajouter les téléphones portables, qui génèrent aujourd'hui d'importants revenus sur la musique.

Mais nous n'en sommes malheureusement pas là, et aucune mission ne s'est jusqu'à présent penchée sur le texte en profondeur pour faire des propositions constructives.

On ne peut donc pas aujourd'hui remettre en cause la rémunération sur copie privée, sans réduire les fonds disponibles pour le spectacle vivant et les rémunérations des auteurs et interprètes.

Reste que je suis d'accord sur l'idée de taxer à terme les plateformes payantes et les fournisseurs de téléphonie mobile - qui empochent aujourd'hui les plus gros bénéfices, contrairement aux auteurs et aux consommateurs qui ne voient pas baisser les prix. Le texte, hélas, ne nous le permet pas encore.

08/03/2006 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur

Je soutiens moi aussi ce sous-amendement parce que, monsieur le ministre, cette transposition est une vision très restrictive de la directive européenne. Il y a un excellent ouvrage - Les droits d'auteur - du Conseil économique et social, où à la fin il y a un tableau sur les transpositions dans les différents pays. Et vous vous rendez compte que tous les pays sauf un ont transféré l'exception pour les bibliothèques et les centres d'archives. On va donc être le seul à ne pas la prévoir pour les bibliothèques.

En plus, c'est une vision très statique par rapport aux supports en vigueur parce qu'avec la restriction croissante en matière de supports physiques et le transfert de plus en plus important d'informations sur Internet, et en plus avec ce vers quoi l'on se dirige visiblement, c'est-à-dire l'interdiction de la copie privée pour les DVD, cela veut dire qu'il va y avoir restriction pour les bibliothèques et les centres d'archives dans la mise à disposition au public d'un certain nombre d'informations. Il y aura donc restriction de l'accès à l'information et à la culture, et ce uniquement, du coup, sur les œuvres produites en France ! Parce qu'il n'y aura pas une telle restriction sur tout ce qui est disponible dans les autres pays d'Europe. On va donc se retrouver dans une situation où ce sont les œuvres françaises qui auront l'accès le plus restreint en France alors qu'on pourra accéder à tout le reste du catalogue européen ! Avouez tout de même que c'est fragiliser complètement notre patrimoine national d'une façon totalement surprenante, et tout ça à cause d'une analyse de la situation en mars 2006 alors que celle-ci évolue tellement vite que cette analyse sera obsolète dans six mois.

Monsieur le ministre, vous devriez faire un geste et accepter cette exception telle qu'elle est proposée. Il ne s'agit pas d'en abuser, et vous savez très bien que le monde des bibliothèques, des centres de documentation et des archives n'abuse jamais de ce genre d'exception. Si vous n'autorisez pas cette exception, même encadrée, nous allons nous retrouver dans peu de temps avec un appauvrissement de l'accès au patrimoine national culturel.

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Le sous-amendement concerne l'exception dans le cadre de l'enseignement ou de la recherche scientifique à des fins exclusives d'illustration ou d'extraits, et à condition d'indiquer la source des documents. Toutes les transpositions effectuées dans les autres pays de l'Union européenne ont intégré cette exception de manière plus ou moins restreinte - c'est l'article 5-3 de la directive. Or vous nous proposez, monsieur le ministre, de refuser quelle que transposition que ce soit de cette exception.

Je sais très bien que vous allez nous dire qu'un accord a été signé avec les différentes sociétés d'auteurs dans cinq domaines :œuvres cinématographiques, arts visuels, publications périodiques, œuvres musicales, livres et musiques imprimés. Mais quand on lit ces cinq conventions, qui ne sont pas totalement signées d'ailleurs, qu'en sort-il ?

Dans le domaine cinématographique, on peut utiliser des extraits aux fins d'illustration seulement à partir de l'audiovisuel hertzien non payant - c'est l'article 3-1 de l'accord. Par contre, c'est totalement interdit à partir d'un support édité du commerce ou d'une œuvre diffusée au sein d'un service de communication audiovisuel payant ou d'un service de vidéo à la demande - c'est l'article 4. Que reste-t-il ? La une, la deux, la trois, Arte ! Tout ça pour faire des cours ou de la recherche !

Et la TNT certes, mais ça va être tout de même un peu limité. Cela concerne uniquement la diffusion dans les classes.

Quant aux colloques, aux conférences ou aux séminaires, ils doivent être strictement destinés aux étudiants ou aux chercheurs. Est-ce que ça veut dire qu'il faudra filtrer l'entrée pour vérifier qu'il n'y a personne venu de l'extérieur ?

Un accord existe également concernant l'utilisation numérique dans le cadre d'un système intranet. Sur un système extranet, l'utilisation est à nouveau permise à destination des seuls élèves, étudiants ou chercheurs qui sont inscrits au titre d'un enseignement à distance, ce qui veut dire que les étudiants ou chercheurs d'un établissement public inclus dans l'accord mais qui voudraient utiliser Internet depuis chez eux ne pourront pas le faire.

L'article 10 de l'accord passé sur l'utilisation des œuvres d'art visuel prévoit, à propos des vérifications - écoutez bien, chers collègues, je vous le lis parce que je pense que ça va choquer un certain nombre d'entre vous -, que « les agents assermentés de chaque société de perception et de répartition des droits auront la faculté d'accéder au réseau informatique des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires. »

Ça veut dire qu'une société privée va pouvoir exiger d'accéder aux ordinateurs et au réseau informatique des établissements d'enseignement et de recherche de notre pays aux fins de vérifier qu'il y a bien respect de l'accord. Est-ce qu'on peut accepter ainsi que tout soit ouvert à ce point pour des sociétés privées ? Sur les cinq accords, c'est le seul qui prévoit cette possibilité d'intrusion sur les réseaux informatiques des établissements d'enseignement et de recherche.

Enfin, les accords supposent une contrepartie financière, ce qui, dans le cadre du cinéma, est un peu étonnant car un professeur ne peut faire un cours en utilisant un DVD qu'il a acheté lui-même, ou un téléchargement qu'il aurait payé auprès d'un service de VOD, ou auprès d'une plate-forme payante pour ce qui est de la musique. Si vous voulez faire une étude critique sur une œuvre, ce sera impossible si cette œuvre n'est disponible que sur un service payant. Vous n'avez pas le droit, même si vous payez de votre poche ! Et tout ça avec tout de même une rétribution des sociétés d'auteurs qui doivent ensuite reverser aux ayants droit. Ce n'est même pas accepter une part d'exception pour l'enseignement et la recherche contre rétribution, c'est refuser cette exception et, en plus, exiger une rétribution en limitant l'accès, pour ce qui est du cinéma, à des œuvres qui sont non payantes.

Je trouve que l'on tombe dans une situation totalement kafkaïenne. On va complètement assécher certaines recherches, notamment les recherches critiques sur les œuvres de l'ensemble des secteurs. Et s'agissant du secteur des arts visuels, je trouve très inquiétant de permettre à une société privée de s'introduire sur un réseau informatique pour opérer une vérification au lieu de recourir, en cas de doute, à une instance de contrôle.

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Monsieur le ministre, il semble qu'il y ait un petit problème dans la programmation de votre DRM ! Vous y avez introduit un virus et il se propage dans tout votre texte ! Et nous ne nous y retrouvons plus !

Nous partions de la transposition d'une directive qui était, disiez-vous, urgente. Vous avez donc décrété l'urgence sur le texte. Mais, comme le débat dure depuis décembre, l'urgence devient beaucoup moins compréhensible !

Nous ne savons plus si nous devons achever d'examiner ce « substitut » d'article 1er, dont nous ne savons pas s'il sera retiré ou non, et qui porte sur les exceptions. La directive en permettait dix-sept. Le texte initial, dans son article 1er d'origine, en proposait une. La version modifiée en propose deux, une et demie, plus exactement. Enfin, grâce à la sagesse de l'Assemblée, on en est à deux - avec les bibliothèques.

Deux sur dix-sept : nous sommes bien loin du laxisme !

Le sous-amendement que j'ai déposé sur la recherche et l'enseignement peut faire partie de ces dix-sept exceptions.

Monsieur le ministre, vous nous demandez de ne pas voter ce sous-amendement sous prétexte qu'un accord est intervenu, mais nous n'en avons pas encore le texte définitif. Pour ma part, j'en ai pris connaissance « par la bande ». Aussi, j'estime que nous devons obtenir des réponses avant de décider si nous nous contentons de cet accord.

Enfin, l'accord ne s'appliquerait qu'à compter du 1er janvier 2007, alors qu'en inscrivant les exceptions dans le présent texte, il y aurait de bonnes chances qu'elles soient prises en compte dès le début de l'été prochain. Sous quel régime travailleront les enseignants, les universitaires et les chercheurs en 2006 ?

07/03/2006 Débats DADVSI : copie privée

Ce débat est fondamental. M. le ministre ne cesse de nous vanter le mérite des offres à venir, qui, selon lui, régleront tous les problèmes. Le développement de plateformes payantes peut, en partie, assécher le peer-to-peer gratuit, mais pas totalement, ne nous faisons pas d'illusion, et à condition que les mesures techniques de protection n'en restreignent pas l'usage.

Si - et je l'ai dit aux représentants du cinéma et de la musique que j'ai rencontrés - l'évolution des plateformes payantes et des offres à la demande privilégie la location en ligne pour un temps très court, les consommateurs finiront par considérer qu'il y a de l'abus en raison des nombreuses restrictions d'utilisation des œuvres.

Si vous ne pouvez écouter une œuvre qu'une seule fois et pas sur tous les supports, et si ce qui a été enregistré sur le disque dur ne peut pas être sauvegardé parce qu'il y a une protection, par exemple, cet état de fait favorisera immanquablement les contournements.

Le piratage risque d'exploser, monsieur le ministre, tant vous voulez corseter le réseau en faisant payer au maximum beaucoup plus que ce qui se pratique jusqu'à présent. En effet, quand vous achetez une cassette vidéo, vous pouvez la regarder autant de fois que vous le souhaitez dans le cercle de famille. Par votre volonté de faire payer chaque utilisation et en la restreignant dans le temps, vous allez à l'encontre de ce que vous voulez combattre.

S'agissant de la transposition des mesures techniques de protection, aucun pays, hormis la Grèce, ne les a transposées dans le sens d'une limitation du droit d'usage. C'est une catastrophe. Nous allons aggraver la situation. Vous ne pourrez jamais empêcher le contournement des mesures techniques : même la NASA ou le Pentagone peuvent être infectés par des virus informatiques. Mieux vaut étendre la redevance pour copie privée au flux Internet et de considérer ces mesures comme des garanties du droit d'auteur.

...

Que reste-t-il de la copie privée ? À l'heure actuelle, la redevance pour copie privée est assise sur les cassettes audio, qui ne doivent pas être encore beaucoup vendues, les cassettes VHS, qui sont en voie de disparition, ainsi que les CD, en régression, et les DVD dont le Cour de cassation vient d'expliquer qu'on ne pouvait pas les copier.

Nos collègues de l'UDF s'interrogent avec nous : pourquoi payer une redevance assise sur les supports vierges si la seule exception autorisée demeure l'enregistrement de films diffusés à la télévision ? Sur les chaînes payantes, la rémunération se fait par un autre biais. Ne restent que les chaînes financées par la redevance télévisuelle, ce qui concerne assez peu de films, en tout cas récents, il faut bien l'avouer.

Je redis ici mon regret que nous n'ayons pas travaillé assez sérieusement sur ce projet de loi, soit au sein d'une commission spéciale, soit au sein d'une mission d'information, afin d'avoir tous les éléments en main et de parvenir à une solution, qui réponde véritablement aux évolutions actuelles. Nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis.

Aujourd'hui, il existe une centaine de radios numériques en ligne. Il suffit de s'y connecter depuis son ordinateur pour télécharger des œuvres. À vouloir tout verrouiller en concentrant les possibilités de téléchargement autour des plateformes payantes, vous risquez de déplacer l'offre de téléchargement gratuit sans permettre de rentrées d'argent supplémentaires pour la création culturelle.

En un an, les ventes en ligne ont été multipliées par quatre. Un peu plus du quart des revenus de la SACEM provient de la musique enregistrée, dont 70 % au titre de la téléphonie mobile. La musique en ligne en tant que telle représente donc une petite part.

Croyez-vous vraiment pouvoir continuer à convaincre nos concitoyens de payer une redevance qui ne correspond plus à grand-chose, mais qui est pourtant fondamentale car elle finance l'aide au spectacle vivant ? Pensez-vous vraiment parvenir à empêcher tout contournement ? Cela me paraît tenir du combat de Don Quichotte contre les moulins à vent.

Si certaines entreprises veulent développer des plateformes payantes, qu'elles le fassent, c'est leur droit, mais il faut seulement espérer que cela se fasse dans le sens d'une plus grande diversité qu'à l'heure actuelle. Mais qu'on n'assèche pas les revenus destinés au spectacle vivant, hors cinéma, par des combats d'arrière-garde ! Dans deux ou trois ans, nous risquons sinon de constater que nous avons perdu une source importante de financement et que nous avons fait baisser les recettes des auteurs et des compositeurs.

Aujourd'hui, et cela montre que tout n'est pas aussi simple dans ce monde enchanté, sur les plateformes de téléchargement payantes, les auteurs sont certes rémunérés mais aucun droit voisin n'est reversé. C'est bien pour cela qu'il y a une plainte les concernant.

Prenons garde de ne pas passer de la défense du droit d'auteur à la défense des diffuseurs. Ne mélangeons pas les genres !

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L'article 5-2 de la directive concernant les exceptions et limitations dispose que « les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions aux limitations au droit de reproduction prévu à l'article 2 dans les cas suivants : [...] b) lorsqu'il s'agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires des droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l'application ou la non application des mesures techniques visées à l'article 6 aux œuvres ou objets concernés ». La directive européenne prévoit donc bien une exception pour la copie privée sur tout support et nous avons toujours, dans nos débats, assimilé Internet à un support. Les sous-amendements se situent dans ce cadre, puisqu'ils traitent du download ou « déchargement » même si ce n'est pas le terme couramment utilisé.

Or, pour l'instant, rien ne garantit qu'on puisse faire une copie privée à partir du « déchargement » d'une œuvre musicale. On peut pourtant acheter légalement des morceaux de musique pour en faire une compilation sur CD à usage privé. Si vous ne prévoyez pas ce cas de figure, vous interdirez à tous les amateurs de musique de faire des compilations.

07/03/2006 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur, test en 3 étapes, DRM, licence globale

Nos collègues de la majorité s'enthousiasment pour les avancées de l'amendement n° 272. Je pense, pour ma part, que le ministre devrait nous remercier de lui avoir évité des erreurs monumentales, que ce soit sur le handicap visuel ou sur le logiciel libre. Si nous ne nous étions pas battus sur l'article 1er, il y aurait sans doute eu des problèmes avec certains acteurs.

L'amendement institue des exceptions au droit d'auteur pour la copie privée.

Je fais observer que la transposition de la directive que nous envisageons est la plus dure de toutes celles opérées dans les autres pays de l'Union.

La nouvelle rédaction du Gouvernement fait tomber l'amendement qui étendait la copie privée au « déchargement » individuel à usage privé. Il reste cependant bien des incertitudes sur la copie privée. Il ne suffit pas décrire dans un amendement que celle-ci est garantie s'il n'y a rien de précis dans le projet la concernant. C'est un collège de médiateurs qui est chargé de le préciser - lesquels, soit dit en passant, seront à la fois décideurs et médiateurs ! Plus inquiétant : il y a des problèmes d'interprétation. Dans le « test en trois étapes », la notion de « préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur » devient pour la Cour de cassation, s'agissant de la copie privée de DVD, « l'importance économique de l'exploitation de l'œuvre pour l'amortissement des coûts de production cinématographiques ». Le moins que l'on puisse dire est qu'il y a un glissement. Il serait donc utile que le législateur précise dans la loi que les intérêts légitimes de l'auteur ne se confondent pas avec l'amortissement des coûts de production cinématographique.

Ne pas préciser dans un texte sur les droits d'auteurs, que son objet est de défendre ces derniers et non les droits de production pose de réels problèmes.

C'est un combat d'arrière-garde ? Croyez-vous réellement que l'on arrivera à arrêter les téléchargements par peer to peer ?

Vous pouvez toujours interdire les sites : ils iront s'installer ailleurs. Vous pouvez inventer toutes les répressions que vous voudrez, les DRM seront contournés. Alors que, dans certains pays, ils sont présentés comme une simple garantie d'auteur, ils nous ont été décrits en commission des affaires culturelles et encore par M. le ministre tout à l'heure comme un moyen fantastique pour limiter le nombre de lectures et leur durée. Vous prévoyez de mettre des contrôleurs, des « mouchards » partout. Résultat : quand vous achèterez une œuvre et que, pour une raison ou une autre, vous serez interrompu alors que vous étiez en train de la regarder, quand vous reviendrez, elle aura disparu ! Voilà la transposition à la française de la directive !

Une précision technique pour conclure. Les détracteurs de la licence globale qui prétendent qu'il n'est pas possible de « mesurer les flux », soit sont de mauvaise foi, soit ne connaissent rien au système. Si l'on peut surveiller les téléchargements en peer to peer, jusqu'aux titres téléchargés et aux adresses IP, c'est qu'on peut les compter. Qu'ils ne viennent donc pas nous dire le contraire !

22/12/2005 Débats DADVSI : interopérabilité, licence globale

J'insisterai, moi aussi, sur l'importance de l'interopérabilité de ces outils informatiques. Le sujet n'est pas nouveau, mais en tant que législateurs, nous devons envisager le long terme et élaborer des lois qui vont au-delà des matériels existants, car ceux-ci évoluent très vite, surtout les logiciels. Toute contrainte trop poussée obligerait les utilisateurs à renouveler régulièrement leur matériel. On nous dit que les systèmes de protection n'empêcheront pas les utilisateurs de faire une copie privée. Récemment, monsieur le ministre, vous avez dit qu'il serait possible d'en faire jusqu'à quatre ou cinq. Or rien de tel n'est proposé dans votre texte. Vous auriez pu indiquer un plafond. La seule proposition présentée dans un amendement est celle d'un chiffre plancher, mais on a du mal à imaginer un nombre de copies inférieur à 1, les demi-copies n'existant pas encore !

Surtout, le système repose sur la bonne volonté des opérateurs. Or une dépêche en provenance de Bruxelles indique que l'Union européenne menace Microsoft d'une amende pour n'avoir pas appliqué ses préconisations. En mars 2004, Bruxelles avait déjà condamné Microsoft pour avoir imposé, lors de l'achat de son système d'exploitation Windows, la vente de son logiciel audio et vidéo Media Player. Des protestations s'étaient d'ailleurs élevées à l'époque. En décembre 2005, Microsoft refuse toujours d'obtempérer et, face à une nouvelle condamnation, elle la prétend injustifiée. Elle refuse également de divulguer les protocoles informatiques nécessaires au dialogue entre Windows et les produits concurrents. Cela fera bientôt deux ans que Microsoft refuse de se plier aux décisions de Bruxelles. On ne peut donc que douter de la « bonne volonté » dont cette société fera preuve pour les échanges avec les logiciels libres.

Or nombre d'entreprises, et notamment des PME, ont choisi ces logiciels parce qu'ils coûtent moins cher et qu'ils les préservent des bugs récurrents sur les produits Microsoft. En raison de son quasi-monopole sur le marché, ceux-ci sont en effet la cible principale des virus. Il est donc fondamental de laisser la porte ouverte aux logiciels libres. Ils coûtent aussi moins cher aux administrations et aux institutions qui sont de plus en plus nombreuses à s'en équiper. Puisque nous cherchons à faire des économies budgétaires, abandonner Microsoft pour des logiciels libres me semble être une idée intéressante. Voilà pourquoi l'article 7 est très important. Nous verrons, lors de l'examen des amendements, jusqu'où le Gouvernement est prêt à aller pour garantir l'utilisation des logiciels libres et l'interopérabilité dans ce domaine.

...

Je suis également favorable aux amendements nos 136 et 144 rectifié et défavorable à l'amendement n° 252, de sorte que je vois se profiler une unanimité de l'assemblée, à l'exception du rapporteur de la commission.

L'amendement n° 252 diffère des autres par la précision - astucieuse - : « qui n'ont pas pour fonction de protéger des œuvres, des interprétations, des phonogrammes, des vidéogrammes ou des programmes, ». Cela signifie à rebours que, si une entreprise invente un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation qui ont pour fonction de protéger des œuvres, des interprétations, des phonogrammes, des vidéogrammes ou des programmes, le forçage de ceux-ci constitue une infraction. Ce n'est pas ce qui est prévu dans les autres amendements. Il y a donc une différence de fond. En d'autres termes, sous couvert de préciser ce qui n'est pas une mesure de protection, le rapporteur en réintroduit une par la fenêtre par ce membre de phrase très subtil. C'est pourquoi il ne faut pas voter l'amendement n° 252.

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Je me félicite du retrait de l'amendement n° 252.

Monsieur le ministre, vous avez précisé que le but n'était pas d'affaiblir la création culturelle. Sans doute l'habitude est-elle, dans les débats de notre assemblée, de considérer que la parole du Gouvernement vaut de l'or. Elle illustre en tout cas l'interprétation qui aurait pu être faite.

En cas de contentieux, il sera possible de se reporter au débat. Il n'y a pas lieu de rajouter une disposition à ce qui existe déjà dans la loi. Or le fait de forcer le cryptage donnant accès à Canal Plus - c'est bien ce qui est en jeu - ou à d'autres chaînes cryptées, afin d'éviter de payer l'abonnement, est déjà considéré par la loi comme un délit.

La précision que M. Vanneste propose d'ajouter par son sous-amendement n° 256 n'apporte rien. La parole du Gouvernement nous suffit. Nous pouvons parfaitement en rester à l'amendement n° 144 rectifié.

...

Cet amendement va dans le même sens que ceux présentés par mes collègues communistes et socialistes. Il va également plus loin que l'amendement n° 253 car, je suis d'accord avec Christian Paul, il faut oser aller plus loin. L'intérêt de l'interopérabilité tient à ce qu'elle soit mise en œuvre dans des conditions d'efficacité qui ne nécessitent pas constamment d'avoir recours à des instances, qui prolongent d'autant les délais.

J'ai déjà signalé que Microsoft, condamné par Bruxelles, n'a toujours pas accepté de se plier aux demandes européennes. Or, l'amendement n° 253 indique que « s'il constate des pratiques anticoncurrentielles de la part d'un fournisseur de mesures techniques, le conseil de la concurrence ordonne l'accès aux informations essentielles, dans des conditions, y compris de prix, équitables et non discriminatoires », ce qui implique qu'il ne prévoit pas d'interopérabilité ouverte. Soumettre l'interopérabilité à rémunération change en effet sa nature, cela devient un achat de droit. L'amendement de nos collègues introduit donc une restriction. Mon amendement, quant à lui, ne soumet pas l'interopérabilité à paiement puisque nous sommes favorables à des formats ouverts qui permettent les échanges entre systèmes différents.

L'expérience nous a démontré qu'il fallait aller plus loin en inscrivant dans la loi des obligations précises pour les fournisseurs de mesures techniques, sinon nous risquons d'être confrontés à des pratiques dilatoires, comme celles que nous connaissons aujourd'hui.

Cela concerne l'ensemble des entreprises, notamment les entreprises françaises qui souhaiteraient ne pas être contraintes par les logiciels de multinationales, mais aussi, et je rejoins Christian Paul sur cette question, les développeurs qui souhaitent effectuer un travail à leur propre profit, étant bien entendu que celui-ci ne peut être utilisé à des fins commerciales, car nous sommes tous bien d'accord sur le fait que les droits d'auteur doivent être garantis.

Ces dispositions sont d'autant plus importantes que les matériels évoluent vite. Si nous ne voulons pas obliger les consommateurs à racheter constamment les derniers modèles à jour pour pouvoir utiliser les supports en leur possession, il faut que les formats évoluent de manière telle qu'à tout moment l'interopérabilité soit garantie.

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Si les rapports de force n'étaient pas ce qu'ils étaient, nous pourrions nous rallier à votre position, monsieur Dionis du Séjour. Mais les pratiques de certaines entreprises, dont la plus célèbre, en matière de respect des contraintes communautaires nous obligent à adopter une approche plus fine des dispositions législatives visant à transposer les directives. Sinon, combien d'années aurions-nous à attendre avant que les propriétaires de logiciels acceptent de rencontrer les représentants du logiciel libre et de négocier ?

Par ailleurs, je note que parmi les cinq signataires de l'amendement n° 253, deux avaient co-signé un autre amendement, similaire aux amendements déposés par les membres du groupe socialiste et du groupe communiste et par les Verts. Mais, comme par hasard, cet amendement a été retiré. Or l'amendement n° 253 n'oblige pas à fournir des fichiers ouverts, qui permettent de pratiquer directement l'interopérabilité. En outre, il précise que les entreprises condamnées par le Conseil de la concurrence pour pratiques anti-concurrentielles seront quand même rémunérées pour l'accès à leurs fichiers. Il y a là une incohérence manifeste.

...

Apparemment, le 22 décembre autour de minuit, nos collègues de l'UMP ont eu une révélation : ils ont découvert tout d'un coup qu'ils ne pouvaient pas continuer comme ça ! Il faut dire que ceux qui sont ici ne sont pas, à quelques exceptions près, ceux que nous avons vus hier soir.

On a changé de groupe UMP !

Après s'être divisé - je rappelle que vingt-deux de ses membres ont voté la licence globale et que vingt-six se sont prononcés contre - , le groupe de l'UMP déclare qu'il y a eu un petit problème et qu'il convient de constituer un groupe de travail...UMP. Pendant qu'on y est, on peut aussi dissoudre l'Assemblée, partir en vacances et laisser l'UMP régler ses problèmes avec son ministre ! Mais ne serait-il pas plus normal de saisir la commission des affaires culturelles de ce texte - ce qui n'a pas été le cas - ou de créer, comme le proposent certains de nos collègues, une mission d'information pour travailler convenablement avec les partenaires concernés et trouver des solutions consensuelles ?

Les députés UMP font fort en déclarant que l'amendement voté hier soir met en danger toute la création culturelle !

[Tous les artistes le disent, même Joey Starr !] Combien sont-ils ? Il y a des milliers d'auteurs en France, alors ça ne veut pas dire grand-chose.

Le débat ne porte pas sur la rémunération du droit d'auteur . Là-dessus, nous sommes tous d'accord : nous voulons protéger cette rémunération et nous voulons qu'elle soit équitable. Nos collègues UDF, eux, assument au moins leur position en faveur des plates-formes marchandes légales.

Mais il y a des auteurs qui sont d'accord pour passer par des plates-formes gratuites. Il faut laisser la possibilité de choisir. Il faut laisser la possibilité de rémunérer l'ensemble des auteurs, connus et moins connus, comme le permet, dans le domaine du livre, le droit au prêt, qui garantit la diversité culturelle. La licence globale adapte ce principe aux autres médias et assure le maintien d'une création culturelle multiforme en permettant de rémunérer aussi les auteurs moins connus.

Là est notre point de divergence.

22/12/2005 Débats DADVSI : licence globale, webradios, DRM

Monsieur le ministre, vous dites que des idées fausses ont été données aux internautes. Cela donne l'impression que les 131 000 personnes qui ont déjà signé la pétition demandant le report du projet de loi ont été manipulées.

Or elles savent très bien ce qu'elles ont signé et elles ont bien compris les risques que comportait le texte en l'état.

Vous parlez du risque d'une domination mondiale de quelques-uns. Nous pouvons tous nous retrouver sur la nécessité de le prendre en compte mais nous divergeons sur la façon de le combattre. Lorsque vous voulez imposer des mesures de protection systématiques, le risque est de renforcer le monopole de quelques multinationales dont la plus fameuse est Microsoft et de fragiliser les personnes qui travaillent avec le logiciel libre ou qui désirent passer d'un format à l'autre sans être obligées de changer leurs habitudes parce qu'une multinationale le leur imposera.

Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait été confronté à un débat analogue à propos du droit de prêt dans les bibliothèques. Certains y voyaient un droit exclusif : des écrivains réclamaient ainsi que la rémunération soit calculée pour chaque auteur, à chaque exemplaire prêté. Mais M. Aillagon a fait le choix de la rémunération collective afin d'encourager la diversité des fonds et donc la diversité éditoriale. Ce choix était le bon et le projet de loi du Gouvernement a été voté à l'unanimité. Nous proposons, avec la licence globale, de faire le même choix aujourd'hui : des droits collectifs qui permettent de rémunérer les auteurs sans rechercher individuellement les éventuels fraudeurs.

Je rappelle que la plaquette que vous avez fait distribuer dans l'ensemble des établissements scolaires, intitulée « Adopte la net attitude » et cofinancée par Vivendi Universal, anticipe le vote de cette loi puisqu'elle présente des dispositions qui n'ont pas encore été adoptées par le Parlement.

[Et qui ne le seront pas !] Effectivement, parce que nous nous battrons. Et on peut remarquer qu'il n'y a jamais eu, sur Internet, autant de sites faisant référence à cette loi.

Vous nous dites que certains musiciens protestent, mais je vous rappelle que 13 482 artistes-interprètes ont signé la pétition de la SPEDIDAM. On ne peut pas opposer internautes et musiciens car il y a aussi une division entre artistes.

Monsieur le ministre, la seule solution consiste donc à suspendre le débat.

De toute façon, vous n'arriverez pas à faire voter ce texte de loi d'ici à minuit et, en tout état de cause, nous serons obligés de le reprendre dans trois semaines.

...

On vit de grands moments dans cet hémicycle ! Je n'aurais jamais pensé entendre un porte-parole de l'UMP nous donner Joey Starr en exemple.

Tout arrive, et pourvu que ça dure !&lt;/blockquote

Fort bien, monsieur le ministre. Permettez cependant que je me souvienne des attaques violentes dont ce chanteur a fait l'objet de la part de certains milieux politiques. Apparemment quand on veut instrumentaliser certaines personnes, on est prêt à oublier le passé. Mais après tout c'est positif d'oublier le passé.

Cela dit, nous assistons en ce moment à un combat d'arrière-garde.

J'ai l'impression de revivre le débat sur les radios libres lequel avait été lancé à la fin des années soixante-dix par de petits réseaux associatifs animés par le désir de faire une radio différente des grands medias existants.

L'amendement de nos collègues socialistes, que je voterai au nom des Verts, vise à prendre en compte ce qu'est réellement l'internet aujourd'hui. Vous pourrez poser tous les verrous que vous voulez la réalité forcera tous ces blocages et finira par s'imposer à vous.

Internet est un splendide outil pour s'exprimer hors des sentiers battus des grands medias et des majors. Les internautes veulent autre chose que la « Star Ac ». Si des musiciens se regroupent en sociétés pour assurer eux-mêmes la diffusion de leurs œuvres, c'est bien faute d'être reconnus à leur juste valeur par les majors.

Internet permet précisément à des artistes qui ont fait ce choix de diffuser leurs œuvres sans passer par ces grandes sociétés ; c'est tout l'intérêt des webradios. Il faut instituer une rémunération collective des droits, de façon à ce que l'ensemble des artistes en bénéficie, et pas uniquement ceux qui sont diffusés par les majors. Ils sont nombreux, en effet, les artistes talentueux qui subissent une censure de fait, pour la simple raison qu'ils déplaisent aux majors ou qu'ils critiquent le système médiatique dominant.

Pour toutes ces raisons l'amendement sur les webradios est très intéressant.

...

L'article 6 est un article de forme, mais il introduit l'article 7.

blockquote&gt;En effet ! Puisque je voterai contre l'article 7, il est cohérent que je me prononce contre le 6, qui l'introduit.

La transposition de la directive ouvre la voie aux mesures techniques de protection, mais elle n'oblige pas à les mettre en place. Vous avez parlé d'un « impôt » à propos de la redevance sur la copie privée. Une redevance n'est pas un impôt, la nuance est importante ! Cette redevance sur la copie privée suppose une gestion collective, favorable à la richesse de la production culturelle. Elle constitue ainsi une aide à la diversité culturelle. Or, discrètement mais sûrement, vous êtes en train de nous en proposer la suppression.

Je ne parle pas de vous, monsieur le ministre, mais de M. Dionis du Séjour au nom de l'UDF. Nous verrons plus tard, lorsque nous discuterons du fameux amendement de la commission, quelle sera votre position.

L'un des amendements déposés vise à imposer les mesures techniques de protection : le but est donc bien d'assécher la redevance sur la copie privée et je ne prétends pas que c'est votre cas, monsieur le ministre !

Pas toujours ! Nous verrons quelle sera la position du Gouvernement, mais en tout cas, certains souhaitent bel et bien supprimer cette redevance - c'est-à-dire le système de gestion collective des droits, garant de la diversité culturelle - au profit de droits totalement individuels, qui rendraient beaucoup plus difficile la percée de jeunes auteurs.

21/12/2005 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur

Ne pas modifier l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle risque de générer, à terme, des situations de conflit. L'exception que nous proposons pour la recherche et l'enseignement est en fait la transposition de la directive européenne, dont votre texte fait abstraction.

Le durcissement de la protection intellectuelle au moyen de dispositifs de sécurité témoigne d'une volonté de réduire le plus possible l'utilisation des œuvres dans tous les domaines, volonté déjà exprimée lors du débat sur le prêt en bibliothèque. Il serait tout de même regrettable que cela ait pour conséquence d'interdire aux chercheurs ou aux enseignants de recourir à des sources documentaires pour illustrer leurs travaux.

Cette possibilité est essentielle pour les chercheurs. Lors des missions parlementaires auxquelles nous participons -je pense à celle sur l'effet de serre - il est fréquent que des chercheurs nous présentent des exposés comprenant des reproductions, de graphiques notamment, appartenant à des institutions. Ne pas prévoir d'exception pour ce type d'utilisation risquerait de mettre ces chercheurs dans l'illégalité, l'usage dont j'ai fait état ne pouvant se rattacher à la reproduction de discours prononcés dans des instances politiques ou administratives, ni à aucun autre usage expressément admis par l'article L. 122-5.

En ce qui concerne l'enseignement, on ne peut que se féliciter que les enseignants ne se contentent plus de l'écrit, mais utilisent tous les dispositifs technologiques pouvant être utilisés en classe. De même, il est désormais fréquent que les élèves du secondaire et les étudiants effectuent des recherches sur internet pour illustrer leurs travaux à la demande des enseignants, d'où la nécessité de les y autoriser sur le plan légal. Il faut impérativement tenir compte des immenses possibilités qu'offrent les nouveaux outils technologiques, ce qui implique d'aller plus loin que la faculté de reproduire de courtes citations, si nous voulons éviter de déclencher des conflits qui devront être tranchés par les tribunaux.

...

blockquote&gt;L'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que les citations reproduites doivent être courtes. Mon amendement a pour objet de supprimer l'obligation de brièveté de la citation et de la remplacer par une obligation de proportionnalité par rapport à l'objectif poursuivi, ce qui éviterait tout conflit sur la taille de la citation.&lt;/blockquote&gt;

Il précise en outre que la citation pourrait être élargie à l'ensemble des œuvres et non pas aux seuls textes, c'est-à-dire également aux phonogrammes et aux vidéogrammes, puisque nous ne sommes plus uniquement dans le monde de l'écrit.

...

Je voudrais également soutenir cet amendement, parce que je ne me satisfais pas non plus de la réponse du ministre. Négocier, certes, mais il y a quand même des dizaines et des dizaines de bibliothèques, qui relèvent de statuts différents : des bibliothèques municipales, départementales, universitaires, des bibliothèques d'instituts et de comités d'entreprise ! Il va donc falloir que l'ensemble de ces établissements négocient pied à pied pour obtenir cette exception et le droit d'utiliser ce qui peut circuler sur internet afin de le mettre à disposition de leurs usagers.

Une évolution importante et positive a progressivement transformé les bibliothèques en médiathèques. La question de l'ouverture de ces bibliothèques aux autres supports a d'ailleurs en son temps suscité de longs et ardus débats. Les industriels concernés ont notamment essayé de refuser le droit aux bibliothèques de mettre à disposition de leur public des vidéocassettes, puis le même débat a eu lieu sur les CD. Aujourd'hui, il semble que l'on recommence une fois de plus au sujet des nouvelles technologies disponibles. Il serait pourtant temps de prendre en compte l'évolution de ces technologies et de les mettre à disposition de l'ensemble des usagers des bibliothèques, sans attendre des négociations qui vont être longues, difficiles, impliquer des acteurs très différents avec le risque d'aboutir à créer des situations différentes selon le type de bibliothèque.

Il serait donc plus sage, monsieur le ministre, d'inclure dès maintenant l'ensemble des bibliothèques publiques ou assimilées au public dans ce projet de loi, plutôt que de s'en remettre à des négociations ultérieures.

Les médiathèques ont déjà mis très longtemps à obtenir le droit de prêt pour des supports comme les vidéocassettes, les CD ou les DVD. Attendre d'éventuelles négociations ne fera qu'accuser leur retard, ce qui n'est pas la meilleure façon de favoriser la fréquentation de ces lieux essentiels pour l'accès à la culture du plus grand nombre dans notre pays.

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Cet amendement est très important.

Le 7° de l'article 1er concerne une des deux seules exceptions prévues par le projet de loi, celle en faveur des personnes atteintes de handicap. Mais cette exception ne prévoit que « la reproduction et la représentation » des œuvres, ce qui est insuffisant. C'est pourquoi l'amendement n° 121 a en premier lieu pour objet d'ajouter « la transcription » en braille ou sous forme sonore, afin que les possibilités d'accès aux œuvres ne soient pas limitées, ce qui serait le cas si nous devions nous contenter d'une simple « reproduction » ou « représentation » des œuvres.

Deuxièmement, le texte de loi prévoit que la reproduction, évidemment à des fins non commerciales - je suis d'accord sur ce point - est assurée par des personnes morales dont la liste est arrêtée. Or, il existe aujourd'hui des établissements - bibliothèques spécialisées ou centres de documentation spécialisés - qui réalisent ces reproductions. Ils doivent être ajoutés aux personnes morales citées dans le texte.

Troisième et dernier point : afin de bénéficier de la « représentation », de la « reproduction » ou de la « transcription », encore faut-il que les œuvres d'origine, notamment les œuvres écrites - livres ou périodiques - soient disponibles sous forme de fichiers accessibles, sans qu'il soit besoin de tout ressaisir, ce qui prend évidemment un temps considérable. Les associations donnent l'exemple des livres scolaires dont les éditeurs refusent de fournir les sources sous forme de fichiers : les enfants n'ont accès à ces ouvrages sous le format adapté que vers le mois d'avril ! Ce troisième point a donc pour objet de rendre réellement efficace l'exception prévue au 7° de l'article 1er.

À l'heure actuelle, les négociations n'ont permis de rendre disponibles aux fins de transcription que 1 500 titres. L'inégalité, notamment pour les personnes malvoyantes, dans l'accès à la culture est flagrante. Ce serait la moindre des choses que de leur permettre un accès bien plus large, voire à égalité, ce qui suppose, je le répète, l'accès automatique à des fichiers sous forme adaptée. À cette fin, nous devons faire sauter tous les verrous qui, aujourd'hui encore, cantonnent toutes les personnes atteintes de handicap visuel à un nombre très limité d'ouvrages.

...

Il est bien d'inscrire dans la loi une exception en faveur des handicapés, encore faut-il la rendre efficace ! Autrement, si la loi ne prévoit pas les moyens de la mettre en pratique, elle n'aura d'effet qu'en termes d'image, et non sur le quotidien des personnes concernées, qui ne pourront que difficilement y avoir accès. Telle est la raison pour laquelle l'amendement prévoit : « À cette fin, les éditeurs garantissent l'accès à une version définitive de l'œuvre dans un format électronique exploitable, lorsqu'un tel fichier existe » - cette dernière précision visant les ouvrages parus avant la saisie informatique, qui ne sauraient être concernés par une telle obligation. C'est fondamental, sinon l'exception restera un vain mot.

De plus, il y urgence en la matière et on ne saurait attendre la fin des négociations ou le bon vouloir des éditeurs, sans quoi les personnes concernées continueront d'avoir accès aux œuvres des années après leur parution.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous avez soulevé le risque de fuites en cas d'autorisation donnée non seulement aux personnes morales, mais également à des établissements publics comme les bibliothèques ou les centres de documentation. Or, c'est précisément pour parer un tel risque que l'amendement précise dans la dernière phrase : « Dès lors que les personnes bénéficiaires ont un accès à une version définitive de l'œuvre, elles garantissent aux éditeurs la confidentialité et l'absence de divulgation de ces fichiers dont l'usage reste limité en leur sein et à l'objet prévu. » L'amendement répond donc bien à votre préoccupation.

21/12/2005 Débats DADVSI : discussion générale

Monsieur le président, monsieur le ministre, je voudrais d'abord émettre une protestation sur la façon dont le projet de loi est examiné par notre assemblée : il n'a pas été présenté devant la commission des affaires culturelles mais devant la commission des lois ! À croire que, finalement, l'aspect culturel du texte devient marginal, et que ce qui importe, c'est son aspect répressif.

Le choix de la commission des lois en dit plus que tout le reste ! La commission des affaires culturelles aurait pu être co-saisie - cela s'est déjà produit pour d'autres projets de loi.

De plus, ce texte, rédigé en 2003, mais examiné en commission seulement en juin, est aujourd'hui présenté en urgence devant notre assemblée !

Ce délai aurait pu être mis à profit pour organiser un débat préparatoire approfondi et pluraliste, au lieu de cette course aux lobbies. Je m'étonne d'ailleurs que la commission n'ait pas auditionné les associations de bibliothécaires, de documentalistes et d'archivistes, réunies dans une inter-association et qui, aux côtés de l'Association des maires de France et de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, dénoncent ce projet comme l'une des législations les plus déséquilibrées d'Europe. Vous n'avez pas non plus auditionné les chercheurs, et c'est en catastrophe que les utilisateurs de logiciels libres l'ont été ces jours derniers, me semble-t-il, au ministère - leur pétition visant au rejet du texte actuel a recueilli à cette heure plus de 100 000 signatures.

Beaucoup sur les bancs de la majorité présentent cette discussion comme un arbitrage entre propriété intellectuelle et gratuité sur Internet - nous l'avons entendu au cours de précédentes interventions. Et, afin de nous faire peur, d'aucuns nous citent les quelques internautes accusés d'avoir téléchargé de la musique pour la revendre. Il s'agit effectivement dans ce cas d'une utilisation commerciale frauduleuse déjà réprimée par la loi.

Le débat n'est pas là : il est entre deux conceptions de la culture. La première est une conception ouverte qui respecte le droit des auteurs et les rémunère, mais n'oublie pas que la culture est aussi échange, partage et don, et non une simple addition de consommations individuelles où chacun est devant son écran d'ordinateur en fonction de ses revenus. La seconde, celle que vous nous proposez, s'intéresse en priorité au verrouillage du partage des œuvres culturelles et des contenus et se préoccupe surtout des intérêts des majors de la musique et du film.

Ce ne sont pas uniquement les échanges sur Internet, mais bien tous les supports, notamment multimédias, qui seront concernés par les nouveaux dispositifs législatifs. Cette loi qui légalise les « mesures techniques de protection » - les fameux DRM - aura pour conséquence de renforcer le monopole d'une grande entreprise nord-américaine bien connue de systèmes d'exploitation et de logiciels.

Ce sont donc également deux conceptions de l'informatique qui s'opposent, la première entre les mains de quelques multinationales cherchant à tout verrouiller en vue de drainer l'ensemble des flux financiers, la seconde fondée sur la conception du logiciel libre. La concurrence entre ces deux acteurs est certes inégale, mais au moins le choix existe-t-il. Après le vote de ce texte, encore aggravé par l'adoption éventuelle de certains amendements, il n'y aura plus aucun choix ! En effet, la disposition principale du texte, aux articles 7 et suivants, légitime les mesures techniques anti-copies. Ces verrous ne sont pas là uniquement pour empêcher une reproduction illimitée des œuvres, mais plus globalement pour rendre chaque utilisation marchande - je pense notamment à l'institution de péages permanents visant à limiter le nombre autorisé de lectures.

Ainsi, l'acheteur d'un DVD devra en même temps acheter l'appareil et le logiciel de lecture compatibles. Nous sommes en pleine régression : les biens culturels étant rendus inaccessibles en raison d'un matériel inadapté, il conviendra de changer de matériel, ce qui introduira une nouvelle fracture numérique entre ceux qui disposeront des moyens financiers pour le faire et les autres - ce qui rappelle la bataille des formats des premières vidéocassettes du début des années 80.

Si l'acquisition s'effectue en ligne, l'ordinateur sera truffé de « mouchards », dont son propriétaire ne connaîtra pas les conséquences, sans compter le risque d'introduction de virus - comme l'a montré l'expérience récente de Sony. Avez-vous par ailleurs pensé à tous ceux qui, dans différents secteurs, utilisent aujourd'hui des logiciels libres : simples utilisateurs, chercheurs, institutionnels et entreprises - dont une des moindres n'est pas Thales ?

Ces mesures techniques risquent de limiter les possibilités d'accès gratuit aux œuvres légalement tombées dans le domaine public lors de l'extinction des droits patrimoniaux - domaine public dont le principe courra ainsi le risque d'être remis en cause.

De plus, ce texte va bien au-delà des obligations de la directive européenne que nous sommes censés transposer. Les articles 13 et 14 assimilent à un délit de contrefaçon, passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende, les simples faits de « contournement » ou de « neutralisation » des mesures techniques. Je sais qu'une « riposte graduée » est désormais envisagée.

Monsieur le ministre, je me fonde sur le texte de loi ! Nous examinerons les amendements en leur temps - amendements que nous n'avions d'ailleurs pas tous reçus hier !

Ainsi, si une personne contourne une mesure technique anti-copie, afin de faire une copie privée - ce qui est en principe licite -, elle peut être condamnée pour contrefaçon. Si ce n'est pas une guerre contre le logiciel libre, cela y ressemble beaucoup !

Il est donc indispensable que la loi prévoie des garde-fous visant à empêcher les mesures techniques de faire obstacle à l'interopérabilité entre systèmes d'exploitation. Je soutiendrai également l'amendement de certains de nos collègues de la majorité, qui vise à exclure les protocoles, les formats et les méthodes de brouillage, de cryptage et de transformation de la définition des mesures techniques, ainsi que l'amendement qui tend à interdire toute restriction du nombre de lectures lorsque le premier accès à l'œuvre est licite.

Par ailleurs, comment comprendre le refus du Gouvernement d'étendre aux bibliothèques, aux musées et aux archives, ainsi qu'aux enseignants et aux chercheurs, les exceptions aux droits de propriété intellectuelle ? Quant à celle relative au handicap, elle est, en l'état actuel du texte, insuffisante. Il semble que le Gouvernement a préparé un amendement sur le sujet : nous l'examinerons lorsque nous en serons à la discussion des articles. Je rappelle que certaines vérités, énoncées au cours du débat sur le droit à prêts en bibliothèque, paraissent aujourd'hui oubliées. Nous y reviendrons également lors de la discussion des articles.

Au-delà de mon opposition générale à la philosophie du texte, ainsi qu'aux amendements scélérats déposés par certains de nos collègues qui se font les relais des grands lobbies dans leur guerre contre le monde du logiciel libre - certains allant jusqu'à imposer le principe des DRM ! -, il reste la question de la juste rémunération des créateurs, alors que se développent les téléchargements de fichiers et l'échange au moyen des logiciels de communication de peer to peer. Chaque nouvelle technologie est accusée de mettre en péril la diffusion des œuvres et leur rémunération. Ce fut le cas à l'arrivée des cassettes audio. De même, les films en vidéocassettes ont été accusés de tuer les cinémas, et le prêt en bibliothèque de faire baisser la vente de livres, alors que toutes les études ont démontré que les plus gros emprunteurs en bibliothèque sont également les plus gros acheteurs de livres. La question consiste donc bien à trouver, à chaque fois, un nouvel équilibre. Le projet de licence globale optionnelle, tel qu'il a mûri depuis plusieurs mois, peut être une solution. Loin des caricatures qui en ont été faites, il mérite un examen sérieux.

Je maintiens donc l'opposition des députés Verts à un texte qui va à l'encontre de l'esprit de liberté, d'horizontalité et de partage des cultures numériques que, dans le cadre du respect du droit d'auteur, Internet et les technologies multimédias doivent continuer à promouvoir.