MartineBillard : Différence entre versions

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===== 30/03/2009 [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090207.asp#INTER_1 Débats HADOPI : Reprise des débats, Nouvelle-Zélande, Lambridinis] =====
  
 
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Version du 31 mars 2009 à 14:23

Sommaire

Mémoire politique : Martine Billard, députée

Martine Billard

Informations générales

  • Née le 07 octobre 1952 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)
  • Circonscription d'élection : Paris (75), 1ère circonscription
    Cantons de 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements
  • Groupe politique : Gauche démocrate et républicaine
  • Profession : Bibliothécaire
Calligraphy.png
Contact
{{#icon:Mp_cliquez_pour_appeler.png|01 40 63 01 11||callto://+33140630111}}
  • Assemblée nationale 126 rue de l'Université, 75355 Paris 07 SP
    Tél. : 01 40 63 01 11 - Fax : 01 40 63 01 91
  • 14 Rue Saint-Germain-l'Auxerrois, 75001 Paris
    Tél. : 01 42 36 04 52 - Fax : 01 42 36 04 53


Fonctions à l'Assemblée nationale

  • Commission : Commission des affaires culturelles, familiales et sociales (Membre), Commission chargée de l'application de l'article 26 de la Constitution (Membre suppléante)
  • Délégation et Office : Secrétaire de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes
  • Groupe d'amitié : Argentine (Vice-Présidente), Bolivie (Vice-Présidente), Chili (Vice-Présidente), Colombie (Vice-Présidente), Equateur (Vice-Présidente), Guatemala (Vice-Présidente), Uruguay (Vice-Présidente)
  • Groupe d'études : Sida (Vice-Présidente), Pénibilité du travail et maladies professionnelles (Membre)
  • Mission d'information : Membre de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mandats

  • Mandats et fonctions en cours à l'Assemblée nationale
    • Élections du 17/06/2007 - Mandat du 20/06/2007 (élections générales)
  • Anciens mandats et fonctions à l'Assemblée nationale
    • Élections du 16/06/2002 - Mandat du 19/06/2002 (élections générales) au 19/06/2007 (Fin de législature)
  • Organismes extra-parlementaires
    • Membre suppléante du conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale
  • Anciens mandats locaux
    • Conseil municipal de Paris 20ème Arrondissement (Paris)
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Conseillère
    • Conseil de Paris (Paris)
    • Conseil de Paris
      • Mandat du 19/06/1995 au 18/03/2001 : Conseillère de Paris

Prises de positions

Sources d'informations

Positions

Merci d'enrichir cette partie en y rapportant les prises de positions de Martine Billard concernant les sujets traités par La Quadrature du Net (consultez la page Aide:Memoire_politique pour savoir comment faire).


30/03/2009 Débats HADOPI : Amendement 38, changement des nominations

C’est la CNIL qu’on assassine par deux fois ! Je considère qu’il faut maintenir un de ses représentants dans le collège des personnes qualifiées. Sur ces questions, en effet, qui est mieux qualifié que la CNIL ?

Par ailleurs, je relève que lors du vote précédent, pour que, à égalité des voix, l’amendement ne soit pas adopté, il a fallu que le président de séance vote, ce qui n’arrive pas fréquemment. J’ai rarement vu cela en plusieurs années de mandat ! Je tiens à le souligner pour que cela figure dans le compte rendu de nos travaux, et qu’on sache comment a été sauvé le revirement de la rapporteure de la commission des affaires culturelles.

Je crois, en effet, que nous sommes bien partis pour connaître d’autres moments historiques

30/03/2009 Débats HADOPI : amdt 342, CNIL

Cet amendement est un amendement du groupe GDR, que j’ai défendu en commission des affaires culturelles, et que celle-ci a adopté. Or, madame la rapporteure pour avis, vous rapportez au nom de la commission. C’est après que auriez dû prendre la parole en votre nom personnel.

Il y a quand même un petit problème. À partir du moment où un amendement est défendu en commission, le rapporteur de cette commission le présente tel qu’il a été adopté. Sinon, il y a un mélange des genres, et l’on ne sait plus très bien où l’on en est. C’est un premier problème que je tenais à souligner, et qui sera encore plus important quand le texte examiné en séance sera le texte adopté par la commission. On risque de ne plus s’y retrouver.

S’agissant maintenant du contenu de cet amendement, la rapporteure nous dit que la CNIL dispose de tous les moyens nécessaires par ailleurs, et qu’il n’est pas nécessaire que l’un de ses membres appartienne au collège de la HADOPI.

Je rappelle d’abord que la CNIL dispose hélas de peu de moyens, compte tenu de l’ampleur des tâches qui sont les siennes. En outre, ce projet de loi confie beaucoup de missions à la HADOPI, notamment celle de valider les offres légales. On voit mal comment elle pourra valider rapidement tout ce qu’on lui demande de valider si elle ne peut pas compter sur un représentant de la CNIL pour lui dire où sont les risques de dérapage par rapport à ses missions.

En outre, ce texte prévoit la constitution de fichiers pour garder en mémoire les mails envoyés à titre de premier avertissement, les lettres recommandées à titre de deuxième avertissement, ainsi que les éventuelles coupures.

Il a été calculé que la commission de protection des droits aurait à peu près 25 secondes pour trancher sur les demandes.

Il me semble donc important qu’un représentant de la CNIL siège au sein du collège de la HADOPI pour garantir la protection des droits des usagers. Car sinon, il risque d’y avoir des dérapages.

Prenons l’exemple du STIC. Voici ce qu’en dit la CNIL : erreurs de saisie ; manque de rigueur dans la consultation ; absence quasi-systématique de mise à jour. Elle précise que le STIC a des conséquences sociales considérables, puisque l’inscription d’une personne dans ce fichier peut entraîner des refus d’embauche, voire des licenciements, pour des personnes qui s’y retrouvent abusivement.

La CNIL avait travaillé sur un échantillon d’affaires portant sur l’année 2007. Elle avait relevé que les décisions de classement sans suite n’ont été transmises que dans 21 % des cas, les relaxes dans 31 % des cas, les acquittements dans 7 % des cas et les non-lieux dans 0,5 % des cas.

Ce qui veut dire que s’il n’y a pas un représentant de la CNIL dans le collège de la HADOPI, il risque de se produire des situations dans lesquelles les internautes seront obligés, après coup, de saisir la CNIL, d’abord pour avoir accès aux fiches les concernant. Or, on sait que c’est particulièrement difficile, et compte tenu, justement, des faibles moyens de la CNIL, madame la rapporteure pour avis, il faut des mois et des mois pour obtenir l’accès aux différentes fiches auxquelles tout citoyen a le droit d’avoir accès pour vérifier que les informations qui y sont contenues ne soient pas préjudiciables et ne soient pas erronées.

Il vaut mieux prévenir que guérir. Le vote de la commission des affaires culturelles était un vote tout à fait éclairé. Je pense que notre assemblée doit le confirmer.

30/03/2009 Débats HADOPI : amdt 340

Il s’agit d’un amendement de précision. Nous abordons l’article L. 331-15 du code de la propriété intellectuelle, relatif à la composition du collège de la Haute Autorité. Or, si l’alinéa 17 de l’article 2 dit que le collège est composé de neuf membres nommés par décret pour une durée de six ans, le texte dispose plus loin qu’une partie des membres du collège n’est pas nommée pour six ans, mais, par tirage au sort, pour quatre ans.

Il semble assez absurde de préciser, dans un premier temps, à l’alinéa 17, que la durée du mandat est de six ans, pour revenir sur cette durée à l’alinéa 26. Nous reviendrons de toute façon sur la question puisque le groupe GDR présentera d’autres amendements sur la composition du collège.

Si nous persistons à penser que ce texte est inefficace et inapplicable, au moins souhaiterions-nous qu’il ne comporte pas de dispositions contradictoires, susceptibles de brouiller son interprétation. Depuis la loi DASVI, nous disposons d’exemples suffisamment nombreux de lois inapplicables à propos d’Internet.

30/03/2009 Débats HADOPI : amdt 406

Il est en effet important de pouvoir bénéficier d’un rapport assez rapidement car de nombreuses incertitudes pèsent sur les dispositions figurant dans ce texte.

Madame la ministre, vous avez beau souligner le fait que le rapport adopté par le Parlement européen n’a aucune valeur juridique et que le Conseil européen a approuvé les dispositions du Paquet Télécoms, il n’en reste pas moins que le Conseil rassemble les représentants des gouvernements et le Parlement les représentants élus par les différents peuples de l’Union européenne. Vouloir opposer l’un à l’autre, surtout à quelques mois des élections européennes, ne laisse pas d’inquiéter quant à l’appréciation que vous portez sur le rôle de ce parlement.

Outre les désaccords de fond, de nombreux doutes pèsent sur le texte, puisque même les fournisseurs d’accès à Internet ne sont pas aussi disposés que vous le prétendez à appliquer la loi : ils soulignent en effet que le texte sera inapplicable, au moins dans les dix-huit prochains mois, pour des raisons d’ordre technique. C’est la raison pour laquelle, je le répète, il sera nécessaire de disposer rapidement d’un rapport pour connaître la situation exacte.

Par ailleurs, Mme Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique, semble à juste titre considérer qu’il sera très facile de contourner les dispositifs prévus par le texte.

Enfin, madame la ministre, je tiens à citer ici les propos du Premier ministre néo-zélandais – ce ne sont donc pas seulement quatre gus dans un garage qui disent leur opposition à de telles mesures !

[C.Paul injerjecte «cinq !»] Cinq, vous avez raison. Il y en a même aujourd'hui beaucoup plus !

« Nous sommes, dit le Premier ministre néo-zélandais, reconnaissants au Gouvernement de s’être abstenu de permettre qu’Internet soit compromis sur la base des intérêts commerciaux étroits des industries du divertissement, qui tentent de sauver des modèles économiques chancelants. Ces industries devraient se concentrer sur l’éducation de leurs clients, pas sur les menaces. »

Lorsqu’un Premier ministre considère, lui aussi, que le problème est celui du passage d’un modèle culturel à un autre sur fond de modèles économiques chancelants, il serait temps de vous interroger sur votre obstination à vous voiler la face pour ne pas voir que ces derniers sont condamnés. La remise rapide d’un rapport permettrait d’éviter une nouvelle catastrophe, celle que nous avons connue avec la DADVSI étant à nos yeux suffisante. En effet, si ce texte n’avait pas été adopté, nous aurions économisé des heures de séances et des articles de code inutiles et nous aurions pu nous consacrer à permettre aux artistes et aux internautes de trouver ensemble des solutions conciliant la protection des droits d’auteur et celle de l’exercice de la liberté sur Internet. Il ne saurait être question en effet ni d’opposer la liberté aux droits d’auteur ni de la brider par de prétendues solutions techniques en fait inapplicables.

30/03/2009 Débats HADOPI : Reprise des débats, Nouvelle-Zélande, Lambridinis

Monsieur le président, j’aimerais savoir comment sera organisée la suite de nos débats sur ce projet de loi. En effet, comme vient de le souligner notre collègue, depuis le 12 mars, deux changements sont intervenus qui sont de nature à modifier l’appréciation du Gouvernement.

Mme la ministre a souvent invoqué, pour défendre son texte, le fait que d’autres pays prenaient des mesures similaires. Or nous avons appris que la Nouvelle-Zélande avait abandonné la riposte graduée et décidé de protéger le caractère ouvert d’Internet. Son Premier ministre s’est exprimé en ce sens.

Par ailleurs, le Parlement européen a voté à une écrasante majorité le rapport Lambrinidis. Il a réaffirmé pour la deuxième fois que la coupure de l’accès à Internet est contraire aux droits à la culture, à l’éducation, à la liberté d’information et considéré que « l’évolution d’Internet prouve qu’il devient un outil indispensable pour promouvoir des initiatives démocratiques ». Vous avez affirmé, madame la ministre, que cela n’entraînait aucune conséquence pour votre projet de loi. Mais comment le Gouvernement peut-il s’obstiner de la sorte à instaurer une riposte graduée allant jusqu’à la coupure des connexions Internet quand les pays ayant envisagé cette solution l’abandonnent les uns après les autres et que le Parlement européen s’y oppose, deux fois de suite, à une si forte majorité ?

J’aimerais donc savoir, madame la ministre, comment vous comptez prendre en compte ces évolutions et éviter que la France reste à la traîne en ce domaine.

12/03/2009 Débats HADOPI : droits fondamentaux, offres commerciales légales, labellisation, DRM, logiciels libres

À entendre ses réponses, je sens que Mme la ministre est en train de faiblir.

On peut être fatigué, mais les droits de la défense sont tout de même un point important sur lequel je ne partage pas l'enthousiasme de notre rapporteur.

Bien sûr, c'est dans le droit, mais dans la pratique il risque d'y avoir un problème.

D'abord, on se réfère au droit pour les sanctions. Mais avant, il y a les avertissements. Or quelle conséquence auront ceux-ci pour l'internaute ? D'ailleurs, pas pour l'internaute, pour le titulaire de l'abonnement, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

Le titulaire de l'abonnement, donc, recevra un avertissement, et il sera fiché parce qu'il faut bien garder une mémoire pour le deuxième avertissement puis la sanction éventuelle. À cette étape, il n'y a pas de procédure contradictoire puisqu'il n'y a pas encore de sanction. Des amendements ont prévu que les abonnés auront la possibilité d'adresser à la commission leur appréciation de la réalité du manquement qu'on leur impute. Cet après-midi, Mme la ministre a indiqué qu'ils pourraient apporter la preuve qu'ils n'avaient pas procédé au téléchargement abusif avec leur disque dur. Mais ce type de preuve n'est recevable que dans une procédure où la police judiciaire débarque chez vous et vérifie in situ que le disque dur contient bien la preuve du délit commis. Or ce sera à eux de prendre leur disque dur sous le bras. Outre que je connais peu de nos concitoyens qui soient capables de démonter leur disque dur, si leur ordinateur est sous garantie, ils ne pourront pas l'ouvrir sous peine de perdre cette dernière, ce qui pose un problème. Du reste, cela ne prouverait rien du tout : vous pouvez très bien changer de disque dur ou en effacer certaines données – si vous êtes très doué, vous y arriverez beaucoup mieux que certains élus parisiens à propos des faux électeurs.

C'est pourquoi j'appréhende mal la procédure contradictoire avant la sanction. C'est une des critiques, parmi beaucoup d'autres, que nous faisons à ce dispositif. Vous allez incriminer des titulaires d'abonnement qui n'auront rien à voir avec ce qui leur sera reproché.

Pour prendre un dernier exemple, une personne qui a souscrit un abonnement triple play pour avoir la téléphonie et la télévision n'a pas forcément Internet, même si elle a la ligne. Or cette ligne peut être piratée. Dans ce cas, la commission de protection envoie un mail signalant un téléchargement abusif via cette connexion internet. Mais la personne ne reçoit jamais ce mail puisqu'elle n'a pas de connexion internet ! Pour peu qu'elle ait quelques difficultés financières et n'ouvre pas non plus ses lettres recommandées, comme cela se produit souvent, elle se retrouve avec une coupure de connexion, ce qui en soi n'est pas très grave puisqu'elle n'a pas de connexion...

Ce qui est bancal, c'est qu'elle a la sanction et qu'elle est fichée. Ce n'est pas n'importe quoi ! Quand on voit comment fonctionne le STIC, ce fameux fichier où des tas de personnes sont mises en cause alors qu'elles ne devraient pas l'être...

[La commission des lois s'en occupe !] Fantastique ! Si la commission des lois s'occupe de faire vider le STIC de tous ceux qui ne devraient pas y être, et il y a, en effet, beaucoup de travail, comme l'a signalé un rapport récent, je vous invite, monsieur le président de la commission des lois, à veiller à ce que les abus de stockage ne s'y reproduisent pas, et à être tout aussi vigilant s'agissant du fichier des titulaires d'abonnement qui seraient mis en cause.

[...]

L'expression « offre légale » est très ambiguë. En effet, il existe à la fois des œuvres commerciales et des offres sans objet lucratif, et je ne vois pas très bien ce que vient faire l'HADOPI dans cette surveillance des offres sans but lucratif. Chaque auteur peut mettre ses œuvres à disposition sur Internet. Pourquoi, dans ce cas, aurait-on besoin d'une Haute Autorité pour surveiller cette mise à disposition ? Quand on pense au nombre de lettres recommandées qu'elle va devoir envoyer – si l'on en croit ce que l'on nous annonce –, elle risque d'être passablement débordée et il n'est peut-être pas très judicieux de lui confier en plus cette obligation, qui n'aura pas, en soi, beaucoup de conséquences.

D'autre part, dans votre exposé sommaire, monsieur le rapporteur, il est question de « réserver la labellisation de l'HADOPI aux seules offres commercialisées ». De quelle labellisation s'agit-il ? demandait avec raison notre collègue Christian Paul.

L'HADOPI pourrait-elle décider que telle offre commerciale ne peut pas recevoir son label ? Peut-être y a-t-il une erreur dans l'exposé sommaire, mais il faudrait que ce soit clair, car nulle part il n'est prévu que l'HADOPI labellise les offres, qu'elles soient commerciales ou pas. Il est important, monsieur le rapporteur, de clarifier vos intentions. Si, vraiment, il doit y avoir une labellisation des offres par l'HADOPI, cela ouvre un autre débat et pose de nouveaux problèmes. Nous avons réussi à perdre, en cours de route, les listes blanches de sites.

Il ne faudrait pas que nous en venions maintenant à labelliser les offres sur internet.

[...]

J'évoquerai d'abord la labellisation. Je reconnais, monsieur le rapporteur, que j'avais oublié l'alinéa 120, vous avez eu raison de le rappeler, car la labellisation est une question qui interpelle. Cela signifie-t-il que, dans les moteurs de recherche, les sites labellisés seront privilégiés ? Je regrette, monsieur le président, que nous n'ayons pas pu avoir ce débat, même si, en effet, il est décalé par rapport à l'ordre des alinéas. Cela aurait permis de clore la discussion à ce sujet. Quoi qu'il en soit, je préférerais être rassurée concernant les conséquences de ce label.

Mais je reviens à l'amendement n° 34. L'alinéa 10 indique que l'HADOPI s'occupe des mesures techniques de protection, ce qui prouve l'intérêt du débat précédent sur la suppression de ces mesures de protection ou sur l'interopérabilité. Avant la fin de la séance de cet après-midi, j'ai dit que je regrettais de ne pas pouvoir citer les propos tenus à ce sujet par le précédent ministre de la culture. J'ai retrouvé l'intervention s'y rapportant et je vais vous en lire quelques passages pour montrer qu'il y avait bien eu, parmi nos thèmes de discussion, le principe de l'interopérabilité des mesures de protection.

Je cite les propos du ministre de la culture et de la communication de l'époque, Renaud Donnedieu de Vabres, tenus le 14 mars 2006 : « Je voudrais d'autre part attirer votre attention sur le fait que les mesures techniques de protection ne sont pas qu'un dispositif de verrouillage sans aspect positif pour le consommateur. » Au moins, il reconnaissait que c'était un dispositif de verrouillage. « Elles rendent possible en effet une grande diversité de l'offre. » On a vu ce qu'il en a été...

M. Donnedieu de Vabres poursuit : « Je veux bien le redire haut et fort ce soir : [l'interopérabilité,] c'est la liberté d'utiliser le support de son choix, de choisir un logiciel libre ou propriétaire, et de faire en sorte que la lecture d'une œuvre légalement acquise soit possible sur tous les supports ». Voilà ce qu'il entendait par interopérabilité. Le débat avait bien abouti à ce que le ministre s'engage sur cette question.

Je continue à le citer : « Les créateurs de logiciels libres continuent à bénéficier de l'exception de décompilation qui est explicitement rappelée. Ils peuvent d'autre part s'appuyer sur les mesures garantissant l'interopérabilité pour développer des logiciels compatibles avec des œuvres protégées. Ce sont précisément les questions soulevées par les auteurs de logiciels libres qui nous ont conduits à ne pas sanctionner le contournement des mesures techniques à des fins d'interopérabilité. »

Ce principe avait donc été reconnu dans le débat sur la loi DADVSI par le ministre de l'époque. Je regrette que, trois ans après, nous en soyons toujours au même point, malgré la démonstration de l'inefficacité des DRM qui, contrairement à ce que pensait le ministre, n'ont pas entraîné une plus grande diversité de l'offre. On fait comme si rien ne s'était passé et l'on se contente de dire qu'il y a des accords pour ceux qui acceptent d'enlever les DRM. Faute de quoi, ils devront être surveillés, et ce sera la mission de régulation de l'HADOPI.

12/03/2009 Débats HADOPI : propagande, DADVSI, sanctions, information sur la répartition des revenus de la création, contribution créative, taxe sur la publicité, industrie du divertissement, logiciels de sécurisation, DRM, interopérabilité, logiciel libre

Deux erreurs ont été commises : une par moi-même – j'ai l'honnêteté de le reconnaître –, une autre par Mme la ministre.

Mon erreur porte sur le marketing viral et les spots viraux, auxquels j'ai fait référence à propos des mails envoyés par la société servant de support au courrier du site « jaimelesartistes.fr ». Ces pratiques ne sont en fait pas illégales, il s'agit de techniques de commercialisation de spams. Mais cela n'enlève rien à leur caractère intrusif s'agissant d'adresses privées, comme j'ai pu en faire l'expérience. J'aimerais donc savoir, madame la ministre, si dans le marché passé entre le ministère et cette entreprise, il était prévu d'envoyer des spams commerciaux intrusifs vers les boîtes mail privées des députés ?

J'en viens à l'erreur de Mme la ministre : sur la page d'accueil du site « jaimelesartistes.fr », on ne trouve pas le logo du ministère qui figure, en revanche, en gros sur les mails envoyés quotidiennement par cette fameuse société que je viens de citer.

[...]

Madame la ministre, la loi DADVSI n'est pas la transposition pure et simple de la directive européenne. Elle la transposée en partie seulement. À l'époque, la France a été le pays qui l'a transposée de la façon la plus dure, puisque les exceptions pour copies privées ont été transposées au strict minimum. Qu'il s'agisse de l'enseignement, des bibliothèques ou des personnes en situation de handicap, les autres pays ont transposé la directive de façon beaucoup plus large.

S'agissant des DRM, les députés de l'opposition et un certain nombre de députés de la majorité avaient indiqué quels problèmes cela posait. Nous avions tellement tort que ces DRM ont disparu en partie, mais pas totalement ! Il faut donc les supprimer totalement.

Ce matin, j'ai évoqué, en défendant la motion de renvoi en commission, la mesure qui avait été proposée par M. Dutoit, député communiste de Marseille, dans le cadre de la loi DADVSI. Cette mesure, qui avait été maintenue en commission mixte paritaire, prévoyait la possibilité pour les auteurs qui le souhaitaient de mettre leurs oeuvres à la disposition du public sur une plate-forme légale publique. Or, cette disposition n'a jamais été mise en œuvre. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un hasard.

Il serait donc sage d'abroger la loi DADVSI et de reprendre les quelques mesures indispensables qui y figurent plutôt que de juxtaposer cette loi et ce nouveau texte.

[...]

Madame la rapporteure pour avis, la sanction pénale ne sera pas remplacée par la sanction administrative : les deux existeront désormais !

Vous auriez pu réserver la sanction pénale aux internautes qui organisent les téléchargements illégaux pour en tirer une source de revenus, ce qui me semblerait juste. Or l'internaute lambda qui, pour telle ou telle raison, se contente d'écouter un titre sans payer de droits, est lui aussi concerné par la sanction pénale. Vous auriez pu différencier les sanctions puisqu'il s'agit de deux cas différents. Vous ne l'avez pas fait !

Selon vous, le dispositif prévu par l'amendement serait trop compliqué à appliquer. C'est une attitude étonnante puisque nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut absolument informer les internautes de la nécessité de rémunérer les auteurs. Il faut les convaincre que lorsqu'ils écoutent abusivement des œuvres qui n'ont pas été mises gratuitement à la disposition du public, ils commettent un préjudice à l'encontre des auteurs. Or, justement, l'amendement de nos collègues socialistes permettrait aux internautes d'en prendre pleinement conscience.

Toute diffusion de musique doit être déclarée à la SACEM. Et l'on peut faire confiance à cette dernière pour poursuivre les contrevenants qui, s'ils ne déclarent pas la musique qu'ils ont diffusée, lèsent les auteurs. J'ai moi-même été confrontée à cette situation il y a très longtemps, dans ma jeunesse. J'avais diffusé de la musique à l'occasion d'une petite fête et les employés de la SACEM sont arrivés pour me faire payer des droits, ce qui était juste.

Par conséquent, grâce aux performances de l'outil informatique et malgré une inévitable fraude, il paraît simple de déterminer la part qui revient à tel ou tel auteur à partir des déclarations à la SACEM de ceux qui diffusent de la musique. C'est pourquoi je ne comprends pas votre argument selon lequel ce calcul serait très difficile.

[...]

Le débat est intéressant. J'ai l'impression que ni Mme la ministre ni notre collègue Dionis du Séjour n'ont lu l'amendement [n°444] ou écouté sa défense.

L'amendement propose un rapport, c'est-à-dire une étude sur la question. On nous avait vendu la loi DADVSI qui devait tout résoudre – elle n'a rien résolu – ; un rapport devait être remis dans les dix-huit mois au Parlement, mais nous ne l'avons jamais vu.

Aujourd'hui, nous légiférons sur un nouveau texte sans réelle étude d'impact préalable puisque les seules études dont nous disposons sont celles réalisées par les sociétés intéressées au sujet. Avec la réforme de notre fonctionnement, les études d'impact devraient être obligatoires. Il serait donc intéressant d'en disposer.

Ensuite, les propositions de nos collègues socialistes ont évolué. Avant, ils prônaient la licence globale facultative pour les internautes. Tous les auteurs étaient concernés et les internautes payaient ou non. Je pensais que cela ne pouvait pas marcher. Nos collègues nous proposent aujourd'hui une contribution créative des auteurs volontaires. Les auteurs qui le souhaiteront participeront et pourront ainsi voir leurs œuvres mises en ligne sur cette plateforme. Ceux qui ne le souhaiteront pas continueront à mettre leurs œuvres à disposition sur des sites payants ou en streaming sur Deezer par exemple. Il n'y a donc pas de spoliation des auteurs. Chacun décidera de ce qu'il fera. Le seul débat qui subsiste, c'est la petite contribution supplémentaire que devront payer les internautes dans leur abonnement Internet.

On nous dit : ce n'est pas comme la copie privée. Moi, je ne télécharge pas de musique, je suis de la vieille école qui achète des CD. Nous sommes dépassés. Je fais partie de ces dinosaures qui achètent encore des CD et ne téléchargent pas !

J'achète des CD pour sauvegarder mon travail, pour l'Assemblée par exemple, ou pour des photos de vacances, comme tout un chacun. Je paye la redevance pour copie privée. Pourtant, je n'en fais pas ! Je pourrais donc m'interroger sur le bien-fondé de ce paiement.

Monsieur le rapporteur, vous n'étiez pas là au moment de l'examen de la loi DADVSI, mais certains de vos collègues du groupe UMP avaient proposé la suppression de la redevance pour copie privée, considérant qu'à partir du moment où l'on payait les téléchargements, il n'y avait plus de raison d'avoir une redevance pour copie privée. Et il s'en était fallu de peu que ce soit adopté par notre assemblée !

En ce qui concerne le montant payé, les internautes vont être obligés – c'est scandaleux, je le répète ! – d'installer sur leur ordinateur – PC ou Mac – des logiciels de sécurisation. On nous rétorque que rien ne dit qu'ils seront payants. Mais, comme par hasard, l'amendement que j'ai déposé au nom de mon groupe pour que ces logiciels soient gratuits a été rejeté.

Cela signifie bien que la possibilité qu'ils soient payants est ouverte.

Quand vous avez un logiciel, vous avez également des mises à jour. Si vous êtes encore dans le cadre de Microsoft et que vous avez Norton, vous payez, tous les ans, la mise à jour. Certes avec les logiciels libres, vous n'avez pas ce problème. C'est l'avantage. Mais comme beaucoup de nos concitoyens ne sont pas venus aux logiciels libres, ils paieront ces logiciels de sécurisation et leur mise à jour annuelle. Cela représentera bien un coût.

Qui prendra en charge les 70 millions que coûtera cette loi aux fournisseurs d'accès Internet ? Mme la ministre ne nous a pas répondu. Les fournisseurs d'accès n'ont pas l'air d'accord. Sera-ce le ministère sur son budget ? Les consommateurs ?

Si une partie est reportée sur les consommateurs, et que l'on ajoute le logiciel de sécurisation et les mises à jour, cela représentera une somme assez importante et, de notre point de vue, abusive. Je préfère donc la solution proposée par nos collègues socialistes, qui permettrait d'avoir accès à des œuvres de la création culturelle française.

[...]

Le problème, que nous avions déjà soulevé à l'occasion de la loi DAVDSI, demeure pour les interprètes. Pire : il s'aggrave. En effet, les supports physiques disparaissent peu à peu : après les vinyles et les cassettes, chacun constate aujourd'hui la chute des ventes de CD. Or, ces supports physiques alimentent l'essentiel des droits perçus par les interprètes, qui ne perçoivent pas de rémunération pour l'écoute en ligne de leurs œuvres. Certes, la taxe pour la copie privée au format MP3 demeure ; cela étant, sur des sites tels que Deezer, il est très facile d'enregistrer ce que l'on écoute !

Oui, au point que l'on peut parfaitement remplir un baladeur MP3 en enregistrant des morceaux écoutés en ligne sur Deezer, par exemple. L'enregistrement aura beau être analogique et ne pas avoir la qualité d'une version numérique, certains ne se privent pas de le pratiquer !

Quid, dès lors, de la rémunération des interprètes ? Si les sites d'écoute en ligne se multiplient au détriment des plateformes de téléchargement et des supports physiques, certains interprètes, même lorsqu'une large diffusion leur procure des revenus confortables – je pense à Johnny Hallyday, par exemple – risquent d'avoir des problèmes.

On ne peut donc pas dire que la priorité accordée à la lutte contre le téléchargement illégal permettra d'améliorer la rémunération des auteurs, car rien ne changera pour les interprètes. Il faut distinguer entre les auteurs, les ayants droit et les interprètes, compte tenu de la nature spécifique de la rémunération de ces derniers, aujourd'hui dépassée par le modèle économique dématérialisé de l'écoute en ligne.

[...]

Je m'étonne, moi aussi, des réponses de Mme la ministre et de Mme Marland-Militello.

Jusqu'à présent, je n'avais pas remis en cause le choix du Gouvernement et de sa majorité. Mais Mme Marland-Militello vient de dire clairement que la préoccupation portait sur les producteurs. Je croyais, pour ma part, que nous traitions de la rémunération des auteurs.

Vous nous expliquez, depuis le début de l'examen de ce texte, qu'il y a une crise et que ne pas prendre de sanctions efficaces signifierait que l'on refuse de défendre la rémunération des auteurs. Trois groupes de l'Assemblée proposent justement de tenir compte de l'évolution des technologies et d'appliquer sur Internet le modèle utilisé pour la radio, et qui a fait ses preuves, l'écoute en ligne s'apparentant totalement à une radio.

Vous nous répondez alors qu'il faut attendre et que se pose le problème des producteurs. Or, la loi a d'autant moins pour objectif central d'organiser la rémunération des producteurs que nous traitons du droit d'auteur, c'est-à-dire de la rémunération des auteurs ! Je trouve tout de même invraisemblable que l'on nous oppose les producteurs quand nous essayons de trouver des solutions pour la rémunération des auteurs !

Vous nous dites qu'un auteur n'est rien sans un producteur.

Je vais vous citer un exemple. Peut-être avez-vous entendu parler de Kamini Santoko, auteur de Marly-Gomont. Ce clip musical, libre de droit, a très bien fonctionné, alors qu'il avait été refusé à l'époque par toutes les majors. S'il n'avait pas circulé librement sur Internet, personne n'aurait entendu parler de Marly-Gomont et son auteur ne connaîtrait pas aujourd'hui une telle carrière et un tel succès.

Non, il a été lancé libre de droits sur Internet parce que les majors de la musique l'ont refusé ! Cela montre bien qu'il faut laisser des espaces de liberté hors producteurs, sauf à risquer un appauvrissement de la création culturelle ! On ne peut pas toujours mettre en parallèle la rémunération des auteurs avec celle des producteurs ! Comme l'a souligné notre collègue, les producteurs doivent effectivement apporter une plus-value, sinon pourquoi seraient-ils systématiquement rémunérés ? Il convient, en conséquence, de modifier la répartition des bénéfices entre les producteurs, les distributeurs et les auteurs parce qu'elle se fait effectivement au détriment de ces derniers, alors que les coûts liés à la diffusion sur Internet n'ont rien à voir avec ceux des supports physiques. La répartition, à l'époque justifiée, permet aujourd'hui, comme je l'ai expliqué dans ma motion de renvoi en commission, une augmentation de 22 % des bénéfices des distributeurs, contre 1 % seulement pour les auteurs.

La réponse qui nous a été donnée est donc quelque peu abusive.

[...]

Comme vient de le dire notre collègue Christian Paul, il n'y a pas que la France : les DRM ont été supprimées bien plus tôt par les majors aux États-Unis, qui se sont rendu compte que, loin de protéger les auteurs, ces mesures les désavantageaient, à cause des problèmes d'interopérabilité.

À l'époque, nous avions l'impression que, pour M. Donnedieu de Vabres, les DRM, c'était comme la Ligne Maginot. Heureusement qu'ils ont moins de conséquence ! Nous n'avons pas eu le temps de rechercher certains morceaux d'anthologie, mais nous essaierons de le faire pour ce soir : cela fera rire les collègues qui n'étaient pas sur nos bancs à l'époque.

Par ailleurs, madame Guégot, c'est bien gentil de venir nous dire : « Moi, je m'y connais ; vous, vous n'y connaissez rien ! »

C'est comme cela que je l'ai ressenti moi aussi. Or c'est un peu abusif. Certains parlementaires travaillent sur ces questions depuis longtemps. Et puis il ne faut pas toujours se fier aux CV tels qu'ils sont écrits ; certaines personnes ont pu connaître de ces problématiques dans leur cadre professionnel.

Cela étant, je m'inscris en faux contre ce qu'affirment certains depuis hier, à savoir que les DRM sur la musique auraient disparu en France. C'est faux. Il en reste encore de nombreux : il y en a sur les CD, sur les œuvres dites « en écoute illimitée » telles que celles protégées par les opérateurs de téléphonie mobile, et même sur les sites de plusieurs fournisseurs d'accès à Internet – Neufbox et Orange. Ces mesures techniques de protection empêchent l'utilisateur d'écouter la musique lorsqu'il n'est pas connecté au service. Vous voyez qu'il reste encore beaucoup à faire.

C'est pourquoi nous demandons l'abrogation de ces DRM. À l'heure actuelle, on donne l'impression que le problème est réglé parce qu'ils ont été supprimés d'un certain nombre de plates-formes. Or non seulement le problème de l'interopérabilité persiste – j'y reviendrai dans un amendement ultérieur –, mais il y a toujours des personnes confrontées aux difficultés que nous avions déjà soulignées lors de l'examen de la loi DADVSI, et pas uniquement dans les rangs de l'opposition : vous pouvez acheter un morceau de musique, mais s'il a un DRM, vous ne pourrez l'écouter que sur un support dédié et sur aucun autre. C'est bien pour cette raison que les DRM sont tombés en désuétude, pour la majorité d'entre eux. Les consommateurs ne sont pas stupides, ils n'ont pas pour habitude d'acheter à plusieurs reprises la même œuvre musicale, à raison d'une pour chaque support : un exemplaire pour leur lecteur de CD, un autre pour le baladeur, un autre pour le lecteur de CD dans la voiture, et ainsi de suite. Cela a conduit à l'abandon d'un certain nombre de DRM, mais contrairement à ce qui est affirmé, cet abandon n'est pas total.

[...]

Je tiens d'abord à revenir sur la décision du Conseil constitutionnel parce que, monsieur le rapporteur, vous avez menti par omission. En effet, il n'a pas considéré que l'interopérabilité était anticonstitutionnelle, mais il a censuré le terme au motif qu'il n'était pas défini dans la loi. C'est d'ailleurs un peu bizarre puisque ce mot était présent dans notre législation depuis la transposition de la directive de 1991 – sur les problèmes d'ordinateurs – et la reconnaissance de l'exception de décompilation à des fins d'interopérabilité. Le Conseil constitutionnel ne s'est donc pas prononcé sur le fond, mais uniquement sur la forme.

J'apprécie l'évolution de notre collègue Jean Dionis du Séjour, mais je regrette qu'il se soit abstenu à l'époque. S'il avait voté contre, on aurait peut-être empêché le désastre qu'il a évoqué. Non seulement nous avons une loi illisible, mais qui, en plus, est porteuse d'une insécurité juridique. En effet, tous ceux qui développent ou qui utilisent des logiciels libres se retrouvent dans une situation qui, de par la décision du Conseil constitutionnel, pose un problème. Je rappelle qu'il y avait déjà eu, à l'époque, une longue bataille sur la question de l'interopérabilité et de la non-protection des DRM par le droit d'auteur. Notre position avait rassemblé des députés de tous bords.

L'APRIL – l'association pour la promotion et la recherche en informatique libre –, la plus importante association française de défense du logiciel libre, a adressé une requête au Conseil d'État. Celui-ci a répondu que l'exception de décompilation, c'est-à-dire le fait de pouvoir utiliser des logiciels libres dans le cadre d'une interopérabilité, prime sur la protection juridique des DRM imposée par la loi DADVSI.

Mais nous sommes toujours dans une situation d'insécurité juridique. C'est pourquoi il faut clarifier les choses en inscrivant dans la loi qu'il est indispensable de fixer des limites aux DRM au nom de l'ineropérabilité.

On reviendra sur la question de l'interopérabilité puisque M. le rapporteur de la commission des lois, contrairement à son homologue de la commission des affaires culturelles, a expliqué qu'un tel débat n'avait pas d'importance pour les consommateurs.

Certes, monsieur le rapporteur, j'évoque vos propos de mémoire mais nous, à la commission des affaires culturelles, nous avons fait reconnaître la primauté de l'interopérabilité.

Pour finir, je rappelle quel a été le résultat du dispositif sur les mesures de protection établi par la loi DADVSI : cela a permis à Microsoft et à Apple de renforcer leur position dominante sur le marché des lecteurs multimédias, puisqu'il ne pouvait plus y avoir de craquage des DRM. Il est temps de mettre fin à une telle situation et de ne pas continuer à cautionner la vente liée et la captation de clientèle permises par les DRM, du logiciel au matériel.

Tel est le sens de ces amendements qui sont, je le souligne, défendus par trois groupes de cette assemblée, ce qui prouve qu'il y a un vrai problème. J'espère, madame la ministre, que vous allez cette fois-ci donner un avis favorable, compte tenu du fait que la décision du Conseil constitutionnel portait sur la forme et non sur le fond.

[...]

Comme l'amendement précédent, celui-ci [n°337] tend aussi à défendre le droit moral de l'auteur d'un logiciel – ce droit ne concerne pas que la musique ou le cinéma dont nous avons surtout parlé jusqu'à présent. Il nous semble évident que ce n'est pas à une autorité administrative ou à un tiers de décider à la place de l'auteur ce qu'il est possible de faire.

Mais je voudrais revenir sur le débat précédent qui est lié à celui-ci : l'exception de décompilation et l'interopérabilité sont dans le considérant 48 de la directive EUCD. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez donc pas soutenir que l'interopérabilité est contraire à la directive européenne concernant les DRM. Ce n'est pas vrai ; c'est contenu dans la directive EUCD.

Si le Conseil constitutionnel a censuré « interopérabilité », ce n'est pas au nom de la directive, mais parce qu'il a considéré que le terme n'était pas défini dans la loi. Il n'a donc pas pris position sur le fond, à savoir : si des DRM empêchent d'accéder à une œuvre, peut-il y avoir exception dans le cas d'utilisation de logiciels libres ? Cela revient à ça.

Si une telle exception ne peut exister, cela signifie, par exemple, qu'à l'Assemblée nationale où nous avons des postes de travail sous Linux, complètement en logiciel libre, nous ne pouvons pas avoir accès à certains CD ou certaines œuvres en lignes. C'est la conséquence logique, si, comme vous l'affirmez, il n'est pas possible de passer outre un DRM protégé si les fournisseurs de ce DRM n'ont pas donné la possibilité de lire le morceau avec des logiciels libres.

Nous avons un désaccord sur la lecture de la décision du Conseil constitutionnel qui est fondamental puisque en découle la possibilité d'inscrire dans la loi les amendements que nous proposons depuis tout à l'heure.

[...]

Nous sommes au cœur du projet de loi, puisque l'article 2 contient la majorité de ses dispositions.

L'ARMT, autorité créée par la loi DADVSI, est remplacée par une haute autorité, une de plus : c'est devenu une manie – je souscris aux propos de M. Tardy sur ce point – qui, à certains égards, témoigne d'un démantèlement de la justice. On nous explique parfois que celle-ci n'aurait pas les moyens de traiter aussi rapidement que nécessaire les procédures visées, en l'occurrence celles liées aux téléchargements abusifs ; mais il est un peu étonnant d'en tirer argument pour créer une haute autorité dont on externalise alors certaines charges.

Selon un communiqué publié aujourd'hui par l'AFP, l'IFPI, la Fédération internationale de l'industrie phonographique, basée à Londres, soutient totalement le projet de loi. Pour lutter contre le piratage, cette fédération s'appuyait sur une association interprofessionnelle américaine, la RIAA – Recording industry association of America –, laquelle regroupe les sociétés privées détentrices des labels et maisons de disques représentant 90 % de la production aux États-Unis. Or les majors – EMI, entre autres – qui finançaient la RIAA ont décidé de se retirer massivement. Résultat : cette association a dû licencier plus d'une centaine d'employés qui étaient affectés à la surveillance des réseaux et à la lutte contre le piratage. Le dispositif que l'on nous propose revient donc à transférer vers le contribuable la charge d'un financement jusqu'alors assuré par des sociétés du secteur de la musique. Voilà qui explique sans doute le soutien enthousiaste de l'IFPI au présent texte.

L'article pose plusieurs problèmes que je n'ai pas le temps de détailler. En particulier, la Haute autorité, qui comprendra une commission de protection des droits, pourra obtenir toutes les données conservées et traitées par les opérateurs de communication électronique dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, article auquel seul la lutte contre le terrorisme permet de déroger. Je trouve inadmissible que, pour défendre la propriété privée, on en vienne à utiliser des mécanismes prévus pour la lutte contre le terrorisme. Il ne s'agit pas de contrôler l'Internet, nous dit-on.

On veut instaurer une surveillance continuelle des réseaux qui, si elle ne porte pas sur l'ensemble des données, a quand même pour objectif de repérer les œuvres illicitement téléchargées qui y circuleraient.

Je développerai ces différents points ultérieurement ; en tout état de cause, les Verts sont totalement opposés à l'article 2.

12/03/2009 Débats HADOPI : renvoi en commission, DADVSI, DRM, mission Olivennes, sécurisation, propagande, industries du divertissement, partage sur Internet, autorité judiciaire, droits fondamentaux, données à caractère personnel, sanctions, labellisation, filtrage, logiciel libre, financement de la création, contribution créative, licence collective étendue, accès Internet

Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, bien des raisons justifient le renvoi en commission du projet de loi relatif à la création sur Internet. Elles portent tant sur le fond que sur la forme de nos travaux. Dans la mesure où les droits d'auteur et droits voisins sur Internet constituent une matière législative particulièrement technique, il serait nécessaire que la commission des lois, celle des affaires culturelles et celle des affaires économiques, qui ont pris des positions contradictoires sur nombre de dispositifs du texte – par exemple sur l'interopérabilité –, puissent de nouveau en débattre sereinement.

Le Gouvernement n'avait pas ménagé les artifices de procédure pour faire passer en force le texte de la loi DADVSI. Certes, nous légiférons aujourd'hui sur la base du rapport de Denis Olivennes – à l'époque PDG de la FNAC –, mais il ne serait pas moins indispensable de disposer d'un bilan de cette loi. Nous aimerions savoir, en effet, pour quelles raisons la majorité UMP s'est finalement rangée à l'idée qu'elle serait inadaptée et déjà obsolète – ce que l'opposition n'avait cessé de répéter lors des débats de 2005-2006.

À l'époque, la majorité de l'Assemblée affirmait de façon péremptoire, au mépris des mises en garde lancées par les acteurs des cultures numériques, notamment ceux du mouvement qui défend le principe des logiciels libres, que la protection juridique des « mesures techniques de protection » – DRM, en anglais – était le seul moyen de sauver la création : reconnaît-elle aujourd'hui s'être trompée ? Il est désormais avéré que ces DRM ne remplissent pas le rôle de protection des droits des créateurs. Et ce sont aujourd'hui les majors de la musique qui abandonnent ces dispositifs de contrôle anti-copie, tant ceux-ci sont rejetés par les consommateurs qui se retrouvent empêchés de jouir légitimement de leurs droits sur des biens qu'ils ont acquis légalement. On peut citer l'exemple de la plateforme multimédia MySpace sans DRM, lancée il y a plus d'un an par quatre majors. Les DRM sont donc abandonnées, mais les plateformes multimédias sont toujours inaccessibles au logiciel libre, et les rémunérations des artistes ne sont pas améliorées !

L'article 52 de la loi DADVSI fait obligation au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de ladite loi dans les dix-huit mois suivant sa promulgation et précise : « Ce rapport comporte un chapitre spécifique sur les conditions de mise en place d'une plateforme publique de téléchargement permettant à tout créateur vivant, qui se trouve absent de l'offre commerciale en ligne, de mettre ses œuvres ou ses interprétations à la disposition du public et d'en obtenir une juste rémunération. » – cette dernière phrase étant issue d'un amendement de notre collègue Frédéric Dutoit. Le renvoi en commission permettrait de laisser au Gouvernement le temps de nous présenter ce fameux rapport d'application, dont nous aurions dû avoir communication dès l'an dernier.

Un autre point de forme plaide pour le renvoi en commission. Contrairement aux affirmations du Gouvernement et du rapporteur, les conclusions du rapport de la mission Olivennes ne font en rien consensus parmi les professions concernées par la protection des droits d'auteur et de la création sur Internet. Ainsi, alors que le rapporteur qualifie d'« historique » et d'« exemplaire » l'accord signé, le 23 novembre 2007 à l'Élysée, entre quarante-deux organisations réunissant les fournisseurs d'accès à Internet, des chaînes de télévision, des représentants des ayants droit de l'audiovisuel, du cinéma et de la musique, nous apprenons ces derniers jours par voie de presse que plusieurs représentants des FAI récusent leur signature de cet accord et expliquent que les négociations se sont faites sur des bases bilatérales avec le négociateur Olivennes, et non multilatérales dans le cadre d'une discussion commune. Ils auraient signé un texte dont ils ne connaissaient pas le contenu ! Avouez qu'il y a là motif à organiser de nouvelles auditions devant les commissions pour connaître le fin mot de l'histoire et savoir quelle est la position réellement défendue par les FAI.

Ce texte s'apparente à un tel bourbier juridique que M. Pierre Kosciusko-Morizet, président de l'association pour le commerce et les services en ligne, qui ne représente pas moins de cent quatre-vingts entreprises, juge que le projet de loi « date un peu et n'est pas tellement adapté ». Il demande « un moratoire de six mois » pour donner au Gouvernement le temps de réécrire sa copie. Six mois : c'est précisément le temps nécessaire à la représentation nationale pour retravailler le texte après son renvoi en commission !

Cela permettrait en outre de revenir sur les causes de la censure constitutionnelle décidée à l'été 2006 contre les dispositifs qui prévoyaient déjà une « riposte graduée » en trois étapes, en cas de téléchargements illicites. Or la finalité même du texte relatif à la diffusion et à la protection de la création sur Internet est d'instituer une Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet – HADOPI – pour réintroduire la riposte graduée censurée en 2006. Comme le téléchargement est difficile à prouver, à moins d'aller inspecter le disque dur de la personne suspectée, le Gouvernement a cherché un autre critère d'incrimination et n'a rien trouvé de mieux que d'obliger les particuliers à installer un logiciel de sécurisation de leur poste et, en cas de défaut d'installation, de les rendre responsables de tout téléchargement jugé illicite par les représentants des ayants droit.

À propos de cette question centrale de l'obligation de sécurisation, Fabrice Le Fessant, chercheur à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique et enseignant en informatique à l'École polytechnique, indique, dans une note diffusée le 16 février dernier, que « cette loi est inadaptée à un certain nombre de caractéristiques techniques des réseaux et d'Internet ». La note met en évidence que « le système d'identification du coupable, fondé sur l'adresse de la connexion Internet, implique une sécurisation de l'installation informatique, hors de portée des simples particuliers ». Les grandes entreprises salarient des experts en informatique pour la maintenance de leurs postes et la protection de leurs accès au réseau ; nous ne pouvons en attendre autant de particuliers. Les députés peuvent d'ailleurs constater eux-mêmes que, malgré toutes les protections dont sont dotés leurs postes de l'Assemblée nationale, de nombreux spams arrivent encore à passer, dont certains sont d'ailleurs assez désagréables. Du reste, la première faille de sécurité est souvent le logiciel : un grand éditeur de logiciels a dû effectuer quarante-neuf mises à jour critiques de sécurité en 2006 et quarante-trois en 2007, car des failles permettaient à un intrus de prendre le contrôle de l'ordinateur. Quant aux connexions sans fil, chacun sait qu'il est facile de se connecter sur un réseau wi-fi qui n'est pas le sien.

Les réseaux de pair à pair vont migrer vers les nouveaux réseaux sociaux « d'amis à amis », beaucoup plus difficiles à contrôler. Je crois, mes chers collègues, que nous devrions auditionner les experts de l'INRIA, afin d'éviter un faux pas législatif.

Mais je voudrais aussi, madame la ministre, vous interpeller à propos de spams que nous recevons en ce moment et qui sont envoyés par une liste de diffusion appelée « J'aime les artistes ! ». Je les reçois sur ma messagerie personnelle : cette intrusion dans ma vie privée est un peu surprenante. Je me suis demandé qui était derrière « J'aime les artistes ! » et j'ai découvert que ces pourriels étaient envoyés par la société Push It Up, qui s'exprime ainsi sur son site : « Push It Up conçoit vos campagnes Internet, intégrant la recherche de relais et supports, la diffusion de spots viraux… De la création d'outils marketing classiques à la réalisation de mini-sites satellites, en passant par des campagnes de mots clés, emailing ciblé, jusqu'au marketing viral. » Des « spots viraux » ! Du « marketing viral » !

Tout cela n'est-il pas un peu consternant ? Et qui se trouve derrière tout cela ?

La société a été fondée par deux personnes, dont l'une, en 2008, était candidate aux élections municipales dans le huitième arrondissement de Paris, soutenue par le parti radical valoisien. « J'aime les artistes ! » n'est donc pas si neutre que cela.

S'il y a deux chambres, dans notre Parlement, ce n'est pas un hasard : l'une doit pouvoir corriger les éventuelles erreurs de l'autre. On a souvent dit que, au Sénat, la loi a été votée à l'unanimité. Je tiens à préciser que les sénateurs communistes et Verts se sont abstenus, et que le groupe GDR de l'Assemblée votera contre ce texte, pour des raisons que j'ai déjà exposées dans mon explication de vote sur la motion d'irrecevabilité et que nous développerons tout au long de ce débat.

Je voudrais m'attarder sur un autre motif de renvoi en commission. Vous partez d'un postulat contestable quant à l'origine des difficultés des industries culturelles, que ce soit dans le rapport, dans l'avis des deux commissions parlementaires, ou dans l'argumentaire de Mme la ministre.

Le Gouvernement et les rapporteurs dressent un tableau apocalyptique de l'économie de la création culturelle, postulant que les téléchargements sont responsables de la chute des ventes de disques et de DVD. Je cite l'exposé des motifs : « Le marché du disque a baissé de près de 50 % en volume et en valeur au cours des cinq dernières années, ce qui s'est traduit par un fort impact aussi bien sur l'emploi des maisons de production que sur la création et le renouveau artistique avec la résiliation de nombreux contrats d'artistes et une baisse de 40 % du nombre de nouveaux artistes “signés” chaque année. Le cinéma et la télévision commencent à ressentir les premiers effets de ce changement des usages et le livre ne devrait pas tarder à suivre. »

Sans contester que l'industrie culturelle soit bouleversée par les nouveaux usages liés à l'utilisation massive d'Internet, il me semble que l'analyse mérite d'être à la fois affinée et inscrite dans un contexte plus vaste de transformation massive des usages, d'un basculement d'une partie de notre économie vers le numérique. On nous explique que l'industrie du disque souffre d'une très grave crise liée au téléchargement illégal d'œuvres. Mais de quelle crise parle-t-on ? Les revenus issus du spectacle vivant ou même de la diffusion publique d'œuvres augmentent régulièrement. En réalité, seule la vente de supports – c'est-à-dire de CD – souffre, mais cette technologie peut désormais être considérée comme dépassée, comme le vinyle le fut en son temps. Quant à la question même de la baisse des ventes de CD, comment ne pas la lier au fait que les prix exorbitants pratiqués n'ont pas baissé en vingt ans ? Les industries du disque n'ont-elles pas, ainsi, tout simplement tué la poule aux œufs d'or ?

La crise est d'abord celle des maisons de disques qui ne se sont pas dotées suffisamment vite de plateformes de téléchargement. Rien dans le projet de loi ne permet au secteur du disque de faire face aux vrais enjeux, aux nouveaux défis de l'ère numérique.

En ce qui concerne l'industrie cinématographique, les entrées en salles progressent, la vidéo à la demande se développe et les bouquets attirent chaque jour de nouveaux consommateurs. Ainsi, la dernière enquête Médiamétrie pour l'année écoulée contredit les assertions du rapporteur, selon lesquelles la fréquentation des salles serait en baisse. Certes, elle risque de l'être bientôt en raison de la crise économique : les familles voyant leurs moyens se réduire, cela peut provoquer, à terme, des baisses de fréquentation, mais celles-ci ne seront pas liées aux téléchargements. Il est vrai que la vente de supports – CD, DVD ou cassettes vidéo, ces dernières ayant complètement disparu – décline régulièrement. Cependant, on peut noter qu'elle ne représente en 2007 que 16,5 % des sommes collectées par la SACEM. La vente de fichiers numériques ou de musiques sous des formes spécifiques, comme les sonneries téléphoniques, même si elle représente un faible volume de 10 millions d'euros, augmente très fortement : de près de 27 %. La musique à la demande, qui pèse aujourd'hui 3,46 millions d'euros, augmente de 85 %. Autant de bonnes nouvelles ! Le spectacle vivant et les sonorisations publiques sont en forte hausse. Il y a par conséquent d'importantes possibilités de compensation.

Au moment du débat sur la loi DADVSI, vous aviez refusé les amendements des Verts qui proposaient une contribution des FAI et des opérateurs téléphoniques à la création culturelle, sous prétexte que cela fragiliserait ces derniers. Pourtant, cela ne les fragilisait plus dans la loi audiovisuelle et vous avez adopté une telle contribution. Je regrette qu'une telle mesure ne soit pas prévue pour aider à la rémunération des auteurs.

En fait, nous assistons à une transformation du modèle économique. L'introduction du numérique a bouleversé la pratique et la consommation de la culture. Au titre des pratiques numériques ne donnant pas lieu à perception de droits d'auteur ou de droits voisins, le rapporteur souligne l'augmentation des visionnages en streaming – directement sur l'écran en ligne –, sur des sites web spécialisés, tels que YouTube ou Dailymotion, ou l'écoute en ligne sur Deezer. Ce dernier dispositif, grâce à son instantanéité, remporte un franc succès. On a beaucoup entendu dire que la gratuité, c'est le vol ; or, Deezer propose de la musique gratuite aux internautes qui s'y connectent ! S'agirait-il donc de vol dans certains cas, et pas dans d'autres ?

Ensuite, vous ne dites rien du succès des sites de revente en ligne par les particuliers, et de ses conséquences. Ainsi, au début du mois de janvier, alors que la revente des cadeaux offerts lors des fêtes de fin d'année était promue au rang de sport national, le patron de l'un de ces sites d'enchères et de revente en ligne, M. Pierre Kosciusko-Morizet, n'a cessé, dans les médias, de nous expliquer le succès de sa démarche en se vantant d'avoir inventé un magnifique slogan publicitaire – « Devenez radins ! ». Grâce à de tels sites, chacun peut acheter ou visionner un DVD, ou encore écouter un CD pendant un temps, pour ensuite les revendre d'occasion à d'autres internautes et à des prix défiant très largement les prix d'articles neufs. Là encore, il convient d'éclairer davantage les commissions parlementaires saisies, afin qu'elles évaluent mieux l'impact réel de ces sites de vente d'occasion, de particulier à particulier, sur les chiffres de ventes de biens culturels, et sur leur contribution aux sociétés de collecte des droits d'auteur des artistes.

Selon l'OCDE, le téléchargement de musique en réseaux de « pair-à-pair » ne conduit pas tous les utilisateurs à substituer systématiquement ce type d'acquisition aux modes traditionnels de consommation ; si certaines études démontrent que le partage non autorisé de fichiers a un effet négatif sur les ventes de musique, d'autres prouvent au contraire qu'il a un effet positif, et d'autres encore que son impact est nul. Vous le voyez : la question mérite d'être étudiée davantage.

Quoi qu'il en soit, le téléchargement existe de manière massive depuis une décennie. Peut-on dire que cette période a été mise à profit pour étoffer l'offre légale de téléchargement et en améliorer la qualité ? Hélas, non seulement le consommateur n'a toujours pas accès à l'ensemble des artistes, mais il lui est bien souvent impossible de se constituer un capital musical, car la durée de vie et d'utilisation des fichiers est limitée par les mesures techniques de protection – les DRM, qui ont fait l'objet d'un long débat en 2006. Je me réjouis que vous reconnaissiez aujourd'hui qu'elles étaient une erreur ; je regrette qu'elle n'ait pas été évitée d'emblée – nous aurions gagné du temps, ce qui aurait profité aux auteurs.

En outre, les offres légales utilisent les DRM compatibles avec le seul système d'exploitation de Microsoft, et non avec les ordinateurs équipés des systèmes Apple ou Linux, non plus qu'avec les baladeurs Apple – qui représentent pourtant 60 % du marché. Force est donc de constater le verrouillage actuel du marché par quelques majors qui en contrôlent presque les trois quarts et, ce faisant, empêchent l'émergence d'un marché concurrentiel. Ainsi, un album peut être proposé en promotion à 6,99 euros, contre 9 euros sur les plateformes payantes. Comment, dans ces conditions, convaincre les jeunes qu'il faut acheter des CD ou bien télécharger à ce prix ?

En somme, il est abusif de prétendre que ce projet de loi favorise les artistes. Au contraire : il maintient le système existant sans qu'on se donne la peine d'ouvrir le débat sur des mécanismes contributifs qui permettraient de compenser le téléchargement. Les internautes, in fine, devront payer un logiciel de sécurisation et des mises à jour régulières. Et l'on nous dit que l'augmentation de l'abonnement aux fournisseurs d'accès afin d'inclure une rémunération supplémentaire pour les artistes serait insupportable !

Ce projet de loi revient au dispositif de « riposte graduée » en trois étapes, que mettra en œuvre la Haute autorité – une autorité administrative dérogatoire à l'autorité judiciaire. Celle-ci sera saisie par des agents désignés par les industries de la production culturelle, et fichera les identités électroniques des internautes en reprenant une procédure de la loi contre le terrorisme. Le cas échéant, elle enverra aux internautes une « recommandation » électronique, puis une autre avec accusé de réception. Ensuite, l'accès à Internet sera suspendu, mais l'internaute devra tout de même continuer à payer les frais d'abonnement à son fournisseur – à moins que l'un de nos amendements, adopté en commission, ne le soit aussi dans l'hémicycle. En cas de détournement d'une connexion à l'insu du particulier, par piratage ou par utilisation d'un réseau sans fil ouvert, la personne poursuivie ne sera pas celle qui a procédé au téléchargement non autorisé, mais le titulaire de l'abonnement.

Ce dispositif est un non-sens historique. Au plan juridique, il est inacceptable ; en pratique, il est inefficace, puisqu'il n'empêchera pas l'échange d'œuvres numérisées entre particuliers. En revanche, il provoquera d'importants dommages collatéraux.

Nombreux sont les principes et les libertés fondamentales au regard desquels ce texte est inacceptable. Ainsi, la loi permet à la Haute autorité de demander l'identification des personnes liées à une adresse IP collectée par les sociétés d'auteurs, et ce en dehors de toute intervention de l'autorité judiciaire. Or, lors de la refonte de la loi « informatique et libertés », en 2004, le Conseil constitutionnel avait restreint le traitement des fichiers d'infractions en le subordonnant à la condition que les données recueillies n'acquièrent un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire, et que la conservation des informations soit limitée à un an – ce qui n'est pas le cas dans le présent texte.

Les mesures d'exception relatives à l'accès aux données personnelles accordé aux services de police luttant contre le terrorisme ne peuvent être étendues à la lutte contre l'échange non autorisé de musiques et de films. La dérogation permettant – à juste titre – aux services antiterroristes d'accéder aux données de connexion sans contrôle de l'autorité judiciaire à des fins préventives est une mesure d'exception temporaire, que le Conseil constitutionnel a acceptée parce qu'elle concerne certains des crimes les plus réprimés du code pénal. Or, dans le cas qui nous occupe, il ne s'agit ni de crimes, ni d'atteintes aux personnes. Le droit pénal français distingue clairement entre les crimes et les délits contre les personnes d'une part, et ceux contre les biens de l'autre !

Les sociétés privées ne doivent pas être habilitées à rechercher des infractions pénales sur Internet. Le groupe « Article 29 » – équivalent de la CNIL au niveau européen – l'a dit : même si tout individu a naturellement le droit d'exploiter des données judiciaires dans le cadre de litiges le concernant, ce principe ne va pas jusqu'à permettre l'examen approfondi, la collecte et la centralisation de données à caractère personnel par des tiers, y compris la recherche systématique à grande échelle, comme le balayage d'Internet ou la demande de communication de données personnelles détenues par d'autres acteurs tels que les fournisseurs d'accès. De telles enquêtes sont de la compétence des autorités judiciaires.

La coupure de l'accès à Internet est une mesure manifestement disproportionnée au regard des objectifs visés, car elle constitue une sanction aux effets puissants, qui pourrait entraîner de graves répercussions dans une société où l'accès à Internet est devenu une condition de l'inclusion sociale. En effet, un nombre croissant de formalités s'effectuent désormais en ligne ; les administrations d'État sont d'ailleurs les premières à encourager cette pratique pour bien des formalités, notamment pour réduire la part du téléphone dans ses contacts avec les administrés.

La suspension de l'accès à Internet, sanction choisie par le Gouvernement, va à l'encontre des positions récentes du Parlement européen. En février 2009, à l'occasion de la parution du rapport visant à garantir aux citoyens européens « un accès à Internet sans réserve et sûr », présenté par l'eurodéputé grec Stavros Lambrinis, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté à l'unanimité le principe en vertu duquel le droit d'accès ne doit pas être refusé en tant que sanction. Autant dire que son refus de la riposte graduée, envisagée par le présent projet, est clair. Ledit rapport fait écho au vote par le Parlement européen, en septembre dernier, de l'amendement au projet de directive du « paquet télécom ».

Un relevé informatique ne constitue pas une preuve suffisante. Dans un rapport que le ministère de la culture a tenté d'enterrer, le professeur Jean Cedras, agrégé de droit pénal et ancien avocat général à la Cour de cassation, a indiqué que l'imputabilité des actes – quelles qu'en soient l'ampleur ou la gravité – à un internaute particulier, qui est la condition essentielle de sa responsabilité pénale ou civile, est impossible à établir sans la visite de son disque dur. Une réponse graduée automatique, aussi séduisante qu'elle apparaisse aux sociétés représentant les ayants droit, est donc un abus de pouvoir.

Selon l'étude de l'INRIA que j'ai déjà citée, « cette loi est inadaptée à un certain nombre de caractéristiques techniques des réseaux et d'Internet, et va introduire de nouveaux problèmes sans résoudre ceux qu'elle vise ». Et pour cause : l'internaute n'est pas toujours en mesure de savoir que la mise à sa disposition, d'un simple clic, de telle ou telle œuvre n'est pas légalement autorisée. Il faudrait en effet analyser les liens hypertextes pour, éventuellement, savoir où l'utilisateur se retrouve – ce qui n'est guère à la portée de tous !

Rien, dans les systèmes existants, ne permet d'identifier la personne qui a téléchargé. Ainsi, comment rechercher le « coupable » lorsque, dans une même famille vivant sous un même toit, qui dispose d'un boîtier de connexion unique et, partant, d'un seul identifiant, plusieurs personnes majeures – parents et enfants, par exemple – utilisent la même connexion ? Si la riposte graduée permettra d'établir le caractère délictueux d'un acte, elle n'établira ni l'intention de le commettre, ni l'identité de celui qui l'a commis. Tout cela rappelle un peu la responsabilité collective et les fameuses lois Pasqua dites « anti-casseurs » – aujourd'hui supprimées.

Le présent texte introduira une discrimination, parmi les usagers d'Internet, entre les personnes physiques, sommées de se doter d'une protection pour ne pas être suspendues de connexion, et les entreprises, pour lesquelles cette mesure est évidemment exclue. Et qu'en sera-t-il des auto-entrepreneurs, dont le Gouvernement fait tant la promotion ?

Oui, mais si leur connexion est piratée, elle risque d'être suspendue !

Le Gouvernement reconnaît lui-même enfin qu'il ne s'agit pas de supprimer tout téléchargement illégal – c'est d'ailleurs techniquement impossible, car les technologies évoluent plus vite que les lois. Pour contourner la censure constitutionnelle de 2006, ce texte propose donc de sortir de l'incrimination de contrefaçon en créant, à la charge des internautes, une obligation de sécurisation des connexions à Internet. Ainsi, en cas de détournement d'une connexion, c'est le titulaire de l'abonnement qui sera poursuivi, et non le responsable du téléchargement illégal. Cette obligation est inadmissible : elle introduit un retournement de la charge de responsabilisation au détriment des internautes. La sanction ne portera plus sur l'acte de téléchargement, mais sur le défaut d'installation de mesures de protection !

La Haute autorité aura compétence pour labelliser les outils de filtrage susceptibles de satisfaire à l'obligation de protection de la connexion. Or, le rapport du Conseil général des télécommunications au ministère de la culture, présidé par Jean Berbinau – actuel secrétaire général de l'Autorité de régulation des mesures techniques – préconise ouvertement, en application de la loi, « une expérimentation portant sur le filtrage sur le poste client synchronisé avec un serveur central ».

Ce rapport prône également l'établissement de « listes blanches » de sites Internet qui seraient autorisés pour les réseaux publics de connexion sans fil. Si la France en vient à une telle extrémité, il nous sera bien difficile de critiquer les pratiques de l'Internet dans les pays les moins libres de ce monde, de la Chine à la Biélorussie, qui sont sous l'emprise du contrôle politique d'État...

Quant à l'homologation envisagée des logiciels de sécurisation, elle exclut de facto la possibilité d'utiliser un ordinateur équipé en logiciels libres. Les utilisateurs de systèmes d'exploitation comme Linux se retrouveront donc dans une situation d'insécurité juridique discriminatoire. Le problème s'était déjà posé avec les DRM lors de l'examen de la loi DADVSI ; aujourd'hui, il se pose à nouveau, avec ces logiciels de sécurisation.

Au fond, les traités OMPI et la loi DADVSI autant que ce projet de loi dit « HADOPI » ne sont pas autre chose que des armes de guerre économique au service des sociétés dominantes du secteur de l'informatique, comme Microsoft et Apple, et contre les acteurs des logiciels libres – notamment ceux qui créent et produisent des logiciels non propriétaires. C'est un comble !

Revenons au débat sous-jacent : qu'en est-il de la rémunération des artistes, en particulier celle des auteurs ? En effet, c'est en leur nom que sont décidées de telles mesures liberticides contre les internautes. Hélas, aucune amélioration ne leur est accordée. Le système de répartition des droits est tel que les recettes des plateformes alimentent avant tout les majors de production, et fort peu les artistes. En outre, très peu d'artistes perçoivent une rémunération de la part de la SACEM, dont la répartition des droits a été citée hier. Au passage, je rappelle à ceux qui invoquent si souvent la pétition de 10 000 artistes – tout à fait respectable – que la SACEM compte plus de 3 000 sociétaires.

Certes, parmi les nombreux signataires de ladite pétition, les artistes sont mieux représentés que les sociétaires de la SACEM. Elle est parfaitement respectable, je le répète ; néanmoins, en regard du nombre d'artistes concernés par cette loi, elle demeure assez minoritaire.

Chacun peut aujourd'hui constater que, même avec des chiffres d'affaires en baisse, les majors de production continuent à engranger des bénéfices, et ce pour une raison simple : les coûts de diffusion sur Internet diminuent, et sont bien inférieurs aux coûts de fabrication d'un CD. Dans le même temps, la proportion des droits d'auteur dans la répartition des bénéfices stagne, alors même que les sommes perçues par les sociétés de distribution passent de 40 % sur les CD à 61,60 % sur les téléchargements. D'où le déséquilibre suivant : une augmentation de 20 % de la rémunération des distributeurs d'un côté, mais aucune augmentation pour les auteurs de l'autre !

Certes, les téléchargements illicites posent problème, et il convient d'inciter les internautes qui souhaitent écouter de la musique à utiliser les plateformes « légales ». Cependant, ce problème est loin d'être le seul : au fil de l'évolution technologique, la répartition des bénéfices, in fine, profite aux distributeurs et ignore les auteurs. J'insiste sur ce point, car on nous présente trop souvent les artistes comme les pauvres victimes des seuls internautes qui téléchargent illégalement, les autres acteurs n'étant responsables de rien. C'est une fable !

Une des solutions pour rémunérer les auteurs serait de percevoir une taxation sur les FAI et sur les opérateurs de téléphonie mobile. Si ceux-ci ont aujourd'hui un tel succès, c'est qu'ils peuvent mettre à la disposition du public un ensemble d'œuvres qui plaisent à celui-ci. De même que la télévision a aidé à financer le cinéma, ils doivent contribuer à financer l'ensemble de la culture, tant en matière de cinéma que de musique.

Une autre solution serait d'envisager la licence collective étendue volontaire – et nous défendrons un amendement en ce sens – par exemple lors de l'abonnement aux services des FAI, avec une clé de répartition plus juste pour les artistes. À défaut, on s'achemine vers des dispositifs encore plus arbitraires et qui ne reviendront pas moins cher aux particuliers, leur coût étant reporté sur les prix d'abonnement aux fournisseurs d'accès.

Enfin, il faut que les distributeurs prennent leurs responsabilités, ainsi que les majors, en ce qui concerne la musique, et qu'ils baissent le prix des morceaux ou celui des forfaits sur les plateformes de téléchargement payantes. Dans ces conditions, beaucoup d'internautes qui, pour avoir accès à la culture, utilisent aujourd'hui Internet plutôt que d'acheter des CD, recourront à ces plateformes légales.

Une telle réflexion nécessite le renvoi en commission, que je vous demande de voter pour éviter d'adopter un texte absurde technologiquement, discriminatoire, qui porte atteinte aux libertés et qui n'améliorera ni la rémunération des auteurs ni la situation de la création culturelle dans notre pays.

[...]

Madame la ministre, j'ai soulevé la question lors de mon intervention. Vous dites ne pas voir où est le problème avec ce site, qui porte la bannière du ministère. Mais je vous ai déjà indiqué que la société qui a réalisé ce site, Push it up, envoie des mails à un certain nombre de personnes et que j'en ai reçu un, non pas à l'une de mes adresses publiques, dans ma circonscription ou à l'Assemblée nationale, mais à mon adresse personnelle, ce qui est une intrusion dans ma vie privée. Je me demande comment ils ont bien pu trouver cette adresse, qui n'est nullement publique.

En outre, sur son site « pushitup.com », que chacun peut aller voir, cette société se vante de diffuser des spots viraux et d'aller jusqu'au marketing viral. Comment le ministère peut-il passer un accord avec une société qui se vante de telles pratiques ? Je croyais que nous étions, en tant que législateurs, préoccupés par la lutte contre le marketing viral. Il est problématique qu'une société avec laquelle le ministère de la culture a passé un marché pour sa communication se vante de recourir à de tels procédés. Comment le ministère contrôle-t-il les sociétés avec lesquelles il passe des marchés ?

[...]

Je partage tout à fait ce que viennent de dire M. Mathus et M. Tardy. Madame la ministre, vous nous répondez, d'une manière assez désinvolte : « Mais on peut avoir un accès à Internet partout ailleurs. » Or, premièrement, ce n'est pas toujours vrai et, deuxièmement, il ne suffit pas d'y avoir potentiellement accès, encore faut-il disposer d'un ordinateur. Il peut s'agir d'un PC portable, mais je rappelle que tout le monde n'en possède pas, puisque l'on peut recevoir Internet chez soi à partir d'un PC fixe, difficilement transportable.

Certes, il y a des possibilités de se connecter à des accès disponibles en dehors de son domicile, mais ils sont payants pour les trois quarts d'entre eux – hôtels, webcafés… Cela veut dire que l'internaute qui aura subi une coupure de son accès continuera à payer l'abonnement et, en plus, devra payer pour se connecter ailleurs. Or, de plus en plus de démarches administratives indispensables, imposées par les administrations, le Pôle emploi ou les impôts doivent être effectuées par Internet. En effet, vous réduisez le personnel d'accueil, et il y a maintenant des serveurs téléphoniques hyper-compliqués, dans lesquels bon nombre de personnes se perdent : « Taper un, puis taper deux ; ensuite, taper trois »… à la fin, elles ne savent plus ce qu'elles doivent faire et raccrochent, après avoir passé pas mal de temps au téléphone, sans être arrivées à joindre l'interlocuteur qu'elles recherchaient. Elles ont alors tendance à aller sur Internet – c'est d'ailleurs l'objectif des administrations – parce que c'est plus facile pour contacter ces services. Et pourtant, vous nous dites, madame la ministre : « L'accès à Internet n'est pas un droit fondamental, essentiel, on peut s'en passer. »

De plus, je rappelle que les droits évoluent en fonction des besoins de la société. Au début du XXe siècle, l'électricité n'était pas un droit essentiel ; dans les campagnes, jusque vers 1950, il y avait beaucoup d'endroits sans accès à l'électricité, où on en était encore à la lampe à pétrole et à la bougie. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que l'accès à l'électricité est un droit essentiel. Il en est de même de l'accès à l'eau. Internet, à son tour, devient, peu à peu, un droit essentiel pour pouvoir s'insérer dans la société.

[...]

De nouveau, je suis étonnée. Ne pas être capable de se servir d'un ordinateur vous exclut aujourd'hui, nous le savons, du marché du travail.

L'évolution a été très rapide. Au début des années quatre-vingt-dix, il était encore possible de trouver du travail sans savoir se servir d'un ordinateur. Aujourd'hui, rendez-vous dans un pôle emploi et regardez les annonces, vous aurez beaucoup de mal à postuler si vous ne savez pas vous servir d'un ordinateur.

Aujourd'hui, nous en sommes à l'étape suivante, c'est-à-dire à l'ordinateur connecté à Internet.

J'aimerais citer une autre phrase de ce fameux rapport parce que je la trouve très intéressante par rapport à l'amendement de nos collègues du groupe SRC : « Considérant que l' “ e-illetrisme” – c'est-à-dire l'illettrisme sur Internet – sera l'illettrisme du XXIe siècle ; considérant que garantir l'accès de tous les citoyens à Internet équivaut à garantir l'accès de tous les citoyens à l'éducation – l'utilisation d'Internet se développe d'ailleurs, pour diffuser les cours de fac, donner les notes des lycéens – et considérant qu'un tel accès ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées – ce que va permettre ce projet de loi en refusant un accès au nom d'une sanction prononcée par une haute autorité sous l'impulsion des ayants droit représentés par des sociétés privées ; considérant qu'il est important de se pencher sur les questions émergentes telles que la neutralité des réseaux, l'interopérabilité, l'accessibilité globale de tous les nœuds Internet et l'utilisation de formats et de normes ouverts »...

Ce paragraphe montre bien le lien qui existe entre Internet et l'éducation, l'objet de l'amendement n° 397. Il faut regarder ce qui est possible. Nous ne disons pas : « C'est fantastique, continuez à télécharger abusivement, illicitement... »

Si vous aviez été présent depuis le début, vous l'auriez déjà entendu, cher collègue. Ce débat, nous l'avons déjà eu en 2005-2006. Nous l'avons toujours dit : nous sommes contre les téléchargements abusifs qui portent préjudice aux auteurs. Mais nous sommes en désaccord sur les méthodes proposées pour réduire ces téléchargements abusifs.

Je ne dis pas pour les supprimer – même le Gouvernement et les rapporteurs reconnaissent qu'il faut proposer des solutions mais que, de toute façon, on n'arrivera jamais à empêcher le téléchargement, ce qui est déjà un progrès par rapport à M. Donnedieu de Vabres qui nous expliquait que la loi DADVSI et les fameux DRM allaient tout régler et que plus un téléchargement illégal ne passerait sur le net. Donc la situation évolue.

Nous considérons qu'il faut trouver des solutions pour garantir les droits d'auteurpour convaincre tous ceux qui téléchargent de le faire dans des conditions licites, mais nous sommes en désaccord avec la coupure de la connexion Internet. Cette sanction nous paraît inadmissible par rapport aux besoins d'Internet dans la société d'aujourd'hui et par rapport à la faute. Cela concerne le droit de la propriété, ce n'est pas une atteinte aux personnes physiques.

Il faut quand même maintenir une hiérarchie de la sanction. Ce projet de loi s'appuie sur une extension du droit utilisé dans la lutte contre le terrorisme. Nous sommes là à un autre niveau : l'atteinte à des droits de la propriété, toute désagréable qu'elle soit, n'est tout de même pas du même niveau qu'une atteinte aux personnes physiques.

11/03/2009 Débats HADOPI : exception d'irrecevabilité, DADVSI, échanges sur Internet, autorité judiciaire, sanctions, droits fondamentaux, surveillance, vie privée

Défendre la création et les droits d'auteur, nous y sommes tous attachés. Ce qui nous oppose, c'est que certains cherchent à reproduire un modèle obsolète, celui des supports matériels, en le transférant sur le support immatériel de l'Internet, mission évidemment impossible. Pour protéger la création et l'exception culturelle française ainsi que les droits d'auteur, il faut innover en tenant compte des nouveaux outils technologiques.

J'admire l'empressement de nos collègues de l'UMP à jeter aux orties la loi DADVSI de 2006, loi qui devait tout régler et qu'ils ont défendue avec le même enthousiasme qu'aujourd'hui la loi HADOPI, laquelle, de nouveau, réglera tout...

La réalité, c'est que les jeunes, comme les moins jeunes, achètent de moins en moins de CD. Ou ils téléchargent ou ils écoutent, de plus en plus, en ligne. Se fonder sur les baisses de vente de CD pour expliquer que l'industrie musicale est en crise est un non-sens, voire une tromperie.

En 2004, le Conseil constitutionnel déclarait : « Les données ainsi recueillies ne pourront, en vertu de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d'une procédure judiciaire. » Votre projet de loi prévoit de passer outre et de transférer ce qui relevait des procédures judiciaires à une autorité administrative. Voilà le premier point de désaccord qui nous conduira à voter l'exception d'irrecevabilité défendue par le groupe SRC.

Deuxièmement, comme vous ne pouvez plus rester dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la contrefaçon, vous inventez une sanction pour manque de surveillance de la connexion Internet, avec l'obligation de sécuriser sa ligne, ce qui revient à une inversion de la preuve de responsabilité. Si, au sein d'une famille, les enfants téléchargent illégalement, il est normal selon vous, madame la ministre, que la famille soit responsable. Permettez-moi de vous soumettre un autre exemple, celui d'une famille qui est munie d'une live box – l'adresse IP étant celle de la live box – et dont les enfants majeurs téléchargent sur un ordinateur indépendant mais relié à la live box. En droit, madame la ministre, il faut une enquête de police pour identifier l'auteur d'un délit. Avec ce texte, vous décidez, bien que les enfants soient majeurs, que les responsables seront les parents. Une telle disposition est en contradiction avec notre droit.

Troisièmement, ce texte introduit une rupture d'égalité – Patrick Bloche l'a démontré – entre les internautes dont la ligne sera coupée, soit parce qu'ils ne disposent que d'une ligne Internet, soit parce que leur ligne est totalement dégroupée, et ceux qui seront épargnés parce qu'une coupure de la connexion entraînerait en même temps celle du téléphone et de la télévision. Inégalité entre internautes, d'une part ; inégalité territoriale, de l'autre.

L'inégalité existe également entre les ayants droit. Seuls les sociétés qui perçoivent les droits ou les organismes professionnels pourront saisir la commission de protection des droits. Quant aux petits ayants droit, ils n'auront pas forcément les moyens de le faire.

S'agissant enfin des fichiers, le rapporteur Franck Riester a indiqué que ces messages ne font pas grief. Peut-être, mais ils entraînent le fichage des internautes concernés, dès le premier avertissement. Ils n'auront aucun moyen de faire valoir leur bonne foi s'ils ne sont pas responsables du téléchargement, soit parce que leur connexion a été piratée ou qu'un wifi libre a été utilisé, etc. Ces internautes-là seront fichés sans raison. Nous ne connaissons que trop les garanties de sécurité liées à ce type de fichiers ! Je pense notamment, chers collègues, au fameux fichier STIC. Nombreux sont les cas de personnes qui se sont vu refuser un accès à un emploi parce que leurs coordonnées figuraient dans cette base de données alors que celles-ci auraient dû être effacées ou même ne jamais y figurer ! Quelle garantie avons-nous que ce fichier sera plus sécurisé que le STIC ? Aucune !

Au nom de ces quatre objections de nature constitutionnelle, nous voterons l'exception d'irrecevabilité.

16/03/2006 Débats DADVSI : surveillance, contravention, amendement vivendi

Le ministre vient de nous apporter quelques éclaircissements. Jusqu'à présent nous n'avions pas eu beaucoup de réponses aux questions que nous avions posées, tant ici qu'en commission. Nous en sommes quand même à la cinquième rectification, ce qui montre que le Gouvernement n'a pas beaucoup de certitudes. Si la version actuelle n'envoie plus les internautes en prison, son application n'en soulève pas moins encore beaucoup de questions.

Monsieur le ministre, vous nous répétez constamment que ce sont les œuvres qui seront surveillées et les auteurs qui détermineront le régime de diffusion. Vous venez de nous expliquer que le constat s'effectuera par un logiciel peer to peer et qu'on demandera à un officier de police judiciaire de remonter jusqu'au propriétaire de l'adresse IP, ce qui est parfois difficile, procédure utilisée actuellement dans les cas de pédophilie, de racisme et d'antisémitisme. D'ailleurs, l'amendement n° 228 indiquait qu'il est souvent impossible de préciser que l'auteur de la contrefaçon est le titulaire de l'abonnement à Internet et du numéro IP correspondant.

Par ailleurs, vous dites que les actes de simple téléchargement seront désormais passibles d'une contravention de 38 euros et ceux qui s'accompagnent d'une mise en ligne d'une amende de 150 euros. On voit là ressurgir cette obsession d'interdire le peer to peer. Comme il est assez rare qu'on ne fasse que télécharger, l'amende sera systématiquement de 150 euros et non de 38 euros. Je vois mal comment vous parviendrez à détecter un téléchargement individuel d'une œuvre sur Internet, à moins qu'il y ait dénonciation. Finalement, je ne sais pas dans quel cas s'appliquera l'amende de 38 euros. Ne laissez donc pas croire qu'il y aura deux sortes d'amendes puisque c'est celle de 150 euros qui s'appliquera systématiquement.

À moins que, comme vous l'aviez laissé entendre pour la peine de prison prévue dans la première version de l'amendement, elle ne doive jamais être appliquée.

Vous savez très bien que la loi que nous allons voter ne sera pas appliquée. Mais une telle méthode pourrait paraître bizarre de la part du législateur et de la commission des lois.

Par ailleurs, à la question que nous vous posons depuis le début, à savoir si c'est la connexion, la durée ou le nombre d'œuvres téléchargées qui sont visées, vous nous répondez que c'est le Conseil d'État qui le précisera. Et que se passera-t-il quand le nombre d'œuvres téléchargées sera différent du nombre d'œuvres mises en ligne ? Je trouve tout cela pour le moins dommageable, alors que ce texte est à l'étude depuis deux ans et en discussion à l'Assemblée nationale depuis le mois de décembre.

Nous avons déploré, à plusieurs reprises, que l'Assemblée se trouve de plus en plus dessaisie de son pouvoir de législateur.

Là, elle ne peut même plus être informée des décisions qui pourront être prises. Il est pourtant important que les justiciables de ce pays puissent savoir quelle sera réellement l'étendue de la sanction et quels seront les recours possibles.

...

Une précision d'abord : il ne s'agit pas d'un amendement Vivendi, mais d'un amendement Philips. En effet, il s'agit de contraindre à l'adoption, dans les logiciels de peer to peer, d'une nouvelle technologie connue sous le nom de Snocap et développée par Shawn Fanning, l'ancien responsable de Napster, pour la société Philips. Un accord a déjà été conclu, par exemple, avec Universal Music, et l'on essaie aujourd'hui de faire pression pour que tous les logiciels de peer to peer adoptent la technologie Snocap, ce qui en fera un équivalent des DRM.

Le développement des plateformes payantes était censé garantir le droit d'auteur. Or voilà que l'on en remet une couche en n'autorisant le peer to peer qu'avec la technologie Snocap - puis, j'imagine, avec d'autres technologies de même nature qui se développeront. Cela revient à interdire toute autre possibilité de peer to peer, alors que celui-ci ne sert pas qu'à des échanges illégaux : à l'origine, il n'était pas du tout prévu pour cela, et l'on peut constater aujourd'hui son utilisation croissante dans les échanges universitaires, par exemple.

Par ailleurs, l'amendement n° 261, qui réécrit l'article 13, punit déjà d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de « procurer » des moyens de contourner les mesures techniques de protection. Maintenant, on enjoint l'éditeur, qui est en l'espèce distributeur, de prendre des mesures pour empêcher ou limiter l'usage illicite de son logiciel. Or nous parlons toujours d'un outil, qui peut avoir un usage licite ou illicite. Ce n'est pas l'outil qui détermine son usage !

L'amendement n° 267 rectifié prévoit la saisine du tribunal de grande instance, qui « peut ordonner, sous astreinte, toute mesure nécessaire ». Ne risque-t-il pas d'y avoir contradiction, dans certains cas, entre la nouvelle sanction prévue ici et celles qui sont introduites à l'article 13 ?

C'est bien le problème du développement des logiciels de peer to peer qui est posé. Ceux-ci, je le répète, ne sont pas intrinsèquement illégaux, contrairement à ce que l'on voudrait établir avec cet amendement.

16/03/2006 Débats DADVSI : logiciel libre, interopérabilité, sécurité, contravention

En tant que députée Verte, je souligne tout de même, et c'est le moins que l'on puisse dire, qu'il n'y a pas eu égalité de traitement dans les auditions. Pendant longtemps, les grands absents ont été les représentants du logiciel libre. Heureusement que le vote de décembre, auquel ont d'ailleurs pris part certains collègues de l'UMP, a suspendu le cours du débat ! Cela a au moins permis d'entendre les associations défendant les logiciels libres, même si elles n'ont guère été écoutées, à en juger par l'adoption de l'amendement n° 150. Sinon, une seule partie aurait été consultée sur l'aspect technique et informatique. Or c'est bien ce que nous reprochons. Personne ne peut contester qu'un gros travail ait été accompli sur tous nos bancs et beaucoup de temps consacré à rechercher des informations. Mais force est de constater que, pendant un temps au moins, toutes les parties prenantes n'auront pas été traitées à égalité.

...

Le sous-amendement n° 292 va dans le même sens. Il propose en effet que « les dispositions du présent article n'interdisent pas la distribution du code source d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique ».

Si cette précision n'est pas adoptée, c'est la mort du logiciel libre, puisque l'accès au code source conditionne son existence. Pourquoi, du reste, refuser l'accès au code source d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique ? Chacun le sait, ce sont tous les dispositifs imaginés visant à empêcher les copies illégales qui sont contournés. À titre d'exemple, les logiciels qui n'autorisent que des copies de sauvegarde voient leur protection contournée par des informaticiens qui réussissent à effectuer des copies illégales. Il sera donc très difficile d'empêcher le contournement des mesures techniques à venir.

Ce n'est pas en bridant le logiciel libre que vous réaliserez votre objectif puisque ceux qui cassent les protections ne passent pas nécessairement par de tels logiciels. Nous l'avons rappelé au cours du débat : il est malheureusement vrai que des informaticiens ont déjà réussi à pénétrer des réseaux informatiques d'entreprises, même liées à la défense nationale de certains pays - dont les États-Unis.

Les systèmes de protection que certains informaticiens inventent, d'autres informaticiens parviennent à les détruire. Fort de cette réalité, source d'indéniables dangers, j'estime que ce n'est pas, une fois encore, en s'en prenant aux outils qu'on empêchera le contournement des mesures techniques de protection.

Le sens de cet amendement est donc d'assurer l'utilisation du logiciel libre pour l'exercice des exceptions pour copie privée prévue par la loi, voire par des accords signés par la France, sur le contenu desquels nous n'avons jamais réussi à obtenir d'explications de la part de M. le ministre.

Quoi qu'il en soit, il reste fondamental de laisser cette fenêtre ouverte, sans quoi le logiciel libre risque d'être mis à mort.

...

Revenons à notre discussion. L'article que nous examinons porte sur la sécurité des mesures techniques de protection. Nous devrions, parallèlement, nous préoccuper de la protection des informations qui circulent sur l'Internet.

Ce sous-amendement a donc pour objet de préciser qu'on ne peut autoriser la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels qui permettent la surveillance de données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de l'autorité judiciaire.

Ce me semble un minimum : quand les autorités procèdent à l'écoute de conversations téléphoniques, c'est à la suite d'une autorisation judiciaire. Or, nous nous trouvons quelque peu dans le même cas de figure. D'ailleurs, le sujet est d'importance puisque la CNIL en a déjà été saisie. Aussi m'apparaît-il très important de ne pas permettre une surveillance permanente et continue des échanges de données sur l'Internet indépendamment de toute décision judiciaire.

Nous devons absolument encadrer ces techniques qui se développent. En effet, comment les personnes s'estimant injustement victimes de surveillance vont-elles pouvoir protester si la loi ne précise pas dans quel cadre cette surveillance est exercée ?

Nous reviendrons, certes, sur ces dispositions après l'article 14, lors de l'examen d'un amendement du Gouvernement. Toutefois, alors que nous en sommes à la partie technique, le moment me semble bien choisi pour les introduire dans le texte, ce qui permettrait de lever toutes les ambiguïtés et faciliterait le travail de la CNIL.

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J'entends bien que la contravention sera créée par un décret en Conseil d'État, mais je crains que ce système ne finisse par rendre possible une double peine. En effet, l'exposé sommaire indique que « le détenteur ou l'utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement, qui profite des moyens mis à sa disposition pour s'affranchir des mesures de protection, relèvera d'une contravention », tandis que le téléchargement, comme nous le verrons après l'article 14, sera aussi passible d'une amende.

Si l'internaute télécharge au moyen d'un logiciel mis au point pour le contournement, sera-t-il passible des deux peines ? C'est l'œuvre qui est mise sous surveillance, et non les internautes, ne cessez-vous de nous répondre. Ce n'est pas chercher à vous embêter que d'essayer de comprendre la traduction concrète de tout cela ! Dès lors qu'un projet de loi prévoit des dispositifs de sanction, le législateur se demande comment ces dispositifs seront mis en place, afin de déterminer s'ils sont bien dans l'esprit du texte qu'il va voter et si des recours peuvent s'exercer. Qu'importe si le recours est abusif : le droit au recours existe. Encore faut-il que la sanction apparaisse très clairement au départ !

Tel est le sens de nos questions sur le troisième point de l'exposé sommaire. Pour ma part, je crains que la disposition annoncée ici ne puisse se cumuler avec la sanction que nous allons bientôt discuter et n'ouvre la voie à une double peine.

15/03/2006 Débats DADVSI : amendement vivendi, logiciel libre, riposte graduée, sécurité, vie privée

J'avoue, monsieur le ministre, que je suis effondrée. On m'avait prévenue que vous pourriez émettre un avis favorable sur ce fameux amendement n° 150 deuxième rectification, surnommé « amendement Vivendi », mais je n'avais pas pu le croire. Je ne pensais pas que nous en étions là et je conservais encore un espoir après vos grandes déclarations sur le logiciel libre affirmant que le texte en discussion ne visait qu'à favoriser l'offre légale sur Internet et à décourager tous ceux qui cherchaient à contourner le droit d'auteur. Je croyais que des compromis étaient encore possibles et que vous ne voudriez pas d'un tel amendement.

En vous entendant émettre un avis favorable et, pis encore, un avis défavorable au sous-amendement n° 324, je me suis dit que j'avais été naïve. Je ne pensais pas que vous iriez aussi loin dans l'interdiction à terme de tout l'espace du logiciel libre.

D'autres l'ont rappelé avant moi : il ne faut pas confondre l'outil et l'usage qui en est fait. Internet peut être un outil fantastique, qu'utilisent d'ailleurs presque tous les parlementaires, notamment pour des échanges internes à l'Assemblée. Malheureusement, c'est en même temps un outil très dangereux permettant de diffuser des idées racistes et de la propagande antisémite ou de servir le développement de réseaux pédophiles. Pour autant, dans les démocraties, personne n'a proposé d'interdire Internet.

Tous nos collègues ici présents ont probablement reçu aujourd'hui comme moi, par le biais d'Internet, un « torchon » raciste et antisémite, prétendument issu du conseil régional du Languedoc, qui met en cause le cercle Léon Blum. En l'état des techniques, il est difficilement possible d'empêcher la circulation de tels « torchons ». Nous en sommes réduits à demander ensuite l'ouverture d'une instruction judiciaire pour retrouver et sanctionner ceux qui sont à l'origine d'un tel message.

Un tel envoi est inadmissible au regard de nos lois et de notre conception des droits de l'homme et de la démocratie. Cependant, nous ne pouvons réagir qu'a posteriori. Pour autant, nous ne bloquons pas Internet a priori, comme on le fait en Chine. Or, avec cet amendement, c'est exactement ce que vous nous proposez de faire.

Pour ma part, jugeant l'amendement inadmissible, je n'avais pas déposé de sous-amendement. Mais je constate que vous refusez même toute tentative de limiter les dégâts par ce biais. En somme, il sera bientôt impossible de développer des logiciels permettant de faire respecter le droit que vous avez fait voter, et je le déplore, quels que soient nos désaccords sur ce texte.

Si des entreprises, des producteurs ou des diffuseurs mettent à la disposition du public des œuvres qui ne respectent pas le droit à la copie privée ou qui sont pourvues de DRM ne respectant pas les dispositions définies par le collège des médiateurs, les consommateurs attendront que celui-ci fasse respecter leurs droits. Pour autant, le fait d'utiliser un outil pour faire respecter ses droits est, lui, parfaitement admissible. Pourquoi l'interdirait-on ? On interdirait du même coup à terme toute recherche dans ce domaine.

Nous vivons en ce moment des heures importantes. On pourra même parler d'un jour noir pour le logiciel libre en France, monsieur le ministre, si vous allez jusqu'au bout de vos positions en acceptant cet amendement.

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À voir la difficulté que nous avons à interpréter cette rédaction, mot après mot, on peut se faire du souci pour la jurisprudence ! Nous sommes en train d'instaurer une insécurité juridique et économique totale pour nos entreprises. Que signifie « un dispositif manifestement destiné à » ? On pourrait tout à fait soutenir qu'Internet est manifestement destiné à la diffusion de discours racistes et d'images pédophiles ! En réalité, l'outil est neutre : le problème réside dans la façon dont il est utilisé. Or c'est l'outil que vous voulez poursuivre en justice !

Ce que nous redoutons depuis le début de ce débat est arrivé : nous allons mettre en péril toute l'industrie du logiciel libre, et pour un temps assez long.

La concurrence économique est rude, on se plaint que la France manque d'industries innovantes et que les jeunes n'ont pas le goût du risque, mais on veut voter un amendement qui ne peut qu'inciter tous ceux qui travaillent dans ce secteur à tout arrêter pour ne pas risquer de se retrouver en prison pour trois ans et de payer 300 000 euros d'amende !

Lorsqu'on est devant un danger, on applique le principe de précaution et l'on ne prend pas de risque. Alors ne votons pas cet amendement !

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Voici une nouvelle illustration des conditions rocambolesques dans lesquelles nous travaillons. Lorsque, en décembre, nous avons déposé nos amendements, ils concernaient un texte bien précis. Pour ma part, j'avais déposé un amendement de suppression de l'article 13 qui, à l'époque, visait la contrefaçon. Entre-temps, nous avons vécu ces fameuses séances de décembre et le Gouvernement a proposé une nouvelle rédaction de l'article 13. Difficile de suivre, dans ces conditions !

Cela dit, comme tous mes collègues Verts, je me félicite que la nouvelle rédaction ne fasse plus référence au délit de contrefaçon, notion qui, il faut bien le reconnaître, était assez peu pertinente en l'espèce. On nous assure aujourd'hui que la riposte graduée est un grand pas en avant. Elle consiste à infliger une pénalité de 38 euros pour un téléchargement simple, et de 150 euros pour la mise à la disposition de fichiers. Cependant, j'ai un peu de mal à comprendre : le principe d'un logiciel de peer-to-peer est précisément de mettre à disposition les fichiers dont on dispose et de télécharger ceux que l'on trouve. Dans ce cas, est-ce la contravention de 38 euros ou celle de 150 euros qui s'applique ? Faut-il, pour se voir infliger la plus lourde, qu'un internaute intéressé par ce que vous avez à proposer le télécharge effectivement ? Et si vous téléchargez deux œuvres, aurez-vous une ou deux amendes de 38 euros ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que cet amendement n'est pas aussi fantastique qu'on le prétend. Je vois que certains collègues hochent la tête : c'est qu'ils ignorent la réalité du pee-to-peer.

[Et quand vous roulez à 160 kilomètres à l'heure pendant deux heures, on doit vous verbaliser une ou deux fois ?] Mais vous roulez avec une seule voiture, pas avec deux, tandis que, là, vous pouvez transférer plusieurs œuvres : c'est toute la différence. Je ne suis pas la première à poser la question, et c'est bien la preuve qu'elle est importante.

D'autre part, comment détermine-t-on que l'infraction est constituée ? Il y a plusieurs possibilités. Vous pouvez continuer à hocher la tête, le monde d'Internet n'est pas si simple. Certes, dans le cas d'un téléchargement à partir d'un site interdit, ce n'est pas très compliqué. Si le site est interdit, c'est qu'il y a eu ouverture d'une instruction judiciaire : la police surveille le site, vérifie qui se connecte, comme elle le fait, par exemple, pour la répression de la pédophilie. Mais dans le cas d'un logiciel de peer-to-peer, on ne peut pas passer son temps à surveiller tout le réseau.

Pour cela, il faudrait qu'il y ait une demande judiciaire, et peut-on accepter de placer Internet sous surveillance constante ?

Enfin, on peut inciter au délit et proposer des films au téléchargement : celui qui les demande se trouvant en infraction, il suffit de le poursuivre.

blockquote&gt;Mais, en droit français, à l'exception de quelques cas très précis définis assez récemment, la provocation au délit est interdite.&lt;/blockquote&gt;

Vous le voyez, ce n'est pas si simple de réprimer l'internaute.

Mais c'est la réalité. Vous le sauriez si vous étiez un peu plus souvent sur Internet.

La seule possibilité qu'on envisage aujourd'hui, c'est de surveiller les logiciels de peer-to-peer. Tout va donc se passer dans la clandestinité, dans l'anonymat, dans le cryptage, et vous ne pourrez pas savoir qui télécharge illégalement, à moins de demander l'ouverture d'une instruction. Mais, pour cela, il faut avoir des soupçons, il faut qu'il y ait eu dénonciation. Dans la pratique, on se rend compte que cette solution prétendument idéale, on n'est pas près de la mettre en œuvre !

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Avant de défendre mon sous-amendement, j'aurais une question sur l'article 13. Quand je lis l'exposé de l'amendement gouvernemental, et notamment le paragraphe qui explique que « le détenteur ou l'utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement qui profite des moyens mis à sa disposition pour s'affranchir des mesures de protection, relèvera d'une contravention de la quatrième classe, qui sera créée par un décret en Conseil d'État », j'avoue ne pas en retrouver la transcription dans le texte de l'amendement.

Cette parenthèse refermée, j'en viens à mon sous-amendement n° 288.

L'amendement n° 261 du Gouvernement propose d'écrire, dans le III de l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle, que les dispositions du présent article « ne sont pas applicables aux actes réalisées à des fins d'interopérabilité ou pour l'usage régulier des droits acquis sur l'œuvre ». Je propose de modifier cette rédaction et de faire référence aux actes réalisés « à des fins d'interopérabilité, de sécurité informatique, de protection de la vie privée ou pour l'usage licite de l'œuvre ».

En matière de sécurité informatique, je veux bien qu'une entreprise victime d'un problème avec un support contenant un DRM ayant permis l'intrusion d'un virus doive saisir le collège des médiateurs et attendre sa décision. Ceci étant, il serait préférable qu'elle puisse très rapidement rétablir la sécurité sur son réseau informatique.

Vous me direz que, a priori, dans une entreprise, on n'est pas forcément censé écouter des CD de l'entreprise Sony. C'est indéniable. Cela étant, je ne vois pas comment un chef d'entreprise peut se garantir contre le fait qu'un employé utilise l'ordinateur mis à sa disposition pour écouter un CD en sa possession, notamment pendant les pauses. Il doit pouvoir dans ce cas-là rétablir la sécurité informatique de son installation, susceptible d'avoir été mise à mal. Sans interférer dans les rapports entre l'employeur et son employé, il est indispensable de maintenir cette possibilité pour l'entreprise.

Il faut également autoriser la protection de la vie privée - nous avons eu le problème avec le fameux CD de Sony -, ainsi que l'usage licite, à mon sens plus pertinent que les droits acquis sur l'œuvre qui ouvrent la voie à de multiples interprétations.

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L'objet de l'amendement n° 261, tel qu'il ressort de l'exposé sommaire, vise à clarifier « les incriminations du contournement des mesures techniques de protection des œuvres et d'atteinte aux informations protégées portées sur les œuvres ».

Le sous-amendement n° 290 tend à compléter le texte proposé pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par le paragraphe suivant : « IV. - Les dispositions du présent article n'interdisent pas la distribution du code source d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique. »

Rappelons que l'interopérabilité peut être réalisée de diverses façons : par des logiciels propriétaires, par des logiciels mis sur le marché et par des logiciels libres. Le sous-amendement n° 290 prolonge le précédent, car il respecte l'exception prévue au septième alinéa de l'article L. 122-5 pour le handicap visuel. Si cette précision n'était pas apportée, on ne pourrait réaliser l'interopératibilité que par des logiciels propriétaires, ce qui suppose des coûts de développement, alors qu'il est possible de passer par des logiciels libres, moins coûteux pour ceux qui seront amenés à développer ces mesures, visant à assurer le respect de cette exception.

Si cette possibilité n'était pas précisée, on enfermerait totalement l'interopérabilité dans un système très contraint, qui risquerait de limiter sa portée, si les associations, les personnes morales autorisées à mettre en œuvre cette exception n'avaient pas la possibilité d'utiliser le logiciel indépendant, interopérant avec une mesure technique.

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M. le ministre nous répond que rien n'interdit la publication d'un code source d'un logiciel indépendant, mais que le code source ne doit pas permettre de contourner la mesure technique. Or il le faudra bien pour le respect de l'exception handicap.

Nous avons certes déjà largement débattu du sous-amendement n° 296, mais nous ne sommes pas responsables de l'organisation de la discussion. Dès lors que Gouvernement dépose un amendement qui rédige l'article, l'opposition ne peut que déposer des sous-amendements.

Nous proposons donc que les dispositions du chapitre sur les mesures techniques ne soient pas « applicables aux logiciels utilisés à des fins de partage de fichiers personnels, de recherche et de travail collaboratif ».

Ce sous-amendement devrait recueillir l'assentiment général, car nous avons déjà adopté une disposition allant dans ce sens.

15/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, autorité administrative indépendante

Le conflit entre les deux instances est patent. Le rapporteur nous explique que le collège des médiateurs s'occupera par exemple des supports et des techniques de protection disponibles. Mais la commission pour copie privée se penche déjà sur cette question des supports. Dans ses réunions, elle se pose déjà la question de savoir s'il faut étendre ou non la redevance, à quel montant il faut fixer ces redevances sur tel ou tel nouveau support ou s'il faut baisser la redevance. En voulant rajouter une instance, vous allez créer une usine à gaz.

S'agissant de la méthode, certains collègues de l'UMP nous reprochent de revenir toujours sur la même question. Mais ce n'est pas de notre faute. Reconnaissez qu'il aurait été plus facile de discuter de cet amendement si, préalablement, nous avions examiné la création de ce fameux collège des médiateurs, qui n'intervient qu'à l'article suivant. Comment discuter de la mission du collège des médiateurs alors qu'on ne l'a pas encore créé ?

En outre, l'arrêt de la Cour de cassation anticipe une loi et même la transposition de la directive. En effet, la directive n'a jamais parlé de la défense des intérêts économiques de la production puisque son sujet, c'était le droit d'auteur. La Cour de cassation aurait dû, dans sa décision, se limiter à la défense du droit d'auteur et ne pas prendre en compte la question du marché et de l'environnement économique des producteurs - il y a là un glissement que j'ai déjà dénoncé. Nous ne pouvons pas reprendre en notre nom la décision de la Cour de cassation parce qu'elle est extérieure au champ du projet de loi et de la directive.

Le véritable problème, c'est l'abandon depuis hier de nos prérogatives de législateur. Nous les transférons à une autorité, sans fixer aucune limite. S'il faut respecter la chronologie des médias, que se passera-t-il pour les films qui sont sortis depuis dix, quinze ou vingt ans ? Il n'y aura toujours aucun droit à la copie privée sur ces films. Ils pourront certes être reproduits sur support DVD mais dans ce cas-là, ce sont les droits du producteur qui seront concernés puisqu'on aura effectué un transfert sur un autre support, non les droits d'auteur.

Pour conclure, si l'on ne fixe pas de minimum, le collège des médiateurs risque de se retrouver dans la même situation et de ne pas réussir à fixer des normes sur lesquelles s'accorder - on le verra au moment de la discussion de l'article 9. Dans ces cas-là, il faudra repasser devant la justice, avec les mêmes problèmes de jurisprudences différentes, ce qui obligera à légiférer de nouveau pour trancher enfin entre les différents arrêts.

Par ailleurs, les décisions du collège des médiateurs étant susceptibles d'appel, on retombe, là aussi, sur une procédure jurisprudentielle, sans que le législateur ait fixé de cadre légal minimal.

Tout ceci n'est pas très sérieux, et il aurait mieux valu discuter d'abord du collège des médiateurs et ensuite de ses attributions. Par ailleurs, nous devrions d'abord, en tant que législateurs, fixer un cadre minimum avant de faire intervenir une instance de proposition, qui laisse en dernier ressort la décision finale aux pouvoirs publics dans la mesure où il s'agit de questions qui relèvent de l'intérêt général. Cela permettrait de concilier plus simplement l'ensemble des intérêts en cause, ceux des auteurs, des producteurs et des consommateurs, ces derniers ayant, contrairement à ce qui a été dit hier, la même importance que les précédents.

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Nous venons d'évoquer deux amendements qui me semblent pourtant différents. L'amendement n° 31 porte sur la limitation de la lecture et le n° 87 sur la limitation de la copie. Or jusqu'ici nous n'avions parlé que des limitations apportés à la copie, et l'amendement de la commission, sur la limitation de la lecture, opère donc un glissement dans le débat. Pouvez-vous donc, monsieur le rapporteur, préciser vos intentions.

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J'ai écouté avec intérêt M. Wauquiez. Notre critique a justement porté sur le fait que les députés n'aient pas pu entendre l'ensemble des acteurs concernés, notamment sur la partie technique.

L'article 9 prévoit que le collège des médiateurs sera composé de trois personnalités qualifiées nommées par décret, dont deux seront choisies « parmi des magistrats ou des fonctionnaires appartenant, ou ayant appartenu, à un corps dont le statut garantit l'indépendance ; ils désignent ensuite le troisième médiateur... »

De quels moyens disposeront-ils ? Pour ma part, je ne vois pas très bien comment deux magistrats peuvent être plus compétents que la cinquantaine de parlementaires qui ont suivi ce débat de bout en bout, qui sont le plus au fait de la question et qui ont le plus travaillé.

J'estime que l'on plonge dans l'inconnu avec ce collège de médiateurs. Quelle sera sa compétence technique en la matière ? Immense point d'interrogation !

Le collège de médiateurs est chargé de définir les modalités de l'exercice de la copie privée en prenant en compte les différents types de contenu, les différents modes d'exploitation et les techniques de protections. Face à une telle responsabilité, il va de soi qu'il faut une grande compétence technique.

Le collège gère aussi les différends portant sur le bénéfice des exceptions ce qui, du reste, était sa seule compétence au départ. Pour ma part, j'étais défavorable au dessaisissement de la puissance publique. Maintenant, ses compétences ont été étendues ; non seulement le collège gère les différends portant sur le bénéfice des exceptions introduits à l'article 1er, mais il doit aussi s'occuper des types de contenu, de supports, y compris la programmation des DRM. On est donc en droit de se demander comment il va procéder.

Permettez-moi de revenir à l'amendement n° 31 du rapporteur à l'article 8 : « Toute limitation de la lecture d'une œuvre, d'un vidéogramme ou d'un phonogramme, ou du bénéfice de l'exception prévue au 2° de l'article L. 122-5 et au 2° de l'article L. 211-3, résultant de mesures techniques mentionnées à l'article L. 331-5 fait l'objet d'une information de l'utilisateur. »

S'agissant de la limitation de lecture d'une œuvre, on peut comprendre qu'il s'agit d'une œuvre mise à disposition sur le réseau Internet et on sait donc que les DRM peuvent limiter la lecture. Mais s'agissant de la limitation de la lecture d'un vidéogramme ou d'un phonogramme, cela signifie que l'on introduit subrepticement la possibilité de limiter la lecture de supports physiques, ce qui n'est actuellement pas le cas.

Cela veut-il dire que le collège des médiateurs sera aussi chargé de gérer les différends sur l'utilisation des DRM ? Pour l'instant, ce n'est pas le cas, puisqu'il ne doit gérer que les différends portant sur le bénéfice des exceptions.

Reconnaissez tout de même, monsieur le ministre, que l'on finit par aboutir à un texte, en première et dernière lecture à l'Assemblée, difficilement lisible suite aux modifications continuelles par le biais d'amendements émanant tant du Gouvernement que du rapporteur.

On saisit mal les conditions dans lesquelles le collège pourra travailler. Quels seront les moyens dont il disposera ? Quelles sont ses compétences ? Comment n'y aura-t-il pas de conflit entre la médiation et la définition de tout ce qui tourne autour de la copie privée ? Tout à l'heure, notre collègue M. Richard disait que le collège siégerait en formations séparées pour éviter d'être juge et partie. Je veux bien que les trois personnalités siègent une fois pour gérer les différends et la fois suivante pour définir la copie privée. Mais il s'agira toujours des mêmes personnes. En tout état de cause, ce n'est pas précisé dans l'article tel qu'il est rédigé.

Enfin, comment, sur l'ensemble du territoire, sera-t-il possible pour un citoyen de saisir individuellement le collège des médiateurs, s'il s'estime lésé parce qu'une mesure technique de protection l'empêche de bénéficier de l'exception pour copie privée ?

14/03/2006 Débats DADVSI : interopérabilité, DRM, sécurité, copie privée

Pour ce qui est de la garantie de l'interopérabilité, nous sommes très loin du compte. En effet, l'amendement proposé représente une très légère avancée et les sous-amendements vont un peu plus loin, mais le Gouvernement n'est visiblement pas prêt à garantir réellement l'interopérabilité.

Je voudrais tout de même rappeler que, dans le fameux amendement voté en décembre, le deuxième alinéa introduit une restriction puisque les mesures techniques ne doivent pas conduire à empêcher la mise en œuvre de l'interopérabilité pour autant que celle-ci ne porte pas atteinte aux conditions d'utilisation d'une œuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme. Cette restriction prête à interprétation, car comment une interopérabilité pourrait-elle porter atteinte aux conditions d'utilisation d'une œuvre ? S'il y a interopérabilité, on peut accéder à une œuvre, notamment la lire, sur l'ensemble des supports disponibles, que ce soit lecteur de CD, lecteur de DVD, MP3, autoradio, etc. Une œuvre est rendue interopérable, soit en faisant sauter le DRM pour pourvoir la lire avec des logiciels libres, soit en fournissant l'oeuvre sous un format ouvert. Introduire cette restriction dans le texte revient donc à démontrer qu'on ne parle pas d'interopérabilité.

Notre collègue Frédéric Dutoit vient d'expliquer l'enjeu du prix. C'était d'ailleurs un élément qui avait été inscrit dans la première mouture de l'exception handicap, car si l'interopérabilité ne respecte pas certaines conditions tarifaires dès le départ, on se demande comment une association va pouvoir saisir le conseil de la concurrence pour avoir accès aux informations, à des conditions de prix équitables. Et on ne voit pas pourquoi, tout à coup, il faudrait payer pour avoir un format ouvert. S'il y a un support ou un envoi qui suppose très peu de frais, en ce cas cette dépense serait prise en compte ; mais c'est la seule raison pour laquelle il pourrait y avoir éventuellement indemnisation de la mise à disposition.

De surcroît, la rédaction est particulièrement peu claire : les fabricants et exploitants qui veulent mettre en œuvre l'interopérabilité devraient s'engager à respecter, dans leur domaine d'activité, les conditions garantissant la sécurité de fonctionnement des mesures techniques de protection qu'ils utilisent ! Autrement dit, on nous explique qu'il y a une interopérabilité mais qu'elle doit garantir la sécurité du fonctionnement des mesures techniques. Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela signifie-t-il qu'une fois qu'on a réalisé la possibilité de lire l'œuvre sur un autre support, il faut fermer les conditions d'accès ?

L'amendement no 233 troisième rectification ne va pas très loin, mais je le voterai au nom des députés Verts.

Toutefois, je voterai contre l'article 7, parce que ce n'est que de la poudre aux yeux.

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À la lecture de l'exposé « sommaire » de l'amendement n° 273 deuxième rectification, je me demande si j'ai rêvé pendant tout le débat précédent ! Je comprends que le rapporteur n'ait pas eu l'air très à l'aise pour défendre cet amendement.

Le Parlement est fait pour débattre et je souhaite donner mon opinion !

Quand on lit donc, dans l'exposé des motifs : « L'objet de cet amendement est d'éviter que la gestion de droits d'auteur ne compromette de facto la sécurité des utilisateurs individuels, des entreprises, des administrations », on a vraiment du mal à croire que les DRM soient bien, comme on nous l'a expliqué tout au long de la discussion de l'article 7, un grand progrès pour l'humanité !

Il y a un risque indéniable pour la sécurité nationale, pour nos entreprises, nos centres de recherche et nos administrations, comme le répètent depuis le début de ce débat tous ceux qui sont défavorables aux DRM. Mais les auteurs de l'amendement se montrent beaucoup moins soucieux des risques, pourtant tout aussi réels, que les DRM représentent pour la sécurité des ordinateurs des particuliers et pour les libertés individuelles des internautes ! N'y aurait-il pas là une certaine tartuferie ?

Oui, le danger existe - comme le souligne M. Lasbordes dans son rapport intitulé : « La sécurité des systèmes d'information. Un enjeu majeur pour la France » -, mais il existe pour tous les ordinateurs, pas seulement pour ceux de l'administration ou des entreprises !

Pourquoi en ce cas rejeter le sous-amendement de nos collègues socialistes, en prétextant la disposition relative à la publication au Journal officiel d'un décret du Conseil d'État ? Une telle disposition ne garantit pas l'information de tous les internautes. On peut même être sûr du contraire, si l'on en juge par la teneur des débats jusqu'à présent !

Vous essayez, à la faveur de l'article 7, de faire croire à tous les utilisateurs et acteurs du logiciel libre que vous avez su les écouter et que vous avez réglé la question. Mais ce n'est pas vrai, et eux-mêmes le disent. Ils demandent une deuxième délibération sur l'article 7, parce qu'il ne tient pas les engagements que vous aviez pris sur l'interopérabilité !

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L'article 8 précise les conditions d'exercice de l'exception pour copie privée. Il autorise les titulaires de droits à prendre des mesures permettant de limiter le nombre de copies, sans pour autant en fixer le nombre. Plusieurs amendements ont été déposés : l'un, de notre collègue Wauquiez, pose en matière de copie privée un principe dont on ne voit pas comment il trouvera à s'appliquer. Un autre, du rapporteur, précise que le nombre de copies autorisées doit être au moins égal à un - sauf dans le cas d'un DVD loué. C'est cependant le collège de médiateurs, créé par l'article 9 et chargé de garantir le bénéfice de l'exception pour copie privée, qui va finalement décider des conditions de cette exception, en fixant le nombre de copies et en vérifiant que les MTP ne se transforment pas en un contrôle de l'usage.

Quelle nébuleuse ! L'article fait état de quelques principes assez vagues, mais en définitive, ce n'est pas la représentation nationale qui décidera. De même que l'on a transféré - certes il y a longtemps, et dans un contexte différent - à une commission la responsabilité de décider du taux et de l'assiette de la rémunération pour copie privée, on nous demande aujourd'hui de transférer à une autre instance - laquelle ? les amendements de la commission et ceux du Gouvernement sont en contradiction sur ce point - le soin d'en fixer les modalités.

En outre, les titulaires de droits ne sont pas tenus de prendre les mesures prévues au premier alinéa lorsque l'œuvre est mise à la disposition du public selon les stipulations contractuelles convenues entre les parties. Nous avons vu que ces fameuses stipulations pouvaient notamment concerner l'exception pédagogique. Rappelons que les cinq accords signés par le ministère de l'éducation nationale ne concernent que la formation initiale, et non la formation permanente et continue, qui constitue pourtant une des missions de l'université.

Jusqu'à présent, en l'absence de précisions sur le statut des nouveaux supports, certaines pratiques des enseignants et des chercheurs pouvaient s'avérer illégales. Comme le projet de loi ne dit rien sur l'exception pédagogique mais renvoie sur ce point aux accords contractuels, on ne sait pas très bien, après son adoption, comment pourront travailler les enseignants impliqués dans la formation permanente, puisque celle-ci est exclue des accords.

Par ailleurs, dans l'accord sur l'audiovisuel, seule la programmation des télévisions hertziennes est prise en compte. Mais comment peut-on croire que le travail des enseignants et des chercheurs ne porte que sur cette programmation ? Et l'accord ne s'appliquant qu'à partir de 2007, que devront-ils faire dans les mois à venir ? Vont-ils rester dans l'illégalité ? Doivent-ils s'abstenir d'utiliser ces supports pour enseigner ? Le problème se pose notamment pour l'enseignement du cinéma : compte tenu de la chronologie des médias - que je ne remets d'ailleurs pas en cause - et de la rareté des films diffusés sur les chaînes non payantes, comment les enseignants pourront-ils faire connaître la production française à leurs élèves ? Le Gouvernement ne donne aucune réponse à cette question.

Je constate que les enseignants et les chercheurs ont du mal à accepter vos accords, monsieur le ministre, puisqu'une pétition circule en ce moment même. Entre la contestation de la loi de programmation pour la recherche, la mobilisation contre le CPE et cette partie du texte sur les droits d'auteur, je crains que vous ne connaissiez quelques problèmes avec les enseignants et les chercheurs.

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Tout cela tourne à la prestidigitation : les articles vont et viennent, les amendements sont retirés sans qu'on ait eu le temps de les voir apparaître... Il y aurait matière à un vrai numéro !

Mais je préfère vous lire le début de l'exposé des motifs de l'amendement n° 30 rectifié : « Sauf à accréditer l'idée selon laquelle le projet de loi aurait pour conséquence la disparition progressive de la copie privée dans l'univers numérique, il convient de prévoir que la notion d'exception pour copie privée aura toujours un sens et que, donc, le nombre de copies autorisées ne pourra pas être inférieur à un, du moins s'agissant d'œuvres achetées, et non simplement louées. »

Si l'amendement, ainsi justifié par le rapporteur, est retiré, je suppose que cela « accrédite l'idée que le projet de loi aura pour conséquence la disparition progressive de la copie privée ».

Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas faire exactement le contraire de ce que vous écrivez. Il faut revenir à un minimum de rigueur : on passe les bornes !

Nous avions déjà critiqué la formulation de cet amendement : quel nombre de copies pourrait en effet être inférieur à un ? Il n'y a pas de demi-copie ! Maintenant que vous faites discrètement disparaître cet amendement, on en arrive à zéro copie ! Le collège des médiateurs pourra très bien décider qu'il existe un droit à l'exception de copie privée mais que, compte tenu de divers éléments, il n'y a pas de copie autorisée.

14/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, interopérabilité

Qui fixe la redevance, monsieur le rapporteur ? C'est la commission pour la copie privée, et elle peut très bien décider - ce qu'elle fait d'ailleurs régulièrement - de l'étendre à tel ou tel support. C'est une taxation de fait sur des supports existants, et la commission s'est d'ailleurs posé la question des flux Internet. Quelle horreur, des députés voudraient ajouter une taxation ! En fait, le Gouvernement en transfère la responsabilité à la commission. Nous, nous avons le courage de l'assumer, et je soutiens la proposition faite par nos collègues socialistes.

Il serait normal que les fournisseurs d'accès, qui sont ceux qui retirent les plus gros bénéfices de l'extension de l'Internet et notamment de la circulation d'un certain nombre d'œuvres, dont les œuvres musicales, ainsi d'ailleurs que les opérateurs de téléphonie mobile, participent à l'aide à la création culturelle. Cela n'a rien de choquant, et autant que ce soit prévu dans la loi plutôt que d'être décidé dans une commission qui, de toute façon, finira par prendre une telle décision.

Si vous continuez à restreindre l'exception de copie privée, s'il n'y a plus d'exception de copie privée, les consommateurs seront à juste titre autorisés à attaquer en justice pour dire que cette redevance est abusive et en demander la suppression. Qui, dans ce cas-là, en subira les conséquences ? La création culturelle, et les auteurs, indirectement.

Il faut donc que vous choisissiez. Ou l'on maintient l'exception de copie privée, et c'est le Parlement qui encadre les modalités de la redevance, ou vous la supprimez, et ne venez pas ensuite vous étonner si les consommateurs, à terme, refusent de payer cette redevance. Là, vous n'ajouterez pas de taxe, c'est le moins que l'on puisse dire, mais vous assécherez le financement de la création culturelle en France.

...

Le débat s'éclaircit progressivement. Selon vous, monsieur le ministre, la contribution pour copie privée est une compensation aux pertes de droits qu'elle engendre. Le rapporteur nous dit à son tour que nous l'aurions déjà adoptée en votant l'amendement n° 23 rectifié.

Mais, monsieur le ministre, j'aimerais vous entendre dire clairement ce que vous pensez. S'il n'y a plus de droit à la copie privée des DVD, quelles recommandations allez-vous donner à la commission pour la copie privée en ce qui concerne la redevance pour copie privée sur un DVD vierge ? Pourquoi le consommateur paierait-il une redevance sur un support qui sera interdit de copie ?

Vous pensez pouvoir tout contrôler - le nombre de copies, leur fréquence d'utilisation et leur durée d'usage - grâce aux DRM. Mais pourquoi maintenir le principe d'une rémunération pour copie privée sur des supports vierges sans tenir compte de l'utilisation qui en sera faite ? En d'autres termes, pourquoi les acheteurs de supports vierges qui ne font jamais de copie de musique ou de cinéma paieraient-ils une redevance pour copie privée ?

Sachez, monsieur le ministre, qu'un support peut servir à sauvegarder des données ou des photos de famille et non pas uniquement à copier des œuvres soumises au droit d'auteur.

Quand les consommateurs achètent aujourd'hui un support vendu dans des conditions telles qu'ils peuvent faire une copie privée d'une œuvre et l'écouter ou la diffuser dans un cercle privé, c'est à juste titre qu'ils acquittent une contribution destinée à compenser la perte de revenus des auteurs. Mais s'ils ne peuvent plus copier des œuvres soumises au droit d'auteur, pourquoi paieraient-ils une contribution sur les supports vierges ?

Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous répondiez clairement à ce sujet, et non en arguant qu'un amendement réaffirme le droit à la copie privée, argument classique mais spécieux, puisque ce droit ne sera bientôt plus qu'une coquille vide.

Le Gouvernement en use de même avec le code du travail. Quand il maintient le principe des 35 heures, il le vide en réalité de tout contenu. Depuis quatre ans, il multiplie ainsi les lois qui, sous de belles apparences, ne contiennent plus rien. Il peut toujours proposer un amendement maintenant l'exception pour copie privée, mais à quoi cela sert-il s'il supprime cette même exception pour tous les supports, notamment par l'intermédiaire des DRM, en se gardant bien d'inscrire dans la loi le droit à ne serait-ce qu'une copie privée ?

Ou alors, monsieur le ministre, acceptez qu'un amendement inscrive noir sur blanc dans la loi l'exception pour copie privée sur l'ensemble des supports, y compris pour le download.

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La limitation du droit à la copie privée et l'instauration de DRM auront bien évidemment des conséquences sur la répartition entre les ayants droit. Monsieur le ministre, vous m'avez répondu qu'on pouvait graver un DVD à partir d'un film diffusé sur le réseau hertzien. Certes. Mais, dans ce cas-là, les auteurs dont les œuvres passent sur ces chaînes de télévision pourraient être habilités à réclamer une différenciation sur la redevance perçue sur les DVD. Les auteurs dont les œuvres n'ont pas été copiées ne devraient pas entrer dans le droit à la répartition. Cet exemple montre comme que tout cela est très compliqué.

Et si vous instaurez des DRM de contrôle sur l'usage, faudra-t-il modifier la répartition des droits entre les auteurs selon qu'ils auront autorisé la diffusion du film avec ou sans possibilité de téléchargement ? Dès lors que vous vantez les mérites de ce système individuel, il serait logique, monsieur le ministre, que vous individualisiez aussi beaucoup plus la répartition des droits.

Il est normal qu'une commission travaille sur la redevance et fasse des propositions sur cette taxation. Mais si on en arrive à une différenciation de plus en plus grande, et que se pose la question de la perception et de la répartition, appartiendra-t-il à la commission de trancher ? Ce point mérite d'être soulevé alors qu'il y a déjà conflit sur les répartitions et mise en cause de sociétés d'auteurs - justifiée ou pas. Devons-nous faire comme si ces problèmes n'existaient pas ? Devons-nous continuer à fonctionner avec un système ancien qui ne correspond plus à l'évolution des technologies et encore moins à ce que vous nous proposez avec le présent texte, quitte à légiférer de nouveau dans deux ou trois ans ?

En fait, vous souhaitez qu'on s'en tienne aujourd'hui au statu quo, en espérant qu'il n'y aura pas trop de protestations. Et il nous faudra modifier la législation dans quelques années, en fonction des rapports de force entre les différents types de plateformes payantes - à l'œuvre ou à la location, au téléchargement ou pas -, l'évolution sur la répartition entre le numérique et les supports physiques.

Pourtant, nous avions aujourd'hui les moyens d'aller beaucoup plus loin. Certes, cela supposait un travail de préparation plus sérieux et plus approfondi, avec l'ensemble des acteurs. Mais nous n'avons pas fait ce travail. Nous légiférons donc dans l'urgence et nous serons obligés de recommencer dans peu de temps.

...

Au nom des députés Verts, j'irai dans le même sens que Christian Paul. Cet amendement révèle ce que j'ai déjà dénoncé, à savoir un certain manque de cohérence : soit on veut maintenir la contribution sur la copie privée, soit on commence à la démanteler ! Le problème, c'est que nous n'avons pas étudié la question de façon globale. Je suis sensible aux difficultés du secteur de la santé, mais je trouve un peu gênant de le financer par le biais d'une exonération de la rémunération sur la copie privée !

Je suis tellement ennuyée que je m'abstiendrai sur cet amendement, d'autant que, la semaine dernière, on nous a refusé une exonération en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Quand on voit l'état de nos universités, on est en droit de se demander pourquoi on leur refuserait l'exonération de redevance !

Si l'amendement inclut les laboratoires pharmaceutiques, il faut le modifier pour limiter l'exonération au secteur public et inclure la recherche et l'enseignement, qui sont aussi en grande difficulté. Comment peut-on faire de la recherche en France si l'on n'a pas le droit d'utiliser dans les supports de cours des extraits de l'œuvre d'origine, quelle qu'elle soit ? Quand on connaît le contenu des fameux accords, dont malheureusement nous avons trop peu discuté dans la mesure où ils ont été connus après le vote du fameux amendement, on comprend à quel point il est important que nous revenions sur ce point.

J'insiste pour que vous réfléchissiez à la portée de la mesure. Soit on ne touche à rien parce qu'on n'a pas travaillé assez, et l'on ne remet pas en cause la contribution sur la copie privée - ce qui signifie malheureusement qu'on renvoie le texte à la commission, sans que le Parlement se soit prononcé - soit on y touche, mais en prenant en compte l'ensemble des secteurs publics en difficulté, et l'on ajoute aux secteurs qui utilisent des supports d'enregistrement l'enseignement et la recherche.

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L'article 7 constitue le principal motif d'opposition des députés Verts au projet de loi car tout le reste en découle.

Il convient d'abord de préciser que les DRM ne sont pas définis par la directive européenne. Il y a un flou très important. Il convient donc d'être extrêmement attentif à la définition ou à la non-définition que nous allons en donner dans la loi ainsi qu'à leurs limites.

D'abord, notre collègue tout à l'heure l'a fort bien démontré, les DRM ne doivent pas porter atteinte à la sécurité informatique. C'est un point fondamental. Dans le monde en compétition dans lequel nous vivons, qu'on le veuille ou non, en matière économique, la sécurité informatique des différents systèmes doit être assurée, que ce soit au niveau des entreprises ou que ce soit au niveau de nos centres de recherche. Nous connaissons toute l'importance de l'espionnage industriel et de l'espionnage sur la recherche.

Ensuite, ils ne doivent pas porter atteinte à la vie privée ou à la confidentialité. De ce point de vue, les DRM tels qu'ils se profilent, au regard des recherches notamment de Microsoft sur les possibilités de contrôle absolu des machines de chaque utilisateur, y compris de leur utilisation à des fins commerciales, ne peuvent pas être acceptés. Comment accepter que, parce que nous nous sommes connectés innocemment sur une plateforme payante pour télécharger un morceau de musique, nous nous retrouvions avec un logiciel espion sur notre machine, capable de révéler toutes nos pratiques culturelles, mais pas seulement, et de nous inonder massivement, par la suite, de spams commerciaux ?

Enfin, il faut garantir l'interopérabilité et permettre la lecture sur quelque appareil que ce soit. On nous explique que les DRM proposés par Windows dans les versions à venir permettront de vérifier l'appareil sur lequel on lit l'œuvre qui est soumis à DRM, par l'intermédiaire d'un support physique ou d'un téléchargement. Mais qu'en sera-t-il si on change de machine ? On nous explique qu'on peut limiter le nombre, mais un disque dur peut très bien se « scratcher », et dans ce cas, il peut être impossible de récupérer les morceaux téléchargés à partir d'une plateforme payante avec des DRM sur son disque dur. Il faut alors tout racheter. On en arrive à une situation qui « pousse au crime ». Quand vous avez acheté plusieurs fois des œuvres et que vous les perdez à cause d'erreurs de manipulation - cela arrive à tout le monde en informatique -, ou à cause d'un paramétrage de DRM, au bout d'un moment, vous vous lassez et vous vous décidez à télécharger illégalement. Il faut faire attention. Il faut que les auteurs qui nous écoutent comprennent qu'à trop vouloir tout verrouiller, à trop vouloir assurer ainsi la mise à disposition des œuvres, on risque, avec ce système de DRM, d'aboutir au résultat contraire. De ce point de vue, nous régressons.

Il y a quinze ans, il n'y avait justement aucune compatibilité entre les machines. C'était fantastique pour un certain secteur de l'informatique, qui employait des informaticiens spécialisés dans la conversion de données d'une machine à l'autre. Aujourd'hui, nous cherchons à développer la compatibilité. Lorsqu'on achète un produit, on veut pouvoir en profiter quel que soit l'appareil utilisé. De ce point de vue, Internet est un espace fantastique d'échanges, d'une manière générale, indépendamment des formats et des droits d'auteur. Pour l'utilisateur, le fait de recevoir des informations de l'autre bout de la planète sur une machine totalement différente n'avait aucune importance. Ces échanges fantastiques ont été rendus possible par le développement des techniques informatiques, des codages, de caractères, etc. Or voilà qu'on nous propose un système qui, au contraire, limite ces possibilités d'échange, un système qui conditionne l'interopérabilité à la bonne volonté de fournisseurs de logiciels bien connus qui sont en situation de monopole.

Le problème, c'est qu'il ne faut pas non plus laisser aux fournisseurs de logiciels le choix de respecter ou non cette interopérabilité. Il faut que le format ouvert soit obligatoire, sans quoi on se trouvera dans la même situation qu'aujourd'hui, où Microsoft refuse de respecter les obligations auxquelles Bruxelles lui demande de se soumettre.

09/03/2006 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur, licence globale, test en 3 étapes, copie privée

Le débat nous permet d'aller un peu plus loin que le projet de loi, que l'on peut étudier dans son contexte, celui des activités culturelles et des industries de la culture. Mais l'objet même du texte, c'est le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, non la rémunération des producteurs ou des acteurs du secteur culturel. Or, on constate quelques petits dérapages, notamment à l'article 2. La directive précise bien que les exceptions ne doivent pas être contraires aux intérêts des auteurs, ce qui a été à peu près maintenu dans la réécriture de l'article 1er, avec le paragraphe qui fait référence au test en trois étapes de la directive. Mais, dans l'article 2, on ne retrouve pas l'exception sur les bibliothèques pour les droits voisins.

Pourtant, il y a bien des droits voisins en bibliothèque. C'est un premier problème : les bibliothèques auront droit à l'exception pour ce qui est du droit d'auteur, mais pas pour les droits voisins.

Toutefois, le test en trois étapes a été complété par le droit des producteurs : on peut se demander ce que cela vient faire dans l'article 2, consacré aux droits voisins. Pourquoi ne pas avoir adopté la même formule pour ce qui remplace l'article 1er sur le droit d'auteur et pour l'article 2 sur les droits voisins ? On instaure des déséquilibres entre les deux articles, alors qu'il aurait fallu créer des similitudes.

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Selon notre rapporteur, cet amendement serait utopique. Il s'agit pourtant de la transcription de l'article 5. 2. b) de la directive européenne 2001/29, laquelle, que je sache, est loin d'avoir un caractère utopique !

Quant au fait que la France serait le seul pays à faire ce choix, ne faut-il pas plutôt souligner que nous serons malheureusement les seuls à ne pas transposer l'exception pédagogique ? Voilà qui n'a rien non plus d'utopique, parce que cela va fragiliser notre recherche et notre enseignement !

Enfin, nous dit-on, on ne saurait sur quelles statistiques, ou tout autre élément, se fonder pour répartir la redevance perçue : c'est faux ! Si les sociétés peuvent aujourd'hui, avec leur agent assermenté, voir en ligne quels titres s'échangent en peer to peer, cela signifie qu'elles peuvent aussi les compter : en informatique, quand on peut lire, on peut compter et donc savoir combien de fois, par exemple, Les Bronzés 3 sont téléchargés !

Je rappelle que ce fameux amendement à l'article 1er, a tout de même été voté, au cours de la deuxième séance du mercredi 21 décembre, par 22 membres de l'UMP, alors que 26 votaient contre et 1 s'abstenait, ce qui prouve que ce débat est bien transversal et que ce n'est pas l'opposition, que l'on accuse de manœuvrer pour le cacher, qui a un problème d'unité.

Le problème est que nous allons être aussi, et là nous ne sommes pas dans l'utopie, l'un des rares pays de l'Union européenne à prévoir explicitement des DRM qui peuvent contrôler l'usage, alors qu'il en existe déjà qui bloquent la copie des DVD. Après le ministre, qui nous les vante constamment, voilà notre rapporteur qui se déclare également fervent défenseur des DRM, trouvant fantastique que l'on puisse ainsi contrôler le nombre et la durée de l'usage !

Nous assistons là à un glissement du droit d'auteur et de l'exception de copie privée, qui jusqu'à présent était reconnue dans notre droit.

Sous le prétexte de transposer la directive, vous nous faites vivre une régression phénoménale du droit d'auteur et de l'accès à la culture en France.

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Le rapporteur a fait, je crois, une erreur de lecture, soit sur la directive, soit sur le dernier aliéna de l'article 2.

En effet, l'avant-dernier aliéna de l'article 1er dispose que les exceptions ne peuvent porter atteinte « à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur ». Et vous étendez, à l'article 2, ces exceptions « aux intérêts légitimes de l'artiste-interprète ». Mais, après une virgule, l'article poursuit « du producteur ou de l'entreprise de communication audiovisuelle ». Et cela, cela n'a rien à voir avec la directive.

On peut en discuter, mais alors on entre dans un débat sur la production audiovisuelle et sur les entreprises culturelles et plus sur le droit d'auteur. Cet ajout n'a rien à voir avec la transposition de la directive. Il n'est d'ailleurs pas cohérent avec le droit d'auteur défini dans l'article 1er ou maintenant avec l'amendement n° 272 du Gouvernement.

C'est pourquoi je soutiens et je voterai l'amendement de nos collègues socialistes.

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L'amendement en discussion propose à terme de remettre en cause la rémunération pour copie privée, ce qui est fondamental puisque cette rémunération sert, d'une part, à rémunérer les auteurs et les interprètes et, d'autre part, pour 25 %, à financer le spectacle vivant. Sa remise en cause induit donc un risque d'autant plus grand pour le spectacle vivant que le budget du ministère de la culture n'augmente pas beaucoup.

On ne peut donc pas aujourd'hui s'attaquer à ce mode de financement sans mettre en cause le spectacle vivant dans notre pays.

La question est d'ailleurs si complexe que, lors de sa dernière réunion - en décembre, me semble-t-il -, la commission s'est interrogée sur ce droit à rémunération et sur ses liens avec la notion d'exception pour copie privée. Assez curieusement, le représentant de Business Software Alliance estime que le législateur de 1985 a clairement voulu lier les deux mécanismes de dérogation au droit exclusif et de rémunération pour copie privée. On ne peut donc pas prétendre trancher ce problème au détour d'un amendement !

Si l'on veut moduler cette rémunération il faut proposer d'autres solutions. Notre collègue de l'UDF suggère de réfléchir à une taxation sur les plateformes payantes. Il faudrait y ajouter les téléphones portables, qui génèrent aujourd'hui d'importants revenus sur la musique.

Mais nous n'en sommes malheureusement pas là, et aucune mission ne s'est jusqu'à présent penchée sur le texte en profondeur pour faire des propositions constructives.

On ne peut donc pas aujourd'hui remettre en cause la rémunération sur copie privée, sans réduire les fonds disponibles pour le spectacle vivant et les rémunérations des auteurs et interprètes.

Reste que je suis d'accord sur l'idée de taxer à terme les plateformes payantes et les fournisseurs de téléphonie mobile - qui empochent aujourd'hui les plus gros bénéfices, contrairement aux auteurs et aux consommateurs qui ne voient pas baisser les prix. Le texte, hélas, ne nous le permet pas encore.

08/03/2006 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur

Je soutiens moi aussi ce sous-amendement parce que, monsieur le ministre, cette transposition est une vision très restrictive de la directive européenne. Il y a un excellent ouvrage - Les droits d'auteur - du Conseil économique et social, où à la fin il y a un tableau sur les transpositions dans les différents pays. Et vous vous rendez compte que tous les pays sauf un ont transféré l'exception pour les bibliothèques et les centres d'archives. On va donc être le seul à ne pas la prévoir pour les bibliothèques.

En plus, c'est une vision très statique par rapport aux supports en vigueur parce qu'avec la restriction croissante en matière de supports physiques et le transfert de plus en plus important d'informations sur Internet, et en plus avec ce vers quoi l'on se dirige visiblement, c'est-à-dire l'interdiction de la copie privée pour les DVD, cela veut dire qu'il va y avoir restriction pour les bibliothèques et les centres d'archives dans la mise à disposition au public d'un certain nombre d'informations. Il y aura donc restriction de l'accès à l'information et à la culture, et ce uniquement, du coup, sur les œuvres produites en France ! Parce qu'il n'y aura pas une telle restriction sur tout ce qui est disponible dans les autres pays d'Europe. On va donc se retrouver dans une situation où ce sont les œuvres françaises qui auront l'accès le plus restreint en France alors qu'on pourra accéder à tout le reste du catalogue européen ! Avouez tout de même que c'est fragiliser complètement notre patrimoine national d'une façon totalement surprenante, et tout ça à cause d'une analyse de la situation en mars 2006 alors que celle-ci évolue tellement vite que cette analyse sera obsolète dans six mois.

Monsieur le ministre, vous devriez faire un geste et accepter cette exception telle qu'elle est proposée. Il ne s'agit pas d'en abuser, et vous savez très bien que le monde des bibliothèques, des centres de documentation et des archives n'abuse jamais de ce genre d'exception. Si vous n'autorisez pas cette exception, même encadrée, nous allons nous retrouver dans peu de temps avec un appauvrissement de l'accès au patrimoine national culturel.

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Le sous-amendement concerne l'exception dans le cadre de l'enseignement ou de la recherche scientifique à des fins exclusives d'illustration ou d'extraits, et à condition d'indiquer la source des documents. Toutes les transpositions effectuées dans les autres pays de l'Union européenne ont intégré cette exception de manière plus ou moins restreinte - c'est l'article 5-3 de la directive. Or vous nous proposez, monsieur le ministre, de refuser quelle que transposition que ce soit de cette exception.

Je sais très bien que vous allez nous dire qu'un accord a été signé avec les différentes sociétés d'auteurs dans cinq domaines :œuvres cinématographiques, arts visuels, publications périodiques, œuvres musicales, livres et musiques imprimés. Mais quand on lit ces cinq conventions, qui ne sont pas totalement signées d'ailleurs, qu'en sort-il ?

Dans le domaine cinématographique, on peut utiliser des extraits aux fins d'illustration seulement à partir de l'audiovisuel hertzien non payant - c'est l'article 3-1 de l'accord. Par contre, c'est totalement interdit à partir d'un support édité du commerce ou d'une œuvre diffusée au sein d'un service de communication audiovisuel payant ou d'un service de vidéo à la demande - c'est l'article 4. Que reste-t-il ? La une, la deux, la trois, Arte ! Tout ça pour faire des cours ou de la recherche !

Et la TNT certes, mais ça va être tout de même un peu limité. Cela concerne uniquement la diffusion dans les classes.

Quant aux colloques, aux conférences ou aux séminaires, ils doivent être strictement destinés aux étudiants ou aux chercheurs. Est-ce que ça veut dire qu'il faudra filtrer l'entrée pour vérifier qu'il n'y a personne venu de l'extérieur ?

Un accord existe également concernant l'utilisation numérique dans le cadre d'un système intranet. Sur un système extranet, l'utilisation est à nouveau permise à destination des seuls élèves, étudiants ou chercheurs qui sont inscrits au titre d'un enseignement à distance, ce qui veut dire que les étudiants ou chercheurs d'un établissement public inclus dans l'accord mais qui voudraient utiliser Internet depuis chez eux ne pourront pas le faire.

L'article 10 de l'accord passé sur l'utilisation des œuvres d'art visuel prévoit, à propos des vérifications - écoutez bien, chers collègues, je vous le lis parce que je pense que ça va choquer un certain nombre d'entre vous -, que « les agents assermentés de chaque société de perception et de répartition des droits auront la faculté d'accéder au réseau informatique des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires. »

Ça veut dire qu'une société privée va pouvoir exiger d'accéder aux ordinateurs et au réseau informatique des établissements d'enseignement et de recherche de notre pays aux fins de vérifier qu'il y a bien respect de l'accord. Est-ce qu'on peut accepter ainsi que tout soit ouvert à ce point pour des sociétés privées ? Sur les cinq accords, c'est le seul qui prévoit cette possibilité d'intrusion sur les réseaux informatiques des établissements d'enseignement et de recherche.

Enfin, les accords supposent une contrepartie financière, ce qui, dans le cadre du cinéma, est un peu étonnant car un professeur ne peut faire un cours en utilisant un DVD qu'il a acheté lui-même, ou un téléchargement qu'il aurait payé auprès d'un service de VOD, ou auprès d'une plate-forme payante pour ce qui est de la musique. Si vous voulez faire une étude critique sur une œuvre, ce sera impossible si cette œuvre n'est disponible que sur un service payant. Vous n'avez pas le droit, même si vous payez de votre poche ! Et tout ça avec tout de même une rétribution des sociétés d'auteurs qui doivent ensuite reverser aux ayants droit. Ce n'est même pas accepter une part d'exception pour l'enseignement et la recherche contre rétribution, c'est refuser cette exception et, en plus, exiger une rétribution en limitant l'accès, pour ce qui est du cinéma, à des œuvres qui sont non payantes.

Je trouve que l'on tombe dans une situation totalement kafkaïenne. On va complètement assécher certaines recherches, notamment les recherches critiques sur les œuvres de l'ensemble des secteurs. Et s'agissant du secteur des arts visuels, je trouve très inquiétant de permettre à une société privée de s'introduire sur un réseau informatique pour opérer une vérification au lieu de recourir, en cas de doute, à une instance de contrôle.

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Monsieur le ministre, il semble qu'il y ait un petit problème dans la programmation de votre DRM ! Vous y avez introduit un virus et il se propage dans tout votre texte ! Et nous ne nous y retrouvons plus !

Nous partions de la transposition d'une directive qui était, disiez-vous, urgente. Vous avez donc décrété l'urgence sur le texte. Mais, comme le débat dure depuis décembre, l'urgence devient beaucoup moins compréhensible !

Nous ne savons plus si nous devons achever d'examiner ce « substitut » d'article 1er, dont nous ne savons pas s'il sera retiré ou non, et qui porte sur les exceptions. La directive en permettait dix-sept. Le texte initial, dans son article 1er d'origine, en proposait une. La version modifiée en propose deux, une et demie, plus exactement. Enfin, grâce à la sagesse de l'Assemblée, on en est à deux - avec les bibliothèques.

Deux sur dix-sept : nous sommes bien loin du laxisme !

Le sous-amendement que j'ai déposé sur la recherche et l'enseignement peut faire partie de ces dix-sept exceptions.

Monsieur le ministre, vous nous demandez de ne pas voter ce sous-amendement sous prétexte qu'un accord est intervenu, mais nous n'en avons pas encore le texte définitif. Pour ma part, j'en ai pris connaissance « par la bande ». Aussi, j'estime que nous devons obtenir des réponses avant de décider si nous nous contentons de cet accord.

Enfin, l'accord ne s'appliquerait qu'à compter du 1er janvier 2007, alors qu'en inscrivant les exceptions dans le présent texte, il y aurait de bonnes chances qu'elles soient prises en compte dès le début de l'été prochain. Sous quel régime travailleront les enseignants, les universitaires et les chercheurs en 2006 ?

07/03/2006 Débats DADVSI : copie privée

Ce débat est fondamental. M. le ministre ne cesse de nous vanter le mérite des offres à venir, qui, selon lui, régleront tous les problèmes. Le développement de plateformes payantes peut, en partie, assécher le peer-to-peer gratuit, mais pas totalement, ne nous faisons pas d'illusion, et à condition que les mesures techniques de protection n'en restreignent pas l'usage.

Si - et je l'ai dit aux représentants du cinéma et de la musique que j'ai rencontrés - l'évolution des plateformes payantes et des offres à la demande privilégie la location en ligne pour un temps très court, les consommateurs finiront par considérer qu'il y a de l'abus en raison des nombreuses restrictions d'utilisation des œuvres.

Si vous ne pouvez écouter une œuvre qu'une seule fois et pas sur tous les supports, et si ce qui a été enregistré sur le disque dur ne peut pas être sauvegardé parce qu'il y a une protection, par exemple, cet état de fait favorisera immanquablement les contournements.

Le piratage risque d'exploser, monsieur le ministre, tant vous voulez corseter le réseau en faisant payer au maximum beaucoup plus que ce qui se pratique jusqu'à présent. En effet, quand vous achetez une cassette vidéo, vous pouvez la regarder autant de fois que vous le souhaitez dans le cercle de famille. Par votre volonté de faire payer chaque utilisation et en la restreignant dans le temps, vous allez à l'encontre de ce que vous voulez combattre.

S'agissant de la transposition des mesures techniques de protection, aucun pays, hormis la Grèce, ne les a transposées dans le sens d'une limitation du droit d'usage. C'est une catastrophe. Nous allons aggraver la situation. Vous ne pourrez jamais empêcher le contournement des mesures techniques : même la NASA ou le Pentagone peuvent être infectés par des virus informatiques. Mieux vaut étendre la redevance pour copie privée au flux Internet et de considérer ces mesures comme des garanties du droit d'auteur.

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Que reste-t-il de la copie privée ? À l'heure actuelle, la redevance pour copie privée est assise sur les cassettes audio, qui ne doivent pas être encore beaucoup vendues, les cassettes VHS, qui sont en voie de disparition, ainsi que les CD, en régression, et les DVD dont le Cour de cassation vient d'expliquer qu'on ne pouvait pas les copier.

Nos collègues de l'UDF s'interrogent avec nous : pourquoi payer une redevance assise sur les supports vierges si la seule exception autorisée demeure l'enregistrement de films diffusés à la télévision ? Sur les chaînes payantes, la rémunération se fait par un autre biais. Ne restent que les chaînes financées par la redevance télévisuelle, ce qui concerne assez peu de films, en tout cas récents, il faut bien l'avouer.

Je redis ici mon regret que nous n'ayons pas travaillé assez sérieusement sur ce projet de loi, soit au sein d'une commission spéciale, soit au sein d'une mission d'information, afin d'avoir tous les éléments en main et de parvenir à une solution, qui réponde véritablement aux évolutions actuelles. Nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis.

Aujourd'hui, il existe une centaine de radios numériques en ligne. Il suffit de s'y connecter depuis son ordinateur pour télécharger des œuvres. À vouloir tout verrouiller en concentrant les possibilités de téléchargement autour des plateformes payantes, vous risquez de déplacer l'offre de téléchargement gratuit sans permettre de rentrées d'argent supplémentaires pour la création culturelle.

En un an, les ventes en ligne ont été multipliées par quatre. Un peu plus du quart des revenus de la SACEM provient de la musique enregistrée, dont 70 % au titre de la téléphonie mobile. La musique en ligne en tant que telle représente donc une petite part.

Croyez-vous vraiment pouvoir continuer à convaincre nos concitoyens de payer une redevance qui ne correspond plus à grand-chose, mais qui est pourtant fondamentale car elle finance l'aide au spectacle vivant ? Pensez-vous vraiment parvenir à empêcher tout contournement ? Cela me paraît tenir du combat de Don Quichotte contre les moulins à vent.

Si certaines entreprises veulent développer des plateformes payantes, qu'elles le fassent, c'est leur droit, mais il faut seulement espérer que cela se fasse dans le sens d'une plus grande diversité qu'à l'heure actuelle. Mais qu'on n'assèche pas les revenus destinés au spectacle vivant, hors cinéma, par des combats d'arrière-garde ! Dans deux ou trois ans, nous risquons sinon de constater que nous avons perdu une source importante de financement et que nous avons fait baisser les recettes des auteurs et des compositeurs.

Aujourd'hui, et cela montre que tout n'est pas aussi simple dans ce monde enchanté, sur les plateformes de téléchargement payantes, les auteurs sont certes rémunérés mais aucun droit voisin n'est reversé. C'est bien pour cela qu'il y a une plainte les concernant.

Prenons garde de ne pas passer de la défense du droit d'auteur à la défense des diffuseurs. Ne mélangeons pas les genres !

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L'article 5-2 de la directive concernant les exceptions et limitations dispose que « les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions aux limitations au droit de reproduction prévu à l'article 2 dans les cas suivants : [...] b) lorsqu'il s'agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires des droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l'application ou la non application des mesures techniques visées à l'article 6 aux œuvres ou objets concernés ». La directive européenne prévoit donc bien une exception pour la copie privée sur tout support et nous avons toujours, dans nos débats, assimilé Internet à un support. Les sous-amendements se situent dans ce cadre, puisqu'ils traitent du download ou « déchargement » même si ce n'est pas le terme couramment utilisé.

Or, pour l'instant, rien ne garantit qu'on puisse faire une copie privée à partir du « déchargement » d'une œuvre musicale. On peut pourtant acheter légalement des morceaux de musique pour en faire une compilation sur CD à usage privé. Si vous ne prévoyez pas ce cas de figure, vous interdirez à tous les amateurs de musique de faire des compilations.

07/03/2006 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur, test en 3 étapes, DRM, licence globale

Nos collègues de la majorité s'enthousiasment pour les avancées de l'amendement n° 272. Je pense, pour ma part, que le ministre devrait nous remercier de lui avoir évité des erreurs monumentales, que ce soit sur le handicap visuel ou sur le logiciel libre. Si nous ne nous étions pas battus sur l'article 1er, il y aurait sans doute eu des problèmes avec certains acteurs.

L'amendement institue des exceptions au droit d'auteur pour la copie privée.

Je fais observer que la transposition de la directive que nous envisageons est la plus dure de toutes celles opérées dans les autres pays de l'Union.

La nouvelle rédaction du Gouvernement fait tomber l'amendement qui étendait la copie privée au « déchargement » individuel à usage privé. Il reste cependant bien des incertitudes sur la copie privée. Il ne suffit pas décrire dans un amendement que celle-ci est garantie s'il n'y a rien de précis dans le projet la concernant. C'est un collège de médiateurs qui est chargé de le préciser - lesquels, soit dit en passant, seront à la fois décideurs et médiateurs ! Plus inquiétant : il y a des problèmes d'interprétation. Dans le « test en trois étapes », la notion de « préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur » devient pour la Cour de cassation, s'agissant de la copie privée de DVD, « l'importance économique de l'exploitation de l'œuvre pour l'amortissement des coûts de production cinématographiques ». Le moins que l'on puisse dire est qu'il y a un glissement. Il serait donc utile que le législateur précise dans la loi que les intérêts légitimes de l'auteur ne se confondent pas avec l'amortissement des coûts de production cinématographique.

Ne pas préciser dans un texte sur les droits d'auteurs, que son objet est de défendre ces derniers et non les droits de production pose de réels problèmes.

C'est un combat d'arrière-garde ? Croyez-vous réellement que l'on arrivera à arrêter les téléchargements par peer to peer ?

Vous pouvez toujours interdire les sites : ils iront s'installer ailleurs. Vous pouvez inventer toutes les répressions que vous voudrez, les DRM seront contournés. Alors que, dans certains pays, ils sont présentés comme une simple garantie d'auteur, ils nous ont été décrits en commission des affaires culturelles et encore par M. le ministre tout à l'heure comme un moyen fantastique pour limiter le nombre de lectures et leur durée. Vous prévoyez de mettre des contrôleurs, des « mouchards » partout. Résultat : quand vous achèterez une œuvre et que, pour une raison ou une autre, vous serez interrompu alors que vous étiez en train de la regarder, quand vous reviendrez, elle aura disparu ! Voilà la transposition à la française de la directive !

Une précision technique pour conclure. Les détracteurs de la licence globale qui prétendent qu'il n'est pas possible de « mesurer les flux », soit sont de mauvaise foi, soit ne connaissent rien au système. Si l'on peut surveiller les téléchargements en peer to peer, jusqu'aux titres téléchargés et aux adresses IP, c'est qu'on peut les compter. Qu'ils ne viennent donc pas nous dire le contraire !

22/12/2005 Débats DADVSI : interopérabilité, licence globale

J'insisterai, moi aussi, sur l'importance de l'interopérabilité de ces outils informatiques. Le sujet n'est pas nouveau, mais en tant que législateurs, nous devons envisager le long terme et élaborer des lois qui vont au-delà des matériels existants, car ceux-ci évoluent très vite, surtout les logiciels. Toute contrainte trop poussée obligerait les utilisateurs à renouveler régulièrement leur matériel. On nous dit que les systèmes de protection n'empêcheront pas les utilisateurs de faire une copie privée. Récemment, monsieur le ministre, vous avez dit qu'il serait possible d'en faire jusqu'à quatre ou cinq. Or rien de tel n'est proposé dans votre texte. Vous auriez pu indiquer un plafond. La seule proposition présentée dans un amendement est celle d'un chiffre plancher, mais on a du mal à imaginer un nombre de copies inférieur à 1, les demi-copies n'existant pas encore !

Surtout, le système repose sur la bonne volonté des opérateurs. Or une dépêche en provenance de Bruxelles indique que l'Union européenne menace Microsoft d'une amende pour n'avoir pas appliqué ses préconisations. En mars 2004, Bruxelles avait déjà condamné Microsoft pour avoir imposé, lors de l'achat de son système d'exploitation Windows, la vente de son logiciel audio et vidéo Media Player. Des protestations s'étaient d'ailleurs élevées à l'époque. En décembre 2005, Microsoft refuse toujours d'obtempérer et, face à une nouvelle condamnation, elle la prétend injustifiée. Elle refuse également de divulguer les protocoles informatiques nécessaires au dialogue entre Windows et les produits concurrents. Cela fera bientôt deux ans que Microsoft refuse de se plier aux décisions de Bruxelles. On ne peut donc que douter de la « bonne volonté » dont cette société fera preuve pour les échanges avec les logiciels libres.

Or nombre d'entreprises, et notamment des PME, ont choisi ces logiciels parce qu'ils coûtent moins cher et qu'ils les préservent des bugs récurrents sur les produits Microsoft. En raison de son quasi-monopole sur le marché, ceux-ci sont en effet la cible principale des virus. Il est donc fondamental de laisser la porte ouverte aux logiciels libres. Ils coûtent aussi moins cher aux administrations et aux institutions qui sont de plus en plus nombreuses à s'en équiper. Puisque nous cherchons à faire des économies budgétaires, abandonner Microsoft pour des logiciels libres me semble être une idée intéressante. Voilà pourquoi l'article 7 est très important. Nous verrons, lors de l'examen des amendements, jusqu'où le Gouvernement est prêt à aller pour garantir l'utilisation des logiciels libres et l'interopérabilité dans ce domaine.

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Je suis également favorable aux amendements nos 136 et 144 rectifié et défavorable à l'amendement n° 252, de sorte que je vois se profiler une unanimité de l'assemblée, à l'exception du rapporteur de la commission.

L'amendement n° 252 diffère des autres par la précision - astucieuse - : « qui n'ont pas pour fonction de protéger des œuvres, des interprétations, des phonogrammes, des vidéogrammes ou des programmes, ». Cela signifie à rebours que, si une entreprise invente un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation qui ont pour fonction de protéger des œuvres, des interprétations, des phonogrammes, des vidéogrammes ou des programmes, le forçage de ceux-ci constitue une infraction. Ce n'est pas ce qui est prévu dans les autres amendements. Il y a donc une différence de fond. En d'autres termes, sous couvert de préciser ce qui n'est pas une mesure de protection, le rapporteur en réintroduit une par la fenêtre par ce membre de phrase très subtil. C'est pourquoi il ne faut pas voter l'amendement n° 252.

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Je me félicite du retrait de l'amendement n° 252.

Monsieur le ministre, vous avez précisé que le but n'était pas d'affaiblir la création culturelle. Sans doute l'habitude est-elle, dans les débats de notre assemblée, de considérer que la parole du Gouvernement vaut de l'or. Elle illustre en tout cas l'interprétation qui aurait pu être faite.

En cas de contentieux, il sera possible de se reporter au débat. Il n'y a pas lieu de rajouter une disposition à ce qui existe déjà dans la loi. Or le fait de forcer le cryptage donnant accès à Canal Plus - c'est bien ce qui est en jeu - ou à d'autres chaînes cryptées, afin d'éviter de payer l'abonnement, est déjà considéré par la loi comme un délit.

La précision que M. Vanneste propose d'ajouter par son sous-amendement n° 256 n'apporte rien. La parole du Gouvernement nous suffit. Nous pouvons parfaitement en rester à l'amendement n° 144 rectifié.

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Cet amendement va dans le même sens que ceux présentés par mes collègues communistes et socialistes. Il va également plus loin que l'amendement n° 253 car, je suis d'accord avec Christian Paul, il faut oser aller plus loin. L'intérêt de l'interopérabilité tient à ce qu'elle soit mise en œuvre dans des conditions d'efficacité qui ne nécessitent pas constamment d'avoir recours à des instances, qui prolongent d'autant les délais.

J'ai déjà signalé que Microsoft, condamné par Bruxelles, n'a toujours pas accepté de se plier aux demandes européennes. Or, l'amendement n° 253 indique que « s'il constate des pratiques anticoncurrentielles de la part d'un fournisseur de mesures techniques, le conseil de la concurrence ordonne l'accès aux informations essentielles, dans des conditions, y compris de prix, équitables et non discriminatoires », ce qui implique qu'il ne prévoit pas d'interopérabilité ouverte. Soumettre l'interopérabilité à rémunération change en effet sa nature, cela devient un achat de droit. L'amendement de nos collègues introduit donc une restriction. Mon amendement, quant à lui, ne soumet pas l'interopérabilité à paiement puisque nous sommes favorables à des formats ouverts qui permettent les échanges entre systèmes différents.

L'expérience nous a démontré qu'il fallait aller plus loin en inscrivant dans la loi des obligations précises pour les fournisseurs de mesures techniques, sinon nous risquons d'être confrontés à des pratiques dilatoires, comme celles que nous connaissons aujourd'hui.

Cela concerne l'ensemble des entreprises, notamment les entreprises françaises qui souhaiteraient ne pas être contraintes par les logiciels de multinationales, mais aussi, et je rejoins Christian Paul sur cette question, les développeurs qui souhaitent effectuer un travail à leur propre profit, étant bien entendu que celui-ci ne peut être utilisé à des fins commerciales, car nous sommes tous bien d'accord sur le fait que les droits d'auteur doivent être garantis.

Ces dispositions sont d'autant plus importantes que les matériels évoluent vite. Si nous ne voulons pas obliger les consommateurs à racheter constamment les derniers modèles à jour pour pouvoir utiliser les supports en leur possession, il faut que les formats évoluent de manière telle qu'à tout moment l'interopérabilité soit garantie.

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Si les rapports de force n'étaient pas ce qu'ils étaient, nous pourrions nous rallier à votre position, monsieur Dionis du Séjour. Mais les pratiques de certaines entreprises, dont la plus célèbre, en matière de respect des contraintes communautaires nous obligent à adopter une approche plus fine des dispositions législatives visant à transposer les directives. Sinon, combien d'années aurions-nous à attendre avant que les propriétaires de logiciels acceptent de rencontrer les représentants du logiciel libre et de négocier ?

Par ailleurs, je note que parmi les cinq signataires de l'amendement n° 253, deux avaient co-signé un autre amendement, similaire aux amendements déposés par les membres du groupe socialiste et du groupe communiste et par les Verts. Mais, comme par hasard, cet amendement a été retiré. Or l'amendement n° 253 n'oblige pas à fournir des fichiers ouverts, qui permettent de pratiquer directement l'interopérabilité. En outre, il précise que les entreprises condamnées par le Conseil de la concurrence pour pratiques anti-concurrentielles seront quand même rémunérées pour l'accès à leurs fichiers. Il y a là une incohérence manifeste.

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Apparemment, le 22 décembre autour de minuit, nos collègues de l'UMP ont eu une révélation : ils ont découvert tout d'un coup qu'ils ne pouvaient pas continuer comme ça ! Il faut dire que ceux qui sont ici ne sont pas, à quelques exceptions près, ceux que nous avons vus hier soir.

On a changé de groupe UMP !

Après s'être divisé - je rappelle que vingt-deux de ses membres ont voté la licence globale et que vingt-six se sont prononcés contre - , le groupe de l'UMP déclare qu'il y a eu un petit problème et qu'il convient de constituer un groupe de travail...UMP. Pendant qu'on y est, on peut aussi dissoudre l'Assemblée, partir en vacances et laisser l'UMP régler ses problèmes avec son ministre ! Mais ne serait-il pas plus normal de saisir la commission des affaires culturelles de ce texte - ce qui n'a pas été le cas - ou de créer, comme le proposent certains de nos collègues, une mission d'information pour travailler convenablement avec les partenaires concernés et trouver des solutions consensuelles ?

Les députés UMP font fort en déclarant que l'amendement voté hier soir met en danger toute la création culturelle !

[Tous les artistes le disent, même Joey Starr !] Combien sont-ils ? Il y a des milliers d'auteurs en France, alors ça ne veut pas dire grand-chose.

Le débat ne porte pas sur la rémunération du droit d'auteur . Là-dessus, nous sommes tous d'accord : nous voulons protéger cette rémunération et nous voulons qu'elle soit équitable. Nos collègues UDF, eux, assument au moins leur position en faveur des plates-formes marchandes légales.

Mais il y a des auteurs qui sont d'accord pour passer par des plates-formes gratuites. Il faut laisser la possibilité de choisir. Il faut laisser la possibilité de rémunérer l'ensemble des auteurs, connus et moins connus, comme le permet, dans le domaine du livre, le droit au prêt, qui garantit la diversité culturelle. La licence globale adapte ce principe aux autres médias et assure le maintien d'une création culturelle multiforme en permettant de rémunérer aussi les auteurs moins connus.

Là est notre point de divergence.

22/12/2005 Débats DADVSI : licence globale, webradios, DRM

Monsieur le ministre, vous dites que des idées fausses ont été données aux internautes. Cela donne l'impression que les 131 000 personnes qui ont déjà signé la pétition demandant le report du projet de loi ont été manipulées.

Or elles savent très bien ce qu'elles ont signé et elles ont bien compris les risques que comportait le texte en l'état.

Vous parlez du risque d'une domination mondiale de quelques-uns. Nous pouvons tous nous retrouver sur la nécessité de le prendre en compte mais nous divergeons sur la façon de le combattre. Lorsque vous voulez imposer des mesures de protection systématiques, le risque est de renforcer le monopole de quelques multinationales dont la plus fameuse est Microsoft et de fragiliser les personnes qui travaillent avec le logiciel libre ou qui désirent passer d'un format à l'autre sans être obligées de changer leurs habitudes parce qu'une multinationale le leur imposera.

Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait été confronté à un débat analogue à propos du droit de prêt dans les bibliothèques. Certains y voyaient un droit exclusif : des écrivains réclamaient ainsi que la rémunération soit calculée pour chaque auteur, à chaque exemplaire prêté. Mais M. Aillagon a fait le choix de la rémunération collective afin d'encourager la diversité des fonds et donc la diversité éditoriale. Ce choix était le bon et le projet de loi du Gouvernement a été voté à l'unanimité. Nous proposons, avec la licence globale, de faire le même choix aujourd'hui : des droits collectifs qui permettent de rémunérer les auteurs sans rechercher individuellement les éventuels fraudeurs.

Je rappelle que la plaquette que vous avez fait distribuer dans l'ensemble des établissements scolaires, intitulée « Adopte la net attitude » et cofinancée par Vivendi Universal, anticipe le vote de cette loi puisqu'elle présente des dispositions qui n'ont pas encore été adoptées par le Parlement.

[Et qui ne le seront pas !] Effectivement, parce que nous nous battrons. Et on peut remarquer qu'il n'y a jamais eu, sur Internet, autant de sites faisant référence à cette loi.

Vous nous dites que certains musiciens protestent, mais je vous rappelle que 13 482 artistes-interprètes ont signé la pétition de la SPEDIDAM. On ne peut pas opposer internautes et musiciens car il y a aussi une division entre artistes.

Monsieur le ministre, la seule solution consiste donc à suspendre le débat.

De toute façon, vous n'arriverez pas à faire voter ce texte de loi d'ici à minuit et, en tout état de cause, nous serons obligés de le reprendre dans trois semaines.

...

On vit de grands moments dans cet hémicycle ! Je n'aurais jamais pensé entendre un porte-parole de l'UMP nous donner Joey Starr en exemple.

Tout arrive, et pourvu que ça dure !&lt;/blockquote

Fort bien, monsieur le ministre. Permettez cependant que je me souvienne des attaques violentes dont ce chanteur a fait l'objet de la part de certains milieux politiques. Apparemment quand on veut instrumentaliser certaines personnes, on est prêt à oublier le passé. Mais après tout c'est positif d'oublier le passé.

Cela dit, nous assistons en ce moment à un combat d'arrière-garde.

J'ai l'impression de revivre le débat sur les radios libres lequel avait été lancé à la fin des années soixante-dix par de petits réseaux associatifs animés par le désir de faire une radio différente des grands medias existants.

L'amendement de nos collègues socialistes, que je voterai au nom des Verts, vise à prendre en compte ce qu'est réellement l'internet aujourd'hui. Vous pourrez poser tous les verrous que vous voulez la réalité forcera tous ces blocages et finira par s'imposer à vous.

Internet est un splendide outil pour s'exprimer hors des sentiers battus des grands medias et des majors. Les internautes veulent autre chose que la « Star Ac ». Si des musiciens se regroupent en sociétés pour assurer eux-mêmes la diffusion de leurs œuvres, c'est bien faute d'être reconnus à leur juste valeur par les majors.

Internet permet précisément à des artistes qui ont fait ce choix de diffuser leurs œuvres sans passer par ces grandes sociétés ; c'est tout l'intérêt des webradios. Il faut instituer une rémunération collective des droits, de façon à ce que l'ensemble des artistes en bénéficie, et pas uniquement ceux qui sont diffusés par les majors. Ils sont nombreux, en effet, les artistes talentueux qui subissent une censure de fait, pour la simple raison qu'ils déplaisent aux majors ou qu'ils critiquent le système médiatique dominant.

Pour toutes ces raisons l'amendement sur les webradios est très intéressant.

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L'article 6 est un article de forme, mais il introduit l'article 7.

blockquote&gt;En effet ! Puisque je voterai contre l'article 7, il est cohérent que je me prononce contre le 6, qui l'introduit.

La transposition de la directive ouvre la voie aux mesures techniques de protection, mais elle n'oblige pas à les mettre en place. Vous avez parlé d'un « impôt » à propos de la redevance sur la copie privée. Une redevance n'est pas un impôt, la nuance est importante ! Cette redevance sur la copie privée suppose une gestion collective, favorable à la richesse de la production culturelle. Elle constitue ainsi une aide à la diversité culturelle. Or, discrètement mais sûrement, vous êtes en train de nous en proposer la suppression.

Je ne parle pas de vous, monsieur le ministre, mais de M. Dionis du Séjour au nom de l'UDF. Nous verrons plus tard, lorsque nous discuterons du fameux amendement de la commission, quelle sera votre position.

L'un des amendements déposés vise à imposer les mesures techniques de protection : le but est donc bien d'assécher la redevance sur la copie privée et je ne prétends pas que c'est votre cas, monsieur le ministre !

Pas toujours ! Nous verrons quelle sera la position du Gouvernement, mais en tout cas, certains souhaitent bel et bien supprimer cette redevance - c'est-à-dire le système de gestion collective des droits, garant de la diversité culturelle - au profit de droits totalement individuels, qui rendraient beaucoup plus difficile la percée de jeunes auteurs.

21/12/2005 Débats DADVSI : exceptions au droit d'auteur

Ne pas modifier l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle risque de générer, à terme, des situations de conflit. L'exception que nous proposons pour la recherche et l'enseignement est en fait la transposition de la directive européenne, dont votre texte fait abstraction.

Le durcissement de la protection intellectuelle au moyen de dispositifs de sécurité témoigne d'une volonté de réduire le plus possible l'utilisation des œuvres dans tous les domaines, volonté déjà exprimée lors du débat sur le prêt en bibliothèque. Il serait tout de même regrettable que cela ait pour conséquence d'interdire aux chercheurs ou aux enseignants de recourir à des sources documentaires pour illustrer leurs travaux.

Cette possibilité est essentielle pour les chercheurs. Lors des missions parlementaires auxquelles nous participons -je pense à celle sur l'effet de serre - il est fréquent que des chercheurs nous présentent des exposés comprenant des reproductions, de graphiques notamment, appartenant à des institutions. Ne pas prévoir d'exception pour ce type d'utilisation risquerait de mettre ces chercheurs dans l'illégalité, l'usage dont j'ai fait état ne pouvant se rattacher à la reproduction de discours prononcés dans des instances politiques ou administratives, ni à aucun autre usage expressément admis par l'article L. 122-5.

En ce qui concerne l'enseignement, on ne peut que se féliciter que les enseignants ne se contentent plus de l'écrit, mais utilisent tous les dispositifs technologiques pouvant être utilisés en classe. De même, il est désormais fréquent que les élèves du secondaire et les étudiants effectuent des recherches sur internet pour illustrer leurs travaux à la demande des enseignants, d'où la nécessité de les y autoriser sur le plan légal. Il faut impérativement tenir compte des immenses possibilités qu'offrent les nouveaux outils technologiques, ce qui implique d'aller plus loin que la faculté de reproduire de courtes citations, si nous voulons éviter de déclencher des conflits qui devront être tranchés par les tribunaux.

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blockquote&gt;L'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que les citations reproduites doivent être courtes. Mon amendement a pour objet de supprimer l'obligation de brièveté de la citation et de la remplacer par une obligation de proportionnalité par rapport à l'objectif poursuivi, ce qui éviterait tout conflit sur la taille de la citation.&lt;/blockquote&gt;

Il précise en outre que la citation pourrait être élargie à l'ensemble des œuvres et non pas aux seuls textes, c'est-à-dire également aux phonogrammes et aux vidéogrammes, puisque nous ne sommes plus uniquement dans le monde de l'écrit.

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Je voudrais également soutenir cet amendement, parce que je ne me satisfais pas non plus de la réponse du ministre. Négocier, certes, mais il y a quand même des dizaines et des dizaines de bibliothèques, qui relèvent de statuts différents : des bibliothèques municipales, départementales, universitaires, des bibliothèques d'instituts et de comités d'entreprise ! Il va donc falloir que l'ensemble de ces établissements négocient pied à pied pour obtenir cette exception et le droit d'utiliser ce qui peut circuler sur internet afin de le mettre à disposition de leurs usagers.

Une évolution importante et positive a progressivement transformé les bibliothèques en médiathèques. La question de l'ouverture de ces bibliothèques aux autres supports a d'ailleurs en son temps suscité de longs et ardus débats. Les industriels concernés ont notamment essayé de refuser le droit aux bibliothèques de mettre à disposition de leur public des vidéocassettes, puis le même débat a eu lieu sur les CD. Aujourd'hui, il semble que l'on recommence une fois de plus au sujet des nouvelles technologies disponibles. Il serait pourtant temps de prendre en compte l'évolution de ces technologies et de les mettre à disposition de l'ensemble des usagers des bibliothèques, sans attendre des négociations qui vont être longues, difficiles, impliquer des acteurs très différents avec le risque d'aboutir à créer des situations différentes selon le type de bibliothèque.

Il serait donc plus sage, monsieur le ministre, d'inclure dès maintenant l'ensemble des bibliothèques publiques ou assimilées au public dans ce projet de loi, plutôt que de s'en remettre à des négociations ultérieures.

Les médiathèques ont déjà mis très longtemps à obtenir le droit de prêt pour des supports comme les vidéocassettes, les CD ou les DVD. Attendre d'éventuelles négociations ne fera qu'accuser leur retard, ce qui n'est pas la meilleure façon de favoriser la fréquentation de ces lieux essentiels pour l'accès à la culture du plus grand nombre dans notre pays.

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Cet amendement est très important.

Le 7° de l'article 1er concerne une des deux seules exceptions prévues par le projet de loi, celle en faveur des personnes atteintes de handicap. Mais cette exception ne prévoit que « la reproduction et la représentation » des œuvres, ce qui est insuffisant. C'est pourquoi l'amendement n° 121 a en premier lieu pour objet d'ajouter « la transcription » en braille ou sous forme sonore, afin que les possibilités d'accès aux œuvres ne soient pas limitées, ce qui serait le cas si nous devions nous contenter d'une simple « reproduction » ou « représentation » des œuvres.

Deuxièmement, le texte de loi prévoit que la reproduction, évidemment à des fins non commerciales - je suis d'accord sur ce point - est assurée par des personnes morales dont la liste est arrêtée. Or, il existe aujourd'hui des établissements - bibliothèques spécialisées ou centres de documentation spécialisés - qui réalisent ces reproductions. Ils doivent être ajoutés aux personnes morales citées dans le texte.

Troisième et dernier point : afin de bénéficier de la « représentation », de la « reproduction » ou de la « transcription », encore faut-il que les œuvres d'origine, notamment les œuvres écrites - livres ou périodiques - soient disponibles sous forme de fichiers accessibles, sans qu'il soit besoin de tout ressaisir, ce qui prend évidemment un temps considérable. Les associations donnent l'exemple des livres scolaires dont les éditeurs refusent de fournir les sources sous forme de fichiers : les enfants n'ont accès à ces ouvrages sous le format adapté que vers le mois d'avril ! Ce troisième point a donc pour objet de rendre réellement efficace l'exception prévue au 7° de l'article 1er.

À l'heure actuelle, les négociations n'ont permis de rendre disponibles aux fins de transcription que 1 500 titres. L'inégalité, notamment pour les personnes malvoyantes, dans l'accès à la culture est flagrante. Ce serait la moindre des choses que de leur permettre un accès bien plus large, voire à égalité, ce qui suppose, je le répète, l'accès automatique à des fichiers sous forme adaptée. À cette fin, nous devons faire sauter tous les verrous qui, aujourd'hui encore, cantonnent toutes les personnes atteintes de handicap visuel à un nombre très limité d'ouvrages.

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Il est bien d'inscrire dans la loi une exception en faveur des handicapés, encore faut-il la rendre efficace ! Autrement, si la loi ne prévoit pas les moyens de la mettre en pratique, elle n'aura d'effet qu'en termes d'image, et non sur le quotidien des personnes concernées, qui ne pourront que difficilement y avoir accès. Telle est la raison pour laquelle l'amendement prévoit : « À cette fin, les éditeurs garantissent l'accès à une version définitive de l'œuvre dans un format électronique exploitable, lorsqu'un tel fichier existe » - cette dernière précision visant les ouvrages parus avant la saisie informatique, qui ne sauraient être concernés par une telle obligation. C'est fondamental, sinon l'exception restera un vain mot.

De plus, il y urgence en la matière et on ne saurait attendre la fin des négociations ou le bon vouloir des éditeurs, sans quoi les personnes concernées continueront d'avoir accès aux œuvres des années après leur parution.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous avez soulevé le risque de fuites en cas d'autorisation donnée non seulement aux personnes morales, mais également à des établissements publics comme les bibliothèques ou les centres de documentation. Or, c'est précisément pour parer un tel risque que l'amendement précise dans la dernière phrase : « Dès lors que les personnes bénéficiaires ont un accès à une version définitive de l'œuvre, elles garantissent aux éditeurs la confidentialité et l'absence de divulgation de ces fichiers dont l'usage reste limité en leur sein et à l'objet prévu. » L'amendement répond donc bien à votre préoccupation.

21/12/2005 Débats DADVSI : discussion générale

Monsieur le président, monsieur le ministre, je voudrais d'abord émettre une protestation sur la façon dont le projet de loi est examiné par notre assemblée : il n'a pas été présenté devant la commission des affaires culturelles mais devant la commission des lois ! À croire que, finalement, l'aspect culturel du texte devient marginal, et que ce qui importe, c'est son aspect répressif.

Le choix de la commission des lois en dit plus que tout le reste ! La commission des affaires culturelles aurait pu être co-saisie - cela s'est déjà produit pour d'autres projets de loi.

De plus, ce texte, rédigé en 2003, mais examiné en commission seulement en juin, est aujourd'hui présenté en urgence devant notre assemblée !

Ce délai aurait pu être mis à profit pour organiser un débat préparatoire approfondi et pluraliste, au lieu de cette course aux lobbies. Je m'étonne d'ailleurs que la commission n'ait pas auditionné les associations de bibliothécaires, de documentalistes et d'archivistes, réunies dans une inter-association et qui, aux côtés de l'Association des maires de France et de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, dénoncent ce projet comme l'une des législations les plus déséquilibrées d'Europe. Vous n'avez pas non plus auditionné les chercheurs, et c'est en catastrophe que les utilisateurs de logiciels libres l'ont été ces jours derniers, me semble-t-il, au ministère - leur pétition visant au rejet du texte actuel a recueilli à cette heure plus de 100 000 signatures.

Beaucoup sur les bancs de la majorité présentent cette discussion comme un arbitrage entre propriété intellectuelle et gratuité sur Internet - nous l'avons entendu au cours de précédentes interventions. Et, afin de nous faire peur, d'aucuns nous citent les quelques internautes accusés d'avoir téléchargé de la musique pour la revendre. Il s'agit effectivement dans ce cas d'une utilisation commerciale frauduleuse déjà réprimée par la loi.

Le débat n'est pas là : il est entre deux conceptions de la culture. La première est une conception ouverte qui respecte le droit des auteurs et les rémunère, mais n'oublie pas que la culture est aussi échange, partage et don, et non une simple addition de consommations individuelles où chacun est devant son écran d'ordinateur en fonction de ses revenus. La seconde, celle que vous nous proposez, s'intéresse en priorité au verrouillage du partage des œuvres culturelles et des contenus et se préoccupe surtout des intérêts des majors de la musique et du film.

Ce ne sont pas uniquement les échanges sur Internet, mais bien tous les supports, notamment multimédias, qui seront concernés par les nouveaux dispositifs législatifs. Cette loi qui légalise les « mesures techniques de protection » - les fameux DRM - aura pour conséquence de renforcer le monopole d'une grande entreprise nord-américaine bien connue de systèmes d'exploitation et de logiciels.

Ce sont donc également deux conceptions de l'informatique qui s'opposent, la première entre les mains de quelques multinationales cherchant à tout verrouiller en vue de drainer l'ensemble des flux financiers, la seconde fondée sur la conception du logiciel libre. La concurrence entre ces deux acteurs est certes inégale, mais au moins le choix existe-t-il. Après le vote de ce texte, encore aggravé par l'adoption éventuelle de certains amendements, il n'y aura plus aucun choix ! En effet, la disposition principale du texte, aux articles 7 et suivants, légitime les mesures techniques anti-copies. Ces verrous ne sont pas là uniquement pour empêcher une reproduction illimitée des œuvres, mais plus globalement pour rendre chaque utilisation marchande - je pense notamment à l'institution de péages permanents visant à limiter le nombre autorisé de lectures.

Ainsi, l'acheteur d'un DVD devra en même temps acheter l'appareil et le logiciel de lecture compatibles. Nous sommes en pleine régression : les biens culturels étant rendus inaccessibles en raison d'un matériel inadapté, il conviendra de changer de matériel, ce qui introduira une nouvelle fracture numérique entre ceux qui disposeront des moyens financiers pour le faire et les autres - ce qui rappelle la bataille des formats des premières vidéocassettes du début des années 80.

Si l'acquisition s'effectue en ligne, l'ordinateur sera truffé de « mouchards », dont son propriétaire ne connaîtra pas les conséquences, sans compter le risque d'introduction de virus - comme l'a montré l'expérience récente de Sony. Avez-vous par ailleurs pensé à tous ceux qui, dans différents secteurs, utilisent aujourd'hui des logiciels libres : simples utilisateurs, chercheurs, institutionnels et entreprises - dont une des moindres n'est pas Thales ?

Ces mesures techniques risquent de limiter les possibilités d'accès gratuit aux œuvres légalement tombées dans le domaine public lors de l'extinction des droits patrimoniaux - domaine public dont le principe courra ainsi le risque d'être remis en cause.

De plus, ce texte va bien au-delà des obligations de la directive européenne que nous sommes censés transposer. Les articles 13 et 14 assimilent à un délit de contrefaçon, passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende, les simples faits de « contournement » ou de « neutralisation » des mesures techniques. Je sais qu'une « riposte graduée » est désormais envisagée.

Monsieur le ministre, je me fonde sur le texte de loi ! Nous examinerons les amendements en leur temps - amendements que nous n'avions d'ailleurs pas tous reçus hier !

Ainsi, si une personne contourne une mesure technique anti-copie, afin de faire une copie privée - ce qui est en principe licite -, elle peut être condamnée pour contrefaçon. Si ce n'est pas une guerre contre le logiciel libre, cela y ressemble beaucoup !

Il est donc indispensable que la loi prévoie des garde-fous visant à empêcher les mesures techniques de faire obstacle à l'interopérabilité entre systèmes d'exploitation. Je soutiendrai également l'amendement de certains de nos collègues de la majorité, qui vise à exclure les protocoles, les formats et les méthodes de brouillage, de cryptage et de transformation de la définition des mesures techniques, ainsi que l'amendement qui tend à interdire toute restriction du nombre de lectures lorsque le premier accès à l'œuvre est licite.

Par ailleurs, comment comprendre le refus du Gouvernement d'étendre aux bibliothèques, aux musées et aux archives, ainsi qu'aux enseignants et aux chercheurs, les exceptions aux droits de propriété intellectuelle ? Quant à celle relative au handicap, elle est, en l'état actuel du texte, insuffisante. Il semble que le Gouvernement a préparé un amendement sur le sujet : nous l'examinerons lorsque nous en serons à la discussion des articles. Je rappelle que certaines vérités, énoncées au cours du débat sur le droit à prêts en bibliothèque, paraissent aujourd'hui oubliées. Nous y reviendrons également lors de la discussion des articles.

Au-delà de mon opposition générale à la philosophie du texte, ainsi qu'aux amendements scélérats déposés par certains de nos collègues qui se font les relais des grands lobbies dans leur guerre contre le monde du logiciel libre - certains allant jusqu'à imposer le principe des DRM ! -, il reste la question de la juste rémunération des créateurs, alors que se développent les téléchargements de fichiers et l'échange au moyen des logiciels de communication de peer to peer. Chaque nouvelle technologie est accusée de mettre en péril la diffusion des œuvres et leur rémunération. Ce fut le cas à l'arrivée des cassettes audio. De même, les films en vidéocassettes ont été accusés de tuer les cinémas, et le prêt en bibliothèque de faire baisser la vente de livres, alors que toutes les études ont démontré que les plus gros emprunteurs en bibliothèque sont également les plus gros acheteurs de livres. La question consiste donc bien à trouver, à chaque fois, un nouvel équilibre. Le projet de licence globale optionnelle, tel qu'il a mûri depuis plusieurs mois, peut être une solution. Loin des caricatures qui en ont été faites, il mérite un examen sérieux.

Je maintiens donc l'opposition des députés Verts à un texte qui va à l'encontre de l'esprit de liberté, d'horizontalité et de partage des cultures numériques que, dans le cadre du respect du droit d'auteur, Internet et les technologies multimédias doivent continuer à promouvoir.