LOPPSI Best Of 11 fevrier seance 1

De La Quadrature du Net
Révision datée du 17 février 2010 à 17:15 par Meriem (discussion | contributions) (Article 4 : Chantal Brunel - "Rien ne justifie que l’on cherche à préserver la liberté de l’internaute" (55:53))
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Article 2

Lionel Tardy - Définition de données personnelles et conséquences (12:07)

  • M. Lionel Tardy, suite aux avis de la commission et du gouvernement sur l'amendement n°242 rectifié.
    Le problème réside dans le fait que le texte ne vise pas l’usurpation de l’identité d’un tiers au sens strict – prendre l’identité d’un autre que soi – mais l’utilisation de l’identité d’un tiers ou de données qui lui sont personnelles.
    C’est toute l’ambiguïté : les notions d’identité et de données qui sont personnelles ne sont pas définies. La notion de « données personnelles à un tiers » notamment est différente de celle de « données à caractère personnel » inscrite dans la loi 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
    Il en résulte que la loi pourrait être interprétée comme interdisant, par exemple, des actes aussi anodins que l’utilisation et la critique d’une photo, d’un nom ou de toute autre donnée relative à une personne dans un forum, alors même que l’auteur de la critique ne chercherait pas à prendre l’identité de celui qui est critiqué.
    Or les délits de diffamation, d’injure et autres existent déjà pour encadrer la liberté d’expression et sanctionner ce type de comportement.
    C’est pourquoi j’aurais souhaité que l’amendement n° 4 rectifié soit adopté, mais malheureusement Laure de la Raudière n’était pas présente pour le défendre. Il proposait de remplacer la notion de « données personnelles » par celle de « données à caractère personnel », ce qui aurait résolu notre problème.

Martine Billard - Le fait de faire usage (20:46)

  • Mme Martine Billard, suite aux avis de la commission et du gouvernement sur l'amendement n°34.
    Je voudrais insister car l’article sanctionne « le fait de faire usage », sans plus de référence à la réitération, puisque cette notion a été supprimée.
    Nous ne sommes plus dans le délit d’usurpation d’identité, mais dans le fait de faire usage, sur un réseau de communications électroniques, ne serait-ce qu’une fois, « de l’identité d’un tiers ou de données de toute nature permettant de l’identifier ». Il peut donc s’agir d’une photo. Ainsi, le fait de faire usage, une fois, de la photo d’un tiers, peut être considéré comme troublant la tranquillité de ce tiers.
    C’est cela que vous êtes en train d’écrire dans la loi. C’est tout de même assez grave ! Vous allez dire que j’exagère mais malheureusement les faits sont là.
    Qu’est-ce qui vous gêne sur internet, actuellement ? Des vidéos, diffusées par exemple sur YouTube, qui relatent des propos ou des actes de certains personnages publics.
    En application de cet article, une personne filmée en situation et dont l’intervention aura circulé sur internet, pourra donc engager des poursuites, considérant que sa tranquillité est troublée.
    Nous sommes donc en train d’introduire un délit de nature politique. On pourra poursuivre n’importe quel humoriste, n’importe quel militant politique qui s’attaquera à des propos tenus par un personnage politique en utilisant la photo ou la vidéo de ce personnage en situation.

    Déjà au départ, on pouvait s’inquiéter. Après les modifications que vous venez d’introduire dans cet article, c’est vraiment très net. C’est bien cela qui est grave.
    J’espère que vous le faites sans en avoir réellement l’intention, mais j’ai du mal à le croire compte tenu des propos qui ont été tenus, à plusieurs reprises, par certains représentants de l’UMP.

Éric Ciotti - Précisions sur l'expression "faire usage" (28:15)

  • M. Éric Ciotti, avis de la commission sur l'amendement n°5.
    Sur un plan juridique, madame de La Raudière, cet amendement tombe, votre précédent amendement n’ayant pas été adopté. Cependant je veux bien revenir sur le fond.
    La commission des lois a adopté, à mon initiative, un amendement visant à remplacer le terme : « utiliser » par l’expression : « faire usage », laquelle me semble mieux répondre à vos préoccupations.
    Nous ne voulons évidemment pas sanctionner la simple citation d’une personne, par exemple sur un blog – j’ai entendu sur ce point beaucoup d’interprétations très tendancieuses –, mais bien l’acte de se faire passer pour autrui en faisant usage de son nom ou de données qui le rendent identifiables. Vos deux amendements, madame de La Raudière, me semblent donc satisfaits.

Article 3

Martine Billard - Bande organisée (38:00)

  • Mme Martine Billard, défense de l’amendement n° 41.
    Je souhaite, dans l’esprit de ce que vient d’expliquer Patrick Bloche, supprimer les alinéas 3 à 8 de l’article.
    Autant il peut être justifié d’aggraver les peines pour les infractions à l’article L. 163-4 du code monétaire et financier lorsqu’elles sont commises en bande organisée, autant assimiler les internautes à une bande organisée me semble abusif. Outre qu’il peut n’y avoir qu’une seule personne devant l’écran, comment aggraver une peine en arguant d’un nouvel outil ? Qu’un vol avec violence soit commis à pied, à cheval ou à vélo ne modifie pas la peine encourue !
    On a du mal à comprendre cela, si ce n’est en rappelant que, sur les bancs de la majorité et du Gouvernement, internet a souvent été stigmatisé en tant qu’outil.
    Dans dix ou vingt ans, ces débats paraîtront surréalistes. Déjà, notre société fait un usage massif d’internet. Sans doute note-t-on quelques différences en fonction des générations – encore cela dépend-il aussi des personnes. Il est indéniable que les jeunes, qui baignent dans internet depuis leur plus tendre enfance, en maîtrisent mieux l’utilisation. Mais quand, dans quelques années, tout le monde aura baigné dans cette culture, il paraîtra absurde de stigmatiser l’outil en tant que tel.
    C’est bien la première fois que, dans notre droit, un délit est créé spécifiquement par rapport à un outil. Cela n’a pas de sens ! On peut comprendre que vous aggraviez la peine en cas de bande organisée, notamment pour les nouvelles escroqueries se développant sur internet. Mais il paraît invraisemblable de prévoir des circonstances aggravantes pour un délit déjà réprimé, uniquement parce qu’une personne a utilisé internet pour le commettre.
    Notre amendement vise donc à supprimer les alinéas 3 à 8 de l’article 3 qui reviennent à assimiler internet à une bande organisée, même quand il n’y a qu’une seule personne qui agit.

Lionel Tardy - Internet = circonstance aggravante (40:50)

  • M. Lionel Tardy, défense de l'amendement n°256.
    L’article 3 fait de l’utilisation d’internet une circonstance aggravante. Il s’agit là d’une regrettable confusion. Internet est un outil. Or, du point de vue des principes, il est indifférent qu’une infraction ait été commise à l’aide de tel ou tel outil. Pardonnez ma trivialité, mais, que l’on tue avec un couteau ou avec un fusil, un meurtre reste un meurtre. Cet article mélange tout. En quoi internet aggrave-t-il les atteintes au droit des titulaires d’un certificat d’obtention végétale ou du propriétaire d’un brevet ? J’attends une démonstration convaincante à cet égard.
    Ce même article évoque la contrefaçon de marques sur internet. Ce n’est pas en aggravant les peines que l’on résoudra ce problème. Toute la question est de parvenir à faire tomber les coupables sous le coup de la loi française. Cessons donc d’alourdir les peines et de multiplier les incriminations pénales. De toute manière, les juges en laissent de côté 40 %.
    Nous nous heurtons également au principe d’égalité de tous devant la loi. En 2006, dans sa décision sur la loi DADVSI, le Conseil constitutionnel avait refusé que l’on puisse punir par une simple contravention les seules atteintes à la propriété intellectuelle par l’utilisation d’un logiciel de peer to peer, alors que les autres infractions relevaient du délictuel.
    De plus, après les épisodes HADOPI, je ne pense pas qu’il soit utile d’agiter un nouveau chiffon rouge devant les internautes en stigmatisant à nouveau l’usage d’internet, surtout quand on le fait à tort et à travers, comme dans cet article.
    Avec celui-ci, nous allons au-devant de complications inutiles. Les peines ordinaires sont déjà bien suffisantes pour sanctionner les actes de contrefaçon.

Éric Ciotti - Internet = espace de liberté(42:29)

  • M. Éric Ciotti, avis de la commission sur les amendements n°41, 141 et 256.
    Loin de nous l’idée de stigmatiser l’usage d’internet ! Nous ne nourrissons aucun fantasme à cet égard. Internet est et demeurera un espace de liberté. Mais il ne doit pas être un espace de non-droit. Si nous mettons en place cette circonstance aggravante qui, vous l’avez souligné, existe déjà en cas de bande organisée ou en cas d’atteinte à la santé publique, c’est simplement en raison de la diffusion qui peut être donnée à l’infraction. Commis sur internet, un délit touchant à la propriété intellectuelle se répandra de manière beaucoup plus importante et aura des conséquences beaucoup plus graves que s’il était commis de façon individuelle. La multiplication que permet internet va renforcer son impact.

Patrick Bloche - Internet = outil / Contrefaçon / But lucratif (51:18)

  • M. Patrick Bloche, défense de l'amendement n°143.
    Permettez-moi de revenir un instant sur l’échange que nous avons eu à propos des trois précédents amendements identiques. Mme Billard a trouvé le mot juste pour qualifier le Gouvernement : c’est un Gouvernement absurde. En refusant de supprimer les alinéas 3 à 8 de l’article 3, nous incriminons un outil. D’un marteau, on peut se servir pour planter un clou, mais aussi pour défoncer une boîte crânienne. Ce n’est pas l’outil en tant que tel qu’il faut incriminer, mais l’acte que l’on commet avec.
    L’amendement n° 143 vise à limiter la casse. Vous n’avez toujours pas répondu à notre question : pourquoi le code de la propriété intellectuelle, et pourquoi pas le code de la propriété littéraire et artistique ? Ce sera sans doute pour la prochaine fois. Durant tous les débats que nous avons eus sur HADOPI 1, HADOPI 1 bis et HADOPI 2, la confusion a été entretenue entre les échanges de fichiers non commerciaux et la contrefaçon, puisque, pour de simples échanges hors marché, on peut désormais être condamné pour délit de contrefaçon.
    Sans doute, il s’agit d’une évidence, mais il vaut mieux l’inscrire dans la loi : la contrefaçon a un but lucratif.

Article 4

Chantal Brunel - "Rien ne justifie que l’on cherche à préserver la liberté de l’internaute" (55:53)

  • Mme Chantal Brunel, discussion sur l'article 4.
    J’aurais aimé, s’agissant des sites pédopornographiques, que l’on revînt à la rédaction initiale du Gouvernement et donc que l’on supprimât les mots « après accord de l’autorité judiciaire ».
    J’avoue ne pas comprendre quel est le problème. Les policiers de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, l’OCLCTIC, sont capables de voir si des enfants figurent ou non sur une image pornographique. Ils sont capables de voir s’il y a, sur une telle image, un enfant de douze ou treize ans, un très jeune enfant.
    Je ne vois, hélas, pas comment la minorité des enfants figurant sur ces sites peut être contestée. Qu’apporte donc l’intervention de l’autorité judiciaire ? Sur un tel sujet, il faut agir vite. Les fournisseurs d’accès à internet doivent supprimer l’accès à ces sites dans les plus brefs délais.
    Le problème n’est pas du tout celui qui se posait à propos d’HADOPI et de la création artistique. Il s’agit de sites pédopornographiques ! C’est ce qu’il y a de pire sur internet. Si internet est capable du meilleur et du pire, rien ne justifie que l’on cherche à préserver la liberté de l’internaute quand il s’agit du pire.

Brice Hortefeux - Neutralité du net (1:51:50)

  • M. Brice Hortefeux, avis du Gouvernement sur l'amendement n°144.
    '"Le respect du principe de neutralité des réseaux ne s’applique pas aux sites illicites."' Défavorable.

Sources

Compte-rendu de l'Assemblée nationale
Vidéo de la séance