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C’est sans aucun doute là que se situent toutes les limites de l’exercice que vous nous imposez soudainement à la veille des élections régionales.
 
C’est sans aucun doute là que se situent toutes les limites de l’exercice que vous nous imposez soudainement à la veille des élections régionales.
  
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Ainsi, l’article 4, bien que modifié a minima en commission et contre l’avis du rapporteur, va permettre la mise en place d’un filtrage total qui aura pour conséquence première le renforcement d’un marché parallèle de réseau informatique. Le non-filtrage permet aujourd’hui aux enquêteurs de pister les pédophiles ; à l’inverse, le filtrage rendrait, à court terme, impossible aux enquêteurs de retrouver les traces des pédophiles. Selon un service de la gendarmerie spécialisé dans la lutte contre la pédophilie, les seuls outils efficaces restent l’augmentation des moyens humains et financiers, et la formation de ces personnels, dont on connaît déjà la compétence et qui souhaitent être encore plus et mieux formés.
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Ainsi, l’article 4, bien que modifié a minima en commission et contre l’avis du rapporteur, va permettre la mise en place d’un filtrage total qui aura pour conséquence première le renforcement d’un marché parallèle de réseau informatique. '''Le non-filtrage permet aujourd’hui aux enquêteurs de pister les pédophiles ; à l’inverse, le filtrage rendrait, à court terme, impossible aux enquêteurs de retrouver les traces des pédophiles.''' Selon un service de la gendarmerie spécialisé dans la lutte contre la pédophilie, les seuls outils efficaces restent l’augmentation des moyens humains et financiers, et la formation de ces personnels, dont on connaît déjà la compétence et qui souhaitent être encore plus et mieux formés.
 
 
Votre projet de loi est non seulement inefficace, il engendrera des désastres que nous ne mesurons encore que très peu. Pour illustrer mon propos et détendre un peu l’atmosphère, je prendrai l’exemple des colons australiens qui, ne mesurant pas la portée de leurs actes, introduisirent sur leur territoire une vingtaine de lapins d’origine anglaise. Ceux-ci finirent par se répandre par millions sur plus de la moitié du continent et devinrent un véritable fléau. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP.) La mise en place du filtrage ne produira pas, dans un premier temps, d’effets néfastes, puis, tout d’un coup, il y aura une véritable explosion, et les pédophiles se répandront sans risque aucun sur un système parallèle.
 
 
 
  
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Votre projet de loi est non seulement inefficace, il engendrera des désastres que nous ne mesurons encore que très peu. Pour illustrer mon propos et détendre un peu l’atmosphère, je prendrai l’exemple des colons australiens qui, ne mesurant pas la portée de leurs actes, introduisirent sur leur territoire une vingtaine de lapins d’origine anglaise. Ceux-ci finirent par se répandre par millions sur plus de la moitié du continent et devinrent un véritable fléau. La mise en place du filtrage ne produira pas, dans un premier temps, d’effets néfastes, puis, tout d’un coup, il y aura une véritable explosion, et les pédophiles se répandront sans risque aucun sur un système parallèle.
  
 
==Sources==
 
==Sources==

Version du 11 février 2010 à 19:28

Discussion générale

Pierre Lasbordes - (25:32)

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi sur la performance et la sécurité intérieure est un texte des plus importants et ce, à bien des égards.

Son ambition consiste à renforcer les moyens de notre politique de sécurité et de l’adapter aux nouvelles formes de délinquance qui prolifèrent, via, notamment, les réseaux modernes de télécommunication. N’oublions pas que, bien souvent, les progrès que l’homme réalise, il les utilise aussi pour se livrer aux dérives les plus choquantes.

Je pense en particulier à ce phénomène appelé communément cybercriminalité et pour lequel une modernisation des mesures de sécurité se révélerait indispensable. La Toile est devenue le nouveau terrain de jeu des criminels en tout genre et, dans ce contexte, Éric Ciotti, rapporteur de ce projet de loi, a utilisé la bonne formule : la lutte contre la délinquance est à présent une véritable guerre de mouvement.

Depuis quelques années, on observe un accroissement des cas d’usurpation d’identité : plus de 200 000 victimes seraient concernées, chiffre colossal. Les techniques des usurpateurs sont bien rôdées, et parmi elles le phishing – email émanant faussement de sa banque ou de son fournisseur d’accès à internet. Les dégâts, tant financiers que moraux, sont considérables.

Le projet de loi, en créant deux nouvelles infractions relatives à l’usurpation d’identité numérique, s’engage résolument dans la lutte contre ce phénomène. Mais le hacking n’est qu’une partie des faits d’usurpation, et il conviendra d’agir également sur l’appropriation de l’identité par papiers. Surtout, c’est une véritable éducation à la vigilance de nos concitoyens que nous devons développer : une étude du CREDOC a ainsi révélé que trop de Français, y compris les entreprises, connaissent le risque mais n’adoptent pas les bons réflexes pour s’en prémunir.

Autre fléau observé, et pas le moins grave : la diffusion, la transmission et la « consommation » d’images pédophiles sont en progression constante. Certes, des moyens sont mis en œuvre dans notre pays pour lutter contre ce phénomène, mais à l’heure de la mondialisation et du développement des échanges transfontaliers, toute action cantonnée à l’espace national ne pourrait avoir l’efficacité escomptée.

Aujourd’hui, la France affiche de bons résultats dans cette lutte, grâce notamment à la traque et à l’appréhension des criminels par les services de police et de gendarmerie. Mais à l’instar d’un certain nombre de nos voisins européens, il convenait d’introduire la possibilité du blocage des sites et contenus à caractère pédo-pornographique par les fournisseurs d’accès à internet. C’est chose faite grâce à ce projet de loi.

Il conviendra également, monsieur le ministre, de rassurer nos concitoyens quant aux conséquences de cette disposition sur leur liberté de communication et notamment sur les risques de « surblocage ». La sécurité de l’espace numérique passe en effet nécessairement par un équilibre entre protection et détection et entre surveillance et respect des libertés individuelles.

En tout état de cause, avec ce projet de loi, le ministère a pris pleinement la mesure de la gravité du phénomène et de l’urgence qui s’impose dans l’appréhension de ces comportements. Il donne ainsi tout son sens à l’adage qui veut que l’esprit de responsabilité soit le pendant de la liberté.

[...]


Patrick Bloche - (30:30)

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en guise d’entrée en matière, je me permettrai de citer le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France, qui viennent conjointement d’appeler « les parlementaires et tous les citoyens soucieux du respect des équilibres démocratiques à s’opposer fermement à ce nouveau projet liberticide qui nous prépare une société du contrôle ».

Je ne m’attacherai, pour ma part, qu’aux dispositions qui visent à lutter contre la cybercriminalité car, ne serait ce que sur ce sujet, il y a de quoi dire !

En ce qui concerne le délit d’usurpation d’identité sur le net, l’inquiétude vient tout d’abord de la notion même, qui n’est pas définie dans le texte, de ce qu’est l’identité d’un tiers ou les données qui lui sont personnelles sur internet. Ainsi, la crainte que ce texte permette de sanctionner les détournements parodiques, fréquents sur le web, s’est légitimement installée. Si ce risque relève du fantasme, il faudra alors lever le doute en précisant, par voie d’amendement, les dispositions de l’article 2 lorsqu’il viendra en discussion.

De fait, c’est à l’article 3 qu’apparaît de manière plus flagrante la tonalité générale du projet de loi : une méfiance à l’égard de tout ce qui vient d’internet. Il s’agit en effet, dans cet article, d’aligner, tenez-vous bien, les peines relatives à certains délits prévus par le code de la propriété intellectuelle quand ils sont commis par voie de communication au public en ligne, c’est-à-dire sur internet, sur celles déjà applicables lorsque le délit est commis en bande organisée ou lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l’homme ou l’animal. On mesure toute la disproportion. La seule utilisation d’internet en la matière devient en soi une circonstance aggravante.

Comment pouvez-vous le justifier ? Internet n’est qu’un moyen de diffusion, un moyen de communication. Si l’on peut concéder qu’il rend la contrefaçon plus facile, cela ne change ni la nature ni la gravité du délit au point d’en aggraver les sanctions pénales.

Nous sommes inquiets quand, à nouveau et de manière répétée, nous assistons, au sein de cet hémicycle mais aussi dans le débat public, à une mise au banc des accusés de ce média qu’est internet. Nous avons vu, avec HADOPI et la censure historique du Conseil constitutionnel, jusqu’où l’aveuglement pouvait conduire.

Lorsque Jean-François Copé déclare qu’ « internet est un danger pour la démocratie », et quand Henri Guaino soutient que la transparence d’internet est « le début du totalitarisme », il y a là une diabolisation qui révèle combien vous est insupportable l’idée qu’internet est un moyen de communication que vous ne pouvez maîtriser, que vous ne pouvez contrôler.

Nulle candeur dans notre propos, car nous considérons qu’internet n’est après tout que le reflet d’une société où le meilleur côtoie le pire.

Et vous nous trouverez toujours au premier rang de ceux qui combattent la diffusion des idées racistes et antisémites, et des images pédopornographiques sur internet. Mais là encore, il est nécessaire d’être clair sur les moyens. De justes causes doivent-elles nécessairement renvoyer à des dispositifs de filtrage, comme le disait le Président de la République le mois dernier lorsqu’il présentait ses vœux au monde de la culture, ou à des mécanismes d’autocensure sous couvert de responsabilisation des hébergeurs, comme l’a suggéré le Premier ministre plus récemment ? Nous le contestons d’autant plus que nous considérons que la neutralité du réseau est un enjeu central pour la liberté d’expression et de communication.

A cet égard, nous nous réjouissons que l’amendement de notre collègue Tardy visant à ce que seul un juge puisse accorder le blocage de l’accès à un site ait été adopté en commission. Nous sommes néanmoins très surpris de lire dans le rapport que la rédaction de cet article devra être modifiée en séance publique. Ce serait non seulement un retour en arrière regrettable, mais, au-delà, un risque pris par le Gouvernement, puisque, en envisageant de confier à une autorité administrative ce pouvoir de sanction débouchant sur un possible filtrage de l’accès à internet, il se heurterait, à n’en pas douter, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Quoi qu’il en soit, il nous semble incontournable de préciser que la « liste noire » établie doit bien être constituée d’URL précises, et non de domaines entiers. En effet, à défaut, en voulant filtrer un site « pédopornographique », il y aura un risque non négligeable que soit bloqué non seulement une adresse mais le domaine tout entier qui contient d’autres sites parfaitement légaux. C’est d’ailleurs pour ne pas prendre ce risque trop important de surblocage qu’en Allemagne, le président Horst Köhler a refusé de promulguer la loi connue sous le nom d’Internetsperren-Gesetz.

Au-delà, comment ne pas avouer notre perplexité en constatant que vous vous attaquez, dans ce texte, uniquement aux moyens de diffusion de contenus illégaux ? Ces dispositions ne s’attaquent ainsi qu’à la manifestation, au moyen de diffusion, et non à la cause – les auteurs des contenus en question –, ni aux conséquences, celles qui affectent les victimes.

C’est sans aucun doute là que se situent toutes les limites de l’exercice que vous nous imposez soudainement à la veille des élections régionales.

Jacques Valax - Filtrage / Inefficacité / (46:55)

[...]

Cela concerne, en premier lieu, le contrôle des nouveaux moyens de communication. Ici, c’est internet qui est fortement mis à mal.

Selon certains, il s’agit ni plus ni moins « de l’enterrement en première classe de la notion de neutralité d’internet ». La LOPPSI 2, c’est le « cheval de Troie » qui permet, après HADOPI, une remise en cause totale de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.

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Ainsi, l’article 4, bien que modifié a minima en commission et contre l’avis du rapporteur, va permettre la mise en place d’un filtrage total qui aura pour conséquence première le renforcement d’un marché parallèle de réseau informatique. Le non-filtrage permet aujourd’hui aux enquêteurs de pister les pédophiles ; à l’inverse, le filtrage rendrait, à court terme, impossible aux enquêteurs de retrouver les traces des pédophiles. Selon un service de la gendarmerie spécialisé dans la lutte contre la pédophilie, les seuls outils efficaces restent l’augmentation des moyens humains et financiers, et la formation de ces personnels, dont on connaît déjà la compétence et qui souhaitent être encore plus et mieux formés.

Votre projet de loi est non seulement inefficace, il engendrera des désastres que nous ne mesurons encore que très peu. Pour illustrer mon propos et détendre un peu l’atmosphère, je prendrai l’exemple des colons australiens qui, ne mesurant pas la portée de leurs actes, introduisirent sur leur territoire une vingtaine de lapins d’origine anglaise. Ceux-ci finirent par se répandre par millions sur plus de la moitié du continent et devinrent un véritable fléau. La mise en place du filtrage ne produira pas, dans un premier temps, d’effets néfastes, puis, tout d’un coup, il y aura une véritable explosion, et les pédophiles se répandront sans risque aucun sur un système parallèle.

Sources

Compte-rendu intégral de l'Assemblée nationale
Vidéo de la séance

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