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Discussion générale

Christine Albanel ("piratage", "Ch'tis", "hémorragie", "irréalité", "porno", )

.../... Il ne sera toutefois possible de faire des réseaux numériques un outil de distribution des biens culturels qui présente toutes les qualités en matière de sûreté, de richesse et de coût que si les droits de propriété intellectuelle y sont respectés.

Nous devons pour cela lever le principal obstacle : le piratage des œuvres sur internet, commis sur une très grande échelle dans notre pays, qui détient une sorte de record mondial puisqu’un milliard de fichiers ont en effet été piratés en France en 2006. Ce véritable désastre économique et industriel auquel nous assistons se traduit également sur le terrain du renouvellement et de la diversité de la création.

Le marché de la musique enregistrée est le plus atteint, avec une baisse de 50 % en valeur au cours des cinq dernières années, assortie d’un fort impact sur l’emploi - 30 % des effectifs des maisons de production - et sur la création, de nombreux contrats d’artistes ayant dû être résiliés et le nombre de nouveaux artistes « signés » chaque année ayant diminué de 40 %.

Le cinéma s’engage sur la même pente : il y a déjà, à l’heure actuelle, autant de téléchargements illégaux journaliers – 450 000 – que d’entrées en salles. Le marché de la vidéo a perdu un quart de sa valeur, comparable à celle de la musique enregistrée, au cours des quatre dernières années, alors même que le prix moyen des nouveautés diminuait d’un tiers.

L’année où un film français a rencontré un succès historique – Bienvenue chez les Ch’tis - devrait être une année de forte hausse de la fréquentation : or ce n’est pas le cas. Tous les exploitants de salles s’en inquiètent, car ils ont, ces dernières années, énormément investi pour rénover leurs équipements, qu’il s’agisse de multiplexes ou de petites salles rurales. Les producteurs, en particulier les PME de la production indépendante dont l’économie repose en grande partie sur le crédit, voient que les coûts des crédits bancaires renchérissent.

Quant au livre, après avoir découvert, à la Foire de Francfort, les prouesses technologiques qui seront bientôt proposées au public, j’ai la certitude que ce secteur entrera, à son tour, dans l’ère numérique, s’il n’y est d’ailleurs déjà. Il serait en tout cas coupable de notre part de feindre de l’ignorer et de ne pas prendre préventivement toutes les mesures nécessaires pour éviter que cette filière, à son tour, ne pâtisse des effets ravageurs du piratage.

La situation des créateurs et des entreprises françaises ne serait pas si alarmante si l’effondrement du marché des biens « physiques », CD et DVD, était compensé par l’essor des ventes dématérialisées. Mais, à l’heure actuelle, ce naufrage n’est absolument pas rééquilibré, dans aucun secteur, par les ventes numériques. En effet, alors que dans la plupart des grands pays aux habitudes de consommation comparables aux nôtres ces ventes décollent – elles représentent désormais déjà plus de 25 % du marché aux États-Unis – le taux dépasse péniblement 7 % dans notre pays.

Il est donc urgent d’endiguer cette hémorragie des œuvres sur internet qui laissera bientôt exsangues la création et l’économie de la culture. Il est également urgent, pour cette raison, de responsabiliser davantage l’internaute, qui vit parfois dans une sphère d’irréalité et une certaine bulle d’apesanteur.

Il se livre, en effet, à une sorte de déni de réalité, qui consiste à méconnaître les conséquences de son comportement, d’abord, pour les autres – créateurs et entreprises des industries culturelles - et, ensuite, pour lui-même.

Il convient en effet de rappeler que la loi pose d’ores et déjà le principe de la responsabilité de l’abonné à internet, qui est tenu, par le code de la propriété intellectuelle, de veiller à ce que son accès au réseau ne fasse pas l’objet d’une utilisation qui méconnaisse les droits de propriété littéraire et artistique.

Surtout, l’internaute qui pirate en mettant à disposition ou en téléchargeant des œuvres protégées se rend coupable du délit de contrefaçon. À ce titre, il tombe sous le coup de sanctions - c’est la loi de 2006 - pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende, sans préjudice d’éventuels dommages et intérêts.

Parce que ces sanctions paraissent disproportionnées et inadaptées au cas du piratage dit ordinaire, les ayants droit répugnent aujourd’hui à y recourir et les actions engagées se limitent en fait à quelques centaines à ce jour.

Mais il est douteux qu’ils puissent s’offrir le luxe d’hésiter longtemps s’ils devaient constater que les pouvoirs publics renoncent à mettre en place une solution alternative, à la fois mieux proportionnée à l’enjeu et plus efficace car praticable sur une grande échelle.

Le principe de cette solution a été envisagé en concertation avec les artistes et les industries culturelles. Cette démarche, encouragée par le Président de la République, dès son élection, a eu pour effet de modérer les contentieux jusqu’à ce jour. Nul doute qu’en l’absence de cette initiative les procédures pénales se seraient multipliées, comme c’est d’ailleurs le cas en Allemagne, où les tribunaux pénaux sont saisis actuellement de plusieurs dizaines de milliers d’actions.

Je veux mentionner, enfin, les dangers du piratage qui concernent plus particulièrement les jeunes ou très jeunes internautes.

En effet, s’ils manient l’outil numérique avec une grande virtuosité, ils n’en demeurent pas moins singulièrement vulnérables dans leur navigation sur un internet affranchi de toute régulation.

Or on constate sur les réseaux de pair à pair une offre illégale massive de films pornographiques ou violents présentés sous les apparences de films grand public. Pour se limiter à un seul exemple, celui du réseau eDonkey, 60 % des fichiers d’Astérix aux Jeux Olympiques et du Renard et l’enfant, ou encore 45 % des fichiers de Bienvenue chez les Ch’tis sont en réalité des films pornographiques.

L’existence d’une offre pirate porte donc une atteinte grave, pour laquelle il n’existe pas de parade technique, à la protection des mineurs, que seule l’offre légale est susceptible de garantir.

La méthode suivie par le Gouvernement pour répondre à cette situation a reposé sur la conviction que, pour être efficaces, les solutions mises en œuvre devaient faire l’objet d’un large consensus préalable entre les acteurs de la culture et les acteurs de l’Internet.

C’est le sens de la mission qui avait été confiée à Denis Olivennes, alors président-directeur général de la FNAC, mission destinée à favoriser la conclusion d’un accord entre les professionnels de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel et les fournisseurs d’accès à internet. .../...

http://senat.fr/seances/s200810/s20081029/s20081029008.html#section989