HADOPI 2 Saisine du Conseil Constitutionnel : Différence entre versions

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Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil Constitutionnel, en l'expression de notre haute considération.
 
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil Constitutionnel, en l'expression de notre haute considération.
  
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Version du 10 février 2010 à 17:57

Sommaire

Préambule

Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution l’ensemble de la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet.

Les requérants estiment nécessaire que soit soulevée la question de la constitutionnalité de l'ensemble de la loi déférée. Nous développons les griefs et moyens suivants à l'encontre, en particulier, des articles 1, 6, 7, 8 et 11.

Suite à la décision du 10 juin 2009, censurant en partie la loi dite « HADOPI », le Gouvernement a, dans une précipitation assumée, déposé un nouveau projet de loi visant à compléter le dispositif en vigueur.

Loin de tirer les conséquences de votre décision du 10 juin 2009, la loi présentement soumise à votre contrôle la contourne et encourt les mêmes critiques que la précédente.

Par votre décision, vous avez considéré que la coupure de l'accès à Internet mettait en cause la liberté d'expression et de communication. Vous en avez dès lors déduit qu'une telle sanction ne pouvait être prononcée que par l'autorité judiciaire dans le respect du principe de présomption d'innocence et des droits de la défense.

Il se déduit de votre décision que l'exigence du recours au juge judiciaire pour prononcer une telle sanction est indissociable de celle visant à assurer le respect de l’ensemble des garanties procédurales précisément attachées à la procédure judiciaire.

Alors que le principe d'une sanction consistant en une suspension de l'accès à internet a été maintenu par le législateur, le dispositif mis en place apparaît manifestement incompatible avec le droit à un procès équitable protégé par notre Constitution et par de nombreuses conventions européennes et internationales.

Or, en l’espèce, l’intervention du juge judiciaire ne constitue qu’un habillage commode pour contourner votre décision du 10 juin 2009 et ne saurait donc tromper votre vigilance. Le dispositif mis en place par le législateur prévoit deux procédures différentes : une procédure pénale simplifiée s'appliquant pour les délits de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication au public en ligne au mépris du respect des droits de la défense et une procédure aboutissant à une contravention pour « négligence caractérisée », fondée sur une présomption de culpabilité.

Ainsi, le législateur n’a pas renoncé à mettre en place un système disproportionné et approximatif de sanctions incompatible avec nos principes constitutionnels. Ces nouvelles procédures n’offrent pas aux justiciables les garanties procédurales suffisantes au regard des sanctions encourues alors que celles-ci portent une atteinte grave à la liberté d’expression des abonnés condamnés.

Au-delà, il est tout aussi flagrant que le législateur n’a pas tenu compte de votre décision du 10 juin 2009 par laquelle vous preniez soin de rappeler que « les atteintes portées à la liberté d’expression doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ». Or, en punissant l’infraction dite de « négligence caractérisée » par la coupure de l’accès à Internet, il est peu de dire que le législateur a établi une sanction évidemment et manifestement disproportionnée. Constitue, en effet, une disproportion manifeste le fait de sanctionner une « négligence caractérisée » – notion dont le flou est au demeurant peu compatible avec le principe de légalité des délits et des peines – par une mesure portant une atteinte grave à une liberté fondamentale – la coupure de l’accès à Internet. En créant cette infraction le législateur ajoute à la confusion et s’écarte de toute proportion quant à l’échelle des sanctions.

Il est tout aussi constitutionnellement étrange d’établir par la loi une sanction dont tout le monde sait que la mise en œuvre ou non dépendra des réalités techniques. Autrement dit, comme cela a été souligné par l’ARCEP, les réalités du dégroupage ne permettent pas d’appliquer la suspension de l’accès à l’Internet dans les mêmes conditions sur l’ensemble du territoire. En effet, dans les zones non dégroupées, il sera difficile techniquement de maintenir au profit de l'abonné un service de téléphonie IP si, dans le même temps, l'accès à Internet est coupé. Dès lors, il est manifestement contraire au principe d’égalité devant la loi pénale d’établir une sanction dont la mise en œuvre ne sera pas la même sur l’ensemble du territoire national et dépendra des contingences techniques. Si, par extraordinaire, vous validiez les dispositifs procéduraux soumis à votre appréciation, il n’en serait pas moins acquis que la présente loi ne pourrait entrer en vigueur qu’au jour où la sanction prévue pourra être appliquée uniformément sur l’ensemble du territoire.

Il appartient désormais à votre juridiction de se prononcer sur la compatibilité d'un tel dispositif avec les principes qui vous ont conduits à censurer une première fois la loi Création et Internet.


Sur l'article 1er

Dans le dispositif pénal mis en place, les membres de la Commission de protection des droits et ses agents assermentés sont désormais chargés de la constitution du dossier d'incrimination. Destinataires des adresses IP relevées par des agents représentants les ayants droit, il leur reviendra d’obtenir des fournisseurs d’accès à Internet (ci-après FAI) tous les renseignements utiles1 et notamment les noms et coordonnées des abonnés suspectés de téléchargement illégal. Sur la base de ces informations, ils pourront alors établir des procès verbaux qui permettront d'engager des poursuites pénales contre les abonnés.

Sur le pouvoir de la HADOPI de constater les « faits susceptibles de constituer des infractions »

Cet article vise en premier lieu à conférer aux membres de la Commission de protection des droits et à ses agents le pouvoir de « constater les faits susceptibles de constituer des infractions prévues au présent titre lorsqu’elles sont punies de la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne (...) ».

Une fois les procès verbaux établis, deux hypothèses doivent être distinguées2 :

Soit l'établissement du procès verbal conduit le parquet à engager une procédure pour délit de contrefaçon. Dans ce cas, l'article 495 du code de procédure pénale laisse à penser qu'un complément d'instruction devra être réalisé afin que les faits reprochés à l'abonné soient « établis ». La force probante de ces procès verbaux sera celle du droit commun fixé par l'article 430 du code de procédure pénale en vertu duquel : « les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements ».

Soit l'établissement du procès verbal conduit le parquet à engager une procédure pour « négligence caractérisée ». Dans ce cas, le procès verbal constituera l'unique élément permettant la condamnation des abonnés. En matière de « négligence caractérisée », l'adresse IP constituera le seul élément de preuve permettant la condamnation des abonnés. Suivant cette logique, le pouvoir de la HADOPI consistera donc à « constater les faits constituant la négligence caractérisée ».

Ainsi, l'ajout de l'adjectif « susceptibles » qui constitue une garantie érigée par le législateur revêt une certaine effectivité s'agissant du délit de contrefaçon. A l'inverse, cette nuance n'a aucune portée s'agissant de la négligence caractérisée si les procès verbaux suffisent à établir la culpabilité des abonnés. Dans ce cas, la loi méconnaît les exigences de clarté et d'intelligibilité découlant, en vertu de votre jurisprudence, des articles 6, 16, 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (notamment votre décision 99-421 DC du 16 décembre 1999).

Pour ces motifs, les auteurs de la saisine demandent qu'il plaise au Conseil de préciser que l'adjectif « susceptibles » doit conduire les autorités d'application de la loi à procéder en tout état de cause à un complément d’enquête afin que les seules constatations de la HADOPI ne permettent pas la condamnation des abonnés suspectés.

Sur les conditions d'établissement des procès verbaux et la méconnaissance des exigences du droit à un procès équitable et du respect des droits de la défense.

Cet article prévoit que les membres de la Commission de protection des droits et ses agents pourront « recueillir les observations des personnes concernées ». Le législateur précise à cet égard que « lorsque les personnes concernées demandent à être entendues, ils les convoquent et les entendent. Toute personne entendue a le droit de se faire assister d’un conseil de son choix. »

La collecte par la Commission de protection des droits des observations des abonnés suspectés est ainsi rendue facultative par ce dispositif. Dans le même sens, l'audition des abonnés suspectés ne peut avoir lieu qu'à leur demande.

Or, la garantie des droits des citoyens impose, dans le cadre d'un tel contentieux, qu’une audition soit réalisée au stade de la constitution du dossier d'incrimination tout particulièrement lorsque, durant la phase de jugement, il est prévu une procédure pénale simplifiée sans audience. De telles dispositions laissent en effet la possibilité d’engager des poursuites à l’encontre d’un abonné dont l’identification n’aura été faite que de manière indirecte, c’est-à-dire à partir du relevé de son adresse IP. Surtout, ce dispositif permettra ainsi qu'une sanction de suspension de la connexion soit prononcée par le juge sans qu'à aucun moment, les abonnés suspectés aient été entendus.

Les conditions d’établissement de ces procès verbaux sont d'autant plus importantes que les procès verbaux établis seront potentiellement le seul élément à partir duquel le juge décidera ou non de prononcer une condamnation pénale puisque la loi l’autorise à statuer sans audience. Un auteur particulièrement favorable aux procédures pénales simplifiées explique à cet égard : « ce qui ouvre la voie à la procédure simplifiée, ce n'est pas un aveu formel ou même implicite, mais une enquête judiciaire jugée complète, bien menée et convaincante » (Jean Volff, « L'ordonnance pénale en matière correctionnelle », D. 2003, n°41, pp.2777-2780).

Or, il importe à cet égard de souligner le fait que les agents de la Commission de protection des droits ne constatent rien personnellement alors qu'en vertu de l’article 429 du Code de procédure pénale, « Tout procès-verbal ou rapport n'a de valeur probante que s'il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l'exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu'il a vu, entendu ou constaté personnellement ».

Pour ces motifs, plaise au Conseil de censurer cet article et partant l’ensemble du texte dont il est indissociable.


L'atteinte aux principes de sécurité juridique et d'égalité résultant de l'introuvable critère permettant au ministère public de choisir entre les deux procédures instituées par la présente loi

« L’égalité devant la justice ne s’oppose pas à ce que le jugement de certaines affaires fasse l’objet d’une procédure spécifique, à condition que cette procédure soit définie précisément, que le choix de cette procédure repose sur des critères objectifs et rationnels inspirés par un souci de bonne administration de la justice et que cette procédure ne lèse pas les droits des parties (…). »  (Cahier du Conseil constitutionnel, Décision 2002-461 DC)

Alors que la présente loi crée deux procédures alternatives pour des faits identiques, aucun critère ne permet raisonnablement de savoir laquelle des deux procédures instituées sera choisie par le parquet, les ayants droit ou la HADOPI.

Ce flottement est d’autant plus remarquable que ces deux procédures seront déclenchées à partir de constatations identiques : les relevés d’adresses IP. Aucune différence objective ne justifiera donc le choix entre ces dernières et donc entre les sanctions encourues qui sont d’une sévérité incomparable.

Le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale a certes expliqué que cette décision dépendra du degré de certitude de la commission d'une infraction3 mais cette distinction repose exclusivement sur le choix, arbitraire, de mener ou non plus avant les investigations.

Le législateur introduit de cette manière une réelle confusion entre le délit de contrefaçon d’une part et la négligence caractérisée d’autre part, au point que rien ne les distinguera en dehors de la procédure engagée.

Outre l’atteinte à l’exigence constitutionnelle de sécurité juridique, cette incertitude est constitutive d’une incompétence négative caractérisée dans la mesure où il appartenait au législateur de fixer le ou les critères permettant aux justiciables de savoir précisément laquelle des procédures s’appliquera dans tel ou tel cas. Or, il résulte des débats au Parlement qu’une circulaire fixera ces critères dont dépend pourtant l’ensemble du dispositif. En omettant de poser lui-même le ou les critères permettant de choisir la procédure, le législateur tend ainsi à conférer au Ministre de la Justice et au Parquet un pouvoir discrétionnaire confinant à l'arbitraire (voir singulièrement vos décisions n° 75-56 DC et 85-191 DC).

Pour ces motifs, plaise au Conseil de censurer l'ensemble de la loi.


Sur l’article 6

L’article 6 de la loi soumise à votre contrôle institue une procédure spécifique applicable aux délits de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication au public en ligne en permettant qu’ils soient jugés par un juge unique et selon la procédure simplifiée des ordonnances pénales.

Dans votre décision 2002-461 DC du 29 août 2002, vous avez considéré que « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable ».

Or, cet article méconnaît manifestement le principe d'égalité et prive les abonnés suspectés des garanties d'une justice équitable.

Sur l’atteinte au principe d’égalité

En créant deux régimes juridiques distincts pour réprimer le délit de contrefaçon selon qu'il a été commis ou non au moyen d'un service de communication au public en ligne, le législateur a porté une atteinte injustifiée au principe d'égalité. Or, dans le cadre de la présente loi, la différence de traitement concernera d'une part les sanctions encourues (suspension de la connexion) mais également la procédure judiciaire applicable alors que dans un cas ou dans l'autre les garanties procédurales sont incomparables.

Vous avez refusé dans votre décision 2006-540 DC, que soient créés deux régimes de sanctions différents selon le moyen utilisé pour commettre l'infraction. Vous avez ainsi considéré qu' «  au regard de l'atteinte portée au droit d'auteur ou aux droits voisins, les personnes qui se livrent, à des fins personnelles, à la reproduction non autorisée ou à la communication au public d'objets protégés au titre de ces droits sont placées dans la même situation, qu'elles utilisent un logiciel d'échange de pair à pair ou d'autres services de communication au public en ligne ; que les particularités des réseaux d'échange de pair à pair ne permettent pas de justifier la différence de traitement qu'instaure la disposition contestée ». Il ne vous échappera pas que le dispositif mis en place vise, à nouveau, spécifiquement les échanges sur les réseaux Pair à Pair.

Sur la régression des garanties procédurales accordées aux justiciables dans le cadre du délit de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication au public en ligne

Le recours aux ordonnances pénales pour les délits de contrefaçon constitue une régression de la garantie des droits des justiciables. Jusqu’à présent, ces délits étaient jugés par l’autorité judiciaire selon une procédure de droit commun. La lourdeur des sanctions prévues justifiait en effet que toutes les garanties procédurales soient assurées aux justiciables. Or, la présente loi entend soumettre ces délits à une procédure simplifiée justifiée par sa rapidité.

Si votre juridiction a décidé que la suspension de l'accès à Internet ne peut être prononcée que par le juge judiciaire c'est parce qu'une telle sanction affecte l'exercice de la liberté fondamentale d'expression et de communication qui « est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ». L'intervention du juge judiciaire constitue en effet une garantie du respect des droits de la défense et de la présomption d'innocence. Or, ces principes ne peuvent être sérieusement garantis dans le cadre d'une procédure pénale simplifiée. Il s'agit en effet d'une procédure écrite, non contradictoire, rendue par un juge unique. Roger Merle et André Vitu relevaient déjà à propos de la procédure pénale simplifiée en matière de contravention : « la souplesse et la simplicité de la procédure nouvelle ne pouvaient être obtenues, ..., qu'en se débarassant de certains principes essentiels de la procédure pénale » (Traité de droit criminel, procédure pénale, Cujas, 2001, 5ème éd., p.917.).

Les requérants ne remettent nullement en cause, dans son principe, l'existence de cette procédure pénale simplifiée, mais le fait qu'elle soit en l'occurrence retenue dans le cadre d'un contentieux dont la complexité commande le maintien de toutes les garanties procédurales. Pour Jean Volff, Avocat général à la Cour de Cassation et thuriféraire des procédures pénales simplifiées, l'exclusion de certains contentieux du champ de l'ordonnance pénale s'explique par la « gravité des infractions ...et la complexité des problèmes d'indemnisation qu'elles soulèvent parfois »4. Appliqué à un contentieux plus complexe, c’est la qualité de la justice5 qui risque ainsi d’en pâtir et in fine les droits des justiciables.

Le contentieux concerné par la loi pose à l'évidence des problèmes de preuve qui ont d'ailleurs conduit votre juridiction à exiger que toutes les garanties procédurales soient assurées. Sans revenir sur les explications avancées dans le cadre de la première saisine, les simples relevés d’adresses IP sont des éléments de preuve éminemment discutables et contestables qui se doivent d’être discutés dans le cadre d'une procédure contradictoire.

Ainsi, dans le cadre de la décision 2002-461 DC, vous avez admis le recours aux ordonnances pénales en relevant comme une garantie le fait que la loi réserve la procédure simplifiée aux cas où «…il résulte de l'enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis... ». Dans la présente loi, les faits reprochés au prévenu ne seront nullement établis puisque la loi prévoit qu’ils sont « susceptibles de constituer un manquement… ». L’incohérence du dispositif mérite ici d’être soulignée puisque le recours aux ordonnances pénales suppose que « les faits soient établis ».

Sur la possibilité réservée aux victimes de demander au juge de se prononcer sur la demande de dommages et intérêts de la partie civile dans le cadre de la procédure des ordonnances pénales

Ce contentieux pose enfin la délicate question de l'indemnisation des victimes. En effet, la procédure des ordonnances pénales exclut par principe que le juge statue sur les demandes de dommages et intérêts des parties civiles. Cette exclusion de principe semble avoir pesé dans votre jugement de conformité à la Constitution de l’extension de cette procédure en 2002 : « Par ailleurs, le ministère public aura recours à la procédure de jugement simplifiée non de façon subjective et discrétionnaire, comme le soutenait la saisine sénatoriale, mais en fonction de critères objectifs et rationnels : - Il s’agit des délits les plus simples et les plus courants prévus par le code de la route. Ainsi, la procédure simplifiée ne peut être utilisée si le prévenu était mineur le jour de l’infraction, ou si la victime a formé une demande de dommages-intérêts…» (Cahier du Conseil constitutionnel, Décision 2002-461 DC)

Or, en prévoyant que le juge peut, par la même ordonnance, statuer sur la demande d'indemnisation6, la présente loi introduit une exception notable dans le cadre de la procédure des ordonnances pénales au point d'en dénaturer le sens et la portée. Cette disposition permettra en effet aux parties civiles de présenter leurs demandes sans que celles-ci puissent être contestées et discutées par les abonnés mis en cause. Un tel déséquilibre entre les droits de la défense et les droits de la partie civile met manifestement en cause l’égalité des débats et partant le droit à un procès équitable.

Ainsi et compte tenu de sa complexité, ce contentieux ne pouvait par nature être soumis à la procédure simplifiée des ordonnances pénales sans méconnaître les principes constitutionnels du respect des droits de la défense et de présomption d'innocence.

Pour ces motifs, plaise au Conseil de censurer cet article.


Sur l'article 7

L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen disposant que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... », il vous appartient naturellement d’apprécier le caractère proportionné des sanctions prévues par la loi. Vous avez eu l’occasion à cet égard de préciser qu’il vous appartenait « de vérifier qu'eu égard à la qualification des faits en cause, la détermination des sanctions dont sont assorties les infractions correspondantes n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation » (99-411 DC).

Le principe d'une sanction consistant en une suspension de l’accès à Internet est maintenu par le législateur. Il s'agira plus précisément d'une peine complémentaire de suspension assortie de l'interdiction de souscrire un nouvel abonnement dans la limite d'un an. En vertu des articles 131-10 et 131-11 du code pénal, la peine complémentaire pourra être appliquée seule, en substitution de la peine principale.

Sans proscrire par principe une telle sanction, vous avez admis qu'elle portait atteinte à la liberté d'expression et de communication et qu'elle exigeait en conséquence l'intervention d'un juge judiciaire et le respect de la présomption d'innocence.

« Qu'en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services » ( Décision 2009-580 DC).

Plaise au Conseil, compte tenu de la gravité de la sanction consistant en une suspension de l’accès à Internet, d'exclure que le prononcé de cette peine complémentaire soit effectué dans le cadre de la procédure des ordonnances pénales.

En outre, cet article prévoit, en son alinéa 3, que lorsque le service est acheté selon des offres commerciales composites incluant d'autres types de services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s'appliquent pas à ces services.

Or, l'ARCEP, dans son avis sur le premier projet de loi expliquait que « l'application de cette nouvelle disposition sera limitée en pratique... En effet, dans les zones non dégroupées, il se peut que, dans certains cas, il soit difficile techniquement de maintenir au profit de l'abonné un service de téléphonie IP si, dans le même temps, l'accès à Internet est coupé. Or, en application des articles L. 33-1 et D. 98-4 du CPCE relatifs aux conditions de permanence, de qualité et de disponibilité du réseau et du service, le fournisseur d’accès Internet est tenu notamment d’assurer de manière permanente et continue l’exploitation des services de communications électroniques et de garantir un accès ininterrompu aux services d’urgence. A défaut, celui-ci s’exposerait à des sanctions administratives et pénales »7. Selon les représentants de l'ARCEP auditionnés par le rapporteur de la Commission des lois de l'Assemblée nationale, cette impossibilité technique concernerait 2,5 à 3 millions de foyers. Par conséquent, près de 3 millions de citoyens bénéficieront d’une sorte d’immunité pendant ce délai de mise en place technique. Le Conseil pourra ainsi constater que l'application immédiate de ce dispositif conduit mécaniquement à une atteinte au principe d’égalité.

Pour ces motifs, plaise au Conseil de censurer cette disposition.

Enfin, cette sanction est d'autant plus disproportionnée qu'elle est assortie du maintien pour l'abonné de l'obligation de verser le montant correspondant à l'intégralité de son abonnement.

Autrement dit, la suspension est assortie d'une sanction financière dont le produit ne bénéficiera ni à la collectivité publique ni aux auteurs que la loi est censée protéger, mais au bénéfice exclusif de l'intérêt particulier des fournisseurs d'accès.

Le maintien de cette obligation de payer viole le principe de la légalité des peines (88-248 DC du 17 janvier 1989, cons. 36). En effet, la disposition contestée revient à instaurer une sanction financière dont elle ne détermine pas le montant et qui variera non pas en fonction de la gravité du manquement reproché, mais selon les dispositions contractuelles en vigueur entre l'abonné et son fournisseur d'accès, la privant ainsi de base légale.

En outre et pour les mêmes raisons, le maintien de l'obligation porte enfin atteinte au principe constitutionnel d'égalité. Le dispositif ici contesté implique que, selon les contrats qui les unissent à leurs fournisseurs d'accès, les abonnés vont être traités différemment alors qu'ils se trouvent dans une situation identique, et ce sans rapport aucun avec l'objet de la loi. En effet, le montant que les abonnés sanctionnés devront continuer à verser à leurs fournisseurs d'accès, une fois leur accès à Internet suspendu, variera selon les clauses du contrat de chacun, et non selon la gravité de l'atteinte portée aux droits de propriété intellectuelle qui leur est reprochée. En d'autres termes, la discrimination ainsi engendrée est dépourvue de tout lien direct, et même indirect, avec l'objet que la loi établit, à savoir la protection des droits des auteurs.

Cette disposition est également contestable sur le terrain de l'enrichissement sans cause, le législateur contribuant à l'enrichissement du fournisseur d'accès, corrélativement à l'appauvrissement de l'abonné, le tout en supprimant la cause à l'origine de leurs obligations respectives. L'enrichissement sans cause est un principe général du droit fondé sur l'exigence d'équité et de justice commun aux ordres juridiques judiciaire, administratif et communautaire8. Il n'est pas non plus étranger à votre jurisprudence, que ce soit en tant que juge des élections lorsque vous vous y référez explicitement (cf. votre Décision Observations CC législatives 1993 du 29 mars 1994), ou en tant que juge constitutionnel lorsque vous vous y référez implicitement en mentionnant les notions d'" avantage injustifié " (93-329 DC du 13 janvier 1994, cons. 33) ou d'" enrichissement injustifié " (99-425 DC du 29 décembre 1999, cons. 11 et 2002-458 DC du 7 février 2002, cons. 4).

Or, ici, l'enrichissement dont bénéficieront les fournisseurs d'accès et l'appauvrissement corrélatif des abonnés ne répondent en rien à l'intérêt général poursuivi par la loi qui vise à protéger les droits d'auteur. En effet, les sommes perçues par les fournisseurs d'accès ne bénéficieront en rien aux auteurs dont les droits ont été violés.

En aucun cas, l'argument évoqué à l'occasion des débats parlementaires selon lequel priver les fournisseurs d'accès de cette source de revenu reviendrait à les sanctionner, ne peut être retenu dès lors qu'ils ne rendent plus le service que la disposition contestée contraint l'abonné à payer.

Par ailleurs, cette disposition est contraire au principe constitutionnel de la liberté contractuelle dont vous déduisez que " s'il est loisible au législateur d'apporter, pour des motifs d'intérêt général, des modifications à des contrats en cours d'exécution, il ne saurait porter à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen " (2001-451 DC du 27 novembre 2001, cons. 27).

En effet, vous ne manquerez pas de constater que la suppression de la cause d'un contrat, qui est une condition essentielle de sa validité (cf. l'article 1131 du Code civil), constitue une atteinte d'une gravité manifeste aux contrats en cours d'exécution.

Pour ces motifs, plaise au Conseil de censurer cette disposition.

Sur l’exécution des peines complémentaires

L’alinéa 6 du même article prévoit que la HADOPI est chargée de notifier aux FAI les sanctions prononcées par le juge et de s’assurer de sa mise en œuvre. Ainsi, le juge sera pris en tenaille par la Hadopi, en amont, puisqu'elle constituera le dossier visant à l'incrimination; en aval, puisque -exception notable- elle fera exécuter les peines prononcées. Alors que le considérant 28 de votre décision du 10 juin 2009 définissait le rôle de la Hadopi comme purement préparatoire à l’instance, plusieurs articles du texte enlèvent des prérogatives au juge de l’application des peines pour les confier à cette autorité qui notifiera aux FAI les suspensions, tiendra un fichier de suivi des suspendus et s’assurera que les peines ont bien été effectuées.

Or, en conférant à une autorité administrative le pouvoir de faire exécuter les peines, le législateur a manifestement méconnu le principe de séparation des pouvoirs proclamé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Pour ces motifs, plaise au Conseil de censurer cette disposition.


Sur l’article 8

Cet article créé l’incrimination de « négligence caractérisée » et prévoit qu’une telle négligence pourra conduire à sanctionner le « titulaire de l'accès à un service de communication au public en ligne auquel la commission de protection des droits, en application de l'article L. 331-25, a préalablement adressé, par voie d'une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date de présentation, une recommandation l’invitant à mettre en œuvre un moyen de sécurisation de son accès à internet. »

Sur la disproportion manifeste

A cet égard, il est flagrant que le législateur n’a pas tenu compte de votre décision du 10 juin 2009 par laquelle vous preniez soin de rappeler que « les atteintes portées à la liberté d’expression doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ». Or, en punissant l’infraction dite de « négligence caractérisée » par la coupure de l’accès à Internet, il est peu de dire que le législateur a établi une sanction évidemment et manifestement disproportionnée. Constitue, en effet, une disproportion manifeste le fait de sanctionner une « négligence caractérisée » – notion dont le flou est au demeurant peu compatible avec le principe de légalité des délits et des peines – par une mesure portant une atteinte grave à une liberté fondamentale – la coupure de l’accès à l’Internet. Il est en effet gravement disproportionné de sanctionner par une atteinte à une liberté dont votre jurisprudence la plus constante s’attache à consacrer le caractère fondamental pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions le fait de « négligence caractérisée ». Encore une fois, votre décision du 10 juin dernier s’est attachée à concilier des droits fondamentaux. Or, en portant atteinte à l’une des libertés les plus précieuses dans un Etat de droit au motif de l’existence d’une négligence, le législateur s’est écarté du point d’équilibre que vous avez établie. De ce seul chef, la censure est encourue.

L'atteinte au principe de légalité des délits et des peines

Cette disposition porte une atteinte manifeste au principe de légalité des délits et des peines en raison du caractère flou et indéterminé de la notion de « négligence caractérisée » (notamment votre décision 2000-433 DC du 27 juillet 2000).

La nouvelle incrimination coexistera aux côtés du délit de « manquement à l'obligation de surveillance de son accès Internet » prévu par l'article L.336-3 du code de la propriété intellectuelle qui n'est assorti d'aucune peine. La création de cette nouvelle incrimination apparaît ainsi comme un artifice destiné à contourner le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines et votre jurisprudence relative à la présomption de culpabilité (« le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive. Toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle », Décision 99-411 DC), alors que par ailleurs, rien ne semble distinguer la nouvelle contravention et l'actuel délit.

Pourtant, l'instauration d'une présomption de culpabilité, fut-elle adossée à une contravention, nécessite, afin de permettre votre plein contrôle, que le législateur définisse précisément l'incrimination ainsi créée.

En effet, une condamnation prononcée sur le fondement d'une négligence caractérisée exigera-t-elle que la preuve d'une contrefaçon soit apportée ? Une négligence caractérisée pourra-t-elle entraîner une condamnation sans que la réalité d’un dommage quelconque soit établie ? A défaut, sur quel élément matériel et intentionnel reposera cette infraction ? S'agira t-il du fait de ne pas avoir installé un logiciel de sécurisation de sa connexion ou de ne pas l’avoir activé ? Le législateur entend semble-t-il, sans néanmoins l'avoir rendue obligatoire, par ce biais imposer aux abonnés l’installation de logiciels dont les spécifications techniques ne sont pas encore connues. L'interrogation demeure entière sur le point de savoir comment l'abonné suspecté pourra établir qu'il n'a pas été négligent. Cette incrimination est d’autant plus dangereuse que la sécurisation d’un accès à Internet ne pourra jamais être totalement assurée et qu’elle expose de ce fait les abonnés à une insécurité juridique permanente.

Le non respect des principes de présomption d'innocence, du respect des droits de la défense et de responsabilité personnelle en matière répressive

Le dispositif mis en place maintient une présomption de culpabilité au mépris de votre jurisprudence.

Dans votre décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, vous avez considéré qu'« en principe, le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu’elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu’est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité ». Cette jurisprudence a été complétée et précisée par votre décision du 10 juin 2009 dans laquelle vous avez considéré qu' « il résulte des dispositions déférées que la réalisation d'un acte de contrefaçon à partir de l'adresse internet de l'abonné constitue, selon les termes du deuxième alinéa de l'article L. 331-21, " la matérialité des manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3 " ; que seul le titulaire du contrat d'abonnement d'accès à internet peut faire l'objet des sanctions instituées par le dispositif déféré ; que, pour s'exonérer de ces sanctions, il lui incombe, en vertu de l'article L. 331-38, de produire les éléments de nature à établir que l'atteinte portée au droit d'auteur ou aux droits voisins procède de la fraude d'un tiers ; qu'ainsi, en opérant un renversement de la charge de la preuve, l'article L. 331-38 institue, en méconnaissance des exigences résultant de l'article 9 de la Déclaration de 1789, une présomption de culpabilité à l'encontre du titulaire de l'accès à internet, pouvant conduire à prononcer contre lui des sanctions privatives ou restrictives de droit ; »

Or, il résulte tout d'abord des débats parlementaires que « la réalisation d'un acte de contrefaçon à partir de l'adresse internet de l'abonné » suffira à constituer l'infraction. Les termes du rapporteur du projet à l'Assemblée nationale sont à cet égard explicites : « il n’est pas établi que l’abonné a lui-même procédé au téléchargement constaté sur sa ligne, mais il a commis une « négligence caractérisée » après avoir été averti. Dans ce cas, la contravention (de cinquième classe), dont le régime sera précisé par décret, est constituée et la peine encourue est notamment une peine complémentaire de suspension d’une durée d’un mois. ».

De plus, dans le cadre du nouveau dispositif, seul l'abonné dont l'accès a peut-être servi à commettre un acte de contrefaçon, est susceptible d'être poursuivi et condamné puisqu'on ne peut lui substituer un tiers. Ici encore, seul l’abonné peut être sanctionné puisqu'il n'a pas la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité en désignant l’auteur des échanges illicites. Si « l’élément matériel » est commun, la différence juridique entre le délit de contrefaçon et la négligence caractérisée empêche cette substitution exonératoire, même dans les hypothèses où l’identification d’un tiers auteur des actes de contrefaçon aurait été établie.

Or, la présomption de culpabilité instituée revêt un caractère irréfragable. Le législateur s’est tout simplement dispensé de dresser la liste des moyens de s’exonérer des sanctions prévues. L'abonné incriminé n'aura donc aucun moyen de dégager sa responsabilité.

Enfin, c'est toujours le caractère vraisemblable de l'imputabilité qui fait défaut dans le nouveau dispositif. Ainsi que le soulignent les cahiers du Conseil constitutionnel dans le commentaire de la décision du 10 juin 2009, il est en effet « autrement plus difficile, pour un internaute, de savoir et, a fortiori, de démontrer que son accès à internet est utilisé à son insu, que, pour le propriétaire d’un véhicule, de savoir que ce dernier a été volé… Il n’y a pas d’équivalence possible dans la « vraisemblance de l’imputabilité » entre ces deux situations. »9

L'instauration d'une telle présomption de culpabilité conduirait in fine à retirer au juge tout pouvoir d'appréciation, laissant l'essentiel de ce pouvoir entre les mains d'une autorité administrative dont vous avez rappelé qu'elle n'était pas une juridiction.

Ces considérations qui ont conduit le Conseil constitutionnel à constater dans sa décision du 10 juin 2009 que l’inversion de la charge de la preuve instituée conduisait à une présomption de culpabilité en méconnaissance des exigences résultant de l’article 9 de la Déclaration de 1789, demeurent pertinentes dans le cadre de la nouvelle loi soumise à votre contrôle.

Une sanction privative et restrictive de droit incompatible avec le régime de présomption de culpabilité

La peine complémentaire de suspension de l’accès à Internet qui constitue une peine privative et restrictive de droit apparaît manifestement incompatible avec le régime de la présomption de culpabilité. En effet, en dépit de la diminution de la durée de la suspension, fixée à un maximum d'un mois dans le cadre de la négligence caractérisée, cette sanction n'en affecte pas moins les conditions d'exercice du droit de s’exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile. Dans sa décision 99-411DC (cons.8), le Conseil a admis la constitutionnalité d'une présomption de culpabilité après avoir constaté que la sanction n'était qu'une amende, et n’entraînait pas le retrait de points affecté au permis de conduire, autrement dit, que la sanction encourue n’était pas restrictive ou privative de droit.

L’absence de garanties procédurales

Les conditions de jugement de cette contravention de cinquième classe n’ont nullement été précisées par le législateur.

Or, rien n'exclut que la négligence caractérisée puisse être jugée par le tribunal de police selon la procédure des ordonnances pénales en vertu des articles 524 et 525 du Code de procédure pénale.

Compte-tenu de la gravité de la sanction encourue, il appartenait au législateur de poser des garanties propres à assurer aux justiciables un procès équitable.

Pour ces motifs, plaise au Conseil constitutionnel de censurer l’ensemble de cet article.


Sur l'article 11 de la loi

Cet article prévoit que la violation de l'interdiction de souscrire un nouveau contrat d'abonnement, par l'abonné condamné à une peine complémentaire de suspension de sa connexion au titre de l’article L.335-7 du code de la propriété intellectuelle, assortie de l'interdiction de souscrire un nouveau contrat d'abonnement, sera « punie de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende ».

Eu égard à la qualification des faits en cause, la détermination des sanctions dont sont assorties les infractions correspondantes est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En conséquence, par ces motifs et tous autres à déduire ou suppléer même d'office, les auteurs de la saisine vous demandent de bien vouloir invalider les dispositions ainsi entachées d'inconstitutionnalité.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil Constitutionnel, en l'expression de notre haute considération.

Voir aussi Decision_conseil_constitutionnel_10_juin_2009