HADOPI2 Best Of seance 2 21 juillet

De La Quadrature du Net
Révision datée du 2 septembre 2009 à 18:05 par Meriem (discussion | contributions) (Aurélie Filippetti - Platon / Gygès / Etudes / Pétitions (00:22:15))
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Patrice Martin-Lalande - Suspension Internet impossible / Inégalité territoriale (00:00:25)

  • M. Patrice Martin-Lalande, (discussion générale).
    "Monsieur le président, madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, si l’on peut se réjouir de la promulgation de la loi du 12 juin 2009 et de la loi complémentaire discutée aujourd’hui, qui va dans le bon sens sur plusieurs points, il n’en faudra pas moins dépasser très rapidement ces deux textes de circonstance destinés à juguler l’inquiétante hémorragie de financement de la création.
    La loi du 12 juin 2009 va enfin permettre de mettre en place un dispositif pédagogique de prévention contre le téléchargement illégal et favoriser le nécessaire développement de l’offre légale.
    Quant à la loi complémentaire, elle présente l’avantage de réintroduire le juge dans le prononcé de la sanction et d’exclure les communications privées du champ des communications électroniques pouvant faire l’objet d’une surveillance.
    Malheureusement, quelques points faibles demeurent.
    Ainsi, l’Institut national pour la recherche en informatique et automatique – INRIA – a expliqué, lors de son audition par le groupe d’études sur l’internet, qu’il serait impossible de suspendre ou de restreindre l’accès à internet, et ce pour trois raisons.
    Tout d’abord, les internautes pourraient a priori contourner l’interdiction par le cryptage systématique des contenus – même si la nécessité de détenir des clés limite l’usage du cryptage pour les échanges de masse –, ou par la récupération de ces contenus dans des lieux publics physiques – bornes wifi, cybercafés, etc. – ou virtuels qui seraient anonymisés.
    Ils pourraient aussi, a posteriori, contourner la décision de suspension en utilisant d’autres points d’accès ou en utilisant des machines piratées à l’insu de leur propriétaire.
    Ensuite, la suspension de l’accès à titre vraiment individuel à l’internet suppose un dispositif de contrôle individuel des identités électroniques, dont les conséquences du point de vue des libertés fondamentales dépasseraient largement le contexte de la protection des œuvres artistiques.
    Enfin, la restriction d’accès à l’internet ne serait efficace qu’à condition de prendre les mêmes mesures sur le plan international. Il devient urgent de faire avancer une régulation mondiale de l’internet. Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce domaine ?

    Je vous rappelle par ailleurs, madame la ministre d’État, qu’il est techniquement impossible de suspendre l’internet sur certains points du territoire, car l’on suspendrait du même coup l’accès à la télévision ou au téléphone sur IP. Allez-vous appliquer, au cas où elle serait retenue, cette sanction sur le reste du territoire ? L’inégalité face aux possibilités technologiques peut-elle justifier l’inégalité face aux sanctions, selon que l’on se trouve dans une zone dégroupée ou non ?
    S’il faut attendre la résolution de ce problème technologique, pendant combien de temps la sanction par la suspension sera-t-elle inapplicable ?
    Pour toutes ces raisons, et celles que j’ai développées en mars dernier, je regrette à nouveau que l’amende ne remplace pas systématiquement la suspension.
    J’étais déjà intervenu, en effet, pour faire reconnaître le droit d’accès à l’internet, pour faire sanctionner le téléchargement illégal par l’amende plutôt que par la suspension, pour que soit défini un nouveau modèle de financement de la création culturelle à l’ère numérique.
    Je suis heureux que ces préoccupations fondamentales aient été validées.
    En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision de principe du 10 juin dernier, a proclamé le droit de se connecter à l’internet, protégeant ainsi la liberté du citoyen récepteur d’informations et celle du citoyen émetteur d’informations.
    J’ai par ailleurs noté avec beaucoup d’intérêt que notre nouveau ministre de la culture et de la communication s’était engagé, en commission et ce matin en séance, à définir un nouveau modèle de financement. Dans cet état d’esprit, j’ai proposé un amendement pour que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an ou un peu plus, un rapport sur l’état d’avancement d’une telle définition.
    J’espère que nos travaux permettront d’améliorer ce projet de loi, que je voterai d’autant plus facilement qu’il sera un simple texte de sauvegarde, rapidement remplacé par un modèle durable de financement de la création sur l’internet."

Alain Suguenot - Preuve IP / Rémunération des créateurs (00:17:20)

  • M. Alain Suguenot, (discussion générale).
    "Monsieur le président, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voilà de nouveau réunis pour le feuilleton HADOPI.
    Il ne faudrait pas, madame le ministre d’État, monsieur le ministre, que par la volonté farouche de sanctionner, on parvienne à l’effet inverse de celui qui est recherché et qui doit être, à mon sens, de responsabiliser l’internaute dans le cadre du respect des libertés individuelles.
    Le cœur de la loi HADOPI a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a considéré que l’accès à internet était une des conditions indispensables à l’exercice de la liberté énoncée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Tout citoyen peut parler, écrire et imprimer librement ». Seul un juge peut décider d’une coupure de l’accès à internet : ceux qui ne le croyaient pas lors de HADOPI 1 en ont été pour leurs frais.
    Le Conseil constitutionnel a également rappelé que le principe de la présomption d’innocence interdit au législateur de renverser la charge de la preuve en obligeant l’abonné à prouver qu’il n’est pas coupable. Cette décision est fondatrice, car elle orientera durablement notre droit : c’est en s’appuyant sur elle que nous devons élaborer une nouvelle solution établissant un équilibre entre la liberté des internautes et la légitime protection des droits d’auteur.

    Cette exigence est nécessaire – nous en sommes convaincus – et urgente. Certains de mes collègues de la majorité et moi-même n’avons eu de cesse de prévenir vos prédécesseurs des risques juridiques que comportait la première version. Nos interventions multiples et nos amendements avaient alors constitué autant de mises en garde contre les risques d’inconstitutionnalité du texte. Du reste, certains de ces amendements sont repris dans le présent projet de loi. Nous avions vu juste.
    Ne vous y trompez pas, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, nous ne souhaitons qu’une seule chose, c’est que ce nouveau texte corrige le premier et soit applicable. Il n’a toutefois pas l’air d’en prendre le chemin !
    Tout le système du premier texte reposait sur des sanctions de masse. Or l’introduction du judiciaire a vidé le texte de cette dérive contraire à notre principe de personnalisation des peines.
    Il faut donc aller aujourd’hui dans la direction qu’a suggérée le Conseil constitutionnel et ne pas chercher à contourner sa décision.
    Certains de mes collègues de la majorité et moi-même présentons des amendements qui recevront, je l’espère, votre approbation, car si le projet de loi est de nouveau retoqué par le Conseil, cela signifiera que le Parlement légifère mal, et sans doute trop.
    Personne dans la majorité ne souhaite cela, et c’est pourquoi il faut corriger certaines des dispositions du texte, encore trop imparfait.
    La plus grave difficulté du projet actuel réside dans la preuve. La seule adresse IP, que les agents assermentés rechercheront pour identifier les personnes susceptibles de voir leurs abonnements suspendus, n’est pas suffisante pour établir de manière probante qu’une infraction est constituée.
    L’internaute ordinaire ne sait pas et ne pourra pas totalement protéger l’accès à son adresse IP. Condamner un internaute dans ces conditions revient à créer le délit non intentionnel de défaut de protection, ce qui est inimaginable au regard des règles traditionnelles de notre droit. Cela correspondrait à un « délit de ne pas faire », qui serait une grande première.
    La présomption de culpabilité demeure dans le texte et il faut absolument s’en défaire en l’inversant, pour respecter le principe souverain de la présomption d’innocence.

    Cela dit, nous devons nous projeter dès aujourd’hui dans l’après-HADOPI et travailler à une solution d’avenir. Je m’adresse au nouveau ministre de la culture, espérant qu’il sera très attentif aux propositions qui sont faites par les uns et par les autres.
    Je pense qu’il aurait été, du reste, plus opportun d’inverser la démarche et de commencer par le chantier de la rémunération des créateurs, du financement des entreprises culturelles et du développement des offres légales – l’aventure « DADVSI » ayant dû, pour une fois, servir de leçon.
    Tracer les fondations de l’avenir passe déjà par le respect de la volonté des artistes du choix de la commercialisation de leurs œuvres et par la commercialisation forfaitaire, par abonnement ou licences collectives, car dans un monde d’échange numérique permanent les biens immatériels ne peuvent être commercialisés selon les paradigmes traditionnels. Ils sont duplicables à l’infini, sans perte de qualité et pour un coût quasi nul, et leur consommation est « non rivale ».
    Les pistes les plus pérennes passent également par le financement publicitaire, la protection par le contrat et un marché dynamisé par des prix compétitifs. Enfin, les systèmes de mesure d’audience sur le net doivent être développés, la rémunération des artistes se faisant alors en fonction du succès réel de leurs œuvres, ce qui ne serait que justice.
    Le Parlement et sa majorité s’honoreraient ainsi de se prévaloir du caractère fondateur de la décision des sages pour réorienter efficacement la loi HADOPI et travailler à la conception de modèles économiques novateurs, où artistes et internautes joueront enfin, de concert, la même partition, qui, je l’espère, ne sera pas celle du Titanic.
    Je vous demande, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, de chercher avec nous les éléments d’un consensus au lieu d’entamer la litanie des Papes – « HADOPI 1, Pie II, Pie III, Pie XII : pourquoi pas « Libellule ou Papillon » ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et NC.)"

Aurélie Filippetti - Platon / Gygès / Etudes / Pétitions (00:22:15)

  • Mme Aurélie Filippetti, (discussion générale).
    "Monsieur le ministre de la culture et de la communication, je voudrais vous remercier d’avoir, ce matin, au sein de notre assemblée, remis de la culture dans un débat qui n’aurait jamais dû s’en éloigner. Car c’est bien de culture et de création qu’il devrait être question aujourd’hui, malgré l’austérité du texte que vous nous proposez. De culture, c’est-à-dire de la manière de la soutenir et de la favoriser dans un univers numérique qui change chaque jour nos usages, nos pratiques et notre rapport aux œuvres.
    Monsieur le ministre, vous avez convoqué Platon à cette tribune, à travers le livre II de La République. J’aimerais que nous en poussions la lecture jusqu’au livre VII. Comme vous le savez, le philosophe y développe l’allégorie de la caverne : des hommes enchaînés dans un lieu souterrain, dos à la lumière, ne voient pour toute réalité que des ombres projetées sur la paroi par le feu qui brûle derrière eux. La réalité est ailleurs, dans la lumière aveuglante du soleil absent.
    Depuis le 23 juin dernier, je crains, monsieur le ministre, que vous ne soyez enchaîné dans la caverne de la rue de Valois.
    Filant la métaphore que vous avez entamée ce matin, nous ne pourrons pas ne pas évoquer deux ombres qui planent sur cette caverne.
    Il s’agit tout d’abord de celle de Renaud Donnedieu de Vabres, que vous avez omis de citer parmi vos prédécesseurs. Il restera comme le ministre des mesures techniques de protection – MTP –, présentées comme le saint Graal technologique, avant d’être piteusement abandonnées par les lobbies qui avaient aidé à la préparation de la loi « DADVSI ».
    Il s’agit ensuite des mânes de Gygès. Platon en fait un berger qui utilise un anneau magique pour tuer le roi Candaule et prendre sa femme en même temps que le pouvoir. Or, chez Hérodote, il n’y a pas plus de clic que de magie. Dans le livre premier de son Histoire, Hérodote présente, avant Platon, un Gygès forcé par Candaule d’observer la nudité de son épouse pour en vérifier la beauté. Se considérant comme outragée, la reine contraint Gygès à choisir entre la mort ou l’assassinat du roi. Après avoir tenté de fléchir la reine, Gygès se résout à tuer Candaule. Vous avez également oublié de préciser, monsieur le ministre, que, parvenu sur le trône de Lydie, Gygès sera le mécène de Delphes, cité d’Apollon et des arts. Vous le voyez : le monde est différent hors de la caverne.
    Poursuivons le défilé des ombres de la rue de Valois : maintenant s’avancent celles des chiffres qui dansent sur les murs et dans vos discours : 450 000 films téléchargés par jour en France. D’où vient ce chiffre étonnant, de quelle expertise indépendante, fondée sur quelle méthodologie ? Où sont les études qui le confirment ? La seule étude contrôlable sur le téléchargement illégal dont nous ayons connaissance a été menée à Paris XI. Elle indique que les internautes qui téléchargent le plus sont également ceux qui achètent le plus de CD et de DVD.
    Ainsi, la baisse de la vente de CD ne serait liée qu’au téléchargement illégal et n’aurait rien à voir avec la baisse du pouvoir d’achat des Français ou avec la pollution apportée par les MTP, qui vont jusqu’à empêcher la copie privée.
    C’est l’autarcie économique au sein de la caverne de la musique !
    Chiffres fantomatiques encore que ceux des pétitions, que vous égreniez ce matin. Comme l’a montré l’association La Quadrature du Net, la pétition portée par la SACEM, qui recueillait en avril un peu plus de 9 000 signatures, a été réalisée sans qu’aucun contrôle de la réalité des signataires soit effectué. La moitié des prétendus signataires contactés par l’association ne confirment pas leur signature. Des ombres ont ainsi pu signer cette pétition dans laquelle on retrouverait les noms de Gilbert Montagné, Nicolas Sirkis ou Marc Cerrone, qui ont publiquement contesté leurs signatures ou pris position contre la loi HADOPI.
    En revanche, monsieur le ministre, à l’extérieur de la caverne d’autres pétitions circulent. Je pense notamment à celle qui a été signée par Chantal Akerman, Victoria Abril, Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni dans Libération, le 7 avril. Les signataires prennent la révolution numérique pour la chance qu’elle est et précisent qu’« il est temps d’accepter et de nous adapter à ce nouveau monde où l’accès à la culture perd son caractère discriminatoire et cesser de vouloir en faire une société virtuelle de surveillance où tout un chacun se sentirait traqué ».
    Évoquons une dernière ombre désignée à la vindicte des hommes enchaînés : celle du « négligent caractérisé ». Mesurez les conséquences de cette invention.
    Elles ne seront pas uniquement juridiques, elles seront également humaines : la première victime sera l’internaute vertueux, le citoyen même que Platon défend dans le livre II de La République que vous évoquiez ce matin. Elles seront, de plus, économiques : le dispositif technique que proposera la HADOPI devra correspondre à un type précis de configuration informatique sous peine d’inefficacité totale.
    Monsieur le ministre, selon un proverbe grec, « celui qui pille avec un petit vaisseau, on le nomme un pirate, celui qui pille avec un grand navire s’appelle un conquérant ». Vous êtes en charge de penser le changement de la culture : pensez aux créateurs plutôt qu’aux conquérants !"

Didier Mathus - DADVSI / Liberté menacée / Atteinte à Internet / Droit d'auteur (00:32:55)

  • M. Didier Mathus, (discussion générale).
    "Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre de la culture, la grandiloquence et le lyrisme n’ont pas raison de tout et surtout pas du réel. Pour continuer la métaphore filée par Aurélie Filippetti, votre problème est bien le réel. Et la réalité, c’est que cette loi liberticide portée par un ministre de la culture va attenter aux libertés fondamentales et, au fond, à l’intérêt des artistes.
    Arrêtez le massacre ! Ce n’est plus de la détermination mais de l’acharnement thérapeutique. Ce n’est plus un projet de loi, mais un chemin de croix.
    Reprenons l’histoire. Au commencement était la loi « DADVSI » de 2006, grand moment de pitrerie législative, censurée – déjà – par le Conseil constitutionnel, loi inapplicable et inappliquée. Déjà, le ministre de l’époque nous expliquait que la France ouvrait la voie au monde entier. Il s’agissait alors de sanctuariser les DRM comme réponse ultime à la question des droits d’auteur sur internet. On sait ce qu’il en est advenu : les DRM ont disparu, relégués par les opérateurs eux-mêmes au cimetière des illusions technologiques.
    Or c’est avec la même arrogance, la même suffisance, le même aveuglement, qu’a été conduite l’aventure HADOPI. Après plusieurs semaines de débat, un premier rejet par l’Assemblée nationale, une seconde délibération sous la contrainte élyséenne, après la censure du cœur du dispositif par le Conseil constitutionnel, voici donc HADOPI 2. Certes, le canard est toujours vivant mais si mal en point que vous repoussez l’adoption du texte au mois de septembre, de crainte d’une dernière déconvenue estivale.
    Faut-il que le lobby du show-biz soit si puissant auprès du Président de la République pour que la droite persiste ainsi contre tout bon sens ? Car la seule et vraie question reste bien de savoir pourquoi la droite française imagine, seule au monde à suivre cette démarche, pouvoir mettre en place une politique de répression massive et automatisée pour répondre à la révolution numérique.
    L’exemple des DRM devrait vous faire réfléchir. La tentation d’ériger une ligne Maginot technologique contre cette belle utopie sociale de la révolution numérique est d’ores et déjà vouée à l’échec. Autant construire des digues de sable pour contenir la marée montante ! On pourrait même en sourire tant cette démarche traduit – comme votre discours de ce matin – une incompréhension radicale de l’ère numérique.
    Malheureusement, les conséquences de votre tentative sont des plus inquiétantes pour les libertés fondamentales, car tout le dispositif repose sur une surveillance généralisée de la Toile, qui plus est confiée à des sociétés privées – véritable menace pour nos libertés.
    En matière de création, monsieur le ministre de la culture, alors que la révolution numérique représente une chance extraordinaire – grâce à la multiplication colossale des échanges –, le Gouvernement ne trouve pas mieux que d’emboîter le pas aux industriels qui tentent de préserver coûte que coûte leur rente et leurs modèles anciens. Ils sont prêts à tout pour cela, quitte à créer un appareil répressif quasi orwellien.

    La question posée n’est pas médiocre. Alors que la Toile a permis une explosion des échanges, comment faire pour engranger cette avancée du bien-être collectif tout en inventant le nouveau modèle économique qui permettrait de rémunérer les créateurs ? Avec une contrepartie équitable, la mise à disposition quasi illimitée de la plupart des contenus culturels constituerait un formidable progrès pour la société.
    Au lieu de cela, vous appelez à la rescousse des technologies de surveillance pour protéger des intérêts privés en proie à la crise de leur modèle économique, crise du reste toute relative, et les propos que vous avez tenus ce matin à ce sujet mériteraient d’être largement nuancés : jamais le cinéma français ne s’est aussi bien porté et jamais le chiffre d’affaires global de la musique n’a été aussi important. Seul le support physique, le disque, et son mode de distribution sont en crise, non la musique. Mozart a fait de la musique avant Universal et je suis à peu près convaincu qu’il y aura d’autres musiciens après Universal.
    Ce texte porte, en outre, une grave atteinte à la philosophie même de l’internet et à son apport formidable. Ce qu’il y a derrière cette bataille, c’est la volonté des multinationales de l’industrie du loisir de transformer le réseau d’échanges que constitue d’abord la Toile en réseau de diffusion commerciale. Et sous couvert de la défense de la propriété intellectuelle, c’est surtout la voracité financière et la soif d’appropriation qui sont à l’œuvre.

    L’extraordinaire développement des échanges en dehors de la sphère marchande qu’a constitué internet est insupportable pour les majors. Cette manne leur a échappé et ils souhaitent mettre la main dessus avec votre concours.
    Le droit d’auteur a été inventé par Beaumarchais pour protéger les artistes contre les marchands. C’est l’inverse aujourd’hui : il est utilisé par les marchands contre les artistes et leur public.
    Monsieur le ministre, j’ai été assez triste de vous entendre ce matin prendre le parti des marchands contre celui de la création."

Jean-Pierre Brard

Humour

  • "Comme d’habitude, monsieur le président, l’article 58-1, à moins que vous ne les ayez renumérotés avec le nouveau règlement."
  • "Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. C’est dire la faiblesse des arguments du Gouvernement. Mais nous l’avions compris. Mme Alliot-Marie, ce matin, nous a dit : « Je ne bougerai pas. » En l’entendant, me sont venues à l’esprit les falaises d’Étretat. Si vous regardez les falaises d’Étretat, madame la ministre, que voyez-vous ? Que la mer en a eu raison, puisque dans la falaise, il y a un trou, qui donne d’ailleurs cet arc magnifique."
  • "Mme Alliot-Marie nous a chanté tout à l’heure les mérites du volet répressif, oubliant simplement la censure du Conseil constitutionnel. Mme Albanel avait les mêmes certitudes, qui ont été bien vite désarticulées par les sages du Conseil – et nous n’avons qu’à nous louer de la rectitude de Jean-Louis Debré, de Jacques Chirac, de Valéry Giscard d’Estaing, gardiens du temple républicain, ils sont bien meilleurs là où ils sont maintenant, que là où ils furent dans le passé !"
  • "Philippe Gosselin : Il n’y a donc aucune atteinte à la liberté d’expression ou au droit d’amendement, et nous allons devoir vous écouter, ou plutôt vous supporter encore longuement.
    Jean-Pierre Brard : Vous n’êtes pas obligé d’être député !"
  • "Jean-Louis Gagnaire : Monsieur le ministre, nous constatons depuis ce matin que votre engagement en leur faveur commence à faiblir puisque vous vous alignez systématiquement sur le rapporteur, lequel, certes, a de l’entraînement, avec 60 heures de débats derrière lui.
    Jean-Pierre Brard : Et un échec !
    Franck Riester : Merci, monsieur Brard !
    Jean-Pierre Brard : C’est comme ça qu’on apprend."
  • "Je voudrais attirer l’attention de M. le ministre sur plusieurs points. Il a un « collaborateur-souffleur »[1] qui était déjà celui de Mme Albanel ; on sait comment cela s’est terminé ! (Sourires.) Monsieur le ministre, je dis cela pour votre bien."
  • "Monsieur le rapporteur, vous fûtes bref. Quant à vous, monsieur le ministre, vous fûtes inexact."

Critiques

  • "Monsieur le ministre, ce que vous venez de dire est fort éloquent : on n’aurait donc pas le droit de valoriser l’accès à ce qui est libre et gratuit ? Voilà qui revient à favoriser ce qui n’est ni libre, ni gratuit."

Aurélie Filippetti

Critiques

  • "450 000 films téléchargés par jour en France. D’où vient ce chiffre étonnant, de quelle expertise indépendante, fondée sur quelle méthodologie ? Où sont les études qui le confirment ? La seule étude contrôlable sur le téléchargement illégal dont nous ayons connaissance a été menée à Paris XI. Elle indique que les internautes qui téléchargent le plus sont également ceux qui achètent le plus de CD et de DVD."
  • "Ainsi, la baisse de la vente de CD ne serait liée qu’au téléchargement illégal et n’aurait rien à voir avec la baisse du pouvoir d’achat des Français ou avec la pollution apportée par les MTP, qui vont jusqu’à empêcher la copie privée."
  • "Comme l’a montré l’association La Quadrature du Net, la pétition portée par la SACEM, qui recueillait en avril un peu plus de 9 000 signatures, a été réalisée sans qu’aucun contrôle de la réalité des signataires soit effectué. La moitié des prétendus signataires contactés par l’association ne confirment pas leur signature. Des ombres ont ainsi pu signer cette pétition dans laquelle on retrouverait les noms de Gilbert Montagné, Nicolas Sirkis ou Marc Cerrone, qui ont publiquement contesté leurs signatures ou pris position contre la loi HADOPI."

Didier Mathus

Critiques

  • "L’exemple des DRM devrait vous faire réfléchir. La tentation d’ériger une ligne Maginot technologique contre cette belle utopie sociale de la révolution numérique est d’ores et déjà vouée à l’échec. Autant construire des digues de sable pour contenir la marée montante ! On pourrait même en sourire tant cette démarche traduit – comme votre discours de ce matin – une incompréhension radicale de l’ère numérique."

Notes

  1. NdR : Olivier Henrard

Sources

Compte-rendu intégral de l'Assemblée nationale
April (vidéo de la discussion générale)
April (vidéo de la discussion avant l'article 1er)