HADOPI2 Best Of seance 1 21 juillet

De La Quadrature du Net
Révision datée du 4 septembre 2009 à 17:20 par Meriem (discussion | contributions) (Michèle Alliot-Marie)
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Ouverture de la discussion

Michèle Alliot-Marie

  • Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux.

    "Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que Frédéric Mitterrand et moi-même avons l’honneur de présenter devant vous aujourd’hui fait suite à la loi du 13 juin 2009, dite loi HADOPI, destinée à protéger la création littéraire et artistique contre le pillage sur internet. Votée au terme d’un débat approfondi sur lequel il n’est évidemment pas question de revenir, la loi HADOPI a été validée dans sa quasi-totalité par le Conseil constitutionnel. [...] Le Conseil constitutionnel ayant donné une qualification différente de celle qui avait été envisagée à l’origine pour l’accès à internet, nous avons à tirer les conséquences des invalidations des dispositions auxquelles il a procédé. Tel est le principal objet du texte qui vous est soumis. Ce projet de loi réaffirme, et c’est un point essentiel, la détermination du Gouvernement de protéger le droit de propriété intellectuelle et artistique.[...]

    Pour répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, le projet de loi apporte de nouvelles garanties touchant les sanctions prévues. Le Conseil constitutionnel indique, dans sa décision du 10 juin 2009, que la liberté d’accéder à internet est une composante essentielle de la liberté d’expression et de communication. Nous en tirons donc les conséquences.
    Première conséquence : cette liberté est naturellement placée sous la protection du juge judiciaire. Seul le juge pourra suspendre temporairement le droit d’un abonné d’accéder au réseau internet en cas de téléchargements illégaux, au terme d’une procédure de réponse graduée. La sanction sera proportionnée. Pour ce faire, elle correspondra aux exigences de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme, c’est-à-dire qu’elle sera strictement et évidemment nécessaire.[...]

    Pour mieux protéger les œuvres contre le pillage sur internet, le projet de loi repose essentiellement sur une volonté pédagogique et sur la recherche de l’efficacité de la sanction. La méthode se veut avant tout pédagogique et préventive. C’est pourquoi on distingue deux types de comportements. D’abord, le comportement de celui qui cherche sur internet, sans respecter les droits des créateurs, les éléments qui vont lui permettre de bénéficier de l’œuvre. Dans ce cas, il s’agit, pour les auteurs de téléchargements illégaux, d’un acte de contrefaçon. Or la contrefaçon est considérée dans notre pays comme un délit. Il s’agit d’une atteinte intentionnelle à la propriété intellectuelle ou artistique sanctionnée par le code de la propriété intellectuelle. Le code prévoit effectivement que le délit de contrefaçon est passible d’une sanction maximale de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

    Le projet de loi ajoute aux dispositions du code de la propriété intellectuelle la suspension de l’accès à internet pour une durée maximale d’un an. Cette sanction est plus pédagogique à l’égard de ceux qui, dans leur majorité, ont recours à ce type de téléchargement illégal. Cette peine, qui est complémentaire, peut en effet être prononcée à la place de la peine d’emprisonnement, laquelle paraît sans doute excessive et inadaptée. Permettez-moi de faire un parallèle avec les mesures que j’ai prises, lorsque j’étais ministre de la jeunesse et des sports, pour lutter contre les hooligans et ceux qui commettaient des actes de violence dans les stades. La sanction la plus efficace sur le plan pédagogique, ce ne fut pas la sanction classique, mais l’interdiction d’assister à un match ! C’est le même raisonnement que nous voulons suivre aujourd’hui : pour être efficaces, touchons les gens là où ça leur fait mal, c’est-à-dire là où ils trouvent un plaisir malsain à contrevenir à la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)[...]

    J’en viens à l’hypothèse de celui qui laisse quelqu’un de son entourage utiliser sa ligne pour télécharger illégalement, faisant preuve d’une négligence caractérisée. Le Gouvernement a choisi, en ce cas, d’en appeler à la raison et à la responsabilisation. La loi prévoit une réponse graduée et progressive. Lorsque la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet constate des téléchargements illégaux, l’abonné est averti à deux reprises, d’abord par mail, puis par lettre recommandée avec accusé de réception. Si, après ce double avertissement, l’abonné refuse de se conformer à la loi, la troisième étape est déclenchée avec la procédure pénale et la sanction. Je suis convaincue que, pour toutes les personnes de bonne foi, et elles constitueront la majorité des cas, les premiers avertissements auront un effet dissuasif. La répression pénale sera tout à fait subsidiaire. Le défaut de surveillance constitue une contravention de cinquième classe passible d’une peine d’amende de 3750 euros et d’un mois de suspension d’internet. Conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, nous ne posons aucune présomption de culpabilité et il n’est donc pas porté atteinte à la présomption d’innocence. Il revient au parquet, sous le contrôle du juge, de prouver la négligence caractérisée, sur la base de faits objectifs et tangibles. Le seul fait que des téléchargements illégaux soient constatés sur la ligne d’un abonné ne suffit pas à engager sa responsabilité. L’abonné doit en avoir été dûment averti et il doit être établi qu’il n’a pas pris les mesures pratiques et concrètes pour y mettre fin.

    Deux précautions supplémentaires garantissent la proportionnalité de la sanction. Tout d’abord, afin de ne pas porter atteinte à la vie privée, notre seul souci étant de protéger les créateurs, la peine de suspension d’internet sera limitée aux infractions commises au moyen d’un service de communication publique en ligne, ce qui exclut les échanges de communication privées par courriel. Je sais que c’était l’une de vos préoccupations.

    Dans les cas de contrefaçon comme de négligence caractérisée, c’est au juge, j’insiste sur ce point, de décider du montant exact de la sanction. Ce n’est pas parce que le texte prévoit des sanctions maximales qu’elles seront forcément appliquées. Le juge, comme il le fait toujours, tiendra compte des circonstances et de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur. La peine de suspension d’internet doit être proportionnée, lucide et réaliste.[...]

    Mesdames, messieurs les députés, des doutes se sont exprimés quant à l’efficacité du dispositif. Je les ai entendus et j’y ai réfléchi. Je pense notamment à la possibilité pour un internaute dont la ligne aurait été suspendue de se réabonner par le truchement de l’un de ses proches. Soyons lucides : il y aura toujours des personnes pour enfreindre ou contourner la loi. Nous sommes en plein Tour de France : nous constatons encore des cas de dopage malgré les mesures prises. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Devons-nous pour autant abandonner la lutte contre le dopage et cesser de le sanctionner ? Dans l’immense majorité des cas, la loi aura un effet dissuasif ; c’est juste ce que nous voulons.

    Pour garantir l’efficacité du dispositif, le projet de loi vise trois objectifs. Il s’agit tout d’abord d’améliorer le travail d’investigation préalable aux poursuites. Les agents assermentés de l’HADOPI pourront dresser des procès-verbaux constatant les contrefaçons par internet et la négligence caractérisée. Ils pourront également recueillir par procès-verbal les déclarations de l’internaute. Leurs pouvoirs sont strictement limités aux constatations. Leurs procès verbaux seront des éléments de preuve parmi d’autres. Ces pouvoirs s’exerceront sous le contrôle complet de l’autorité judiciaire ; là encore, ceux qui craignaient une atteinte aux droits des personnes pourront être rassurés. Les agents de l’HADOPI seront assermentés devant l’autorité judiciaire et je suis même prête à ce que cette disposition figure dans le projet de loi. Le parquet, une fois saisi, sera libre d’apprécier les éléments fournis par l’HADOPI, de poursuivre ou d’approfondir l’enquête. Il n’y aura donc pas d’exercice abusif du pouvoir de police judiciaire. Toute crainte d’une censure par le Conseil constitutionnel est par conséquent infondée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
    Notre deuxième objectif est de simplifier le traitement judiciaire de la procédure. Les atteintes aux droits d’auteur sur internet sont nombreuses mais simples. Elles doivent faire l’objet d’une procédure judiciaire adaptée et simplifiée, celle de l’ordonnance pénale. Elles relèveront par ailleurs de la compétence du juge unique. La procédure de l’ordonnance pénale, fréquente dans notre droit, respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire. Pour être efficace, elle doit cibler les seuls délits de contrefaçon commis sur internet, à l’exclusion des autres formes de contrefaçon. Cette limitation, qu’a proposé votre commission, me paraît nécessaire. La procédure doit respecter les droits de toutes les personnes, y compris des victimes. La procédure de l’ordonnance pénale n’est pas obligatoire. Les parties peuvent y faire opposition pour que l’affaire soit jugée en audience publique. Les ayants droit pourront se constituer partie civile dans le cadre même de la procédure de l’ordonnance pénale. Cette avancée, que votre commission a proposée, permettra de simplifier les procédures. Même si une ordonnance pénale est prononcée, les parties civiles pourront se présenter devant le juge civil pour réclamer des dommages-intérêts. Les victimes devront être informées de leurs droits. Lorsque les plaintes seront directement adressées au parquet, le ministère public informera les victimes pour qu’elles puissent se constituer partie civile. Je donnerai des instructions en ce sens. De surcroît, dans les cas les plus graves d’atteintes à la propriété, les poursuites auront lieu directement devant le tribunal correctionnel. J’adresserai une instruction en ce sens aux procureurs de la République. Les procureurs généraux, que j’ai réunis hier, sont d’ores et déjà sensibilisés. Les représentants du secteur de l’édition musicale et cinématographique, que mon cabinet a reçus, seront bien entendu consultés dans ce cadre.

    Enfin, pour garantir l’efficacité de la suspension, le fournisseur d’accès à internet, avisé par HADOPI de la mesure judiciaire, pourra suspendre l’abonnement pendant la durée déterminée par le juge. Pendant cette durée, l’abonné n’aura pas le droit de se réabonner auprès d’un autre fournisseur. La violation de cette interdiction constituera un délit.

    Mesdames, messieurs les députés, avant que le ministre de la culture ne développe la philosophie de notre texte, j’ai voulu vous présenter ce projet qui respecte scrupuleusement les recommandations du Conseil constitutionnel. Il ne s’agit pas de revenir sur ce dont vous avez déjà discuté mais de prendre des mesures concrètes pour mettre en œuvre la volonté du Parlement telle qu’elle résulte de la loi qui a été votée. Ce texte est proportionné, équilibré, pragmatique. Il renforce la protection des libertés : la liberté des créateurs et des artistes, avec des droits qu’il faut leur reconnaître ; la liberté d’expression des internautes ; les libertés fondamentales des citoyens, garanties par l’autorité judiciaire qui, je vous le rappelle, est la gardienne des libertés individuelles et collectives."

Frédéric Mitterrand

Jean-Pierre Brard

Humour

  • "Jean-Louis Gagnaire : J’observe enfin que l’un de nos collègues semble être victime d’une addiction à l’informatique : depuis le début du débat, je le vois tout au fond, yeux rivés sur son écran, sans jamais l’avoir entendu une seule fois… J’aimerais qu’il nous fasse part de son expérience – peut-être est-il même connecté à internet sans que nous le sachions…
    Jean-Pierre Brard : Il télécharge !"
  • "Jean-Pierre Brard :Monsieur Riester, vous fonctionnez selon une vieille technologie : comme les soixante-dix-huit tours rayés, vous répétez toujours la même chose."

Argumentation

  • "Pouvez-vous nous assurer que les logiciels de sécurisation ne seront pas discriminants pour les auteurs et utilisateurs de logiciels libres et qu’ils garantiront l’interopérabilité avec les systèmes GNU/Linux, FreeBSD, OpenBSD, et les autres ? Sinon, le Gouvernement serait à l’origine de distorsions de concurrence – un comble pour un gouvernement de droite qui souscrit au principe européen de « concurrence libre et non faussée »."
  • "L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle est une aberration tant juridique que technique. Par son imprécision, il ouvre grand la boite de Pandore du filtrage de l’internet. Or chacun sait que filtrer internet revient à porter atteinte au principe fondamental de neutralité du réseau, neutralité qui est à la base du modèle de croissance numérique tel que nous le connaissons aujourd’hui, et de tous les bénéfices sociaux, économiques et culturels qui en découlent. En portant atteinte à la neutralité du réseau, vous porterez atteinte aux libertés individuelles, et à la libre concurrence – qui pourtant vous est si chère quand elle vient de Bruxelles –, ainsi qu’à l’innovation à l’ère numérique."

Sources

Compte-rendu intégral de l'Assemblée nationale
April (vidéos de la séance)