HADOPI2 Best Of seance 1 21 juillet : Différence entre versions

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(Franck Riester)
(Michèle Alliot-Marie)
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===Michèle Alliot-Marie===
 
===Michèle Alliot-Marie===
* Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux.<br/><br/>"Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que Frédéric Mitterrand et moi-même avons l’honneur de présenter devant vous aujourd’hui fait suite à la loi du 13 juin 2009, dite loi HADOPI, destinée à protéger la création littéraire et artistique contre le pillage sur internet. Votée au terme d’un débat approfondi sur lequel il n’est évidemment pas question de revenir, la loi HADOPI a été validée dans sa quasi-totalité par le Conseil constitutionnel. [...] Le Conseil constitutionnel ayant donné une qualification différente de celle qui avait été envisagée à l’origine pour l’accès à internet, nous avons à tirer les conséquences des invalidations des dispositions auxquelles il a procédé. Tel est le principal objet du texte qui vous est soumis. Ce projet de loi réaffirme, et c’est un point essentiel, la détermination du Gouvernement de protéger le droit de propriété intellectuelle et artistique.[...]<br/><br/>Pour répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, le projet de loi apporte de nouvelles garanties touchant les sanctions prévues. Le Conseil constitutionnel indique, dans sa décision du 10 juin 2009, que la liberté d’accéder à internet est une composante essentielle de la liberté d’expression et de communication. Nous en tirons donc les conséquences.<br/>Première conséquence : cette liberté est naturellement placée sous la protection du juge judiciaire. '''Seul le juge pourra suspendre temporairement le droit d’un abonné d’accéder au réseau internet en cas de téléchargements illégaux, au terme d’une procédure de réponse graduée.''' La sanction sera proportionnée. Pour ce faire, elle correspondra aux exigences de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme, c’est-à-dire qu’elle sera strictement et évidemment nécessaire.[...]<br/><br/>'''Pour mieux protéger les œuvres contre le pillage sur internet, le projet de loi repose essentiellement sur une volonté pédagogique et sur la recherche de l’efficacité de la sanction.''' La méthode se veut avant tout pédagogique et préventive. C’est pourquoi on distingue deux types de comportements. D’abord, le comportement de celui qui cherche sur internet, sans respecter les droits des créateurs, les éléments qui vont lui permettre de bénéficier de l’œuvre. '''Dans ce cas, il s’agit, pour les auteurs de téléchargements illégaux, d’un acte de contrefaçon. Or la contrefaçon est considérée dans notre pays comme un délit. Il s’agit d’une atteinte intentionnelle à la propriété intellectuelle ou artistique sanctionnée par le code de la propriété intellectuelle. Le code prévoit effectivement que le délit de contrefaçon est passible d’une sanction maximale de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.'''<br/><br/>'''Le projet de loi ajoute aux dispositions du code de la propriété intellectuelle la suspension de l’accès à internet pour une durée maximale d’un an.''' Cette sanction est plus pédagogique à l’égard de ceux qui, dans leur majorité, ont recours à ce type de téléchargement illégal. Cette peine, qui est complémentaire, peut en effet être prononcée à la place de la peine d’emprisonnement, laquelle paraît sans doute excessive et inadaptée. Permettez-moi de faire un parallèle avec les mesures que j’ai prises, lorsque j’étais ministre de la jeunesse et des sports, pour lutter contre les hooligans et ceux qui commettaient des actes de violence dans les stades. La sanction la plus efficace sur le plan pédagogique, ce ne fut pas la sanction classique, mais l’interdiction d’assister à un match ! C’est le même raisonnement que nous voulons suivre aujourd’hui : pour être efficaces, touchons les gens là où ça leur fait mal, c’est-à-dire là où ils trouvent un plaisir malsain à contrevenir à la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)[...]<br/><br/>J’en viens à l’hypothèse de '''celui qui laisse quelqu’un de son entourage utiliser sa ligne pour télécharger illégalement, faisant preuve d’une négligence caractérisée.''' Le Gouvernement a choisi, en ce cas, d’en appeler à la raison et à la responsabilisation. La loi prévoit une réponse graduée et progressive. '''Lorsque la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet constate des téléchargements illégaux, l’abonné est averti à deux reprises, d’abord par mail, puis par lettre recommandée avec accusé de réception. Si, après ce double avertissement, l’abonné refuse de se conformer à la loi, la troisième étape est déclenchée avec la procédure pénale et la sanction.''' Je suis convaincue que, pour toutes les personnes de bonne foi, et elles constitueront la majorité des cas, les premiers avertissements auront un effet dissuasif. La répression pénale sera tout à fait subsidiaire. '''Le défaut de surveillance constitue une contravention de cinquième classe passible d’une peine d’amende de 3750 euros et d’un mois de suspension d’internet.''' Conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, nous ne posons aucune présomption de culpabilité et il n’est donc pas porté atteinte à la présomption d’innocence. '''Il revient au parquet, sous le contrôle du juge, de prouver la négligence caractérisée, sur la base de faits objectifs et tangibles. Le seul fait que des téléchargements illégaux soient constatés sur la ligne d’un abonné ne suffit pas à engager sa responsabilité. L’abonné doit en avoir été dûment averti et il doit être établi qu’il n’a pas pris les mesures pratiques et concrètes pour y mettre fin.'''<br/><br/>Deux précautions supplémentaires garantissent la proportionnalité de la sanction. '''Tout d’abord, afin de ne pas porter atteinte à la vie privée, notre seul souci étant de protéger les créateurs, la peine de suspension d’internet sera limitée aux infractions commises au moyen d’un service de communication publique en ligne, ce qui exclut les échanges de communication privées par courriel.''' Je sais que c’était l’une de vos préoccupations.<br/><br/>'''Dans les cas de contrefaçon comme de négligence caractérisée, c’est au juge, j’insiste sur ce point, de décider du montant exact de la sanction.''' Ce n’est pas parce que le texte prévoit des sanctions maximales qu’elles seront forcément appliquées. Le juge, comme il le fait toujours, tiendra compte des circonstances et de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur. La peine de suspension d’internet doit être proportionnée, lucide et réaliste.[...]<br/><br/>Mesdames, messieurs les députés, des doutes se sont exprimés quant à l’efficacité du dispositif. Je les ai entendus et j’y ai réfléchi. Je pense notamment à la possibilité pour un internaute dont la ligne aurait été suspendue de se réabonner par le truchement de l’un de ses proches. Soyons lucides : il y aura toujours des personnes pour enfreindre ou contourner la loi. Nous sommes en plein Tour de France : nous constatons encore des cas de dopage malgré les mesures prises. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Devons-nous pour autant abandonner la lutte contre le dopage et cesser de le sanctionner ? Dans l’immense majorité des cas, la loi aura un effet dissuasif ; c’est juste ce que nous voulons.<br/><br/>Pour garantir l’efficacité du dispositif, le projet de loi vise trois objectifs. Il s’agit tout d’abord d’améliorer le travail d’investigation préalable aux poursuites. Les agents assermentés de l’HADOPI pourront dresser des procès-verbaux constatant les contrefaçons par internet et la négligence caractérisée. Ils pourront également recueillir par procès-verbal les déclarations de l’internaute. Leurs pouvoirs sont strictement limités aux constatations. Leurs procès verbaux seront des éléments de preuve parmi d’autres. Ces pouvoirs s’exerceront sous le contrôle complet de l’autorité judiciaire ; là encore, ceux qui craignaient une atteinte aux droits des personnes pourront être rassurés. Les agents de l’HADOPI seront assermentés devant l’autorité judiciaire et je suis même prête à ce que cette disposition figure dans le projet de loi. Le parquet, une fois saisi, sera libre d’apprécier les éléments fournis par l’HADOPI, de poursuivre ou d’approfondir l’enquête. Il n’y aura donc pas d’exercice abusif du pouvoir de police judiciaire. Toute crainte d’une censure par le Conseil constitutionnel est par conséquent infondée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)<br/>Notre deuxième objectif est de simplifier le traitement judiciaire de la procédure. '''Les atteintes aux droits d’auteur sur internet sont nombreuses mais simples. Elles doivent faire l’objet d’une procédure judiciaire adaptée et simplifiée, celle de l’ordonnance pénale. Elles relèveront par ailleurs de la compétence du juge unique.''' La procédure de l’ordonnance pénale, fréquente dans notre droit, respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire. Pour être efficace, elle doit cibler les seuls délits de contrefaçon commis sur internet, à l’exclusion des autres formes de contrefaçon. Cette limitation, qu’a proposé votre commission, me paraît nécessaire. La procédure doit respecter les droits de toutes les personnes, y compris des victimes. '''La procédure de l’ordonnance pénale n’est pas obligatoire. Les parties peuvent y faire opposition pour que l’affaire soit jugée en audience publique.''' Les ayants droit pourront se constituer partie civile dans le cadre même de la procédure de l’ordonnance pénale. Cette avancée, que votre commission a proposée, permettra de simplifier les procédures. Même si une ordonnance pénale est prononcée, les parties civiles pourront se présenter devant le juge civil pour réclamer des dommages-intérêts. Les victimes devront être informées de leurs droits. Lorsque les plaintes seront directement adressées au parquet, le ministère public informera les victimes pour qu’elles puissent se constituer partie civile. Je donnerai des instructions en ce sens. '''De surcroît, dans les cas les plus graves d’atteintes à la propriété, les poursuites auront lieu directement devant le tribunal correctionnel.''' J’adresserai une instruction en ce sens aux procureurs de la République. Les procureurs généraux, que j’ai réunis hier, sont d’ores et déjà sensibilisés. Les représentants du secteur de l’édition musicale et cinématographique, que mon cabinet a reçus, seront bien entendu consultés dans ce cadre.<br/><br/>Enfin, pour garantir l’efficacité de la suspension, le fournisseur d’accès à internet, avisé par HADOPI de la mesure judiciaire, pourra suspendre l’abonnement pendant la durée déterminée par le juge. '''Pendant cette durée, l’abonné n’aura pas le droit de se réabonner auprès d’un autre fournisseur. La violation de cette interdiction constituera un délit.'''<br/><br/>Mesdames, messieurs les députés, avant que le ministre de la culture ne développe la philosophie de notre texte, j’ai voulu vous présenter ce projet qui respecte scrupuleusement les recommandations du Conseil constitutionnel. Il ne s’agit pas de revenir sur ce dont vous avez déjà discuté mais de prendre des mesures concrètes pour mettre en œuvre la volonté du Parlement telle qu’elle résulte de la loi qui a été votée. Ce texte est proportionné, équilibré, pragmatique. Il renforce la protection des libertés : la liberté des créateurs et des artistes, avec des droits qu’il faut leur reconnaître ; la liberté d’expression des internautes ; les libertés fondamentales des citoyens, garanties par l’autorité judiciaire qui, je vous le rappelle, est la gardienne des libertés individuelles et collectives."
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Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux.
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"Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que Frédéric Mitterrand et moi-même avons l’honneur de présenter devant vous aujourd’hui fait suite à la loi du 13 juin 2009, dite loi HADOPI, destinée à protéger la création littéraire et artistique contre le pillage sur internet. Votée au terme d’un débat approfondi sur lequel il n’est évidemment pas question de revenir, la loi HADOPI a été validée dans sa quasi-totalité par le Conseil constitutionnel. [...]  
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Pour répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, le projet de loi apporte de nouvelles garanties touchant les sanctions prévues. Le Conseil constitutionnel indique, dans sa décision du 10 juin 2009, que la liberté d’accéder à internet est une composante essentielle de la liberté d’expression et de communication. Nous en tirons donc les conséquences.<br/>Première conséquence : cette liberté est naturellement placée sous la protection du juge judiciaire. '''Seul le juge pourra suspendre temporairement le droit d’un abonné d’accéder au réseau internet en cas de téléchargements illégaux, au terme d’une procédure de réponse graduée.''' La sanction sera proportionnée. Pour ce faire, elle correspondra aux exigences de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme, c’est-à-dire qu’elle sera strictement et évidemment nécessaire.[...]
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'''Pour mieux protéger les œuvres contre le pillage sur internet, le projet de loi repose essentiellement sur une volonté pédagogique et sur la recherche de l’efficacité de la sanction.''' La méthode se veut avant tout pédagogique et préventive. C’est pourquoi on distingue deux types de comportements. D’abord, le comportement de celui qui cherche sur internet, sans respecter les droits des créateurs, les éléments qui vont lui permettre de bénéficier de l’œuvre. '''Dans ce cas, il s’agit, pour les auteurs de téléchargements illégaux, d’un acte de contrefaçon. Or la contrefaçon est considérée dans notre pays comme un délit. Il s’agit d’une atteinte intentionnelle à la propriété intellectuelle ou artistique sanctionnée par le code de la propriété intellectuelle. Le code prévoit effectivement que le délit de contrefaçon est passible d’une sanction maximale de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.'''
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'''Le projet de loi ajoute aux dispositions du code de la propriété intellectuelle la suspension de l’accès à internet pour une durée maximale d’un an.''' Cette sanction est plus pédagogique à l’égard de ceux qui, dans leur majorité, ont recours à ce type de téléchargement illégal. Cette peine, qui est complémentaire, peut en effet être prononcée à la place de la peine d’emprisonnement, laquelle paraît sans doute excessive et inadaptée. Permettez-moi de faire un parallèle avec les mesures que j’ai prises, lorsque j’étais ministre de la jeunesse et des sports, pour lutter contre les hooligans et ceux qui commettaient des actes de violence dans les stades. La sanction la plus efficace sur le plan pédagogique, ce ne fut pas la sanction classique, mais l’interdiction d’assister à un match ! C’est le même raisonnement que nous voulons suivre aujourd’hui : pour être efficaces, touchons les gens là où ça leur fait mal, c’est-à-dire là où ils trouvent un plaisir malsain à contrevenir à la loi.  
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J’en viens à l’hypothèse de '''celui qui laisse quelqu’un de son entourage utiliser sa ligne pour télécharger illégalement, faisant preuve d’une négligence caractérisée.''' Le Gouvernement a choisi, en ce cas, d’en appeler à la raison et à la responsabilisation. La loi prévoit une réponse graduée et progressive. '''Lorsque la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet constate des téléchargements illégaux, l’abonné est averti à deux reprises, d’abord par mail, puis par lettre recommandée avec accusé de réception. Si, après ce double avertissement, l’abonné refuse de se conformer à la loi, la troisième étape est déclenchée avec la procédure pénale et la sanction.''' Je suis convaincue que, pour toutes les personnes de bonne foi, et elles constitueront la majorité des cas, les premiers avertissements auront un effet dissuasif. La répression pénale sera tout à fait subsidiaire. '''Le défaut de surveillance constitue une contravention de cinquième classe passible d’une peine d’amende de 3750 euros et d’un mois de suspension d’internet.''' Conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, nous ne posons aucune présomption de culpabilité et il n’est donc pas porté atteinte à la présomption d’innocence. '''Il revient au parquet, sous le contrôle du juge, de prouver la négligence caractérisée, sur la base de faits objectifs et tangibles. Le seul fait que des téléchargements illégaux soient constatés sur la ligne d’un abonné ne suffit pas à engager sa responsabilité. L’abonné doit en avoir été dûment averti et il doit être établi qu’il n’a pas pris les mesures pratiques et concrètes pour y mettre fin.'''
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Deux précautions supplémentaires garantissent la proportionnalité de la sanction. '''Tout d’abord, afin de ne pas porter atteinte à la vie privée, notre seul souci étant de protéger les créateurs, la peine de suspension d’internet sera limitée aux infractions commises au moyen d’un service de communication publique en ligne, ce qui exclut les échanges de communication privées par courriel.''' Je sais que c’était l’une de vos préoccupations.
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'''Dans les cas de contrefaçon comme de négligence caractérisée, c’est au juge, j’insiste sur ce point, de décider du montant exact de la sanction.''' Ce n’est pas parce que le texte prévoit des sanctions maximales qu’elles seront forcément appliquées. Le juge, comme il le fait toujours, tiendra compte des circonstances et de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur. La peine de suspension d’internet doit être proportionnée, lucide et réaliste.[...]
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Mesdames, messieurs les députés, des doutes se sont exprimés quant à l’efficacité du dispositif. Je les ai entendus et j’y ai réfléchi. Je pense notamment à la possibilité pour un internaute dont la ligne aurait été suspendue de se réabonner par le truchement de l’un de ses proches. Soyons lucides : il y aura toujours des personnes pour enfreindre ou contourner la loi. Nous sommes en plein Tour de France : nous constatons encore des cas de dopage malgré les mesures prises. Devons-nous pour autant abandonner la lutte contre le dopage et cesser de le sanctionner ? Dans l’immense majorité des cas, la loi aura un effet dissuasif ; c’est juste ce que nous voulons.
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Pour garantir l’efficacité du dispositif, le projet de loi vise trois objectifs. Il s’agit tout d’abord d’améliorer le travail d’investigation préalable aux poursuites. Les agents assermentés de l’HADOPI pourront dresser des procès-verbaux constatant les contrefaçons par internet et la négligence caractérisée. Ils pourront également recueillir par procès-verbal les déclarations de l’internaute. Leurs pouvoirs sont strictement limités aux constatations. Leurs procès verbaux seront des éléments de preuve parmi d’autres. Ces pouvoirs s’exerceront sous le contrôle complet de l’autorité judiciaire ; là encore, ceux qui craignaient une atteinte aux droits des personnes pourront être rassurés. Les agents de l’HADOPI seront assermentés devant l’autorité judiciaire et je suis même prête à ce que cette disposition figure dans le projet de loi. Le parquet, une fois saisi, sera libre d’apprécier les éléments fournis par l’HADOPI, de poursuivre ou d’approfondir l’enquête. Il n’y aura donc pas d’exercice abusif du pouvoir de police judiciaire. Toute crainte d’une censure par le Conseil constitutionnel est par conséquent infondée. <br/>Notre deuxième objectif est de simplifier le traitement judiciaire de la procédure. '''Les atteintes aux droits d’auteur sur internet sont nombreuses mais simples. Elles doivent faire l’objet d’une procédure judiciaire adaptée et simplifiée, celle de l’ordonnance pénale. Elles relèveront par ailleurs de la compétence du juge unique.''' La procédure de l’ordonnance pénale, fréquente dans notre droit, respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire. Pour être efficace, elle doit cibler les seuls délits de contrefaçon commis sur internet, à l’exclusion des autres formes de contrefaçon. Cette limitation, qu’a proposé votre commission, me paraît nécessaire. La procédure doit respecter les droits de toutes les personnes, y compris des victimes. '''La procédure de l’ordonnance pénale n’est pas obligatoire. Les parties peuvent y faire opposition pour que l’affaire soit jugée en audience publique.''' Les ayants droit pourront se constituer partie civile dans le cadre même de la procédure de l’ordonnance pénale. Cette avancée, que votre commission a proposée, permettra de simplifier les procédures. Même si une ordonnance pénale est prononcée, les parties civiles pourront se présenter devant le juge civil pour réclamer des dommages-intérêts. Les victimes devront être informées de leurs droits. Lorsque les plaintes seront directement adressées au parquet, le ministère public informera les victimes pour qu’elles puissent se constituer partie civile. Je donnerai des instructions en ce sens. '''De surcroît, dans les cas les plus graves d’atteintes à la propriété, les poursuites auront lieu directement devant le tribunal correctionnel.''' J’adresserai une instruction en ce sens aux procureurs de la République. Les procureurs généraux, que j’ai réunis hier, sont d’ores et déjà sensibilisés. Les représentants du secteur de l’édition musicale et cinématographique, que mon cabinet a reçus, seront bien entendu consultés dans ce cadre.
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Enfin, pour garantir l’efficacité de la suspension, le fournisseur d’accès à internet, avisé par HADOPI de la mesure judiciaire, pourra suspendre l’abonnement pendant la durée déterminée par le juge. '''Pendant cette durée, l’abonné n’aura pas le droit de se réabonner auprès d’un autre fournisseur. La violation de cette interdiction constituera un délit.'''
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Mesdames, messieurs les députés, avant que le ministre de la culture ne développe la philosophie de notre texte, j’ai voulu vous présenter ce projet qui respecte scrupuleusement les recommandations du Conseil constitutionnel. Il ne s’agit pas de revenir sur ce dont vous avez déjà discuté mais de prendre des mesures concrètes pour mettre en œuvre la volonté du Parlement telle qu’elle résulte de la loi qui a été votée. Ce texte est proportionné, équilibré, pragmatique. Il renforce la protection des libertés : la liberté des créateurs et des artistes, avec des droits qu’il faut leur reconnaître ; la liberté d’expression des internautes ; les libertés fondamentales des citoyens, garanties par l’autorité judiciaire qui, je vous le rappelle, est la gardienne des libertés individuelles et collectives."
  
 
===Frédéric Mitterrand===
 
===Frédéric Mitterrand===

Version du 4 septembre 2009 à 17:54

Ouverture de la discussion

Michèle Alliot-Marie

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux.

"Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que Frédéric Mitterrand et moi-même avons l’honneur de présenter devant vous aujourd’hui fait suite à la loi du 13 juin 2009, dite loi HADOPI, destinée à protéger la création littéraire et artistique contre le pillage sur internet. Votée au terme d’un débat approfondi sur lequel il n’est évidemment pas question de revenir, la loi HADOPI a été validée dans sa quasi-totalité par le Conseil constitutionnel. [...]

Pour répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, le projet de loi apporte de nouvelles garanties touchant les sanctions prévues. Le Conseil constitutionnel indique, dans sa décision du 10 juin 2009, que la liberté d’accéder à internet est une composante essentielle de la liberté d’expression et de communication. Nous en tirons donc les conséquences.
Première conséquence : cette liberté est naturellement placée sous la protection du juge judiciaire. Seul le juge pourra suspendre temporairement le droit d’un abonné d’accéder au réseau internet en cas de téléchargements illégaux, au terme d’une procédure de réponse graduée. La sanction sera proportionnée. Pour ce faire, elle correspondra aux exigences de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme, c’est-à-dire qu’elle sera strictement et évidemment nécessaire.[...]

Pour mieux protéger les œuvres contre le pillage sur internet, le projet de loi repose essentiellement sur une volonté pédagogique et sur la recherche de l’efficacité de la sanction. La méthode se veut avant tout pédagogique et préventive. C’est pourquoi on distingue deux types de comportements. D’abord, le comportement de celui qui cherche sur internet, sans respecter les droits des créateurs, les éléments qui vont lui permettre de bénéficier de l’œuvre. Dans ce cas, il s’agit, pour les auteurs de téléchargements illégaux, d’un acte de contrefaçon. Or la contrefaçon est considérée dans notre pays comme un délit. Il s’agit d’une atteinte intentionnelle à la propriété intellectuelle ou artistique sanctionnée par le code de la propriété intellectuelle. Le code prévoit effectivement que le délit de contrefaçon est passible d’une sanction maximale de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

Le projet de loi ajoute aux dispositions du code de la propriété intellectuelle la suspension de l’accès à internet pour une durée maximale d’un an. Cette sanction est plus pédagogique à l’égard de ceux qui, dans leur majorité, ont recours à ce type de téléchargement illégal. Cette peine, qui est complémentaire, peut en effet être prononcée à la place de la peine d’emprisonnement, laquelle paraît sans doute excessive et inadaptée. Permettez-moi de faire un parallèle avec les mesures que j’ai prises, lorsque j’étais ministre de la jeunesse et des sports, pour lutter contre les hooligans et ceux qui commettaient des actes de violence dans les stades. La sanction la plus efficace sur le plan pédagogique, ce ne fut pas la sanction classique, mais l’interdiction d’assister à un match ! C’est le même raisonnement que nous voulons suivre aujourd’hui : pour être efficaces, touchons les gens là où ça leur fait mal, c’est-à-dire là où ils trouvent un plaisir malsain à contrevenir à la loi.

J’en viens à l’hypothèse de celui qui laisse quelqu’un de son entourage utiliser sa ligne pour télécharger illégalement, faisant preuve d’une négligence caractérisée. Le Gouvernement a choisi, en ce cas, d’en appeler à la raison et à la responsabilisation. La loi prévoit une réponse graduée et progressive. Lorsque la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet constate des téléchargements illégaux, l’abonné est averti à deux reprises, d’abord par mail, puis par lettre recommandée avec accusé de réception. Si, après ce double avertissement, l’abonné refuse de se conformer à la loi, la troisième étape est déclenchée avec la procédure pénale et la sanction. Je suis convaincue que, pour toutes les personnes de bonne foi, et elles constitueront la majorité des cas, les premiers avertissements auront un effet dissuasif. La répression pénale sera tout à fait subsidiaire. Le défaut de surveillance constitue une contravention de cinquième classe passible d’une peine d’amende de 3750 euros et d’un mois de suspension d’internet. Conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, nous ne posons aucune présomption de culpabilité et il n’est donc pas porté atteinte à la présomption d’innocence. Il revient au parquet, sous le contrôle du juge, de prouver la négligence caractérisée, sur la base de faits objectifs et tangibles. Le seul fait que des téléchargements illégaux soient constatés sur la ligne d’un abonné ne suffit pas à engager sa responsabilité. L’abonné doit en avoir été dûment averti et il doit être établi qu’il n’a pas pris les mesures pratiques et concrètes pour y mettre fin.

Deux précautions supplémentaires garantissent la proportionnalité de la sanction. Tout d’abord, afin de ne pas porter atteinte à la vie privée, notre seul souci étant de protéger les créateurs, la peine de suspension d’internet sera limitée aux infractions commises au moyen d’un service de communication publique en ligne, ce qui exclut les échanges de communication privées par courriel. Je sais que c’était l’une de vos préoccupations.

Dans les cas de contrefaçon comme de négligence caractérisée, c’est au juge, j’insiste sur ce point, de décider du montant exact de la sanction. Ce n’est pas parce que le texte prévoit des sanctions maximales qu’elles seront forcément appliquées. Le juge, comme il le fait toujours, tiendra compte des circonstances et de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur. La peine de suspension d’internet doit être proportionnée, lucide et réaliste.[...]

Mesdames, messieurs les députés, des doutes se sont exprimés quant à l’efficacité du dispositif. Je les ai entendus et j’y ai réfléchi. Je pense notamment à la possibilité pour un internaute dont la ligne aurait été suspendue de se réabonner par le truchement de l’un de ses proches. Soyons lucides : il y aura toujours des personnes pour enfreindre ou contourner la loi. Nous sommes en plein Tour de France : nous constatons encore des cas de dopage malgré les mesures prises. Devons-nous pour autant abandonner la lutte contre le dopage et cesser de le sanctionner ? Dans l’immense majorité des cas, la loi aura un effet dissuasif ; c’est juste ce que nous voulons.

Pour garantir l’efficacité du dispositif, le projet de loi vise trois objectifs. Il s’agit tout d’abord d’améliorer le travail d’investigation préalable aux poursuites. Les agents assermentés de l’HADOPI pourront dresser des procès-verbaux constatant les contrefaçons par internet et la négligence caractérisée. Ils pourront également recueillir par procès-verbal les déclarations de l’internaute. Leurs pouvoirs sont strictement limités aux constatations. Leurs procès verbaux seront des éléments de preuve parmi d’autres. Ces pouvoirs s’exerceront sous le contrôle complet de l’autorité judiciaire ; là encore, ceux qui craignaient une atteinte aux droits des personnes pourront être rassurés. Les agents de l’HADOPI seront assermentés devant l’autorité judiciaire et je suis même prête à ce que cette disposition figure dans le projet de loi. Le parquet, une fois saisi, sera libre d’apprécier les éléments fournis par l’HADOPI, de poursuivre ou d’approfondir l’enquête. Il n’y aura donc pas d’exercice abusif du pouvoir de police judiciaire. Toute crainte d’une censure par le Conseil constitutionnel est par conséquent infondée.
Notre deuxième objectif est de simplifier le traitement judiciaire de la procédure. Les atteintes aux droits d’auteur sur internet sont nombreuses mais simples. Elles doivent faire l’objet d’une procédure judiciaire adaptée et simplifiée, celle de l’ordonnance pénale. Elles relèveront par ailleurs de la compétence du juge unique. La procédure de l’ordonnance pénale, fréquente dans notre droit, respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire. Pour être efficace, elle doit cibler les seuls délits de contrefaçon commis sur internet, à l’exclusion des autres formes de contrefaçon. Cette limitation, qu’a proposé votre commission, me paraît nécessaire. La procédure doit respecter les droits de toutes les personnes, y compris des victimes. La procédure de l’ordonnance pénale n’est pas obligatoire. Les parties peuvent y faire opposition pour que l’affaire soit jugée en audience publique. Les ayants droit pourront se constituer partie civile dans le cadre même de la procédure de l’ordonnance pénale. Cette avancée, que votre commission a proposée, permettra de simplifier les procédures. Même si une ordonnance pénale est prononcée, les parties civiles pourront se présenter devant le juge civil pour réclamer des dommages-intérêts. Les victimes devront être informées de leurs droits. Lorsque les plaintes seront directement adressées au parquet, le ministère public informera les victimes pour qu’elles puissent se constituer partie civile. Je donnerai des instructions en ce sens. De surcroît, dans les cas les plus graves d’atteintes à la propriété, les poursuites auront lieu directement devant le tribunal correctionnel. J’adresserai une instruction en ce sens aux procureurs de la République. Les procureurs généraux, que j’ai réunis hier, sont d’ores et déjà sensibilisés. Les représentants du secteur de l’édition musicale et cinématographique, que mon cabinet a reçus, seront bien entendu consultés dans ce cadre.

Enfin, pour garantir l’efficacité de la suspension, le fournisseur d’accès à internet, avisé par HADOPI de la mesure judiciaire, pourra suspendre l’abonnement pendant la durée déterminée par le juge. Pendant cette durée, l’abonné n’aura pas le droit de se réabonner auprès d’un autre fournisseur. La violation de cette interdiction constituera un délit.

Mesdames, messieurs les députés, avant que le ministre de la culture ne développe la philosophie de notre texte, j’ai voulu vous présenter ce projet qui respecte scrupuleusement les recommandations du Conseil constitutionnel. Il ne s’agit pas de revenir sur ce dont vous avez déjà discuté mais de prendre des mesures concrètes pour mettre en œuvre la volonté du Parlement telle qu’elle résulte de la loi qui a été votée. Ce texte est proportionné, équilibré, pragmatique. Il renforce la protection des libertés : la liberté des créateurs et des artistes, avec des droits qu’il faut leur reconnaître ; la liberté d’expression des internautes ; les libertés fondamentales des citoyens, garanties par l’autorité judiciaire qui, je vous le rappelle, est la gardienne des libertés individuelles et collectives."

Frédéric Mitterrand

  • M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

    "Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de vous raconter deux petites histoires.

    La première est empruntée à la mythologie grecque, et elle est relatée par Platon dans La République. Gygès était un simple berger d’Asie mineure qui, un jour d’orage, tomba soudain sur un anneau magique, doté du pouvoir de rendre invisible. La vie de Gygès n’était pas très amusante. Ce fut pour lui une chance inespérée. Il lui suffisait d’un clic et de tourner l’anneau pour disparaître. Gygès s’empara de ce fabuleux objet magique et, petit à petit, il perdit toute morale. Il en profita pour entrer dans le palais du roi, pour voler la femme du roi, pour assassiner le roi. La moralité de cette fable de Platon, c’est que la plupart des hommes ne sont justes que parce qu’ils sont visibles. Quand on est sûr de ne pas être pris, quand on peut disparaître d’un clic, alors c’est beaucoup plus facile de commettre des délits. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

    Apparemment, Gygès n’avait pas l’impression de commettre un acte délictueux. C’était juste un clic. Cela semblait innocent. Mais clic après clic, le produit disparaît. C’est, involontairement, la technique du voleur chinois, qui pousse peu à peu l’objet jusqu’à ce que celui-ci disparaisse : il peut alors le voler aux yeux de tous. C’est une forme d’érosion humaine d’une œuvre d’art.

    La seconde histoire, chacun la connaît ; elle est très belle : c’est celle de La Peau de chagrin, le célèbre roman de Balzac. Elle est devenue proverbiale : la vie du héros se raccourcit au fur et à mesure des vœux qu’il fait. Dans le cas présent, c’est le produit qui se raccourcit, qui se rabougrit, et les droits qui y sont attachés se réduisent peu à peu, comme une peau de chagrin. Internet ne doit pas être une peau de chagrin pour le droit des créateurs.

    Pourquoi ce projet de loi qu’on nomme HADOPI ? C’est formidable comme ce mot est devenu populaire ! Ce n’est pourtant pas le nom de quelque tribu indienne ou d’un petit animal alpestre destiné à amuser les enfants. Non, HADOPI, c’est la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet. Internet est une chance pour la culture. C’est un vecteur de diffusion des œuvres. Déjà 4 000 films et 7 millions de morceaux de musique payants ou légalement gratuits sont sur internet. C’est une source potentielle de financement de la création et de rémunération des artistes. J’y reviendrai.

    Aujourd'hui, le piratage est responsable d’un désastre économique et surtout culturel. Dans le domaine de la musique, le chiffre d’affaires des CD a baissé de 50 % en six ans. Les effectifs des maisons de production ont baissé de 30 % et le nombre des contrats de nouveaux artistes de 40 % chaque année. Telle est la réalité. [...] Pour le cinéma, les téléchargements illégaux sont aussi nombreux que les entrées en salles – 450 000 par jour ! La fréquentation en 2008 n’est pas la règle : chacun sait qu’elle a été sauvée par quelques films aux résultats exceptionnels. Les premières victimes ne sont pas les majors, mais les indépendants : 99 % des maisons de disques ont moins de vingt salariés. La victime et l’innocent ne sont donc pas du côté qu’on croit. Le piratage accroît les inégalités. Je parle d’expérience. J’ai connu des périodes fastes et d’autres qui l’étaient moins. Dans les périodes qui ne l’étaient pas, j’ai eu la chance de pouvoir compter sur les droits d’auteur pour tenir le coup.

    La méthode suivie, celle que nous avons empruntée, a été ouverte par la mission de Denis Olivennes, à l’automne 2007, visant à obtenir un consensus préalable entre acteurs de la culture et d’internet. Elle a été ensuite marquée par un accord historique, signé à l’Élysée, le 23 novembre 2007, par quarante-sept organisations représentatives ou entreprises. Depuis, elle a obtenu le soutien indéfectible de l’immense majorité des artistes français. Je tiens à rappeler la pétition de 10 000 artistes ou techniciens français de la musique, parmi lesquels figurent Arthur H, Cabrel, Cosma, Da Silva, Dutronc, Feldman, Fersen, Fugain, Goldman, Lavoine, Obispo, Sanseverino : les plus célèbres, les plus modestes – j’y reviendrai. Je tiens également à rappeler le soutien de 1 300 labels de musique français indépendants, et celui de dizaines de cinéastes et de comédiens français renommés : Annaud, Becker, Beineix, Canet, Carillon, Corneau, Costa-Gavras, Jaoui, Jolivet, Klapisch, Miller, Serreau, Rappeneau, Tavernier, et tant d’autres. Faut-il également rappeler le soutien de 4 000 labels de musique européens, la motion de soutien de la Guilde des réalisateurs américains de Steven Soderbergh, qui compte parmi ses membres 14 000 techniciens et quelques-uns des plus illustres metteurs en scène du cinéma américain, ou encore l’interpellation du parti socialiste lui-même par d’illustres compagnons de route de la gauche – Pierre Arditi, Juliette Greco ou Michel Piccoli ?
    Il est vrai que quelques-uns sont passés de l’autre côté. Je les connais, je les respecte et je les admire, mais ils ont tort. Il suffit du reste de lire le tract qu’ils ont fait passer pour s’apercevoir qu’il est rempli de contrevérités et d’appréciations fausses.

    Cette loi n’est pas celle des majors accrochées à la défense de privilèges obsolètes. Ceux qui le prétendent n’ont pas discuté avec un nombre suffisant d’artistes. Le projet du Gouvernement a reçu le soutien massif des PME de la culture, de ces indépendants qui sont les premières victimes du piratage parce que ce sont eux qui prennent les plus grands risques en soutenant les jeunes talents. Ce projet de loi n’est pas celui des majors : c’est celui de tous les créateurs et des jeunes talents, c’est celui de l’exception culturelle française, qu’on doit notamment à Jack Lang, et qui a été maintenue par ses successeurs : Catherine Tasca, Catherine Trautmann et Christine Albanel, mon prédécesseur. J’ignore si je serai un aussi bon ministre qu’eux, mais je protégerai leur héritage car il est bon.

    La loi de l’exception culturelle française est celle des centaines de milliers d’acteurs des filières concernées, du technicien à l’artiste, de l’auteur au producteur, en passant par le réalisateur. À cet égard, l’exception culturelle française est devenue un exemple : comment expliquer autrement qu’aujourd'hui, dans les universités américaines, en Nouvelle-Zélande, en Irlande, en Corée du Sud et, bientôt, au Royaume-Uni, l’exemple de la loi que nous vous proposons ait déjà été adopté ?

    Un dispositif complet, pédagogique et protecteur des libertés : tel est le projet de loi. La loi Création et internet contient des avancées pour le consommateur. Les films seront disponibles plus rapidement en DVD – quatre mois au lieu de six à sept mois et demi. La chronologie des médias a été signée par les principaux acteurs culturels dans mon bureau, à l’initiative de Mme Véronique Cayla, l’excellent directeur du Centre national de la cinématographie. [...]

    Il n’y aura plus de verrou numérique anti-copie sur les morceaux de musique téléchargés légalement.La loi Création et Internet est essentiellement pédagogique puisqu’elle prévoit deux recommandations avant toute sanction, comme s’il fallait recevoir deux avertissements à domicile avant de se voir retirer un point sur son permis de conduire ou verbaliser pour stationnement gênant.

    La sanction n’est là que pour rendre dissuasifs les avertissements : la polémique sur la sanction confond le principal – les rappels à la loi par la HADOPI – et l’accessoire : la peine dissuasive. La suspension de l’accès à internet est la mieux adaptée des sanctions, comme le retrait du permis de conduire ou l’interdiction du chéquier, car elle est directement en rapport avec le comportement à juguler : elle est donc pédagogique. La pédagogie, ça marche ! Des sondages effectués en France et au Royaume-Uni en 2008 révèlent que 70 % des internautes cesseraient de pirater au premier avertissement et 90 % au second. La loi appliquée en Suède depuis avril 2009 a permis de diminuer de 40 % le trafic sur internet et d’augmenter de 14 % la vente de disques au premier semestre et de 57 % les ventes en ligne. Il est inutile de contester ces chiffres !

    Par rapport aux autres dispositifs existants, le dispositif français garantit, de plus, la protection de la vie privée par la HADOPI. Dans les autres pays où des systèmes d’avertissement sont en place, l’internaute est aux prises directes avec les fournisseurs d’accès à internet, les maisons de disques et les studios. En France, la HADOPI s’interpose et envoie des avertissements en protégeant l’anonymat des internautes. Ce sont des magistrats, des agents publics impartiaux et indépendants qui effectueront ce travail.

    Notre démarche est donc la bonne : il faut la mener jusqu’au bout. Le projet de loi permettra simplement de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en confiant au juge le soin de prendre la sanction, ce qui apportera encore plus de garanties au citoyen. N’est-ce pas ce que réclamait l’opposition lors du premier débat ?

    Le projet de loi est trop souvent caricaturé. En réalité, il distingue les pirates eux-mêmes, les contrefacteurs, des simples abonnés : c’est contre les premiers que les tribunaux correctionnels pourront prononcer la suspension de l’accès à internet de longue durée – un an maximum –, et non contre les abonnés, que le projet de loi traite plus légèrement si, en dépit de multiples avertissements, ils font preuve de négligence caractérisée. Le juge prendra évidemment en considération tous les éléments pour apprécier cette négligence. Nous connaissons tous l’histoire de la grand-mère qui arrose les coquelicots de son petit-fils en les trouvant très beaux, sans savoir qu’il s’agit de plants de haschich. On ne fera pas de mal à la grand-mère ! On lui montrera seulement qu’elle se trompe !

    HADOPI simplifiera le travail de la justice. La procédure du juge unique, au lieu de trois magistrats, et des ordonnances pénales bien connues de notre droit est parfaitement respectueuse des libertés, déjà utilisée en matière de violation du code de la route. Comme le piratage sur internet, il y a des millions de petites infractions dont le résultat final est catastrophique pour la société. On ne peut pas rouler sans permis, ni, du reste, sans régler le péage, sur ce qu’on appelait autrefois les autoroutes de l’information. C’est notre devoir d’édicter les règles du jeu et les cadres qui sont eux-mêmes créateurs de liberté. C’est notre devoir d’interdire les chauffards d’internet.

    La loi HADOPI protège la correspondance privée de toute incursion ou surveillance, et c’est vous qui nous avez aidés à mieux définir ce concept. La loi HADOPI est un dispositif réaliste. Son objectif est pédagogique : il vise le grand nombre. Il s’agit de modifier le comportement de bien des internautes afin d’appeler leur attention sur les conséquences du piratage pour les créateurs et sur les sanctions encourues. Chaque nouveau média crée une utopie sociale nouvelle. Il s’agit de la réglementer.

    Évidemment, il sera toujours possible à des petits malins, à des petits génies de l’informatique, d’échapper momentanément aux sanctions en déployant un grand savoir-faire, en cryptant leurs échanges, par exemple. Du reste, certains médias ne se font pas faute, comme ce matin une grande chaîne périphérique, d’expliquer comment s’y prendre. [...] Ce sera néanmoins le fait d’une infime minorité. Comme pour toutes les formes de délinquance, les techniques de détection évolueront en même temps que les techniques de dissimulation ; c’est un processus éternel qui n’a jamais dissuadé de lutter contre la délinquance.

    On entend, ça et là, une rengaine selon laquelle la loi serait inapplicable. On avait annoncé que la décision du Président de la République de supprimer la publicité sur les chaînes publiques allait entraîner leur paupérisation et favoriser les chaînes privées. Ces derniers mois ont apporté un parfait démenti à cette prédiction. On avait aussi affirmé que l’instauration du permis à points et l’installation de radars sur les routes seraient des mesures inapplicables ; or le nombre des morts sur les routes a été divisé par deux en dix ans. Comment peut-on s’opposer au présent texte et prétendre défendre les artistes ? Certains croient peut-être que je suis devenu ministre pour m’amuser ou pour je ne sais quelle gloriole personnelle.

    Je suis devenu ministre de la culture et de la communication pour renforcer le soutien aux créateurs et aux artistes que j’ai défendus toute ma vie : les célèbres comme les humbles, les grands comme les petits. Ce texte, tous les artistes et les entreprises de la culture le souhaitent, comme ils rejettent tous votre licence globale. Comment pouvez-vous prétendre défendre les artistes en leur imposant votre volonté ? Votre licence globale est un leurre qui ne les trompe pas. Depuis quatre ans, elle soulève les mêmes problèmes. Elle n’est une solution ni pour les créateurs ni pour les consommateurs. Elle est refusée par les associations de créateurs. Elle soulève des problèmes juridiques : elle violerait tous les engagements internationaux de la France, notamment les grandes conventions sur les droits d’auteur. Elle soulève des problèmes pratiques : quel doit être son montant, comment la répartir ? Même ses défenseurs n’avancent pas d’idée précise. Elle soulève un problème d’équité : on fait payer les abonnés à l’internet alors que moins de 40 % d’entre eux téléchargent les œuvres. Elle décourage les artistes dont on commence par saigner les droits, avant de les mettre sous la perfusion d’une caisse commune. Ce n’est pas cette médecine digne de Molière qui va stimuler la fécondité des artistes.
    Les artistes ont toujours eu besoin d’être protégés. Je vous rappellerai une petite histoire, rapportée par Stefan Zweig, celle d’un compositeur français qui a fini sa vie dans une misère pathétique. Pourtant, il avait écrit un chant qui était sur toutes les lèvres, un chant qui est encore sur toutes les lèvres, un chant qui nous appartient et dont nous sommes fiers ; mais personne ne savait alors qui en était l’auteur : le droit d’auteur n’existait pas et le créateur ne jouissait d’aucune protection. Cet artiste s’appelait Rouget de Lisle, mort dans l’indigence ; et ce chant, c’est notre hymne national ! Cet exemple montre bien que même les artistes les plus glorieux, les plus célébrés, les plus aimés, ont besoin d’être protégés, et qu’il est toujours possible, sans le vouloir, de leur voler leur œuvre.
    La licence globale ne constitue donc pas une solution pour les créateurs. Est-elle alors une solution pour les consommateurs, leur offrirait-elle l’accès à un plus grand choix de titres pour un moindre coût ? La licence globale ignore complètement que le monde a changé. Il est vrai qu’il y a quatre ans l’offre de musique restait assez pauvre et relativement chère. Depuis, une multitude de modèles économiques se sont développés, des millions de titres sont disponibles en streaming gratuit ou en téléchargement pour une dizaine d’euros par mois. Qu’apporterait de mieux la licence globale au consommateur ? Non seulement elle n’apporterait rien mais elle tuerait les initiatives en privant les créateurs et les entrepreneurs de leurs droits contre une pension mensuelle. Je préfère parier sur la créativité et le dynamisme de chacun.

    Pour permettre à ces initiatives de devenir profitables, une condition s’impose : il convient de mettre un terme à la concurrence déloyale du piratage, c’est l’objet de ce projet de loi. La lutte contre le piratage n’est pas une fin en soi mais un préalable nécessaire, le début d’un grand mouvement de renouveau pour les créateurs, quoi que vous en pensiez.

    J’ai annoncé mes intentions, lancé rapidement une concertation aussi vaste que celle qui a abouti aux accords de l’Élysée, qui associe les internautes, les créateurs, les acteurs de l’internet. Je veux d’abord rendre l’offre culturelle légale encore plus attractive pour le public, la rendre plus diverse, moins chère, plus souple d’utilisation. Je veux ensuite que les créateurs et les entreprises soient mieux rémunérés et de façon plus équitable pour la diffusion de leurs œuvres sur les réseaux numériques. Je connais tout cela. Je suis sûr qu’une fois que ce projet de loi sera replacé dans le contexte de ce vaste chantier, l’opinion publique comprendra mieux encore la démarche du Gouvernement.

    Beaumarchais, l’inventeur de la première société de gestion des droits d’auteur avait compris que c’était par le droit de propriété et par le droit moral qui protège ses œuvres que l’artiste pourrait enfin s’affranchir de sa condition de laquais ou de courtisan. C’est ainsi qu’il a acquis son indépendance économique et par là même sa liberté de créer. Souhaitons-nous abdiquer sur internet ce droit que nous défendons depuis des siècles ? Est-ce à la technologie de nous dicter ses règles ou à nous de lui imposer notre choix de société ?

    En naviguant sur l’internet, il est vrai que nous avons un formidable sentiment de liberté, mais la liberté véritable est encadrée et garantie par la loi. L’invisibilité, comme dans le cas de Gygès, ne doit pas signifier l’impunité. Ce sont les artistes et les créateurs qui m’accompagnent à cette tribune. Quand Édith Piaf entamait une chanson au théâtre de l’Olympia, elle citait toujours les noms des auteurs. Souvenez-vous, elle disait Hymne à l’amour, musique : Marguerite Monnot ; Panam’ Panam’ : Contet et Glanzberg. Comme citoyen et comme ministre de la culture et de la communication, je ne veux pas que l’on traîne dans le caniveau des pirates l’ « atmosphère, atmosphère » d’Arletty, le « c’est dégueulasse » de Jean Seberg dans À bout de souffle, la biscotte de Michel Serrault dans La cage aux folles. Je refuse qu’Édith Piaf ait annoncé en vain le nom des artistes pour qu’on se souvienne d’eux. Je refuse que le petit poisson et le petit oiseau de Juliette Greco s’aiment en vain d’amour tendre. Je refuse que l’on violente La Javanaise de Serge Gainsbourg et je sais que vous m’approuvez !"

Franck Riester

M. Franck Riester, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

"Monsieur le président, madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, monsieur le ministre de la culture et de la communication, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, nous abordons l’examen du projet de loi adopté par le Sénat, relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet. [...]

La lutte contre le téléchargement illégal passe désormais par la réponse graduée. Concrètement, l’internaute responsable de téléchargements illégaux recevra un premier courriel d’avertissement. S’il n’en tient pas compte, il en recevra un second, accompagné cette fois d’une lettre recommandée à son domicile. Ces recommandations visent à expliquer à l’internaute que la loi doit être respectée, y compris sur internet, et qu’il doit plutôt télécharger légalement, ce qui permet de financer la création en France et de préserver des milliers d’emplois dans ce secteur. Enfin, s’il persiste, une sanction adaptée pourra être prise par le juge après transmission du dossier au parquet par l’HADOPI, le juge pouvant se baser sur deux fondements juridiques distincts : le délit de contrefaçon et la contravention pour négligence caractérisée. [...]

La contravention pour négligence caractérisée instaurée par le projet de loi permet de sanctionner l’abonné qui n’aurait pas pris les mesures permettant d’éviter le téléchargement illégal depuis son accès internet, cela, malgré la lettre recommandée envoyée par l’HADOPI. Le juge pourra, dans ce cas, sanctionner la personne concernée d’une amende d’un montant maximum de 1 500 euros et, éventuellement, d’une peine complémentaire d’un mois de suspension de son accès à internet. [...]

Notre rôle de législateur est donc bien de fixer un cadre juridique clair et de faire en sorte que les principes et droits qui régissent notre République soient respectés, y compris dans le secteur numérique. Comme le rappelait le Président de la République devant le Congrès réuni à Versailles le 22 juin dernier, « en défendant le droit d’auteur, nous ne défendons pas seulement la création artistique, nous défendons aussi l’idée que nous nous faisons d’une société de liberté, où la liberté de chacun est fondée sur le respect du droit des autres ». [...]

En tant que rapporteur, j’ai procédé pour ce texte à l’audition d’une trentaine de personnes en deux jours : organisations de consommateurs et d’internautes, syndicats professionnels, représentants des ayants droit, fournisseurs d’accès à internet ont été entendus. À l’issue des ces auditions, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a examiné environ 130 amendements et en a adopté seize. [...] Les principales améliorations sont notables. Ainsi, dans l’ensemble du projet de loi, et plus particulièrement aux articles 2 et 3, la commission a souhaité, par un amendement de votre rapporteur, exclure du champ de l’investigation de l’HADOPI et de l’autorité judiciaire les services de messagerie des internautes, c’est-à-dire la correspondance privée par courriel. Par ailleurs, il est précisé, à l’article 1er, que les agents habilités de l’HADOPI seront assermentés devant l’autorité judiciaire. Dans le même esprit, à l’article 1er ter, le deuxième avertissement de l’HADOPI se fera obligatoirement par lettre remise contre signature. En outre, la commission a souhaité préciser les conditions de procédure de jugement simplifiée. C’est ainsi qu’à l’article 2 le recours au juge unique et à l’ordonnance pénale a été expressément limité aux seuls délits de contrefaçon commis via internet, comme vous le rappeliez tout à l’heure, madame la ministre. Parallèlement, dans ce même article, il est prévu que les victimes puissent demander des dommages et intérêts directement dans le cadre de la procédure d’ordonnance pénale.

Quelques interrogations subsistaient quant à l’articulation entre les deux fondements juridiques de la procédure. À l’article 3 bis, il est ainsi proposé, d’une part, de mieux définir l’incrimination de négligence caractérisée et, d’autre part, de préciser que la recommandation invitant l’abonné à mettre en œuvre un moyen de sécurisation de son accès à internet doit dater de moins d’un an. Après l’article 3 bis, nous avons, enfin, tenu à rappeler et à préciser dans le code de la propriété intellectuelle les modalités d’application du principe de personnalisation et de proportionnalité des peines prévues par l’article 132-24 du code pénal, tant en ce qui concerne le délit de contrefaçon que la négligence caractérisée. [...]"

Jean-Pierre Brard

Humour

  • "Jean-Louis Gagnaire : J’observe enfin que l’un de nos collègues semble être victime d’une addiction à l’informatique : depuis le début du débat, je le vois tout au fond, yeux rivés sur son écran, sans jamais l’avoir entendu une seule fois… J’aimerais qu’il nous fasse part de son expérience – peut-être est-il même connecté à internet sans que nous le sachions…
    Jean-Pierre Brard : Il télécharge !"
  • "Jean-Pierre Brard :Monsieur Riester, vous fonctionnez selon une vieille technologie : comme les soixante-dix-huit tours rayés, vous répétez toujours la même chose."

Argumentation

  • "Pouvez-vous nous assurer que les logiciels de sécurisation ne seront pas discriminants pour les auteurs et utilisateurs de logiciels libres et qu’ils garantiront l’interopérabilité avec les systèmes GNU/Linux, FreeBSD, OpenBSD, et les autres ? Sinon, le Gouvernement serait à l’origine de distorsions de concurrence – un comble pour un gouvernement de droite qui souscrit au principe européen de « concurrence libre et non faussée »."
  • "L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle est une aberration tant juridique que technique. Par son imprécision, il ouvre grand la boite de Pandore du filtrage de l’internet. Or chacun sait que filtrer internet revient à porter atteinte au principe fondamental de neutralité du réseau, neutralité qui est à la base du modèle de croissance numérique tel que nous le connaissons aujourd’hui, et de tous les bénéfices sociaux, économiques et culturels qui en découlent. En portant atteinte à la neutralité du réseau, vous porterez atteinte aux libertés individuelles, et à la libre concurrence – qui pourtant vous est si chère quand elle vient de Bruxelles –, ainsi qu’à l’innovation à l’ère numérique."

Sources

Compte-rendu intégral de l'Assemblée nationale
April (vidéos de la séance)