Debats Hadopi 090402 1

De La Quadrature du Net
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Compte rendu initial

M. Philippe Gosselin[modifier]

Je voulais réagir aux propos de M. Bloche sur la culture et à sa façon de traiter avec une forme de condescendance, sinon de dédain, les actions de la ministre actuelle.

Il est facile de dire que le budget de la culture est sacrifié, que la culture est le parent pauvre, etc.

Rappelons quelques faits : entre 2008 et 2009, le budget de la culture a tout de même augmenté de 2,4 %...

Vous allez dire que c'est peu, que c'est une misère, mais cela reste supérieur à l'inflation. Le programme « Patrimoines » a augmenté de 7,8 %.

Le programme « Création » a augmenté de 3,1 %, les crédits du spectacle vivant de 2,4 %, et je ne passerai pas sous silence les 100 millions d'euros du plan de relance. Alors, arrêtons ! Vous êtes parfois dans l'autosuggestion : à force de répéter que les choses ne vont pas, vous parvenez peut-être à vous en convaincre, mais cessez de leurrer les gens !

M. Didier Mathus[modifier]

Le sujet est d'importance. La procédure envisagée, outre qu'elle s'apparente à une police générale de l'Internet, laisse une grande part à l'arbitraire ; aussi l'amendement propose-t-il d'apporter des précisions pour échapper à celui de la commission de protection des droits. Cette commission, corporatiste, est chargée de veiller sur les coffres-forts des industries musicale et cinématographique, de sorte qu'il y a quelque illégitimité à lui permettre d'engager des transactions – lesquelles, sous quelle forme, dans quels cas et avec qui ? On l'ignore.

L'attitude du Gouvernement et de la majorité témoigne de la même hypocrisie que sur l'amendement précédent : on se donne bonne conscience en prétendant combattre des conduites immorales. Certes, des cohortes d'artistes missionnés par les majors sont montés au créneau, occupant la scène pour dénoncer des adolescents jugés coupables de vol à l'étalage, à l'instar de MM. Charles A... ou Johnny H..., qui sont pourtant les premiers à se soustraire à la loi française en s'exilant dans des paradis fiscaux. L'amendement, certes sympathique, du président de la commission des lois est en réalité un affichage cousu main, puisqu'il exclut de facto toute mise en œuvre réelle. Une chanson de variété a en effet de multiples ayants droit : M. Charles A..., par exemple, mais aussi le parolier, le compositeur et les musiciens ; il est évidemment impossible que tous se soient réfugiés dans un paradis fiscal.

Bref, l'arme brandie par le président de la commission des lois contre les mauvais citoyens est un sabre de bois. Cette nouvelle hypocrisie montre que la majorité ne connaît d'autre logique que la répression, et ce afin de protéger les industries de la musique et du cinéma, et de nuire aux échanges culturels.

[...]

Je veux réagir aux propos de Mme la ministre,. Notre collègue Jean Dionis du Séjour a eu raison de rappeler qu'il s'agissait simplement du droit de la consommation. On s'apprête à faire une chose unique dans le droit français : suspendre un abonnement et demander aux gens de continuer à le payer ! C'est comme si l'on obligeait un conducteur dont on vient de suspendre le permis de conduire à payer un plein virtuel quasiment tous les mois ! C'est parfaitement absurde, insensé ! J'appelle votre attention sur le côté ubuesque de cette mesure qui fait effectivement partie d'un deal avec les FAI : on les oblige à suspendre les abonnements, en échange de quoi on leur permet de continuer à percevoir la recette y afférent. C'est tout de même profondément choquant.

Il y a des limites à l'absurdité. Vous allez très loin dans cette loi : vous voulez tellement protéger les intérêts de groupes particuliers que vous en venez à introduire des novations absolument stupides dans le droit français. En l'occurrence, cette fois-ci, c'est le bouquet ! J'en appelle à la conscience et au bon sens de tous nos collègues : on ne peut imaginer une chose pareille.

[...]

On découvre peu à peu, au fil des explications du rapporteur et de la ministre, que loin de la bande dessinée style Bambi qu'on nous a racontée à propos des accords de l'Élysée, il y a eu, derrière tout ça, un énorme marchandage avec les FAI. D'ailleurs, la ministre l'a explicitement dit hier, de façon peut-être inopportune d'ailleurs, en parlant de la quatrième licence.

Nous avons bien compris que la quatrième licence avait joué un rôle fondamental dans cette affaire pour expliquer les évolutions possibles de quelques FAI. Derrière l'amende de 5 000 euros, on s'aperçoit qu'il y a eu, sous la table ou derrière le rideau, je ne sais, un véritable marchandage entre les FAI et le Gouvernement, qui conditionne beaucoup d'aspects de ce projet de loi. Et l'on subodore qu'il n'a pas été des plus vertueux, c'est le moins qu'on puisse dire, et qle marché conclu suffisamment honorable pour être exposé au vu et au su des internautes et de la population.

J'appelle votre attention sur le fait que 1 000 coupures par jour, cela en fait 30 000 par mois, 360 000 par an...

Disons 220 000 : cela fait beaucoup d'électeurs, mais enfin c'est votre affaire, d'autant ce n'est pas simplement un électeur qui est concerné à chaque fois, c'est une famille. Cela fera beaucoup de gens qui viendront dans vos permanences pour vous demander des comptes !

Mon cher rapporteur, quand on défend une loi qui a pour seul objet de protéger les intérêts particuliers de quelques amis du pouvoir, on évite de faire référence à l'intérêt général.

Ajoutons qu'effectuer mille coupures par jour ne sera pas chose facile : compte tenu du dégroupage, pour distinguer ce qui relève de l'Internet, de la télévision et du téléphone, il faudra se déplacer et intervenir physiquement. Vous imaginez le bazar...

Enfin, puisque le rapporteur veut faire de la sémantique, j'aimerais qu'il nous explique très précisément en quoi consiste la différence entre la coupure et la suspension.

[...]

[L'amendement n° 241] est défendu.

M. Patrick Bloche[modifier]

Je suis un peu étonné que Mme Marland-Militello retire un amendement [n° 18] de la commission des affaires culturelles. Un rapporteur a pour mission de présenter le travail qui a amené la commission à adopter un amendement. Je crains, en conséquence, que Mme Marland-Militello n'aille ici au-delà de son rôle. Mais nous avons fort heureusement déposé le même amendement, ce qui nous permet de lui assurer une vie, voire une survie.

Mme Marland-Militello a fait référence à l'amendement n° 69 du rapporteur. Il s'agit, en l'occurrence, des amendements n° 58 et 59. De plus, cela n'a aucun rapport avec ce dont nous discutons actuellement, à savoir la transaction. En effet, ces amendements visaient la procédure relative à la sanction et, notamment, à l'injonction.

Notre amendement [n° 228] se justifie d'autant plus que le moyen de sécurisation, dont la HADOPI demandera à l'abonné qu'il le mette en œuvre, doit être adapté à la configuration de son installation. C'est le moins que l'on puisse faire ! Derrière tout cela, on retrouve toute la problématique, que nous avons déjà évoquée – et nous continuerons de le faire –, du logiciel libre et de notre souci, dès lors qu'il existe des moyens de sécurisation labellisés, de ne pas le pénaliser.

Interrogée sur cette question, Mme la ministre a répondu que le logiciel du ministère, qui est un logiciel libre, avait comme pare-feu Open Office qui, lui, l'est déjà un peu moins !

Nous sommes attachés aux acquis du logiciel libre. Les employeurs de ce secteur en plein développement vous ont écrit une longue lettre, madame la ministre, pour vous dire combien les mesures de ce projet de loi pénalisaient cette branche de notre économie particulièrement dynamique et créatrice d'emplois, dans laquelle nombre de nos concitoyens font preuve de créativité, d'imagination et de talent.

Nous considérons, par conséquent, que cet amendement trouve sa pleine justification. Les moyens de sécurisation doivent être adaptés à la configuration de l'installation de l'abonné, y compris si celui-ci, en l'occurrence, a fait, comme notre assemblée, le choix judicieux du logiciel libre.

[...]

La transaction est une sanction ; même si l'objectif est une sanction moins sévère, cela reste une sanction.

Dans son rapport, M. Riester fait un constat frappé au coin du bon sens lorsqu'il écrit : « Se pose la question des délais aux termes desquels l'absence de mise en œuvre des mesures de nature à éviter le renouvellement d'un manquement sera considéré comme une inexécution de la transaction. » La transaction doit en effet conduire l'abonné à prendre de telles mesures et à en rendre compte à la Haute Autorité. À partir de quand, dès lors, peut-on considérer qu'il y a inexécution et que l'abonné n'a pas respecté la transaction avec la HADOPI ?

Nous nous attendions donc à ce que le rapporteur, par un amendement, nous propose un délai. Or, de façon étonnante, il affirme que « le bon sens » – son bon sens à lui ! – « recommande que la commission de protection des droits puisse constater la bonne exécution ou non à l'issue d'une durée qu'elle fixera au cas par cas en fonction des spécificités de chaque titulaire d'abonnement concerné ».

Je rappelle que la HADOPI, c'est sept petites mains qui enverront 10 000 mails d'avertissement, 3 000 lettres recommandées et notifieront 1 000 suspensions d'abonnement par jour. Elles devront de surcroît, pour chaque transaction, examiner à la loupe les spécificités de l'abonné pour déterminer un délai.

Monsieur le rapporteur, nous avons voulu vous aider à aller au bout de votre pensée, en déposant un amendement fixer ce délai. Considérant qu'il fallait laisser à tous ceux, notamment, qui développent et partagent des logiciels libres le temps de trouver les moyens de prévenir le renouvellement du manquement, nous proposons un an.

Nous sommes attachés au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi. Il faut qu'un même délai s'applique à tous, que ce ne soit pas à la tête de l'internaute ! Nous restons confondus par le fait que le législateur laisse à la HADOPI une marge de manœuvre exorbitante, créant une situation arbitraire, avec une dimension aléatoire qui ne peut qu'être source de contentieux. Inévitablement, tel internaute contestera le fait qu'on ne lui aura laissé que deux mois pour prendre des mesures tandis que d'autres en auront eu six. Je souhaite bon courage aux tribunaux qui seront saisis de ce genre de litiges !

[...]

Monsieur Riester, nous savons que vous êtes député, puisque vous êtes rapporteur de la commission des lois.

Grâce à notre collègue Brard, nous savons également que vous êtes maire de Coulommiers, dont la mairie sera ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour tous les internautes de Coulommiers et des communes environnantes dont la connexion Internet aura été suspendue.

Vous avez suggéré, ainsi que Mme la ministre, qu'il n'était pas très grave d'avoir sa connexion Internet suspendue, n'importe qui pouvant aller chez ses voisins, dans sa famille, dans une mairie ou une bibliothèque publique pour se connecter à Internet. Si l'on résumait votre pensée, ce serait, en somme : « Viens chez moi, je télécharge chez une copine » !

Je pense d'ailleurs que les internautes commenceront en réalité à télécharger chez leurs copines ou leurs grands-mères et qu'une fois la connexion de la copine ou de la grand-mère coupée, ils rentreront tranquillement chez eux se connecter à Internet.

Vous êtes donc maire de Coulommiers, dont la mairie sera ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, surtout en hiver.

Mais vous êtes aussi chef d'entreprise, et en tant que tel, vous ne pouvez qu'être sensible à l'amendement n° 230, qui vise à prendre en considération ce que vous avez vous-même relevé dans votre rapport, et que Mme la ministre a écrit de sa blanche main dans l'exposé des motifs du projet, à savoir que, pour les personnes morales, collectivités ou entreprises, il est souhaitable de privilégier des alternatives à la coupure de l'accès Internet. Une telle coupure dans une entreprise peut en effet menacer l'activité et l'emploi.

C'est donc à bon droit que l'exposé des motifs plaide pour des sanctions alternatives, de préférence celles qui sont de nature à prévenir le renouvellement du manquement. Vous écrivez quant à vous, monsieur le rapporteur, que l'alternative à la coupure s'impose en raison « du souci légitime de ne pas exposer les entreprises et les personnes morales à une privation de leur utilisation d'Internet aux conséquences économiques potentiellement considérables ».

Or, bizarrement, vous n'avez déposé aucun amendement visant à garantir que la HADOPI, plutôt que d'infliger une suspension, enjoindra prioritairement aux personnes morales, notamment aux entreprises, de prendre des mesures pour prévenir le renouvellement du manquement.

C'est pourquoi, soucieux de vous aider, monsieur le rapporteur – c'est notre matinée de bonté –, nous avons déposé cet amendement qui vise à insérer, après l'alinéa 87, l'alinéa suivant : « Les personnes morales ne peuvent faire l'objet que de la mesure mentionnée au 2° du présent article. », c'est-à-dire faire l'objet d'une injonction à prévenir le renouvellement du manquement à l'obligation de surveillance de leur connexion.

[...]

Pour en revenir à l'amendement n° 214, madame la ministre, c'est à juste titre que Christian Paul a pointé vos certitudes et les a qualifiées de paresseuses.

Au sein du Gouvernement, vous êtes censée être la ministre qui défend les artistes, qui se bat pour que les arbitrages soient favorables à la culture dans notre pays. Malheureusement, on vous fait un mauvais sort lors de ces arbitrages...

Hélas non ! Elle défend comme elle peut ses crédits, mais les arbitrages budgétaires, surtout en période de disette et d'endettement, tendent à sacrifier la culture.

Il faudrait que vous soyez aussi la ministre de toutes les Françaises et de tous les Français qui aspirent à un élargissement de leur accès à la culture. C'est sur ce point que nous considérons que vous avez des certitudes paresseuses : vous ne prenez pas en compte le fait qu'Internet est devenu un formidable moyen, pour nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens, de se rapprocher, au moins de manière virtuelle, de lieux de culture dont ils sont parfois éloignés, et d'avoir ainsi accès à des contenus culturels.

Actuellement, le ministère de la culture est coincé entre les puissants lobbies de ce secteur et des crédits budgétaires en berne. J'en suis désolé. Je voudrais que l'on en revienne, afin de reconstruire une politique culturelle ambitieuse, aux fondements de l'éducation populaire. En la matière, le ministre de la culture de référence est incontestablement Jean Zay, qui parlait des artistes comme de « travailleurs de la culture » – c'est tout dire – et qui a tant fait pour l'accès du plus grand nombre à la culture –, ce qui n'est hélas plus le souci de la rue de Valois.

S'agissant de l'amendement [n° 214] lui-même, je voudrais relativiser le succès d'estime que s'est taillé à bon compte le président de la commission des lois. Je suis désolé de son absence ce matin, mais personne ne lui en voudra. Son amendement prévoit que les ayants droit résidant dans un État étranger ou un territoire situé hors de France à régime fiscal privilégié ne pourront bénéficier des sanctions appliquées dans le cadre du texte dont nous discutons.

Cette nuit, j'ai relu cet amendement, identique à l'amendement n° 211 que nous avons examiné à un alinéa précédent, mais qui pêche par un détail qui change tout.

L'amendement n° 214 est ainsi rédigé : «Aucune sanction ne peut être prise sur le fondement du présent article pour des faits concernant une œuvre ou un objet protégé dont tous les ayants droit résident dans un État étranger ou un territoire situé hors de France à régime fiscal privilégié. »

Compte tenu du nombre possible d'ayants droit pour une œuvre ou un objet protégé, je suis prêt à parier qu'il y en aura toujours un pour avoir le réflexe patriotique de résider sur le territoire national et d'y payer ses impôts.

On peut voter cet amendement pour se faire plaisir et se donner bonne conscience, mais il n'aura strictement aucun effet concret : il est impossible que tous les ayants droit d'une œuvre résident dans un État étranger ou un territoire situé hors de France à régime fiscal privilégié.

[...]

Nous n'avons pas de suffisance, nous n'avons que des regrets. Nous regrettons les certitudes paresseuses du Gouvernement et du rapporteur...

Même si je suis, chaque année depuis quinze ans, le budget de la culture tous les ans, je ne répondrai pas aux chiffres, contestables, de M. Gosselin.

Il suffit de rencontrer n'importe quel acteur culturel de notre pays, et tout particulièrement ceux qui travaillent dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques, pour savoir ce qu'est la triste réalité de l'action de l'État. Il est heureux que le financement public de la culture soit assuré aux deux tiers par les collectivités territoriales, car il n'y aurait plus, sinon, d'action publique dans ce domaine.

Vous savez comme moi que l'État est totalement absent des tables rondes qui réunissent habituellement la collectivité concernée – commune ou département –, la région et l'État. Le représentant de la DRAC n'ose même pas venir, faute d'avoir les crédits déconcentrés nécessaires pour porter certaines actions culturelles.

Donc, soyez plus discrets sur ce sujet.

L'amendement n° 231 vise simplement à vous aider à vous rattraper. Il concerne les transactions, sur lesquelles nous reviendrons plus tard, lorsque nous discuterons des fichiers qui seront constitués si le dispositif est adopté. S'agissant de ces transactions, nous souhaitons qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les critères et modalités selon lesquels la commission de protection des droits sera amenée à proposer une transaction.

Depuis le début, nous contestons l'arbitraire qui guidera les décisions de la commission des droits, et donc de la HADOPI : elles seront prises à la tête de l'internaute, de manière très aléatoire. En particulier, il n'est absolument pas précisé sur quels critères la commission de protection des droits sera amenée à privilégier la sanction directe plutôt que la transaction.

Des critères précis doivent donc être fixés par décret en Conseil d'État – nous aurions d'ailleurs souhaité que la ministre puisse nous informer sur son contenu. Afin qu'il présente une garantie supplémentaire pour nos concitoyens internautes, nous demandons même qu'il soit pris après avis de la CNIL.

[...]

Cet amendement [n° 232] vise à supprimer les alinéas n° 89, 90 et 91, et ce afin d'atténuer la quadruple peine que nous avons pointée à plusieurs reprises : la sanction administrative que pourra prendre la HADOPI ; la sanction pénale en vertu des dispositions, non abrogées, de la loi DADVSI, lesquelles punissent la contrefaçon de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende ; la peine qui consiste à priver les internautes des dispositions protectrices du droit de la consommation ; le fait, enfin, qu'un usager dont la HADOPI aura suspendu la connexion à l'Internet devra continuer à payer son abonnement.

Cet article L. 331-28 a vraiment été conçu pour les fournisseurs d'accès. À partir du moment où un abonnement est suspendu, il est extravagant que son titulaire continue de le payer. Avec la profondeur de pensée qui la caractérise, Mme de Panafieu a pu dire que couper l'Internet, c'est moins grave que couper l'eau ou l'électricité. Certes, mais, quand on vous coupe l'eau ou l'électricité, vous cessez de payer l'abonnement à l'eau ou à l'électricité. Or, chers amis internautes, dans le cas qui nous occupe, après avoir été sanctionnés par la coupure de votre connexion à Internet, vous continuerez de payer l'abonnement. Peut-être est-ce là une forme d'amende, peut-être s'agissait-il de faire plaisir à M. Dionis du Séjour et à M. Tardy.

Le fournisseur d'accès va donc gagner de l'argent grâce à une fraude présumée. Cette forme d'enrichissement sans cause paraît totalement immorale. Cette disposition est scandaleuse et n'apporte rien aux promoteurs de la HADOPI qui prétendent vouloir rémunérer la création : son seul intérêt est de faire plaisir aux fournisseurs d'accès à Internet.

[...]

Monsieur le président, l'usage veut que l'on donne la parole à deux orateurs : un pour et un contre l'amendement. M. Dionis du Séjour a expliqué qu'il était opposé au nôtre parce qu'il en avait lui-même déposé un qui, prenant en compte la question du triple play, était plus précis

Je m'étonne que Mme la ministre soit devenue, l'espace d'un instant, une sorte d'épicière veillant sur son fond de caisse.

Essayons, pour notre part, de prendre un peu de hauteur.

Quant à la constitutionnalité de la mesure que nous proposons, je ne saurais trop vous engager à manier de tels arguments avec une grande prudence, madame la ministre, car vous avez fait voter à votre majorité bien des dispositions remettant en cause des principes constitutionnels fondateurs.

En ce qui concerne la triple ou quadruple peine, nous voulions simplement, avec cet amendement de suppression, que puisse s'appliquer le droit de la consommation, qui est plus protecteur que vos dispositions. J'ai d'ailleurs rappelé les propos que M. Retailleau, qui n'est pas de mon bord politique, avait tenus au Sénat, lors de l'examen du projet de loi.

Compte tenu des observations qui ont été formulées, nous retirons l'amendement n° 232, qui sera satisfait par l'adoption des amendements identiques n° 446 et 458.

[...]

Puisque nous nous sommes ralliés aux amendements qui viennent d'être présentés, n° 446 et 458, ainsi qu'au sous-amendement n° 514, je retire l'amendement n° 233.

[...]

Cet amendement[n° 236] n'a plus d'objet. Si l'internaute avait dû continuer de payer son abonnement, nous aurions proposé que le prix de cet abonnement n'aille pas au fournisseur d'accès Internet afin qu'il n'y ait pas d'enrichissement sans cause et que le FAI ne profite du prix d'un abonnement sans rendre aucun service.

Par ailleurs, lorsque je vous ai traitée d'épicière, madame la ministre, ce n'était pas désobligeant, car c'est un beau métier ! Enfants, nous avons tous joué au facteur ou à l'épicier, en comptant nos sous et en faisant un fond de caisse ! Dès lors que nous soulevions une question de principe, il me paraissait déplacé de commencer à parler de centimes d'euros...

Dans l'hypothèse où l'internaute continuait à payer son abonnement, il aurait été profondément injuste que cette somme profite indûment au fournisseur d'accès à Internet. C'est pourquoi nous proposions qu'il vienne abonder un fonds de soutien à la création. Mais dès lors qu'il n'y a plus de triple ou quadruple peine, l'amendement n° 236 n'a plus d'objet.

[...]

L'amendement n° 239 vise à supprimer les alinéas 92 à 96 de l'article 2. Nous sommes sortis, dans de bonnes conditions si j'ose dire, de la triple ou quadruple peine, c'est-à-dire de la sanction financière qui s'ajoutait à la sanction administrative et à la sanction pénale ; désormais, il s'agit d'introduire un nouvel article, L.331-29, dans le code de la propriété intellectuelle, qui enjoint le fournisseur d'accès à Internet a suspendre l'accès de l'abonné dans les quinze jours suivant la notification de la commission de la protection des droits de la HADOPI, faute de quoi le FAI passible d'une sanction de 5 000 euros par manquement.

Je sais bien, madame la ministre, que vous avez dit tout à l'heure qu'il y aurait le moins de coupures possible, seulement quelques-unes par jour. Probablement allez-vous mal réagir et j'en suis désolé, mais j'ai encore dans les oreilles les propos que vous avez tenus lors de votre audition : vous prévoyiez qu'il y aurait au départ, autrement dit au minimum, 1 000 suspensions d'abonnement par jour. Assumez ce chiffre, allez au bout de votre logique. Mille coupures par jour, cela fait trente mille par mois...

Avec 30 000 coupures par mois, et donc 360 000 par an, si jamais le FAI ne suspend pas la connexion Internet dans les quinze jours qui suivent la notification par la HADOPI, à raison de 5 000 euros par manquement, cela fera une grosse somme !

Le problème, et sans doute trouverai-je un relais du côté de M. Dionis du Séjour et de M. Tardy, c'est qu'au moment où nous la votons, cette loi est techniquement inapplicable. Et comme il n'est pas précisé que les dispositions dont nous débattons ne s'appliqueront qu'au 1er janvier 2011, à supposer que tous les obstacles techniques aient été surmonté dans les douze ou dix-huit mois à venir, force est de dénoncer la disproportion totale entre les capacités techniques des fournisseurs d'accès à Internet et ce délai de quinze jours, ridiculement court : pour l'heure, les opérateurs sont dans l'incapacité de suspendre uniquement la connexion Internet sans affecter d'autres services, téléphonie ou télévision, particulièrement dans les zones non dégroupées. Même si ce point n'a pas été rendu public, cela concerne aujourd'hui – c'est inscrit noir sur blanc dans le rapport de l'ARCEP – 3 millions de foyers dans notre pays et ce nombre est en augmentation.

Après avoir refusé, madame la ministre, monsieur le rapporteur, tous les délais ô combien raisonnables qui visaient à assurer un principe d'égalité des citoyens devant la loi, voilà que vous nous en proposez un, un seul, et particulièrement coercitif ; totalement invraisemblable puisqu'il est techniquement impossible à un FAI de couper l'accès à Internet dans les quinze jours – à l'heure actuelle, il faut des mois – sauf à créer des discriminations entre abonnés.

Voilà une nouvelle preuve de la fragilité de votre projet de loi. Avec ce délai de quinze jours, vous créez une rupture d'égalité entre les abonnés : suivant le type d'abonnement qu'ils auront souscrit et le FAI qu'ils auront choisi, la coupure pourra intervenir dans les quinze jours ou beaucoup plus tard. Encore une raison qui nous amènera à saisir le juge constitutionnel.

[...]

L'amendement [n° 238] propose que la coupure de l'accès à Internet soit notifiée non par la commission de protection des droits, mais par une autorité judiciaire compétente.

Contrairement à ce que semble penser Mme la ministre, nous ne méconnaissons pas la possibilité pour l'État ou les pouvoirs publics de déléguer certaines compétences à une autorité administrative indépendante. Ce n'est pas sur ce point que porte notre contestation. En revanche, deux décisions au moins du Conseil constitutionnel, remontant à la fin des années quatre-vingt ou du début des années quatre-vingt-dix, ont rappelé qu'une telle délégation de compétence était possible, à la condition qu'elle ne conduise pas à une privation ou à une restriction des libertés individuelles. Sur ce point, vous prenez donc un risque constitutionnel, puisque la HADOPI sera par le fait amenée à prononcer des mesures restreignant les libertés individuelles de nos concitoyens.

Par cet amendement, nous essayons donc de vous protéger juridiquement, en proposant que la coupure de l'accès à Internet soit prononcée par un juge, avec toutes les garanties que prévoit la procédure judiciaire : le contradictoire, la présomption d'innocence et les droits de la défense.

Faut-il rappeler l'excellent amendement n° 138, voté par 88 % des députés du Parlement européen, aux termes duquel toute coupure de l'accès à Internet, considéré comme un droit fondamental, ne peut intervenir sans décision préalable de l'autorité judiciaire ?

Non, monsieur Gosselin. Je me réfère non au rapport de M. Lambrinidis, mais à l'amendement n° 138, sur le paquet Telecom, voté par les députés européens.

La valeur juridique d'un rapport, qui n'est pas normatif, peut sans doute être contestée, comme M. le rapporteur ou Mme la ministre se plaisent à le répéter. Tel n'est pas le cas d'un amendement adopté par le Parlement. Songez que le droit européen rattrapera probablement votre projet de loi avant même que celui-ci soit techniquement applicable.

[...]

Le rapporteur présente cet amendement n° 320, qu'il a fallu rectifier une deuxième fois pour adapter les délais, comme un succès personnel. Or c'est le fruit de la mobilisation de l'opposition qui a réussi à porter le délai de sept jours, d'une funeste brièveté, à trente jours. Nous continuons à regretter cependant qu'on ne l'ait pas transformé en délai de deux mois, comme c'est la règle pour une décision administrative. Les internautes apprécieront cet allongement des délais et apprécieront de même le rôle joué par l'opposition pour l'obtenir.

M. Patrick Roy[modifier]

Apparemment, le rapporteur n'a pas bu assez de café ce matin pour être parfaitement réveillé et bien comprendre les arguments de M. Bloche, sinon il aurait émis un avis favorable.

Madame la ministre, vous le savez, votre loi est inapplicable. C'est d'ailleurs ce que disent dans les couloirs certains de vos amis, qui se gaussent : « Voilà une nouvelle loi que nous n'appliquerons jamais, comme la précédente ! » On se demande bien pourquoi vous vous obstinez.

Dans l'opposition, nous pensons aux malheureux membres de la future HADOPI, qui se voient chargés de nouvelles missions à mesure que nos débats avancent. Les quatorze mains seront surmenées !

À l'évidence, la HADOPI manquera d'une gestion équilibrée, et cette situation conduira à une rupture de l'égalité des internautes devant la loi.

Monsieur le rapporteur, si, au lieu de vous obstiner, par pure idéologie, à répondre non, vous aviez écouté M. Bloche, si vous étiez plus ouvert, attentif, réfléchi, vous auriez émis un avis favorable. Pensez aux futurs membres de la HADOPI, qui vont vous maudire, en s'exclamant : « Mais qui est donc ce Riester, qui ne s'est pas rendu compte de la tâche incommensurable qu'il nous a confiée ? »

En effet ! Je le sais depuis hier, de même que j'ai appris que la mairie de Coulommiers serait ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, du 1er janvier au 31 décembre, qu'il neige ou qu'il vente, pour que les gens puissent avoir accès à Internet !

[...]

Tout d'abord, je remercie M. le maire de Coulommiers de son aimable invitation, mais je ne pourrai pas y répondre, car je suis requis demain par une très importante réunion où sera mise la dernière main à la préparation du carnaval de Denain. J'invite M. le maire de Coulommiers, ainsi que l'ensemble de nos collègues, à venir festoyer le lundi de Pâques à l'occasion de ce grand carnaval qui a plus d'un siècle et qui fait la fierté de chaque Denaisien.

Cela étant, je suis très surpris par l'attitude du rapporteur devant tous ces amendements, qui visent pourtant à favoriser l'emploi dans notre pays. En effet, le risque existe qu'une entreprise soit privée d'Internet du fait de manipulations de tel ou tel, ce qui la handicaperait fortement. Et ce serait une punition collective.

Monsieur le rapporteur, j'ai longtemps été enseignant à l'école primaire, et il est une chose à laquelle je me suis toujours refusé : infliger une punition collective. On ne peut pas mettre sur le même plan des innocents et un fautif. À chaque fois que je n'arrivais pas à identifier celui-ci, je me suis toujours refusé à infliger une punition collective, et j'ai toujours, de même, combattu les partisans de cette méthode. Or c'est ce que vous proposez : vous voulez appliquer une sanction collective, ce qui mettrait à mal les entreprises.

Alors que nous apprenons chaque jour que des emplois disparaissent ou sont menacés, ce n'est pas la peine d'en remettre une couche. Vous êtes manifestement contre l'entreprise, ce qui n'est pas notre cas, mais vous êtes, en revanche, pour les patrons qui s'enrichissent de manière indécente. Je ne comprends pas une telle obstination idéologique. Je pense que si vous venez, le lundi de Pâques, au carnaval de Denain, votre esprit s'illuminera et qu'ensuite, dans la joyeuseté des festivités, des Gilles, des oranges et des danses de cette belle ville, vous aurez une vision plus éclairée et plus juste du texte que vous voulez nous faire adopter.

M. Christian Paul[modifier]

Nous avons un désaccord de fond, madame la ministre, et, comme nous désespérons quelque peu de vous convaincre, nous nous contenterons, au moins en ce début de matinée, de prendre date pour l'histoire de l'informatique.

Cela me paraît la moindre des choses. Je pense d'ailleurs que cette loi va rester dans l'histoire, mais pas forcément pour les motifs que vous espérez. Ce sera une sorte de pont-aux-ânes que l'on étudiera très longtemps dans les facultés de droit, et sans doute aussi dans les écoles d'informatique.

Le problème que pose ce mouchard filtrant, puisque c'est au fond le vrai nom des dispositifs de surveillance que vous souhaitez faire insérer par les internautes dans leurs ordinateurs, c'est que les spécifications de ces dispositifs seront, par construction, fondées sur l'impossibilité de toute modification du logiciel et sur l'interdiction de divulguer leur mode de fonctionnement. Ils ne seront pas compatibles avec la logique des logiciels libres, et cela exclura donc, que vous le vouliez ou non, les auteurs et les éditeurs de ces derniers. Nous avons donc une vraie interrogation sur la possibilité de laisser les utilisateurs de logiciels libres garantir leur sécurité juridique, au sens où vous l'entendez.

Cette loi, qui était déjà une loi de discrimination, le sera donc encore plus, et il y a déjà, en germe, des pratiques anticoncurrentielles. Vous allez encourager un certain nombre de dispositifs, ceux que M. Riester, grand amateur de listes et de labels, souhaite estampiller HADOPI, mais, par définition, vous allez exclure un certain nombre d'autres produits et d'autres acteurs économiques.

Ce n'est qu'un exemple, parmi mille autres, des dégâts collatéraux, d'ores et déjà colossaux, que ce texte infligera à l'économie informationnelle, à l'informatique, à l'Internet, et ce pour une cause – le soutien et le financement de la création – que nous aurions pu défendre ensemble. Un vrai débat public, non limité aux seuls initiés, nous aurait permis de trouver des solutions consensuelles. Les grandes lois sur le droit d'auteur, nous le répéterons inlassablement, ont été adoptées de façon consensuelle.

Votre loi est extrêmement « clivante » au sein de la société.

Le débat national fait rage autour de ce projet. Nous nous y opposons ici, et ce qui est extraordinaire, madame la ministre, c'est le mépris dont vous faites preuve envers un certain nombre de députés de votre majorité, comme M. Tardy. Ces députés qui font élever une voix non pas dissidente, mais différente, sont-ils totalement incultes, défendent-ils de mauvais intérêts ? Non : ils exposent simplement un point de vue différent.

Le débat est légitime. Considérez que d'autres points de vue que le vôtre méritent d'être entendus et essayez de temps à autre, notamment sur la question du logiciel libre, de partager quelques-uns des doutes qui s'expriment !

[...]

Nous avons évoqué hier à plusieurs reprises le rapport du député européen Stavros Lambridinis, et j'ai entendu deux choses qui m'ont profondément choqué.

Pour le rapporteur, dont les contrevérités, chacun l'a compris, font l'objet d'une cotation sur une échelle que nous suivons très attentivement, il s'agit d'un petit rapport du Parlement européen concernant les questions d'éducation.

Eh bien non : ce n'est pas un rapport sur l'éducation, c'est un rapport du Parlement au Conseil sur le renforcement de la sécurité et des libertés fondamentales sur Internet.

Cela ne concerne pas nos débats de façon contingente ou partielle : c'est une contribution essentielle, qui fera date dans l'histoire européenne de la société de l'information. C'est la première fois, en effet, que l'on reconnaît avec une telle force, dans une enceinte parlementaire, la nécessité de protéger les libertés fondamentales sur Internet, et j'aurais aimé, madame la ministre, que l'écho en parvienne au Parlement français.

La seconde chose qui m'a choqué, c'est la manière dont la ministre et le rapporteur considèrent les votes du Parlement européen.

Quand le Parlement européen prend position, à plus de 80 %, sur un tel sujet, cela ne devrait-il pas, quand bien même nous ne sommes pas tenus par son vote, nous faire au moins réfléchir ? Cela n'ébranle-t-il pas un tant soit peu les certitudes paresseuses avec lesquelles vous venez débattre de ce projet ? Vous devriez tout de même être accessible au débat, à défaut d'entendre tout ce que nous dit le Parlement européen.

Pour ces deux raisons, monsieur le rapporteur, je le redis : vous ne faites pas votre travail.

[...]

Il aurait ainsi été judicieux, s'agissant de l'amendement n° 230, de nous permettre d'expliquer les dangers du système de surveillance qui sera mis en place dans les entreprises – encore un des dégâts collatéraux de votre texte ! La CNIL a pointé le risque d'une surveillance individualisée des employés par leur employeur. Cela montre l'étendue des dégâts que cette loi, par métastases successives, va provoquer dans les entreprises.

Autre dégât collatéral dont on n'a pas assez parlé : la loi va encourager le développement des logiciels de cryptage, c'est-à-dire, en bon français, des logiciels de chiffrement – M. Brard ne manquerait pas de me reprendre s'il était là ce matin. Elle va donc pousser massivement toute une génération vers ces outils informatiques qui peuvent servir à bien d'autres choses qu'à échanger quelques malheureux morceaux de musique, et en particulier à des activités infiniment moins recommandables – au sens, bien sûr, des recommandations de la HADOPI, monsieur Riester.

[...]

L'amendement n° 238 est essentiel à nos yeux, et les propos agressifs de M. le rapporteur ou lénifiants de Mme la ministre ne nous feront pas dévier de notre voie. Dans des affaires de cette nature, renoncer à recourir au juge est une très mauvaise solution. En persistant à vouloir mettre en place une autorité administrative, sans écouter personne, pas même les députés de leurs propres rangs, la commission et le Gouvernement commettent à mon sens une erreur historique.

Ce n'est pas la première fois. Vous aimez répéter, madame la ministre, qu'Internet n'est pas une zone de non-droit. C'est juste : l'internet mérite que la loi, donc que les tribunaux s'en préoccupent.

Vous ne pouvez pas affirmer que l'internet doit être régi par l'état de droit – point de vue que nous partageons – et mettre en place à son sujet des mécanismes de sanction qui échappent au droit commun.

Pourquoi vous méfiez-vous tant du juge et limitez-vous la portée des recours possibles ? Pourquoi mettez-vous en place des sanctions d'exception, sous la forme de contrôles privés ? L'internet n'est pas un domaine dans lequel on pratique l'autorégulation ou l'autoprotection.

Certains représentants des ayants droit se sont émus de nous entendre parler de police privée. Je leur présente mes excuses, comme à la très ancienne et très estimable SACD, si je les ai choqués. Mais, dès lors que l'on organise un contrôle de masse, on recourt forcément à une police privée. Nous ne sommes plus à l'époque de Beaumarchais ! Le dispositif de surveillance généralisée que vous voulez instaurer suppose, et en grand nombre, des agents assermentés. En outre, il prévoit l'édiction de sanctions qui échapperont très largement au juge, puisque la coupure aura lieu avant qu'il se prononce, donc avant que l'internaute incriminé puisse se défendre. Tous les députés ici présents ne peuvent qu'être sensibles aux droits de la défense ; et pour se défendre, heureusement qu'il existe des tribunaux ! Or c'est précisément ce que vous voulez contourner. Cette stratégie de contournement de la justice est parfaitement scandaleuse ; c'est tout le sens de notre amendement n° 238.

Quant à l'exception culturelle, vous n'en êtes pas les garants. Monsieur Riester, vous qui la maniez comme un bouclier ou la brandissez comme un glaive, que représente-t-elle vraiment pour vous ? Je serais curieux de le savoir. Pour la grande majorité de Français, auxquels elle est chère, elle signifie tout simplement que la culture n'est pas une marchandise. De ce fait, pour soutenir la création, il faut faire appel à d'autres sources de financement que le produit des ventes commerciales, comme la contribution créative. C'est cette vision-là que nous défendons, et qui n'est pas celle de votre projet.

Enfin, vous ne pouvez ignorer la majorité très large qui s'est dégagée au Parlement européen, comme Patrick Bloche l'a opportunément rappelé.

Je termine. Le Président de la République a tenté de faire pression sur le Conseil et, à travers lui, sur le Parlement européen. C'est à juste titre que la Commission lui a fait savoir qu'il sortait de son rôle.

[...]

Pour en revenir à l'amendement n° 240 et à l'importante question de la sécurité informatique, la mise en place d'une agence spécialisée en la matière a été recommandée. Celle-ci est en cours de préfiguration.

Or le projet de loi entend confier à la HADOPI des compétences pointues, spécialisées et très techniques dans ce domaine. Notre amendement vise à confier cette responsabilité d'expertise plutôt à cette agence en cours de création. Ce qui nous amène une nouvelle fois à nous interroger sur l'hypertrophie dont est victime la HADOPI. On savait comment la Haute autorité avait commencé : avec trois magistrats que vous souhaitez indépendants, mais on ne sait comment elle cela va se terminer... En plus des trois magistrats indépendants et, selon vos propres termes, des quatorze « petites mains », faudra-t-il aussi tout un pool d'ingénieurs informaticiens et d'ingénieurs en télécommunication ? Certes, cela ne serait pas mauvais pour la création d'emplois publics, mais pour ce qui est des doublons dans les structures administratives, le résultat serait franchement moins bon. Mme la ministre pourrait-elle nous éclairer sur ce point ?

Madame la ministre, au vu de l'extraordinaire cathédrale bureaucratique que vous êtes en train de construire – et chaque étape de l'examen de ce projet de loi nous confirme cette analyse –, pensez-vous pouvoir trouver, dans la France du XXI, e, siècle, des magistrats qui accepteront de siéger au sein de la HADOPI ?

Pour ma part, je n'en suis pas sûr du tout. Au regard des missions extraordinairement confuses que vous confiez à cette Haute autorité, je serais même très étonné que des magistrats soient prêts à venir faire ce vilain boulot.

Madame la ministre, de quels moyens techniques voulez-vous doter la HADOPI ? Ils feront doublon avec ceux de la future agence de sécurité informatique, et tout cela coûtera extrêmement cher aux contribuables français ! Quels seront, en particulier en matière de sécurité informatique, le périmètre et le dimensionnement de la HADOPI ?

Par ailleurs, la volonté de confier à la Haute autorité le soin de labelliser les moyens de sécurisation est très curieuse. En effet, selon l'alinéa 97 de l'article 2 du projet de loi, la Haute autorité se contente « d'établir la liste des spécifications fonctionnelles pertinentes ». Mais à l'alinéa suivant, le projet de loi prévoit que « la Haute autorité peut labelliser les moyens de sécurisation ». Où est la vérité, monsieur le rapporteur ?

Pour résumer, je pose une question à Mme la ministre : Quelle sera l'expertise technique de la HADOPI ? Combien de divisions, ou plus exactement combien d'ingénieurs ?

Quant à vous, monsieur le rapporteur, admettez-vous qu'il y a une contradiction entre les alinéas 97 et 98 de l'article 2 ? Cela sent la vente forcée de logiciels de sécurité ; tout cela ce n'est pas très convenable.

M. Lionel Tardy[modifier]

J'ai déjà défendu cette disposition [de l'amendement n° 129] avec l'amendement n° 121, qui concernait la suspension de l'abonnement. Les arguments sont les mêmes.

[...]

L'alinéa 80 interdit à l'abonné de souscrire pendant la période de suspension un nouvel abonnement chez un autre fournisseur d'accès. On va donc créer une liste, un fichier de suspension. Mon sous-amendement n° 514 précise que le FAI devra impérativement rayer l'abonné de la liste suspensive dès la reprise du paiement de l'abonnement. C'est une simple question de cohérence.

[...]

Suite à la réponse du rapporteur, je retire mon sous-amendement [n° 514] et je voterai l'amendement n° 458 rectifié. Cela étant, nous n'aurions pas eu ce problème si nous avions adopté le système d'amende.

[...]

Nous avons des points de désaccord profonds sur l'amendement n° 73 rectifié.

Mon sous-amendement n° 206 vise à bien préciser ce que doivent être – et surtout, ne pas être – les spécifications fonctionnelles. À mon sens, ces dernières constituent le « trou noir » de ce projet de loi – après avoir parlé du Titanic...

J'aimerais avoir des indications sur ces « spécifications fonctionnelles ». Personne ne sait en quoi elles consisteront et cela m'inquiète. Nous laissons un accès béant et non sécurisé – c'est le cas de le dire ! Vont-elles s'apparenter à du filtrage ? Je ne le souhaite pas.

Je propose donc d'apporter quelques précisions nécessaires. Il faut qu'aucune configuration technique ne soit favorisée, et qu'une stricte égalité soit respectée entre logiciel libre et logiciel propriétaire. Nous y reviendrons, car ce point est resté sans réponse.

Il faut également que ces moyens ne servent pas à espionner le titulaire de l'accès ou à empêcher certains usages illicites. Ce sont des moyens de sécurisation, mais il ne s'agit ni des mouchards ni de verrous imposés aux titulaires d'abonnements. Il est important que ces précisions soient apportées dans le texte même de la loi pour fixer des limites.

[...]

Je veux revenir sur mon sous-amendement n° 221. Dans la mesure où il est demandé aux utilisateurs de sécuriser leur accès à Internet, il paraît normal qu'en retour, ils puissent accéder librement à toutes les fonctionnalités du logiciel de sécurisation. Sinon, le risque est réel d'instaurer un filtrage contraire à la législation européenne, au regard tant des normes techniques que des droits des utilisateurs – liberté d'expression et droit à l'information notamment. Un tel dispositif induirait, en outre, une surveillance des utilisateurs et mettrait notamment en péril la confidentialité de leurs communications électroniques.

On ne saurait imposer aux utilisateurs une limitation de leurs droits fondamentaux et une violation de leur vie privée par le biais de ces logiciels de contrôle agréés par la HADOPI, dont l'usage aura été rendu obligatoire, ou presque. La moindre des choses est donc de leur donner les moyens de les contrôler.

M. Jean Dionis du Séjour[modifier]

Nos collègues socialistes disent que la transaction n'est pas facile à mettre en place dans un contentieux de masse. Qu'on le veuille ou non, lorsqu'il est question de 10 000 messages, de 3 000 lettres avec accusé de réception, de 1 000 suspensions par jour, c'est à un contentieux de masse qu'il faut s'attendre.

Ce l'était au départ, puisque vous m'avez refusé une prise de parole alors que le règlement prévoit qu'un orateur pour et un orateur contre peuvent s'exprimer. Comme je n'étais pas du même avis que M. Roy, le règlement de l'Assemblée n'a pas été respecté.

Dans des matières aussi techniques, vous ne pouvez pas présupposer, de manière manichéenne, qui est pour et qui est contre. Continuez à donner la parole à chaque groupe et tout se passera bien. Si vous ne le faites, je pense que le débat sera beaucoup plus heurté.

[...]

Premièrement, je suis d'accord avec Franck Riester, comme je l'étais aussi lors de l'examen des dispositions portant sur la sanction. Mais je n'ai pas encore eu l'occasion d'exprimer les réserves de mon groupe sur la transaction. En effet, celle-ci a un sens dans les affaires douanières ou fiscales, quand on fait du sur-mesure, mais il s'agit ici d'une procédure de masse correspondant à des flux importants. On nous annonce qu'il y aura 3 000 lettres avec accusé de réception par jour, et la HADOPI devra à chaque fois choisir entre la transaction et la sanction. À hauteur de 660 000 lettres par an, je lui souhaite bonne chance ! Je ne crois pas à la viabilité de la culture de la transaction greffée sur une procédure de masse.

Deuxièmement, si la HADOPI négocie comme nos services fiscaux ou notre administration douanière, je m'interroge sur la lisibilité de la sanction. On va vraiment brouiller les repères, ce qui ne manquera pas d'avoir des conséquences négatives en termes de contentieux et de jurisprudence.

Cela étant, je suis d'accord avec l'amendement de M. Warsmann [n° 213] et je retire donc le mien [n° 282].

[...]

Le rapporteur l'a dit, nous avons eu, en commission, des discussions de fond sur ce sujet : elles ont abouti à la rédaction de l'amendement n° 458, qui est plus précis. Celui de nos collègues socialistes, en effet, n'a pas traité la question du triple play. Il faut dégrever le montant de l'abonnement de la part revenant à Internet tout en maintenant le paiement des parts télévision et téléphone. Nous partageons la philosophie qui a inspiré l'amendement de nos collègues socialistes, mais, avec Martine Brard...

Dans ce débat, le duo que vous formez paraît tellement fusionnel, madame Billard, qu'il peut expliquer un lapsus que je vous prie de pardonner. « Un seul être vous manque... »

Nous ne voterons pas cet amendement [n° 232], car le nôtre [n° 458] est, semble-t-il, plus précis.

[...]

C'est un point important de notre débat que viennent d'aborder nos collègues socialistes et Martine Billard – à qui je présente de nouveau mes excuses pour mon malencontreux lapsus. Il faut examiner attentivement les alinéas 89 à 91 de l'article 2 du projet de loi. L'alinéa 89 prévoit que la suspension de l'accès Internet n'affecte pas, par elle-même, le versement du prix de l'abonnement pendant toute la durée de la suspension. Voilà qui, sur le plan juridique, est proprement exorbitant. Nous sommes un certain nombre ici, depuis six ou sept ans, à avoir voulu faire avancer les droits des consommateurs, particulièrement dans le domaine et de l'Internet et de la téléphonie. Nous avons fait adopter plusieurs lois relatives à ces questions, notamment en 2004, et introduit dans le code de la consommation un article L. 121-84, actuellement en vigueur : « Tout projet de modification des conditions contractuelles de fourniture d'un service de communications électroniques – ce qui est on ne peut plus le cas en la circonstance, puisqu'il s'agit de couper l'accès à Internet – est communiqué par le prestataire au consommateur au moins un mois avant son entrée en vigueur, assorti de l'information selon laquelle ce dernier peut, tant qu'il n'a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité de résiliation et sans droit à dédommagement, jusque dans un délai de quatre mois après l'entrée en vigueur de la modification. »

Voilà ce que dit la loi, voulue par le Parlement, et qui a fait avancer les droits du consommateur. Votre alinéa 89, en appliquant cette double peine, déroge au code de la consommation. Où allons-nous ? On peut être pour ou contre la coupure, nous en avons déjà débattu, mais je vous en conjure, mes chers collègues : n'allez pas franchir ce pas ! Sur le plan du symbole, c'est un vrai chiffon rouge !

Politiquement, comment avez-vous pu en arriver là ? J'ai ma petite explication : vous avez construit un système qui implique les FAI, et dans un but un peu punitif : pour le monde de la culture, les FAI s'étaient montrés à un moment très laxistes et il fallait les punir. Aussi avez-vous imaginé ce système de la coupure. Mais comme cela va leur coûter très cher – 70 millions d'euros – et ne sera pas déployé avant un an, vous avez déposé ce malheureux amendement d'arrangement, de compensation, mais totalement agressif au regard du droit de la consommation. Le problème, ce ne sont pas les FAI, mais les consommateurs.

Bref, vous créez un dispositif qui sera source de contentieux multiples. Nous sommes sur le Titanic, madame la ministre, mais au moins ne coulez pas les canots de sauvetage !

Nous nous sommes déjà heurtés sur l'aspect triple play à l'occasion des amendements que Martine Billard et moi-même avons déposé sur le sujet. Entre nous soit dit, cela fera du bien d'obliger les FAI à éclaircir leurs tarifs : vous-même avez indiqué, madame la ministre, que la télévision pesait pour 50 % dans une offre triple play. Eh bien, que les FAI le traduisent dans leurs tarifs et qu'ils fassent preuve d'un peu de transparence et de vérité. Nous saurons ainsi ce que pèse précisément chacun des canaux : télévision, téléphone et Internet. Voilà pourquoi nous avons déposé l'amendement n° 458.

Précisons – c'est Franck Riester qui m'y a fait penser – que sont concernés non seulement l'accès à des services de communications au public en ligne, mais aussi la messagerie. C'est pourquoi il convient de rectifier l'amendement en y incluant explicitement les services de communications électroniques.

[...]

Notre amendement n° 285 porte également sur le caractère suspensif du recours contre les décisions de la Haute autorité. Mais le débat a déjà eu lieu, et par souci de progresser, je le retire.

Mme Muriel Marland-Militello[modifier]

Je retire [l'amendement n° 18], puisqu'il correspond à un précédent amendement satisfait sur le fond par l'amendement n° 69 du rapporteur.

M. Franck Riester[modifier]

L'amendement n° 18 me paraît intéressant et nécessaire sur le fond. Il est, en effet, essentiel que la HADOPI puisse disposer de la liste des moyens de sécurisation disponibles. Il ne faut toutefois pas que ce soit exclusif. Il est donc fondamental de bien préciser la nature des mesures pouvant être enjointes. La commission des lois est parvenue à un accord sur cet amendement n° 69.

[...]

Défavorable [à l'amendement n° 229]. Je remercie M. Bloche de vouloir m'aider. Je n'avais pas compris que tel était son état d'esprit depuis le début de nos débats...

Je prends note qu'il est aujourd'hui dans un état d'esprit de solidarité, et je tiens à le saluer.

Toutefois, nous continuons de penser que la HADOPI doit bénéficier d'une souplesse suffisante pour prendre, avec l'internaute, les dispositions les plus adaptées à la situation du titulaire, notamment en fonction de l'engagement de ce dernier à ne plus télécharger illégalement.

[...]

Avis défavorable [à l'amendement n° 230]. Monsieur Bloche, je vous remercie à nouveau de vouloir m'aider. Je vous remercie aussi, ainsi que M. Roy, de faire une extraordinaire publicité à la ville de Coulommiers, dont j'ai la fierté d'être le maire. Je vous invite d'ailleurs tous deux à venir demain à l'inauguration de la foire internationale aux fromages et aux vins de Coulommiers, moment évidemment très attendu par les habitants de Seine-et-Marne.

J'en reviens à l'amendement [n° 230] : la commission est convaincue qu'il est nécessaire de tenir compte de l'usage professionnel de l'accès à Internet, pour la transaction comme pour la sanction. Mais nous ne pouvons pas systématiquement empêcher la HADOPI de prendre des mesures de suspension visant des personnes morales, par exemple des associations qui seraient créées uniquement pour faire du téléchargement illégal.

Ce que j'ai dit hier à propos de la suspension d'accès infligée aux personnes morales vaut aussi pour la transaction.

[...]

Il s'agit d'intégrer la mise à disposition effective des œuvres sur Internet parmi les éléments qui vont déterminer la décision de la HADOPI. Nous en avons débattu en commission et en séance, et le président Warsmann a déposé cet amendement [n° 213] qui permettrait à la commission de protection des droits, dans la phase de transaction, de se fonder sur la mise à disposition effective des œuvres sur Internet pour apprécier la gravité des manquements.

[...]

Comme l'amendement n° 211 adopté hier soir à l'initiative de M. Warsmann, président de la commission des lois, cet amendement [n° 214] vise à tenir compte de l'état d'esprit civique des ayants droit. Puisque le dispositif prévu tend à mieux lutter contre le téléchargement illégal et donc à mieux défendre les ayants droit, il doit adapter la sanction à l'attitude de ces derniers : s'ils sont établis dans des paradis fiscaux, la HADOPI ne pourra pas prononcer de sanctions.

[...]

Avis défavorable [à l'amendement n° 231]. La procédure de transaction sera précisée par un décret simple. Rappelons que la mission de la CNIL est de suivre l'impact des traitements de données à caractère personnel sur la vie privée. Sur cette partie du dispositif, son intervention ne paraît donc pas nécessaire. En revanche, à chaque fois qu'il impliquera des traitements automatisés de données personnelles, non seulement la CNIL donnera un avis sur le bien-fondé du dispositif, mais encore elle en contrôlera régulièrement la bonne application.

[...]

Défavorable [aux amendements n° 129 et 438] : comme l'a rappelé M. Tardy, ce sujet a été longuement évoqué hier.

[...]

Ce sujet a fait l'objet de nombreuses discussions en commission des lois, puisque, fidèles à notre habitude, nous avons voulu écouter les remarques de chacun. M. Bloche et M. Dionis du Séjour ont exprimé cette préoccupation, qui doit en effet être prise en considération. Nous sommes défavorables à l'amendement [n° 232] que vient de défendre M. Bloche, mais serons favorables à deux autres amendements identiques qui seront appelés à sa suite, le n° 446 présenté par Mme Billard et le n° 458 présenté par M. Dionis du Séjour. Je laisserai celui-ci exposer les arguments qui ont emporté notre adhésion.

[...]

La commission est défavorable au sous-amendement [n° 514] de M. Tardy, déjà satisfait par la prescription de la loi « informatique et libertés » de 1978.

S'agissant des amendements n° 446 et 458, il importe effectivement de les rectifier afin de prendre en compte la partie communication Web, mais également la messagerie.

[C'était compris !] Non, pas explicitement ; c'est pourquoi M. Dionis du Séjour a précisé qu'étaient également visés les services de communications électroniques.

[...]

Je partage évidemment les préoccupations de Mme Billard. Je rappelle simplement que, contrairement à ce qu'on entend souvent, il ne s'agit pas d'une coupure, mais d'une suspension de l'accès Internet, le texte.

C'est important. On met simplement l'abonnement entre parenthèses.

Dès lors qu'il s'agit d'une suspension, il va de soi que l'abonnement repart à l'issue de la période de suspension.

En outre, comme ce sont les FAI qui géreront la suspension sur une demande de la HADOPI, ce sont eux qui rétabliront la connexion à la fin de la sanction.

Précisons enfin que les FAI auront tout intérêt à ce que l'abonnement reparte, puisque nous avons voté un amendement qui suspend le paiement de l'abonnement pendant la durée de la sanction. Si tant est qu'ils n'aient pas mis en place tous les dispositifs permettant à ce que l'abonnement reparte automatiquement à l'issue de la sanction, les FAI auront donc un intérêt financier à ce que la connexion soit rétablie le plus rapidement possible.

Vous pouvez donc être totalement rassurée, madame Billard. Je vous invite dans ces conditions à retirer votre amendement [n° 447].

[...]

Sophistiqué en effet, et très juste, à tel point que nous avons pris en compte ces remarques, notamment hier soir lorsque nous avons pris ensemble la décision d'allonger le délai de recours possible pour les internautes de sept à trente jours, M. Bloche avait fait remarquer à juste titre que si la lettre recommandée était envoyée pendant que l'internaute est en vacances, celui-ci ne pourrait pas former son recours.

Nous avons donc trente jours, plus quinze jours pour la décision du juge sur le caractère suspensif ou non du recours. Ensuite, nous demandons au fournisseur d'accès Internet de se prononcer dans un délai de quinze jours.

J'ajoute que, comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises dans le débat, les fournisseurs d'accès Internet auront largement le temps de mettre en place les dispositions techniques qui permettront de suspendre de l'accès Internet. Le temps que la loi soit promulguée, que les décrets soient rédigés, que les premiers mails soient envoyés, puis les deuxièmes mails et les lettres recommandées les fournisseurs d'accès seront en mesure de suspendre rapidement l'accès Internet.

Je résume, pour les internautes concernés par une éventuelle suspension, les délais sont, après prise en compte des remarques de nos collègues, les suivants : trente jours pour le délai de recours, quinze jours pour le juge pour se prononcer sur le caractère suspensif du recours et quinze jours ensuite laissés aux fournisseurs d'accès Internet pour appliquer la sanction.

[...]

Permettez-moi plusieurs remarques.

M. Mathus s'est soucié des 220 000 électeurs qui seraient éventuellement concernés par une suspension d'abonnement. Ainsi, le groupe socialiste revient systématiquement à des considérations électorales. Nous le regrettons, car cette position le conduit à beaucoup de démagogie, alors que notre souci est celui de l'intérêt général des artistes et des créateurs, et plus largement de tous ceux qui défendent l'exception culturelle, à laquelle les Français sont si attachés.

Du reste, les artistes, qu'ils soient petits ou grands, indépendants ou prétendument à la solde des majors, nous soutiennent. Chers collègues socialistes, essayez donc de sortir de considérations purement électorales !

J'en viens à la différence entre coupure et suspension. Techniquement, les deux termes désignent également une interruption de l'accès sanctionnant les internautes. Mais juridiquement, l'abonnement sera suspendu, c'est-à-dire mis entre parenthèses, et non définitivement coupé, puisqu'il reprendra dès que la sanction aura été purgée.

Par ailleurs, monsieur Bloche, la portée de l'amendement n° 138 – le fameux amendement Bono – a encore moins de valeur juridique que le rapport Lambrinidis puisqu'il a été rejeté par le Conseil européen...

Autrement dit, cet amendement n'existe plus.

Enfin, pour ce qui est du fichier, le projet de loi prévoit toutes les garanties en matière de protection de la vie privée et des libertés individuelles. Il n'est donc pas utile que les sanctions soient prises par l'autorité judiciaire, puisque, si sanction il y a, l'internaute pourra former un recours devant le juge judiciaire qui statuera sur son caractère suspensif ou non.

Avis défavorable [aux amendements n° 238 et 449].

[...]

Par cohérence avec l'inscription d'un délai laissé aux abonnés pour former leur recours contre les sanctions de la HADOPI, cet amendement [n° 320] vise à allonger de quinze jours à quarante-cinq jours au moins et soixante jours au plus le délai laissé aux fournisseurs d'accès à Internet pour les mettre en œuvre. Nous avons tenu compte du fait, relevé par Mme Billard dans le débat d'hier, que, dans l'exposé sommaire, on a oublié de modifier le délai laissé aux abonnés pour former leur recours, qui est bien de trente jours et non de huit. Avec cet amendement, nous évitons que le juge de l'urgence se trouve amené à examiner une demande de recours après l'exécution de la suspension.

[...]

Avis défavorable [à l'amendement n° 450], pour les raisons déjà exposées.

[...]

Avis défavorable [à l'amendement n° 451]. Il vaut la peine de disposer, dans la palette de sanctions, de cette possibilité d'adresser au titulaire d'un accès Internet une injonction de le sécuriser. L'article L. 331-30 prévoit d'établir une liste des spécifications nécessaires pour que la sécurisation soit effective, mais ne désigne pas les logiciels de telle ou telle société. C'est tout à la fois transparent et efficace. Qui plus est, la procédure d'évaluation et de labellisation des moyens de sécurisation sera fixée par décret.

[...]

Défavorable [à l'amendement n° 240]. La commission de protection des droits, composée de trois magistrats, est chargée de la « réponse graduée », c'est-à-dire de l'envoi des avertissements par mail et courrier recommandé, et éventuellement de la suspension des abonnements.

Précisément non, puisque vous avez évoqué ces trois magistrats alors que les autres missions de la HADOPI dont nous discutons sont gérées par le collège de la Haute autorité et l'ensemble des personnes qui travailleront pour elle. Cette dernière disposera, évidemment, de toutes les ressources nécessaires pour gérer et assumer les missions qui lui sont confiées.

Il est important de laisser la HADOPI exercer ses missions, notamment celle qui consiste à définir les spécifications nécessaires pour que les usagers sécurisent correctement leur accès à Internet. Cela n'empêchera pas la Haute autorité de se rapprocher de la DCSSI pour lui demander un avis...

[Cela s'appelle un doublon !] Pas du tout, il s'agit seulement de consulter celles et ceux qui sont compétents. D'autres spécialistes seront d'ailleurs sollicités comme les fournisseurs d'accès Internet, les fabricants de logiciels qu'ils soient libres ou propriétaires...

Bref, la HADOPI fera son travail et assumera ses missions en toute responsabilité et avec tous les moyens nécessaires.

[...]

Cet amendement [n° 73] réécrit l'alinéa 97 de l'article 2 pour donner à ce texte plus de clarté et de précision.

[...]

Défavorable [au sous-amendement n° 206].

Je rappelle que, tout comme la commission, je suis très attaché à l'interopérabilité de tous les systèmes. Tant les accords de l'Élysée que le projet de loi sont très clairs sur ce sujet, notamment en ce qui concerne les mesures anti-copie, les fameux DRM, mais aussi plus largement l'ensemble des logiciels.

La préoccupation de M. Tardy va donc dans le sens de ce que nous défendons, mais il ne me semble pas nécessaire d'aller aussi loin dans la précision.

Je répète, par ailleurs, qu'il revient bien à la HADOPI de définir les spécifications fonctionnelles nécessaires pour sécuriser correctement les accès Internet. Elle pourra se rapprocher de tous les spécialistes, vous compris, monsieur Tardy. Je l'inciterai d'ailleurs à le faire, pour prendre auprès de vous, toutes les informations utiles.

[...]

[L'amendement n° 74] est défendu.

[...]

Défavorable [à l'amendement n° 356]. L'amendement est déjà largement satisfait par la rédaction de l'article L. 331-30 du code de la propriété intellectuelle.

Mme Martine Billard[modifier]

Je tiens à préciser que l'amendement n° 18 a tout de même été voté par la commission. Il correspond, certes, à un amendement du rapporteur précédemment adopté, mais il ne se situe pas au même endroit.

Le débat est justement là ! Il convient de savoir si nous devons ou non prendre des mesures sur la transaction, comme nous l'avons fait concernant la sanction. Ainsi, l'amendement tendant à supprimer l'alinéa 86 a été voté, conformément à ce qu'il avait été décidé pour l'alinéa 77. Nous devons, maintenant, mettre le dispositif de la transaction en cohérence avec la décision prise précédemment. Je maintiens donc mon amendement [n° 437].

[...]

Madame la ministre, je pensais qu'il ne serait pas nécessaire, après tous les débats que nous avons eus depuis le début, d'expliquer à nouveau un certain nombre de choses.

Open Office, c'est une suite bureautique. Une suite bureautique comporte en général un traitement de texte, un tableur et une base de données, mais pas de pare-feu. Un pare-feu, cela sert notamment à éviter les spams, les logiciels espions et les virus. Cela n'a donc rien à voir avec une suite bureautique. Dans votre ministère, il y a effectivement des pare-feu, à l'Assemblée nationale aussi d'ailleurs, ce qui nous évite d'être inondés de spams – même si certains passent tout de même au travers, car il y a des limites à tout – et nous protège d'un certain nombre de virus.

Le problème, c'est que le logiciel libre est un logiciel participatif, avec des codes ouverts, et que tout informaticien ou toute personne maîtrisant un tant soit peu la question peut donc le modifier. C'est le principe même du logiciel libre.

Dès lors qu'un ordinateur sera équipé en logiciels libres, avec, par exemple, Linux comme système d'exploitation, Firefox comme navigateur Internet et Open Office comme suite bureautique, on ne pourra pas y installer ce que vous appelez un logiciel de sécurisation, c'est-à-dire un mouchard, car il ne devra pas être modifiable, sans quoi la loi ne sera pas respectée. Comment, dans ces conditions, la HADOPI pourrait-elle certifier un logiciel libre comme logiciel de sécurisation ?

La contradiction est insoluble. LA HADOPI ne pourra certifier que des logiciels du style Microsoft, et nous retomberons dans un système déjà condamné maintes fois au niveau européen, celui de la vente liée : on sera obligé, pour se conformer aux obligations de la loi, de s'équiper, disons, en logiciels Microsoft.

C'est bien le problème, et c'est la raison pour laquelle cette loi ne peut pas fonctionner. Elle est anticoncurrentielle et introduit une inégalité devant la loi entre possesseurs de matériel informatique.

[...]

Le rapporteur nous dit dans l'exposé sommaire que « le titulaire d'abonnement mis en cause devra impérativement rendre des comptes sur la mise en place des mesures de nature à prévenir le renouvellement des manquements constatés ». Cela va très loin !

Le titulaire de l'abonnement, c'est en effet celui qui correspond à l'adresse IP. Or, celle-ci, par exemple dans le cas d'une Live Box, peut concerner plusieurs ordinateurs. À supposer même qu'il n'y ait pas eu de piratage, le titulaire devra rendre des comptes sur la mise en place des mesures de nature à prévenir le renouvellement des manquements constatés sur chaque ordinateur. C'est totalement irréaliste !

Actuellement, dans les affaires de pédophilie ou de terrorisme, la police judiciaire débarque chez vous, emporte l'ordinateur et vérifie ensuite s'il y a eu, par exemple, téléchargement d'images pédophiles. C'est particulièrement difficile à vérifier, car on peut facilement prouver ce qui est, mais moins facilement prouver ce qui n'est pas. Il faut donc des heures et des heures de travail à un expert informatique pour trouver des preuves et justifier l'incrimination.

Vous nous annoncez de but en blanc que le titulaire de l'abonnement devra impérativement rendre des comptes, mais ce sera strictement impossible dans la majorité des cas. Vous êtes donc en train de nous demander de voter une loi qui n'est pas applicable, et face à laquelle les Français seront totalement démunis. Ils n'auront ni les moyens techniques ni les moyens financiers de se défendre, car la personne accusée de télécharger illégalement devra engager un expert informatique pour prouver sa bonne foi.

Vous n'avez pas voulu modifier la loi DADVSI pour vous situer dans le champ de la contrefaçon. Vous avez essayé de contourner le problème en inventant cette obligation de sécurisation des ordinateurs. Or c'est techniquement impossible, contrairement à ce que disait hier soir M. Lefebvre, qui semble avoir une confiance illimitée en la technologie.

Pas un informaticien, pas un seul expert auprès des tribunaux n'osera proférer une contrevérité comme celle qu'a énoncée hier soir M. Lefebvre.

[...]

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1. Nous essayons de faire avancer le débat. Par exemple, hier soir, nous sommes parvenus à faire supprimer le délai de sept jours pour le recours, au terme d'une discussion approfondie avec M. le rapporteur, Mme la ministre et ses services. Nous avons vraiment une attitude constructive sur ce texte. Nous sommes en désaccord sur le fond, mais nous contribuons à la discussion pour éviter le pire sur un certain nombre de points. Cependant, lorsque le rapporteur dit des énormités, il est normal que nous souhaitions lui répondre.

[...]

Je voudrais lire un témoignage intéressant, qui soulève un point auquel nous n'avions pas pensé, et qu'il me semble important de verser au débat.

Un internaute m'écrit : « Un point me taraude. Vous avez abordé le cas d'œuvres musicales non disponibles en France, en l'absence d'offre légale en magasin ou sur Internet. Je me suis donc naturellement retourné vers des sites marchands étrangers. J'ai voulu acheter ces œuvres à l'étranger. » C'est donc quelqu'un qui ne cherche pas à télécharger illégalement. Il poursuit : « Le problème est que l'offre de téléchargement légal d'Amazon.com est réservée aux seuls Américains. Que faire dans ce cas ? On souhaite acheter légalement, et le système l'interdit. Un grand nombre de films que j'ai vus n'ont pas été distribués en France et, à mon grand regret, ne le seront pas. »

Je pense et j'espère que cet amendement [n° 214] pourra permettre à un cinéphile averti, qui souhaite respecter la loi et rémunérer les auteurs mais n'a pas les moyens de le faire, de ne pas être poursuivi s'il télécharge des films non disponibles légalement en France.

[...]

Ce point est l'un de ceux qui justifient notre opposition au texte. Il est constant, dans notre droit, de faire intervenir un juge de l'ordre judiciaire pour tout ce qui touche aux restrictions à la liberté individuelle, ce qui est bien le cas, en l'espèce, de la sanction envisagée : il ne s'agit pas de juger les manquements à une simple relation contractuelle privée.

La décision de suspendre l'accès à l'Internet est motivée par le soupçon de téléchargement illégal ; mais encore faut-il que celui-ci soit prouvé. J'ai déjà fait part de cette difficulté, illustrée par le témoignage d'un expert judiciaire en informatique : « Je suis », écrit-il, « amené à réaliser des investigations notamment sur des disques durs pour rechercher des images ou vidéos à caractère pédophile. Typiquement, l'adresse IP d'un individu a été repérée dans un forum de discussion et transmise à la justice, qui ordonne une saisie au domicile de l'individu pour récupérer l'ordinateur. »

Quel est le point commun avec ce dont nous parlons ? Le repérage de l'adresse IP, dans un forum ou via les multiples moyens de téléchargement disponibles sur la toile. La différence est que, en matière de vidéos ou d'images pédophiles, seule la justice peut ordonner la saisie l'ordinateur au domicile de la personne incriminée, seul moyen de prouver le délit. « Souvent », poursuit l'expert, « les personnes mises en examen se défendent en arguant que les images ont été placées sur le disque dur à leur insu, ou que leur connexion a été piratée. Il faut donc démontrer qu'il n'y a pas eu de piratage à quelque niveau que ce soit, ou que le piratage n'a pas pu avoir pour conséquence la présence des images. Le coût de telles recherches est de l'ordre de quelques milliers d'euros par disque, à la charge de la collectivité. » Je rappelle que l'adresse IP est celle de la box, de sorte que, si plusieurs ordinateurs y sont reliés, le coût en sera multiplié d'autant.

« Que se passera-t-il », s'interroge l'expert, « lorsqu'un usager voudra démontrer sa bonne foi et que sa mise en cause est abusive ? La preuve étant en grande partie technique, cet individu pourra-t-il débourser quelques milliers d'euros pour établir sa bonne foi ? Est-ce la collectivité qui devra prendre en charge ce coût ? De plus, à supposer que le disque dur de l'individu verbalisé ne contienne aucun fichier incriminé, l'absence de preuve ne signifie pas la preuve de l'absence. Il est quasiment impossible de justifier que l'on n'a pas réalisé un tel téléchargement. »

Voilà pourquoi nous insistons avec obstination pour inscrire dans le texte la saisine de la justice. Un recours sera possible, nous répond-on. Mais encore faut-il que la personne incriminée puisse le faire – qui plus est dans un délai d'un mois –, les nombreuses connaissances techniques exigeant le recours à des experts.

[...]

Le débat sur la suspension a également eu lieu en commission des affaires culturelles. Nous avons considéré qu'une inégalité devant la loi risquait d'apparaître entre ceux qui ont un abonnement triple play, qu'il soit ou non dégroupé, et ceux qui ont un abonnement mono-VC.

Pour les premiers, vous dites, madame la ministre, que l'abonnement représente 30 euros – en fait 29,90 ou 29,99 euros, car le marketing a l'art de ne pas afficher des prix ronds. Mais, si la coupure dure un an, cela fait tout de même 360 euros, ce qui n'est pas une somme négligeable. La suspension ne doit s'appliquer qu'à l'accès à des services de communication au public en ligne. Or, depuis le début de nos débats, notre collègue Dionis du Séjour demande ce qu'il advient de la messagerie, qui n'est pas considérée comme un service de communication au public en ligne. Nous n'avons toujours pas obtenu de réponse sur ce point.

Nous proposons pour notre part que, en cas d'offre composite, la coupure ne touche que la connexion Internet et qu'elle suspende en même temps le « versement de la part du prix y afférent ». Il faut donc que tous les contrats à terme des offres composites mentionnent les parts respectives des différents services – télévision, Internet et téléphone – dans le prix de l'abonnement. Il n'y a pas de raison qu'un abonné paie la totalité de l'abonnement, alors qu'il subit une dégradation du service liée à une décision administrative.

Certes, la mise en œuvre de ces mesures risque de prendre du temps. Pour les contrats en cours, il faudra faire des avenants : le dispositif ne sera donc pas applicable immédiatement. On sait que les fournisseurs d'accès à Internet ne sont pas favorables à cette solution et préfèrent le texte du Gouvernement, qui prévoit que l'abonné continue de payer, même si sa connexion est suspendue. Il est vrai que le fournisseur d'accès n'est pour rien dans la sanction. Mais, sur tous les bancs de la commission des affaires culturelles, nous avons considéré que l'abonné ne devrait pas avoir à payer un service auquel il n'a plus accès et que, si vous vous obstiniez à maintenir le paiement, il faudrait au moins que cela serve à la création culturelle. Ce texte ne prétend-il pas la protéger et veiller au respect du droit d'auteur ? Puisqu'il y a atteinte au droit d'auteur, il faut que la sanction serve à la rémunération des droits d'auteur.

Vous n'arriverez pas, madame la ministre, à nous faire pleurer sur les bénéfices des fournisseurs d'accès à Internet. Qu'ils aient de quoi continuer leurs investissements ou améliorer le service, c'est bien normal, c'est le principe de toute entreprise. Mais, à l'heure actuelle, on ne peut pas dire qu'ils aient de gros problèmes financiers. Le Gouvernement n'a-t-il d'ailleurs pas décidé de les taxer pour compenser sa décision abrupte de supprimer la publicité sur les chaînes publiques de télévision ? En soi, il ne s'agissait pas d'une mauvaise mesure, mais comme elle n'a pas été préparée, comme le financement de remplacement n'a pas été prévu et comme la publicité a augmenté sur les autres chaînes, on n'a pas bien vu où était l'avantage. Quand il s'agit d'essayer de régler une situation qui est la conséquence d'une décision impromptue du Président de la République – qui a l'habitude de faire de grandes annonces sans se préoccuper de la suite –, vous ne versez pas une larme pour les fournisseurs d'accès. Mais, quand on en est à faire payer aux abonnés un service auquel ils n'ont plus accès, voilà que vous pleurez sur leur sort. Votre chagrin est vraiment sélectif.

[...]

Que l'on ne nous fasse pas la comparaison avec la suspension du permis de conduire et l'obligation d'assurance : en droit, on est obligé d'assurer sa voiture tant qu'elle n'est pas une épave. Cela n'a donc rien à voir avec le fait de continuer à payer son abonnement lorsqu'on ne peut pas utiliser sa connexion Internet.

[...]

M. Tardy devrait approuver cet amendement [n° 447], au moins sur le fond, la forme pouvant toujours être discutée. Il s'agit du rétablissement de l'accès à l'issue de la période de coupure.

Peut-être vais-je le retirer, je n'en sais rien, monsieur le rapporter, mais cela pose tout de même un petit problème : bon nombre de fournisseurs d'accès Internet sous-traitent la partie technique de la coupure ou du rétablissement de la connexion.

Comment cela se passera-t-il ? Les données personnelles de l'abonné seront saisies dans un fichier et, tant qu'elles y figureront, la connexion ne pourra être rétablie et il ne pourra pas non plus s'abonner à un autre fournisseur d'accès Internet.

Les fournisseurs Internet devront-ils être attentifs à la date de rétablissement et prévoir en conséquence le rétablissement de la connexion à la date prévue de la fin de la sanction ou recevront-ils une indication de la commission de la protection des droits ? Le texte de loi est, sinon incertain, du moins imprécis sur ce point. Cela relève peut-être du domaine réglementaire ; en tous cas, à aucun moment de nos débats il n'a été indiqué comment cela allait se passer concrètement.

Nous n'avons pas de garantie sur les délais. Dans le centre de Paris, le rétablissement ne posera peut-être pas trop de difficultés, mais dans des zones moins denses, il ne faudrait pas que les délais s'allongent le temps que le fournisseur d'accès Internet contacte un sous-traitant qui puisse rétablir la connexion dans un domicile éloigné de l'entreprise. Il ne faudrait pas que l'internaute subisse plusieurs jours de suspension supplémentaires qui n'auraient plus rien à voir avec la sanction. C'est la préoccupation qui m'a amenée à déposer l'amendement n° 447.

[...]

[Avez-vous été rassurée, madame Billard ?] Pas tout à fait, pour deux raisons, monsieur le président.

Premièrement, j'aimerais que l'on m'explique en quoi la suspension est une mise entre parenthèses. Peut-être au niveau juridique, mais, au niveau technique, il faudra bien que le fournisseur d'accès coupe la connexion. En technique, la suspension n'existe pas, c'est une innovation. Je sais bien que, selon Frédéric Lefèbvre, la technologie peut tout mais je crains que la technologie ne parvienne pas à faire en sorte qu'une suspension ne se traduire pas par une coupure de connexion.

Deuxièmement, l'argument de M. le rapporteur selon lequel les fournisseurs d'Internet auront intérêt à rétablir rapidement la connexion puisque nous avons voté la suspension du paiement de l'abonnement ne me convainc qu'à moitié : d'abord parce que la gestion des fichiers dans notre pays pose problème, ensuite parce que je ne suis pas certaine que l'amendement que nous avons voté tout à l'heure contre l'avis du Gouvernement sera maintenu en CMP.

Par prudence, je maintiens mon amendement [n° 447].

[...]

Pour la mise en œuvre de la sanction, le texte initial du Gouvernement prévoyait un délai de quinze jours, que l'amendement n° 320 a allongé ensuite à vingt et un jour au moins et à vingt-huit jours au plus. La deuxième rectification le porte à quarante-cinq jours au moins et à soixante jours au plus. Il faut convenir que le délai de quinze jours initialement prévu était techniquement peu crédible et difficilement envisageable.

Hier, nous avons débattu du délai de recours pour l'abonné, initialement fixé à sept jours – je signale au passage que l'exposé des motifs de l'amendement n° 320 deuxième rectification ne prend pas en compte l'allongement de ce délai et devient, de ce fait, inexact, mais cela n'a rien de dramatique pour qui a suivi le débat. Notre collègue Brard avait proposé d'étendre le délai de recours à trente jours pour essayer d'éviter une catastrophe. Après une nouvelle discussion, à la faveur d'une suspension de séance, nos collègues socialistes ont proposé de l'allonger à deux mois, ce qui aurait permis un alignement sur le droit constant administratif. Leur amendement a été rejeté, au motif qu'un délai d'un mois vous paraissait suffisant.

Je ne suis pas opposée à ce que, comme le prévoit l'amendement n° 320 deuxième rectification, le délai dont disposeront les FAI soit allongé de quinze à soixante jours. Mais je m'étonne que cet allongement ne bénéficie pas également aux titulaires de l'abonnement.

Enfin, je reviens sur la réponse du rapporteur. Le fournisseur d'accès devra nécessairement gérer un fichier des titulaires d'abonnement concernés, mentionnant la date de la coupure et celle du rétablissement. L'article L. 331-31, à l'alinéa 100 de l'article 2 du projet de loi, prévoit en outre que « la Haute Autorité établit un répertoire national des personnes qui font l'objet d'une suspension en cours de leur accès à un service de communication au public en ligne. » Il y aura en fait deux fichiers gérés, l'un par la Haute autorité, l'autre par les FAI. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous confirmer que le second sera déclaré à la CNIL et, si oui, nous indiquer dans quelles conditions il sera établi ?

[...]

N'ayant pas été totalement convaincus par les arguments du rapporteur hier soir, nous maintenons, par cet amendement n° 450, la demande que le recours soit suspensif et que la sanction ne soit appliquée qu'à la forclusion de ce délai. Nous craignons que, sinon, un abonné qui n'et responsable d'aucun acte délictueux ne puisse être victime d'une coupure avant même d'avoir pu prouver sa bonne foi.

[...]

Avec l'article L. 331-30, nous abordons un autre sujet, celui des logiciels de sécurisation que ce projet veut imposer. Par l'amendement 451, nous proposons de supprimer ces dispositions, sur lesquelles il vaut la peine de se pencher plus longuement.

L'utilisation des ces moyens de sécurisation est censée exonérer les utilisateurs d'Internet de la responsabilité que cette loi va leur faire porter. Il s'agit de dispositifs qui font obstacle à l'utilisation de certains protocoles. En outre, un serveur distant vérifiera s'ils sont activés. En clair, il s'agit de mouchards filtrants – comme l'avait expliqué un conseiller de Mme la ministre sur un chat au représentant d'une association d'internautes. Puisque c'est l'utilisation de tels dispositifs qui exonère le titulaire de l'accès de sa responsabilité, comme le précise l'article L. 336-3, chaque abonné à Internet se trouvera obligé d'en installer, ce qui constitue à nos yeux une réduction arbitraire de son droit à l'information, à la communication et au respect de la vie privée. En outre, les particuliers auront sans doute quelque peine à le faire, et on peut s'attendre à un tollé général comme celui suscité, lors du vote de la loi DADVSI, par les DRM.

Imposer une telle obligation est inadmissible. On peut discuter de la philosophie de la riposte graduée. Mais comment justifier qu'on oblige à sécuriser ainsi un poste de travail, alors qu'on ne demande pas la même sécurisation pour d'autres fonctions de l'Internet ? Rappelons que l'accès à des contenus ou applications sur internet ne peut être limité que suite à une décision de l'autorité judiciaire.

Enfin, les techniques de filtrage quelles qu'elles soient présentent deux défauts intrinsèques majeurs. D'une part, elles empêchent des usages légaux. On rejoint ici votre fantasme d'interdire le protocole peer to peer – qui s'est heurté au fait que universités et entreprises l'utilisent et que les techniques de filtrage peuvent être contournées, car elles sont en fait très limitées, comme l'explique le rapporteur lui-même, reprenant le rapport Olivennes. J'y reviendrai.

La solution la plus raisonnable pour respecter les droits fondamentaux des utilisateurs consisterait, comme le préconise Bruno Retailleau dans un amendement adopté par le Sénat en un dispositif de sécurisation de la connexion de type chiffrement WPA2 pour le Wi-Fi. L'inconvénient de cette solution est que pour sécuriser véritablement une connexion, elle nécessite un mot de passe, changé très régulièrement. De nombreux internautes qui ne sont pas de spécialistes de l'informatique, ne tiennent pas à ce qu'on leur complique la vie a lieu de la simplifier, sans oublier le fait que cela poserait problème à tous ceux dont le matériel n'est pas adapté aux technologies de chiffrement.

Ajoutons qu'obliger à l'utilisation de ces techniques peut poser un problème de respect de la libre concurrence.

Selon une étude parue récemment dans une revue de sécurité, dans les 5, e, et 13, e, arrondissements de Paris, sur 31 000 points d'accès à Internet étudiés, plus de 2 000 étaient totalement ouverts et plus de 40 % utilisaient le protocole WEP notoirement inefficace, puisqu'il peut être cassé en moins de quatre minutes.

En résumé, je suis totalement opposée à ce dispositif pour des raisons de fond ; au demeurant, il est irréaliste, inapplicable et donc inefficace.

[...]

Je ne sais si nous allons finir par arriver au bout de ce débat : il est tout de même surprenant !

Je souhaite bien du plaisir à la HADOPI pour parvenir à établir la liste des « spécifications nécessaires fonctionnelles objectives » dont parlait Mme la ministre. Monsieur Riester, il suffit de lire les pages de votre rapport consacrées aux problèmes que cela pose pour constater que les choses ne sont pas si simples.

Madame la ministre, vous citez le cas des administrations : vous vous rendez tout de même compte que l'usager ne dispose pas individuellement des services qui composent une administration ! Prenez le cas du service informatique de l'Assemblée qui organise la maintenance de l'ensemble des postes informatiques des députés et des fonctionnaires : pour faire face à ces tâches, vous constaterez qu'il est nécessaire de mobiliser énormément de monde.

Par ailleurs, le pare-feu n'a rien à voir avec ce sujet. Nous essayons de vous l'expliquer depuis déjà un bon moment.

Quant au logiciel de contrôle parental, il peut certes bloquer le port utilisé pour le peer to peer, mais il peut aussi à tout moment être désactivé par le parent qui peut vouloir se servir du logiciel de P2P.

Le logiciel de contrôle parental permet aux adultes d'empêcher les enfants d'accéder involontairement à des sites pédophiles, ou volontairement, lorsqu'ils sont un peu plus grands, à des films pornographiques. Mais, madame la ministre, contrairement à ce que vous venez de dire, l'obligation dont il est question ici n'a rien à voir avec cela.

Ainsi, selon l'article 6 du projet de loi, l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle les personnes titulaires de l'accès à Internet ont bel et bien une obligation, assortie de sanctions, parmi lesquelles l'injonction d'installer un logiciel de sécurisation. Vous ne pouvez donc pas dire que l'internaute installe le logiciel s'il le veut.

Madame la ministre, il faut suivre l'évolution des techniques.

Au départ, comme vous dites, la carte mère des matériels vendus comportent de plus en plus souvent – et cela va se généraliser – un dispositif de sécurisation qui, aujourd'hui, n'est pas encore activé, mais qui le sera bientôt pour être en liaison avec un serveur auquel la HADOPI aura accès. Le message envoyé à la Haute autorité est clair : tout abonné à Internet qui désactivera ce dispositif est un délinquant, il ne respecte plus les termes de la loi, il faut le poursuivre.

Voilà pourquoi nous maintenons notre refus absolu de l'obligation d'installer de prétendus logiciels de sécurisation. Pour nous, il s'agit de mouchards espions.

[...]

L'amendement n° 73 rectifié n'est pas anodin : il réécrit complètement l'alinéa 97 de l'article 2.

La nouvelle rédaction diffère notablement de celle du projet de loi originel, qui faisait obligation à la HADOPI de valider les spécifications fonctionnelles et d'en faire la liste, alors que l'amendement de la commission, selon les termes de son exposé sommaire, « supprime l'établissement d'une liste de ces spécifications fonctionnelles en se bornant d'exiger de la Haute Autorité qu'elle les rende publiques ». Il s'agit bien d'une modification de fond. Cela dit, cette solution est peut-être préférable car la rédaction d'origine pouvait paraître bizarre. Il reste que nous ne savons toujours pas quelle peut être la conception de ces spécifications fonctionnelles.

Monsieur le rapporteur, à la page 55 de votre rapport, vous reprenez le rapport Olivennes pour citer divers outils de filtrage et leurs limites. Première possibilité, le filtrage d'URL ou d'adresse IP a plusieurs limites : non seulement il bloque l'accès à l'ensemble d'un serveur – ce qui est plutôt gênant –, mais il nécessite une surveillance constante.

Deuxième possibilité : le filtrage des ports. Les services de peer to peer utilisent en effet des ports clairement identifiés, qu'il est possible de bloquer. Mais ces ports seront alors bloqués pour tous les usages, y compris légaux, ce qui est tout de même gênant.

Troisième possibilité : le filtrage des protocoles, qui se heurte aux mêmes limites que le filtrage des ports.

Quatrième possibilité : le filtrage des contenus. Mais, tous ceux qui cherchent à filtrer les spams le savent, les logiciels anti-spams qui utilisent ce principe on beau être de plus en plus poussés, ceux qui conçoivent ce type d'e-mails parviennent toujours à trouver une astuce pour les contourner.

Par ailleurs, le rapport Olivennes soulève le problème du point d'implantation du filtrage. Compte tenu du volume des données qui transitent par le réseau du fournisseur d'accès à Internet, il est pratiquement impossible d'installer le dispositif de filtrage à ce niveau. En tout état de cause, comme le reconnaît le rapport, cela représenterait un coût d'investissement et de fonctionnement très élevé. Je souhaite donc bien du courage à ceux qui tenteront d'établir la liste des spécifications fonctionnelles que les outils de sécurisation devront présenter. Je crains que le résultat ne soit désastreux.

Enfin, s'il est vrai que certaines sociétés vendent des programmes basés sur des logiciels libres, n'oublions pas que le principe du logiciel libre est précisément de rendre ses codes accessibles et modifiables par tous.

[...]

Je défends [l'amendement n° 356] d'autant plus volontiers, monsieur le président de la commission, que notre amendement n°354 relatif à l'interopérabilité est tombé du fait de l'adoption de l'amendement n° 73 rectifié.

Notre amendement n° 356 propose d'obliger les fournisseurs d'accès à Internet de proposer à leurs abonnés un moyen de sécurisation adapté à la configuration de leur installation et labellisé par la Haute autorité. Il s'agit de résoudre ainsi les problèmes d'interopérabilité et de coût induits par le dispositif du Gouvernement.

En effet, il n'est pas envisageable que des abonnés entièrement équipés en logiciels libres soient obligés de modifier leur équipement et d'utiliser des logiciels imposés, écrits et vendus par des sociétés commerciales.

Par ailleurs, nous savons que le coût des logiciels anti-spams, par exemple, est assez élevé. Mais personne n'est obligé d'en équiper son ordinateur, d'autant que le filtrage de premier niveau opéré par les FAI est assez efficace. En revanche, les logiciels dits de sécurisation, et que nous préférons appeler mouchards, seront, quant à eux, obligatoires. Il ne serait pas normal que l'internaute soit obligé d'acheter assez cher non seulement ce logiciel, mais aussi ses mises à jour régulières : pour les logiciels anti-spams par exemple, on est obligé d'acheter une nouvelle version tous les ans. L'obligation que vous imposez ne doit pas entraîner un coût supplémentaire pour l'abonné.

M. Bernard Gérard[modifier]

En quoi des moyens de régulation extrajudiciaires confiés à une haute autorité, moyens strictement encadrés, et respectueux des libertés publiques comme de nos engagements internationaux, seraient-ils arbitraires ou liberticides ? Un parlementaire s'est-il jamais ému de ce que l'ALPA, structure privée assurant la police du cinéma, ou encore la SACEM, envoient leurs techniciens constater d'éventuels manquements au droit ?

Les mesures extrajudiciaires que nous proposons sont des progrès et me paraissent très respectueuses des libertés publiques. Les procès d'intention que l'on fait à la majorité sont donc excessifs.

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