Debats Hadopi 090331 1 : Différence entre versions

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<blockquote>Défavorable. La rédaction de cet amendement [n° 251] est inappropriée : en l'état, elle priverait de toute portée effective le mécanisme de sanction. Vous prévoyez tellement de conditions de recevabilité, quasi impossibles à réunir, que l'ensemble du dispositif ne pourrait pas fonctionner.</blockquote>
 
<blockquote>Défavorable. La rédaction de cet amendement [n° 251] est inappropriée : en l'état, elle priverait de toute portée effective le mécanisme de sanction. Vous prévoyez tellement de conditions de recevabilité, quasi impossibles à réunir, que l'ensemble du dispositif ne pourrait pas fonctionner.</blockquote>
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[[Debats_Hadopi_090330_2|Deuxième séance 30 03 2009]] [[Debats_Hadopi_090331_2|Deuxième séance 31 03 2009]]
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Version actuelle datée du 5 février 2010 à 14:29

Compte rendu initial

M. Philippe Gosselin[modifier]

Restons-en à l'intérêt pédagogique de ce débat. Il est tentant pour certains d'évoquer la double peine : cela renvoie à un aspect liberticide...

[Triple peine !] Et pourquoi pas quadruple peine, monsieur Roy ? On connaît votre sens de la modération... À moins de jouer les autistes – encore que M. Brard ayant dit que vous n'étiez qu'à demi autistes, il ne faut pas désespérer –, chacun a bien compris, pour peu qu'il soit logique et de bonne foi, qu'il y a une proportionnalité et une graduation dans le dispositif.

L'infraction légère – le défaut de surveillance – sera traitée par la voie administrative, avec tous les recours possibles, y compris les recours judiciaires : il s'agit des cas de téléchargements pour soi. Et pour les cas prévus par la loi DADVSI, autrement dit pour les contrefaçons, les sanctions seront beaucoup plus lourdes. C'est très clair.

Le reste n'est qu'argutie. Vous ne voulez pas en convenir, mais le cœur du débat, c'est bien la proportionnalité et la graduation du dispositif.

M. Patrick Bloche[modifier]

Amendement après amendement, l'opposition à laquelle se joignent d'ailleurs plusieurs députés de la majorité, essaie de démontrer combien ce projet de loi est inutile et inefficace. Nous souhaitons surtout montrer que les dispositions que le Gouvernement veut mettre en place seront facilement contournées et qu'elles donneront lieu à un très important contentieux. Avec l'anonymisation des adresses, le cryptage des contenus, et l'utilisation de certains logiciels qui existent déjà, il ne faudra pas être un hacker chevronné pour éviter les conséquences des dispositions que vous voulez nous faire voter.

Le caractère inapplicable de ce projet de loi est désormais prouvé. Nous avons exposé nos arguments à plusieurs reprises, mais nous avons été surpris que, la plupart du temps, ni les rapporteurs – notamment le rapporteur de la commission des lois – ni la ministre n'aient trouvé utile de nous répondre. Certes, les éléments que nous avons présentés étaient parfois ambitieux et techniques, mais il me semble que nous nous devons de maîtriser totalement ces questions – sans quoi nous légiférerions sans mesurer les effets des dispositions que nous votons.

Vous remarquerez que l'opposition n'a quasiment pas demandé de suspensions de séance ; elle n'a pas déposé d'amendements répétitifs. Nous cherchons tout simplement par notre travail à obtenir un certain nombre de garanties juridiques qui n'existent pas dans ce projet de loi, alors même qu'elles sont la traduction de principes fondamentaux du droit. Nous pensons, en effet, à nos concitoyens internautes qui doivent, selon nous, bénéficier des mêmes droits que tous les autres : droit à une procédure contradictoire, droit à la présomption d'innocence, garantie des droits de la défense... En conséquence, nous avons souhaité à plusieurs reprises – mais hélas ! vainement – que l'autorité judiciaire puisse intervenir dans la procédure.

L'actualité européenne pèse aussi terriblement sur nos débats, et nous avons été étonnés que M. Riester et Mme Albanel balaient les éléments que nous avons cités d'un revers de main en arguant qu'ils n'avaient aucune valeur juridique. Certes un rapport n'a pas de valeur juridique en soi, mais, en l'espèce, il traduit bien la réflexion du Parlement européen sur la question. Il montre aussi que la législation communautaire évolue à l'opposé des mesures que vous nous proposez, et il confirme ce que nous savions déjà : l'accès à Internet est un droit fondamental. L'interruption de cet accès remet donc ce droit en cause et, en conséquence, elle ne peut se faire que sous le contrôle du juge.

Sur le même sujet, alors que le nouveau paquet Télécom est en deuxième lecture au Parlement européen, nous regrettons que la France ait fait pression pour reporter le vote de ce texte au 21 avril, c'est-à-dire après la fin de la discussion parlementaire du projet de loi HADOPI. En effet, l'amendement 46 au nouveau paquet Télécom reprend l'amendement 138 de nos collègues Guy Bono et Daniel Cohn-Bendit. Le Gouvernement utilise un faux-fuyant alors que, plus que jamais, le débat nécessite de la clarté.

[...]

Je souhaite apporter mon soutien à Mme Billard. Il s'agit, en effet, d'un amendement [n° 351] de bons sens. Notre collègue a d'ailleurs indiqué, dans l'exposé sommaire, qu'il s'agit d'un amendement de précision. On pouvait donc penser qu'il passerait, si j'ose dire, comme une lettre – recommandée – à la poste. Or il n'en est rien.

On peut s'en étonner. En effet, cet amendement vise à protéger les données personnelles des internautes, dans une phase du processus qui nous préoccupe beaucoup, puisque la HADOPI ne sera pas encore saisie. Quelles seront ces entreprises privées qui iront traquer les internautes et récupérer leurs adresses IP ainsi que d'autres données personnelles, dont les coordonnées téléphoniques ?

Par ailleurs, vous nous dites, madame la ministre, que le téléphone est convivial et qu'il s'agit de discuter avec l'internaute. Mais quand les mails d'avertissement sont envoyés, aucune procédure contradictoire n'est prévue : ce n'est guère convivial ! À ce propos, je rappelle que le groupe SRC avait déposé un amendement, hélas rejeté au titre de l'article 40, qui visait à créer un service téléphonique gratuit – c'est bien le moins que l'on puisse faire – permettant aux internautes ayant reçu un mail d'avertissement de s'informer de ce qu'on leur reproche.

Le projet de loi ne contient aucune disposition qui faciliterait cette convivialité que vous appelez de vos vœux, madame la ministre. Nulle mesure ne prévoit un tel dialogue téléphonique avec les internautes, à moins que le Gouvernement ne décide finalement de créer un service téléphonique analogue à celui que nous avons proposé.

Surtout, aucune procédure contradictoire ne garantit à l'internaute la possibilité de se défendre. Or cette possibilité est d'autant plus importante que les risques de méprise et de fausse incrimination sont grands.

[...]

Ce sous-amendement [n° 493] vise à supprimer l'alinéa 5 de l'amendement n° 50 deuxième rectification que vient de nous présenter benoîtement le rapporteur. Cet amendement est situé très haut sur l'échelle de Riester, que nous devons, rappelons-le, à Christian Paul.

Soyons sérieux, mes chers collègues !

La HADOPI, censée, à entendre ceux qui la défendent encore, limiter le téléchargement qualifié d'illégal, se trouve à présent chargée d'une mission de labellisation des offres sur Internet. Le rapporteur introduit dans le texte, avec une grande légèreté, la notion d'offre légale alors que la neutralité des réseaux fait que, par définition, toutes les offres sont libres. Nous nous battrons donc pour supprimer les funestes dispositions de cet amendement. Nous le répétons avec force, seule une autorité judiciaire peut décider ou non de leur légalité.

C'est un principe fondamental du droit. C'est un élément majeur de ce qui fonde notre démocratie : l'autorité judiciaire est seule habilitée à déclarer qu'une offre est légale ou non. Donner ce rôle, comme le prévoit le funeste amendement du rapporteur, à une Haute autorité indépendante est une dérive inacceptable d'autant que le texte ne définit pas ce qu'est une offre ni à qui le label va être attribué. À la société qui propose des offres ou au service de communication au public en ligne ? Si plusieurs offres sont proposées sur un même site ou par différentes sociétés sur un même site, à qui ou à quoi va être apposé ce label ? Aucun critère n'est proposé par l'amendement.

De même, certains ayants droit exploitent des services de communication au public en ligne. On va donc créer un conflit d'intérêt. Un tel dispositif serait également discriminant pour les sites étrangers accessibles aux internautes français mais dont les offres ne seraient pas soumises aux éventuels « critères » de labellisation.

Je souhaite donc qu'il n'y ait pas de faux-fuyants sur cet amendement extrêmement important pour la suite de nos débats. J'attends en conséquence qu'on réponde précisément à nos questions. Je les rappelle pour conclure.

Comment peut-on donner à une Haute autorité le rôle de labellisation, de légalisation d'une offre sur Internet, qui par nature est libre ?

Comment peut-on accepter une procédure qui sera discriminante puisque c'est l'État, via la HADOPI, qui va favoriser en fait une offre par rapport à une autre ?

Comment va se faire concrètement cette labellisation ? Sur quels critères ? S'agira-t-il d'une labellisation de sites ou de produits ? Que se passera-t-il pour les sites contenant à la fois des offres légales et non légales ? Labellisera-t-on à moitié ou pas du tout ?

Comment se fera la mise à jour ? Cette question est loin d'être secondaire.

Comme il existe des millions de sites et de blogs, comment se fera le choix ? Enfin, dans quelles conditions se fera la définition de l'offre légale ?

[...]

À chaque nouveau sous-amendement, nous nous enfonçons un peu plus, mais, plutôt que de liste noire évoquée par notre collègue Brard, je parlerai de liste blanche. D'ailleurs, la seule vraie question qui vaille est la suivante : pourquoi cette labellisation ? Quel est l'objectif ? J'observe que ni la ministre ni le rapporteur n'ont réellement répondu à cette question.

Le vote du Sénat a été invoqué. Mais si le Sénat a voté la labellisation des offres commerciales, c'est vous, monsieur le rapporteur, qui avez ouvert la boite de Pandore en supprimant la référence aux seules offres commerciales et en étendant la labellisation à toutes les offres présentes sur Internet.

Comme vient de le dire avec juste raison notre collègue Jean-Pierre Brard, si les libéraux s'opposent à cette logique de labellisation, c'est parce qu'ils croient à la neutralité des réseaux.

C'est parce que nous croyons à l'économie de marché que nous ne voulons pas inscrire dans la loi des règles qui visent à fausser la concurrence, à provoquer une rupture d'égalité et qui, à ce titre, sont anticonstitutionnelles.

En l'occurrence, vous proposez une labellisation étatique d'offres dont la légalité ne relève que de l'autorité judiciaire.

La révision proposée par Mme Marland-Militello selon une périodicité indéterminée – il y a vraiment de quoi s'inquiéter quant à l'écriture de la loi ferait que les offres soient, à un moment, légales, puis, un autre moment, illégales, labellisés puis délabellisées, présentes dans les sites de référencement puis retirées.

Sincèrement, cette volonté de labellisation étatique ne s'explique, fondamentalement, que par la méfiance chronique, congénitale, que vous avez à l'égard d'Internet. Vous voulez contrôler Internet parce que vous vous en méfiez et vous vous en méfiez parce que s'expriment sur Internet des contrepouvoirs qui vous gênent et qui gênent tout particulièrement la personne qui se trouve à la tête de l'État.

[...]

Oui, mais pour bien comprendre ce que recherche Mme Marland-Militello par son sous-amendement n° 217, je voudrais relire l'amendement de M. Riester : « la Haute autorité attribue aux offres proposées par des personnes dont l'activité est d'offrir un service de communication au public en ligne un label permettant aux usagers de ce service d'identifier clairement le caractère légal de ces offres et elle veille à la mise en place ainsi qu'à l'actualisation d'un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques ».

Votre démarche de labellisation de référencement et de légalisation – qui n'est pas l'affaire d'une haute autorité administrative indépendante – ne peut pas être plus claire. Au prétexte d'aider l'offre légale, c'est-à-dire l'offre commerciale, vous construisez une usine à gaz qui aura pour conséquence de remettre en cause la neutralité des réseaux et d'établir une labellisation d'État qui, espérons-le, comme l'évoquait Didier Mathus, fera fuir sans doute beaucoup de nos concitoyens internautes. La logique lourde qui vous anime traduit la réalité du rapport de méfiance que vous entretenez avec Internet.

Le sous-amendement de Mme Marland-Militello conduit à nous poser une nouvelle fois la même question.

Dans votre rapport, madame Marland-Militello, vous citez vous-même les chiffres concernant les moyens humains de l'HADOPI. Les « petites mains » évoquées hier par Mme la ministre seront peu nombreuses. Elles seront déjà chargées de prononcer une suspension toutes les vingt-trois secondes, et l'on voudrait leur imposer, en plus, de rédiger chaque année un rapport sur le développement de l'offre légale ? De qui se moque-t-on ?

[...]

Les réponses de M. le rapporteur et de Mme la ministre sont déconcertantes. À les entendre, il va de soi que l'ARCEP aura des contacts fréquents et réguliers avec l'HADOPI, mais il faut se garder d'introduire dans le texte la moindre référence à l'ARCEP ! Les sous-amendements s'inscrivent pourtant dans une logique de régulation, déjà évoquée à l'automne, qui devrait amener à fusionner la régulation des contenus et des tuyaux. Sans prétendre rouvrir ce débat, je rappelle qu'il est important.

On comprend pourquoi l'ARCEP gêne le Gouvernement. Il suffit de consulter le rapport qu'elle a rendu sur le projet de loi : ses réserves sur les obstacles techniques à la mise en œuvre du texte sont significatives et pertinentes. Elle pointe par exemple le fait que celui-ci aggravera les inégalités territoriales entre zones dégroupées et non-dégroupées. Elle signale en outre que, s'il est voté, il ne sera pas mis en œuvre avant plusieurs mois, tant les obstacles à lever sont nombreux, ce qu'ont également relevé les fournisseurs d'accès.

Le moment venu, il faudra encore évoquer le coût des propositions gouvernementales. Le CGTI, qui dépend de Bercy, a avancé le chiffre de 70 millions d'euros, au minimum. Autant de bombes à retardement qui lestent le projet de loi et confirment la nécessité d'y mentionner l'ARCEP.

[...]

Après l'adoption de l'amendement n° 50 deuxième rectification, l'HADOPI sera à la fois juge et partie puisqu'elle labellisera les offres légales mais aura également un pouvoir de sanction. Nous en faisons de ce fait une institution très schizophrène, ce qui est particulièrement dangereux.

Sur l'amendement présenté par nos collègues du groupe GDR, nous avons un regard positif dans la mesure où nous n'avons toujours pas eu de réponse à une question que nous avons pourtant posée avec insistance : qui l'article L.331-22 vise-t-il ? Cet article prévoit en effet que la commission de protection des droits agit sur saisine d'agents assermentés et agréés dans les conditions définies à l'article L. 331-2, et désignés par les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, les sociétés de perception et de répartition des droits et le centre national de la cinématographie, mais il ne dit pas dans quelles conditions se fait cette saisine.

Or, on parle beaucoup de ce qui se passe lorsque l'HADOPI est saisie, mais nous n'avons pas eu les réponses que nous attendions sur les conditions dans lesquelles elle est saisie. C'est pourquoi nous sommes particulièrement sensibles à l'amendement du groupe GDR, qui propose que la commission de protection des droits ne puisse agir que sur la base d'informations transmises par le procureur de la République.

S'il vous plaît, madame la ministre, évitez de citer systématiquement l'Allemagne comme étant l'exemple à ne pas suivre. Vous savez que la ministre allemande de la justice a eu des propos extrêmement sévères sur votre dispositif de riposte graduée, annonçant même qu'il allait provoquer de tels ravages qu'on en aurait l'écho jusqu'à Berlin ! Un ministre anglais a également porté un jugement défavorable. Les pays les plus proches du nôtre ne nous suivent pas, montrant une nouvelle fois, comme nous ne cessons de vous le dire, combien la France est isolée sur ce dossier.

[...]

Mme la ministre nous répète à satiété que la riposte graduée aura vocation à se substituer aux poursuites pénales actuellement prévues par la loi DADVSI.

Nous avions présenté un amendement visant tout simplement à abroger la loi DADVSI, loi promulguée en août 2006 qui n'a pas encore été appliquée, et qui ne le sera évidemment jamais puisqu'elle est tout aussi inapplicable que celle dont nous débattons aujourd'hui. Cet amendement ayant été rejeté, les sanctions pénales ne sont donc pas supprimées.

C'est la raison pour laquelle nous avons employé le terme de double peine, c'est-à-dire la possibilité de cumuler une sanction administrative et une sanction pénale. Nous avons même parlé de triple peine puisque s'ajoutera une sanction financière : un internaute dont l'abonnement aura été suspendu devra néanmoins continuer à payer cet abonnement sans avoir de prestation en contrepartie.

Outre l'accumulation disproportionnée des sanctions, la CNIL a relevé le pouvoir exorbitant donné aux ayants droit, qui auront la capacité de qualifier juridiquement les faits. En effet, des faits identiques pourront être qualifiés soit de manquement, associé à une sanction administrative, soit de délit de contrefaçon, associé à une sanction pénale, avec éventuellement une peine de privation de liberté.

La CNIL a déclaré qu'elle n'était pas en mesure de s'assurer de la proportionnalité d'un tel dispositif, dans la mesure où celui-ci laissera aux sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur et aux organismes de défense professionnelle le choix de la politique répressive à appliquer, sur la base d'un fondement juridique aux contours mal définis.

La Commission européenne, dans le cadre de la procédure de notification, a soulevé le risque que deux actions, l'une administrative et l'autre pénale, soient introduites en parallèle, le cumul de moyens de mise en œuvre pouvant donner lieu à plusieurs décisions différentes pour un même fait.

Nous voulons donc exclure explicitement la possibilité de cumuler sanction administrative et sanction pénale. Notre amendement propose que la commission de protection des droits ne puisse connaître des faits pour lesquels la juridiction judiciaire a été antérieurement saisie sur le fondement de l'article L.335-3. Il sera complété, après l'article 2, par un autre amendement visant à préciser que la juridiction judiciaire ne peut être saisie pour des faits traités devant la commission de protection des droits.

S'il s'agit vraiment de dissuasion et de pédagogie comme le répète à l'envi la ministre, les internautes ne doivent pas être sous la menace d'une double peine.

[...]

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous êtes vraiment au pied du mur. Si vous aviez voulu être sincères dans votre démarche, encore eût-il fallu au préalable évaluer la loi DADVSI – comme cela du reste était prévu : cela devait être réalisé dans les dix-huit mois suivant sa promulgation, c'est-à-dire avant la fin 2007. Cela n'a pas été fait ! À partir du moment où vous nous vendez une démarche qui se veut dissuasive et pédagogique, le préalable aurait dû être d'abroger les dispositions de la loi DADVSI.

Au final, nous nous retrouvons dans une totale confusion. Sous la pression de qui nous savons, il y a le beurre et l'argent du beurre, fromage et dessert : on garde DADVSI au chaud, et on aura HADOPI en plus. Non seulement cela ne marche pas, mais toute votre démarche est désormais marquée par l'insincérité. Le cumul HADOPI-DADVSI qui revient à additionner sanctions pénales et administratives fait s'effondrer tout votre argumentaire sur la volonté d'adopter une approche pédagogique axée sur la dissuasion.

À cet égard, madame la ministre, je reviens sur une question majeure : le juge et la HADOPI ne s'autosaisissent pas, mais sont saisis par les ayants droit, c'est-à-dire par les organismes de défense professionnels ou les sociétés de perception et de répartition de droits d'auteur – les SPRD –, qui vont ainsi se retrouver avec la capacité exorbitante, notée par la CNIL, de qualifier eux-mêmes les faits. Selon leur bon vouloir, un peu à la tête du client, ou bien ils décideront qu'il s'agit d'un manquement à l'obligation de surveillance et transmettront le dossier à la HADOPI, ou bien ils considéreront qu'il s'agit de contrefaçon et ils saisiront le juge. Il faut lever l'ambiguïté !

On ne peut pas donner cette capacité exorbitante aux ayants droit ! Cela créerait une rupture d'égalité entre les internautes, inévitablement sanctionnée par juge constitutionnel que nous ne manquerions pas de saisir.

Madame la ministre, cette interpellation de la CNIL que nous faisons nôtre sur le pouvoir exorbitant des ayants droits de qualifier les faits et d'orienter le dossier vers HADOPI ou vers le juge, selon le client, n'aurait plus de raison d'être si vous aviez préalablement abrogé la loi DADVSI. Vous ne l'avez pas fait. C'est donc maintenant que vous devez répondre à cette interpellation de la CNIL que nous relayons.

[...]

Mon amendement [n° 252], pratiquement identique à celui qui vient d'être présenté, propose une mesure de bon sens : si une œuvre protégée par le droit d'auteur ou un droit voisin n'est pas disponible à l'achat, l'internaute qui la télécharge ne peut être sanctionné. Pour nous, c'est une évidence. L'internaute ne commet pas d'acte illégal – une qualification que vous utilisez si régulièrement – puisque l'œuvre n'est pas disponible et qu'il ne lèse aucun intérêt commercial de l'auteur ou des titulaires des droits voisins.

Si votre objectif est bien de contribuer au développement de l'offre légale, comme vous le répétez si souvent, prouvez-le en donnant un avis favorable à cet amendement. Si nous le votons, il créera une incitation à proposer une offre légale plus abondante, avec des catalogues enfin libérés et un nombre de titres beaucoup plus important.

Cet amendement vise une certaine cohérence – on ne peut sanctionner un internaute qui télécharge une œuvre non disponible à l'achat –, et pousse les titulaires de droit à rendre l'offre légale plus attractive.

[...]

Nous sommes vraiment confondus. Compte tenu des arguments pertinents qui ont été avancés, nous avons fait un geste en retirant notre amendement n° 252. C'est précisément parce que nous aimons les artistes et que nous sommes profondément attachés au droit d'auteur, que nous voulons l'adapter réellement à l'ère du numérique.

Nous l'avons répété à mille reprises, le droit d'auteur est tout à la fois un droit patrimonial à rémunération – et c'est pourquoi nous avons proposé la contribution créative – et un droit moral. L'auteur dispose en effet d'un droit inaliénable pour autoriser la diffusion de ses œuvres. Parallèlement, nous n'avons pas perdu de vue la chronologie des médias, qui, dans le domaine du cinéma et de l'audiovisuel, crée un cadre contraint, avec un calendrier de diffusion progressive des œuvres selon les supports.

Nous avons donc considéré que l'amendement n° 498 de notre collègue Suguenot présentait un double avantage : d'une part, il ne remet pas en cause la chronologie des médias, puisqu'il ne vise que les œuvres phonographiques ; d'autre part, il indique que l'auteur et les ayants droit doivent, pour atteindre l'objectif fixé par cet amendement, consentir à ce que l'internaute puisse télécharger cette œuvre si elle n'est pas disponible sur une offre commerciale. Aussi avons-nous retiré notre amendement au profit de l'amendement n° 498, dont je suis stupéfait d'entendre Mme la ministre dire qu'il ferait exploser le système. Ne respecte-t-il pas à la fois le droit moral des auteurs et la chronologie des médias ?

M. Christian Vanneste[modifier]

Je ne comprends pas l'opposition de Mme la ministre à cet amendement [n° 494], alors qu'il créé une véritable cohérence entrer les deux textes. En tant que rapporteur de la loi DADVSI, je vous rappelle qu'avant l'intervention du Conseil constitutionnel, il était aussi prévu une réponse graduée.

Elle a disparu après la décision du Conseil constitutionnel, ce qui a conduit à l'utilisation générale du délit de contrefaçon. Au fond, l'amendement n° 494 ne fait que reprendre l'esprit de la loi et permet de faire la jonction entre les deux textes. Ainsi, le troisième alinéa ne concerne que le téléchargement, c'est-à-dire ce qui, dans la première loi, correspondait à l'infraction la plus faible.

De cette manière, on fait en sorte que ces faibles infractions soient amnistiées, ce qui est le but affiché de votre loi : qu'elles ne soient pas trop punies. Soyez un peu cohérents, s'il vous plaît !

Vous sauvez la loi en votant cela !

Mme Corinne Erhel[modifier]

Je suis très étonnée, depuis le début de ces débats, de constater que vous cherchez systématiquement à évincer l'économie du numérique et l'ensemble des acteurs du numérique. Je ne comprends pas pourquoi, notamment quand vous parlez de filtrage, de veille technologique, vous n'acceptez pas de travailler plus étroitement avec l'ARCEP et de profiter de son regard attentif. C'est incompréhensible !

Par ailleurs, nous ne pouvons que déplorer l'absence de Mme la secrétaire d'État à l'économie numérique. J'aimerais savoir ce qu'elle pense de ces sujets.

Nous le disons depuis longtemps, nous sommes pour la régulation. Il existe une autorité de régulation en France – l'ARCEP – et vous faites comme si elle n'existait pas, alors que, sur de tels sujets, son rôle serait essentiel. Je ne comprends pas, madame la ministre, pourquoi vous balayez cette autorité d'un revers de main. J'aimerai avoir une réponse.

Vous ne pouvez pas continuer ainsi et faire comme si ce texte n'avait qu'une dimension culturelle, alors qu'il touche à l'économie numérique en général. L'autorité de régulation devrait y avoir toute sa place.

M. Lionel Tardy[modifier]

Je rappelle que la riposte graduée comporte trois étapes, dont deux sont censées être préventives. Celles-ci consistent dans l'envoi d'un premier mail d'avertissement, optionnel – la commission n'est pas obligée de l'envoyer –, et d'un second mail, obligatoire celui-là, qui peut être accompagné d'un courrier recommandé avec accusé de réception. La troisième étape correspond au prononcé de la sanction par la commission de la protection des droits.

Or j'estime – et nous en avons parlé hier à propos des spams – que le dispositif d'avertissement par mail ne fonctionnera pas : on passera directement à la lettre recommandée, qui sera la seule manière de s'assurer que la personne a reçu le courrier – sous réserve qu'elle aille chercher le recommandé. En effet, le risque est grand que les utilisateurs ne reçoivent pas les mails de l'HADOPI.

Tout d'abord, le fameux protocole SMTP, qui a été conçu à la fin des années 1970, est totalement dépassé.

Il est, par exemple, impossible de garantir l'identité de l'expéditeur. Je peux ainsi, madame la ministre, envoyer, si je le souhaite, un mail depuis l'adresse christine.albanel@culture.gouv.fr. Il est même possible de créer, dans son garage, une adresse IP pour faire croire que ce mail provient de votre cabinet. Je peux vous en faire la démonstration.

Vous avez indiqué, hier soir, que vous ne voyiez pas quel éditeur de logiciels anti-spam créerait un logiciel pour faire obstacle aux messages de la HADOPI.

C'est impressionnant. Le problème n'est pas là. En effet, très rapidement, les spammeurs imiteront les mails de la HADOPI – sujet, contenu, expéditeur, en-tête, adresse IP de convenance –, afin de leurrer les logiciels anti-spams.

Dès lors, comment arrêtera-t-on les spams qui imitent à la quasi perfection les mails de la HADOPI sans bloquer également les véritables courriers de la Haute autorité ? C'est une vraie question, à laquelle j'attends une réponse.

Les éditeurs de logiciels antispam étrangers auront-ils beaucoup de temps à consacrer à la lutte contre un spam franco-français ? Même s'ils jouent le jeu dans un premier temps, il est à craindre qu'ils abandonnent rapidement un combat chronophage qui nécessitera des effectifs supplémentaires et ne pourra donc qu'entraîner une augmentation du prix de leurs produits. Leur défection consistera à offrir, parmi les réglages disponibles pour l'utilisateur français, la possibilité de cocher une case « laisser passer les mails de la HADOPI » – le choix de cette option entraînant la réception des mails de la HADOPI, mais également de toutes leurs imitations. Le filtrage antispam en prendra un coup, mais au point où nous en sommes, notamment en matière d'atteintes aux libertés, ce n'est pas le plus grave !

Un autre danger est que certaines personnes émettent de faux e-mails dans le but de provoquer l'échec du dispositif éducatif. Comment un utilisateur pourra-t-il alors reconnaître un e-mail provenant réellement de la HADOPI d'une imitation ? Or, le principe même de la riposte graduée repose sur la réception de ces e-mails !

La distinction entre les vrais et les faux e-mails ne pourra se faire qu'à l'aide d'un expert. Tout cela ne pourra engendrer que de la panique et du mécontentement : comment pourrait-on sérieusement reprocher à un internaute de ne pas avoir pris au sérieux un mail de la HADOPI, s'il en a déjà reçu 150 autres auparavant ? Il est évident que dans ces conditions, une suspension de la connexion Internet serait perçue comme une véritable injustice. On peut, certes, faire porter le chapeau aux individus comme on le ferait pour la fausse monnaie, mais il est beaucoup plus facile de fabriquer un faux mail HADOPI que de la fausse monnaie !

Dans la pratique, de nombreuses personnes ne recevront pas les mails prévus par le dispositif. Comme l'a souligné à très juste titre Mme Billard hier soir, la plupart des utilisateurs récupèrent leurs e-mails au moyen d'un logiciel de messagerie de type Outlook, Thunderbird, GMail, Yahoo, Caramail ou Hotmail – il en existe chaque jour de nouveaux...

Je vais conclure, monsieur le président, mais nous évoquons là un point important.

Pour ces liaisons, il n'existe aucune solution permettant de filtrer les mails pour ne laisser passer que ceux provenant réellement de la HADOPI. En l'état actuel des choses, l'État français n'aurait aucun moyen de contrôler les choses sans labelliser et figer pour les citoyens l'offre de client de messagerie. Cette labellisation des services et logiciels de mails constituerait, non pas une simple atteinte au principe d'Internet, mais la destruction pure et simple du principe de courrier par Internet. Cela signifie que l'on ne pourrait compter que sur la lettre recommandée, les autres éléments censés constituer la riposte graduée n'étant pas suffisamment fiables.

[...]

Je suis moi aussi consterné.

Non, je ne fatigue pas. Je dis ce que je pense et nous sommes précisément là pour dire ce que nous pensons ! Ce texte me préoccupe moi aussi et je n'ai rien contre les auteurs ni contre les ayants droit.

L'objectif d'une loi est d'être applicable. Or à nos objections tendant à montrer que celle-ci ne le sera pas, on oppose un discours politique. Tout à l'heure encore, on a répondu à côté de ma question. Nous allons donc, cet après-midi, développer un discours technique. Pour être applicable, une loi doit s'appliquer à tous et doit pouvoir être techniquement mise en œuvre : nous ne disons rien d'autre !

S'agissant de la prévention – c'est le maître mot de cette loi –, j'ai démontré que le dispositif ne fonctionnait pas pour les mails. Contrairement à ce qu'a dit le rapporteur, en effet, si une personne reçoit régulièrement des spams, lorsqu'elle recevra pour la cent cinquantième fois un e-mail d'avertissement de la HADOPI, elle pensera qu'il s'agit d'un spam de plus et n'en tiendra pas compte. Elle sera donc directement sanctionnée. Nous sommes ici pour soulever ce genre de problèmes et tenter de les résoudre.

[...]

En langage clair, cet amendement [n° 50] signifie que, si l'on entre « Télécharger MP3 ou DivX » dans un moteur de recherche, les résultats privilégient les offres de Virgin, Fnac, iTunes ou de plateformes VOD déterminées plutôt que les sites de liens « torrent » ou ceux d'artistes diffusant leurs contenus sous licence libre, les logiciels libres étant d'ailleurs les grands absents de ce débat.

S'agissant de la labellisation des offres légales, l'UFC-Que Choisir dénonce une mesure à l'évidence inapplicable. En effet, les sites légaux englobent des sites marchands mais aussi les milliers de sites non commerciaux des artistes qui mettent leurs œuvres gratuitement à la disposition du public. L'ensemble évolue en permanence. Il faudrait labelliser ou délabelliser des centaines de sites par jour. Or la HADOPI se composera de sept salariés seulement, qui n'auront pas trop de leurs quatorze mains pour envoyer des messages de coupure aux supposés pirates. L'application de cette mesure pose donc un vrai problème.

[...]

L'amendement n° 50 propose la mise en place d'une labellisation de l'offre légale. Pourquoi pas ?

Mais il propose aussi que ces sites labellisés soient mis en valeur, et, comme je l'ai déjà dit, je suis beaucoup moins d'accord. Le rôle d'une autorité publique n'est pas de faire la promotion des sites commerciaux : s'ils veulent être visibles sur internet, qu'ils s'organisent entre eux, comme cela se fait aujourd'hui. On risque, d'autre part, d'introduire des distorsions de concurrence entre ceux qui auront le label et ceux qui ne l'auront pas : cela pose problème, car ce label n'est qu'une mention valorisante comme il en existe tant. Ce n'est pas le label qui fait le caractère légal d'une offre : il n'est que le signe que la HADOPI a reconnu que le site qui l'a demandé satisfaisait un cahier des charges.

Nous risquons donc de nous placer en porte-à-faux avec la réglementation européenne sur la libre concurrence.

J'entends vos propos, monsieur le rapporteur. Il n'empêche que les termes de cet amendement laissent la porte ouverte à ces distorsions de concurrence : « elle veille à la mise en place [...] d'un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques. »

De quoi s'agit-il, sinon des moteurs de recherche ?

À quoi, d'ailleurs, servirait ce système de référencement, si ce n'est à offrir une visibilité sur les moteurs de recherche, dont à créer un surréférencement d'office ?

Un bon référencement permet d'être bien placé dans les résultats de Google – c'est même tout un art. Mais chacun pour soi et Dieu pour tous : il serait absolument anormal qu'une autorité publique intervienne pour truquer les algorithmes des moteurs de recherche.

Qu'il y ait labellisation, oui ; qu'elle offre une survalorisation dans les moteurs de recherche, non. Supprimons donc la fin de cet alinéa.

[...]

Jean Dionis du Séjour a lancé un excellent débat. Le rapporteur nous dit que la labellisation sera optionnelle. On croit rêver ! J'ai relevé, sur le site www.pcinpact.com, un petit article qui traite de ce qu'il appelle les effets de bords de la labellisation. Il s'agit, est-il écrit, d'un « engrenage » qui aura « des effets quasi incestueux quand on connaît l'enjeu des référencements sur les moteurs ».

Je partage tout à fait cet avis. « Une plate-forme fera tout pour avoir ce label et dédoublera de docilité pour le conserver. » Aujourd'hui, des gens paient des millions pour être en tête de liste sur les moteurs de recherche. Alors quid de la neutralité Internet ?

L'article poursuit : poussons jusqu'à l'absurde : pourquoi ne pas généraliser ces labels à tous les contenus, presse, jeux vidéos, films, etc. et transformer les moteurs de recherche en portails estampillés ministère de la culture ?

Plutôt que de traficoter dans le cambouis des moteurs, pourquoi ne préconiserait-on pas un site gouvernemental qui recenserait tous les sites commerciaux licites ?

Le site gouvernemental recenserait toutes les offres, le problème serait réglé et la neutralité d'Internet serait sauvegardée.

[...]

J'ai déjà souligné le problème que pose à mes yeux l'éclatement de la régulation de l'Internet entre plusieurs autorités indépendantes. La solution idéale serait de regrouper cette mission au sein d'une seule structure. À défaut, je souhaiterais au moins que toutes les autorités de régulation travaillent ensemble.

La reconnaissance des contenus et le filtrage intéressent, outre l'HADOPI, l'ARCEP et l'ARMT. C'est pourquoi je propose que ces trois instances réfléchissent de concert sur le sujet.

[...]

Le sujet est extrêmement sensible : il s'agit du filtrage. Certes, l'amendement [n° 50] ne mentionne qu'une expérimentation et une évaluation, qui n'engagent à rien. Mais je saisis l'occasion de lancer le débat sur le sujet, afin de rappeler quelques grands principes et d'expliciter le cadre et les limites que nous entendons fixer à ces expérimentations.

Il est évident qu'elles doivent être très encadrées, et ne pas viser à favoriser certains contenus au détriment des autres. Elles ne doivent pas non plus porter atteinte à la neutralité du web en donnant aux fournisseurs d'accès un droit de regard sur les contenus qui transitent par les réseaux. Enfin, elles ne doivent pas aboutir à la mise en place d'un filtrage qui s'effectuerait au détriment des utilisateurs. Si tel était le cas, les équilibres actuels prévus par la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 seraient remis en cause.

Le risque est réel, car le projet de loi est un épisode de la lutte que se livrent les industries des réseaux, les fournisseurs d'accès et les industries de contenus, notamment les majors de la musique et du cinéma. Parce que les expérimentations ne doivent pas devenir des armes au service des uns ou des autres, il importe de rappeler certains principes de base, de façon à éviter tout malentendu sur des sujets aussi sensibles.

[...]

Le législateur est rusé... Il est impossible de savoir avec certitude qui effectue un acte de téléchargement ou de visionnage portant atteinte au droit d'auteur. On a au mieux une adresse IP, mais celle-ci n'indique que l'identité du fournisseur d'accès Internet, le fameux FAI. Lui sait à quel abonné a été attribuée l'adresse IP, au jour et à l'heure près, mais cela n'indique que l'identité du titulaire de l'abonnement, et non la personne qui a commis l'acte illégal. Le contrefacteur peut être le fils de l'abonné, son voisin qui profite d'un réseau Wi-Fi non protégé, ou un ami de passage. Et si l'adresse IP correspond à une entreprise, une université ou un cybercafé, on imagine le casse-tête. Dans ce projet de loi, il n'est question que des particuliers ou des rapports parents-enfants alors qu'il y a aussi des entreprises, des universités et des collectivités qui vont être concernées.

Mais le législateur est rusé, disais-je : comme il n'aime pas se casser la tête, il a décidé que le titulaire de l'abonnement sera le responsable. À cette fin, la loi insérera dans le code de la propriété intellectuelle un nouvel article L. 336-3, ainsi rédigé : « La personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres I, er, et II lorsqu'elle est requise. » Le simple constat qu'une atteinte à une œuvre protégée a eu lieu depuis son abonnement démontre que le titulaire n'a pas respecté cette obligation, ce qui constitue la faute. CQFD. Peu importe que le titulaire ne soit pas le contrefacteur puisqu'il n'est pas accusé de contrefaçon, mais juste fautif de non-surveillance de son accès à Internet. C'est lamentable : où sont la présomption d'innocence et la prohibition de la responsabilité pénale du fait d'autrui ? Il est vrai que les sanctions étant exclusivement civiles, les règles de droit pénal ne s'appliqueront pas.

Autre point intéressant, dont personne n'a parlé : comment peut-on échapper à ses responsabilités ? Le projet de loi prévoit trois cas où la responsabilité du titulaire de l'abonnement ne peut être retenue : s'il a mis en œuvre un des moyens de sécurisation agréés par la HADOPI, selon une procédure que fixera un décret – vaste débats, nous en reparlerons ; s'il y a eu utilisation frauduleuse de l'accès au service de communication au public en ligne par une personne qui n'est pas placée sous l'autorité ou la surveillance du titulaire d'accès – bonne chance pour le prouver ! Enfin le cas, splendide, de la force majeure. Mention superfétatoire, puisque la force majeure exonère de toute responsabilité... Rappelons que la force majeure s'entend d'une force extérieure à la personne dont on recherche la responsabilité éventuelle, et qui est irrésistible et imprévisible. J'avoue avoir du mal à imaginer dans quelles circonstances on téléchargerait illégalement un film par force majeure !

Dans les faits, comment cela se passera-t-il ? La commission de protection des droits pourra envoyer à l'abonné incriminé un courriel dans lequel figurera une recommandation devant contenir des informations sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites de fichiers au regard de la création artistique. Mais cette recommandation ne divulguera pas les contenus des éléments téléchargés ou mis à disposition... On va donc recevoir ensuite un recommandé qui indiquera en substance : « je sais que vous avez téléchargé, mais je ne vous dirai pas quoi ». Reconnaissez qu'en termes de respect du droit de la défense, c'est tout de même problématique !

M. Patrice Martin-Lalande[modifier]

Si label il doit y avoir, au moins faut-il en rechercher tous les effets positifs.

Ce sous-amendement [n° 309] vise donc, dans le cadre de l'exception culturelle française, à sécuriser le développement des sites labellisés « culture » en garantissant aux initiatives en ce domaine qu'elles ne seront demain ni censurées, ni concurrencées de manière déloyale par les solutions de recherche sur Internet.

En effet, en 2007, les acteurs de la recherche sur Internet ont fait évoluer leurs solutions de recherche traditionnelles en solutions de recherche dites « universelles », c'est-à-dire intégrant aux résultats fournis leurs propres services intégrés, et non les seuls sites internet référencés. C'est en contradiction avec la notion de neutralité du Net.

C'est pourquoi nous vous proposons de renforcer l'amendement n° 50 en ajoutant aux prérogatives de la HADOPI la vérification du référencement « complet », par les solutions de recherche, des sites labellisés. On sait en effet qu'une des techniques les plus courantes pour inscrire un site sur une liste noire est d'oublier de référencer un certain nombre de pages.

Il y aurait aussi une obligation d'actualisation. En effet, les solutions de recherche travaillent sur quatre bases temporelles : la journée, la semaine, le mois et l'année. Il est important que les sites labellisés soient au moins vus toutes les semaines.

Mme Muriel Marland-Militello[modifier]

Il s'agit d'un amendement [n° 22] voté par la commission des affaires culturelles, devenu sous-amendement [n° 216] du fait de la nouvelle rédaction de l'amendement [n° 50] de M. le rapporteur.

Nous voulons simplement préciser que la labellisation délivrée par la HADOPI est revue périodiquement : il s'agit de rassurer les sites d'offre légale, mais aussi les internautes : si des sites légaux deviennent illégaux, ils doivent perdre leur label.

[...]

Un des volets importants de ce projet de loi est la volonté de développer l'offre légale. Parmi tous les moyens pour y parvenir, la commission a pensé qu'il serait bon de permettre à la HADOPI de faire régulièrement une publicité qui inciterait les opérateurs à développer cette offre légale. Nous proposons que la HADOPI rende compte, dans un rapport annuel, du développement de l'offre légale. Cette publicité est très importante.

À propos du sous-amendement précédent [n° 216], je voudrais préciser que la périodicité de la révision permettra à la HADOPI de contrôler – plutôt que de surveiller comme vous dites que le label qu'elle a donné est toujours conforme à la légalité. Un décret fixera cette périodicité.

En tout état de cause, nous ne sommes pas là pour sanctionner les gens, nous sommes là pour rassurer les honnêtes gens, vous oubliez cet aspect. Avec ce label, ils se diront qu'ils peuvent faire confiance, c'est tout.

[...]

Ce sous-amendement, qui reprend un amendement voté par la commission, prévoit que l'HADOPI identifie et étudie les pratiques de piratage et qu'elle propose, le cas échéant, des solutions visant à remédier à ces pratiques. Les progrès constants de la technologie et les difficultés que ces progrès posent au regard de la mise en œuvre effective de la riposte graduée imposent de renforcer la mission d'observation du piratage de la Haute autorité.

La loi ne doit pas courir après la technologie, mais s'inscrire dans la durée. Nous sommes bien conscients, à la commission des affaires culturelles, que les choses peuvent, en matière de délinquance astucieuse, évoluer très vite à la suite de ruptures technologiques.

C'est pourquoi j'ai souhaité, avec la commission, affirmer clairement que le législateur n'attend pas de l'HADOPI une observation purement statique du piratage, par exemple via les réseaux de pair à pair. Nous voulons, par ce sous-amendement, renforcer la solidité de la loi face aux évolutions techniques en couplant la neutralité technologique, qui inspire ce texte, à une fonction de veille technologique permettant à l'HADOPI d'agir efficacement et durablement pour protéger les droits de la propriété intellectuelle sur Internet. On peut protéger les droits tout en respectant la liberté. Il n'y a pas de liberté sans droits, je le répète. Vous parlez en permanence de liberté d'échange ; je vous réponds, quant à moi, qu'il n'y a pas de liberté sans droits !

M. Alain Suguenot[modifier]

Il est vrai que cet article pose problème ; et à cet égard, l'alinéa 67 n'éclaire pas le débat. Nous créons une nouvelle prescription en droit français, puisque la prescription de la contravention est actuellement d'un an, que celle du délit est de trois ans, la prescription pour les peines délictuelles passibles de 300 000 euros d'amendes et de trois ans d'emprisonnement prévues par la loi DADVSI relevant elles-mêmes du droit commun de la prescription, soit trois ans.

En limitant la prescription à six mois pour la contrefaçon, on accorde, par cette novation, une prime au contrefacteur, qui ne pourra pas être poursuivi au-delà de ce délai. Vous reconnaissez vous-même, madame la ministre, que la loi DADVSI est cumulative avec le dispositif HADOPI. Les moyens de preuve réunis par les ayants droit privés, ou plutôt par leurs agents, lesquels n'offrent aucune garantie quant à la preuve elle-même, pourront aussi bien servir dans un procès pénal en contrefaçon que dans la procédure administrative que vous créez.

Ma question est donc la suivante : ce délai est-il une novation dans la prescription ? Considère-t-on que le délit de contrefaçon est prescrit au bout de six mois ?

[...]

Le projet de loi crée une prescription d'une durée nouvelle – six mois –, dérogatoire au droit pénal où les prescriptions minimales sont de un an ou trois ans. Or je ne vois pas comment on pourra faire la différence entre les faits constitutifs de la contrefaçon et ceux qui seront à l'origine du téléchargement illégal. Les faits seront les mêmes ; seule leur interprétation qui fera la différence, ce qui déjà relève d'un procès d'intention.

Qui plus est, la prescription de six mois aura des effets pervers : non seulement elle pourrait rendre prescriptibles des faits très graves si les personnes incriminées invoquent la nouvelle loi devant le juge judiciaire, mais elle risque d'inciter des ayants droit à poursuivre pour contrefaçon afin de passer outre la prescription de six mois et de revenir à la prescription de trois ans. En l'état, le projet créerait donc une insécurité juridique grave.

Mais revenons sur la loi DADVSI. Vous nous avez dit, madame la ministre, que les deux textes seront cumulatifs. Mais n'oubliez pas que l'article 24 de la loi DADVSI a été censuré par le Conseil constitutionnel, ce qui n'a maintenu que les sanctions pour le délit de contrefaçon – trois ans de prison et 300 000 euros d'amende. La moindre des choses, du fait de cette nouvelle prescription de six mois, serait d'amnistier les petits délinquants, qui, sinon, seront encore poursuivis en vertu de la loi DADVSI, dans le cadre de la prescription triennale. Mon amendement n° 494 vise donc, par cohérence, à amnistier les internautes poursuivis dans le cadre de la loi DADVSI en leur appliquant la prescription de six mois. Il a pour objectif d'apporter une cohérence entre la loi de 2006, la prescription nouvelle introduite à l'alinéa 67 et le souci de graduation que vous affichez. Je ne vois pas pourquoi le délinquant d'hier ne pourrait pas bénéficier de la réponse graduée à partir du moment où il n'a pas été jugé et condamné.

[...]

Mon amendement n° 312 est ainsi rédigé : « Aucune sanction ne peut être prise en l'absence d'une offre légale de l'œuvre phonographique, protégée par un droit d'auteur ou un droit voisin, téléchargée. » Je l'ai repris dans un amendement n° 498 qui précise : « et alors même que l'auteur ou ses ayants droits y auraient consenti. »

La pire des choses serait de pouvoir télécharger d'une manière « légale » tout simplement dès lors que l'auteur n'aurait pas précisé s'il était consentant ou pas. Le problème, c'est qu'un auteur qui n'aurait pas souhaité mettre ses œuvres sur Internet pourrait être piraté. C'est la raison pour laquelle j'ai modifié l'amendement n° 312 et proposé l'amendement n° 498.

Mme la ministre sera d'accord sur ce point : l'offre légale doit s'étendre le plus possible si l'on veut que les internautes et les créateurs puissent avoir les mêmes intérêts. L'œuvre des Beatles, par exemple, n'est pas téléchargeable sur un iPod pour des raisons d'interopérabilité. La moindre des choses est d'avoir un accès plus large, quel que soit le support, mais à condition que l'auteur ait consenti à la mise en ligne de son œuvre.

[...]

Je renonce à l'amendement n° 312 au profit de mon amendement n° 498, dont nous discuterons plus tard. Ce dernier répond aux préoccupations du rapporteur, puisqu'il vise les seules œuvres phonographiques, non la chronologie applicable au cinéma, et sous la réserve expresse du consentement de l'auteur ou de ses ayants droit.

[...]

Nous sommes là au cœur du débat. Je ne vois pas en quoi mon amendement ferait exploser le système. Non seulement ce n'est pas son but, mais il vise au contraire – tel est en effet notre souci commun – à permettre une offre légale aussi large que possible. Le droit d'auteur est sacré, on l'a dit. Si l'auteur consent à ce qu'on télécharge ses œuvres, la moindre des choses est que l'on respecte sa décision. Si l'on commence à considérer que l'auteur n'a pas son mot à dire, c'est le principe même de la loi qui est mis en cause. Cela signifierait qu'elle n'est pas là pour protéger la création ou les auteurs, mais pour une autre raison que je préfère ne pas imaginer.

M. Didier Mathus[modifier]

Sur l'amendement [n° 428], nous avons entendu les propos de la ministre. Et nous avons finalement une forme de compassion pour elle. Elle est en effet chargée de défendre un projet qui prend l'eau de toute part : tel le Radeau de la Méduse, il est chaque jour un peu moins en état de flotter. Depuis le début de cette discussion, elle énonce des contrevérités avec beaucoup de détermination, peut-être glissées, comme le craignait Jean-Pierre Brard, par le souffleur officiel.

En tout état de cause, madame la ministre, vous ne pouvez pas vous prévaloir des exemples étrangers. Tous les pays qui avaient envisagé un dispositif similaire y ont en effet renoncé les uns après les autres. La Nouvelle-Zélande l'a annoncé officiellement la semaine dernière. Il en est de même de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne. Le système ne fonctionne que sur une relation contractuelle entre les ayants droit et les prestataires de services. Le ministre de l'intérieur anglais a fermement écarté l'idée que l'État puisse se prêter à des opérations consistant à aller pourchasser les adolescents dans leur chambre, pour reprendre ses termes. Aux Etats-Unis, cela ne fonctionne également que sur des relations privées, contractuelles avec les opérateurs de services compte tenu de ce qu'est l'autorité de régulation.

Il ne faut donc pas dire de contrevérités : tous les pays abandonnent, les uns après les autres, ce système. Seule la France persiste, comme on l'avait déjà vu avec la loi DADVSI, il y a trois ans. C'est peut-être parce que nous avons un Président de la République qui aime les artistes. Mais quels artistes ? Ceux du Fouquet's ?

Il veut imposer une loi, non pas de création sur Internet, mais de protection de monopoles à bout de souffle. Voilà la réalité !

[...]

Avec cette tentative de labellisation officielle des sites « autorisés », nous frôlons le grotesque. Après le GOSPLAN et la police privée qui va chasser les délinquants sur Internet, voici réinventé le ministère de la propagande, qui va délivrer sa vérité officielle et apposer son tampon sur les sites autorisés ! Que nos collègues de la majorité y réfléchissent à deux fois : le tampon officiel de la HADOPI sera le plus efficace des répulsifs pour la jeunesse. Il suffira qu'un site soit labellisé HADOPI pour qu'elle considère qu'il délivre la vérité officielle et n'est donc pas fréquentable.

Ce dispositif est totalement voué à l'échec – cela ne peut échapper à quiconque réfléchit deux secondes. Labelliser les bons sites est techniquement impossible ; cela nécessiterait plusieurs dizaines d'inspecteurs chargés de distinguer chaque jour – car Internet évolue quotidiennement – les contenus légaux des contenus illégaux.

Il y a des milliers de sites d'interprètes, d'auteurs, de créateurs, qui donnent accès à des contenus. Imaginons le spectacle de centaines de contrôleurs, en uniforme je suppose, en train de vérifier ce qui se passe sur le Net ! C'est aussi grotesque qu'irréalisable.

Réfléchissez : à l'ère où Internet a dynamité la hiérarchisation des informations et permis une véritable libération, comment imaginer une vérité officielle, une autorité d'État qui impose son tampon sur les sites autorisés ? Ce n'est pas raisonnable !

[...]

Au fil des sous-amendements nous mesurons à quel point cet amendement [n° 50] de la commission est dangereux. Il part de l'illusion que le Net serait national et qu'il s'arrêterait aux frontières – comme si, lorsque l'on ouvre son ordinateur et que l'on se branche sur le web, on ne consultait pas de sites émanant d'autres pays !

C'est surtout une absurdité qui, bien sûr, n'a techniquement aucune chance de prospérer !

Nous avons eu l'épisode « labellisation » : un tampon sera mis sur les sites autorisés, selon un cahier des charges que l'on ignore. Faudra-t-il une proportion minimale de chansons de M. Barbelivien ou de quelque autre artiste pour obtenir l'autorisation ? On voit bien le côté ridicule de cette tentative, mais aussi ce que la démarche a de pernicieux, car attentatoire au principe de liberté du Net. Nous avons maintenant le deuxième épisode, encore plus inquiétant : c'est l'expérimentation du filtrage. On a parlé de la Chine tout à l'heure ; je ne vois pas où est la différence, puisqu'il s'agit avant tout de stopper un certain nombre de contenus. On peut d'ores et déjà deviner le résultat de cette mission, si elle était confiée à l'HADOPI, qui dépendra de l'industrie du disque et du cinéma, tant la puissance financière d'Universal et de quelques autres est sans commune mesure avec celle des acteurs modestes qui sont aujourd'hui le sel et la substance d'Internet, qui offrent la possibilité de découvrir des œuvres non standardisées, non formatées par l'industrie culturelle.

Vous allez tuer tout cela avec votre système de filtrage sous label officiel, et vous voudriez, de plus, écarter l'ARCEP de toute capacité de contrôle sur ce sujet. C'est le monde à l'envers ! Les fournisseurs d'accès ont pu se développer depuis dix ans en appâtant les clients, en leur donnant accès à la culture et aux échanges. Au moment où l'on inverse la dynamique, et alors que le Gouvernement français a cette idée curieuse de vouloir labelliser, filtrer et, au bout du compte, interdire et sanctionner, il serait paradoxal de ne pas associer l'ARCEP, qui offrirait au moins quelques garanties quant à ces expérimentations de filtrage ont pour nous une résonance assez sinistre.

[...]

Les explications de la ministre et du rapporteur sont absolument confondantes. Par ces amendements, nous essayons d'éviter la double peine, le cumul de sanctions judiciaires et administratives, c'est-à-dire que nous essayons de protéger un tant soit peu nos concitoyens.

Le rapporteur, d'une façon involontairement comique, nous a expliqué, alors qu'il défend un système qui engendrera 10 000 mails et 3 000 lettres recommandées par jour, qu'il était impossible que les parquets transmettent à l'HADOPI les poursuites judiciaires engagées. Un minimum de sérieux, monsieur le rapporteur : ne prenez pas cette assemblée pour ce qu'elle n'est pas ! Et soyez un peu conséquent : dans le système excessivement compliqué, bureaucratique et liberticide que vous vous apprêtez à mettre en place, cela poserait relativement peu de problèmes de faire en sorte que quelques dizaines de procédures en cours soient transmises à l'HADOPI. L'argument n'a guère de poids.

Ces amendements [n° 250 et 432] ont le mérite de soulever un problème. Comme vous l'avez reconnu vous-même, le dispositif HADOPI ne remplace pas la DADVSI. C'est fromage et dessert : HADOPI plus DADVSI !

Je vous remercie d'avoir enfin dit que le dispositif que vous créez aujourd'hui ne va pas se substituer à l'ineffable loi DADVSI, qui s'est pourtant largement montrée inapplicable, mais va s'ajouter aux poursuites judiciaires que celle-ci avait prévues. Vous aggravez donc la situation.

En outre, avec la commission de protection des droits. c'est la première fois que le législateur va déléguer à une police privée, qui représente des intérêts privés, la capacité de poursuivre des gens et de les sanctionner administrativement. La commission de protection des droits représente l'ensemble de l'industrie musicale et cinématographique. C'est confier à un groupe d'intérêts la capacité de faire lui-même sa propre police. Il y a là quelque chose de très choquant ; c'était déjà envisagé dans la loi DADVSI, mais cela devient aujourd'hui extrêmement préoccupant. Cela n'a toutefois rien d'étonnant quand on sait que c'est le plus gros marchand de disques de France, M. Olivennes, qui a écrit la loi.

Il n'en reste pas moins surprenant que la ministre de la culture, qui devrait défendre la liberté de création, l'inventivité, l'imagination, en soit réduite à jouer les supplétifs de police.

M. Patrick Roy[modifier]

Madame la ministre, le début de cette séance nous plonge d'emblée dans l'ambiance répressive de votre texte. Tout comme M. Bloche, j'ai pensé, en lisant l'amendement de précision de Mme Billard, que le rapporteur le jugerait judicieux et qu'il proposerait que nous l'adoptions à l'unanimité. Hélas ! on sent bien que votre volonté est de sanctionner et de réprimer, sans établir aucun dialogue, puisque l'internaute soupçonné ne pourra même pas se défendre ni, comme nous l'avions proposé, appeler un numéro gratuit pour savoir ce qui lui est reproché.

Cette atmosphère est tout à fait inquiétante. Elle correspond d'ailleurs à l'état général du pays, où les libertés sont de plus en plus menacées

Je le dis comme je le pense ; c'est la vérité.

Nous continuerons à nous battre pied à pied pour protéger cette nouvelle liberté qu'est Internet et pour éviter que vous n'envoyiez la police aux trousses de tous les Français que vous jugeriez fautifs.

[...]

Le rapporteur, avec une voix qui se voulait pleine de bonne foi, quand bien même il a eu du mal à jouer la comédie, nous a expliqué qu'il ne pouvait accepter des amendements qui monteraient une usine à gaz et rendraient la loi inapplicable.

Depuis le début de nos débats, on voit bien, argument après argument, amendement après amendement, explication après explication de ceux qui connaissent Internet, que ce projet de loi est par essence tout à fait inapplicable. Tout au plus s'agit-il d'un gadget pour faire plaisir à quelques-uns. Je viens même d'apprendre que ce texte aurait été écrit par des industriels fort riches du monde de la musique.

Je ne peux à ce propos que déplorer l'absence de deux ministres du Gouvernement : nous aurions aimé entendre, évidemment, Mme le garde des sceaux, puisque nous touchons au domaine de la justice, et la nouvelle secrétaire d'État chargée du développement de l'économie numérique, étrangement absence de ces débats qui pourtant la concernent au premier chef.

Notre amendement n, o, 250 tend à éviter d'infliger une triple peine. Il est vrai que vous aimez les sanctions, madame la ministre, surtout à l'encontre des plus faibles... Quand il s'agit de patrons véreux, vous êtes autrement plus souple et moins regardante ! Patrick Bloche l'a bien montré, encore qu'il n'ait pas voulu en remettre une couche : en fait, il ne s'agit pas d'une double peine, mais bien d'une triple peine dans la mesure où il y aura une sanction administrative, une sanction financière et une sanction pénale.

Pour terminer, j'indique que, pour une fois, j'ai un désaccord avec mon collègue Didier Mathus : le maintien des deux lois, ce ne sera pas « fromage et dessert ». Je n'ai rien contre l'idée de réunir fromage et dessert : appréciant l'un et l'autre, j'applaudirais des deux mains. Malheureusement, mais ce sera plutôt soupe à la grimace et gâteaux secs – mais vraiment secs !

M. Christian Paul[modifier]

Je serai bref monsieur le président. Mon rappel au règlement concerne très directement l'organisation de nos débats, puisqu'il s'agit de l'accès au site assemblee-nationale.fr, par la magie duquel plusieurs milliers d'internautes peuvent suivre nos travaux en direct et en continu. Cet après-midi, j'ai transmis au président de l'Assemblée nationale, au nom du groupe socialiste, une lettre dans laquelle je déplore que le site de notre assemblée n'ait pas survécu, hier soir, à des milliers de connexions simultanées. C'est dire l'intérêt des internautes pour notre débat, auquel ils contribuent, du reste, en adressant en temps réel aux députés un certain nombre d'observations, souvent de bon sens et respectueuses des lois, pour témoigner de l'attention qu'ils portent à la manière dont nous allons faire évoluer le droit.

Je souhaiterais donc, monsieur le président, que vous me confirmiez que le président de l'Assemblée nationale a bien donné des instructions pour que le site de l'Assemblée soit en mesure de supporter des milliers de connexions simultanées, lesquelles contribuent à la vie de notre démocratie en portant à la connaissance du public les excellentes argumentations développées sur tous ces bancs. Tel est, monsieur le président, l'objet de mon rappel au règlement, qui, vous pouvez le constater, n'est pas redondant avec celui, par ailleurs tout à fait nécessaire, de Patrick Bloche.

[...]

Comme nombre de mes collègues, j'ai été intéressé et impressionné par la démonstration que vient de faire M. Tardy, qui a le mérite de donner un aspect très concret à notre débat. Comme il l'a dit, il y aura des mails fictifs de mise en garde et, dès lors, des infractions fictives. De la même façon que M. Tardy propose d'envoyer à Mme Albanel un mail estampillé « HADOPI », je pourrais proposer, si je ne craignais de le désigner à la vindicte populaire, que l'adresse IP de Frédéric Lefebvre soit mobilisée pour des téléchargements fictifs. Tout cela va se produire, madame la ministre : de nombreux groupes sont tellement ulcérés par le caractère injuste de cette loi qu'ils sont déjà en train de préparer des offensives de ce type. La saturation de votre usine HADOPI va déclencher un feu d'artifice de contentieux, et je suis très étonné que personne – ni vous-même, madame la ministre, ni le rapporteur – ne prenne au moins la peine d'essayer de rassurer l'Assemblée nationale et les internautes qui assistent à nos débats et ont besoin de comprendre comment votre machine va bien pouvoir fonctionner. J'aimerais beaucoup vous entendre sur ce point, madame la ministre.

[...]

Nous nous étonnons que le rapporteur persiste dans cette idée absurde de labellisation des sites Internet, en particulier de ceux dédiés à la musique. L'interruption de nos débats pendant quinze jours aurait dû lui permettre de prendre conseil, y compris auprès de certains de ses collègues de l'UMP, qui ont sur la question beaucoup de connaissances et de sagesse. Je m'étonne d'ailleurs du mépris dans lequel sont tenus, au sein de l'UMP, ces voix qui s'expriment avec technicité et précision.

Monsieur Lefebvre, ce n'est pas à vous que je pensais. Votre spécialité, bien réelle, est d'une tout autre nature.

À cette cathédrale de l'informatique bureaucratique qu'est la loi HADOPI, vous rajoutez en permanence des clochetons supplémentaires.

C'est d'abord la labellisation, proposée par le Sénat, labellisation que vous étendez à présent aux sites non commerciaux, soit des centaines de milliers de sites qu'il faudra surveiller, contrôler et éventuellement labelliser, sans qu'on ait encore très bien compris comment vous comptez vous y prendre.

Si on est optimiste sur la labellisation de l'offre légale par la HADOPI, on parlera de société d'encouragement ; si on est plus inquiet, ce qui est notre cas, on parlera d'officine de propagande et de censure, qui échappe à tout contrôle, car la HADOPI va se voir confier en la matière un pouvoir exorbitant. M. Riester nous dit que seuls les sites volontaires seront labellisés. Peut-être suis-je épuisé par ce débat absurde, mais j'ai relu trois fois son amendement sans y trouver d'explication sur ce volontariat. Si le rapporteur l'a sous-amendé oralement, qu'il nous apporte donc quelques précisions.

Enfin, on nous a dit tout à l'heure qu'un site légal était un site qui rémunérait bien les artistes. Mais nous connaissons tous des sites, de grands sites originaires d'outre-Atlantique, qui rémunèrent fort mal les artistes, quand ils les rémunèrent, et je ne parle même pas des interprètes, encore plus mal lotis. Certains sites se comportent comme de véritables pompes à finances, y compris des sites « universels ».

Les artistes et les auteurs y retrouvent fort peu leur compte, monsieur Lefebvre, ce qui nous incite à penser que ce n'est pas eux que vous défendez réellement.

Voilà pourquoi cette labellisation, outre qu'elle est inapplicable, nous inquiète. Nous condamnons l'esprit dans laquelle elle est imaginée, et l'amendement de M. Riester nous paraît ajouter de la confusion là où ce texte aurait besoin d'être simplifié. Qui sait : à force de le simplifier, peut-être pourrions-nous le voir disparaître...

[...]

Je regrette que nos collègues de l'UMP, tels un banc de poissons, quittent l'hémicycle au moment où nous abordons une question très sérieuse et très grave.

Dans ce cas, ma chère collègue, nous allons demander une suspension de séance !

Je sais bien que vous nous écoutez, monsieur le président, et je connais l'intérêt que vous portez à ce débat ; mais, comme nombre de ceux qui nous regardent, je regrette que, par un effet d'accordéon, l'hémicycle se remplisse quand il s'agit de voter et se vide sitôt qu'on en vient aux questions de fond.

L'amendement n° 251 est très important, car, sans cautionner un instant l'économie générale de cette loi répressive, nous nous efforçons d'apporter des garanties aux internautes et aux personnes qui pourraient faire l'objet des sanctions de la Haute Autorité.

Quand il s'agit de procéder à la coupure de la connexion internet, les faits qui sont sollicités doivent être graves, précis et concordants, et démontrer l'intention fautive de l'abonné ou de la personne concernée par la recommandation, voire par la sanction.

Dans la mesure où il faut identifier une infraction, au moins faut-il qu'il y ait une intention fautive. Votre système, madame et messieurs les rapporteurs, va placer dans l'insécurité juridique des centaines de milliers d'internautes, pour toutes les raisons que nous avons expliquées cet après-midi, sans qu'il soit demandé à la Haute Autorité de rechercher une intention. C'est l'intentionnalité qu'il faut prendre en compte.

Mes collègues Patrick Bloche et Martine Billard ont déjà exposé les arguments qui concernent la caractérisation du délit, mais vous n'avez pas répondu sur ce point, madame la ministre. Sur quels éléments se fondera réellement la HADOPI ? Vous parlez d'un délit distinct du délit de contrefaçon : la non-sécurisation de la connexion internet. Au fond, ce que nous voulons vous amener à inscrire dans la loi – si, par malheur elle est votée –, c'est que l'intention de télécharger illégalement doit être caractérisée. Sur quel élément de preuve allez-vous fonder les décisions ? Ce sont probablement des traces de téléchargement, mais nous avons démontré à plusieurs reprises que ces éléments ne permettent pas de supposer que la connexion de l'abonné n'est pas sécurisée. Nous voulons donc vous amener à donner une définition précise, dans laquelle soit mentionnée l'intentionnalité de laisser la connexion non sécurisée. Ainsi, nous remettrons un peu d'état de droit, de garantie et de protections pour les futures victimes. Monsieur le rapporteur, tout à l'heure, vous sembliez choqué par cet amendement. Mais cette loi mal ficelée va faire des centaines de milliers de victimes.

Cela n'a jamais été sérieusement démontré. Si nous voulions prendre un peu de temps pour avoir une discussion sérieuse, madame la ministre, nous pourrions démontrer que 80 ou 90 % des faits qui sont aujourd'hui reprochés à ce que vous appelez indûment le piratage ce sont des réseaux tout à fait extérieurs à l'activité de téléchargement à des fins non lucratives ; comme de nombreuses études le prouvent, mille autres raisons entrent en ligne de compte.

On sent aujourd'hui une véritable coalition contre cette loi qui n'impose même pas de démontrer l'intention fautive de ceux qui pratiquent le téléchargement. C'est pour toutes ces raisons que des artistes se mobilisent aujourd'hui. Contrairement à ce que vous prétendez, madame Albanel, tous les artistes ne sont pas dans votre camp !

Peut-être M. Johnny Hallyday, contribuable bien connu qui sera payé un million d'euros pour chanter le 14 juillet, est-il favorable à cette loi ..., Si cela n'enlève rien à ses qualités artistiques, cela n'ajoute rien à ses qualités civiques !

Bon nombre d'artistes sont contre cette loi. Il y en a en Grande-Bretagne et, ils se sont manifestés par centaines ces derniers jours, il y en a aujourd'hui en France. Hier, c'était Kali, cet après-midi, c'était l'un des membre du groupe Daft Punk. Il y a aujourd'hui des artistes qui commencent à avoir le courage de s'exprimer contre cette loi, pour les raisons que nous venons d'exposer.

M. Jean-Louis Gagnaire[modifier]

Madame la ministre, j'ai été particulièrement choqué par vos propos. Vous laissez entendre que ceux d'entre nous qui s'efforcent de faire valoir leur point de vue sereinement seraient des défenseurs des délinquants du Net, ce qui n'est pas acceptable.

Je tiens à l'affirmer de la façon la plus vigoureuse qui soit : il n'y a pas, dans cet hémicycle, d'un côté ceux qui défendraient les artistes, de l'autre ceux qui défendraient les délinquants du Net.

Nous défendons les artistes au moins autant que vous...

Bien sûr qu'on aime les artistes, et notamment les artistes débutants qui ont besoin du Net pour se faire connaître et vendre leurs disques !

Certains de nos collègues n'ont toujours pas compris comment les choses se passent dans notre pays. Nous tentons de l'expliquer depuis le début de ce débat : le présent texte sera inapplicable et servira au final à prendre les petits poissons tout en laissant passer les vrais délinquants.

Les vrais délinquants du Net échapperont en effet à tous les contrôles que vous évoquez car ils trouveront des parades.

Quand avez-vous ouvert un e-mail pour la dernière fois, ma chère collègue ?

Non, on ne défend pas les délinquants du Net. Nous sommes simplement quelques-uns, ici, à bien connaître le dossier.

Nous tentons donc de vous alerter sur certains points. Il ne s'agit pas d'un clivage droite-gauche. Dans cette affaire, il y a ceux qui sont dans le coup et ceux qui sont, !

[...]

À défaut de suppression de l'amendement [n° 50] tout entier, on peut effectivement se replier sur ce sous-amendement.

À trop vouloir mettre en avant une culture officielle, vous allez engendrer une contre-offensive des acteurs du Net.

Je vais vous raconter une histoire – brièvement.

Il se trouve que j'ai, il y a quelques mois de cela, remis un prix à une jeune Danoise qui a conçu un système qui permet de contourner la censure de Google en Chine. Vous n'ignorez pas que Google a eu quelques ennuis.

Dans un souci de liberté d'expression, cette jeune informaticienne a souhaité mettre au point ce dispositif qui ajoute des fautes d'orthographe de manière automatique, afin de contourner la censure.

C'est dans le cadre d'une biennale du design que je lui ai remis ce prix, et c'était avec beaucoup de plaisir : j'ai eu le sentiment de remercier à ma manière une jeune personne qui contribuait à développer les libertés publiques sur l'ensemble de la planète.

Autant dire que si nous nous lançons dans l'aventure que vous proposez, des systèmes naîtront qui permettront soit de saturer les sites officiels, soit au contraire de faire émerger mille autres sites. Vous ne mettez en place qu'une illusion.

La distorsion de concurrence sera, de plus, réelle : certains, les plus forts, les plus actifs, auront le label officiel. Les jeunes artistes qui ont produit un seul disque et qui lui donnent le statut de logiciel libre ont tout à fait autre chose à faire...

Cela ne les concerne pas ! Ce n'est pas comme cela qu'ils souhaitent exister.

Soyons raisonnables : puisque les sous-amendements de suppression ont été rejetés, acceptons celui-ci.

[...]

Je suis confondu par les explications que nous venons d'entendre. Si nous ne votons pas cet amendement, le téléchargement d'œuvres libres de droits ne sera plus possible. Ces œuvres sont nombreuses : dans le domaine de la musique, ce qui est téléchargeable en payant représente une infime partie de l'ensemble de ce qui est téléchargeable ; nous sommes dans un rapport de 1 à 10 000. Cela mettra les étudiants en musicologie, par exemple, dans de grandes difficultés. L'éducation nationale elle-même préconise le téléchargement d'œuvres libres de droits pour certaines études. Faites très attention à ce que vous allez voter, mes chers collègues, ne cédez pas aux pressions exercées par le rapporteur. Nous risquons de bloquer le système. Le bon sens exige que l'amendement n° 498 soit adopté.

M. Jean-Pierre Brard[modifier]

Monsieur le président, vous n'avez pas souhaité me donner la parole tout à l'heure alors que je l'avais demandée, mais je ne peux croire qu'il s'agit là d'une discrimination à l'égard du groupe GDR.

Toutefois, si cela devait se reproduire, il faudrait tout de même se rendre à l'évidence.

Il a été question, tout à l'heure, de la qualité de notre dialogue. Il est très important, lorsque l'on dialogue, que l'on se tienne face à face. Comme souvent dans notre pays, dès lors qu'il est question de protection des libertés, nous ne sommes pas divisés par le traditionnel clivage gauche-droite, mais séparés entre ceux qui partagent certaines valeurs – celles qu'a exprimées Lionel Tardy, et auxquelles j'adhère – et les autres.

Pour ce qui est du déroulement de nos travaux, je vous avoue être très perturbé, madame la ministre, de voir l'un de vos collaborateurs vous parler sans cesse à l'oreille. Même s'il s'agit, ce dont je ne doute pas, d'un fonctionnaire d'une grande qualité, il est assez gênant de constater que, depuis le début de notre débat vous montrez une nette préférence pour ce mode de communication consistant en une espèce de dialogue à trois, alors que vous devriez privilégier le dialogue direct avec les parlementaires. Je ne vous cache pas qu'à force, cela me gêne et me stresse.

[...]

Ce débat est irréel. Il suffit d'écouter avec attention les uns et les autres pour comprendre que ce système est impraticable. Mais, plus choquant encore, on institue une sorte d'art officiel, en donnant une sorte d'imprimatur.

Eh oui ! Nous sommes quelques-uns à avoir suffisamment combattu ce qui se passait ailleurs pour ne pas l'introduire chez nous.

Je vois M. Lefebvre sourire...

Monsieur Lefebvre, je vous croyais le fils spirituel de Nicolas Sarkozy ; en réalité, vous êtes le fils spirituel – et probablement illégitime – de Leonid Brejnev. Voilà la réalité !

Grâce à l'inventivité de M. Riester, vous voulez enrégimenter...

Vous souriez, mais on tire les leçons de l'histoire ou on ne les tire pas ; et quelqu'un disait que lorsqu'elle se répète, c'est en farce. Mais cette répétition peut aussi être tragique.

Vous devriez vraiment, je crois, écouter vos propres collègues de la majorité. On ne peut pas les soupçonner de parti pris idéologique ; ils partent de la réalité. Mais je sais bien qu'à toujours citer MM. Dionis du Séjour et Tardy, nous risquons de leur nuire.

Au rythme où vont les choses, c'est bientôt le secrétaire du comité central de l'UMP qui donnera l'imprimatur !

[...]

C'est le comble : le rapporteur se déclare d'accord à 100 % avec notre collègue Dionis du Séjour alors que celui-ci vient de dire le contraire de ce qu'a dit Mme Marland-Militello !

On voit bien votre gêne.

Madame Marland-Militello, vous avez dit quelque chose de très important tout à l'heure, vous avez dit que cela permettrait de retirer le label à ceux qui ne respecteraient pas les règles.

Mais, madame Marland-Militello, les choses changent tous les jours. Qu'entendez-vous par « périodiquement » ? La labellisation devra être revue de façon quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, toutes les heures ? On est en plein Kafka !

Au Vatican, les œuvres que l'on veut soustraire sont inscrites à l'Index – je ne parle pas de l'index du Pape où on met le préservatif, je parle de la liste noire des œuvres qui ouvrent les portes de l'enfer. Voilà ce que vous proposez, parce que vous avez peur des libertés.

Vous voulez tout enrégimenter.

Vous parliez d'idées fausses tout à l'heure. Vos idées à vous sont des idées liberticides.

Comme je le faisais remarquer en aparté à ma collègue Martine Billard, certains parmi vous sont libéraux et conséquents, mais la plupart d'entre vous n'êtes même pas des libéraux.

Vous êtes des gens de droite, obtus...

Vous agissez comme les fées de la nuit dans la flûte enchantée venues cadenasser la bouche de Papageno.

[...]

Ces réponses sont en effet déconcertantes. Il en faut beaucoup pour nous déconcerter, mais Mme la ministre atteint des sommets. Voilà qui augure bien de la suite ! Elle nous assure que l'ARCEP et l'HADOPI se parleront, et cela paraît si évident qu'il n'est pas utile d'articuler leur travail. C'est invraisemblable : pourquoi refuser d'introduire dans la loi ce qui semble aller de soi ? Les traits tourmentés du rapporteur trahissent bien sa gêne.

En l'espèce, nous voulons prévenir tout risque de porter atteinte à la neutralité des réseaux. Les expérimentations dont il a été question présentent un intérêt général : elles portent sur le degré d'innovation de ces réseaux, sur leur viabilité économique, sur leur impact sur le développement de la production française et européenne des services de télécommunication et de communication au public, et sur leur impact potentiel sur l'organisation sociale et le mode de vie. L'association de l'ARCEP serait une garantie supplémentaire contre le risque d'atteinte à la neutralité des réseaux qu'introduit le texte.

Madame la ministre, vous ne vous en sortirez pas par des circonlocutions ou des réponses laconiques. Argumentez ! Essayez de nous convaincre ! Si votre point de vue est solide, nous vous écouterons et nous réagirons. J'ajoute que l'ARCEP pourrait opportunément jouer un rôle de veille en matière de diversité culturelle en ligne : elle pourrait prévenir le favoritisme de tel fournisseur d'accès envers un partenaire commercial, comme l'a suggéré M. Tardy.

Vous avez refusé que des membres de la CNIL siègent au sein du collège et de la commission. Vous avez fait voter un amendement visant à ce que le président de l'HADOPI soit, dans les faits, désigné par sa majesté impériale. Le refus des sous-amendements en discussion ne ferait que confirmer votre volonté délibérée d'organiser, sous couvert de protection de la création, ce qu'il faut bien appeler d'un mot trivial le flicage des réseaux. Voulez-vous servir des intérêts mercantiles et obsolètes ? Contrôler toutes les communications électroniques des internautes ? Quelle raison vous pousse à vous arc-bouter ainsi sur vos positions ?

Mme Martine Billard[modifier]

Avant de présenter mon amendement [n° 351], je veux souligner combien il est important que nos concitoyens s'intéressent à un débat parlementaire. Nous nous plaignons souvent que nos discussions rencontrent peu d'écho dans le pays. Or, ainsi que vient de le rappeler Christian Paul, l'examen de ce texte est suivi très attentivement par un certain nombre de nos concitoyens, qui nous font connaître leurs arguments, pour ou contre le texte – arguments qui sont d'ailleurs très élaborés –, et nous transmettent des informations techniques que nous ne maîtrisons pas forcément.

L'alinéa 56 de l'article 2 concerne les missions de la commission de protection des droits, qui sera l'une des instances de la HADOPI. Ainsi, si une adresse IP est soupçonnée d'avoir servi à un téléchargement abusif, il est prévu que les opérateurs transmettent à la commission les données personnelles de l'internaute auquel est supposée correspondre cette adresse – laquelle, je n'y reviens pas, n'est pas un élément si sûr que cela.

Parmi ces données figurent, aux termes de l'alinéa 56, « les coordonnées téléphoniques de l'abonné », que je propose de remplacer par « les coordonnées téléphoniques de la connexion Internet ». Un abonné peut, en effet, disposer de plusieurs lignes téléphoniques, fixes ou mobiles, et il serait abusif que soient transmises à la commission des données personnelles qui n'ont rien à voir avec l'acte commis, d'autant que, selon de nombreux rapports, un tiers des mises en cause ne correspondent pas à des faits réels. Il s'agirait donc d'un abus au regard de la protection des données privées – et il serait d'ailleurs intéressant de connaître l'avis de la CNIL sur ce sujet.

J'espère, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que vous accepterez cet amendement de bon sens.

[...]

Je suis sidérée. En effet, cette disposition permettra à la commission de recueillir, au début d'un processus de sanction – que vous avez nommé la riposte graduée – des données personnelles, qui seront stockées dans un fichier. Comment pouvez-vous nous dire, madame la ministre, qu'il s'agit de faciliter des échanges fructueux avec l'internaute ? Nous sommes loin desBisounours, tout de même ! Encore une fois, il s'agit de ficher des personnes dont on suppose qu'elles ont commis un acte délictueux – que certaines d'entre elles n'auront d'ailleurs pas commis, puisqu'on a montré que les adresses IP pouvaient être piratées et ne pas correspondre à l'ordinateur de l'abonné.

Madame la ministre, lorsque j'ai expliqué, hier, qu'un internaute pouvait utiliser une adresse mail qui ne correspond pas à sa connexion Internet, vous m'avez répondu que ce n'était pas un problème, puisqu'il recevra une lettre recommandée. Aujourd'hui, je propose de préciser que les coordonnées téléphoniques transmises à la commission seront celles qui correspondent à l'accès Internet et vous me dites qu'il faut pouvoir joindre l'abonné !

Il en va tout de même du respect de la protection des données personnelles et de la vie privée.

Faut-il rappeler qu'il s'agit simplement d'avertir un internaute qu'il a peut-être réalisé un téléchargement illégal ? Nous ne sommes pas encore dans la phase judiciaire, dans l'antiterrorisme ! Que vous refusiez cet amendement de bon sens me paraît très significatif.

[...]

Madame la ministre, notre rôle, en tant que législateur, est d'éviter de faire des lois qui ne servent à rien. Je rappelle que la loi DADVSI, votée par la majorité et promulguée en août 2006, c'est-à-dire il y a deux ans et demi, n'a pu être intégralement mise en œuvre, certaines de ses dispositions s'étant révélées inapplicables. Procéder de la sorte ne peut aboutir qu'à déconsidérer le Parlement et chacun s'accorde, de part et d'autre de cet hémicycle, pour considérer que si les dispositions proposées en matière culturelle et de droit d'auteur ne sont pas efficaces, il vaut mieux en chercher d'autres ! Dans le cas contraire, nous risquons de donner l'illusion aux auteurs que leurs droits vont être défendus, alors que ce ne sera pas le cas.

Quant aux systèmes que vous dites efficaces dans d'autres pays, nous vous avons déjà expliqué, madame la ministre, que bon nombre de pays sont déjà revenus en arrière du fait des dysfonctionnements de ces systèmes.

Quand une loi provoque un tiers d'erreurs judiciaires – façon de parler, puisque les décisions sont rendues par une autorité administrative –, c'est bien qu'il y a un problème !

Un tiers d'erreurs, c'est tout de même beaucoup.

Avec l'amendement n° 428, le groupe GDR propose que la Haute autorité, dans le cas où elle aurait connaissance d'un délit, transmette au procureur de la République toutes les informations relatives à ce délit – conformément à l'article 40 du code de procédure pénale. Alors que, depuis le début, vous refusez l'intervention de l'autorité judiciaire, nous considérons pour notre part que la mise en cause de données privées rend nécessaire cette intervention, a fortiori dans une situation où l'absence de procédure contradictoire induit beaucoup d'incertitude.

Par ailleurs, à juste titre, les ayants droit ne seront pas informés de l'identité des personnes mises en cause. Toutefois, la loi DADVSI ayant été maintenue en l'état, les ayants droit et les représentants des auteurs qui considéreront que les droits de ceux-ci ont été bafoués pourront toujours introduire, parallèlement, une action judiciaire. De ce fait, une même personne pourra être poursuivie à la fois dans le cadre de la HADOPI et dans le cadre d'une procédure judiciaire. C'est là une raison supplémentaire justifiant que la justice soit informée par la HADOPI des procédures en cours.

[...]

L'amendement [n° 50] de notre rapporteur, c'est un peu « souriez, vous êtes listé ! » Monsieur Riester, vous avez beaucoup de talent pour enrober les amendements que vous proposez. En l'occurrence, je ne relèverai que la fin de l'alinéa 5 : « ainsi qu'à l'actualisation d'un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques. » Or cela revient à dire que les moteurs de recherche devront référencer parmi les premières les offres que la HADOPI aura labellisées.

Voilà ce que prévoit cet amendement ! C'est pour le moins étonnant de la part de défenseurs de la concurrence libre et non faussée. Celle-ci suppose en effet qu'il n'y ait pas d'autorité administrative, quasiment d'État, pour imposer aux moteurs de recherche les sites qui doivent apparaître en premier dans les listes recherchées par les internautes. Il y a là une atteinte au principe fondamental de neutralité de l'Internet. C'est une atteinte d'ailleurs à toutes les dispositions qui peuvent être prises au niveau européen.

Les consommateurs ont protesté, par l'intermédiaire de l'UFC-Que Choisir comme ont protesté des associations liées à Internet, telles que le Groupement des éditeurs de services en ligne, l'Association des services Internet communautaires ou l'Association de l'économie numérique, présidée par M. Pierre Kosciusko-Morizet, qui n'a rien d'un dangereux gauchiste. Le fait que ces associations considèrent que l'amendement du rapporteur constitue une atteinte à la neutralité d'Internet devraient faire réfléchir nos collègues de l'UMP à la manière dont ils vont voter, à moins que le Gouvernement ne rejette cet amendement ou que notre rapporteur le retire, tant qu'il est encore temps.

[...]

Je suis tout à fait d'accord : accepter ce sous-amendement [n° 167], c'est le minimum !

Internet dans un seul pays, monsieur le rapporteur, cela n'existe pas. Internet est mondial, et vous nous proposez une distorsion de concurrence qui n'est pas même acceptable au niveau européen ! Bruxelles pourra rappeler la France à l'ordre au motif que le référencement des sites par une autorité publique pose problème.

Vous nous racontez de belles histoires, monsieur le rapporteur, mais votre amendement dit : « la Haute Autorité attribue [...] un label [...]. » Regardez, c'est écrit !

« Elle veille à la mise en place ainsi qu'à l'actualisation d'un système de référencement de ces mêmes offres. » La HADOPI va-t-elle veiller à ce que Google et Yahoo – et j'en passe – actualisent leur système de référencement de manière à ce que les sites labellisés par la HADOPI soient mieux référencés par ces moteurs de recherche ? Franchement, dans quel monde est-on ?

Nous ne sommes pas loin, effectivement, des pays qui cherchent à contrôler Internet.

Monsieur le rapporteur, acceptez au moins cet amendement : vous êtes en train de vous ridiculiser !

Ce Gouvernement fait assez d'entorses aux libertés publiques. Il serait bon qu'il épargne Internet !

[...]

Je suis, comme mon collègue Jean Dionis du Séjour, assez obstinée. Franchement, je suis catastrophée de voir notre assemblée s'enfoncer dans l'absurdité.

Monsieur le rapporteur, vous oubliez le texte de votre amendement [n° 50], que nous avons pourtant été nombreux à relire – M. Tardy, M. Dionis du Séjour, moi-même. Vous y parlez bien de « système de référencement par les logiciels » donc par les moteurs de recherche.

C'est ce qui écrit. Si ce n'est pas ce que vous voulez dire, suspendons la séance pour vous laisser le temps de modifier la rédaction.

Si l'idée est qu'il y ait un site qui référence les offres, écrivez-le ainsi – même si, personnellement, je pense que cela fait un peu culture officielle.

En tous les cas, c'est moins ridicule que de dire que les moteurs de recherche vont référencer les offres qui auront obtenu le label de la HADOPI.

Au moins, ce serait plus cohérent que la proposition absurde que vous nous proposez.

Je parle du contexte. Je suis en désaccord mais j'essaie, en tant que législatrice, d'éviter les désastres. Or, non seulement on est en train de voter un texte qui n'a pas de sens, mais en plus on se ridiculise. C'est gênant.

[...]

L'alinéa 6 de l'amendement [n° 50] prévoit que l'HADOPI supervise l'évaluation du suivi des expérimentations. Or il existe une autre autorité chargée de la même mission : l'ARCEP. Pour éviter une redondance ou une contradiction entre ces deux instances, il paraît logique de prévoir qu'elles travailleront conjointement. On le comprend, ce sous-amendement constitue pour nous une proposition de repli, puisque nous sommes en total désaccord avec l'amendement lui-même.

Par ailleurs, je veux revenir sur la question de la légalité. Mme Greff a accusé tout à l'heure les députés de l'opposition d'être de quasi-délinquants ; mais, même quand on dit défendre le droit d'auteur, des dérapages peuvent se produire. C'est arrivé à certains membres de l'UMP. La chanson Kids du groupe MGMT a été utilisée au cours d'un meeting de l'UMP et diffusée sur Internet, ce qui témoigne d'un manque de respect du droit moral et du droit patrimonial. À la suite d'une erreur de manipulation, Mme la rapporteure pour avis a reproduit des logos sur son site sans l'autorisation de ceux qui détenaient la licence. Certes, l'utilisation d'une licence Creative Commons permettait de les utiliser sans verser de droits, mais qu'en est-il des droits moraux ? Dans le cadre d'un festival de l'affiche, M. Luc Chatel, maire de Chaumont et secrétaire d'État à la consommation, a exigé des auteurs un abandon total de leurs droits au profit de sa ville : les affiches auraient pu être présentées partout, reproduites sous n'importe quelle forme et mises en vente sans aucune contrepartie. Contraint de reculer face à la mobilisation des auteurs dénonçant ce contrat léonin, M. Chatel a dû ouvrir des négociations. Vous le voyez : il est facile de traiter les autres de délinquants, mais je vous engage à plus d'humilité. À quoi bon inventer un label officiel du ministère de la culture pour défendre le droit d'auteur, quand se montre, dans les faits, si peu capable ou si peu désireux de le respecter ?

[...]

Certains contenus qui circulent sur Internet posent effectivement problème : ceux, par exemple, des sites néo-nazis et des sites pédophiles. Or, jusqu'ici, aucun gouvernement n'a tenté de confier à une haute autorité la mission de labelliser des logiciels qui filtreraient les contenus pédophiles ou néo-nazis. Pourquoi, alors que les services de police, les autorités judiciaires, en France comme dans de nombreux pays, notamment européens, essaient pourtant depuis des années de lutter contre la circulation des informations véhiculées par ces sites qui portent atteinte, entre autres, à l'intégrité physique des mineurs ? Si aucune loi n'a été votée pour instaurer des dispositifs de filtrage contre ces deux types de sites que tous, ici, nous voulons combattre, il y a bien une raison à cela. La raison, c'est que la lutte à mener est une lutte au quotidien, une lutte de tous les instants, et que ce n'est pas en consacrant des millions d'euros à la recherche d'un illusoire procédé miracle que l'on trouvera des solutions !

Nous vous reprochons, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, de vouloir faire croire que vous allez défendre les droits des auteurs et améliorer leur rémunération grâce à des procédés qui n'existent pas et ne peuvent pas exister. Vous nous faites légiférer pour rien et vous allez dépenser de l'argent pour rien.

Il est préférable de mener de grandes campagnes pour promouvoir les téléchargements respectueux du droit d'auteur. Il faut aussi convaincre tous ceux qui diffusent sur Internet de la musique ou des films payants de baisser leurs tarifs. En effet, les coûts de diffusion sur Internet ne sont pas les mêmes que ceux des supports physiques, et la différence ne va pas, pour l'heure, dans la poche des auteurs, mais dans celle des intermédiaires. Nous devons, là-dessus aussi, nous battre.

Vous disiez, madame la ministre, qu'il se passe la même chose dans les autres pays. Or, en Angleterre, 700 musiciens ont demandé que cesse la criminalisation des consommateurs qui téléchargent, et se sont prononcés en faveur d'une démarche positive pour les convaincre d'arrêter de télécharger sans que les auteurs soient respectés. Ces 700 artistes ne sont pas n'importe qui : on peut citer, entre autres, Mick Jones des Clash, Nick Mason et David Gilmour des Pink Floyd...

Ce que vous essayez de faire ressemble au nuage de Tchernobyl qui s'était prétendument arrêté aux frontières de la France. C'est absurde ! Nous ne sommes plus à l'époque des diligences et des charrettes à chevaux !

Nous sommes à l'ère d'Internet !

Il est encore temps d'arrêter les absurdités de votre texte de loi ou, tout au moins, de les limiter ! Monsieur le rapporteur, retirez cet amendement totalement absurde et essayons d'améliorer les offres légales, qui respectent l'ensemble des acteurs. Ce sera bien plus intéressant que de se battre contre des moulins à vent !

[...]

Cet amendement [n° 429], proposé par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, précise que la commission de protection des droits, constituée au sein de l'HADOPI, agit sur la base d'informations qui lui sont transmises par le procureur de la République.

C'est cohérent avec ce que nous défendons depuis le début : la procédure doit passer par la voie juridictionnelle. Nous considérons en effet que, compte tenu de l'incertitude des preuves et de l'importance des sanctions prévues, il faut que la procédure soit contradictoire, c'est-à-dire judiciaire.

Par ailleurs, à l'heure actuelle, quand les sociétés d'auteurs relèvent des présomptions de téléchargements illégaux portant atteinte au droit des auteurs, elles transmettent à la justice les éléments en leur possession tendant à prouver l'existence du délit. La justice se saisit alors de cette demande et enquête pour vérifier que celui-ci est bien constitué ; cela lui permet d'obtenir les données personnelles du ou des internautes concernés et de décider, le cas échéant, de poursuites.

[...]

L'alinéa 67 de l'article 2 prévoit que la commission de protection des droits ne peut être saisie de faits remontant à plus de six mois. Nous proposons de réduire ce délai à un mois.

Si l'objectif de la loi est de faire cesser le plus vite possible les téléchargements abusifs, pourquoi attendre six mois ? C'est d'autant plus surprenant que, comme Mme la ministre me l'a répondu hier, c'est la commission de protection des droits qui sera chargée de l'envoi des mails d'avertissement aux internautes concernés.

Je comprends bien que, dans un premier temps, ce sera un peu difficile car les outils techniques manqueront, mais vous avez déjà lancé l'avis d'appel à candidatures pour la réalisation, l'hébergement et la maintenance du prototype du système d'information gérant le mécanisme de riposte graduée. Avis de publication des candidatures : 27 février. Remise des candidatures : 30 mars. Je suppose qu'elles ont été remises. L'ouverture des plis, et donc l'attribution du marché, devraient avoir lieu autour du 13 mai. Alors que nous n'avons même pas fini d'examiner la loi, l'appel d'offres pour sa mise en œuvre est déjà lancé. Cela arrive souvent, me répondrez-vous. Cela pose tout de même un problème de respect des prérogatives du Parlement.

Cela dit, puisque vous avez pris de l'avance, je pense que vous pouvez réduire le délai de saisine et faire en sorte que, s'il y a téléchargement abusif, il y soit mis fin le plus rapidement possible. Si vous attendez près de six mois, l'internaute dont l'adresse IP aura été usurpée aura du mal à rassembler les preuves de sa bonne foi. Et, s'il est responsable, il aura le temps d'effacer les indices : vous savez bien que ce n'est pas en apportant son ordinateur qu'on peut prouver qu'on a ou non téléchargé.

[...]

J'avais compris, monsieur le rapporteur, que la riposte graduée commençait par un mail d'avertissement lorsqu'on se rendait compte qu'un internaute avait téléchargé abusivement, et qu'on ne conservait ses données qu'à compter de ce moment-là.

Or, vous nous expliquez que le délai de six mois permettra de vérifier si l'internaute a récidivé et téléchargé plusieurs fois au cours des six mois. Cela veut donc dire que l'on aura conservé ses données depuis la première vérification, mais sans l'en avertir. Cela pose un problème de droit. Si l'on constate qu'il a procédé à un téléchargement illégal, il faut immédiatement l'avertir, sans attendre.

[...]

À l'heure actuelle, rien n'est prévu pour que l'HADOPI soit informée d'une saisine de la juridiction judiciaire et, inversement, l'autorité judiciaire n'a aucun moyen de savoir si une sanction administrative a été prononcée par l'HADOPI, dans la mesure où les ayants droit n'ont pas communication des données personnelles de l'internaute poursuivi, dont seule l'adresse IP est relevée.

C'est à raison que les ayants droit ne sont pas informés, mais il faut prévoir des garanties permettant de prévenir des poursuites cumulatives, à défaut de quoi nous serions confrontés à des situations abracadabrantes. Nous ne saurions pas quelle poursuite doit prendre le pas sur l'autre. Je crois d'ailleurs que le dispositif pose de graves problèmes au regard au droit communautaire.

[...]

Madame la ministre, vous avez apporté de l'eau à notre moulin.

Vous nous dites que les deux procédures doivent coexister parce qu'elles ne répondent pas aux mêmes faits. Dans le cadre de la loi DADVSI, il s'agirait de lutter contre la contrefaçon. Nous pouvons nous retrouver sur le fait que les personnes trafiquant de téléchargements illégaux doivent être poursuivies dans ce cadre. Mais il aurait pour cela fallu que vous proposiez une modification de la loi DADVSI limitant cette dernière à ce seul aspect.

Nous vous aurions suivie. Mais vous ne l'avez pas fait, et la loi DADVSI reste en l'état. Il sera donc possible de choisir soit la procédure de la commission de protection des droits, soit la procédure judiciaire. Or, comme les ayants droit ne savent pas, et c'est heureux, qui est la personne mise en cause devant la commission de protection des droits, ils pourront utiliser les deux procédures.

Madame la ministre, un automobiliste n'est poursuivi en justice que s'il provoque un accident. S'il a simplement commis une infraction par excès de vitesse, des points lui sont retirés sur son permis de conduire mais il n'est pas poursuivi au pénal. L'internaute, lui, pourra à la fois voir sa connexion à Internet suspendue pendant un an et être poursuivi au titre du délit de contrefaçon. Il y a donc bien double peine.

[...]

Madame la ministre, vous reconnaissez vous-même la création d'un nouveau délit : manquement à la protection de la connexion Internet. C'est déjà un peu osé : même les experts les plus confirmés sont incapables de garantir la protection de quelque connexion Internet que ce soit... Mais l'article L. 336-3 qui créé le nouveau délit n'évoque pas de manière générale le manquement à la protection de l'accès à Internet. Il précise : « La personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin ». Nous sommes bien dans le cadre du téléchargement visé par la loi DADVSI.

Nous avons donc bien deux textes prévoyant deux façons de poursuivre un internaute qui télécharge abusivement. De ce point de vue, l'amendement de notre collègue Suguenot a tout à fait sa place. Quand je vous entends, monsieur le rapporteur et madame la ministre, excusez-moi, mais je me demande si vous lisez les amendements !

Notre collègue [Alain Suguenot] a bien précisé que l'amendement [n° 494] visait les actes commis avant l'entrée en vigueur de la présente loi ; il ne s'agit donc pas de supprimer la DADVSI – malheureusement pour nous, d'ailleurs !

Dans sa dernière phrase, il précise en outre que l'amnistie « ne s'applique pas non plus à ceux qui se livrent à un usage commercial. » Autrement dit, les personnes poursuivies dans le cadre des mesures sur la contrefaçon de la loi DADVSI, parce qu'elles ont fait un usage commercial des œuvres protégées par des droits d'auteur après les avoir téléchargées, ne seraient pas concernées par cette amnistie.

Monsieur le rapporteur et madame la ministre, vous avez carrément évacué ce qu'ont écrit nos collègues Suguenot, Le Fur et Lezeau. Même si de petits points de rédaction auraient pu être discutés, je crois que leur amendement est bon, en ce sens qu'il essaie de purger une situation rendue absurde par l'entrée en vigueur de la nouvelle loi en distinguant ceux qui seront poursuivis au titre de cette nouvelle loi et ceux qui le seront dans le cadre de la contrefaçon, pour avoir fait un usage commercial d'un téléchargement illégal.

Pour le groupe GDR, je voterai donc cet amendement [n° 494].

[...]

Cet amendement [n° 433] propose de favoriser l'offre légale en prévoyant qu'en cas de rétention par les auteurs et donc de l'inexistence d'une offre légale d'une œuvre, les téléchargements ne seront pas sanctionnés s'ils sont utilisés dans un cadre privé et non pas commercial.

Cette absence d'offre légale peut concerner des œuvres anciennes ou des œuvres étrangères qui ont existé sur microsillon, qui n'ont pas été reproduites mais qui peuvent parfois se trouver sur Internet. Dans ce cas, elles ne sont pas mises à la disposition des internautes par les ayants droits mais par des personnes qui ont pu organiser la reproduction dans un but culturel plutôt que commercial.

[...]

Avec l'amendement n° 433, le groupe GDR, non plus que le groupe SRC, je suppose, n'entendait remettre en cause la chronologie des médias.

Il y a peut-être à cet égard un petit problème de rédaction.

L'amendement n° 433 propose d'insérer, après l'alinéa 68, l'alinéa suivant : « Aucune sanction ne peut être prise en l'absence de l'existence d'une offre légale des œuvres ou objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin. La Haute Autorité apprécie l'existence, l'accessibilité et le contenu de cette offre », de sorte qu'il appartient à la Haute autorité de juger du respect de la chronologie des médias – dans le cas d'une œuvre cinématographique – et de sanctionner les téléchargement qui y contreviendraient ou qui auraient lieu, dans le cas d'une œuvre musicale, avant que l'artiste ait eu le temps de diffuser son œuvre en ligne. Si l'œuvre est dans le domaine public depuis très longtemps, en revanche, le téléchargement ne sera pas sanctionné. Tel est le sens de notre amendement, qui, en laissant la Haute autorité apprécier en dernier ressort, prend en compte les remarques de Mme la ministre ; il ne porte donc pas atteinte aux droits des auteurs.

[...]

J'ai reconnu tout à l'heure que notre amendement n° 433 posait un problème de rédaction, puisqu'il faisait l'impasse sur la chronologie des médias. C'était, bien sûr, involontaire, et cela s'expliquait sans doute par le fait qu'il visait davantage la musique que le cinéma. Je retire donc l'amendement n° 433, pour éviter les erreurs et les faux débats.

Quant à l'amendement de M. Suguenot, je serais tentée de la sous-amender. Il dispose en effet qu'« aucune sanction ne peut être prise en l'absence d'une offre légale ». Ne faut-il pas préciser « une offre légale en ligne » ? Je ne pense pas qu'il y ait, sur ce point, de désaccord entre nous.

Je suis également très surprise par la réaction de Mme la ministre. L'amendement ne respecte-t-il pas le droit moral des auteurs ou des ayants droit ? Si ceux-ci consentent, cela signifie qu'ils ne demandent pas de rémunération spécifique. Dans l'idée de Mme la ministre, n'a-t-on le droit de donner accès légalement à des œuvres en ligne que si l'on passe par des intermédiaires tels que des plateformes qui, au passage, prennent une rémunération ? Il semble, madame la ministre, que votre action tende bien à cela : des auteurs n'auraient pas le droit d'accepter que leur œuvre soit mise en ligne si cela ne se fait pas par le biais d'un intermédiaire rémunéré. J'espère que vous allez donner une autre explication au rejet de l'amendement de notre collègue, qui paraît excellent.

M. Jean Dionis du Séjour[modifier]

Est-il possible de détecter un contenu illicite sur Internet ? Oui : il suffit pour cela d'analyser les empreintes des fichiers contenus dans les paquets qui transitent et de les comparer avec des empreintes légales. Est-il possible de contourner cette détection ? Tout autant, en cryptant les paquets, qui deviennent illisibles, ou en utilisant des proxys intermédiaires, qui permettent d'effacer l'adresse IP de départ. Nos collègues socialistes ont donc raison de dire que la HADOPI serait bien inspirée de s'organiser pour gérer les contestations, car elle seront nombreuses.

Cela étant, souhaitons-nous introduire un volet répressif dans la lutte contre le téléchargement illégal ? Le Nouveau Centre considère pour sa part que c'est utile, même si la solution retenue par la loi n'est pas parfaite ; c'est en tout cas la moins mauvaise et la plus proportionnée. Lorsque nous aurons à débattre de cette sanction, nous aurons d'ailleurs une solution alternative à soumettre à l'Assemblée. En attendant, si le parti socialiste ne veut pas de sanction, qu'il le dise clairement. Sinon, qu'il s'exprime sur les options qu'il défend en la matière.

Pour ce qui concerne l'amendement [n° 50] de notre rapporteur, je serai, moi aussi, prudent. Il faut d'abord oublier le système de référencement. Je vous souhaite en effet bonne chance pour rentrer dans les algorithmes de Google ! Aucune requête ne peut fonctionner sur l'opposition entre ce qui est légal et ce qui ne l'est pas.

Reste la question de l'offre légale. Labelliser une offre légale signifie que l'on vérifie que les droits d'exploitation de l'auteur ou des ayant droits sont bien respectés par les diffuseurs que sont les sites. C'est certes possible, mais cela implique de s'intéresser aux relations contractuelles entre le diffuseur et l'auteur ou les ayants droit.

Or, dans l'idée de lutter contre le niveau très élevé des prix, nous avions présenté, au début de notre discussion, des amendements qui allaient précisément dans ce sens et donnaient à la HADOPI le pouvoir d'examiner les relations contractuelles entre les ayants droit et les diffuseurs. Mais vous avez rejeté ces amendements. En proposant maintenant de labelliser les contenus légaux, vous êtes donc en pleine contradiction !

Nous avions également proposé que la HADOPI puisse saisir l'autorité de la concurrence, car nos collègues socialistes ont raison : ce n'est pas la HADOPI qui pourra déterminer le caractère concurrentiel ou non d'une offre, mais le juge ou l'autorité de la concurrence.

Cet amendement [n° 50] est donc imprudent, et nous serions bien inspirés de ne pas le voter.

[...]

Je voudrais aussi prendre mes distances avec cette idée de référencement.

On pourrait, à la limite, comprendre le souci du rapporteur de faire établir un annuaire de l'offre légale. Cela nécessite déjà un gros travail d'analyse de contrats : je ne suis pas sûr que les services auront la capacité de le faire. Mais cela peut éventuellement fonctionner.

Mais l'actualisation d'un système de référencement, dans le cadre d'Internet, c'est tout simplement une idée fausse. Aucun moteur de recherche n'acceptera de modifier ses algorithmes de recherche !

Comme l'a souligné Lionel Tardy, vous pourriez, grâce à des mots-clés sur des pages en cache, faire remonter les sites labellisés. Mais nous sommes ici au bord du ridicule ! Oublions cette idée de référencement.

À la limite, un annuaire pourrait avoir du sens. Mais ce que vous proposez là, franchement, c'est une grosse erreur. Je ne voudrais pas que l'Assemblée se ridiculise à ce point.

[...]

C'est un point important du débat, qui mérite qu'on prenne un peu de distance.

Madame la ministre, il faut que vous écartiez toute idée de bricolage et de traficotage du référencement sur Internet par les moteurs de recherche. Si vous voulez aider l'offre légale – c'est en effet une des faiblesses de ce projet de loi – alors, faites-le, prenez vos responsabilités et publiez un annuaire des sites d'offres légales en musique et en cinéma. Cela serait lourd et cher, mais cela aurait du sens. Mais prenez vos distances par rapport à tout ce qui pourrait constituer un bricolage du référencement sur Internet.

[...]

J'appuie ce que vient de dire Lionel Tardy. Le problème est bien celui de la consolidation des liens entre DADVSI et HADOPI, et vous ne pouvez pas le nier, madame la ministre. J'ai le code de la propriété intellectuelle sous les yeux : la question du téléchargement illégal et des petits contrevenants a déjà été traitée au moment de l'élaboration de la DADVSI. Or il y a bien une divergence entre la DADVSI et la HADOPI : c'est le téléchargement illégal. Vous avez l'obligation de clarifier ce point. Vous pourriez dire, comme Martine Billard vous l'a suggéré, que pour tout ce qui se rapporte au uploading, à la mise à disposition commerciale, y compris aux éditions de logiciels favorisant le peer-to-peer, la DADVSI s'appliquera. Il n'en reste pas moins que, pour le téléchargement illégal, il y aura deux lois, et vous ne vous en sortirez pas en expliquant que vous avez créé un délit non de téléchargement illégal, mais d'absence de sécurisation de l'ordinateur... Cela ne tient pas : bien évidemment, la faute qui sera condamnée, c'est le téléchargement illégal. À défaut de pouvoir l'établir que vous avez constitué un nouveau délit. Mais les tribunaux ne s'y tromperont pas : ils ne sanctionneront pas le défaut de ceinture de sécurité, mais bien l'acte de téléchargement. Dès lors, quelle loi s'appliquera ? Vous devez absolument consolider les deux dispositifs sur ce point, madame la ministre. C'est pourquoi je voterai l'amendement défendu par M. Suguenot.

[...]

Dans la même veine, l'amendement n° 51 propose une mesure propice au développement de l'offre légale. Au terme du processus, lorsqu'on arrive au moment de la sanction, dans ses éléments d'appréciation, la Haute autorité doit se demander : existe-t-il une offre légale en ligne ?

Nous avons la même réflexion que les collègues qui ont défendu les amendements précédents, mais il nous a semblé plus solide juridiquement de prendre cet élément en compte au moment de la sanction. En fait, cet amendement vise à imposer l'existence d'une offre légale comme critère de décision, lorsque la Haute autorité s'apprête à sanctionner le téléchargement d'une œuvre.

Il nous a semblé que cette approche était plus solide sur le plan juridique et plus pratique sur le plan matériel. J'invite mes collègues à se rallier à l'amendement [n° 51] de la commission des lois.

[...]

En l'état actuel, l'amendement n° 51 me semble le plus clair du marché. Je le maintiens donc, en attendant de prendre connaissance de l'amendement n° 498.

[...]

Pour apporter un peu de clarté dans le débat, je vais retirer l'amendement n° 51 et soutenir l'amendement n° 498. Au moins ne concerne-t-il que la musique : la question de la chronologie des médias ne se pose donc pas. Nous aurons ainsi fait un pas en stimulant l'offre légale de musique.

M. Franck Riester[modifier]

Madame Billard, il est important que la HADOPI dispose de tous les éléments nécessaires pour pouvoir entrer en communication avec le titulaire de l'accès Internet. C'est la raison pour laquelle la commission de protection des droits peut – ce n'est pas une obligation – demander au fournisseur d'accès à Internet l'adresse postale de l'abonné, pour lui envoyer une lettre recommandée si c'est nécessaire, ainsi que ses coordonnées téléphoniques, pour entrer en contact avec lui et évoquer ce téléchargement illégal.

Cette mesure vise donc à favoriser les contacts avec le titulaire de l'abonnement et à prendre en compte ses problématiques. Or il se peut que le numéro de téléphone auquel celui-ci est joignable ne soit pas celui de l'accès Internet. Encore une fois, il s'agit de favoriser les relations avec l'abonné. J'ajoute que toutes ces données seront gérées et surveillées dans le cadre de protocoles validés et contrôlés par la CNIL, afin que soit protégée la vie privée des abonnés.

[...]

Madame Billard, votre amendement [n° 428] est satisfait par l'article 40 du code de procédure pénale, que vous avez vous-même évoqué. Il est donc inutile de faire figurer dans le projet de loi que nous examinons une disposition qui existe déjà.

Par ailleurs, pour répondre à ce qu'a dit tout à l'heure M. Tardy, je veux souligner, comme l'a fait Mme la ministre, que le fait qu'il puisse exister des moyens de détourner la loi ne doit pas empêcher le législateur de s'efforcer de la faire respecter, y compris sur Internet. Ce n'est pas parce que certains circulent à 200 kilomètres à l'heure sur des portions de route où la vitesse est limitée à 50 ou 90 kilomètres à l'heure, que les pouvoirs publics ne doivent pas tout mettre en œuvre pour que la grande majorité des usagers respecte le code de la route.

Tâchons de prendre des mesures qui s'adressent à la majorité des internautes. Mme la ministre n'a jamais prétendu éradiquer le téléchargement illégal. Il s'agit en fait d'adresser un message fort aux Français, consistant à leur rappeler qu'ils doivent télécharger légalement et qu'il existe des offres pour le faire. En téléchargeant légalement, on finance la culture, le cinéma, la musique, l'audiovisuel, des filières qui constituent notre exception culturelle et auxquelles les Français sont attachés.

Il me semble, madame Billard, qu'au-delà des clivages politiques, il est possible de se retrouver autour d'un projet de loi visant à faire de la pédagogie, à expliquer aux Français que la loi doit être respectée, y compris sur Internet. Le Sénat l'a d'ailleurs montré de très belle façon, les sénateurs socialistes ayant voté ce texte à l'unanimité, à l'instar de leurs collègues de l'UMP et du Nouveau Centre.

[...]

Cet amendement [n° 50] tire les conséquences du changement apporté par le Sénat dans l'énumération des missions de la HADOPI. Il a voulu lui donner une mission de labellisation des offres légales. L'idée est de valoriser ces dernières. L'un des grands objectifs de ce texte est de mettre en avant les offres légales auprès des internautes. Il faut pour cela que la HADOPI puisse donner une labellisation.

Je m'empresse de préciser qu'il n'est absolument pas question de surveiller tous les sites existant sur le Net. Il s'agit simplement de prévoir qu'un site souhaitant avoir une sorte de label légal pourra s'adresser à la HADOPI. Celle-ci verra avec le site quels services et produits sont mis à la disposition des internautes, et donnera une labellisation. Bien sûr, les offres légales non labellisées auront légitimement leur place sur le Net. Mais les internautes pourront mieux s'y retrouver entre offre légale et offre non légale.

J'insiste sur le fait que c'est aux sites qu'il appartiendra de soumettre volontairement leurs services ou leurs produits à la HADOPI. Il ne s'agira en aucun cas d'une surveillance généralisée de tous les sites de l'Internet.

[...]

Je vous rappelle que ce principe de labellisation a été voté à l'unanimité par le Sénat.

Il s'agit de ne pas travestir la vérité ! Il est faux de dire, comme vient de le faire M. Bloche, que j'introduis dans le texte la notion de labellisation, puisque c'est le Sénat qui l'a introduite.

Je me suis contenté de mettre l'accent sur le principe du développement de l'offre légale en le déplaçant de la sous-section 3 vers la sous-section 2.

C'est une offre qui permet aux ayants droit et aux créateurs d'être rémunérés.

La HADOPI, en fonction de critères qui seront déterminés par un décret en Conseil d'État.

Je propose donc simplement d'insister sur la dimension pédagogique de la loi en privilégiant le principe du développement de l'offre légale plutôt que celui de la sanction, et j'aimerai qu'à l'avenir, monsieur Bloche, pour ne pas perturber le déroulement de nos débats, vous soyez plus précis sur la part de nos travaux qui revient au Sénat et celle qui revient à l'Assemblée.

[...]

Avis défavorable [au sous-amendement n° 167]. Je vous rassure : seuls seront qui auront souhaité être labellisés le seront. Et si un site respecte les critères nécessaires, il obtiendra le label.

Il n'y a donc pas de distorsion de concurrence.

[...]

Avis favorable [au sous-amendement n° 216].

[...]

Monsieur Dionis du Séjour, je suis à 100 % d'accord avec ce que vous venez de dire.

Les choses sont claires : ce que nous proposons, c'est une labellisation sur un site.

Nous n'allons pas entrer dans les logiciels et les algorithmes de Google.

Je le répète, je suis d'accord à 100 % avec ce que vous venez de dire, monsieur Dionis du Séjour.

[...]

Favorable [au sous-amendement n° 217].

[...]

Défavorable [au sous-amendement n° 482]. L'ARCEP est chargée de réguler les activités des opérateurs sur les réseaux de communication électronique, alors que la mission de l'HADOPI concerne les utilisateurs et les ayants droit. Leurs rôles sont donc différents.

Il va de soi que l'HADOPI pourra consulter l'ARCEP sur certains sujets. Mais, en mêlant ces deux instances et en les contraignant à travailler constamment ensemble, on alourdirait considérablement leur tâche.

[...]

Ces sous-amendements [n° 477 et 481] visent à réduire la portée de l'amendement n° 50 deuxième rectification. Mais si l'on veut pouvoir, à terme, filtrer un certain nombre de contenus, il faut que l'expérimentation ait lieu. Prévue par un engagement des accords de l'Élysée, elle doit être effectuée, sans qu'on y apporte des contraintes qui risqueraient d'en limiter la qualité.

[...]

Favorable [à l'amendement n° 218].

[...]

Il est clair que la commission de protection des droits pourra travailler à partir d'informations transmises par le parquet, ainsi qu'il est prévu dans le code de la propriété intellectuelle, mais ce ne doit pas être un filtre incontournable, sans quoi le dispositif serait totalement bloqué.

L'arsenal légal en vigueur aujourd'hui ne permet pas de lutter efficacement contre le téléchargement illégal. Le projet de loi vise à lutter contre le téléchargement illégal d'une façon pédagogique et réactive. Toutes les garanties en matière de respect de la procédure contradictoire y figurent. Si l'internaute juge la sanction inadaptée, injustifiée ou excessive, il pourra former un recours, suspensif, devant le juge judiciaire.

Avis défavorable [à l'amendement n° 429], donc.

[...]

L'équilibre du texte me paraît bon. Il est nécessaire de conserver l'historique pendant six mois au moins, car l'internaute pourrait, au bout d'un mois, attendre que son dossier soit sorti de l'HADOPI et télécharger à nouveau. Six mois, c'est raisonnable pour le premier avertissement, et suffisamment long pour que de « petits malins » ne contournent pas la loi.

[...]

Il n'y a aucun problème, aucune ambiguïté. Six mois, c'est le délai de prescription prévu dans la loi. Si les faits remontent à plus de six mois, ce n'est plus valable. Un délai d'un mois serait évidemment trop court pour que le dispositif fonctionne correctement.

Un mécanisme dans lequel les parquets devraient envoyer à l'HADOPI toutes les procédures en cours en matière de contrefaçon serait inapplicable. Ce serait une véritable usine à gaz.

M. Bloche a fait allusion à une hypothétique double peine. Les poursuites pénales sont évidemment maintenues, car nous avons besoin d'un dispositif qui réponde au téléchargement illégal massif de ceux qui en font un commerce. Il est logique qu'une réponse pénale soit maintenue pour des faits de cette nature, avec des peines d'amende et des peines de prison.

En revanche, pour le téléchargement illégal « ordinaire », la loi crée une procédure administrative qui ne repose pas sur le même fondement juridique. La procédure pénale repose sur le délit de contrefaçon, tandis que la procédure administrative repose sur le manquement de l'internaute à l'obligation de surveillance de son accès Internet.

En outre, si une personne faisait l'objet de poursuites dans les deux ordres de juridiction, en dépit du fait que les ayants droit se sont engagés à ne pas conduire deux procédures concomitantes, le procureur de la République aurait toute latitude de classer l'affaire pénale s'il jugeait que le dossier relève de la procédure administrative. Il n'y a donc pas de risque de double peine.

[...]

Avis défavorable [à l'amendement n° 494].

Il ne faut pas mélanger les deux procédures. Mme la ministre l'a bien expliqué et je le réaffirme : on ne peut pas lier la procédure administrative que nous mettons en place, et la procédure pénale qui préexiste et qui va perdurer.

Dès lors que des délits de contrefaçon ont été identifiés et sanctionnés, je ne vois pas sous quel prétexte on les amnistierait, qui plus est à un moment où nous voulons renforcer le respect de la loi et où nous mettons en place un dispositif administratif pour répondre au téléchargement « ordinaire » qui, pour l'heure, n'est aucunement touché par la loi DADVSI – et c'est heureux : les peines de prison et d'amende ne sont pas adaptées au téléchargement ordinaire. Ne mélangeons donc pas les deux procédures, ne confondons pas le pénal et l'administratif.

[...]

Ce thème et ces amendements [n° 433, 252, 312 et 51] ont effectivement nourri plusieurs discussions au sein de la commission des lois. D'une part, il est important de bien préciser qu'un droit fondamental est en jeu : le droit exclusif des créateurs à mettre ou non leur œuvre à disposition du public.

D'autre part, ces amendements risquent de porter un coup fatal à l'un des dispositifs majeurs de l'environnement cinématographique dans notre pays : la « chronologie des médias », autrement dit la succession de fenêtres exclusives qui permettent à un film de trouver un public à un moment donné de sa vie. En votant ces amendements, nous légaliserions le téléchargement illégal à des moments où il est vraiment essentiel de préserver l'exclusivité des films en salle, ou leur visionnage sur des télévisions payantes, par exemple. Nous sommes là au cœur du système de financement du cinéma dans notre pays.

C'est pourquoi, pour prendre en compte un aspect auquel nous sommes attachés – faire en sorte que les créateurs et les ayants droit soient incités à mettre leur œuvre sur Internet –, nous avons trouvé un accord en commission des lois qui se traduit dans un amendement [n° 210] présenté par le président Jean-Luc Warsmann, que nous examinerons un peu plus tard.

La commission a donc rejeté les amendements n° 433 et 252 ; elle n'a pas examiné l'amendement n° 312, auquel je suis personnellement défavorable ; quant à l'amendement n° 51, elle a émis un avis favorable, mais nous avons par la suite travaillé à un nouvel amendement visant à préserver la chronologie des médias, dont nous débattrons ultérieurement.

[...]

Défavorable [à l'amendement n° 498].

[...]

Je précise que la commission est défavorable à l'amendement n° 498. Un amendement [n° 210] présenté par le président de la commission des lois qui sera examiné un peu plus loin...

Non, monsieur Bloche, je me contente de rappeler une réalité. Cet amendement a été rédigé après un long travail de discussion. Les remarques de chacun ont été prises en compte.

Notre rédaction est fidèle à l'esprit de loi. Pour déterminer la sanction, il est nécessaire que la HADOPI évalue la présence ou non sur internet des œuvres qui auraient été téléchargées illégalement. En même temps, Mme la ministre l'a dit, nous ne pouvons mettre en place un dispositif qui alourdirait inutilement le fonctionnement de la HADOPI. Ce serait contre-productif.

Puis-je m'exprimer, monsieur Bloche ? Nous avons fait un effort en commission des lois, nous avons travaillé avec la plus grande rigueur. Le président de la commission des lois lui-même a rédigé un amendement.

Ce n'est pas de la confusion, c'est de la précision.

La commission est donc défavorable à cet amendement [n° 498].

[...]

Défavorable. La rédaction de cet amendement [n° 251] est inappropriée : en l'état, elle priverait de toute portée effective le mécanisme de sanction. Vous prévoyez tellement de conditions de recevabilité, quasi impossibles à réunir, que l'ensemble du dispositif ne pourrait pas fonctionner.

Deuxième séance 30 03 2009 Deuxième séance 31 03 2009