Debats Dadvsi 060315 2

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Sommaire

Débat DADVSI : Deuxième séance du mercredi 15 mars 2006

172e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

DROIT D'AUTEUR DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 1206, 2349).

Patrick Bloche

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 10.

Article 10

M. le président. a parole est à M. Patrick Bloche, inscrit sur l'article 10.

M. Patrick Bloche.

Monsieur le président, notre souci étant d'éviter tout retard dans l'examen du texte, je renonce à m'exprimer sur cet article.

Christian Vanneste

M. le président. Nous en venons donc à l'amendement n° 37.

La parole est à M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Comme cela a déjà été fait à l'article 7, cet amendement tend à bien préciser qu'il existe toujours une protection des logiciels. La phrase du texte initial était ambiguë : on aurait pu comprendre que les logiciels étaient exclus de toute protection, alors qu'ils sont tout simplement protégés par un autre texte de loi.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 37.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication.

Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié par l'amendement n° 37.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Christian Vanneste

Article 11

M. le président. Sur l'article 11, je suis saisi d'un amendement n° 38.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Il s'agit une fois encore d'un amendement de précision, monsieur le président.

Les mesures techniques qui doivent être protégées, et qui sont mentionnées à l'article 7, recouvrent non seulement les mesures techniques de protection, empêchant par exemple la copie de l'œuvre ou permettant de crypter son contenu pour le protéger de copies non autorisées, mais aussi les mesures techniques de gestion des droits, plus connues sous le nom de DRM, qui peuvent avoir des fonctions sensiblement plus larges, comme la gestion numérique des droits sur lesœuvres ou la distribution à l'utilisateur de manière séparée de l'œuvre cryptée et de la clé numérique permettant d'y accéder en fonction des droits qu'il a légalement acquis.

Par cet amendement, nous proposons qu'il soit fait une mention globale des mesures techniques citées à l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, afin d'englober les deux notions : mesures de protection et mesures de gestion des droits.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement n° 38.

(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Christian Vanneste

Article 12

M. le président. Sur l'article 12, je suis saisi d'un amendement n° 39.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Christian Vanneste, rapporteur.

La visée de cet amendement est rigoureusement identique à celle de l'amendement n° 38.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié par l'amendement n° 39.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 12.

Christian Vanneste

Après l'article 12

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 247 rectifié, 150 deuxième rectification et 320, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 150 et 320 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 247 rectifié.

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Comme les deux autres amendements en discussion commune, l'amendement n° 247 rectifié tend à sanctionner pénalement les éditeurs de logiciels de peer-to-peer qui ont manifestement comme but d'encourager les consommateurs à commettre des actes illicites en procédant à des téléchargements. Son objet est double : tout d'abord, éviter de sanctionner, même de manière adaptée, les seuls internautes, et viser ceux qui leur donnent les moyens de procéder aux téléchargements illicites et qui, parfois, gagnent de l'argent par une exploitation commerciale ; ensuite, tirer les conséquences d'une jurisprudence anglo-saxonne récente - affaires Grokster aux États-Unis et Kazaa en Australie -, qui a accepté le principe de la responsabilité des éditeurs de logiciels de peer-to-peer qui ne font pas l'effort de gérer normalement les droits d'auteurs dus alors que cela est techniquement possible.

Ainsi, la menace de sanction devrait inciter au développement de logiciels de peer-to-peer vertueux, qui gèrent les droits dus lors d'échanges d'œuvres protégées.

En décembre, c'est l'amendement n° 247 que la commission a d'abord examiné. Celui-ci présentait l'inconvénient de prévoir également un volet de responsabilité civile potentiellement très large et sans doute excessif. L'amendement n° 150 deuxième rectification ne retient que la sanction pénale et constitue un bon compromis. Comme il a été adopté par la commission, je retire l'amendement n° 247 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 247 rectifié est donc retiré.

Christian Vanneste

Pouvons-nous considérer que vous avez défendu l'amendement n° 150 deuxième rectification, monsieur le rapporteur ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 320 n'est pas défendu.

Patrick Bloche

En conséquence, seul l'amendement n° 150 deuxième rectification reste en discussion.

Cet amendement fait l'objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 376.

M. Patrick Bloche.

Autant nous sommes passés rapidement sur les articles 11 et 12, qui ne sont pas essentiels, autant nous souhaiterions consacrer un certain temps à un amendement très lourd de conséquences et sur lequel j'appelle l'attention de l'Assemblée.

M. le rapporteur en avait préparé une première version. Il l'a par la suite corrigée. Voilà qu'il revient devant nous avec un nouvel amendement, n° 150 deuxième rectification.

Mes chers collègues, je voudrais que vous preniez toute la mesure des répercussions que pourrait avoir votre vote. Aux termes de cet amendement, il convient d'éviter d'incriminer les internautes, pour qui le peer-to-peer est une pratique habituelle, un mode d'échange et de partage qui est entré dans les mœurs - nous aurons l'occasion d'examiner le dispositif de « sanction allégée » ou de « réponse graduée » proposé à l'article 13. Par contre, il faut, nous dit-on, responsabiliser les éditeurs de logiciels. Je vous renvoie à une interview très intéressante, publiée en première page d'un quotidien du soir, du PDG de Vivendi, qui manifestait son scepticisme à l'égard du dispositif de sanction contre les internautes mais attachait une énorme importance à cet amendement dit de responsabilisation des éditeurs de logiciel.

Or que se cache-t-il derrière cette « responsabilisation » présentée de façon si courtoise ? Une machine de guerre contre le logiciel libre !

Voilà pourquoi j'interpelle chacune et chacun d'entre vous, mes chers collègues, et particulièrement M. Carayon, qui a, avec d'autres députés, montré par ses écrits son attachement, non seulement à l'interopérabilité, mais aussi à la défense du logiciel libre, et qui répond à notre demande de contrôler strictement les mesures techniques de production. Si nous votons cet amendement, présenté par notre rapporteur de façon anodine et lapidaire, nous tuons le développement du logiciel libre dans notre pays. Autrement dit, nous tuons l'innovation et la recherche dans un domaine où les Français ont été des pionniers.

Alors que le Premier ministre lui-même nous a demandé de faire preuve de patriotisme économique, nous ne pouvons en conscience voter cet amendement, mes chers collègues !

Cette disposition, j'y insiste, est d'une extrême gravité : c'est l'arrêt de mort du développement du logiciel libre. En proposant leur interdiction, on veut faire croire que les logiciels de peer-to-peer ont pour seule fonction la mise à disposition d'œuvres protégées dans des conditions qui n'assurent pas la rémunération des auteurs et des artistes.

Je m'adresse aussi à vous, monsieur le ministre. Il ne s'agit pas d'un amendement du Gouvernement, et vous avez pris vous-même des engagements très forts au sujet de l'interopérabilité et du devenir du logiciel libre. Permettez-moi de vous exhorter : vous ne pouvez donner un avis favorable à cette disposition !

Comme il s'agit d'un amendement portant article additionnel, le groupe socialiste a dû s'adapter : par le sous-amendement n° 376, il propose à tout le moins d'en atténuer les conséquences. L'amendement originellement proposé prévoit la pénalisation de la fabrication d'un outil en tant que tel, plutôt que la répression de ses usages répréhensibles. Cela revient, pour prendre une métaphore simple, à interdire de fabriquer des marteaux parce que ceux-ci peuvent être utilisés pour blesser quelqu'un ! Il est donc impératif d'en limiter les effets les plus désastreux en ne visant que ce qui est clairement répréhensible, à savoir le fait de tirer un bénéfice de l'échange illégal d'œuvres au mépris des droits d'autrui.

Encore ne s'agit-il que d'une proposition minimale : la meilleure solution serait, je le répète, de rejeter ce mauvais amendement.

Christian Vanneste

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir le sous-amendement n° 398.

M. Christian Vanneste, rapporteur.

C'est un sous-amendement rédactionnel.

Christian Paul

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir le sous-amendement n° 324.

M. Christian Paul.

Patrick Bloche vous l'a dit avec force, nous voyons dans cette charrette d'amendements « Vivendi » un risque immense. Si de tels dispositifs avaient existé il y a quelques années, le peer-to-peer n'aurait peut-être jamais vu le jour. Or le peer-to-peer n'est pas le diable. Ce sont des logiciels d'un enjeu considérable pour l'Internet, puisqu'ils permettent, à grande échelle et de façon particulièrement efficace, le partage à la fois de contenus - y compris légaux selon votre logique - et de logiciels libres. Il y a également un enjeu d'optimisation de la bande passante. Le peer-to-peer est donc en quelque sorte consubstantiel à l'Internet, en tout cas un outil essentiel.

La confusion est volontairement entretenue entre des logiciels indispensables et des sites ou des usages qui peuvent être discutables. Nous ne sommes pas d'accord sur le traitement à réserver aux échanges musicaux grâce aux logiciels de peer-to-peer : nous souhaitons les légaliser, vous entendez les interdire. Mais ne confondez pas l'outil et l'usage, les logiciels de peer-to-peer et les usages qui en sont faits ! C'est comme si l'on supprimait les fusils de chasse sous prétexte que Dick Cheney a provoqué un accident ! On ne doit pas confondre l'arme et la manière de s'en servir.

Se battre contre le peer-to-peer - donc voter ces amendements -, c'est vraiment se battre contre l'Internet.

M. Frédéric Dutoit. Très juste !

M. Christian Paul.

Vous pouvez essayer, mais c'est une vague qui vous emportera.

Il faut savoir ce que l'on veut : un réseau où chaque échange est tracé, contrôlé, analysé, rendu de plus en plus difficile, ou un réseau libre et ouvert, comme l'est l'Internet aujourd'hui, ce qui est sa philosophie essentielle ?

Pour notre part, nous souhaitons que vous renonciez à vos amendements. Au cas où la démonstration de Patrick Bloche n'aurait pas réussi à vous en convaincre, nous avons prévu un sous-amendement n° 324 à l'amendement n° 150 deuxième rectification de M. Mariani, qui tend à ajouter après les mots « un dispositif manifestement », les mots « et exclusivement ». Bien sûr, ce ne serait qu'un pis-aller, un garde-fou pour vous prémunir contre vos propres erreurs. Je vous invite fortement à prendre en considération le sous-amendement de Patrick Bloche, mais si vous n'acceptiez pas de le voter, vous laisseriez passer une solution de rattrapage.

Encore une fois, tel n'est pas le but essentiel du groupe socialiste, qui est bien d'éviter l'éradication dans le droit français des logiciels de peer-to-peer. Du reste, ce sont des réalités qui échappent pour une bonne part au cadre national. Vous pouvez forger des sabres de bois, mais le Parlement de la République a mieux à faire !

M. Frédéric Dutoit. Très bien !

Christian Vanneste

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir le sous-amendement n° 399.

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Précision rédactionnelle !

Richard Cazenave

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave, pour soutenir le sous-amendement n° 363.

M. Richard Cazenave.

Je présenterai en même temps le sous-amendement n° 364 deuxième rectification, car il forme, avec le n° 363, un ensemble cohérent.

M. le président. Je vous en prie, cher collègue.

M. Richard Cazenave.

Le sous-amendement n° 363 précise l'amendement de M. Mariani en remplaçant le mot « dispositif » par le mot « logiciel ». Nous avons cherché un terme qui cerne non l'outil mais l'usage qui en est fait, ce qui s'est avéré très difficile. En tout cas, il nous a semblé que, pour désigner l'outil, le mot « dispositif » a un sens infiniment plus large que le mot « logiciel » et est moins adapté à l'objectif poursuivi.

Le sous-amendement n° 364 deuxième rectification répond aux critiques - que je partage, car nous avons tous, je crois, la même analyse -, qui ont été émises s'agissant du peer-to-peer. Le peer-to-peer en soi n'est pas responsable du mauvais usage qui peut en être fait. Il ne faudrait pas, à travers un amendement visant à condamner ceux qui l'utilisent pour télécharger desœuvres sans acquitter de droits, que l'on condamne l'outil lui-même. Cela ne serait pas acceptable.

M. Christian Paul. Merci, monsieur Cazenave !

M. Richard Cazenave.

Par conséquent, il faut absolument préciser, et c'est le sens du sous-amendement n° 364 deuxième rectification, que les dispositions de l'amendement « ne sont pas applicables aux logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers ou d'objets non soumis à la rémunération du droit d'auteur ». Ainsi, le principe du peer-to-peer est écarté du champ répressif, qui se concentre sur les usages illicites. La technologie en elle-même ne peut donc plus être visée.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Le sous-amendement n° 376 limite le dispositif de l'amendement n° 150 deuxième rectification au seul cas de l'exploitation commerciale, ce qui est beaucoup trop restrictif, même si cela rappelle les restrictions apportées par la jurisprudence américaine. Le choix opéré dans l'amendement n° 150 deuxième rectification me paraît plus équilibré en visant essentiellement l'intention sciemment exprimée. Entre une attaque qui serait livrée contre les logiciels - ce qui n'est absolument pas le cas - et la restriction commerciale, cela me semble un juste milieu. Je suis donc défavorable au sous-amendement n° 376.

En revanche, je suis - évidemment - favorable au sous-amendement no 398.

S'agissant du sous-amendement n° 324, j'y suis défavorable. Il serait assez simple de s'exonérer de la responsabilité pénale en prévoyant simplement une petite partie licite mais accessoire, afin de justifier l'ensemble du dispositif. Ce ne serait pas acceptable.

Avis favorable, naturellement, au sous-amendement n° 399.

Quant aux sous-amendements nos 363 et 364 deuxième rectification, ils n'ont pas été examinés par la commission. À titre personnel, j'y suis favorable parce qu'ils traduisent la recherche d'un équilibre entre la nécessité de pénaliser ceux qui fournissent les dispositifs aux internautes, qui sont beaucoup plus coupables que les internautes eux-mêmes, et celle de protéger le logiciel libre, qui est si important dans notre pays.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et les sous-amendements ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

J'émets un avis favorable sur l'amendement n° 150 deuxième rectification (« Non, monsieur le ministre ! » sur les bancs du groupe socialiste), sous réserve de l'adoption des sous-amendements nos 363, 364 deuxième rectification, 398 et 399. Il est tout à fait légitime de ne pas viser les seuls internautes dans le cadre des actions tendant à faire régresser les actes de contrefaçon numérique. L'amendement de M. Vanneste et M. Mariani répondent à cette préoccupation. Je tiens d'ailleurs à préciser que le texte que vous examinez concerne les logiciels destinés au piratage et non ceux destinés à la recherche ou aux formes de travail en partage - il est très important de le rappeler. Il ne vise pas non plus, loin s'en faut, les logiciels de pair à pair en tant que tels, qui sont d'un grand intérêt pour l'échange d'informations de toutes sortes.

Par conséquent, je suis défavorable aux sous-amendements nos 376 et 324.

Frédéric Dutoit

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit.

M. Richard, qui m'inspire parfois,...

M. Dominique Richard. J'en suis ému ! (Sourires.)

M. Frédéric Dutoit.

...a cité à plusieurs reprises des artistes du cinéma ou de la musique très attachés aux droits d'auteur, que nous avons rencontrés ensemble. Moi, je pense à deux artistes que j'aime particulièrement, Pierre Perret et Jean Ferrat,...

M. Bernard Carayon. Bien sûr, des gens de gauche !

M. Frédéric Dutoit.

Non, c'est parce que je les connais un peu.

Je pense à ces artistes, à ces auteurs, qui seraient bien inspirés - mais je crois qu'ils le sont - de suivre nos débats avec attention. Plus nous avançons dans la discussion du projet de loi, plus je suis convaincu que les droits d'auteurs ne sont qu'un prétexte, le cheval de Troie qui vous permettra d'atteindre l'objectif que vous visez, monsieur le ministre. Le rapporteur vient à votre secours avec son amendement, sur une question centrale qui fait l'objet de propositions particulièrement dangereuses et inacceptables. Que nous est-il proposé de ratifier ici, sinon le principe selon lequel tout logiciel de communication ne comportant pas de mesures techniques de protection serait illégal ? Nous ne pouvons souscrire à une telle approche.

Les outils juridiques qui nous sont proposés ont déjà leur nom de baptême - amendements « Vivendi-Universal » - du nom de leur inspirateur. L'amendement n° 150 deuxième rectification propose rien de moins que d'assimiler à un délit de contrefaçon toute édition et mise à disposition de logiciels manifestement destinés à la mise à disposition du public d'œuvres protégées. Sont visés les logiciels de peer-to-peer. Or tout logiciel à la base de l'infrastructure d'Internet peut servir à mettre à disposition des œuvres. Est-ce une raison pour les interdire ? Interdit-on les couteaux parce que certains les utilisent pour tuer ? Doit-on interdire les voitures au prétexte qu'il y a des chauffards ? Même M. Cazenave l'a dit tout à l'heure !

M. Richard Cazenave. Pourquoi : « Même M. Cazenave » ? (Sourires.)

M. Frédéric Dutoit.

Ce principe est inacceptable ! Cet amendement est, en outre, dangereux, car il affectera directement les logiciels libres, comme l'a dit Patrick Bloche.

Je crois que nous devons repousser cet amendement avec vigueur. J'en appelle à mon tour aux députés de la majorité, afin qu'ils comprennent bien la portée de leur vote.

Christian Paul

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

J'ai déjà dit combien ces dispositions nous paraissent dangereuses, à Patrick Bloche, à tout le groupe socialiste et à moi-même. Nous souhaiterions que, une fois le débat sur l'amendement parvenu à son terme, nous puissions bénéficier avant le vote d'une suspension de séance pour envisager la possibilité d'un compromis avec nos collègues de l'UMP...

M. Jean Dionis du Séjour. Et de l'UDF !

M. Christian Paul.

Bien sûr, mon cher collègue !

Le sujet est trop grave pour que, à la faveur d'un examen rapide et superficiel, nous émettions un vote qui engagera pour des années l'avenir de l'innovation et de la création sur Internet.

M. le président. Avant de vous accorder cette suspension, je donnerai la parole à tous les orateurs qui l'ont demandée.

Martine Billard

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard.

J'avoue, monsieur le ministre, que je suis effondrée. On m'avait prévenue que vous pourriez émettre un avis favorable sur ce fameux amendement n° 150 deuxième rectification, surnommé « amendement Vivendi », mais je n'avais pas pu le croire. Je ne pensais pas que nous en étions là et je conservais encore un espoir après vos grandes déclarations sur le logiciel libre affirmant que le texte en discussion ne visait qu'à favoriser l'offre légale sur Internet et à décourager tous ceux qui cherchaient à contourner le droit d'auteur. Je croyais que des compromis étaient encore possibles et que vous ne voudriez pas d'un tel amendement.

En vous entendant émettre un avis favorable et, pis encore, un avis défavorable au sous-amendement n° 324, je me suis dit que j'avais été naïve. Je ne pensais pas que vous iriez aussi loin dans l'interdiction à terme de tout l'espace du logiciel libre.

D'autres l'ont rappelé avant moi : il ne faut pas confondre l'outil et l'usage qui en est fait. Internet peut être un outil fantastique, qu'utilisent d'ailleurs presque tous les parlementaires, notamment pour des échanges internes à l'Assemblée. Malheureusement, c'est en même temps un outil très dangereux permettant de diffuser des idées racistes et de la propagande antisémite ou de servir le développement de réseaux pédophiles. Pour autant, dans les démocraties, personne n'a proposé d'interdire Internet.

Tous nos collègues ici présents ont probablement reçu aujourd'hui comme moi, par le biais d'Internet, un « torchon » raciste et antisémite, prétendument issu du conseil régional du Languedoc, qui met en cause le cercle Léon Blum. En l'état des techniques, il est difficilement possible d'empêcher la circulation de tels « torchons ». Nous en sommes réduits à demander ensuite l'ouverture d'une instruction judiciaire pour retrouver et sanctionner ceux qui sont à l'origine d'un tel message.

Un tel envoi est inadmissible au regard de nos lois et de notre conception des droits de l'homme et de la démocratie. Cependant, nous ne pouvons réagir qu'a posteriori. Pour autant, nous ne bloquons pas Internet a priori, comme on le fait en Chine. Or, avec cet amendement, c'est exactement ce que vous nous proposez de faire.

Pour ma part, jugeant l'amendement inadmissible, je n'avais pas déposé de sous-amendement. Mais je constate que vous refusez même toute tentative de limiter les dégâts par ce biais. En somme, il sera bientôt impossible de développer des logiciels permettant de faire respecter le droit que vous avez fait voter, et je le déplore, quels que soient nos désaccords sur ce texte.

Si des entreprises, des producteurs ou des diffuseurs mettent à la disposition du public des œuvres qui ne respectent pas le droit à la copie privée ou qui sont pourvues de DRM ne respectant pas les dispositions définies par le collège des médiateurs, les consommateurs attendront que celui-ci fasse respecter leurs droits. Pour autant, le fait d'utiliser un outil pour faire respecter ses droits est, lui, parfaitement admissible. Pourquoi l'interdirait-on ? On interdirait du même coup à terme toute recherche dans ce domaine.

Nous vivons en ce moment des heures importantes. On pourra même parler d'un jour noir pour le logiciel libre en France, monsieur le ministre, si vous allez jusqu'au bout de vos positions en acceptant cet amendement.

Bernard Carayon

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon.

Je comprends parfaitement les réticences de Christian Paul quant à l'amendement n° 150 deuxième rectification. Mais il sait que, avec d'autres collègues qui ont particulièrement travaillé sur le sujet, nous partageons ses opinions, que nous percevons les mêmes enjeux que lui et que nous mesurons toutes les contraintes de l'exercice auquel nous sommes confrontés. Sur ce sujet, en effet, le droit court après l'évolution des technologies.

J'aurais par conséquent partagé ses réticences si le ministre n'avait pas donné un excellent signe en approuvant nos sous-amendements nos 363 et 364 deuxième rectification. Et je suis très heureux que le rapporteur ait souligné qu'ils apportaient de l'équilibre à un amendement qui en manquait initialement.

Patrick Bloche

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Nous parvenons à un moment très grave de notre discussion, soit dit sans volonté de solenniser. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le propos de M. Carayon et les sous-amendements déposés par nos collègues de la majorité, que nous jugeons insuffisants mais qui vont dans le sens de nos opinions, montrent bien que nous sommes face à une vraie alternative. La question est simple : voulons-nous, oui ou non, que le logiciel libre, le peer-to-peer, puisse continuer à se développer dans notre pays ?

L'amendement n° 150 deuxième rectification tend à casser la fabrication de l'outil au lieu de viser l'usage répréhensible qui pourrait en être fait. Il prévoit de poursuivre les auteurs de logiciels d'échange. J'admets que ceux-ci permettent dans certains cas l'échange illégal d'œuvres protégées, mais pourquoi ne pas tracer une ligne de partage au lieu de tout dévaster ? C'est cette logique que nous contestons.

La menace de poursuites aura pour effet de brider l'innovation et la recherche sur les logiciels de peer-to-peer. Or chacun s'accorde à reconnaître qu'ils constituent une puissante architecture pour la circulation des œuvres et des savoirs. À l'INRIA, à France Télécom, dans des start-up, des centaines d'ingénieurs français travaillent à la mise au point de tels logiciels. Ce sont des élèves de l'École centrale qui ont mis au point VLC, un des formats vidéo les plus répandus dans le monde. Ce sont des développeurs français qui sont à l'origine de certains des logiciels et serveurs peer-to-peer les plus performants, capables de fournir simultanément à plusieurs millions d'utilisateurs des contenus à haut débit. Certains d'entre eux souhaitent créer des entreprises et lever des fonds. Va-t-on les contraindre à s'expatrier en Californie, comme l'inventeur français du DivX ? C'est tout le problème.

Alors que les industries culturelles se placent sous la dépendance d'une poignée de fournisseurs de solutions techniques pour les mesures techniques de protection et les plateformes commerciales, est-il raisonnable d'entraver l'exploitation de nouvelles pistes d'innovation en France et de contraindre nos inventeurs et nos entrepreneurs à s'expatrier pour aller créer des emplois ailleurs ? Tels sont tous les enjeux de cet amendement, qui justifient que l'on reprenne la thématique du patriotisme économique chère au Premier ministre.

Pour terminer mon appel à nos collègues de la majorité, je relaie, compte tenu de la gravité de la situation, la demande de suspension de séance de M. Christian Paul, afin que nous puissions, au cours d'un échange constructif, tenter de trouver avec eux une solution qui limite les dégâts causés par l'amendement n° 150 deuxième rectification.

Allons au-delà du vote des sous-amendements nos 363 et 364 deuxième rectification. Nous avons présenté deux sous-amendements, nos 376 et 324, et nous nous étonnons que le ministre et le rapporteur les refusent. L'Assemblée ne pourrait-elle pas voter au moins l'amendement n° 324 ?

Monsieur le ministre, nous sommes vraiment très déçus de l'avis favorable que vous avez émis sur l'amendement n° 150 deuxième rectification. Celui-ci contredit toutes vos promesses solennelles de préserver le développement du peer-to-peer et du logiciel libre dans notre pays. En fait il signe la mort du peer-to-peer, la mort du logiciel libre.

Bernard Carayon

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon.

Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Je vous ai rappelé, mes chers collègues, que nos sous-amendements exonéraient de tout risque de poursuites les comportements légaux à l'égard du peer-to-peer.

M. Christian Paul. Non ! C'est votre intention, mais vos sous-amendements n'y parviennent pas !

M. Bernard Carayon.

Ainsi sous-amendé, l'amendement ne sanctionne que les usages illégaux. À ce sujet, vous avez d'ailleurs repris l'argument que M. Cazenave avait développé avec beaucoup d'intelligence. Nous cherchons tous à exonérer de toute responsabilité une technique utilisée légalement. C'est ce à quoi tendent nos sous-amendements, qui apportent de l'équilibre à un texte qui, j'en conviens, en manquait.

M. Christian Paul. Telle est du moins votre intention !

M. Bernard Carayon.

J'ajoute que le ministre a accepté le principe d'un rapport parlementaire à l'issue d'un an d'expérimentation de ce dispositif juridique. Nous aurons ainsi l'occasion de mesurer la portée de nos arguments à l'aune de la jurisprudence.

Christian Paul

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Mes chers collègues, les intentions que vient d'exprimer M. Carayon sont tout à fait louables, mais pas les sous-amendements qu'il défend. Relisons le sous-amendement n° 364 deuxième rectification : « Ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers ou d'objets non soumis à la rémunération du droit d'auteur. » De telles dispositions ne protègent rien, puisque les logiciels en question sont les mêmes que les autres ! Tant que l'on refusera de distinguer le logiciel, qui n'est ni bon ni mauvais, mais neutre, et son usage, qui peut, dans certains cas, être condamnable, nous ne nous comprendrons pas.

M. Patrick Bloche. Le logiciel n'est qu'un outil !

M. Christian Paul.

J'ai cité ce sous-amendement parce qu'il me paraît évident qu'il n'apporte aucune réponse. Nous sommes face à un choix de politique législative.

À titre d'illustration, on pourrait - une fois n'est pas coutume - songer à la décision que rendit la Cour suprême des États-Unis au sujet des magnétoscopes. Certains prétendaient qu'ils n'étaient construits que pour voler l'industrie du film, mais la Cour suprême décida qu'on ne pouvait interdire le magnétoscope comme technologie illégale tant qu'il existait « un potentiel d'utilisation substantiel sans infraction ». Nous sommes devant le même choix.

M. Patrick Bloche. Absolument !

M. Dominique Richard. Vous vous référez à la jurisprudence américaine, maintenant ?

M. Christian Paul.

Soit on considère que, dès lors qu'on peut, avec un logiciel peer-to-peer, commettre éventuellement, mais de manière marginale, des actes illégaux, il faut le mettre en cause,...

M. le ministre de la culture et de la communication. Absolument !

M. Christian Paul.

...soit on considère que le logiciel lui-même est neutre et que c'est l'usage qu'on en fait qui est éventuellement condamnable.

Nous ne devons pas condamner la technologie en tant que telle.

M. Bernard Carayon. Nous sommes d'accord !

M. Christian Paul.

N'insultons pas l'avenir : nous ne connaissons pas tous les usages qui seront faits de ces logiciels.

M. Bernard Carayon. Sous-amendez !

M. Christian Paul.

Nous avons déposé des sous-amendements, monsieur Carayon, mais, quel que soit le talent des parlementaires présents ce soir, il est des dispositions qui ne peuvent être mises au point lors d'un simple échange de sous-amendements et qui nécessitent que l'on se donne quelques minutes de réflexion la plume à la main, surtout lorsqu'il s'agit d'un enjeu stratégique pour notre pays.

Il faut garder ouvert le champ des possibles pour ces logiciels et préserver l'innovation. Or l'amendement initial est pour l'Internet une sorte de lettre de cachet. Nous ne pouvons donc pas l'accepter en tant que tel. C'est pourquoi nous voulons pouvoir y travailler, même brièvement.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication.

Chacun sait que le droit pénal est d'interprétation stricte.

M. Patrick Bloche. L'outil est neutre !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Pensez-vous un seul instant que notre objectif soit de porter atteinte au capital scientifique de notre pays et aux petites entreprises responsables de la mise enœuvre du logiciel libre ?

M. Patrick Bloche. C'est ce que fait l'amendement !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Je vais relire le deuxième alinéa de cet amendement, qui me paraît clair : « Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende le fait [...] de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un dispositif manifestement destiné » - j'insiste sur ces termes - « à la mise à disposition du public non autorisée d'œuvres ou d'objets protégés. »

Le caractère intentionnel est donc explicitement prévu.

M. Christian Paul. C'est impraticable !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Je le répète encore une fois, le droit pénal est d'interprétation stricte. N'essayez pas, je vous prie, de faire naître des peurs qui n'ont pas lieu d'être ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le travail que nous avons mené en commun sur ce sujet nous met à l'abri de tout soupçon.

M. Patrick Bloche. Si c'était aussi clair que vous le dites, votre majorité n'aurait pas déposé de sous-amendements !

Jean Dionis du Séjour

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour.

Il s'agit d'un débat important, car le logiciel libre est une voie d'avenir, un moteur de croissance. Il est, à côté du logiciel propriétaire, l'autre modèle économique de développement de l'industrie du logiciel et il est heureux, pour l'économie comme pour la société, que ces deux modèles coexistent.

Au départ, j'étais assez favorable à l'amendement, pour des raisons qui tiennent à la responsabilité de l'éditeur de logiciels - métier que j'ai moi-même exercé. Mais je reconnais que ma réflexion a évolué, et nous ne voterons pas cet amendement.

Il existe actuellement un vrai débat au sein de la communauté du logiciel libre. Pour le moment, les éditeurs de ces logiciels travaillent surtout sur des applications bureautiques, de bases de données ou sur des operating systems. Ils commencent à s'intéresser au peer-to-peer, mais ils se demandent s'ils doivent « y aller » et comment « y aller » - en incluant ou non la fonction des DRM. Pour certains d'entre eux, notamment le créateur de Linux, l'ajout de cette fonction ne pose aucun problème. Le débat est donc en cours. Dès lors, faut-il légiférer ? Notre avis est qu'il faut laisser évoluer la communauté du libre.

En outre, je m'interroge sur l'efficacité de la disposition. Compte tenu de la facilité avec laquelle un éditeur peut déplacer son logiciel, je souhaite bien du courage à celui qui voudra le sanctionner.

Nous reconnaissons que l'amendement soulève une vraie question - car la responsabilité de l'éditeur existe - mais, par pragmatisme et compte tenu du débat en cours, nous nous prononçons contre l'amendement.

Richard Cazenave

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Puisque notre dialogue est très franc et très ouvert, je veux dire très clairement que la technologie ne peut en aucun cas être rendue responsable de ce qui se passe à l'intérieur des tuyaux.

M. Christian Paul. Il faut le dire dans la loi !

M. Richard Cazenave.

BitTorrent, aux États-Unis, n'était pas, à l'origine, un logiciel de peer-to-peer manifestement destiné au téléchargement d'œuvres protégées. Il l'est devenu parce que les utilisateurs l'ont plébiscité pour cet usage.

M. Christian Paul. Faut-il condamner BitTorrent ?

M. Richard Cazenave.

Ensuite, un accord a été conclu entre Hollywood et BitTorrent pour que le moteur de recherche du logiciel soit équipé d'un dispositif de filtrage, afin de limiter les usages illégaux qui pouvaient en être faits.

M'étant élevé contre l'amendement dès le début, je suis heureux de constater que Jean Dionis du Séjour a fait du chemin dans notre direction, car je me souviens que, lorsque nous y réfléchissions en comité plus restreint, il était favorable au maintien de cette disposition. Ce n'est donc pas au cours d'une suspension de séance de quelques minutes que nous réglerons un problème aussi complexe.

Dans un premier temps, j'avais suggéré que cet amendement vise l'exploitation commerciale. Il est d'ailleurs amusant de retrouver mot pour mot la rédaction que j'avais alors proposée - et qui ne m'avait pourtant pas été communiquée par quelqu'un de l'extérieur - dans l'un des sous-amendements de M. Bloche.

M. Patrick Bloche. Votez-le !

M. Richard Cazenave.

Si j'y ai finalement renoncé, c'est parce qu'il m'a semblé in fine que cette rédaction était moins protectrice que le sous-amendement n° 364 deuxième rectification, auquel le Gouvernement a donné un avis favorable. Ce sous-amendement prévoit en effet que les dispositions de l'amendement n° 150 deuxième rectification ne sont pas applicables aux logiciels destinés - et ils le sont tous (Sourires) - au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers ou d'objets non soumis à la rémunération du droit d'auteur.

Ainsi, nous neutralisons cet amendement auquel nous sommes un certain nombre à ne pas croire et nous nous donnons le temps de réexaminer tranquillement cette question d'ici à quelques mois, car nous ne pouvons pas bricoler un texte à la dernière minute.

François Bayrou

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou.

L'argumentation de M. Cazenave est surprenante : comme il juge l'amendement mauvais et inquiétant, il propose un sous-amendement qui supprime toute possibilité de l'appliquer à un quelconque logiciel.

M. Bernard Carayon. Qui neutralise l'effet potentiellement nocif de l'amendement !

M. François Bayrou.

Mieux vaut être franc et voter contre l'amendement. Quelle est cette casuistique ? À qui veut-on faire plaisir ?

La loi doit être claire. Un sous-amendement ne peut pas dire noir quand l'amendement dit blanc. Il serait plus franc et plus clair de reconnaître que, comme l'a dit Jean Dionis du Séjour, les choses ne sont pas mûres et de voter contre l'amendement.

M. Frédéric Dutoit. Ce serait la sagesse !

M. François Bayrou.

Ce débat est une illustration intéressante de ce que l'urgence nous empêche de faire. Je réitère donc à mon tour la demande de suspension de séance, afin que l'on tente de concilier les positions sur ce sujet complexe et que l'on adopte une démarche plus claire.

M. le président. Il n'était pas utile de réitérer la demande puisque j'avais annoncé la suspension, qui est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Sur le vote de l'amendement n° 150 deuxième rectification, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Patrick Bloche

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Nous avons essayé de mettre à profit la suspension de séance qui vient d'avoir lieu pour travailler sur l'amendement n° 150 deuxième rectification qui, en sa rédaction actuelle, suscite de nombreuses interrogations sur tous les bancs de notre assemblée. Nous ne pouvons que nous réjouir de l'approche consensuelle qui prévaut sur cette question et de la volonté largement partagée d'assurer au peer-to-peer des jours radieux.

Je rappelle que le principe du peer-to-peer est de permettre aux internautes de mettre à disposition le contenu ou une partie du contenu d'un disque dur. Il est impossible de connaître à l'avance le contenu des fichiers qui vont être mis à disposition. Il ne s'agit pas d'interdire l'outil lui-même, celui-ci étant neutre par définition, mais de pointer les différents usages qui peuvent en être faits.

Par ailleurs, l'emploi de l'adverbe « manifestement » est ambigu. Que signifie-t-il au juste ? Il faudrait au moins donner des exemples afin d'éclairer l'intention du législateur. Nous avons déjà rencontré cet adverbe en d'autres occasions, notamment lors de l'examen de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, lorsqu'il s'est agi de définir la responsabilité des fournisseurs d'accès.

Enfin, en droit pénal, l'intention délictuelle doit toujours être démontrée - la définition de la contrefaçon constitue l'illustration même de ce principe. Il est indispensable que nous écrivions le droit de manière intelligible, surtout en matière pénale. En l'occurrence, ne pas définir l'intention délictuelle entraîne le risque évident de voir cette disposition être déclarée anticonstitutionnelle. Nous souhaitons écarter ce risque en apportant certaines corrections d'écriture à l'amendement n° 150 deuxième rectification.

Christine Boutin

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je ne peux pas ne pas prendre la parole sur cet amendement. On retrouve là, en effet, la philosophie qui sous-tendait nos débats au mois de décembre : le peer-to-peer est mis à l'index et les internautes sont pistés.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Mais non !

M. le ministre de la culture et de la communication. Oh, cela suffit !

Mme Christine Boutin.

À l'heure qu'il est et après toutes ces nuits passées à débattre, vous ne me ferez pas taire ! N'est-ce pas stigmatiser les internautes que de prévoir une peine de trois ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende ? Démontrez-moi donc le contraire !

Alors qu'on prétend que la philosophie du texte a changé, cet amendement montre que les objectifs sont restés les mêmes : le peer-to-peer et les internautes sont toujours mis en accusation. Ce serait grave si ce n'était pas risible. La technologie rendra très vite cette mesure inapplicable, en effet.

M. François Bayrou. Absolument !

Mme Christine Boutin.

Je le dis clairement : si un recours pour inconstitutionnalité est déposé sur la base de cet amendement, je le signerai !

Christian Paul

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Pendant la suspension de séance, nous avons tous tenté loyalement de confronter nos points de vue et de trouver une solution. Il s'agit là d'un enjeu évident d'innovation informatique. Nul, ici, n'a envie de voir partir vers d'autres continents les développeurs informatiques français et européens les plus talentueux. Mais il faut aussi que chacun ait à l'esprit qu'une loi insuffisamment débattue peut entraîner des dommages collatéraux.

Je rappellerai après Patrick Bloche qu'un outil logiciel peut avoir plusieurs usages. Vous avez reconnu sans difficulté les uns comme légaux, qu'il s'agisse d'échanger des biens culturels, des œuvres ou des logiciels libres. En revanche, vous refusez ce statut à d'autres. C'est pourtant le même outil qui est en jeu. Et si vous condamnez le concepteur ou l'éditeur, vous allez porter un coup d'arrêt au développement de logiciels de partage des fichiers.

Il est donc essentiel de préciser clairement ce qui peut être fait et ce qui ne peut l'être. Si vous acceptez d'introduire dans le texte de cet amendement, qui évoque un dispositif - ou plutôt un logiciel compte tenu du sous-amendement n° 363 - manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'œuvres ou d'objets protégés, l'adverbe « exclusivement » pour cibler ceux des outils, peu nombreux, c'est vrai, qui auraient spécifiquement cette fonction, vous limiteriez le risque de sinistre industriel majeur qu'occasionnera la mesure.

Nous vous invitons à réfléchir à cette proposition. Nous pourrions, au moins sur ce point-là, rassembler nos efforts. À défaut, vous prendrez une grave décision.

Christian Vanneste

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Ce texte, rappelons-le, vise à lutter contre les téléchargements illicites, dont un grand nombre est effectué inconsciemment parce que les éditeurs de logiciels les encouragent pour en tirer profit. C'est la raison pour laquelle le dispositif prévu à l'amendement n° 150 deuxième rectification tend à exonérer les internautes pour mieux cibler les éditeurs de logiciels.

M. Patrick Bloche. Oui, mais faites donc le partage !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

C'est précisément l'objet de la jurisprudence anglo-saxonne qui a mis fin à une jurisprudence précédente, celle de Sony's Betamax. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, nous sommes en effet passés de l'ère de la télévision à celle d'Internet. Très intelligemment, la Cour suprême américaine a donc changé sa jurisprudence.

N'incriminer les éditeurs de logiciels que si leur activité est exclusive est évidemment impossible. Il faut toujours et avant tout avoir à l'esprit le but que poursuit le Gouvernement depuis deux ans : faire glisser le téléchargement illicite vers des plates-formes de téléchargement licites.

M. Patrick Bloche. Ah ! Voilà !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Il s'agit donc de légaliser le peer-to-peer. C'est exactement ce à quoi est parvenue la jurisprudence américaine en passant de Napster à Snowcap. Et comme l'a rappelé Richard Cazenave, BitTorrent se met aussi au partage de fichier légal. Voilà la démarche !

C'est la raison pour laquelle il faut s'appuyer sur l'amendement n° 150 deuxième rectification. Mais, compte tenu de l'importance de la recherche en matière de logiciels libres dans notre pays, il est bon de mettre aussi des garde-fous : ceux-ci sont prévus dans les sous-amendements de nos collègues Carayon et Cazenave. Il faut nous en tenir à cette ligne médiane. La proposition de M. Christian Paul ne donnera aucun résultat.

Mme Christine Boutin. La vôtre non plus !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Si nous le suivions, nous ne pourrions incriminer aucun éditeur.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication.

Le moment est important. Et afin qu'aucune idée fausse ne subsiste ni dans cet hémicycle ni à l'extérieur,...

M. Patrick Bloche. Ce n'est pas à vous d'en décider !

M. le ministre de la culture et de la communication.

...je voudrais reprendre certains éléments.

Notre objectif est de mettre la technologie au service de la diffusion des œuvres - le maximum possible et avec tous les nouveaux modèles économiques possibles - dans le respect du droit d'auteur. L'amendement n° 150 deuxième rectification, modifié par les sous-amendements nos 398, 399, 363 et 364 deuxième rectification, permet précisément d'atteindre ce point d'équilibre. Les sanctions ne peuvent viser les seuls internautes.

M. Patrick Bloche. Vous confondez tout !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Il faut donc cesser d'agiter le chiffon rouge de la prison et des 300 000 euros d'amende pour l'internaute qui télécharge illégalement.

Mme Christine Boutin (Brandissant son foulard rose). C'est un chiffon rose !

M. Christian Paul. Vous mélangez tout, monsieur le ministre !

M. Patrick Bloche. Quelle confusion !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Il n'est pas question, loin s'en faut, de condamner une technologie, celle du pair à pair. Il s'agit de pouvoir poursuivre pénalement ceux qui, de manière intentionnelle - et le droit pénal est d'interprétation stricte - et massivement, alimentent le piratage et incitent au piratage par des messages publicitaires, c'est-à-dire ceux qui « font » de l'argent sur le dos des internautes et des créateurs.

Mme Martine Billard. Il ne s'agit pas du tout de cela !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Toutes les précautions sont prises dans les sous-amendements à l'amendement n° 150 deuxième rectification pour que le logiciel libre, qu'il ne faut surtout pas confondre avec le logiciel de piratage, ne puisse être concerné par cette disposition.

Je le répète ici, et je crois que cette conviction est partagée sur tous ces bancs, nous avons un potentiel culturel et artistique considérable dans notre pays.

M. Patrick Bloche. Ce n'est pas le sujet !

M. Christian Paul. Nous parlons d'informatique !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Nous avons aussi un potentiel scientifique que nous voulons préserver et développer. L'amendement n° 150 deuxième rectification, sous-amendé comme je l'ai indiqué, ne vise pas les internautes. Seuls sont visés, avec des dispositions très strictes, ceux qui veulent contourner le droit d'auteur à des fins commerciales.

Mme Martine Billard. C'est faux !

M. le président. Je précise que le groupe UDF s'associe à la demande de scrutin public du groupe socialiste sur le vote de l'amendement n° 150 deuxième rectification.

Mme Claude Greff. Cela devient une habitude !

M. le président. Par ailleurs, j'ai six demandes d'intervention. Je veux bien, en dehors de tout règlement, donner la parole à chacun de ceux qui me l'ont demandée. Mais je les invite à ne s'exprimer qu'en deux minutes.

François Bayrou

La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou.

Le débat a clairement montré de quoi il s'agissait. Tout le monde a pu mesurer le risque que comporte l'amendement n° 150 deuxième rectification. Dès lors, l'Assemblée doit avoir le réflexe de voter contre. Certes, le sous-amendement n° 364 deuxième rectification tente de conjurer ce risque, mais de manière si vague, ou si large, qu'il créera, à mon avis, une ambiguïté absolue dans le texte définitif.

Rappelons-le, le rôle de la loi pénale est de borner clairement les pratiques que le juge sera amené à poursuivre. Il est difficile d'imaginer qu'il existe un logiciel dont on pourra dire qu'il n'est pas destiné au travail collaboratif et à la recherche ou à l'échange de fichiers et d'objets non soumis à la rémunération du droit d'auteur. Quel juge pourra qualifier ainsi quelque logiciel que ce soit ?

Détruire ainsi par un sous-amendement le sens de l'amendement n'est pas faire œuvre constitutionnelle. Il y a là quelque chose qui permettra sans doute au juge constitutionnel de se prononcer sur le sujet, et pas favorablement selon moi.

Richard Cazenave

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Tout a été dit et c'est très bien car nos débats éclaireront ceux qui auront à faire la jurisprudence. Chacun a compris qu'aucun éditeur de logiciels français ne sera visé par cette mesure.

M. Christian Paul. Ils le seront tous !

M. Richard Cazenave.

Non, aucun. Seuls pourront être éventuellement visés des sites - ils ne sont d'ailleurs pas français - qui proposent des téléchargements dans des conditions contournant manifestement les droits d'auteur.

On ne peut pas prétendre mettre en place un système de contrôle de l'exercice des droits sans essayer de l'encadrer. De même, on ne peut pas mettre en état d'insécurité juridique le logiciel libre français. Grâce aux mesures que nous proposons, nous sommes parvenus à un point d'équilibre. Certes, ce n'est pas forcément extrêmement satisfaisant...

M. François Bayrou. Comme vous dites !

M. Richard Cazenave.

Mais personne n'a trouvé de rédaction plus précise, ayons l'humilité de le reconnaître.

En tout état de cause, les dispositions prévues protègent nos éditeurs de logiciels libres de l'insécurité juridique et permettent de poursuivre les réseaux étrangers qui profitent des réseaux de pair à pair pour procéder à une exploitation commerciale destinée sciemment à contourner les droits d'auteur.

Laurent Wauquiez

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez.

Monsieur Bayrou, il n'y a pas un risque à éviter, mais plutôt deux défis à concilier, comme l'a très bien démontré Jean Dionis du Séjour. Il faut défendre autant que possible le logiciel libre...

M. François Bayrou. Pas seulement « autant que possible » !

M. Laurent Wauquiez.

...et l'idée chère à Richard Cazenave selon laquelle la technologie est neutre et n'a pas a priori d'usage définitif. Mais il faut également éviter le contournement des droits d'auteur à des fins d'exploitation commerciale.

M. Christian Paul. Alors, condamnez l'exploitation commerciale !

M. Laurent Wauquiez.

Pour ma part, je me serais volontiers rallié au sous-amendement n° 324 et au terme « exclusivement », mais une considération importante m'en dissuade : on ne peut pas expliquer qu'une technologie n'a jamais a priori un usage exclusif tout en prétendant sanctionner les technologies exclusivement destinées à un usage particulier. Vous l'avez-vous même reconnu, aucune technologie n'est a priori exclusivement destinée à un usage particulier. J'ai bien compris l'objectif de ce sous-amendement, mais sa rédaction me gêne.

Patrick Bloche

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Même si l'intervention du ministre était largement hors sujet,...

Mme Martine Billard. Tout à fait !

M. Patrick Bloche.

...il a utilisé le terme « intentionnellement ». Le problème, c'est que celui-ci ne figure pas dans l'amendement que l'on essaie à tout prix de nous faire voter !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est l'adverbe « sciemment » qui est employé dans l'amendement !

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est la même chose !

M. Patrick Bloche.

Vous avez dit « intentionnellement », monsieur le ministre ! Vous ne pouvez le nier - vos propos figureront au Journal officiel.

L'amendement n° 150 deuxième rectification vise un « dispositif manifestement destiné à la mise à disposition du public ». L'ajout du terme « exclusivement » que nous proposons dans le sous-amendement n° 324, auquel plusieurs collègues de la majorité, dont M. Wauquiez, portent un certain intérêt, permettrait de ne viser que les développeurs de logiciels utilisables uniquement à des fins de contrefaçon. La différence est très claire : l'amendement, tel qu'il est rédigé, en plus de la contradiction soulignée par M. Bayrou et de risques évidents d'anticonstitutionnalité, aboutit à condamner une technologie en tant que telle pour certaines des utilisations qui en sont faites. Le vote de cet amendement serait la mort du développement du peer-to-peer. Mais, comme il se développera de toute façon, ce sera ailleurs qu'en France. Voilà votre conception du patriotisme économique !

M. Christian Paul. Bravo !

Dominique Richard

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard.

Je voudrais apporter un éclairage un peu différent. Il me semble que l'amendement n° 150 deuxième rectification, modifié par les sous-amendements nos 399, 363 et 364, met en cohérence le code de la propriété intellectuelle avec les principes généraux de notre droit pénal.

Je rappellerai, de mémoire, qu'il y a trois éléments constitutifs d'une infraction pénale : l'élément légal, l'élément réel et l'élément intentionnel. Or il me semble que la référence à un but « manifeste » correspond précisément au troisième élément puisqu'elle renvoie à la volonté manifeste de contourner le droit d'auteur.

Martine Billard

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard.

À voir la difficulté que nous avons à interpréter cette rédaction, mot après mot, on peut se faire du souci pour la jurisprudence ! Nous sommes en train d'instaurer une insécurité juridique et économique totale pour nos entreprises. Que signifie « un dispositif manifestement destiné à » ? On pourrait tout à fait soutenir qu'Internet est manifestement destiné à la diffusion de discours racistes et d'images pédophiles ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En réalité, l'outil est neutre : le problème réside dans la façon dont il est utilisé. Or c'est l'outil que vous voulez poursuivre en justice !

M. Bernard Carayon. Mais non !

Mme Martine Billard.

Ce que nous redoutons depuis le début de ce débat est arrivé : nous allons mettre en péril toute l'industrie du logiciel libre, et pour un temps assez long.

La concurrence économique est rude, on se plaint que la France manque d'industries innovantes et que les jeunes n'ont pas le goût du risque, mais on veut voter un amendement qui ne peut qu'inciter tous ceux qui travaillent dans ce secteur à tout arrêter pour ne pas risquer de se retrouver en prison pour trois ans et de payer 300 000 euros d'amende !

Lorsqu'on est devant un danger, on applique le principe de précaution et l'on ne prend pas de risque. Alors ne votons pas cet amendement !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 376.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 398.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 324.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 399.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 363.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 364 deuxième rectification.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 150 deuxième rectification, modifié par les sous-amendements adoptés.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

  • Nombre de votants 76
  • Nombre de suffrages exprimés 74
  • Majorité absolue 38
  • Pour l'adoption 55
  • Contre 19

L'Assemblée nationale a adopté.

Christian Paul

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

La situation est très grave.

L'exposé du ministre nous a permis de comprendre l'enjeu de cet amendement : pour calmer une illusion sécuritaire et satisfaire certains intérêts économiques dans le domaine de la culture, nous venons de créer une insécurité juridique durable pour l'ensemble de l'innovation logicielle dans notre pays. Nicolas Sarkozy, président de l'UMP, a tenté au mois de janvier de séduire ceux qui représentent la créativité, l'innovation et l'intelligence de notre pays en matière logicielle. M. Sarkozy pourra faire tous les discours qu'il voudra. Reste que vous venez ce soir de réduire à néant, et pour longtemps, les efforts de beaucoup d'entreprises françaises !

Patrick Bloche

Article 13

M. le président. Sur l'article 13, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Nous sommes encore sous le choc du vote de l'amendement n° 150 deuxième rectification ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Riez, mes chers collègues, riez à gorge déployée ! Quand vous verrez nos entreprises, nos ingénieurs et nos chercheurs s'expatrier pour développer un logiciel hors de nos frontières, vous rirez moins ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Carayon. Vous n'avez pourtant pas l'habitude de défendre les entreprises !

M. Patrick Bloche.

Où sont les grandes déclarations de M. Sarkozy sur l'innovation, sur l'Internet, et celles de M. de Villepin sur le patriotisme économique ? Vous les avez oubliées pour défendre des intérêts particuliers, d'ailleurs défendus à longueur de colonnes dans la presse ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Nous ne sommes pas au théâtre !

M. Bernard Carayon. Vous avez plombé les entreprises françaises !

M. Patrick Bloche.

Nous, nous sommes ici pour défendre l'intérêt général, qui nous impose de ne pas voter un amendement scélérat pour l'économie française, l'industrie française, la recherche et l'emploi en France !

M. Bernard Carayon. L'économie française, vous l'avez coulée !

Mme Claude Greff. Vous savez ce que c'est, une entreprise ?

M. Patrick Bloche.

Prenez conscience de votre responsabilité et mesurez les conséquences du vote de cet amendement scélérat ! Nous avons encore l'espoir que l'imprécision de sa rédaction poussera le Conseil constitutionnel à faireœuvre salutaire en annulant cette disposition.

M. Christian Paul. C'est de la bêtise économique, monsieur Carayon !

M. Patrick Bloche.

Nous en arrivons à l'article 13, celui qui permettra sans doute au ministre de dire combien il est fier de ce projet de loi : il s'agit du dispositif de sanction « allégé », de la riposte graduée.

Nous revenons ainsi dans le cadre répressif, mais dans des conditions très différentes de celles de décembre dernier. C'est en effet grâce au vote, le 21 décembre, d'un amendement tendant à légaliser le téléchargement afin de créer une rémunération supplémentaire pour les filières culturelles, en particulier la filière musicale, que nous avons sorti le projet de loi du champ de la contrefaçon.

Dans le rapport de M. Vanneste, en date du 7 juin 2005, l'article 13 porte en effet ce titre : « Assimilation au délit de contrefaçon des atteintes aux mesures techniques de protection et d'information dans le domaine des droits d'auteur ». À la clé, 300 000 euros d'amende et trois ans de prison !

On vous a entendu, monsieur le ministre, et quelquefois dans un langage peu châtié, dire que vous en aviez « plein la gueule » de vous voir accusé de vouloir « mettre les internautes en taule ». Mais c'est vous qui, au nom du Gouvernement, avez présenté dans cet hémicycle, le 20 décembre, un projet de loi qui assimilait le contournement des mesures techniques à de la contrefaçon, et qui faisait peser sur chaque internaute la menace de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende !

Si, aujourd'hui, vous nous proposez un autre dispositif, c'est bien grâce à la majorité qui s'est dressée, le 21 décembre, dans cet hémicycle, pour dire non !

Nous sommes donc sortis du champ de la contrefaçon...

Mme Claude Greff. Et où allons-nous maintenant ?

M. Patrick Bloche.

...mais votre nouveau dispositif de sanction a ceci d'étonnant qu'il nous fait passer de 300 000 euros d'amende et trois ans de prison à 38 euros d'amende, et qu'il fait des internautes non plus des délinquants possibles, mais des contrevenants potentiels.

Votre choix d'un système contraventionnel nous amène à nous poser de nombreuses questions. Cela vous permet, une nouvelle fois, comme aux articles 8 et 9, de dessaisir le Parlement et la justice...

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. C'est incroyable !

M. Patrick Bloche.

...et de renvoyer le dispositif de sanction à la voie réglementaire.

Nous avons posé, depuis les réunions de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles, un certain nombre de questions auxquelles nous n'avons pas encore reçu de réponse. Et le président de la commission des lois, M. Houillon, a très justement souhaité que l'intention du législateur soit clairement précisée pour définir l'infraction, au moins dans le cadre de nos débats puisque c'est la voie réglementaire qui a été choisie. Quand l'infraction sera-t-elle constituée ? À chaque acte de téléchargement, à chaque morceau téléchargé ? Qui fera les constatations, qui contrôlera, qui dressera les procès-verbaux ? Il nous a été dit en commission qu'un juge serait saisi à un moment de la procédure pour faire le lien entre l'adresse IP et l'identité de l'internaute. Encore une usine à gaz, qui alourdit encore un peu plus ce très mauvais projet de loi !

Je termine, monsieur le ministre, car nous aurons l'occasion de revenir longuement sur ce thème et de vous reposer incessamment des questions pour obtenir enfin, nous l'espérons, des réponses !

À l'arrivée, l'aspect le plus caricatural est que vous ayez refusé de légaliser le téléchargement ! Vous avez refusé une rémunération supplémentaire pour les filières culturelles et notamment la filière musicale ! Vous restez donc dans le choix de l'interdiction, de l'illégalité et de la gratuité. Et avec la contravention punissable d'une amende de 38 euros, nous sommes, comme l'écrivait un éditorial pas plus tard qu'hier soir, dans la farce du téléchargement tel que vous le concevez ! Car, en l'occurrence, avec ce dispositif nouveau que vous nous présentez - qui, certes, nous fait sortir du champ de la contrefaçon -, aussi paradoxal que cela puisse paraître, vous banalisez la gratuité et, sans doute plus accessoirement, vous allez alimenter le budget de l'État grâce aux contraventions ! Vous n'avez même pas été capable de nous proposer un dispositif qui aurait permis, au moins, de rémunérer les artistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Christian Paul

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Monsieur le ministre, à ce stade du débat tant attendu par tous les tenants de la logique répressive, nous allons devoir parler des sanctions.

C'est vrai, et nous pourrions considérer qu'il s'agit d'une victoire symbolique, le téléchargement n'est plus de la contrefaçon. J'observe d'ailleurs que le mot « piratage » est de moins en moins entendu dans nos débats, peut-être parce que vous enfin compris qu'il relève du droit maritime et non pas de notre droit pénal ! Cela a commencé avec une montagne répressive, et la question ce soir est de savoir si cette montagne accouche d'une souris : la fameuse amende de 38 euros ?

Vous conviendrez que, dans ce mouvement de balancier, il y a tout de même plus de déraison que de raison. C'est d'autant plus vrai que, dans les ingrédients de la farce dont vient de parler Patrick Bloche, il y a beaucoup d'hypocrisie.

Fin décembre, début janvier, on a voulu faire passer en direction des internautes - qui, par dizaines de milliers, se réjouissaient, c'est vrai, de l'acte politique voulu par notre assemblée - un message selon lequel, sans bien sûr légaliser le pee-to-peer, le Gouvernement, M. de Villepin, qui s'est exprimé, pouvaient peut-être ouvrir un peu la porte. Or mes chers collègues, nous sommes extrêmement inquiets de l'hypocrisie qui est en train de s'installer, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit ! La solution que vous proposez par les articles 13 et 14 est une sortie de cette crise par l'hypocrisie !

Pourquoi parler d'hypocrisie ? Parce qu'une amende de 38 euros n'est pas dissuasive. Comment entendez-vous administrer cette amende, monsieur le ministre ? Sera-t-on plus proche du radar automatique ou de la contravention pour stationnement interdit ? S'agira-t-il, par une méthode d'abattage automatisé, de procéder à des sanctions de masse ? S'agit-il, au contraire, d'agir par l'intermédiaire d'une police de l'Internet, privée ou publique - nous ignorons si ce sont des agents assermentés ou des services de police ou de gendarmerie qui seront mobilisés ? Quel sera le contrôle du juge avant, pendant et après, puisque vous avez, en commission des lois, parlé du juge et de son rôle ?

Telles sont les questions que nous allons vous poser.

Ce dont nous sommes sûrs, car vous êtes maintenant parti pour réaliser le pire, c'est que cette décision que vous allez prendre aboutira à un système perdant-perdant : pas un euro de plus pour les artistes et, bien évidemment, poursuite exponentielle du téléchargement de musique ! En effet, parmi les ayants droit, parmi les sociétés de gestion, y compris celles ayant commis l'erreur de vous faire confiance pour régler l'ensemble de ces problèmes et adapter notre droit, nous entendons déjà un vent de fronde parce que chacun sait bien que c'est la pire sortie de crise que vous êtes en train d'imaginer !

Frédéric Dutoit

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit.

Avant tout, je voudrais dire mon émotion après le vote exprimé il y a quelques instants sur l'« amendement Vivendi » qui, malheureusement, ouvre la porte à la mort du logiciel libre et aux pratiques du peer-to-peer !

Mme Claude Greff. Une minute de silence !

M. Frédéric Dutoit.

Mais comme je l'ai dit hier soir, le XXIe siècle nous rattrapera, la réalité sera bien plus forte et j'espère que cette loi sera mise au placard pour que l'histoire ne s'en souvienne jamais.

Monsieur le ministre, en décembre, vous vous étiez présenté devant notre assemblée avec un article 13 qui, dans l'improvisation la plus totale, assimilait à la contrefaçon toutes sortes de comportements n'ayant absolument rien à voir avec elle.

Vous aviez alors forgé, toujours dans l'improvisation, le concept hésitant, pour ne pas dire fantaisiste, de « riposte graduée ».

Vous vous êtes rapidement trouvé dans l'obligation de revoir votre copie et vous nous proposez un nouveau dispositif qui a toutes les apparences d'être réfléchi, mais qui comporte pourtant un grand nombre d'oublis particulièrement fâcheux.

Ce nouveau travail a été fait après le vote du mois de décembre. Je crois qu'il a été salutaire pour nous tous : il a démontré à quel point ce texte de loi est hasardeux et ne correspond plus aujourd'hui aux pratiques en cours.

C'est ainsi qu'il nous sera proposé de punir de 3 750 euros d'amende le fait de porter atteinte aux mesures techniques quand les fins sont autres que la recherche.

La recherche est-elle le seul motif légitime de contourner les mesures techniques ? À l'évidence, non.

Ainsi, le récent rapport parlementaire australien que nos collègues, dont M. Mathus, ont évoqué hier propose tout simplement d'introduire trente-sept exceptions à l'interdiction de contournement ! Parmi elles, figure notamment le contournement à des fins d'usage licite, de protection de la vie privée, de sécurité informatique et également d'interopérabilité.

Même les États-Unis, qui n'avaient prévu que quatre exceptions, alors que vous n'en proposez qu'une, ont, dès l'adoption de la loi DMCA un peu équivalente à la nôtre, introduit de nouvelles exceptions. Ainsi, le public américain peut neutraliser les mesures techniques qui, dysfonctionnant, empêchent un usage licite.

Avouez que nous sommes loin de cette rédaction. Vous proposez tout simplement de remettre le public pieds et poings liés aux mains des fournisseurs de mesures techniques au risque d'attenter à un droit fondamental : le droit au contrôle de ses données personnelles.

Nous ne pouvons l'accepter, eu égard à la liberté de chacun !

Jean Dionis du Séjour

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour.

Avec l'article 13, nous abordons le dispositif des sanctions.

Le modèle que nous essayons de faire émerger - le nouveau modèle économique de rémunération de la culture où Internet est le canal de diffusion majeur - repose sur un trépied.

D'abord, la plateforme légale d'acquisition d'œuvres culturelles : depuis le début, nous avons plaidé pour cette direction et non pas pour la licence globale. Je suis heureux que nos travaux aient confirmé cette direction.

Deuxièmement, les mesures techniques de protection des œuvres : elles font partie de la réponse au piratage - même si le terme « piratage » est, paraît-il, un gros mot.

Troisièmement, les sanctions : un travail a été accompli et nous voulons en prendre acte. Il a abouti aujourd'hui à une proposition de sanctions proportionnées et graduées en fonction de la gravité des faits. En cela, nous soutiendrons ce volet, beaucoup plus équilibré que les dispositions antérieures. Je n'ai pas très bien compris si nos collègues socialistes étaient pour les 38 euros, si c'était trop ou pas assez. Pour notre part, nous estimons être arrivés à une proposition intéressante.

Cela étant dit, la question de l'efficacité de ce volet sanctions a été posée. C'est vrai, il est important qu'il fonctionne ! Nous allons travailler sur plusieurs points.

Le contrôle sera-t-il efficace ? Il est maintenant acquis qu'il sera réalisé par un service spécialisé de la police d'État.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est en effet un progrès !

M. Jean Dionis du Séjour.

Nous sommes heureux de cette solution, meilleure que celle faisant intervenir les agents assermentés des sociétés de répartition.

Il faut des sanctions prononcées par les juridictions ordinaires : Internet, c'est le droit commun.

Par contre, il manque selon nous un vrai volet prévention.

Monsieur le ministre, il faut répondre à une question simple : qui est sanctionnable ? Est-ce l'auteur des faits ou l'abonné ? Si vous ne tranchez pas, le volet sanctions sera construit sur du sable.

Nous vous avons proposé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, un amendement. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi la séance l'a refusé, encore une fois, ce qui commence à faire beaucoup ! Nous demandons officiellement la levée de la forclusion sur cet amendement qui pose de vraies questions, notamment sur la responsabilité - qui est responsable, l'abonné ou l'auteur des faits ? - et qui ouvre le débat sur l'avertissement.

Monsieur le ministre, nous vous demandons d'ouvrir le débat sur ces points, sinon, alors que nous soutenons sur le principe le volet sanctions, vous risquez de construire le dispositif sur un terrain fragile. Nous aimerions obtenir une réponse car nous n'avons toujours pas compris pourquoi la séance nous avait refusé cet amendement.

Bernard Carayon

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon.

Je voudrais revenir sur deux types de propos tenus par nos collègues socialistes tout à l'heure, pour en souligner la parfaite hypocrisie.

Ils se font maintenant les défenseurs de l'entreprise. La belle affaire ! Pendant des années, ils ont plombé les entreprises françaises par l'alourdissement des charges, par la réduction du temps de travail de manière obligatoire ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et ce soir, ils se font les apôtres de la libre entreprise, peut-être même du marché des logiciels libres, alors que, honnêtement, ils auraient pu soutenir les amendements que nous avons portés précisément pour défendre l'industrie du logiciel libre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Chassaigne. Le logiciel du MEDEF !

M. Bernard Carayon.

Ensuite, nos collègues socialistes, appuyés d'ailleurs par quelques autres voix dans cet hémicycle,...

M. Christian Paul. Même à l'UMP !

M. Bernard Carayon.

...répètent que le Parlement ne cesse de se dessaisir. Et ce sont les mêmes qui invoquent l'ombre tutélaire du Conseil constitutionnel. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ils donnent le sentiment de légiférer sous l'ombre portée du Conseil constitutionnel ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. Parce que vous dessaisissez le Parlement !

M. André Chassaigne. C'est aussi bien que l'ombre du MEDEF !

M. Bernard Carayon.

Pourtant, votre camp, messieurs, n'a pas toujours été très favorable au Conseil constitutionnel ! Il a même longtemps critiqué cette institution voulue par le général de Gaulle ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Je me souviens des propos tenus le 22 juin 1978 par quelqu'un qui était issu de vos rangs.

M. Frédéric Dutoit. Quelle bassesse !

M. Bernard Carayon.

« Où l'indépendance irait-elle se nicher dans ce cénacle recruté homme par homme dans le gotha de la majorité ? », dixit François Mitterrand !

M. Christian Paul. Cela n'a pas beaucoup changé !

Mme Hélène Mignon. De quoi parle-t-il ? Quel rapport avec le texte ?

M. le président. Monsieur Dionis du Séjour, si votre amendement a été refusé, c'est qu'il a été déposé hors du délai prévu par notre règlement.

Pierre-Christophe Baguet

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, nous avions beaucoup travaillé sur l'amendement en question.

M. le président. Je n'ai pas le pouvoir de passer outre !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Effectivement, monsieur le président.

Nous avions déposé cet amendement, il a été refusé par la séance ; c'est dommage, mais nous allons essayer de savoir pourquoi.

En tout cas, nous voudrions engager le débat. Notre amendement reposait sur trois points.

Premièrement, sur la responsabilisation de l'internaute, point très important.

Deuxièmement, sur la pédagogie ciblée. On sait bien que la pédagogie de masse n'est pas efficace. Moi-même, j'ai fait voter naguère un amendement visant à obliger les fournisseurs d'accès à préciser, dans leurs publicités, que le piratage nuisait à la création artistique.

Enfin, le troisième point de notre amendement prévoyait une sanction. Nous nous réjouissons de voir qu'on passe de la criminalisation à la contravention. La criminalisation était bien excessive. La contravention ciblée et progressive paraît plus adaptée. Celle de 38 euros nous semble compréhensible et peut avoir des vertus pédagogiques. Celle de 150 euros, en cas de mise à disposition à autrui, est cohérente. Nous regrettons vivement que notre amendement n'ait pas pu être retenu et souhaiterions, monsieur le ministre, engager ce débat sur la responsabilisation, sur la pédagogie ciblée qui doit remplacer la pédagogie de masse, et sur les sanctions progressives, cohérentes et graduées.

Martine Billard

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 126, tendant à supprimer l'article 13.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir cet amendement.

Mme Martine Billard.

Voici une nouvelle illustration des conditions rocambolesques dans lesquelles nous travaillons. Lorsque, en décembre, nous avons déposé nos amendements, ils concernaient un texte bien précis. Pour ma part, j'avais déposé un amendement de suppression de l'article 13 qui, à l'époque, visait la contrefaçon. Entre-temps, nous avons vécu ces fameuses séances de décembre et le Gouvernement a proposé une nouvelle rédaction de l'article 13. Difficile de suivre, dans ces conditions !

Cela dit, comme tous mes collègues Verts, je me félicite que la nouvelle rédaction ne fasse plus référence au délit de contrefaçon, notion qui, il faut bien le reconnaître, était assez peu pertinente en l'espèce. On nous assure aujourd'hui que la riposte graduée est un grand pas en avant. Elle consiste à infliger une pénalité de 38 euros pour un téléchargement simple, et de 150 euros pour la mise à la disposition de fichiers. Cependant, j'ai un peu de mal à comprendre : le principe d'un logiciel de peer-to-peer est précisément de mettre à disposition les fichiers dont on dispose et de télécharger ceux que l'on trouve. Dans ce cas, est-ce la contravention de 38 euros ou celle de 150 euros qui s'applique ? Faut-il, pour se voir infliger la plus lourde, qu'un internaute intéressé par ce que vous avez à proposer le télécharge effectivement ? Et si vous téléchargez deux œuvres, aurez-vous une ou deux amendes de 38 euros ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que cet amendement n'est pas aussi fantastique qu'on le prétend. Je vois que certains collègues hochent la tête : c'est qu'ils ignorent la réalité du pee-to-peer.

Mme Claude Greff. Et quand vous roulez à 160 kilomètres à l'heure pendant deux heures, on doit vous verbaliser une ou deux fois ? Soyons sérieux !

Mme Martine Billard.

Mais vous roulez avec une seule voiture, pas avec deux, tandis que, là, vous pouvez transférer plusieurs œuvres : c'est toute la différence. Je ne suis pas la première à poser la question, et c'est bien la preuve qu'elle est importante.

D'autre part, comment détermine-t-on que l'infraction est constituée ? Il y a plusieurs possibilités. Vous pouvez continuer à hocher la tête, le monde d'Internet n'est pas si simple. Certes, dans le cas d'un téléchargement à partir d'un site interdit, ce n'est pas très compliqué. Si le site est interdit, c'est qu'il y a eu ouverture d'une instruction judiciaire : la police surveille le site, vérifie qui se connecte, comme elle le fait, par exemple, pour la répression de la pédophilie. Mais dans le cas d'un logiciel de peer-to-peer, on ne peut pas passer son temps à surveiller tout le réseau.

M. Christian Paul. Le ministre de la culture va s'installer place Beauvau !

Mme Martine Billard.

Pour cela, il faudrait qu'il y ait une demande judiciaire, et peut-on accepter de placer Internet sous surveillance constante ?

M. le ministre de la culture et de la communication. On est après l'article 14, là !

Mme Martine Billard.

Enfin, on peut inciter au délit et proposer des films au téléchargement : celui qui les demande se trouvant en infraction, il suffit de le poursuivre.

M. Richard Cazenave. Parlons-nous de l'article 13 ou de l'article 14 ? On mélange tout !

Mme Martine Billard.

Mais, en droit français, à l'exception de quelques cas très précis définis assez récemment, la provocation au délit est interdite.

Vous le voyez, ce n'est pas si simple de réprimer l'internaute.

Mme Claude Greff. Ce n'est pas simple parce que vous avez l'art de tout embrouiller !

Mme Martine Billard.

Mais c'est la réalité. Vous le sauriez si vous étiez un peu plus souvent sur Internet.

Mme Claude Greff. Nous sommes tellement bêtes que nous ne connaissons même pas Internet !

Mme Martine Billard.

La seule possibilité qu'on envisage aujourd'hui, c'est de surveiller les logiciels de peer-to-peer. Tout va donc se passer dans la clandestinité, dans l'anonymat, dans le cryptage, et vous ne pourrez pas savoir qui télécharge illégalement, à moins de demander l'ouverture d'une instruction. Mais, pour cela, il faut avoir des soupçons, il faut qu'il y ait eu dénonciation. Dans la pratique, on se rend compte que cette solution prétendument idéale, on n'est pas près de la mettre enœuvre !

Mme Claude Greff. Bref, il vaut mieux ne rien faire !

Mme Martine Billard.

Proposez quelque chose au lieu de m'interrompre !

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Notre excellente collègue, Mme Billard, a largement débordé la défense de son amendement, évoquant l'article 14 et au-delà.

M. Richard Cazenave. Comme ça, on gagne du temps !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Sans doute est-ce un signe de générosité.

Mme Claude Greff. C'est une marque de simplicité !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Pour ma part, je me contenterai de répondre sur l'amendement n° 126, auquel la commission est défavorable, puisqu'elle a approuvé l'article 13.

En supprimant l'article 13, on supprimerait du même coup la loi et la directive européenne...

Mme Claude Greff. Évidemment !

M. Patrick Bloche. Mais c'est faux ! C'est honteux de mentir de la sorte !

Mme Martine Billard. Ça n'a rien à voir !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

...puisque, au cœur même de la directive, figurent ces dispositions visant à protéger juridiquement les mesures de protection, qui protègent elles-mêmes les droits d'auteurs.

M. Patrick Bloche. C'est une invention française !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Pour ceux qui ont des difficultés de lecture, je voudrais rappeler l'exposé sommaire de cet amendement, car il m'a beaucoup amusé : « Cet amendement tend à supprimer l'article 13 et par conséquent revenir aux dispositions de la directive transposée. » Or, dans son article 8, la directive précise que « les États membres prévoient des sanctions et des voies de recours appropriées contre les atteintes aux droits et obligations prévus par la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour en garantir l'application ». La seconde mouture du texte me paraît parfaitement correspondre à l'intention de la directive.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

Mme Martine Billard. La directive ne prévoyait pas la contrefaçon !

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je sais bien que nous abordons une série d'articles traitant de la question de la responsabilité, mais les propos de Mme Billard ne sont pas liés à l'article 13 et concernent l'après article 14.

M. Christian Paul. C'est vous qui êtes hors sujet !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Je voudrais rappeler l'architecture globale des mesures qui vous sont proposées. Il s'agit de mettre en place un dispositif de sécurité juridique afin de faire naître, de renforcer et de développer − bel enjeu ! − une offre légale attractive.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Notre objectif est de faire en sorte qu'il y ait le maximum de livres, de musiques, de films accessibles au plus grand nombre par Internet.

M. Patrick Bloche. Aux plus riches !

M. le ministre de la culture et de la communication.

En second lieu, nous avons une mission pédagogique à remplir : nous devons expliquer à nos concitoyens que défendre le droit d'auteur et la propriété intellectuelle, ce n'est pas défendre les intérêts au sens médiocre du terme,...

Mme Claude Greff. Eh oui !

M. le ministre de la culture et de la communication.

...mais reconnaître à tous les acteurs d'une filière artistique le droit de vivre de leur métier, de leur talent, et de les faire rayonner.

M. Patrice Martin-Lalande. Qu'ils deviennent des permanents, et non plus des intermittents !

M. le ministre de la culture et de la communication.

En adoptant ce texte, vous allez clore l'époque où seule existait une offre illégale. C'était une offre, et beaucoup s'y sont précipités, mais elle était illégale.

M. Christian Paul. Obscurantisme ! Imprécision !

M. le ministre de la culture et de la communication.

En même temps, vous allez rendre possible une offre légale attractive. Nous avons créé ce que j'ai baptisé l'Internet équitable. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Elle est bien bonne, celle-là ! Ça ne tient pas cinq minutes ! C'est le pont aux ânes de ce débat !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Je vois à ses réactions que la gauche regrette de ne plus pouvoir agiter le chiffon rouge de la prison pour l'internaute : c'était si facile de caricaturer la droite et la majorité présidentielle,...

M. Jean-Louis Idiart. Il n'y a plus de majorité présidentielle !

M. le ministre de la culture et de la communication.

...de les montrer tournant le dos à la création artistique, à la technologie et aux internautes. Nous sommes tous des internautes, mais, dans la vie, il faut parfois savoir faire preuve de courage et de volonté.

Mme Claude Greff. Ça, la gauche ne sait pas faire !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Encore une fois, je suis étonné que, dans ce débat, le potentiel de création musicale, cinématographique et artistique de notre pays soit confronté à une telle désinvolture. Nous avons tous ensemble fait en sorte que les biens culturels, les œuvres de l'esprit, ne soient pas considérés comme des marchandises comme les autres, et vous voudriez les abandonner à la jungle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

L'architecture équilibrée que nous allons restaurer remplit trois objectifs : délimiter clairement la frontière entre le légal et l'illégal ; sanctionner en fonction de la gravité des fautes et des responsabilités ; faire porter l'accent de la répression sur l'offre illégale, sans renoncer à dissuader le téléchargement illégal − c'est évidemment le rôle de la pédagogie. La loi poursuit des objectifs d'efficacité : pas plus qu'elle ne cherche à exonérer les internautes, elle n'entend les frapper massivement, car ce serait illusoire et contre-productif. Elle prévoit donc des peines sévères pour le contournement des mesures − tel est, je le rappelle, l'objet de l'article 13 − et pour la mise à disposition pure qui serait assimilée à de la contrefaçon.

Pour le téléchargement illégal et pour le téléchargement associant une mise à disposition accessoire, comme c'est le cas dans le pair à pair, elle prévoit deux types de contraventions. Le Gouvernement a voulu la transparence la plus intégrale. Tout est sur la table. Si le texte fait référence à l'aspect contraventionnel, c'est parce que la transparence me paraît nécessaire pour vous, parlementaires, et au-delà pour celles et ceux qui nous regardent, qui nous observent et qui veulent connaître la règle du jeu.

M. Christian Paul. Impressionnant !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Il faut choisir votre ligne d'attaque. Comme vous ne pouvez plus agiter le chiffon rouge de la prison, vous agitez celui de la traque et de la surveillance des internautes.

M. Christian Paul. Non, le chiffon rouge de l'impuissance publique !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Il ne s'agit et il ne s'agira en aucune manière d'une intrusion dans la liberté de communication, dans la vie privée des internautes, mais tout simplement d'une surveillance desœuvres, car c'est à partir d'elles que peut se faire le repérage.

Dans tous les cas, les sanctions seront prononcées à l'issue de procédures judiciaires comprenant une enquête, comme celles qui ont lieu aujourd'hui. Il est dans l'intérêt de tous que les procédures se concentrent sur les personnes soupçonnées de faits graves. Vous aurez beau répéter que nous allons nous acharner sur les simples internautes, l'objectif et le point d'équilibre de notre projet de loi n'en seront pas moins de se concentrer sur ceux qui alimentent une offre illégale et de vouloir faire naître une offre légale.

En ce qui concerne l'amendement n° 126, qui propose de supprimer l'article 13, j'émets un avis défavorable.

Christian Paul

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Mes chers collègues, je voudrais vous sensibiliser une nouvelle fois aux risques que fait courir votre entêtement et celui du ministre. Savez-vous, par exemple, qu'à l'heure où nous parlons, le Gouvernement procède à une réécriture complète de l'article 7,...

M. Didier Migaud. Est-ce possible ? (Sourires.)

M. Christian Paul.

...que vous avez voté en toute bonne foi ?

Mme Claude Greff. Heureusement que vous êtes là !

M. Christian Paul.

Avec cette obstination qui va conduire au pire, ainsi que nous le répétons depuis des heures, le Gouvernement va donc demander une deuxième délibération sur l'article 7.

Mes chers collègues, usez au moins une fois ce soir d'un peu d'esprit d'indépendance et demandez aussi une deuxième délibération sur l'amendement 150 deuxième rectification,...

Mme Martine Billard. Très bonne idée !

M. Christian Paul.

...dit amendement Vivendi, que vous avez voté avec le même aveuglement que l'article 7...

M. Richard Cazenave. Il faut arrêter maintenant !

M. Christian Paul.

...en faisant courir à notre pays les mêmes risques qu'hier, à l'article 7, à propos des DRM et de l'interopérabilité, et que tout à l'heure en matière d'innovation informatique.

Avec le même aveuglement et avec la même improvisation, vous adoptez la même méthode, celle de l'apprenti sorcier, bâtissant en guise de ligne Maginot des remparts de papier qui ne tiendront pas au-delà de la bonne conscience d'un soir.

J'écoutais M. le ministre nous exposer son arsenal dépressif... - quel lapsus ! (Sourires) - et, à coup sûr, répressif en matière de culture et d'informatique. Dans un entretien donné ces jours-ci à l'hebdomadaire Les Inrockuptibles que vous lisez sans doute, mes chers collègues, il a d'ailleurs répondu à un journaliste qui lui posait une question sur la proposition du président de l'UMP, M. Sarkozy, de supprimer le ministère de la culture - réponse qui, d'une certaine manière, avalisait cette proposition.

Mme Claude Greff. Et alors ?

M. Christian Paul.

Eh bien, nous avons compris, ma chère collègue, que le ministre de la culture allait ainsi quitter la rue de Valois pour la place Beauvau...

Mme Claude Greff. Vous ne le saviez pas ?

M. Christian Paul.

...afin de faire la chasse aux internautes.

M. Dominique Richard. Arrêtez donc ! N'êtes-vous pas fatigué ?

M. Christian Paul.

Tel est, mes chers collègues, le grand dessein de cette entreprise répressive : la suppression du ministère de la culture et la création d'un grand ministère non plus seulement de l'intérieur, mais de la police du Net !

Mme Claude Greff. On s'amuse ici !

Frédéric Dutoit

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Christian Paul. Lisez donc la presse, madame Greff !

Mme Martine Billard. Et intervenez sur le fond !

M. le président. Vous avez seul la parole, monsieur Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Je soutiens...

M. Christian Paul. En tout cas, nous sommes très heureux d'avoir fait votre connaissance, madame Greff ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Idiart. À la maison !

Mme Claude Greff. Des propos sexistes, maintenant !

M. Jean-Louis Idiart. La maison UMP, bien sûr !

M. le président. Évitez de tels propos, mes chers collègues !

Monsieur Dutoit, vous avez la parole.

M. Frédéric Dutoit.

Je soutiens, disais-je, l'amendement n° 126 de Mme Billard, mais je ne peux, monsieur le ministre, vous laisser répéter toujours la même chose depuis le mois de décembre - ce qui prouve cependant votre constance.

Vous avez fait voter l'article 7, mais peut-être le retirerez-vous avant de le réintroduire après l'avoir réécrit : nous sommes habitués depuis décembre à des procédures particulières, un jour constitutionnelles, le lendemain inconstitutionnelles et le surlendemain à nouveau constitutionnelles ! N'étant pas moi-même professeur de droit, je finis par douter de ma capacité à savoir un jour si cet article 7 est constitutionnel ou pas !

M. Jean Dionis du Séjour. Belle humilité !

M. Frédéric Dutoit.

Après avoir donc fait voter l'article 7 concernant les DRM, et l'amendement dit Vivendi, comment pouvez prétendre que votre objectif serait de garantir les droits d'auteur à la française ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Venez-en plutôt à votre intervention sur l'amendement n° 126.

M. Frédéric Dutoit.

Les droits d'auteur ne constituent dans votre projet qu'un cheval de Troie : ce que vous souhaitez c'est, ni plus ni moins, ouvrir à Vivendi, bien entendu, et, plus généralement, aux fabricants des logiciels propriétaires et aux industries informatiques - et non aux auteurs, même s'il s'agit d'industries culturelles, pour une part - un nouveau marché en matière de numérique et de l'utilisation d'Internet, au potentiel considérable et au taux de rentabilité très élevé.

Le voile se déchire : votre projet de loi n'a pour seul objectif que de faire tomber la culture dans le domaine du marché. Vos belles paroles prononcées à l'UNESCO, et que j'ai d'ailleurs partagées, sur la diversité culturelle dans le monde et l'exception française montrent aujourd'hui leur limite !

Telle est d'ailleurs la raison pour laquelle je vous ai demandé, dès le début de notre discussion, le retrait du projet de loi, car nous aurions pu trouver un compromis satisfaisant pour tous, permettant de garantir le respect du droit d'auteur à l'ère de la société de l'information et du numérique. Je vous l'ai prédit hier : le XXIe siècle vous rattrapera !

De toute façon, que l'amendement de Mme Billard de suppression de l'article soit ou non adopté, l'article 13 ne sera pas applicable, et il serait donc plus intelligent de le retirer.

Patrick Bloche

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour ajouter quelques mots.

M. Patrick Bloche.

Au risque de vous décevoir, monsieur le président, je crains de devoir intervenir à nouveau sur cet article 13.

M. le président. Nous ne sommes plus aux inscrits sur l'article mais à l'amendement n° 126.

M. Patrick Bloche.

Parler d'un amendement qui supprime un article, c'est forcément parler de l'article.

M. le président. L'habitude veut que seuls deux orateurs interviennent en réponse à la commission et au Gouvernement.

M. Patrick Bloche.

C'est vrai.

M. le président. Vous êtes le troisième et c'est pourquoi je vous serais reconnaissant de bien vouloir intervenir brièvement.

M. Patrick Bloche.

Si j'ai demandé la parole, monsieur le président, c'est parce que le 21 décembre dernier dans cet hémicycle, où j'étais présent comme certains de mes collègues ce soir, le ministre de la culture déclarait : « Vous aurez, sous les yeux du monde entier,... »

M. Didier Migaud. Et au-delà ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche.

« ...la magnifique responsabilité d'innover en la matière en définissant une réponse graduée. »

M. Richard Cazenave. Ce n'est pas sérieux !

M. Christian Paul. Bien sûr que le ministre est sérieux !

M. Jean-Louis Idiart. Si maintenant l'UMP s'y met...

M. Richard Cazenave. C'est insupportable ! Vous ne traitez pas de l'amendement !

M. Patrick Bloche.

Légiférer « sous les yeux du monde entier », monsieur le président, mérite à tout le moins quelques considérations sur la réponse graduée.

M. le président. Je vous demande cependant de bien vouloir conclure rapidement. Je vous rappelle en effet que vous pourrez intervenir sur les trois amendements suivants.

M. Patrick Bloche.

La philosophie même de la réponse graduée - je ne ferai pas part d'un seul coup, rassurez-vous, monsieur le président, de toutes mes considérations en ce domaine, préférant les échelonner dans le temps - procède d'une logique défensive,...

M. le ministre de la culture et de la communication. Traitons de l'amendement n° 126 !

M. Patrick Bloche.

...qui a été analysée, de façon fort précise, par la Direction de la prévision et par le Conseil d'analyse économique. Dans son rapport sur la société de l'information, celui-ci explique que la voie défensive, « coûteuse en termes de bien-être social, cherche à maintenir le plus longtemps possible le fonctionnement classique des marchés, retardant ainsi la marche de la révolution numérique.[...] La logique défensive est celle qui anime certains acteurs dominants du secteur informationnel de "l'ancienne économie", éditeurs de contenus et grands groupes de médias - majors - inquiets à juste titre des menaces portées par la "nouvelle économie" sur leurs modèles d'affaire. Le ressort de cette logique est simple : restaurer la liaison entre l'information et son support physique.[...] L'histoire des révolutions industrielles semble montrer que de telles tentatives conservatrices sont à plus ou moins long terme vouées à l'échec. »

M. Christian Paul. Quelle leçon !

M. Patrick Bloche.

« À vouloir préserver à tout prix la protection de contenus propriétaires, on risque en outre de confisquer du bien-être, en privant la société d'une bonne partie des bénéfices de la révolution numérique. »

Voilà pourtant ce que vous nous proposez monsieur le ministre, de voter, je le répète, sous les yeux du monde entier !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Patrick Bloche

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 340.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le défendre.

M. Patrick Bloche.

Je ne peux que regretter l'absence de notre collègue Le Déaut, avocat ô combien convaincant du standard ouvert.

Pour nous, comme pour les autres députés de l'opposition, l'utilisation d'un standard ouvert ne saurait entraîner l'acquittement d'un droit de propriété intellectuelle, quel qu'il soit. En numérique, ces standards ouverts constituent en effet la langue commune parlée par tous, et il ne saurait être admis en République que son accès soit payant.

Notre amendement rédigerait donc comme suit l'article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique : « On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable dont les spécifications techniques sont publiques, dont l'utilisation ne fait l'objet d'aucune restriction d'accès ou de mise enœuvre et dont l'utilisation n'oblige pas à l'acquittement de droits de propriété intellectuelle. »

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'y suis, à titre personnel, défavorable. Il s'agit d'un cavalier...

M. Laurent Wauquiez. Absolument !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

...relatif à la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

Il serait en outre particulièrement regrettable que dans un texte visant à protéger le droit d'auteur, on refuse l'acquittement de droits de propriété intellectuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. C'est tout l'enjeu de la brevetabilité !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Accepter en tout cas une phrase aussi ambiguë serait montrer que l'on fait peu de cas de ces droits.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Défavorable, monsieur le président.

Jean Dionis du Séjour

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour.

Nous sommes également opposés à cet amendement, que je connais bien pour être intervenu en la matière lors de l'examen de la loi pour la confiance dans l'économie numérique. Mais parler de spécifications techniques publiques, donc au caractère ouvert, sans obliger à l'acquittement de droits de propriété intellectuelle, est à notre avis source de confusion.

Je profite de l'occasion pour revenir sur la question de notre amendement disparu.

Le groupe UDF avait, au mois de janvier, déposé cet amendement à l'article 14, ce qui était logique puisque la discussion sur l'article 14 était rouverte.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je répondrai à l'article 14.

M. Jean Dionis du Séjour.

Le service de la séance a souhaité, comme c'est son droit et peut-être justifié techniquement, regrouper les discussions. Il a donc rejeté cet amendement après l'article 14. Or, après l'article 14, la discussion n'était pas ouverte. Notre amendement, devenu hors délai, a disparu. C'est maintenant un OVNI, il est tombé dans un trou noir.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Chaque chose en son temps.

M. Jean Dionis du Séjour.

Monsieur le ministre, vous aviez pris l'engagement devant nous de laisser le débat se dérouler librement.

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est le cas !

M. Jean Dionis du Séjour.

Cet amendement, sur lequel nous avons beaucoup travaillé, pose de vrais problèmes et pourrait, à notre humble avis, améliorer le texte de loi. Je pose donc de nouveau la question très solennellement : après l'arbitrage, peut-être justifié, de la séance, êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à lever la forclusion sur cet amendement ? Et je pose la même question au rapporteur. Ce serait faire preuve de fair play. Pour le moment, nous sommes dans une bisquouette de procédure désagréable.

Frédéric Dutoit

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit.

Je suis étonné de la réponse de M. le rapporteur et du ministre d'ailleurs. Je suis favorable à l'amendement n° 340 proposé par mes amis socialistes. Dans le numérique, les standards ouverts constituent la langue commune parlée. Nous sommes tout de suite dans le débat de ce que peut offrir aujourd'hui le numérique et l'utilisation d'Internet pour toute la société.

Qu'il y ait un rapport avec la loi sur l'économie numérique, c'est certain. La belle affaire ! D'ailleurs, M. Dionis du Séjour, qui en était le rapporteur il y a quelque temps, peut en témoigner : le débat que nous avions à l'époque est un peu de même nature que celui que nous avons aujourd'hui. La technologie, le numérique et l'utilisation d'Internet, a un rapport direct avec les échanges, et le contenu que vous voulez limiter avec cette loi sur les droits d'auteur a un lien direct avec la technologie elle-même.

Je suis donc tout à fait favorable à l'amendement proposé par les socialistes et l'argumentation de M. le rapporteur me paraît hors sujet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 340.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Christian Paul

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 341.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul.

J'ai le sentiment que notre rapporteur découvre, tel Christophe Colomb, le numérique.

M. Laurent Wauquiez. Ce serait plutôt Gutenberg !

M. Christian Paul.

Un standard est dit ouvert en particulier lorsqu'il est librement utilisable par tous.

M. Patrick Bloche. C'est la définition même.

M. Christian Paul.

Le tarifer, c'est comme tarifer la langue française. Un standard ouvert, c'est une langue commune. Faut-il, monsieur le rapporteur, tarifer désormais la langue française et les standards ouverts ? Je crains que votre réponse sur l'amendement n° 340 défendu par Patrick Bloche ne figure dans le long bêtisier de ce débat.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Oh !

M. Christian Paul.

Je reviens à l'amendement n° 341. Son adoption pourrait vous permettre de réparer en partie le mal commis à l'article 7.

M. Laurent Wauquiez. De toute façon, cet article va être réécrit.

M. Christian Paul.

Vous savez, cet article que l'on est en train de réécrire dans les cuisines du ministère que je dois appeler pour quelque temps encore le ministère de la culture.

M. Richard Cazenave. Il est réécrit depuis longtemps.

M. Christian Paul.

Nous proposons en effet une définition de la compatibilité et une définition de l'interopérabilité pour faciliter la bonne compréhension de nos débats et sans doute demain les décisions du juge. En effet, mes chers collègues, vous êtes en train de construire un nid à contentieux. Il nous semble donc essentiel de clarifier ces notions :

« On entend par compatibilité la capacité de deux systèmes à communiquer sans ambiguïté. » On voit tout de suite les enjeux, en particulier pour les consommateurs dans les échanges et la lecture desœuvres.

« On entend par interopérabilité la capacité à rendre compatibles deux systèmes quelconques » pour aujourd'hui et pour demain. « L'interopérabilité nécessite que les informations nécessaires à sa mise enœuvre soient disponibles sous la forme de standards ouverts. »

Nous souhaitons que ces précisions soient écrites dans la loi de la République, sans ambiguïtés. En adoptant cet amendement, vous pourriez peut-être réparer en partie les dégâts commis lors des débats précédents.

M. Frédéric Dutoit. Bien sûr !

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Autre cavalier : avis défavorable. Je n'en dirai pas plus, de peur de ne pas être compris par M. Paul.

M. Christian Paul. N'ayez pas peur, monsieur le rapporteur.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Cet amendement participe de la volonté de rechercher et de mieux cerner les notions de compatibilité et d'interopérabilité. Toutefois, la notion proposée n'est pas adaptée. L'interopérabilité ne dépend en effet pas de la question de savoir si le standard est ouvert, c'est-à-dire dont les spécifications sont rendues publiques, ou fermé. Elle peut très bien être atteinte avec un standard fermé, par exemple lorsqu'un éditeur cède des licences d'usage de son système ou encore par échanges bilatéraux entre les prestataires des deux systèmes. Le rôle que vous aviez confié en ce sens au Conseil de la concurrence à l'article 7 doit faciliter l'opération.

En outre, comme il n'existe pas encore de standard ouvert pour les mesures techniques, même si des travaux sont en cours, il paraît prématuré d'en imposer l'utilisation.

Ces questions renforcent, si besoin était, la nécessité de prolonger ultérieurement les discussions pour les adapter à la technologie.

Dans l'état actuel des choses, j'émets un avis défavorable à l'amendement n° 341.

Patrick Bloche

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

On ne peut pas expédier cet amendement en disant simplement « hors sujet », comme le fait M. le rapporteur.

M. Christian Paul. Ni comme le fait le ministre.

M. Patrick Bloche.

Nous sommes en plein dans le sujet puisque, à travers ces amendements, nous retrouvons une problématique qui n'a pas été résolue à l'article 7, celle de l'interopérabilité.

D'ailleurs, dans un excellent journal du matin, Le Figaro, une excellente journaliste qui suit nos débats depuis longtemps, Mme Paule Gonzalès, notait avec pertinence dans le compte rendu de nos débats sur l'article 7 concernant l'interopérabilité :...

M. Laurent Wauquiez. Pas de démagogie médiatique !

M. Patrick Bloche.

« Les professionnels suivent avec attention cette discussion. Nul ne sait encore exactement où commence et où se termine cette interopérabilité. »

Mme Claude Greff. Ce ne sont pas les journalistes qui font la loi. Ce sont les députés, dans l'hémicycle !

M. Patrick Bloche.

En restant dans l'imprécision, nous confirmons une nouvelle fois à cet article, comme à bien d'autres d'ailleurs, l'insécurité juridique qui est portée par ce projet de loi.

En l'occurrence, l'actualité est là pour nous demander de ne pas servir les intérêts des géants du logiciel et de Microsoft. Ayons autant de détermination sur l'interopérabilité en ce domaine que la Commission européenne. Chaque jour, une dépêche complémentaire nous parvient nous apprenant que la Commission européenne a indiqué avoir envoyé une nouvelle lettre à Microsoft signifiant au groupe informatique américain qu'il ne respectait toujours pas les mesures anti-trust imposées par Bruxelles en mars 2004. Dans la dernière, la Commission a souligné que l'arbitre indépendant mandaté par les deux parties appuyait dans son rapport la position de Bruxelles. Les services européens de la concurrence exigent de Microsoft qu'il fournisse à ses rivaux la documentation nécessaire au dialogue ou interopérabilité de son système d'exploitation vedette Windows avec les produits concurrents. Bien que Microsoft ait légèrement amélioré sa documentation, les informations fournies demeurent incomplètes et imprécises, selon le rapport de l'arbitre. La Commission a menacé Microsoft fin décembre d'amendes pouvant aller jusqu'à 2 millions d'euros par jour pour cette affaire s'il ne se mettait pas en règle.

Mme Claude Greff. Non, 2,1 millions !

M. Patrick Bloche.

En mars 2004, Bruxelles a condamné le géant des logiciels à payer une amende record d'un demi-milliard d'euros pour abus de position dominante.

Nous sommes bien au cœur du sujet, au cœur de l'actualité. Avec cet amendement, nous voulons, comme nous avons essayé de le faire à l'article 7, définir clairement ce qu'est l'interopérabilité. Il convient, avec les pouvoirs qui sont les nôtres, que nous ne servions pas les intérêts de Microsoft.

M. Christian Paul. Très bien !

Frédéric Dutoit

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit.

J'avoue, monsieur le ministre, qu'une fois de plus, je ne comprends pas pour quelles raisons vous refusez cette définition de l'interopérabilité.

Mme Claude Greff. Vous ne comprenez pas ?

M. Frédéric Dutoit.

Elle me paraît tout à fait claire : l'interopérabilité est la compatibilité et la capacité de deux systèmes à communiquer sans ambiguïté.

Votre entêtement à refuser cet amendement a minima démontre que votre objectif n'est pas du tout de permettre cette interopérabilité. Les formats ouverts sont une possibilité pour que nous ayons tous le même langage. L'interopérabilité nous garantirait la possibilité d'utiliser tout système en adéquation avec celui que l'on voudrait utiliser.

Richard Cazenave

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

J'entends beaucoup de choses très injustes.

Mme Claude Greff. Oh oui !

M. Christian Paul. Sarkozy ?

M. Richard Cazenave.

Nous avons déjà pris des mesures permettant de garantir l'interopérabilité et nous aurons l'occasion de les affermir encore davantage.

M. Christian Paul. Dans un rapport parlementaire ?

M. Richard Cazenave.

Ces mesures, notamment les standards ouverts que vous évoquiez, nous les avons mentionnées à l'article 7.

M. Christian Paul. Pourquoi le Gouvernement est-il en train de réécrire l'article 7 alors ?

M. Richard Cazenave.

Le Gouvernement ne réécrit pas l'article 7. C'est une fausse information que vous avez.

M. Christian Paul. Si ! J'ai des preuves écrites, que je peux produire.

M. Richard Cazenave.

Ce n'est pas le Gouvernement qui réécrit.

M. Christian Paul. Qui alors ? La majorité ?

M. le président. Laissez M. Cazenave conclure, s'il vous plaît.

M. Richard Cazenave.

Pourrais-je m'exprimer sans être interrompu, monsieur Paul ?

M. Christian Paul. Bien sûr !

M. Richard Cazenave.

Je voudrais qu'on arrête de faire comme s'il ne s'était rien passé depuis décembre et qu'on arrête de faire comme si vous étiez les seuls à défendre, dans la mise enœuvre d'un texte de loi compliqué, des mesures qui visent à permettre aux consommateurs d'avoir accès à l'œuvre par le support de son choix.

Cet accès, nous le garantissons, comme nous permettons aux logiciels libres de travailler, grâce à l'exception de décompilation mentionnée expressément dans nos articles. ou que ce soit des standards ouverts qui organisent le dialogue avec les mesures techniques et qui permettent l'interopérabilité.

Tout cela est peut-être perfectible. En tout cas, des progrès immenses ont été faits dans cette direction depuis le texte initial, grâce au travail parlementaire.

M. le ministre de la culture et de la communication. Et à la bonne volonté du ministre.

M. Richard Cazenave.

Vous soulignez la complexité du débat, mais c'est justement parce que le ministre a entendu les arguments qui ont été développés lors de la première discussion et qu'il a voulu les traduire dans le texte que nous allons voter, en prenant le temps de le faire et en ne fermant pas les portes sur l'avenir dans la suite du débat, c'est bien parce qu'il a accepté cela que nous sommes dans une certaine complexité. Je voudrais qu'on arrête cette hypocrisie.

Je voudrais qu'on arrête de dire aussi que la mise en place des mesures techniques, que, pour ma part, je ne plébiscite pas, pas plus que d'autres, mais cela nous est imposé par la transposition de la directive, va conduire à un flicage des internautes. Ce qui aurait conduit à un flicage généralisé des internautes, cela aurait été de faire le tri entre les internautes qui auraient choisi la licence globale et ceux qui ne l'auraient pas fait.

M. Jean Dionis du Séjour. Exact !

Mme Claude Greff. Eh oui !

M. Richard Cazenave.

À ce moment-là, c'est le comportement de l'internaute qui aurait été fliqué : télécharge-t-il ? Ne télécharge-t-il pas ? Doit-il donc acquitter ou non la licence optionnelle ? Là, nous aurions abouti à un flicage généralisé.

Le suivi que nous mettons en place à travers ce texte, c'est un suivi de l'œuvre.

Mme Martine Billard. C'est la même chose !

M. Richard Cazenave.

Pas du tout. C'est seulement dans le cas où il y aura repérage d'un usage illégal de l'œuvre sur une adresse IP - le ministre nous donnera, je pense, d'autres réponses tout à l'heure quand nous aborderons ce sujet - qu'il y aura mise en œuvre de l'action publique, et seulement sur cette adresse, non sur le comportement général de l'internaute. C'est une différence très sensible. Contrairement à ce que vous dites depuis le début, le dispositif que nous proposons, c'est le contraire du flicage.

Alors, s'il vous plaît, pour ce que débat garde sa dignité, arrêtons de faire des discours généraux, cessons les procès d'intention, tenons-nous en au texte ! En l'occurrence discutons de l'article 13.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission, et M. Laurent Wauquiez. Très bien !

Mme Claude Greff. Enfin, une explication claire. Ça change !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 341.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Patrick Bloche

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 331.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche.

M. Cazenave vient de nous dire qu'il n'était pas fanatique des DRM et qu'il était attaché à l'interopérabilité, en contradiction avec l'avis du rapporteur pour lequel, je le rappelle, les DRM sont un progrès pour l'humanité.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Ajoutez décisif, s'il vous plaît ! Un progrès décisif !

M. Patrick Bloche.

Alors que nous légiférons sous les yeux du monde entier - on appelle cela l'arrogance française -, M. Cazenave va donc pouvoir nous prouver qu'il était de bonne foi en votant l'amendement n° 331, qui prévoit un parallélisme de sanctions. Puisqu'il s'agit en effet de sanctionner les personnes qui contournent les mesures techniques de protection, nous vous proposons de sanctionner pénalement en parallèle les personnes qui mettent sur le marché des mesures techniques de protection limitant l'interopérabilité. C'est de la justice, bien équilibrée : on sanctionne d'un côté les personnes qui contournent les MTP, de l'autre celles qui les mettent sur le marché.

Cela a par ailleurs l'avantage, puisque le collège des médiateurs a été voté, de lui donner une base légale ainsi qu'aux consommateurs pour limiter une utilisation léonine et intrusive des MTP qui peut aboutir à restreindre et à contrôler l'usage d'un bien.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 13, en remplaçant les sanctions pour le contournement des mesures de protection par des sanctions à l'encontre des fournisseurs de mesures de protection.

Mme Martine Billard et M. Christian Paul. Non, elles s'y ajoutent !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

C'est en tout cas ce qui ressort de votre rédaction, et je tenais à souligner le caractère paradoxal, voire ridicule, de cet amendement. Notre avis ne peut donc être que défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. L'avis du Gouvernement est-il également défavorable ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Oui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 331.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 261.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre de la culture et de la communication.

Cet amendement clarifie les incriminations du contournement des mesures techniques de protection des œuvres et d'atteinte aux informations protégées portées sur les œuvres, en mettant en place un système de réponse pénale graduée.

Depuis 1985, il existe en France une offre de télévision payante qui n'a pu se développer en contribuant très largement au dynamisme de notre création cinématographique et audiovisuelle que parce qu'elle bénéficie d'une protection technique par cryptage.

Tout cryptage peut être contourné. Il arrive régulièrement qu'il soit contourné et qu'il soit nécessaire de renouveler la protection en changeant les codes ou les systèmes. Par la loi du 16 décembre 1992, la représentation nationale a apporté une protection juridique aux mesures techniques de cryptage utilisées par la télévision payante, sanctionnant lourdement la fourniture de moyens conçus pour frauder le cryptage et, plus légèrement, l'acquisition et la détention de ces moyens.

C'est ce système juridique qu'aujourd'hui le Gouvernement vous propose d'adapter à la société de l'information en distinguant clairement trois niveaux de responsabilité pénale en fonction de la gravité des actes commis.

Il est nécessaire, premièrement, de sanctionner le pourvoyeur de moyens de contournement des mesures de protection ou d'atteinte aux informations sur l'œuvre, qui les rend ainsi accessibles au plus grand nombre et favorise des atteintes répétées sur les œuvres. Une personne qui commet de tels actes risquera jusqu'à six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende ; c'est un élément déterminant de l'équilibre général du texte pour préserver l'avenir de la musique et du cinéma français.

Deuxièmement, le « hacker » qui, par un acte individuel et isolé, décrypte la mesure technique de protection de l'œuvre ou porte atteinte par lui-même aux mesures de protection encourra 3 750 euros d'amende - c'est le premier niveau d'amende délictuelle.

Troisièmement, le détenteur ou l'utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement, qui profite des moyens mis à sa disposition pour s'affranchir des mesures de protection, relèvera d'une contravention de la quatrième classe, soit 750 euros d'amende ; cette contravention sera créée par un décret en Conseil d'État.

Ce système de sanctions juste et équilibré préservera les intérêts de la recherche et la mise en œuvre de moyens d'interopérabilité professionnels offrant des garanties de protection équivalentes des œuvres, qui sont clairement exclues de ce dispositif pénal. C'est essentiel. Si la technologie ne doit pas remettre en cause l'objectif qui nous est commun de défense de la création française, il est fondamental en effet de concilier cet objectif essentiel avec l'innovation technologique, qui est aussi nécessaire au développement de l'industrie française.

Cet amendement va au-delà de la simple transposition de la directive européenne, mais n'excède pas ce qu'elle permet. Il favorisera l'interopérabilité et évitera de créer des monopoles au profit des concepteurs de mesures techniques, tout en garantissant la protection des droits des créateurs. Nous sommes vraiment au point d'équilibre.

M. Christian Paul. Quelle joie !

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Je vais profiter de cette prise de parole pour vous parler à la fois de l'article 13 et de l'article 14, ce dernier reprenant exactement les mêmes arguments que l'article 13, mais sur les droits voisins. J'en profiterai également pour survoler les sous-amendements qui ont été déposés.

M. Patrick Bloche. Attention au crash !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Les deux articles concernent la sanction des contournements de mesures techniques de protection et des éléments d'information portant sur les œuvres, pour l'article 13 et l'amendement n° 261 du Gouvernement qui le réécrit, et sur les objets protégés par des droits voisins, pour l'article 14 et l'amendement n° 262 qui le réécrit. Ces deux articles 13 et 14 ne diffèrent donc quasiment pas, si ce n'est par l'objet protégé. On aurait tout aussi bien pu imaginer un dispositif unique, applicable tant auxœuvres qu'aux droits voisins.

La commission a accepté les deux amendements de rédaction du Gouvernement, qui organisent une gradation plus nuancée et mieux adaptée des sanctions applicables au contournement des mesures de protection, tout en excluant les sanctions pour les activités liées à la mise en œuvre de l'interopérabilité. Je m'en félicite, puisque c'était une demande parlementaire très forte en décembre et à laquelle nous avons donné suite.

Ces deux amendements du Gouvernement ont également intégré les modifications souhaitées par la commission, dont, en particulier, le fait que seules les mesures techniques efficaces sont pénalement protégées.

Ces deux amendements ont fait l'objet ensuite de très nombreux sous-amendements, pour la plupart concurrents les uns des autres. Ils ont globalement le même objet, à savoir exclure de la sanction pénale certains comportements. On peut les regrouper en quatre catégories.

La première regroupe les sous-amendements visant la sécurité informatique et la protection de la vie privée. Il est vrai, sur ce point, que des expériences récentes ont montré les dangers de certaines mesures de protection trop intrusives dans les ordinateurs et la vie privée de leurs utilisateurs. Toutefois, lorsqu'il y a pratique illégale du peer-to-peer, il y a également intrusion dans la vie privée, via l'envoi de spams ou de logiciels espions.

Mme Martine Billard. Mais non, cela n'a rien à voir !

M. Christian Vanneste, rapporteur.

De ce point de vue, les mesures de protections ne sont pas les seules à poser des problèmes de respect de la vie privée. C'est un problème informatique beaucoup plus général.

La seconde catégorie de sous-amendements concerne la recherche, avec un objectif légitime : protéger notamment la recherche en cryptographie. Mais sur ce point je remarquerai que prévoir un amendement ne semblait pas forcément nécessaire. En effet, le juge, si jamais la question se pose à lui, sera guidé par deux points importants : d'une part, le considérant 48 de la directive européenne, qui indique explicitement que la protection des œuvres ne doit pas faire obstacle à la recherche sur la cryptographie ; d'autre part, le texte du projet, qui précise que le contournement d'une mesure de protection ne sera considéré comme un délit que s'il y a intentionnalité. C'est le sens de la formule « en connaissance de cause » utilisée à chaque alinéa des articles 13 et 14.

Il ne faudrait pas qu'au motif de protéger la recherche et en autorisant la publication des travaux qui facilitent considérablement le contournement des mesures de protection, on les réduise quasiment à néant. Il ne faudrait pas, en quelque sorte, jeter le bébé avec l'eau du bain. Je suis donc plus réservé, au moins à titre personnel, sur ce deuxième point.

La troisième catégorie de sous-amendements concerne le problème de l'usage licite. Exclure la sanction en cas d'usage licite prête à une grande ambiguïté, car on ne sait pas très bien si l'usage licite inclut par exemple la copie privée - c'est, depuis le début, un débat récurrent dans l'examen de ce texte. Si c'était le cas, cela reviendrait à permettre au consommateur de se faire justice lui-même pour obtenir sa copie privée en retirant toute utilité au collège des médiateurs. J'y suis donc évidemment défavorable à titre personnel.

La dernière catégorie de sous-amendements vise le caractère non commercial du contournement. Là aussi, accepter le contournement dans ce cas revient à autoriser chaque utilisateur à se faire justice lui-même dès lors qu'il ne revend pas la copie qu'il a obtenue en contournant la mesure technique. C'est évidement contraire à l'idée que c'est à l'instance neutre constituée par le collège des médiateurs qu'il revient de statuer.

Richard Cazenave

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 314.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour le soutenir.

M. Richard Cazenave.

Je le retire car il sera satisfait par un sous-amendement ultérieur.

M. le président. Le sous-amendement n° 314 est retiré.

Richard Cazenave

Je suis saisi d'un sous-amendement n° 415.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour le soutenir.

M. Richard Cazenave.

Le sous-amendement est défendu. Il est en effet important de préciser qu'il s'agit de la mise à disposition « du public ».

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Favorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

Richard Cazenave

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 315 rectifié et 288, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour soutenir le sous-amendement n° 315 rectifié.

M. Richard Cazenave.

Il s'agit de préciser au III du texte proposé par l'amendement n° 261 pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle que « ces dispositions ne sont pas applicables aux actes réalisés à des fins d'interopérabilité ou de sécurité informatique dans les limites des droits prévus par le présent code ».

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Favorable

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

Martine Billard

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 288.

Mme Martine Billard.

Avant de défendre mon sous-amendement, j'aurais une question sur l'article 13. Quand je lis l'exposé de l'amendement gouvernemental, et notamment le paragraphe qui explique que « le détenteur ou l'utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement qui profite des moyens mis à sa disposition pour s'affranchir des mesures de protection, relèvera d'une contravention de la quatrième classe, qui sera créée par un décret en Conseil d'État », j'avoue ne pas en retrouver la transcription dans le texte de l'amendement.

M. le ministre de la culture et de la communication. La contravention n'est pas inscrite dans la loi, mais j'ai fait en sorte de décrire le dispositif pour vous procurer une plus grande visibilité.

Mme Martine Billard.

Cette parenthèse refermée, j'en viens à mon sous-amendement n° 288.

L'amendement n° 261 du Gouvernement propose d'écrire, dans le III de l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle, que les dispositions du présent article « ne sont pas applicables aux actes réalisées à des fins d'interopérabilité ou pour l'usage régulier des droits acquis sur l'œuvre ». Je propose de modifier cette rédaction et de faire référence aux actes réalisés « à des fins d'interopérabilité, de sécurité informatique, de protection de la vie privée ou pour l'usage licite de l'œuvre ».

En matière de sécurité informatique, je veux bien qu'une entreprise victime d'un problème avec un support contenant un DRM ayant permis l'intrusion d'un virus doive saisir le collège des médiateurs et attendre sa décision. Ceci étant, il serait préférable qu'elle puisse très rapidement rétablir la sécurité sur son réseau informatique.

Vous me direz que, a priori, dans une entreprise, on n'est pas forcément censé écouter des CD de l'entreprise Sony. C'est indéniable. Cela étant, je ne vois pas comment un chef d'entreprise peut se garantir contre le fait qu'un employé utilise l'ordinateur mis à sa disposition pour écouter un CD en sa possession, notamment pendant les pauses. Il doit pouvoir dans ce cas-là rétablir la sécurité informatique de son installation, susceptible d'avoir été mise à mal. Sans interférer dans les rapports entre l'employeur et son employé, il est indispensable de maintenir cette possibilité pour l'entreprise.

Il faut également autoriser la protection de la vie privée - nous avons eu le problème avec le fameux CD de Sony -, ainsi que l'usage licite, à mon sens plus pertinent que les droits acquis sur l'œuvre qui ouvrent la voie à de multiples interprétations.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Défavorable. Le sous-amendement n° 315 rectifié est préférable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Je vous remercie, monsieur le président, de permettre à chacun de défendre les sous-amendements à l'amendement du Gouvernement, car nous y gagnons en clarté.

Je suis favorable au sous-amendement n° 315 rectifié, car il préserve les actes de contournement à des fins de sécurité informatique.

En revanche, je suis défavorable au sous-amendement n° 288. En effet, le projet ne remet en cause aucune des dispositions de protection de la vie privée que vous avez adoptées en 2004 en modifiant la loi de 1978 : la CNIL reste habilitée à contrôler les traitements automatisés, de sa propre initiative ou à la demande des consommateurs.

En outre, la mention d'un usage licite permettrait à chacun de contourner une mesure technique pour faire une copie privée, ce qui poserait beaucoup de problèmes, notamment pour le cinéma et le respect des équilibres nécessaires.

Mme Martine Billard. Vous rejetez la notion d'usage licite, alors qu'elle figure dans le sous-amendement n° 315 auquel vous êtes favorable !

M. le ministre de la culture et de la communication.

Je parlais du sous-amendement n° 315 rectifié !

M. le président. La notion d'usage licite est absente de la version rectifiée du sous-amendement, madame Billard !

Mme Martine Billard. Nous ne l'avons pas !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 415.

(Le sous-amendement est adopté.)

Patrick Bloche

M. le président. Le sous-amendement n° 315 rectifié a été distribué en dehors de la liasse.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Monsieur le président, vous faites référence à un sous-amendement que nous n'avons pas, qui ne figure pas sur la feuille jaune !

M. le président. Monsieur Bloche, les services me disent qu'il a été distribué. Vous devez tous avoir entre les mains le sous-amendement n° 315 rectifié.

Mme Martine Billard. En tout cas, il n'est pas sur la feuille jaune ! Nous ne pouvions pas deviner qu'il existait !

M. Patrick Bloche.

Monsieur le président, nous sommes un peu perdus et je demande une suspension de séance pour y voir plus clair.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, le jeudi 16 mars 2006, à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 315 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 288 tombe, de même que les sous-amendements nos 284, 330, et 333.

Patrick Bloche

Je suis saisi d'un sous-amendement n° 394.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche.

Le code de la propriété intellectuelle prévoit, dans un souci d'équilibre, un certain nombre d'exceptions aux droits exclusifs énumérés à l'article L. 122-5 de ce code. Le projet de loi, en pénalisant le contournement de mesures techniques, peut cependant rendre impossible le bénéfice de ces exceptions en instaurant une seconde barrière légale. Le contournement des mesures techniques de protection doit donc, logiquement, être autorisé pour les actes visant à obtenir le bénéfice des exceptions.

Telle est la raison pour laquelle le sous-amendement n° 394 vise à compléter le III du texte proposé par l'amendement n° 261 pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par l'alinéa suivant :

« Elles ne le sont pas non plus aux actes réalisés afin d'obtenir le bénéfice des exceptions énumérées à l'article L. 122-5. »

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 394.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Christian Paul

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 342.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul.

Les actes de contournement d'une mesure technique peuvent être effectués pour de multiples raisons. L'une des motivations d'un tel contournement peut être la contrefaçon industrielle visant à tirer profit de l'exploitation d'une œuvre sans acquitter aux ayants droit les licences qu'ils peuvent exiger. Ce type de contournement doit être combattu, nous en sommes bien d'accord.

Une autre motivation d'un contournement peut être de passer outre une limitation introduite par une mesure technique faisant obstacle à la jouissance d'une exception. La motivation d'un contournement par la mise en œuvre de l'interopérabilité pouvant être difficile à établir, il semble judicieux d'offrir un second critère d'appréciation au juge : la recherche de profit.

L'utilisation de ce critère permettrait d'augmenter la sécurité juridique, d'une part, des utilisateurs qui contournent une mesure technique à des fins personnelles - la copie d'un CD pour pouvoir l'écouter sur l'appareil de son choix, comme son autoradio, doit être à l'évidence autorisée - et, d'autre part, des personnes qui proposent des outils ou des services permettant à leurs amis techniquement moins experts d'effectuer les actes de contournement à des fins d'interopérabilité ou pour pouvoir, de façon tout à fait loyale et usuelle, bénéficier d'une exception.

Cette seconde sécurité juridique nous paraît essentielle si l'on veut que le droit de contournement à des fins d'interopérabilité prévu par cet article ne soit pas seulement théorique pour la majorité des consommateurs, faute de disponibilité de moyens de contournement.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 342.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Patrick Bloche

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 343.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche.

M. le ministre ayant promis de répondre à toutes nos questions sur l'article 13, je souhaiterais que les réponses du rapporteur et a fortiori celles du ministre sur les problématiques que nous soulevons soient plus motivées, d'autant que nous légiférons sous les yeux du monde entier.

M. Christian Paul. Et au-delà !

M. Patrick Bloche.

Christian Paul vient de défendre de façon très pertinente le sous-amendement n° 342. Je souhaite faire de même avec le sous-amendement n° 343.

Comme chacun le sait ici, certaines mesures techniques de protection peuvent imposer l'envoi d'informations sur les habitudes ou le système de l'utilisateur : œuvres consultées, logiciels installés - autant d'éléments qui sont personnels à l'utilisateur et ne regardent que lui. Si de tels envois sont encore interdits par la loi informatique et libertés, il importe cependant de permettre aux utilisateurs d'assurer eux-mêmes la protection de leur vie privée, en attendant une éventuelle intervention, a posteriori, de la CNIL.

C'est pourquoi nous avons voulu compléter le III du texte proposé par l'amendement n° 261 pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa précisant que les dispositions de cet article ne sont pas non plus applicables « aux actes réalisés à des fins de protection de la vie privée ».

S'agissant de la protection de la vie privée des internautes, qui, avec le respect des libertés publiques, est un des facteurs qui motivent notre opposition à ce projet de loi, j'aimerais entendre s'élever du banc de la commission comme du banc du Gouvernement d'autres mots que les seuls « avis défavorable ».

M. Christian Paul. Avis favorable, par exemple !

M. Patrick Bloche.

C'est la vie privée des internautes qu'il s'agit ici de protéger.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ? Je vous demanderai, monsieur le rapporteur, de bien vouloir le donner en une phrase...

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Ce n'est pas la peine, monsieur le président. J'ai déjà donné ces explications. M. Bloche a dû être inattentif. Avis défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Même avis défavorable que la commission. J'indique, par ailleurs, que l'amendement n° 273 de M. Carayon répond à la problématique soulevée.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 343.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Christian Paul

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 344.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul.

La brièveté des réponses du rapporteur nous conduit à penser qu'il n'a pas saisi l'ampleur des enjeux que nous essayons, par voie de sous-amendements, de faire prendre en compte dans le débat.

M. le président. Comme vous souhaitiez que le débat ne se prolonge pas trop longtemps cette nuit, j'ai incité chacun à la concision.

M. Christian Paul.

Monsieur le président, nous ne nous faisons à l'évidence pas la même idée du débat nécessaire sur l'article 13. Certes, l'Assemblée nationale devra interrompre sa discussion dans quelques minutes, mais cela ne nous dispense pas d'aller au fond des problèmes.

M. le président. Il n'est peut-être pas nécessaire de répéter cinq fois les mêmes arguments, monsieur Paul !

M. Christian Paul.

L'article 13, ainsi que l'article 14 que nous examinerons demain, visent à pénaliser le contournement des mesures techniques de protection, à en organiser en quelque sorte la sanctuarisation juridique. Les utilisateurs des œuvres deviennent très démunis devant ces interdictions techniques, dont certaines peuvent être tout à fait indues. D'où la nécessité, puisque la directive semble nous imposer de sanctionner le contournement, de prévoir des exceptions à la pénalisation du contournement - c'est-à-dire des autorisations de contournement - les plus larges possibles. Cela vaut en particulier pour l'interopérabilité, dont l'exigence est aussi demandée par la Commission européenne.

Nous devons donc trouver à la fois les moyens de satisfaire la directive - je sais que c'est votre vœu le plus cher alors que nous sommes moins ardents sur ce point - et répondre à l'exigence d'interopérabilité telle qu'elle est demandée par la Commission européenne.

C'est l'objet de l'amendement n° 344 que, avec Patrick Bloche et nos collègues du groupe socialiste, nous avons déposé et que je vais maintenant défendre, après avoir resitué, à l'intention du rapporteur qui ne semblait pas accorder suffisamment d'importance à ce sujet, le paysage juridique et législatif, national et communautaire dans lequel se situe notre débat.

M. Richard Cazenave. C'est de l'obstruction vicieuse !

M. Patrick Bloche. Au contraire. C'est hyper important !

M. le président. Laissez M. Paul achever !

M. Richard Cazenave. Autant leur dire, monsieur le président, ce que nous pensons de leur manière de faire, puisque nous sommes partis pour perdre du temps !

M. Christian Paul.

Monsieur Cazenave, un peu d'élégance ne nuit jamais au débat. Un peu plus de pertinence dans les interventions non plus !

M. le président. Achevez votre propos au fond, monsieur Paul !

M. Christian Paul.

Si j'ai bien compris, vous êtes en train de réécrire l'article 7. Cela prouve qu'il vaut mieux réfléchir un peu plus que faire la loi trop vite.

M. Richard Cazenave. Vous ne réfléchissez pas en ce moment. Vous nous faites perdre du temps !

M. Christian Paul.

Vous allez vous infliger vous-mêmes une volée de bois vert dans quelques heures en demandant une seconde délibération sur l'article 7, que vous aviez défendu avec la même arrogance que maintenant.

M. Richard Cazenave. Nous ne sommes pas encore à la seconde délibération !

M. le président. Monsieur Paul, veuillez conclure, s'il vous plaît ?

M. Christian Paul.

Mais je n'ai pas commencé la présentation de l'amendement, monsieur le président, à cause des interruptions de M. Cazenave !

M. Richard Cazenave. Il a épuisé son temps de parole !

M. Patrick Bloche. Cela ne sert à rien de vouloir accélérer les débats, monsieur le président. Autant vous prévenir !

M. le président. Poursuivez, monsieur Paul.

M. Christian Paul.

Je ne demande pas mieux, monsieur le président, mais convenez que quelques obstacles se sont dressés sur ma route.

Le sous-amendement n° 344 tend à créer une autorisation de contournement des mesures techniques de protection pour les actes réalisés à des fins de sécurité informatique.

Pourquoi ? Parce que les mesures techniques de protection - et je voudrais vous en convaincre, mes chers collègues - peuvent comporter certaines exigences incompatibles avec la sécurité du système d'information sur lequel elles sont exécutées. Certaines peuvent même envoyer des statistiques d'utilisation d'œuvres, voire des pans entiers de documents édités par leurs rédacteurs. Il est donc essentiel de permettre à leurs utilisateurs de les contourner...

M. Richard Cazenave. C'est l'amendement Carayon !

M. le président. Monsieur Paul, concluez, je vous prie !

M. Christian Paul.

Monsieur le président, je suis en droit de vous demander plus d'impartialité.

M. le président. Monsieur Paul, je vous en prie...

M. Christian Paul.

Vous vous étiez employé, dans la première partie de la soirée, à respecter cette règle.

Il est donc essentiel, disais-je, de permettre aux utilisateurs de ces systèmes d'information de contourner ces mesures techniques afin de s'assurer de leur innocuité.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes tous d'accord. C'est l'amendement Carayon !

M. Christian Paul.

Cela prouve que l'idée fait son chemin.

L'intérêt de cet amendement se mesure d'autant mieux que l'on prend en considération le fait que les mesures techniques de protection concernent tous les types d'œuvres, hormis le logiciel. Les documents produits par les outils de traitement de texte sont, en particulier, également concernés par ces dispositions. La société Microsoft - qui, comme l'a montré Patrick Bloche, réclame vraiment toute notre vigilance - fait d'ailleurs déjà de la publicité pour ses DRM permettant de contrôler finement la circulation des textes.

Ce sous-amendement n° 344 est donc particulièrement important.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

L'amendement n° 315 rectifié de M. Cazenave satisfait à cet objectif. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 344.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Patrick Bloche

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 345.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche.

Nous avons demandé tout à l'heure une suspension de séance parce que nous devions voter sur ce sous-amendement n° 315 rectifié, dont on nous a dit qu'il avait été distribué mais que nous n'avions pas en mains. Et voilà que maintenant M. le ministre y fait référence pour motiver son opposition à notre sous-amendement n° 344 !

M. le président. Plusieurs d'entre vous n'ont pas trouvé cet amendement, mais les services de l'Assemblée les avaient distribués à l'ensemble des députés présents. Ils ne font jamais la moindre différence entre majorité et opposition. Ne les mettez pas en cause !

M. Patrick Bloche.

Tel n'était pas mon propos, monsieur le président !

M. le président. Vous avez demandé une suspension de séance et vous l'avez obtenue aussitôt, comme il est de droit !

M. Patrick Bloche.

C'est parfaitement vrai. À aucun moment, les députés de l'opposition n'ont imaginé que des amendements soient distribués aux députés de la majorité et pas à ceux de l'opposition.

M. Christian Paul. Cela arrive au Gouvernement, mais pas aux services de l'Assemblée !

M. Patrick Bloche.

Cela étant, il s'avère que, dans ce projet de loi, des amendements sont retirés, puis remis en discussion.

M. Christian Paul. Comme dans la chanson !

M. Patrick Bloche.

Nous avons, par exemple, eu une longue discussion sur l'amendement n° 30 rectifié, celui dans lequel le nombre de copies ne pouvait pas être « inférieur à un »... Vous comprendrez que nous ayons, du coup, une sensibilité particulière.

M. Christian Paul. Nous sommes un peu écorchés vifs !

M. Patrick Bloche.

Cela explique que nous soyons quelque peu méfiants quand est évoqué un amendement que nous n'avons pas en mains.

Cela étant, les services de l'Assemblée nationale ne sauraient être mis en cause et la suspension de séance nous a permis de vérifier que, au milieu de tous nos papiers, nous avions ledit amendement.

Nos sous-amendements à l'amendement n° 261 du Gouvernement tendent tous à demander un certain nombre de garanties. Le sous-amendement n° 345 soulève une vraie difficulté qui a été pointée à plusieurs reprises durant notre discussion.

Les consommateurs, tout le monde le sait, sont aujourd'hui confrontés à la multiplication des systèmes de protection auxquels recourent certains éditeurs pour contrôler les usages possibles d'une œuvre. Ces systèmes ne sont pas sans conséquences sur leur capacité à faire jouer les copies qu'ils acquièrent légalement sur leurs appareils de lecture habituels. De nombreuses personnes n'ont, par exemple, pas pu lire un CD de Phil Collins sur leur autoradio. Nous avons souvent été amenés à évoquer le fait d'acheter légalement uneœuvre et de ne pouvoir l'utiliser sur son autoradio.

Le présent sous-amendement vise donc à garantir le droit du consommateur à faire toute copie nécessaire au contournement d'une limitation dont il n'a pas été informé lors de l'achat afin de faire jouer l'œuvre sur l'appareil de lecture qu'il pouvait légitimement penser utiliser.

C'est pour cela que nous souhaitons compléter le III du texte proposé pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa précisant que les dispositions de cet article ne sont pas applicables « aux actes réalisés afin de contourner une limitation résultant de l'utilisation d'une mesure technique de protection dont le consommateur n'a pas été informé lors de l'acquisition d'une copie d'uneœuvre ».

Le sous-amendement vise à garantir le droit fondamental de tout consommateur à faire toute copie nécessaire au contournement d'une limitation, qu'il découvre souvent accidentellement dans sa voiture, lorsqu'il ne peut écouter un CD sur son autoradio.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Avis défavorable.

Le sous-amendement est satisfait par l'amendement n° 31 à l'article 8.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 345.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Christian Paul

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 371.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul.

Le sous-amendement n° 371 vise à autoriser le contournement de certaines mesures techniques. En effet, mesdames, messieurs les députés, dans le monde orwellien, que vous préparez à nos enfants, certaines mesures techniques, visant à contrôler le plus finement possible les faits et gestes des utilisateurs des œuvres qu'elles encapsulent, modifient en profondeur le système d'exploitation sur lequel elles sont installées. Tout le monde en convient.

M. Carayon se souvient sans doute des déclarations enflammées et des tribunes, oubliées ce soir, avant qu'il n'ait renié ses engagements antérieurs pour voter l'amendement Vivendi,...

M. Bernard Carayon. Pas du tout. Tout est conforme !

M. Christian Paul.

...véritable machine à trahir de ce texte.

M. Bernard Carayon. Tout est conforme. Vos propos sont scandaleux. Vous êtes frustré par nos amendements.

M. Christian Paul.

Vous aviez pris beaucoup d'engagements et je crois que vous y avez renoncé.

M. Bernard Carayon. Ne m'agressez pas pour vous décharger de la frustration que vous inspire la qualité de nos amendements.

Mme Martine Billard. N'ayez crainte : il faudrait qu'ils soient meilleurs pour que nous nous sentions frustrés !

M. Christian Paul.

Monsieur Carayon, vous êtes dans la majorité, nous sommes dans l'opposition. Quand vous votez un texte, vous prenez vos responsabilités.

M. Bernard Carayon. Vous n'êtes pas obligés d'être de mauvaise foi !

M. Christian Paul.

Il n'y a jamais, monsieur Carayon, je vous rassure, de frustration. Nous éprouvons parfois une certaine déception, voire de la tristesse. Ce soir, ce peut être du chagrin, car nous menons un combat pour une cause importante, que vous sembliez partager.

Il y a - vous l'avez reconnu à différentes reprises - des risques à modifier les systèmes d'exploitation. Les systèmes informatiques sont fragiles par leur complexité. La suppression d'une mesure technique peut parfois être requise pour remettre un ordinateur en état de marche, quand il a fait l'objet d'une intrusion de cette nature.

Certaines mesures techniques, tristement célèbres, récemment utilisées par Sony-BMG installent en quelque sorte des portes dérobées, rendant le système vulnérable à l'attaque de crackers particulièrement avertis - et ils sont nombreux à travers le monde - compromettant donc la sécurité de nos ordinateurs.

Il est impératif de permettre aux utilisateurs de se protéger et de pouvoir contourner ces mesures techniques fautives. Il est par ailleurs essentiel d'autoriser la recherche sur les mesures techniques de protection. Elle permet, en effet, de révéler ou de confirmer leur dangerosité, de détecter leurs éventuelles vulnérabilités, dont la connaissance éclaire utilement le choix de ceux qui acceptent de les utiliser.

On peut d'ailleurs remarquer que l'absence de provisions pour le contournement à des fins de recherche dans la législation américaine - qui est la soeur de la directive « droit d'auteur », le fameux Digital Millenium copyright Act - avait conduit à beaucoup d'abus, certains chercheurs se voyant menacés du paiement d'une amende forfaitaire s'ils publiaient leurs travaux.

C'est pourquoi nous demandons, à des fins de recherche et de sécurité informatique, la possibilité de contourner les mesures techniques.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Avis défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 371.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Patrick Bloche

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 390.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche.

Nous légiférons sous les yeux du monde entier et nous devons donc accomplir un travail législatif exemplaire, ce qui est difficile.

Vu la fierté avec laquelle le ministre défend son système de riposte graduée ou de sanctions très allégées, nous sommes amenés par nos sous-amendements à faire connaître nos préoccupations. M. le ministre s'est engagé à répondre à toutes nos questions - celles que M. Christian Paul vient de poser sont très pertinentes -, et je m'apprête à faire de même sur le sous-amendement n° 390. Nous nous situons dans le domaine de la pétition. Nous demandons des garanties, posons les problèmes, mais nous n'obtenons à chaque fois que des réponses du type « défavorable », et cela ne permet pas de nourrir le débat, qui est alors saucissonné.

Ce sous-amendement n° 390 nous permet de revenir sur l'exception pour situation de handicap, que vous aviez vous-même retenue parmi les vingt offertes par la transposition de la directive, plaçant la France - faut-il le rappeler - au niveau de la Grèce, tant étaient faibles le nombre d'exceptions retenues.

Nous voulons que le bénéfice de l'exception pour personnes handicapées prévue dans le sous-amendement n° 390 soit réel. Il importe donc de permettre aux personnes morales agréées d'effectuer les actes de contournement de mesures techniques de protection nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Sans une telle autorisation et en l'absence de garantie sur la nature exacte du dépôt en un format ouvert mis en place par l'alinéa 7 de l'article L. 122-5, cette exception pourrait rester toute théorique. Vous ne pouvez donc pas répondre par la simple formule « défavorable ! » à ce sous-amendement très important.

Notre sous-amendement n° 390 tend, en effet, à permettre, dans un souci d'égalité, l'accès, notamment aux personnes mal voyantes, à l'outil Internet. Nous proposons de compléter le III du texte proposé pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par l'alinéa suivant : « Elles ne le sont pas non plus aux actes réalisés par les personnes visées au septième alinéa de l'article L. 122-5. »

Vous avez, à juste titre, souligné l'importance de la disposition pour personnes handicapées. Afin que le bénéfice de cette mesure soit entier, il convient donc que cette exception ne reste pas théorique.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Ce sous-amendement nous semble superflu, car il est satisfait par l'amendement n° 272 du Gouvernement.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Les amendements nos 272 et 257 apportent des garanties supplémentaires pour que l'exception au bénéfice des personnes handicapées puisse être pleinement respectée.

Avis défavorable au sous-amendement n° 390 !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 390.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Martine Billard

M. le président. Je suis saisi de trois sous-amendements, nos 290, 384 et 368, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 290.

Mme Martine Billard.

L'objet de l'amendement n° 261, tel qu'il ressort de l'exposé sommaire, vise à clarifier « les incriminations du contournement des mesures techniques de protection desœuvres et d'atteinte aux informations protégées portées sur les œuvres ».

Le sous-amendement n° 290 tend à compléter le texte proposé pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par le paragraphe suivant : « IV. - Les dispositions du présent article n'interdisent pas la distribution du code source d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique. »

Rappelons que l'interopérabilité peut être réalisée de diverses façons : par des logiciels propriétaires, par des logiciels mis sur le marché et par des logiciels libres. Le sous-amendement n° 290 prolonge le précédent, car il respecte l'exception prévue au septième alinéa de l'article L. 122-5 pour le handicap visuel. Si cette précision n'était pas apportée, on ne pourrait réaliser l'interopératibilité que par des logiciels propriétaires, ce qui suppose des coûts de développement, alors qu'il est possible de passer par des logiciels libres, moins coûteux pour ceux qui seront amenés à développer ces mesures, visant à assurer le respect de cette exception.

Si cette possibilité n'était pas précisée, on enfermerait totalement l'interopérabilité dans un système très contraint, qui risquerait de limiter sa portée, si les associations, les personnes morales autorisées à mettre enœuvre cette exception n'avaient pas la possibilité d'utiliser le logiciel indépendant, interopérant avec une mesure technique.

Christian Paul

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir le sous-amendement n° 384.

M. Christian Paul.

Vous avez, ce soir, mes chers collègues, très maladroitement contribué à expulser le logiciel libre par la porte. Nous allons donc par le sous-amendement n° 384 tenter de le faire entrer par la fenêtre. (Sourires.)

Le sous-amendement n° 384 tend à compléter le texte proposé pour l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle par le paragraphe suivant : « IV. - Les dispositions du présent titre ne permettent pas d'interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d'uneœuvre. »

Le sous-amendement vise à s'assurer que le logiciel libre ne sera pas concerné par les dispositions prévues pour réprimer le contournement des mesures techniques de protection à des fins de contrefaçons. La nature juridique du logiciel libre est en cause.

Un logiciel est dit « libre » si sa licence d'utilisation donne, monsieur le rapporteur, quatre libertés à ses utilisateurs. Vous sembliez ignorer tout à l'heure la première, qui permet d'exécuter le logiciel, comme on le souhaite, notamment sans avoir à payer quoi que ce soit. Je sais, mes chers collègues, que le mot « gratuité » est pour vous une hérésie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous prie d'éviter les provocations vis-à-vis de vos collègues !

M. Christian Paul.

Monsieur le président, vous ne connaissez pas l'historique de ce débat, car vous n'avez pas présidé chaque séance.

Nous avons le sentiment, en défendant le logiciel libre, de prêcher un peu dans le désert.

M. Bernard Carayon. Quel culot !

M. Christian Paul.

Le vœu secret de M. le rapporteur serait de rendre payant l'accès au logiciel libre, pour parvenir au code source.

Les trois autres libertés associées à ces logiciels sont d'étudier leur fonctionnement, de les modifier et enfin de les redistribuer.

Ces quatre libertés imposent, en pratique, la fourniture du code source du logiciel. Sans celui-ci, les développeurs doivent passer par une étape de décompilation longue, pénible et donc extrêmement coûteuse.

Afin qu'un logiciel libre interopérant avec une mesure technique puisse exister, il faut permettre la publication de son code source et de toute la documentation technique produite par ses développeurs.

Cet amendement est encore plus nécessaire à une catégorie particulière de logiciels libres dits copyleft, dont la licence impose la fourniture aux utilisateurs d'un logiciel de toute version modifiée faisant l'objet d'une redistribution.

Ne pas adopter ce sous-amendement contraindrait les développeurs de mesures techniques, réputées efficaces, qui nécessiteront typiquement l'insertion de modules dans le noyau Linux d'un système d'exploitation GNU/Linux par exemple, afin de contrôler les ouvertures et fermetures de fichiers, à se mettre dans l'illégalité.

Jean Dionis du Séjour

M. le président. Le sous-amendement n° 368 est-il défendu ?

M. Jean Dionis du Séjour.

Oui, monsieur le président !

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois sous-amendements en discussion commune ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Avis défavorable. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois sous-amendements ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Avis défavorable.

Rien, dans la rédaction proposée par le Gouvernement, n'interdit la publication d'un code source d'un logiciel indépendant. La lecture d'un DVD est parfaitement légale et légitime sur un logiciel libre tournant sous Linux ou n'importe quel autre système. Un code source doit cependant être soumis aux mêmes règles que le logiciel correspondant ; il faut notamment éviter qu'un code source contienne des indications sciemment conçues pour faciliter un contenu.

M. Christian Paul. Et la boucle est bouclée !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 290.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 384.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 368.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Martine Billard

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 296.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard.

M. le ministre nous répond que rien n'interdit la publication d'un code source d'un logiciel indépendant, mais que le code source ne doit pas permettre de contourner la mesure technique. Or il le faudra bien pour le respect de l'exception handicap.

M. Patrick Bloche. Évidemment !

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est prévu.

Mme Martine Billard.

Nous avons certes déjà largement débattu du sous-amendement n° 296, mais nous ne sommes pas responsables de l'organisation de la discussion. Dès lors que Gouvernement dépose un amendement qui rédige l'article, l'opposition ne peut que déposer des sous-amendements.

Nous proposons donc que les dispositions du chapitre sur les mesures techniques ne soient pas « applicables aux logiciels utilisés à des fins de partage de fichiers personnels, de recherche et de travail collaboratif ».

Ce sous-amendement devrait recueillir l'assentiment général, car nous avons déjà adopté une disposition allant dans ce sens.

M. le président. Juste une précision, mes chers collègues. Nous faisons procéder à la redistribution du sous-amendement n° 414 de M. Cazenave, qui figurait déjà dans vos liasses. Mais, ne voulant pas encourir le reproche qui nous a été adressé précédemment à propos du sous-amendement n° 315 rectifié, nous vous le distribuons à nouveau.

M. Christian Paul. C'est une mesure technique de protection ! (Sourires.)

M. le président. De précaution, cher collègue !

Christian Vanneste

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 296 ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Avis défavorable. L'article 13 ne sanctionne pas l'utilisation de logiciels de peer-to-peer, mais le contournement des mesures techniques.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Les dispositions prévues aux sous-amendements nos 364 et 315 rectifié ont déjà satisfait aux objectifs de ce sous-amendement.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable au sous-amendement n° 296.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 296.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Jean Dionis du Séjour

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 406.

Est-il défendu ?

M. Jean Dionis du Séjour.

Oui, monsieur le président.

Christian Vanneste

M. le président. L'avis de la commission...

M. Christian Vanneste, rapporteur.

...est défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Le Gouvernement y est également défavorable...

M. le ministre de la culture et de la communication.

En effet !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 406.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Richard Cazenave

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 414.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour le soutenir.

M. Richard Cazenave.

Le législateur se doit d'offrir toutes les garanties sur la sécurité juridique des activités de recherche. C'est pourquoi, afin de ne pas entraver la mise en commun et l'échange des moyens entre chercheurs, le sous-amendement précise que le 2° du II du texte proposé par l'amendement n° 261 pour l'article L. 335-3-2 du code de la propriété intellectuelle ne vise que la mise à disposition du public de moyens de contournement d'une MTP ou de suppression des informations légales.

Christian Vanneste

M. le président. Avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Favorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 414.

(Le sous-amendement est adopté.)

Frédéric Dutoit

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 336.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le soutenir.

M. Frédéric Dutoit.

Je défends ce sous-amendement tout à fait essentiel dans le même esprit que ceux de mes collègues. Je sais que l'on va à nouveau ne pas nous apporter de réponse en nous disant qu'il est satisfait. C'est désormais la litanie favorite du rapporteur.

M. Christian Paul. C'est de l'autosatisfaction !

M. Frédéric Dutoit.

La façon dont ce débat est conduit me navre. Le Gouvernement a multiplié les amendements rédactionnels, nous contraignant à déposer des sous-amendements. Mais le débat ne laisse pas d'espace à l'échange contradictoire puisque ces sous-amendements sont examinés en bloc et sans discussion. Dont acte !

Notre sous-amendement vise à ce que les dispositions du présent article ne soient pas applicables aux actes réalisés aux fins d'interopérabilité, de sécurité informatique, ou pour l'usage licite de l'œuvre - et nous y insistons.

La notion d'usage licite vous paraît floue, mais c'est la seule à trouver un fondement juridique dans notre droit.

Plus fondamentalement, il faut dire aux Français que votre refus de reconnaître la notion d'usage licite vous mettra en contradiction avec l'article 8 de la Charte européenne des droits de l'homme.

Cela n'a pas l'air d'émouvoir le Gouvernement et la majorité, et pourtant je les interpelle une dernière fois sur la gravité des dispositions retenues par le Gouvernement.

M. Christian Paul. Écoutez, c'est très important !

M. Frédéric Dutoit.

Le premier alinéa de l'article 8 de la charte stipule, écoutez bien, mes chers collègues :

« Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant. »

Or, votre texte, monsieur le ministre, n'ouvre même pas aux internautes la possibilité de contourner des mesures techniques pour protéger leurs données personnelles. C'est, je le dis calmement mais très fermement, extrêmement grave !

Tout votre texte, monsieur le ministre, n'est qu'un témoignage de servilité - et je pèse mes mots - à l'égard des éditeurs de contenus. Vous vous êtes laissé abuser, hypnotisé par un discours liberticide dont nous refusons et dénonçons la logique.

De fait, et je ne cite que cet exemple car les Français doivent le savoir, il suffira demain de cliquer sur une image sur Internet et de l'enregistrer - chacun connaît cette manipulation simple - pour devenir un délinquant.

Comment contrôlerez-vous ces comportements ?

Je vous l'avais dit en décembre, votre texte est un cauchemar orwellien : du cauchemar, il a l'inconsistance ; et de l'orwellien, la tentation de s'ériger en Big Brother. C'est affligeant.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Avis défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 336.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Patrick Bloche

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 395.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche.

L'article 13 du projet de loi suscite notre inquiétude, et notre collègue Dutoit vient de le rappeler. En effet, cet article pénalise le contournement des mesures techniques. Nous considérons que ce contournement ne doit pas être sanctionné, et ce au nom de la résistance à l'oppression constitutionnellement garantie par l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

M. Jean Dionis du Séjour. Oh !

M. Patrick Bloche.

Je cite : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression. »

M. Christian Vanneste, rapporteur. Mais la propriété !

M. Patrick Bloche.

Certes, monsieur le rapporteur. Je constate d'ailleurs que c'est votre seul souci. Je vous parle de résistance à l'oppression et vous me répondez « propriété » !

Avec l'article 13, on en arrive à une situation absurde, monsieur le rapporteur, où l'on protège pénalement des mesures imposées par des personnes privées susceptibles de porter atteinte aux libertés publiques constitutionnellement garanties, à savoir la vie privée et, pour vous faire plaisir, monsieur le rapporteur, le droit de propriété.

Ainsi, pour restreindre l'exception pour copie privée, non garantie par la Constitution, et que le Gouvernement prétend vouloir garantir, on accepte de porter atteinte à des droits constitutionnellement garantis. Où va-t-on ?

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Avis défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 395.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Christian Paul

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 346.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul.

La rédemption est encore possible, mes chers collègues ! Nous avons longuement insisté tout à l'heure sur la nécessité que les mesures techniques de protection soient connues des consommateurs ; nous avions d'ailleurs une divergence de fond avec le rapporteur, qui a donné lieu à un épisode assez piquant. Chacun a bien compris que, quand une œuvre n'est pas lisible, ce n'est pas répréhensible et qu'il suffit d'apporter une étiquette sur la boîte du CD pour informer le consommateur !

M. Christian Vanneste, rapporteur. C'est préférable !

M. Christian Paul.

Ce qui est dramatique, monsieur le rapporteur, c'est d'aboutir à l'interdiction de la lecture d'une œuvre qui n'est pas gratuite !

Vous êtes au pied du mur. Les consommateurs vont être confrontés à une multiplication des systèmes de protection - c'est votre modèle auquel recourent les producteurs pour contrôler les usages possibles d'une œuvre. Or ces systèmes ne sont pas sans conséquence - nous ne cessons de le dire depuis le mois de décembre - sur la capacité des appareils de lecture à lire les copies acquises légalement. Le sous-amendement n° 346 autorise le consommateur à faire toute copie nécessaire au contournement d'une limitation dont il n'a pas été informé lors de l'achat de l'œuvre afin de faire jouer l'œuvre par l'appareil de lecture qu'il pensait légitimement pouvoir utiliser.

Nous avions au mois de décembre signalé que les vendeurs de musique de grands magasins bien connus à Paris et en province donnaient des conseils aux clients sur la manière de contourner les mesures techniques de protection.

Tel est le sens de notre sous-amendement « rédempteur » que je vous invite, avec Patrick Bloche, à voter.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Avis défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 346.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Patrick Bloche

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 347.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche.

Ce sous-amendement vise, là encore, à obtenir certaines garanties. En l'occurrence, il s'agit de compléter l'article 13 par l'alinéa suivant : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés sans but lucratif. »

M. Jean Dionis du Séjour. Mais vous tournez en boucle : vous l'avez déjà défendu !

M. Patrick Bloche.

Eh bien, je vais le défendre à nouveau !

Les actes de contournement, de mise à disposition d'un outil de contournement ou l'offre d'un service de contournement d'une mesure technique se justifient par de multiples raisons. L'une d'elles peut être la contrefaçon industrielle, visant à tirer profit de l'exploitation d'une œuvre sans acquitter aux ayants droit les licences qu'ils sont en droit d'exiger. Ce type de contournement, nuisible à la création, doit être combattu. Mais une autre motivation peut résider dans la volonté de passer outre une limitation introduite par une mesure technique faisant obstacle à la jouissance d'une exception. La motivation du contournement à des fins d'interopérabilité n'étant pas facile à établir, il semble judicieux d'offrir un second critère d'appréciation au juge : la recherche de profit.

Cela permettra, d'une part, de renforcer la sécurité juridique des utilisateurs contournant une mesure technique à des fins personnelles : il semble évident qu'une personne qui copie un CD afin de l'écouter sur l'appareil de son choix, un autoradio, par exemple, doit y être autorisée. Cela permettra, d'autre part, de garantir la sécurité juridique de ceux qui proposent des outils ou des services à leurs amis moins experts techniquement afin d'effectuer les actes de contournement nécessaires à la mise en œuvre de l'interopérabilité ou à la jouissance d'une exception. Ce second type de sécurité juridique est essentiel. Le droit de contournement à des fins d'interopérabilité prévu par cet article ne saurait demeurer seulement théorique pour la majorité des consommateurs.

Christian Vanneste

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Défavorable.

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 347.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Bernard Carayon

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 316 rectifié.

La parole est à M. Bernard Carayon, pour le soutenir.

M. Bernard Carayon.

Je vais donner à nos collègues socialistes l'occasion de voter un sous-amendement de rédemption, puisque, jusqu'à présent, ils n'ont pas voté les propositions de bon sens que nous avons soumises à leur appréciation.

Ce sous-amendement propose que les dispositions ne soient pas applicables aux « actes réalisés à des fins de recherche,... » - les mots « de recherche, » ont été oubliés, ce dont je vous prie, monsieur le président, de bien vouloir m'excuser - « ...d'interopérabilité ou de sécurité informatique, dans les limites des droits prévus par le présent code ». De la même manière qu'on autorise le contournement d'une mesure technique à des fins d'interopérabilité, il doit être possible de supprimer une marque ou un identifiant aux mêmes fins.

À défaut, le contournement d'une mesure technique impliquant bien souvent la suppression de telles informations, notamment de la signature électronique de l'œuvre, il ne sera pas possible d'y procéder à des fins licites sans risquer des sanctions, ce qui serait en contradiction avec l'article L. 335-3-1.

En l'absence de cette clarification, la conversion de fichiers d'un format à un autre pourrait être illégale.

M. le président. Il convient donc, monsieur Carayon, de lire ainsi votre sous-amendement :

« Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« IV. - Ces dispositions ne sont pas applicables aux actes réalisés à des fins de recherche, d'interopérabilité ou de sécurité informatique, dans les limites des droits prévus par le présent code ».

M. Bernard Carayon.

En effet, monsieur le président !

Christian Vanneste

M. le président. Il s'agira donc d'un sous-amendement n° 316 deuxième rectification.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 316 deuxième rectification ?

M. Christian Vanneste, rapporteur.

Avis favorable et enthousiaste !

Renaud Donnedieu de Vabres

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication.

Avis favorable !

M. Christian Paul. C'est incroyable ! Nous avons déjà présenté des sous-amendements similaires et ils ont été rejetés !

M. le président. Avant de procéder à la mise aux voix du sous-amendement n° 316 deuxième rectification, je dois vous préciser que, si ce dernier est adopté, son adoption fera tomber les sous-amendements nos 348 à 351, ainsi que le sous-amendement n° 372.

Christian Paul

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Si la majorité s'était montrée moins sectaire ce soir, elle aurait adopté certains de nos amendements. Nous inspirant d'autres grandes lois sur la propriété intellectuelle et les droits d'auteur, nous aurions pu rechercher un consensus sur les garanties à donner à nos concitoyens face à l'invasion des mesures techniques de protection dont vous voulez consteller l'univers culturel.

Mais, pour montrer que nous ne sommes pas sectaires, nous, lorsqu'il s'agit d'intérêt général, nous voterons ce sous-amendement qui nous paraît utile.

Reste, monsieur Carayon, que vous nous avez un peu déçu à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 150 deuxième rectification, qui fait jaillir de très nombreux débats sur les forums ayant trait aux logiciels libres, à la propriété intellectuelle, à l'âge numérique et aux brevets de logiciels, sur lesquels nous nous étions retrouvés il y a quelques mois. Vous semblez avoir quitté là le droit chemin. Espérons que ce soit provisoire.

Quoi qu'il en soit, nous voterons votre sous-amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 316 deuxième rectification.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les sous-amendements nos 348, 349, 350, 351 et 372 tombent.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 16 mars 2006, à une heure trente-cinq.)