Consultation Commission Européenne 2014 Enseignant

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Vous êtes un enseignant ou un chercheur

L'éducation et la recherche nécessitent de pouvoir utiliser des contenus protégés par le droit d'auteur. Trop souvent les enseignants et les chercheurs, mais aussi les élèves et les étudiants sont dans l'incertitude sur ce qu'ils peuvent faire sans violer le droit d'auteur. Des exceptions claires et solides sont nécessaires pour que ces activités vitales pour la société puissent se dérouler dans de bonnes conditions.

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Pour préparer votre réponse, nous vous conseillons de lire les propositions suivantes :

3. Des exceptions solides et obligatoires pour les pratiques éducatives et de recherche

Le numérique transforme profondément les pratiques éducatives et de recherche. Prenons l'exemple des pratiques éducatives. Trois transformations majeures y sont à l'œuvre : elles ne se laissent plus enfermer dans les seuls établissements d'enseignement ; la notion de "ressources éducatives" n'a plus de validité, puisque les pratiques éducatives ont vocation à s'emparer de toute œuvre, de toute information ; et, enfin, l'élève ou étudiant est de plus en plus auteur ou producteur de contenus et non plus seulement usager de contenus préexistants. L'approche actuelle d'exceptions facultatives, limitées et hétérogènes pour les usages éducatifs des œuvres est si inadaptée que la Commission européenne a elle même envisagé dans son Livre vert sur le droit d'auteur dans l'économie de la connaissance de rendre obligatoire et d'élargir le champ des exceptions éducatives.

Il n'y a pas de société digne de ce nom sans des droits d'usage étendus s'appliquant partout pour l'éducation et la recherche qui respectent les principes suivants :

  • Les droits d'usage définis par ces exceptions doivent s'étendre à l'ensemble des pratiques éducatives ou de recherche, indépendamment du cadre dans lequel elles s'effectuent. Ainsi l'exception pour l'éducation ne saurait être limitée aux établissements d'enseignement, ou au fait que le public concerné ait un statut d'élève ou d'étudiant. L'éducation populaire sous toutes ses formes doit être concernée, de même que tous les ateliers de pratiques culturelles et artistiques, ainsi bien sûr que les pratiques éducatives dans les musées et bibliothèques. Cependant les pratiques éducatives (par exemple) doivent rester bien distinctes d'autres types d'usage par la nature et les buts des activités, et à travers la distribution des rôles entres enseignants, éducateurs, médiateurs ou tuteurs d'une part et participants d'autre part. Les pratiques de recherche doivent rester définies par leur nature et leur buts, comme c'est ou cela devrait être le cas pour les crédits d'impôt recherche.
  • Les exceptions doivent porter sur toute œuvre protégée. Nul n'a qualité pour décider d'avance quelle œuvre ou quel contenu peut faire sens dans une pratique éducative. Quant à l'exclusion de l'exception des contenus pédagogiques édités existant dans certains pays comme la France, elle ferait rire si ce n'était pas le signe d'un pouvoir aberrant de lobbys sur les politiques publiques.
  • Les exceptions pour l'éducation et la recherche ne doivent pas faire l'objet de compensations financières par les usagers. Chaque auteur sait qu'il n'est pas d'usage plus porteur de reconnaissance et à terme de rémunération que d'avoir ses œuvres utilisées dans l'éducation, par exemple.
  • Enfin, les exceptions et la reconnaissance des droits d'auteur ne doivent pas traiter les productions des élèves, étudiants ou participants, différemment de celles de tous les autres auteurs. La notion de contenu généré par les utilisateurs est une fiction inventée par des intermédiaires qui veulent la liberté d'usage et d'appropriation pour eux et aucun droit pour les auteurs.

D'autres types d'exceptions comme celle pour les aveugles et mal-voyants, en voie de codification dans un traité légalement contraignant à l'OMPI grâce à l'action de Knowledge Ecology International et des organisations spécialisées, doivent recevoir le même traitement : elles doivent non seulement être obligatoires mais être définies de façon suffisamment effective et large pour garantir l'accès aux usages visées (lecture et écriture dans ce cas).


14. Un statut positif protégeant le domaine public et les communs volontaires

Ces 30 dernières années, les conflits les plus importants pour la culture et l'innovation ont porté sur la définition du périmètre respectif de ce qui peut être objet d'appropriation privative et de ce qui doit être considéré comme commun :

  • définition du périmètre de ce qui peut être breveté,
  • délimitation des droits d'usage qui doivent être reconnus à chacun même lorsque des œuvres sont soumis à des droits exclusifs,
  • mise en œuvre des droits exclusifs et charge de la preuve de la légitimité de l'usage,
  • possibilité même de partage de ses propres productions sans en être arbitrairement puni par la privation de ressources.

Tous ces conflits se déroulent dans un contexte inégal. Les droits exclusifs s'y adossent au droit de propriété, à un amalgame aberrant entre propriété physique et droits intellectuels et au portefeuille fourni de leurs détenteurs. En face, les droits de chacun peuvent certes se référer aux droits fondamentaux, mais sans que le domaine public et les communs eux-mêmes ne se voient reconnus un statut positif. Qui plus est, les droits de chacun à l'égard du domaine public et des communs sont par nature dispersés (ils s'incorporent dans chacun de nous).

C'est pour cela que des chercheurs et des juristes ont formulé le projet d'une reconnaissance par un statut positif du domaine public, des communs volontaires et des prérogatives essentielles des usagers (y compris les créateurs) à l'égard des œuvres. Il s'agit de renverser ou tout au moins de rééquilibrer le rapport inégal qui fait que le domaine public est considéré au mieux comme un résidu ou un échec du marché, les communs comme un territoire qu'on n'a pas encore réussi à privatiser et les prérogatives des usagers comme une tolérance consentie parce qu'on n'avait pas encore trouvé les moyens de l'anéantir. Au contraire, il faudra, dès qu'un statut positif sera attribué à ces entités communes, envisager l'impact qu'aurait tout nouvelle disposition juridique ou politique sur leur périmètre, leur enrichissement, leur entretien et leur accessibilité effective.