CETA negotiators Johnson Pierre Marc

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À propos d'un conflit d'intérêt

Source : Journal des débats de la Commission des institutions de l'Assemblée Nationale du Québec

M. Khadir: Merci, M. le Président. Mme Bastien, M. Muzzi, M. Johnson, bienvenue. M. Johnson, votre rémunération de 1,4 million ne me cause aucun problème, si cette rémunération est pour une expertise aussi précieuse que la vôtre mais indépendante. Moi, je pense que c'est de l'argent bien placé; encore faut-il que cette expertise soit indépendante. Vous savez que, de mon point de vue, vous n'êtes pas en situation d'indépendance, vous êtes en situation de conflit d'intérêts en raison de vos relations d'affaires avec Heenan and Blaikie, et aussi dans le cas de Veolia, d'ailleurs une entreprise qui tue la concurrence avec certaines manoeuvres de collusion, comme on l'a connu ici, au Québec.

Maintenant, je ne vous poserai pas de question là-dessus, je vais tout simplement...

M. Johnson (Pierre Marc): Vous allez vous contenter, si je comprends bien, des affirmations gratuites.

M. Khadir: Non. Non, non, non. Je vais vous déposer une définition clinique de «conflit d'intérêts», définition qui émane...

M. Johnson (Pierre Marc): ...bien lue, j'espère.

M. Khadir: ...du Conseil de l'Europe. Oui.

M. Johnson (Pierre Marc): Vous l'avez bien lue?

M. Khadir: Oui, oui. Je vais vous... Est-ce que c'est moi qui pose la question ou c'est M. Johnson?

Le Président (M. Drainville): ...il reste 2 min 30 s, M. le député de Mercier.

M. Khadir: Très bien. Je vous soumets donc, à la commission et à vous, une définition clinique. Vous allez peut-être comprendre pourquoi, si on suit les définitions du Conseil de l'Europe, un citoyen, M. Hamel, de Québec, qui m'a écrit ce matin -- que je vais vous déposer sa lettre aussi -- président des aînés souverainistes, demande que vous ayez l'obligeance de vous retirer de ce dossier.
Mais, en attendant -- vous jugerez vous-même -- j'ai une question plus précise, pointue et une question générale. La question précise, c'est: Est-ce que vous êtes d'accord pour rendre disponible la liste de tous les lobbyistes que vous avez rencontrés, dans le domaine économique, industriel, commercial ? Si ce n'est pas possible d'avoir toute la liste, est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez rencontré des gens... en fait, des lobbyistes pour SNC-Lavalin, sa division nucléaire, des filiales de Power Corporation, actifs via Areva ou d'autres, dans le domaine, dans la filiale nucléaire ou des lobbyistes du secteur de gestion des déchets nucléaires ? Ça, c'est la question pointue.
Maintenant, dans le dossier d'information que vous avez soumis, vous...

Le Président (M. Drainville): M. le député de Mercier, il va rester une minute pour la réponse, là.

M. Khadir: Très bien. Le libre-échange, vous dites que ça favorise la croissance et améliore le bien-être des participants. Or, depuis les dernières années, un prix Nobel d'économie, Joseph Stiglitz, dit le contraire, dit que c'est très mauvais pour les sociétés. Ici même, Yvan Allaire, tout récemment, dans un article récent dans Le Devoir, dit que c'est porteur de graves problèmes sociaux, que la déréglementation des marchés a conduit à la crise financière qu'on connaît actuellement.
Et ce n'est pas bon pour nos travailleurs. Quatre travailleurs sur cinq, depuis 25 ans qu'il y a l'ALENA, ont vu une baisse de leurs revenus et une stagnation du pouvoir d'achat de la classe moyenne. Alors, pourquoi voulez-vous que la nation québécoise, le peuple québécois accepte cette mauvaise médecine ?

Le Président (M. Drainville): M. le député de Mercier, il n'y aura plus de temps pour votre réponse, et j'ai bien précisé les règles du jeu et en séance de travail et ici tout à l'heure, au début. Il reste 30 secondes pour la réponse, M. Johnson. Je vous laisse le soin de choisir sur quel aspect...

M. Johnson (Pierre Marc): Oh! vous savez, en 30 secondes, je pense qu'il est difficile de... il est difficile de...

M. Auclair: M. le Président, pour permettre à M. Johnson de répondre et réfuter les allégations de mon collègue, je n'ai aucun problème à ce qu'il y ait du temps du parti ministériel qui soit utilisé...

M. Johnson (Pierre Marc): ...je suis convaincu, M. le député, mais je pense...

Le Président (M. Drainville): Est-ce qu'il y a consentement des membres de cette...

M. Johnson (Pierre Marc): Non, M. le Président, si vous permettez, je ne demande pas que vous alliez au-delà de ça, je pense que la transformation de cette commission en tribunal du peuple, populiste et démagogique, n'est pas le lieu. Si le député de Mercier veut faire des accusations, qu'il les fasse de préférence en dehors du Parlement, puisqu'il devra assumer sa responsabilité.
Deuxièmement, je n'ai à dire, M. le Président, dans ces 30 secondes, que je respecte mon devoir de loyauté, d'intégrité, d'indépendance, de désintéressement, de diligence, de prudence et de confidentialité, comme l'exige le code de déontologie de ma profession.

Des voix: ...

Voir aussi : Le Devoir - Amir Khadir crie au conflit d'intérêts - Absurde, dit Pierre Marc Johnson


À propos du manque de transparence des négociations

Source : Journal des débats de la Commission des institutions de l'Assemblée Nationale du Québec

Le Président (M. Drainville): M. le député de Portneuf. Ah! Mme la députée de Gatineau? Oui.

Mme Vallée: Bien, en fait, oui, j'avais une petite question complémentaire, parce que je sais aussi que ce sera l'objet de questionnement, puis je préfère qu'on l'aborde directement.
Je sais, M. le premier ministre, qu'il y a des éléments qui ne peuvent être rendus publics, au niveau de la négociation, et certains ont déploré le manque d'information, certains collègues de cette Assemblée ont déploré le manque d'information. Ça a malheureusement fait couler aussi un peu d'encre dans les médias. Mais on est en pourparlers de négociation, c'est déjà quand même assez exceptionnel que vous soyez présent et que vous participiez à l'exercice auquel on se livre cet après-midi. C'est assez exceptionnel que, cet exercice-là, on en est à sa deuxième séance en un an. J'aimerais qu'on puisse peut-être également expliquer certains éléments plus délicats et certaines restrictions que vous pourriez avoir cet après-midi dans la divulgation d'information.

M. Johnson (Pierre Marc): Je vous remercie de cette question, Mme la députée de Gatineau. Vous allez vous rendre compte, au fur et à mesure des questions, de là où je ne réponds pas, et pour des raisons de l'intérêt de cette négociation, hein? On se comprend qu'une négociation, même avec nos amis européens, avec qui nous avons toutes sortes d'atomes crochus, ce n'est pas une séance de bienfaisance. C'est une négociation commerciale, et il y a d'énormes intérêts qui sont en cause de part et d'autre, et un certain nombre de ces intérêts-là, pour pouvoir être, je dirais, protégés d'un bout à l'autre de la négociation, doivent être tenus au secret.
C'est d'ailleurs le choix qu'ont fait les 27 pays de l'Union européenne et l'ensemble des provinces et du gouvernement fédéral. L'Union européenne... la Commission européenne ne veut pas que les textes soient rendus publics, les pays d'Europe non plus -- les membres -- et, du côté canadien, pour le Québec, nous sommes dans une situation nouvelle, comme pour les autres provinces, où nous sommes consultés. Nous avons accès à la documentation secrète du gouvernement fédéral sur un certain nombre de dossiers extrêmement délicats, et qui impliquent l'intérêt public, et qui, s'ils étaient rendus publics, pourraient créer des mouvements de spéculation. Il faut comprendre qu'il y a une raison au secret, hein, une raison au secret quand l'État fait une négociation. Cette raison, c'est de protéger l'ensemble des intérêts des collectivités qui sont en cause, pour s'assurer que des gens ne partent pas avec des informations privilégiées et se mettent à en tirer un avantage, notamment un avantage spéculatif sur des marchés qui parfois peuvent être volatils.
Cela dit, j'ai procédé à de... non seulement moi, mais le ministère, nous avons procédé à de nombreuses consultations. Nous avons vu non moins de 100 personnes et groupes au cours de cette négociation, au Québec, et qui ont des intérêts de toutes sortes: dans le monde culturel; dans le monde industriel; dans le secteur de l'aluminium; dans le secteur du bois, des produits cosmétiques, des chaussures, du textile, des jeux vidéo, de l'aérospatial, des pâtes et papiers, des vins et spiritueux, de l'industrie pharmaceutique; les universités, l'industrie bioalimentaire; l'UPA -- que j'ai rencontrée à quatre reprises -- les groupes syndicaux; les ordres professionnels, que j'ai rencontrés également, les ordres professionnels, parmi lesquels ceux qui s'intéressent à cette question de la reconnaissance des qualifications; le monde de l'édition, de façon spécifique dans le monde de la culture en particulier; et des entreprises québécoises exportatrices de toutes sortes.

Et, en ce sens-là, oui, il y a eu des consultations, il y a une ouverture. Je n'ai pas refusé de rendez-vous autrement que ceux qui m'apparaissaient incompatibles avec les fonctions ou qui ne m'apparaissaient pas utiles, compte tenu de l'état du dossier. Donc, oui, on travaille dans la discrétion, mais, par définition, c'est ça, une négociation commerciale.


Journal des débats de la CI du 6 octobre 2010

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président,merci. Oui, M. Johnson, bonjour. Bonjour aussi à ceux qui vous accompagnent, M. Muzzi particulièrement, que je connais bien puisqu'il était au ministère des Relations internationales quand j'étais ministre. Non pas il y a 25 ans,puisque, M. Johnson, il y a exactement 25 ans, vous étiez premier ministre du Québec et vous m'aviez convaincue de revenir de Paris, où je coulais des jours heureux comme déléguée générale, pour me présenter avec vous.Alors, je voudrais...

M. Johnson (Pierre Marc): Pour être ministre.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, c'est vrai,ministre non élue. Alors, M. le Président, je voudrais poser un certain nombre de questions relativement courtes en espérant justement avoir des réponses relativement courtes,de telle sorte que pendant les 20 minutes on pourra échanger sur des thèmes que je vais vous donner immédiatement,M. Johnson: bien sûr, les marchés publics, je veux revenir là-dessus; la culture; et puis le déficit démocratique.Je vais commencer par le déficit démocratique. Je crois qu'il est profond dans ce cas-ci. Et personnellement je le regrette beaucoup, parce que nous avons demandé...la commission d'ailleurs a demandé au gouvernement d'envoyer aux membres de cette commission, pour qu'on puisse savoir de quoi l'on parle, un certain nombre de documents. On en a reçu, mais les principaux. on ne les a pas reçus.Alors, le principal était bien sûr le projet d'accord le plus récent concernant tous les sujets de négociation encours, l'état de la négociation, la liste des points d'accord,de points de désaccord, bon, en tout cas, il y avait ces documents-là que l'on ne recevra pas.Et, si je vous dis ça, M. Johnson, c'est parce qu'au moment de la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques, en 2001, au moment du Sommet des Amériques,j'étais ministre des Relations internationales, et nous avions eu le document, et nous l'avions rendu public. Le gouvernement canadien, Pierre Pettigrew, je dois dire, avait accepté que ce document, qui était en cours de négociation, soit rendu public. Parce que je crois, moi, sincèrement qu'au-delà des gens d'affaires la société civile a le droit de savoir ce qui se discute et que c'est un manque de transparence puis un déficit démocratique effectivement que je constate et que je regrette.Je vais vous dire que le dernier document que l'on a eu via la société civile, justement, parce qu'il y a eu une fuite, hein,«draft consolidated text», et c'était, je crois, au mois de février dernier. Il s'est passé beaucoup, beaucoup de choses depuis,on voit ça comme ça.Ce qui m'amène aussi à vous poser une sous-question: Coudon, la langue de la négociation, c'est-u quel anglais? Parce que là je vois, là, que ce document-là était qu'en anglais, alors qu'avec la Zone de libre-échange des Amériques M. Pettigrew nous avait assurés que les quatre langues des Amériques étaient utilisées, c'est-à-dire l'espagnol, bien sûr, le portugais, l'anglais et le français,puis il avait fait traduire l'équivalent de ce «draft»-là.Alors donc, mes deux questions: Pourquoi on ne peut pas avoir le document, alors que, pour la ZLEA, on l'avait eu, en 2001? Et pourquoi, donc, que tout est en anglais,alors qu'il y a 14 pays qui sont membres de la francophonie en Europe? Ça ne paraît pas toujours, là, dont le plus grandet le plus important d'entre eux, bien sûr, qui est la France,mais il y en a 14 qui sont membres de la francophonie.55 pays membres de la francophonie, 14 qui sont européens,puis tout nous arrive en anglais, puis le Québec, puis le Canada, tu sais, ça devrait être au moins dans les deux langues officielles du pays auquel nous appartenons.

Le Président (M. Drainville): M. Johnson.

M. Johnson (Pierre Marc): Alors, sur le déficit démocratique, rapidement, il est exact que les textes dont j'ai connaissance, et dont nos équipes ont connaissance, ne sont pas rendus publics. C'est un choix qui est fait par les équipes de négociation de part et d'autre. Les Européens l'exigeant, et, je dirais, aussi du côté fédéral, il y a une tradition de ne pas rendre ça public très rapidement.Il faut comprendre que ce qu'on appelle le texte de négociation, c'est le texte sur la base duquel on sait qu'on va discuter dans les dernières phases de la négociation pour dire: Je te consens ça si tu me consens telle phrase, j'enlève celle-là si tu enlèves l'autre. Donc, la nature de ce document touche des contenus différents mais n'est pas nécessairement...ne signifie pas nécessairement que ce sont les positions des parties qu'on y voit. On y voit des positions, et le texte est relativement neutre. Tant et aussi longtemps qu'on ne s'est pas entendus sur les libellés, ça demeure un texte de travail.Et c'est pour ça qu'en général les négociateurs sont extrême-ment hésitants à les faire circuler, surtout globalement. Je sais cependant par expérience que dans certains cas des extraits de texte, au fur et à mesure que la négociation avance,peuvent être rendus publics pour les fins de recueillir des opinions. Et puis, dans certains cas, il y a des gens qui font des ballons avec ça.Deux. Sur la langue, c'est l'Union européenne qui a choisi de faire de l'anglais la langue de communication dans cette négociation, parce qu'ils ont des équipes, je crois,qui viennent d'une quinzaine... ou 17 pays, je ne sais plus,sur un total de 27 en Europe, et la langue commune de travail de ces gens, c'est bel et bien l'anglais et non le français,comme ça l'a déjà été. Cela dit, mes conversations avec Mauro Petriccione, le négociateur en chef de l'Europe, se sont toujours conduites en français et... mon italien n'étant pas tellement bon. Mais son français et son anglais étant impeccables.

Le Président (M. Drainville): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Bon, alors, on s'adressera à l'Union européenne en temps et lieu, mais c'est quand même étonnant, parce qu'à l'Union européenne normalement il y a un certain nombre de langues qui sont officielles et qui sont des langues de travail, d'ailleurs, de l'Union européenne, dont bien sûr le français, à la Commission européenne. Mais ça ne parait pas beaucoup; je conçois ça, je comprends ça.Mais je veux quand même revenir sur cette idée que... pourquoi la population, pourquoi la société civile ne pourrait-elle pas, même si les positions justement ne sont pas arrêtées, même si les libellés ne sont pas définitifs, on sait que tout ça s'échange... Il me semble, en tout cas, que c'est le genre de chose qui fait en sorte que la population se sent de plus en plus éloignée des décisions qui se prennent en son nom derrière des portes closes dans des négociations internationales et que, pour la démocratie puis la vitalité démocratique de nos sociétés, il me semble qu'on devrait tous être inquiets de ces façons de faire, parce que ça éloigne le citoyen, qui se sent de plus en plus impuissant et puis qui n'a plus confiance ensuite dans ces institutions. En tout cas,moi, c'est ce que je constate, M. Johnson.

M. Johnson (Pierre Marc): Je suis sensible à ce que vous dites, d'autant plus que j'ai commis quelques écrits sur ces questions il y a quelques années, à l'époque des négociations multilatérales, la participation de la société civile à ces négociations. Je ne veux pas me... Je ne veux6 octobre 2010pas me cacher derrière l'aspect extraordinairement technique de ces textes, mais c'est un fait que ces textes sont extrêmement techniques. Deux, il y a dans ces textes parfois des ballons à l'autre partie pour voir comment elle réagira dans la prochaine version du texte. Donc, encore une fois, ces textes ne représentent pas nécessairement la position des parties,elle n'est qu'une des formes sous laquelle on voit quels sont les enjeux.Sur le plan de la consultation, par ailleurs, la consultation est assez ouverte. Nous avons rencontré, sur le plan des consultations, non seulement des entreprises,non seulement des coalitions comme la coalition culturelle,nous avons rencontré des associations industrielles, j'ai été exposé à, je dirais, moi, une douzaine de publics depuis le début de cette négociation, au Québec, où j'ai eu l'occasion de tenter de répondre à des préoccupations et surtout de prendre note des priorités, des objectifs ou des craintes ou des appréhensions de beaucoup de groupes. Et je crois que le processus démocratique, il se fait plus par là. Pour les parlementaires, il y a deux moyens: il y a celui qu'on a aujourd'hui, tout limité que soit mon couloir de révéler des choses qui ne doivent se dire seulement qu'à une table,mais aussi, je crois que les chefs des partis de l'opposition le savent, le premier ministre m'a autorisé à répondre à des questions, à des personnes que désignerait l'opposition,dans un contexte qui est in camera, et je suis prêt à une conversation peut-être un peu plus ouverte sur certains enjeux, dans un contexte où ce n'est pas public, comme je suis tout à fait prêt, avec l'autorisation du premier ministre,à rencontrer l'ensemble du caucus du Parti québécois ou du deuxième parti d'opposition.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon, très bien.

Le Président (M. Drainville): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président.Non, c'est la première fois, honnêtement, que j'entends parler de ça, là. Alors donc, on y reviendra sûrement. Je veux quand même dire que c'est un outil essentiel, là, dont on aurait eu besoin aujourd'hui, là, on en est restés aux textes donc du mois de février. Et je veux aussi dire, en terminant sur ce sujet-là, que la question de la langue, quand même, que le gouvernement du Québec, le gouvernement canadien aient accepté cette exigence européenne sans... sans dire... sans rien dire me déçoit. Point. Bon.

À propos de la propriété intellectuelle

Journal des débats de la CI du 6 octobre 2010

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Messieurs,madame, M. Johnson, bonjour. Je ne peux pas m'empêcher d'avoir une réflexion à l'effet que ça a l'air absolument fascinant comme exercice et j'essaie d'imaginer comment ce serait encore plus fascinant si on le faisait juste pour le Québec! Cela dit, vous avez une liste de sujets... il y a une liste de sujets qui nous ont été mentionnés, et, à certains endroits, le Québec est présent aux séances de négociation et, sur certains autres sujets, le Québec n'est pas présent aux séances de négociation. J'en relève quelques-uns qui sont pertinents pour les milieux et les industries culturels. Celui...le sujet général des subventions, j'assume que les industries culturelles sont protégées par l'exception culturelle, dont vous nous avez dit qu'elle est couverte dans l'exercice et que ça n'en fera pas partie. Par contre, je vois, dans les autres sujets, le sujet de la propriété intellectuelle. Donc, la propriété intellectuelle serait sur la table, serait parmi les sujets qui sont objets de discussion, et vous n'êtes pas sans savoir l'extrême importance que la question de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur a sur l'ensemble des industries culturelles : cinéma, littérature, télévision, musique, jeux vidéo. Et je veux savoir, autant que faire se peut: Quelle est la position du Canada sur ces questions-là et quelles sont les représentations que vous faites, au Canada, sur ces questions-là pour le meilleur intérêt des industries culturelles québécoises ?

M. Johnson (Pierre Marc): Alors, la propriété intellectuelle, la notion qui est évoquée là couvre trois aspects.Il y a évidemment la question des droits d'auteur qui pourra être soulevée, mais, dans la mesure où il y a une exception culturelle, une exemption culturelle, ça ne devrait pas être un problème.Il y a, deuxièmement, les marques de commerce,la protection d'un nom, d'un «branding», si vous me passez l'expression, et ça, il y a une problématique un peu particulière dans le cas du Canada. Le Canada est un des rares pays développés ou à forte croissance à ne pas avoir adhéré à ce qu'on appelle le protocole de Madrid. Le protocole de Madrid permet à quelqu'un qui invente un produit et qui lui donne un nom d'inscrire ce nom et de le réserver dans l'ensemble des pays qui font partie du protocole de Madrid simplement en envoyant en envoyant au secrétariat de la convention le nom des pays où il veut que son nom soit protégé, et payer une somme relativement minime, là, on parle de même pas 100 $. Pour profiter de ça, les industries du Québec auraient besoin que le Canada adhère, parce que le Canada n'a pas adhéré à la convention de Madrid. Ce qui veut dire, en réciproque, que toute entreprise européenne qui veut ici enregistrer une marque de commerce doit faire affaire avec une filière très spécifique. Elle ne peut pas se protéger en envoyant ça au secrétariat à Genève ― je pense que c'est à Genève, si je me souviens bien ― et est obligée d'engager des avocats qui vont faire le boulot. Bon. Mais c'est la même chose pour un Québécois qui veut le faire ailleurs, il est obligé de se trouver un agent local qui va enregistrer son nom. Alors ça, je dirais, c'est la toile de fond qu'il faut avoir à l'esprit en matière de marques de commerce.La troisième dimension de la propriété intellectuelle,ce sont les brevets. Ça, c'est une autre paire de manches,et ça, c'est l'invention et la protection pas seulement sur le nom, mais sur le contenu de l'invention, et la capacité pour d'autres de reproduire cette invention. On pense évidemment aux inventions de molécules dans le secteur pharmaceutique et de bien d'autres, et ça va aller en s'accélérant, dans le secteur biotechnologique, à vitesse grand V. Et, là-dessus,il y a des enjeux assez complexes, hein, au Canada, parce que notre industrie pharmaceutique, longtemps, encore heureusement, grâce à un certain nombre d'appuis, je présume,est un endroit où on développe beaucoup des nouvelles molécules, alors qu'il y a plus d'industries en Ontario dans le secteur pharmaceutique qui, elles, font ce qu'on appelle les génériques, donc qui n'attendent que la fin du brevet pour être capables de reproduire. Et voilà un bel exemple où les intérêts ne sont pas tout à fait les mêmes entre les groupes.Quant aux Européens, leur position est plus près de la position américaine puis, je vous dirais quasiment, de la nôtre, au Québec, en termes des intérêts; c'est une position assez radicale sur la protection des brevets. Les Américains, là-dessus, sont très, très exigeants, y compris...Moi, ma grande découverte de ça, c'est, il y a une vingtaine d'années, aux États-Unis, j'étais allé, j'avais un mandat d'un groupe ici pour les représenter auprès d'un groupe scientifique, et j'ai rencontré des inventeurs, et j'ai rencontré la personne qui avait inventé les petits morceaux de caoutchouc mousse qu'on met sur ça pour que ça soit un peu plus ergonomique. Je me suis rendu compte qu'il y avait un brevet protégé pour 15 ans. Et ce qu'il faisait, c'est qu'il vendait des petits morceaux de caoutchouc mousse que je pouvais découper, moi, à la maison, là. L'approche sur la propriété intellectuelle et le brevet est une approche qui est fondamentale dans l'évolution de nombreux pays et qui est fondamentale autour du concept d'innovation. Le gouvernement canadien connaît nos pré-occupations sur cette question et les connaîtra de plus en plus au fur et à mesure de la négociation. Nous sommes conscients que, là-dessus, on a des intérêts qui sont différents d'un certain nombre d'autres ou à l'égard desquels d'autres sont indifférents au pays. Et nous verrons tout ce que cela peut produire dans les mois qui viennent.En ce qui concerne le secteur culturel, je vous dirais que je ne vois pas en quoi ― ou peut-être savez-vous des choses, là, que je n'ai pas vu passer ― je ne vois pas en quoi,sur le plan des droits d'auteur, il y aurait des préoccupations à l'égard de l'accord.

M. Blanchet: La préoccupation pourrait être relativement précise en ceci, que chaque État doit mettre en place... met en place des mesures de protection du droit d'auteur en particulier compte tenu du phénomène du piratage, et les États ont pris des mesures plus ou moins sévères. Il pourrait y avoir une incidence. Cela dit, si vous interprétez ou si vous comprenez que l'exception culturelle inclut cet aspect du droit d'auteur de façon ferme, on est peut-être en relative sécurité.

Source : Journal des débats de la Commission des institutions de l'Assemblée Nationale du Québec

M. Auclair: Merci, M. le Président. M. le premier ministre, à mon tour de vous saluer. Écoutez, un dossier qui est très important pour moi et, je pense, pour beaucoup de mes collègues et la population en général, c'est le coût des médicaments d'ordonnance. Ça fait l'objet de discussions. Moi, je suis un député de Laval, on a beaucoup de compagnies pharmaceutiques. On sait le rôle que le Québec a au niveau des pharmaceutiques, au niveau des médicaments de base, parce qu'on a posé des gestes, on protège déjà les brevets, et tout ça.
Mais on a entendu... Encore là, il y a beaucoup de monde qui écrivent, il y a beaucoup de ouï-dire, il y a beaucoup de choses qui se disent, qui sont répétées à gauche et à droite, entre autres sur l'impact que pourraient avoir justement les négociations sur le coût de nos ordonnances, le coût de nos médicaments. On a un système que les Québécois sont fiers, qu'on veut maintenir, et je pense que, vous, comme ancien premier ministre, c'est quelque chose également qui vous tient à coeur. C'est quoi qu'on peut s'attendre? À un impact... Parce qu'on parle, à certains endroits, de 785 millions de dollars de plus que ça coûterait aux contribuables québécois; en d'autres mots, ça pourrait mettre en péril la survie d'un régime comme le nôtre. C'est quoi, l'impact que vous voyez, vous, dans les négociations par rapport aux normes qui existent déjà en Europe versus les normes au Québec ?

M. Johnson (Pierre Marc): Alors, cadrons un peu le débat. Il y a deux sortes de médicaments: les médicaments dits innovants, qui sont des molécules nouvelles et qui ont été mises au point par de la recherche et du développement, en général par de très grandes sociétés. Deuxièmement, il y a les médicaments qui sont dits génériques et qui sont en fait des copies de ces médicaments mais qui ne peuvent être faites qu'après avoir respecté des procédures de respect quant à la période où peuvent être rendues publiques les données de recherche, et, deuxièmement, le respect du brevet lui-même.
Les questions reliées aux brevets, que je viens d'évoquer, sont de juridiction fédérale, et c'est la loi fédérale qui décide de ces questions. Le gouvernement du Québec, au cours des années, a appuyé le monde de l'industrie innovante par différents programmes, encourageant la recherche et le développement, souhaitant vivement que les emplois de très haut niveau qui sont ainsi rendus disponibles permettent notamment à la grande région montréalaise d'en profiter, mais pas seulement à la région montréalaise, notamment aussi dans la région de Sherbrooke.
Cela dit, en bout de ligne, il y a toujours eu une tension entre le ministre des affaires sociales et le ministre du Développement économique sur ces questions. Le ministre des affaires sociales gère un système qui bouffe 43 % des revenus de l'État ou à peu près, les médicaments sont un instrument extrêmement important dans le système hospitalier, et, par ailleurs, le ministère de l'Industrie et du Commerce, historiquement, comme il s'appelait, lui voulait favoriser l'emploi des molécules innovantes.
L'étude que vous évoquez -- j'en ai pris connaissance, j'ai eu l'occasion de la voir commentée par des spécialistes -- est contestable à bien des égards quant à l'impact des coûts qu'elle évoque, mais elle soulève quand même une problématique qui est réelle et qui préoccupe des gens ici comme des gens ailleurs au Canada quant à son impact sur les coûts de santé.
Autre facteur dont il faut tenir compte, c'est l'évolution actuelle dans le secteur pharmaceutique. Il y a une plus grande... une concentration de plus en plus grande des très grands fabricants et des très grands innovants. Deuxièmement, la façon d'innover elle-même, sur le plan du modèle d'affaires, est en train de changer à cause de l'utilisation des technologies de l'information, où des parties de recherche se font aux quatre coins du monde et non plus seulement dans une ville donnée où on réunit les gens qui doivent se rencontrer tous les soirs. Et donc c'est une industrie en mouvance.
L'industrie pharmaceutique européenne a fait un lobby sûrement très efficace auprès de la commission, qui a revendiqué une amélioration des conditions de brevet actuelles qui sont consenties en vertu de la loi canadienne, et d'où le débat sur les coûts. Et je vous dirais que, oui, c'est un enjeu de négociation, puisque nous en avons entendu parler, et, oui, il y aura quelque part une décision de modifier ou non la Loi des brevets dans une direction ou l'autre dans les mois qui suivront cette négociation, par le gouvernement fédéral.

M. Auclair: Pour faire du pouce sur ce que vous venez de dire, au Québec, on a protégé les innovants pour une période de 15 ans. L'Ontario, elle, est beaucoup plus favorable aux génériques. Les représentations qui sont faites par les Européens, on s'entend que c'est les mêmes compagnies en bout de ligne, parce que les compagnies qui font du lobbyisme en Europe sont les mêmes compagnies qui développent et qui sont présentes sur notre territoire; qu'on parle de Sanofi-Aventis et autres, ce sont des compagnies qui sont chez nous.
Est-ce que le Québec... Vous l'avez dit, c'est en négociation, il y a des choses... il y a du «give and take» dans tout ça. Est-ce que le Québec, ayant déjà cette protection de 15 ans là, ne peut pas perdre un peu sa place au niveau économique? Parce que c'est un point important pour nous, parce que, nous, on a fait le choix des innovants, l'Ontario a fait le choix des génériques. Est-ce qu'à ce niveau-là nous pouvons... ou risquons-nous de perdre une place au niveau économique ?

M. Johnson (Pierre Marc): O.K. D'abord, vous permettez une nuance. Le choix ontarien, je ne sais pas si c'est un choix, c'est l'évolution de l'industrie en Ontario qui a amené ça, mais essentiellement c'est 50-50. Alors, ils sont aux prises avec un dilemme un peu différent du nôtre. Et, ici, au Québec, il y a aussi des entreprises qui ne sont pas innovantes et qui sont dans le générique. Il faut être bien conscients de ça.
En bout de ligne, qu'est-ce qu'il faut voir là-dedans? C'est quoi, les objectifs? L'objectif, c'est de s'assurer qu'on a une qualité sur le plan des médicaments dont ont besoin les patients qui fréquentent notre système; deuxièmement, qu'on a un coût relativement raisonnable et que tout coût supplémentaire qu'est prêt à assumer l'État doit servir, à toutes fins pratiques, à un impact économique, qui est visible puis tangible, que sont des emplois dans certains secteurs. Ça, ce sont les objectifs du Québec et ce sont, en bonne partie aussi, les objectifs du reste du Canada.
Le gouvernement fédéral est parfaitement conscient aussi qu'il sera interpellé sur la dimension de la Loi des brevets par les Européens, et je crois qu'il est en train de préparer ses réponses à ces questions. Pour nous, je ne crois pas... À ma connaissance, la règle de 15 ans n'est pas remise en question par le ministère du Développement économique, qui, lui, garantit aux entreprises qu'à partir du moment où elles sont inscrites sur la liste des médicaments elles verront le plein remboursement de leurs médicaments au plein prix pour 15 ans. À ce que je sache, il n'y a pas de modification de cette politique au Québec.

M. Auclair: C'est beau, M. le Président.