DidierMathus

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Sommaire

Mémoire politique : Didier Mathus, député

Didier Mathus

Informations générales

  • Né le 25 mai 1952 à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire)
  • Circonscription d'élection : Saône-et-Loire (71), 4ème circonscription
    Cantons de La Guiche, Montceau-les-Mines Nord, Montceau-les-Mines Sud, Montcenis, Montchanin, Mont-Saint-Vincent, Palinges, Saint-Gengoux-le-National, Toulon-sur-Arroux
  • Groupe politique : Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
    Parti : PS
  • Profession : Enseignant
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Contact
{{#icon:Mp_cliquez_pour_appeler.png|01 40 63 94 07||callto://+33140639407}}
  • Assemblée nationale 126 rue de l'Université, 75355 Paris 07 SP
    Tél. : 01 40 63 94 07 - Fax : 01 40 63 94 43
  • Communauté urbaine Le Creusot Monceau Château de la VerrerieBP 69, 71206 Le Creusot cedex - Fax : 03 85 56 38 51
  • Hôtel de Ville 18 Rue CarnotBP 188, 71307 Montceau-les-Mines cedex
    Tél. : 03 85 67 68 30 - Fax : 03 85 67 68 32
  • Permanence parlementaire 4 Rue CarnotBP 202, 71308 Montceau-les-Mines cedex
    Tél. : 03 85 57 03 88 - Fax : 03 85 58 69 47


Fonctions à l'Assemblée nationale

  • Commission : Commission des affaires étrangères (Secrétaire), Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public et le projet de loi sur le service public de la télévision (Vice-Président), Commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes (Vice-Président)
  • Groupe d'amitié : Italie (Vice-Président), Pologne (Vice-Président), Canada (Secrétaire), Chine (Secrétaire), Russie (Secrétaire)
  • Groupe d'études : Cinéma et production audiovisuelle (Vice-Président), Internet, audiovisuel et société de l'information (Secrétaire), Groupes d'intérêt (Membre), Musique (Membre), Viticulture (Membre)
  • Groupe d'études à vocation internationale : Palestine (Vice-Président)

Mandats

  • Mandats et fonctions en cours à l'Assemblée nationale
    • Élections du 17/06/2007 - Mandat du 20/06/2007 (élections générales)
  • Anciens mandats et fonctions à l'Assemblée nationale
    • Élections du 12/06/1988 - Mandat du 29/07/1988 (remplacement d'un député nommé au Gouvernement : M. Pierre Joxe) au 01/04/1993 (Fin de législature)
    • Élections du 28/03/1993 - Mandat du 02/04/1993 (élections générales) au 21/04/1997 (Fin de législature)
    • Élections du 01/06/1997 - Mandat du 01/06/1997 (élections générales) au 18/06/2002 (Fin de législature)
    • Élections du 16/06/2002 - Mandat du 19/06/2002 (élections générales) au 19/06/2007 (Fin de législature)
  • Organismes extra-parlementaires
    • Membre titulaire du conseil d'administration de l'institut national de l'audiovisuel (INA)
  • Mandats locaux en cours
    • Maire de Montceau-les-Mines, Saône-et-Loire (20632 habitants)
  • Anciens mandats locaux
    • Conseil municipal de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire)
      • Mandat du 13/03/1989 au 18/06/1995 : Membre
      • Mandat du 25/06/1995 au 18/03/2001 : Maire
      • Mandat du 19/03/2001 au 09/03/2008 : Maire
    • Conseil régional de Bourgogne
      • Mandat du 17/03/1986 au 22/03/1992 : Membre du conseil régional
      • Mandat du 23/03/1992 au 26/06/1995 : Vice-président du conseil régional
    • Communauté urbaine Le Creusot Montceau
      • Mandat du 01/01/1989 au 01/03/2001 : Vice-président
      • Mandat du 15/10/2001 au 16/03/2008 : Président
      • Mandat du 15/10/2001 au 16/03/2008 : Membre
  • Fonctions dans les instances internationales ou judiciaires en cours
    • Membre de la section française de l'Assemblée parlementaire de la francophonie

Prises de positions

Sources d'informations

Positions

Merci d'enrichir cette partie en y rapportant les prises de positions de Didier Mathus concernant les sujets traités par La Quadrature du Net (consultez la page Aide:Memoire_politique pour savoir comment faire).

12/03/2009 [http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090192.asp Débats HADOPI : DRM

L’article 1er consolide au fond l’esprit de la loi DADVSI puisqu’il proroge même les mesures techniques de protection, les DRM, et il est assez singulier de la part du Gouvernement de laisser dans la loi un chapitre d’une bataille déjà perdue.

En effet, depuis la loi DADVSI, les DRM ont peu à peu été abandonnés par les opérateurs, volontairement ou sous la pression des consommateurs. C’est Universal, aux États-Unis, qui a commencé et, petit à petit, tous les opérateurs ont baissé pavillon sur cette question des DRM, dont le caractère offensant pour les libertés essentielles, le droit à la copie privée et d’autres droits annexes, était manifeste. Nous nous étions battus contre avec beaucoup de vigueur. Il y a quelques mois, iTunes, principale plate-forme de téléchargement commerciale, a à son tour abandonné les DRM.

Il est donc bizarre que le Gouvernement continue, dans l’article premier, à faire référence aux mesures techniques de protection. J’imagine que c’est, pour le ministère de la rue de Valois, une sorte d’écho nostalgique à cette grande bataille perdue de la loi DADVSI ; peut-être d’ailleurs que les rédacteurs sont les mêmes.

Cela montre que le Gouvernement n’est pas en retard d’une guerre, mais d’au moins deux ou trois : les DRM, c’est fini ! Ici même, à votre place, madame la ministre, M. Donnedieu de Vabres prenait, il y a quelques années, des accents lyriques pour nous expliquer que le monde entier enviait la France qui allait imposer la pénalisation du contournement des DRM. Tout cela a sombré dans un ridicule absolu. Le Gouvernement serait bien inspiré d’en tirer les conséquences et de réécrire cet article de façon à faire disparaître les mesures techniques de protection, qui n’ont strictement plus aucun sens.

...


12/03/2009 Débats HADOPI : droit fondamentaux, accès Internet

Madame la ministre, je suis très surpris par vos propos puisqu'ils sont en contradiction avec la politique affichée du Gouvernement. En effet, je rappelle que le plan « France numérique 2012 » de M. Besson affirme que la connexion Internet est une obligation relevant des droits essentiels de nos concitoyens. Vos propos incongrus et votre projet de loi sont contradictoires avec les objectifs proclamés du Gouvernement. Nous pensons, comme M. Martin-Lalande, qu'inscrire dans la loi que « l'accès à Internet constitue un droit fondamental » relève du bon sens. Il suffit d'observer la société pour constater que l'accès à Internet devient indispensable à la vie quotidienne, et pas seulement celle des plus aisés. On voit très bien, en particulier dans le monde rural, que la connexion à Internet est un apport essentiel à la vie quotidienne et que, demain, il ne sera plus possible de s'en passer. Vouloir couper cette connexion constitue une atteinte extrêmement grave aux libertés individuelles, mais aussi aux conditions de vie ordinaires de nos concitoyens. C'est une grave erreur.

[...]

Je suis surpris par les réponses des rapporteurs et de Mme la ministre.

Il ne suffit pas de dire que c'est une très bonne idée et remettre sa réalisation à plus tard. Je crois que vous ne mesurez pas à quel point la France risque de s'isoler dans cette affaire.

Les observations de la Commission sur ce projet de loi, auxquelles nous n'avons pas fait allusion jusqu'à présent, sont extrêmement sévères. Elles cadrent avec le rapport qu'évoquait Patrick Bloche à l'instant sur le droit à l'éducation et toute une série de dispositions européennes. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la plupart des pays renoncent actuellement à un dispositif tel que celui que vous voulez mettre en place.

Le principe général que nous essayons de défendre à travers ces amendements, c'est l'existence d'un droit nouveau, le droit à l'information, le droit à la communication.

Et ce droit s'incarne à travers la connexion Internet.

Le travail des députés, qui représentent l'intérêt général, est justement d'essayer de fixer des ambitions à la société et d'inscrire dans le marbre des principes généraux qui ne sont pas du tout compatibles avec la défense de principes corporatistes ou d'intérêts particuliers, comme tente de le faire ce projet de loi.

Une maxime latine dit parcere subjectis et deballare superbos, défendre les pauvres et combattre éventuellement les puissants. Je crois que tous les députés devraient s'imprégner d'une telle devise parce que notre travail, ici, c'est justement de ne pas être les simples porte-voix des puissants.

Défendre les intérêts d'Universal, qui, cette année encore, a réalisé un bénéfice de dizaines de millions d'euros, ne relève pas de la tâche du Gouvernement ni des députés. En revanche, il leur incombe de fixer une ambition à la société française, en s'attachant, au prix de certains efforts, à faire du droit d'accès à Internet un droit fondamental.

Je suis triste que le Gouvernement, plus particulièrement la ministre de la culture, prête main-forte à un tel rétrécissement de notre horizon, pour des raisons marchandes tout à fait hors de propos.

11/03/2009 Débats HADOPI : discussion générale, propagande, mission Olivennes écnages sur Internet, sanctions, riposte graduée, exemples étrangers, finacement de la création, surveillance, contribuation créative, droits fondamentaux, CNIL

Je me permets au préalable de répondre à notre collègue Herbillon : il n'est pas question pour nous d'invectiver Mme la ministre la culture, pour qui nous avons la plus grande considération.

Il se trouve simplement que, depuis le début de cette législature, le destin fait qu'elle a été sommée de monter à deux reprises au front – sur le projet de loi relatif à l'audiovisuel public, puis sur celui-ci – pour défendre des textes qu'elle n'avait pas souhaités, qui lui étaient imposés par l'Élysée. À toute la considération que nous lui portons, s'ajoute donc notre compassion : l'exercice auquel elle se livre en service commandé n'est sans doute pas d'un grand confort pour elle.

Notre débat se déroule sous la pression directe d'un certain nombre de lobbies. « J'aime les artistes », la lettre de propagande du ministère de la culture, a manifestement été formatée et téléguidée par des sociétés que nous connaissons bien et qui s'étaient déjà illustrées en utilisant ce faux-nez pour défendre leurs intérêts.

Pour tenter de contrebalancer cette pression, j'utilise la tribune qui m'est offerte pour dire à tous les internautes qui peuvent nous suivre – si j'ai bien compris, seulement ceux qui peuvent lire le format Flash – que demain, à dix-huit heures, devant l'Assemblée nationale, les universités et les grandes écoles se mobilisent pour organiser un rassemblement de la jeunesse afin de s'opposer à ce projet de loi.

En lisant ce projet, on se pose finalement une question essentielle : comment, après le mémorable fiasco de la loi DADVSI, la droite française a-t-elle pu se laisser embarquer à nouveau dans une aventure pareille ?

Comment a-t-elle pu accepter d'aller une fois de plus jouer les supplétifs dans la guerre que livrent les industriels de l'entertainment à leurs propres clients, et à la jeunesse en particulier.

Certes, l'affaire était mal engagée, puisque le soin avait été confié au PDG de la FNAC, principal marchand de disques en France, de faire des propositions pour élaborer une nouvelle loi relative à Internet.

Autant demander au président de la fédération nationale de la chasse de préparer la législation de protection des lapins !

Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas été déçus. Constatant que les menaces agitées par la loi DADVSI étaient tellement énormes qu'elles en étaient inapplicables, le rapport Olivennes et le projet de loi réclamé par les industriels qui en découle, proposent de substituer au trop gros bâton de la loi DADVSI, le moyen bâton de la loi HADOPI : quel souffle, quelle audace !

Dans un cas comme dans l'autre, le postulat du recours exclusif à la répression reste le même ; l'archaïsme reste le même ; l'incompréhension face à l'évolution du monde et de la société de l'information reste la même.

Pour schématiser, madame la ministre, dans votre approche, les jeunes qui échangent des fichiers sont tous d'épouvantables voleurs, des criminels en puissance qui spolient ces bienfaiteurs de l'humanité, soucieux seulement de création, que sont les industriels du disque et du cinéma.

La réponse, la seule réponse, au défi de la révolution des échanges numériques est la coupure de l'abonnement Internet. Je parlais de guerre, et force est de constater que même le terme de « riposte graduée » appartient au vocabulaire militaire, ce qui est révélateur du point de vue des auteurs de la loi.

L'arrogance est la même qu'en 2005 : les mêmes acteurs nous expliquaient que les DRM, les verrous numériques, étaient la solution, la réponse unique. Votre prédécesseur avait même fait de la pénalisation du contournement des DRM la clef de voûte du dispositif DADVSI. On sait ce qu'il est en est advenu : tous les opérateurs ont dû, les uns après les autres, et souvent de mauvaise grâce, abandonner les DRM sous la pression des usagers et des consommateurs.

Pourtant, le ministre de l'époque n'avait pas hésité à proclamer mille fois pendant nos débats que le monde entier regardait la France avec admiration. La posture est la même aujourd'hui. Pourtant « l'exemple » français fait peu d'émules : la Nouvelle-Zélande a abandonné un projet similaire il y a quinze jours, tout comme la Grande Bretagne il y a un mois, ou encore l'Allemagne qui, par la voix de sa ministre de la culture, a catégoriquement écarté une solution comparable.

Tout porte à penser qu'il adviendra de la riposte graduée ce qu'il est advenu des DRM.

Vous connaissez, madame la ministre, le sens de notre opposition à votre texte ; elle repose sur deux constats.

Tout d'abord, ce projet de loi n'apporte aucune rémunération supplémentaire aux artistes ; pas un euro de plus. Il ne répond en rien, malgré son nom fallacieux, à la question de la création à l'ère numérique.

Ensuite, avec la surveillance généralisée du Net qu'il veut mettre en œuvre, il entraîne la France dans une voie très dangereuse.

En matière de création, alors que la révolution numérique représente une chance extraordinaire – grâce à la multiplication colossale des échanges culturels –, le Gouvernement ne trouve pas mieux à faire que d'emboîter le pas aux industriels qui tentent de préserver à tout prix leur rente et leurs modèles anciens. Ils veulent y parvenir coûte que coûte, même s'il faut pour cela créer un appareil répressif orwellien.

La question posée n'est pas médiocre. Alors que le Web a permis une explosion des échanges, comment faire pour engranger cette avancée du bien-être collectif tout en inventant le nouveau modèle économique qui permettrait de rémunérer les créateurs ? Avec une contrepartie équitable, la mise à disposition quasi-illimitée de la plupart des contenus culturels constituerait un formidable progrès. Au lieu de cela, madame la ministre, vous appelez à la rescousse des technologies de surveillance pour protéger des intérêts privés en proie à la crise de leur modèle économique.

J'observe que cette crise a d'ailleurs largement été surjouée. Le cinéma ne s'est jamais aussi bien porté, seules les ventes de disques – nous parlons d'un support physique – sont en baisse dans le chiffre d'affaires de la musique. Il ne s'agit jamais que de la fin de vie d'un format particulier et d'un mode de distribution qui ont fait leur temps.

La musique vivante se porte, elle, comme un charme. Jamais il n'y a eu autant de salles de spectacles, de concerts et de festivals qu'aujourd'hui.

Mais au-delà de cet aspect, cette bataille est citoyenne. Le droit d'auteur sert de cache-sexe aux industriels. Au demeurant, comme l'a rappelé Patrick Bloche, il a été inventé pour protéger les auteurs contre les éditeurs et les diffuseurs. Aujourd'hui, il est piquant de voir les majors pousser les artistes sur le devant de la scène, alors que ces derniers sont les premières victimes de leurs subterfuges. Si, comme nous le proposions en 2005, la licence globale avait été adoptée, depuis cette date, plus d'un milliard d'euros par an seraient allés aux créateurs.

Bataille citoyenne, disais-je, car il y a une tentative des industriels de transformer la nature du Web et de faire de ce réseau d'échange un réseau de diffusion commerciale. Sous couvert de lutte pour la propriété intellectuelle, certains grands groupes du secteur sont saisis d'une frénésie d'appropriation. La gratuité, voilà l'ennemi ! En fait, derrière de nobles excuses et le paravent du droit d'auteur, la voracité financière est à l'œuvre.

Ce projet de loi est archaïque, car chacun sait bien que cette fuite en avant dans la répression technologique est, de toute façon, vouée à l'échec – d'autant qu'elle est, d'ores et déjà, obsolète : la question de la circulation des contenus n'est déjà plus celle du téléchargement. Les générations qui ont grandi à l'âge numérique n'ont plus aujourd'hui le réflexe de possession, mais celui de l'usage. Ainsi, le téléchargement perd peu à peu du terrain au profit du streaming. Les flux remplacent les stocks et les sites de peer to peer perdent de l'audience. Ce phénomène se développe avec la généralisation de l'Internet mobile à haut débit. Il pourrait d'ailleurs constituer une réponse intelligente à la question des droits d'auteurs, sous réserve que le Gouvernement, plutôt que d'être à la remorque des propriétaires de catalogues, les pousse à assurer une véritable mise à disposition et une réelle circulation des œuvres. Ce problème est essentiel ; il suffit, par exemple, de constater la médiocrité actuelle des catalogues de VOD.

Bon nombre de ces thésaurisateurs voudraient en quelque sorte le beurre et l'argent du beurre : interdire l'accès aux contenus lorsqu'on ne verse pas un péage, et limiter la circulation de leur catalogue. C'est l'économie de la rente contre celle de l'innovation.

Aujourd'hui, la question du téléchargement suscite un débat confus dans lequel s'échangent des arguments contradictoires.

Le débat sur l'impact réel du téléchargement sur l'économie de la musique et du cinéma est beaucoup plus complexe que ce que tentent de nous faire croire, à coups d'études de commandes et de chiffres douteux, les ayants droit.

Nous ne pouvons pas nier qu'un problème se pose : il y a bel et bien un recul de l'économie du disque. Toutefois, ce constat appelle à être nuancé.

Peut-être avez-vous lu les argumentaires de la SCPP et les éléments caricaturaux qui nous sont transmis par Internet pour nous expliquer que la musique va disparaître puisque les producteurs gagnent moins d'argent ? Il faut rétablir la vérité : Mozart a vécu avant les maisons de disques, et on peut imaginer que la musique continuera d'exister, même sans elles.

On nous parle de 400 000 téléchargements de films par jour...

« C'est catastrophique! » nous dit M. Riester. Mais, Bienvenu chez les Ch'tis, le film le plus téléchargé en 2008, est précisément celui qui a battu tous les records d'entrées en salle, et tous les records de téléchargements payants sur les plateformes commerciales de VOD.

On nous oppose le fait que « l'argument culturel est infondé » pour légitimer le téléchargement, en arguant que les principales œuvres cinématographiques ou musicales piratées sont des blockbusters. Dans ce cas, nous avons du mal à comprendre en quoi le téléchargement menacerait les maillons les plus fragiles du secteur, que nous devons effectivement protéger. Je pense aux créateurs émergents ou aux films d'auteurs ; en clair, à tous ceux qui ne peuvent atteindre un public de masse. Nous n'avons pas le sentiment que des gens aussi respectables que M. Hallyday ou Mlle Madonna soient aujourd'hui sur la paille, ou poussés vers la misère par les téléchargeurs illicites !

La vérité est qu'il y a, au moins, deux sortes de téléchargeurs : tout d'abord, les jeunes désargentés qui, de toute façon, ne vont pas au cinéma et n'achètent pas de CD, parce qu'ils n'en ont tout simplement pas les moyens.

Ensuite, ceux pour qui l'échange d'œuvres par Internet vient s'ajouter à une consommation culturelle déjà intense – en réalité, elle la stimule souvent. Ceux-là vont au cinéma et téléchargent des films. Ils achètent des CD et téléchargent de la musique.

Chers collègues, vous avez sûrement fait la même expérience que moi, et demandé aux élèves, à la fin d'une intervention lors d'une rencontre dans une classe de collège, qui téléchargeait. Évidemment, presque toutes les mains se sont levées. En fait, vous savez bien que, s'ils n'ont pas accès au téléchargement par Internet, les enfants issus des milieux modestes n'iront pas au cinéma, et qu'ils n'achèteront pas de CD, parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Voilà la réalité !

On nous oppose l'idée, comme l'a fait M. Dionis du Séjour, que le téléchargement illégal est une destruction de richesses.

Il est vrai que le chiffre d'affaires de la musique qui était de plus d'un milliard d'euros dépasse seulement les 600 000 euros aujourd'hui. Mais, il est bien logique qu'il ait baissé puisque la consommation se déplace vers les plateformes numériques...

Les maisons de disques n'ont plus à assurer les coûts de fabrication, de transport et de distribution inhérents à l'existence d'un support matériel.

Comparer leur chiffre d'affaires d'une époque à laquelle n'existait que le CD, avec celui qu'elles réalisent aujourd'hui n'a donc strictement aucun sens.

J'aimerais, en revanche, que l'on compare le nombre de titres acquis par nos concitoyens actuellement avec les données de l'époque. Curieusement, les maisons de disques refusent de nous communiquer les chiffres.

Les créateurs étaient les grands perdants de l'aventure DADVSI, ils seront aussi ceux de la loi HADOPI. Aujourd'hui, sur les 130 000 sociétaires de la SACEM, seulement 30 000 perçoivent des droits, qui n'atteignent le niveau du SMIC que pour 10 % d'entre eux. Parmi ces derniers, ils ne sont que 3 % à vivre confortablement de ces revenus.

Au final, les auteurs reçoivent une très faible part des revenus de la vente de musique. Les plateformes commerciales tiennent à cœur aux maisons de disques, parce qu'elles peuvent prendre les artistes sous contrat, et qu'ils redeviennent leurs prisonniers. Sur ces plateformes, un titre coûte 0,99 euro, dont seulement deux centimes vont à l'auteur, deux centimes au compositeur, et plus de soixante centimes aux majors. La situation est pire que dans celle de l'industrie du disque et une inégalité croissante s'installe.

Madame la ministre, l'ensemble de ces observations donne le sentiment que votre obstination à transposer les modèles anciens aux échanges numériques revient à vouloir à tout prix appliquer le code de la route au trafic aérien.

Deuxième grand reproche que nous adressons à votre projet de loi : il porte atteinte aux libertés individuelles.

C'est bien une société orwellienne que vous préparez, en déléguant à des sociétés privées le pouvoir de mettre sous surveillance généralisée et systématique tous les échanges sur le net. Comment pourrait-il en effet en être autrement lorsque l'on se propose, comme vous l'avez évoqué, d'envoyer chaque jour 10 000 mails d'avertissement et 3 000 lettres recommandées ?

Ainsi, la CNIL estime, dans son avis publié le 3 novembre, que « le fait de mettre à disposition des agents précités [ceux de l'HADOPI] les données du trafic ainsi que les données permettant d'identifier les personnes responsables de la mise en ligne d'un contenu paraît porter une atteinte excessive à la protection des données à caractère personnel. »

De la même façon, le Parlement européen a invité les États membres de l'Union européenne à « éviter l'adoption de mesures allant à l'encontre des droits de l'Homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d'efficacité et d'effets dissuasifs, telles que l'interruption de l'accès à Internet », jugeant par ailleurs que celle-ci ne constituait pas « la bonne solution pour combattre le piratage numérique ».

Vous voilà donc bien isolée, madame la ministre, puisque la démarche que vous avez adoptée a été rejetée par presque tous les grands pays et condamnée par l'Union européenne.

Enfin, compte tenu du développement des usages, la suspension de l'abonnement d'un particulier équivaut à prononcer une sorte de « mort sociale » électronique. En effet, la desserte en haut débit est de plus en plus considérée comme un service universel, et vous savez bien que l'évolution de notre société tend à développer ce phénomène. Dès lors, priver un citoyen de son accès à Internet, c'est souvent l'empêcher d'effectuer des démarches, d'accéder à des informations, à des services ou à des contenus essentiels pour sa vie courante.

La disproportion entre cette sanction et le fait d'avoir téléchargé des contenus protégés est scandaleuse et inacceptable.

Au reste, les ministres suédoises de la justice et de la culture ont déclaré : « La coupure d'un abonnement à Internet est une sanction aux effets puissants qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l'Internet est un droit impératif pour l'inclusion sociale ». Elles ajoutaient : « Les lois sur le copyright et le droit d'auteur ne doivent pas être utilisées pour défendre de vieux modèles commerciaux ».

Presque tous les pays ont adopté cette position, madame la ministre. Le gouvernement français est le seul qui s'entête à privilégier exclusivement la voie répressive.

On sait, en outre, que les différentes mesures évoquées en commission – telles que la restriction de bande passante ou la technique permettant de distinguer, dans les forfaits triple play, ce qui relève de l'Internet, du téléphone et de la télévision – coûteraient 70 millions d'euros aux FAI, qui, de toute façon, répercuteront ce coût sur les usagers.

J'observe, du reste, que, si on l'avait abordée d'une autre manière, la question du financement aurait permis de régler le problème de la rémunération des droits d'auteur sur Internet. Hélas ! vous avez préféré élaborer une loi, qui, compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques, fera perdre du temps aux créateurs et qui revient à déclarer une guerre stupide à la jeunesse.

En vous mettant à la remorque des lobbies les plus rétrogrades, vous ne rendez pas service à la culture. Au lieu de contribuer à inventer un modèle économique du droit d'auteur à l'ère numérique pour doper la création, vous mettez en place des gendarmes du net pour protéger les intérêts d'opérateurs qui tentent d'imposer leur monopole et de sauver leurs rentes. Et, pendant ce temps-là, toujours rien pour les créateurs !

Dans nos amendements, nous proposerons, au contraire, une piste pour financer la création, que nous appelons la contribution créative. En tout état de cause, nous nous opposerons avec détermination à l'arsenal répressif que vous entendez mettre en place.

Nos propositions pour le financement de la création sur Internet sont au nombre de trois. La première consiste à taxer les opérateurs et les FAI. Cette taxe, me direz-vous, a déjà été instaurée, à la demande du Président de la République, mais, bizarrement, pour financer la suppression de la publicité sur l'audiovisuel public.

Nous avons combattu, en son temps, cette mesure dont nous regrettons aujourd'hui plus que jamais l'adoption, car elle était légitime dans le cadre du financement de la création sur Internet. Hélas ! pour répondre aux caprices du Président de la République, on a dû préempter cette recette pour un tout autre usage.

Notre deuxième proposition consiste à instaurer une contribution des internautes, que nous jugeons légitime, car nous n'avons jamais défendu la gratuité absolue. Nous estimons qu'il est normal que les gens paient, en s'acquittant d'une petite taxe, ce qu'ils écoutent ou regardent sur Internet.

Enfin, nous proposons un système de licence collective, sur la base du volontariat, destiné à rémunérer les ayants droit.

Nous aurons l'occasion de développer nos arguments et d'explorer ces pistes financières au fil du débat.

Pour conclure, madame la ministre, je constate que vous répétez le schéma de la loi DAVDSI de 2005, en oubliant un grand principe de l'évolution de l'humanité. De même que la modification de l'atmosphère a entraîné la disparition progressive des dinosaures de la surface de la terre, nous sommes entrés, il y a quelque temps, dans un nouveau modèle de société, la société de l'information, qui a provoqué la naissance d'une nouvelle économie et qui nous oblige à inventer de nouvelles règles. Ce que vous nous proposez, avec ce projet de loi – c'est-à-dire la répression absolue des internautes –, c'est une regrettable perte de temps pour les créateurs.

11/03/2009 Débats HADOPI : exception d'irrecevabilité, industrie du divertissement, DADVSI, propriété intellectuelle

Frédéric Lefebvre, avec le talent qui lui est propre, vient de ravaler le débat à une médiocrité qui lui est également propre. En tant que vice-président de notre groupe, François Brottes demandera à rétablir les faits, M. Lefebvre ayant proféré un certain nombre de contrevérités.

Quant à la position du parti socialiste, mon cher collègue, elle est officielle depuis hier. Notre bureau national s'est exprimé et, réjouissez-vous, il soutient la position des députés socialistes

Je voudrais dire à Mme la ministre à quel point nous éprouvons de la compassion à son endroit !

Chaque fois que nous sommes en sa présence, elle a la lourde tâche de défendre des textes pour lesquels elle n'a eu que peu de responsabilité, tout ayant, généralement, été décidé à l'Élysée.

L'audiovisuel public ou la loi Internet, ce sont les suites de la soirée du Fouquet's qui, décidément, coûte cher à la France ! Il a d'abord fallu donner suite aux promesses faites à vos amis du grand patronat, Martin Bouygues et quelques autres, s'agissant de l'audiovisuel public.

Cette fois, il faut honorer les promesses faites aux grands créateurs de l'UMP présents à cette fameuse soirée : Mireille Mathieu, Guy Montagné, Doc Gynéco, Didier Barbelivien, etc.

Bref, voilà une soirée qui aura coûté cher !

Contrairement à ce qui a été énoncé de façon fallacieuse à plusieurs reprises, la loi DADVSI s'applique toujours et les peines que, dans votre frénésie répressive, vous avez fait voter, se cumuleront avec celles qui sont prévues dans le présent projet de loi. On ne peut pas dire « DADVSI, c'est fini, vive HADOPI ! » Les deux se superposent. L'UMP s'enfonce donc dans une logique purement répressive.

Quant au respect de la propriété intellectuelle, vous êtes mal placés pour donner des leçons ! Ce n'est pas nous qui, en ouverture de nos meetings, avons diffusé Kids du groupe MGMT, mais bien l'UMP !

Xavier Bertrand a une notion approximative du respect de la propriété intellectuelle ! Alors, de grâce, ne vous drapez dans de grands principes que vous êtes les premiers à fouler aux pieds !

Nous voterons l'exception d'irrecevabilité défendue par Patrick Bloche, parce que ce projet de loi ne règle strictement rien. Confrontés à la révolution numérique, au lieu de proposer un modèle économique viable qui permettrait de rémunérer les créateurs et de prendre le bénéfice lié aux échanges sur Internet, vous vous contentez, une fois de plus, de prôner la répression. Pourtant, forts de l'expérience de la loi DADVSI, vous savez qu'une telle démarche est vouée à l'échec. En outre, Patrick Bloche l'a rappelé, les techniques du téléchargement sont désormais presque obsolètes, le streaming ayant pris le relais.

Votre projet de loi ne résout rien. Une fois de plus, avec la complaisance de quelques lobbies toujours prêts à cet exercice, il oppose les créateurs à leur public. Enfin, il n'apportera pas un centime supplémentaire aux créateurs. Vous avez tout misé sur la répression. Voilà pourquoi nous ferons, tout au long du débat, d'autres propositions. Voilà pourquoi nous défendrons pied à pied les libertés individuelles qui sont menacées par ce texte. Voilà pourquoi, nous vous invitons à nous suivre et à voter l'exception d'irrecevabilité présentée par Patrick Bloche.

16/03/2006 Débats DADVSI : logiciel libre, répression, copie privée

Ce sous-amendement de repli apporte une précision fondamentale qui vise à sauver l'essentiel en matière de logiciel libre. Il prévoit que « les dispositions du présent titre ne permettent pas d'interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d'une œuvre. »

Ce sous-amendement tend donc à s'assurer que le logiciel libre ne sera pas impacté par les dispositions prévues pour réprimer le contournement de mesures techniques de protection à des fins de contrefaçon. Il est justifié par la nature juridique du logiciel libre. Un logiciel est en effet dit libre si sa licence d'utilisation donne quatre libertés à ses utilisateurs : celle d'exécuter le logiciel, comme il le souhaite, notamment sans avoir à payer quoi que ce soit ; celle d'étudier son fonctionnement ; celle de le modifier ; celle de le redistribuer. Notre sous-amendement vise donc à protéger le logiciel libre.

Je tiens du reste à souligner que les mesures que la majorité s'apprête à adopter se révéleront vaines du fait que le propre d'un logiciel libre est d'agréger des solutions logicielles émanant d'internautes du monde entier. Un même système de logiciel libre peut être composé d'agrégats qui proviennent de tous les continents, et qui, en tant que tels, sont soumis à des législations très différentes. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous expliquer comment la police française poursuivra les développeurs de logiciels libres aux quatre coins du monde ?

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Après l'article 13 relatif aux droits d'auteur, l'article 14, qui s'applique aux droits voisins, est tout aussi emblématique de ce projet de loi que le monde entier nous envie, à entendre le ministre.

On le comprend puisque, en matière de liberté sur l'Internet, il va situer la France quelque part entre la Chine et l'Ouzbékistan.

D'ailleurs, lors d'un entretien que nous avions eu avec un auteur, celui-ci nous a dit : « On arrive bien à l'interdire en Chine, pourquoi pas chez nous ? » Tel est bien le projet du Gouvernement de généraliser la pénalisation de tous les échanges sur le Net.

Pour resituer le projet de loi dans le mouvement intellectuel des dernières années, il faut revenir sur la révolution numérique. La multiplication des capacités d'échange entre individus sur Internet, avec les plateformes peer-to-peer mais aussi d'autres technologies, a totalement révolutionné les industries de la culture et de l'information. On assiste à une désindustrialisation des échanges culturels, notamment en matière de musique, où les échanges par peer-to-peer offrent une valeur ajoutée en permettant aux adolescents de réaliser leurs compilations personnelles. Ils choisissent eux-mêmes leur diversité culturelle. Elle ne leur est plus imposée d'en haut par un industriel. Je considère cela comme très positif. De même, les blogs et les wikis, dont on a peu parlé mais qui vont prendre une importance considérable, sont en train de révolutionner l'information. Wikipedia, par exemple, et un certain nombre de procédés agrégatifs permettent à chacun de participer, de son ordinateur, à l'élaboration d'une conscience collective et d'une connaissance partagée. Bien sûr, cela remet en cause l'arbre traditionnel de transmission de l'information et de la connaissance détenu jusqu'ici par quelques industriels des contenus, qui décidaient de ce que devaient écouter les gens, et quelques industriels de l'information, qui décidaient de ce qu'ils devaient penser.

Cette révolution, qui met brutalement en cause toutes ces grandes procédures de transmission verticale d'un émetteur vers des récepteurs passifs, entraîne inéluctablement un conflit entre, d'une part, les industriels propriétaires des contenus et des catalogues et, d'autre part, les citoyens internautes qui tentent de faire valoir ce droit nouvellement acquis à l'expression et à la diversité culturelle librement choisie.

La bataille de retardement du Gouvernement, avec le présent projet, ne fait illusion à personne. Elle revient, encore une fois, à vouloir endiguer la mer avec du sable. Toutes les mesures de pénalisation longuement décrites au fil des articles 13 et 14 seront sans effet réel sur la société d'aujourd'hui car tout le monde sait que la pénalisation massive ne fonctionne pas.

Le gouvernement français est celui qui a choisi la transposition la plus répressive, avec la Grèce. Or on s'aperçoit que, même dans les pays qui ont opté pour des adaptations beaucoup plus ouvertes et respectueuses des libertés individuelles, comme le Danemark et le Royaume-Uni, où les poursuites ne sont lancées que contre certains types d'échanges de fichiers effectués à des fins commerciales, les législations sont peu ou pas appliquées. Les tribunaux ne prononcent pas les sentences parce que, encore une fois, on ne peut pas légiférer contre la société.

La tentative du Gouvernement est vouée à l'échec. Vouloir légiférer contre la société ne peut pas aujourd'hui marcher.

On se trouve face à un problème considérable - le même que dans le domaine de l'industrie biogénétique, lorsque certains industriels comme Monsanto essayent d'imposer des gènes propriétaires : dans le domaine de la propriété intellectuelle, il y a une telle frénésie d'appropriation, une telle voracité de profits que quelques industriels tentent d'imposer l'idée que tout ce qui circule sur le Net devrait leur appartenir. Cette bataille ne fait que commencer.

Aujourd'hui, le Gouvernement l'emportera sûrement. Il est soutenu par une majorité. Mécaniquement, ce soir ou demain, il arrivera au bout de son calvaire, si j'ose dire. Il aura fait adopter ce projet de loi pour le plus grand bénéfice des industriels des contenus. Mais ce sera une victoire à la Pyrrhus. Il est clair que les aspirations à la liberté et à l'enrichissement culturel seront de toute façon les plus fortes. La volonté de faire de la propriété intellectuelle une espèce de gisement pour actionnaires n'a aucune chance de l'emporter à terme.

La bataille que nous menons sera perdue ce soir ou demain dans cet hémicycle, mais elle sera gagnée dans la société l'an prochain ou dans deux ans.

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Ce sous-amendement met en lumière la faille principale de ce projet de loi qui n'autorise pas les actes réalisés sans but lucratif. Beaucoup de pays ont choisi de transposer la directive en ne s'en prenant qu'au téléchargement à des fins lucratives, à ceux qui en font commerce, qui en tirent un bénéfice, un profit.

Le projet du Gouvernement propose d'attaquer aveuglément l'ensemble des internautes y compris pour copie privée, on l'a bien vu hier. Vous avez en effet refusé d'inscrire dans la loi la possibilité ne serait-ce que d'une seule copie privée, à tel point que M. le rapporteur a dû retirer cet amendement pour botter en touche et confier à un hypothétique collège des médiateurs la mission de définir si zéro copie privée, c'est encore de la copie privée

Il aurait été plus sage que la loi définisse un seuil obligatoire et considère que tout ce qui ne relève pas du téléchargement à des fins lucratives peut bénéficier des exceptions pour copie privée.

Vous avez fait des choix inverses. Vous allez punir aveuglément aussi bien les pirates qui dupliquent des centaines de milliers de CD ou de DVD que le lycéen qui télécharge dans sa ville de province pour son usage personnel.

Nous proposons de mettre un terme à cette confusion dommageable qui, d'un point de vue républicain, ne sera pas à l'honneur de cette majorité !

15/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, autorité administrative indépendante, justice

Je voudrais répondre à la commission parce que nous sommes effectivement à un moment tout à fait décisif de ce débat. Voilà plusieurs jours que nous parlons de la copie privée, que le ministre nous explique avec des grands trémolos que la France est enviée dans le monde entier pour l'action qu'elle va mener dans le domaine de la copie privée. Puis voilà que, subrepticement, le rapporteur retire la seule disposition qui permettait de garantir un minimum d'exercice du droit à la copie privée !

C'est un minimum d'exercice du droit à la copie privée qui est retiré de la loi aujourd'hui puisque, en gros, le Parlement dira que cela ne le regarde pas, que ce soin est laissé à l'expertise d'un collège des médiateurs. Et pendant que nous y sommes, pourquoi pas un sous-amendement du Gouvernement selon lequel, par exemple, les médiateurs seraient choisis parmi des experts nommés par le SNEP ou la SCPP ? Le Gouvernement arriverait ainsi au bout de sa démarche dans ce domaine, avec une loi d'interdiction de l'exercice du droit à la copie privée !

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Notre sous-amendement précise que, dans la mesure où la rémunération pour copie privée est perçue, on ne peut imposer des mesures techniques interdisant cette copie, ce qui est, nous semble-t-il, la moindre des choses. Cependant, le rapporteur a d'ores et déjà abdiqué sa mission de législateur, en nous expliquant qu'il fallait laisser faire la Cour de cassation.

Curieuse conception de la République et des droits du Parlement ! Il me semble au contraire que c'est à la loi d'encadrer la jurisprudence et de définir les limites dans lesquelles elle s'exerce.

Notre proposition affirme donc un principe qui nous paraît élémentaire. Dans la mesure où, lorsque le consommateur achète un CD ou un DVD vierges, il acquitte une taxe au titre de la redevance pour copie privée et soutient donc, entre autres, le spectacle vivant, il paraît légitime que, dans le même temps, des mesures techniques de protection ne l'empêchent pas d'exercer ce droit. Où allons-nous si nous ne pouvons nous accorder sur une telle évidence ? Allons-nous légiférer jusqu'à l'absurde ? Le texte dont nous discutons est-il à ce point inféodé aux intérêts financiers qu'il nous forcerait à bafouer l'intérêt minimal des consommateurs ? Nous ne pouvons que nous interroger sur la dérive du projet de loi.

À ce propos, je vous invite à lire la tribune que le président de l'UFC-Que Choisir ? a publiée ce matin. Il adresse au Gouvernement un avertissement sévère sur le mépris que celui-ci témoigne aux consommateurs.

Aujourd'hui, le Gouvernement témoigne une telle bienveillance à certains intérêts financiers que l'on peut parfaitement acquitter la taxe sur la copie privée et ne pas pouvoir exercer ce droit. Monsieur le ministre, comptez-vous mettre fin à cette iniquité ?

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La rédaction de l'exposé des motifs de l'amendement du rapporteur est une forme d'aveu. Il y est dit explicitement que les MTP peuvent contenir des limites à la possibilité de bénéficier de l'exception de copie privée.

Le rapporteur admet donc implicitement que les MPT s'opposent à l'exercice du droit à la copie privée, ce qui est une manière de reconnaissance de ce que nous expliquons depuis le début de ce débat. Et si on tolère l'existence de MTP contraires à l'exercice du droit à la copie privée, je crains que la situation ne devienne ingérable.

Je voudrais par ailleurs revenir à un point antérieur du débat. Ce qu'a dit notre collègue Martine Billard est tout à fait pertinent. Nous sommes tous plus ou moins d'accord pour considérer que la question du cinéma est plus complexe et que, contrairement à la musique, les échanges de fichiers sur le cinéma peuvent mettre en cause le financement du cinéma.

Cela étant, au-delà de la difficile question de la chronologie des médias, qu'est-ce qui légitime, une fois passés les délais nécessaires à la bonne exploitation des films en salle, en DVD, puis à la télévision, l'existence de mesures de protection techniques qui interdiraient la copie sur DVD ? Sauf à inventer des MTP qui s'autodétruiraient au-delà de la période où la copie est soumise à contrôle !

Vous êtes en train, monsieur le ministre, de créer un texte dont tout le monde sait d'ores et déjà qu'il est inapplicable et qu'il ne sera pas appliqué, puisqu'il faut toute une batterie de décrets pour le mettre en œuvre et que, d'ici à ce que ces décrets soient publiés la prochaine directive sur le droit d'auteur sera sortie des limbes de Bruxelles. Cela démontre une fois de plus l'absurdité de l'exercice auquel tente de se plier le Gouvernement.

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Je ne ferai pas allusion au rapport que j'avais moi-même écrit en 1998 sur la convergence numérique. Je veux simplement réfuter l'argumentation de M. Dominique Richard.

Il existe déjà 34 autorités administratives, pourquoi pas 35, nous dit-il. Certes ! Mais, lorsque l'État, dans des lois précédentes, a estimé légitime de créer une autorité administrative de médiation, c'était dans des matières où il était lui-même partie prenante.

Si le CSA et, avant lui, d'autres autorités de régulation de l'audiovisuel, ont été mis en place, c'est parce qu'il y avait une télévision publique. Il paraissait dès lors légitime que le régulateur soit une autorité indépendante qui ne puisse être suspectée d'aucune connivence politique et d'aucun parti pris ou d'intérêt. Cela vaut pour l'ART et pour toutes les autorités administratives.

Mais, ici, il y a complet dessaisissement du législatif et de l'exécutif. Rien dans ce projet de loi n'encadrera l'exercice de la médiation confiée à un collège. Une telle démarche a quelque chose de profondément choquant.

Le rapporteur a fait adopter tout à l'heure un amendement extraordinaire : il sera possible de mettre en vente des CD qu'on ne pourra pas lire. C'est très exactement le sens de l'amendement qui a été adopté !

Mais il faudra l'indiquer sur le boîtier. Cela revient à dire : « Attention, vous achetez un compact disc mais vous ne pourrez pas le lire ! Comme nous sommes très honnêtes, nous vous prévenons ! » C'est quand même la moindre des choses ! C'est comme si vous autorisiez la vente de bonbons empoisonnés à la condition que ce soit inscrit sur le paquet. On marche sur la tête !

Cela témoigne de la dérive actuelle et des rapports de forces qui existent en ce domaine : on considère comme tout à fait normal de mettre en vente des disques qui ne sont pas lisibles. Tout ce qui est demandé est d'en avertir le public, ce qui, avouons-le, est la moindre des choses.

Le glissement que l'on voit à propos du collège des médiateurs procède de la même logique : devant le rapport de forces qui s'est instauré au bénéfice de certains groupes financiers et industriels, on renonce à légiférer et on renvoie le dossier à un collège des médiateurs.

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Monsieur le ministre, notre amendement n° 88 est un amendement de repli. Il ne s'agit pour nous en aucun cas d'entrer dans la logique de ce collège de médiateurs. Nous essayons simplement de limiter les dégâts.

Jusqu'à présent, la jurisprudence des TGI était plutôt équitable, en reconnaissant globalement le caractère licite du download, et c'est bien ce qui vous gêne. Comme les juges ne sont pas suffisamment dociles, bienveillants à l'égard des intérêts que vous souhaitez défendre, vous les dessaisissez.

La CNIL ayant par ailleurs refusé l'application de l'un des articles scélérats de la loi pour la confiance dans l'économie numérique qui prévoit de donner la capacité de poursuivre à des sociétés privées, vous la dessaisissez en mettant en place un collège de médiateurs fabriqué à façon.

Quant au souhait du ministre d'en garantir l'indépendance, ce qui vient de se passer avec le directeur de cabinet du président du CSA, recruté par le président de France Télévisions six mois après avoir participé à sa nomination, nous permet d'avoir quelques doutes sur le caractère offensif et combatif du ministre sur ce point. Le ministre en charge de la communication n'a pas dit un mot sur ce grave problème. Les grandes déclarations sur l'indépendance des autorités administratives sont donc toutes relatives.

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Hier matin, aux députés qui étaient invités dans les tribunaux de grande instance de leur circonscription, les juges ont dit qu'après Outreau ils souhaitaient mettre l'accent sur le manque de moyens de la justice.

Or, cet après-midi, le ministre nous annonce dans l'édification de son grand œuvre - la plus grande usine à gaz d'Europe occidentale pour contrôler Internet - la création d'un collège de médiateurs doté de moyens. Si chacun peut le saisir, les demandes se compteront par milliers, voire par dizaines de milliers. Il faudra alors créer un si grand nombre de postes qu'on s'apercevra qu'il aurait peut-être mieux valu faire confiance au juge et augmenter les moyens de la justice.

Le rapporteur propose en effet un délai de deux mois reconductibles : autant dire quatre mois ! Dans la société contemporaine, c'est loin d'être une réaction rapide à la demande d'un consommateur. Ce débat révèle une fois de plus l'absurdité et l'injustice du projet gouvernemental. Les moyens qui seront consacrés au nouvel appareil bureaucratique que sera le collège des médiateurs auraient été mieux utilisés à renforcer ceux de la justice, à laquelle, de plus, on aurait pu faire confiance.

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La directive prévoyait la création d'un comité de contact chargé d'évaluer l'évolution rapide du marché numérique. Chacun s'est plu à reconnaître la rapidité des évolutions dans ce domaine. C'est pourquoi il ne faut jamais cesser de rappeler que la directive que nous transposons avec cinq ans de retard a elle-même été conçue à une époque où ce qui fait l'essentiel de ce qui nous occupe - l'échange de fichiers sur Internet - n'existait pas sous la forme actuelle. C'est dire le décalage de notre débat !

Il paraît donc légitime d'avoir une capacité d'évaluation de l'évolution du marché numérique. C'est pourquoi, l'amendement n° 90 vise à permettre à ce que nous aurions aimé nommer la commission de conciliation, et qui s'appelle le collège des médiateurs, d'organiser des consultations publiques. Il tend également à lui confier la rédaction d'un rapport public, dans des conditions comparables à celles qui sont prévues pour le CSA. Un des objectifs de ce rapport serait de fournir une évaluation d'ensemble de l'ampleur et des caractéristiques des mesures techniques, notamment de la limitation du nombre de copies qu'elles peuvent impliquer. Compte tenu de l'impact des mesures techniques de protection sur la manière dont les usagers pourront accéder aux différents types d'œuvres et en faire usage, cette évaluation sera un élément essentiel du débat public.

Elle est également indispensable à la mise en œuvre de l'article 5-2-b de la directive, lequel prévoit que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l'application ou la non application des mesures techniques », disposition que le projet de loi n'a pas transcrite alors qu'il constitue un élément essentiel d'équité et d'équilibre entre utilisateurs et titulaires de droits.

Du reste, je tiens à rappeler que contrairement à ce que prétend le rapporteur, la France s'apprête à procéder à la transposition la plus répressive de tous les pays européens, comparable à celle de la Grèce.

Notre amendement propose une meilleure transparence et une capacité de confrontation et d'échanges, afin de permettre une réelle évaluation des évolutions du marché numérique.

14/03/2006 Débats DADVSI : interopérabilité, sécurité, copie privée

Tout comme l'amendement sur lequel il porte, ce sous-amendement est très important. Je l'ai déjà fait observer : il est extraordinaire que le ministre, qui se fait l'apôtre d'une rigueur absolue quant à l'interdiction de la copie privée pour les internautes, ait fait preuve d'une telle mansuétude à l'égard de certains producteurs de disques qui, depuis plus de trois ans, ont apposé sur leurs disques des verrous numériques qui interdisent non seulement l'exercice de la copie privée, mais la lecture même de ces disques dans des conditions ordinaires, par exemple sur un autoradio.

Depuis trois ans, donc, certains producteurs de disques sont dans la plus totale impunité et bafouent impunément la loi de 1985, mais nous n'avons pas entendu le ministère de la culture s'insurger contre cette atteinte au droit à la copie privée et au droit des consommateurs. Cela mériterait au moins une explication.

Le ministre pourrait également nous dire ce qu'il entend par interopérabilité. J'ai entendu la semaine dernière M. Accoyer nous expliquer que cette loi nous permettrait demain de copier sur nos i-pod des fichiers pris sur des plates-formes commerciales. Comment passera-t-on de ces déclarations à la réalité ? Je suis certain que M. Steve Jobs, patron d'Apple, était terrorisé par les gros yeux que lui faisait M. Accoyer - car c'est sans doute le seul outil dont il dispose pour le contraindre à assurer l'interopérabilité de tous les i-pod du monde -, mais j'ai tout de même quelques doutes quant à l'efficacité de M. Accoyer et de M. le ministre dans ce domaine.

Il faudrait en finir avec les déclarations pleines de pathos sur la création et l'interopérabilité, et nous dire concrètement comment cela pourrait fonctionner.

Puisque l'amendement esquisse des solutions en ce sens, il serait bon que le ministre nous indique ses intentions dans ce domaine.

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Ce débat met en lumière quelque chose d'extrêmement grave ! Voici un amendement qui nous dit, au fond, que les DRM sont extrêmement dangereux car ils permettent le contrôle à distance, direct ou indirect, d'une ou plusieurs fonctionnalités des machines.

Les DRM, d'une façon générale, seraient donc extrêmement dangereux pour les administrations.

Je trouve singulier que le Gouvernement reconnaisse le bien-fondé de cette démarche et admette que l'État doive se protéger, sans admettre que cette mesure de protection vaille aussi pour les individus. C'est choquant ! Cela me rappelle le précédent, que j'ai déjà cité, de l'Australie, qui après avoir adopté, il y a dix-huit mois, une loi qui ressemble, comme une sœur jumelle à celle-ci, vient de recommander dans un rapport parlementaire trente exceptions aux MTP ! Les Australiens se sont aperçus que le système ne pouvait pas fonctionner et qu'il était de surcroît dangereux pour les citoyens, l'État et les institutions. Sachons nous montrer, dès à présent, plus vigilants !

En tout cas, je le répète, il est choquant que le Gouvernement donne son accord à un amendement qui, c'est vrai, va dans le bon sens puisqu'il met le doigt sur un vrai problème, celui de l'insécurité que font peser les DRM, mais qu'il considère que ce qui est bon pour l'État ne l'est pas pour les citoyens, bref pour les cochons de payeurs !

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Nous sommes au cœur du débat. Le Gouvernement veut-il vraiment garantir le droit à la copie privée ?

Si l'on en juge par l'architecture globale du texte, la réponse est « non » ! Il veut plutôt l'interdire. J'ai même entendu un ministre de ce gouvernement - qui n'est pas au banc aujourd'hui - nous expliquer qu'il voulait chasser les plates-formes peer to peer de l'Internet, c'est-à-dire interdire la copie privée.

Aujourd'hui, la société souhaite, et c'est légitime, bénéficier du progrès technique. On fait souvent référence à la loi de 1985 qui a introduit le droit à la copie privée et qui - je le rappelle car on en a parlé tout à l'heure de façon erronée - a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. La loi de 1985 a reconnu, avec les premiers progrès techniques des années quatre-vingt, ce droit dont nous débattons aujourd'hui et que le projet du Gouvernement remet en cause.

Je reste sous le coup de l'amendement de M. Carayon qui vient d'être adopté : le fait que le Gouvernement ait reconnu la légitimité de l'exposé des motifs montre qu'il ne croit pas lui-même à son argumentation. Ce qui vaut pour l'État ne vaudrait-il pas pour les citoyens ?

Pour limiter le droit à la copie privée, nous allons sanctuariser des mesures techniques de protection dont on reconnaît dans cet amendement qu'elles sont attentatoires aux libertés individuelles, et protéger ceux qui les mettent en place. C'est fascinant ! Jamais nous n'avons été confrontés à une telle contradiction dans un texte, et de surcroît mise en lumière !

La question de la copie privée, désormais au cœur du dispositif, est essentielle. Bien sûr, des déclarations de principe affirment que ce droit est garanti par le projet de loi. À l'instar de Pascal, il nous faudrait nous agenouiller et prier pour que vienne la foi !

En réalité, vous livrez pieds et poings liés les internautes aux industriels du disque et interdisez, dans les faits, le bénéfice de la copie privée, qui représente pourtant un vrai progrès social.

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Si la soirée a bien débuté, j'ai l'impression qu'elle est en train de mal tourner. Nous confirmons ce qui est écrit dans un article d'un grand journal du soir, qui parlait de la farce de la loi sur les droits d'auteur.

L'amendement qui a été retiré avait le mérite, certes modeste, d'essayer de préciser ce qu'est la copie privée. Nous parlons en effet aujourd'hui d'une sorte de rêve abstrait, de fantasme de copie privée.

Exactement : on parle de copie privée virtuelle, on ne sait toujours pas ce que cela veut dire. La loi de 1985 évoquait l'usage du cercle familial, ce qui est précis, et, dans plusieurs pays européens, contrairement à ce qui a été dit à plusieurs reprises, on a précisé très clairement que la copie privée recouvre tout ce qui n'est pas à usage commercial. C'est le cas du Royaume Uni par exemple. Nous sommes, nous, dans un grand flou.

Je sais bien que ce doit être la semaine de la poésie mais, tout de même, il y a des limites à l'imprécision dans l'exercice législatif. On a d'ailleurs entendu tout à l'heure un argument extraordinaire. M. Wauquiez nous a expliqué qu'il retirait un amendement parce qu'il ne voulait pas contrarier la Cour de Cassation ! Jusqu'à preuve du contraire, dans la Constitution de 1958, ce sont encore les parlementaires qui font la loi, de moins en moins, j'en conviens, avec la pratique institutionnelle du gouvernement actuel, mais tout de même encore un peu. Essayons donc d'utiliser le peu qui nous reste.

Avec la copie privée nous sommes confrontés à une question très difficile. L'amendement de M. Richard, s'il me paraît légitime sur le fond, confirme, par sa seule existence, tous nos doutes. S'il est bon de préciser ce que doit être l'exercice de la copie privée pour les émissions de télévision, pourquoi alors ne le fait-on pas pour le reste ? Cela signifie bien que pour tout le reste, par défaut, en creux, le droit à la copie privée n'existe pas. C'est d'ailleurs ce que nous a dit M. le ministre.

14/03/2006 Débats DADVSI : copie privée, surveillance

La question est de prendre en compte l'application des DRM et des MTP pour l'élaboration des barèmes de la rémunération pour copie privée. Nous avions compris dès la semaine dernière que ce projet ne répondait qu'aux seuls besoins de l'industrie musicale, sans tenir compte des intérêts des artistes et créateurs, ni, bien entendu, de ceux des internautes. Telle est la réalité.

En outre, un tel modèle tend à légitimer la surveillance policière des échanges sur le Net et le traçage des internautes par les DRM au bénéfice de quelques industriels du contenu.

Par la voix du ministre, l'État nous propose d'une part de maintenir une taxe sur la copie privée, payée par les consommateurs, et d'autre part d'infliger des amendes à ces mêmes consommateurs s'ils exercent ce droit. On estime que 80 % des copies privées sont issues d'Internet. Cela signifie que la copie privée sera limitée quatre fois sur cinq, alors que ce droit avait été reconnu à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1985. Quant à l'État, il récolte des deux côtés, grâce à la taxe et aux contraventions.

C'est la ressource même constituée par la redevance pour copie privée qui est aujourd'hui menacée par la politique du Gouvernement. À quand son extinction, avec les conséquences que cela pourra avoir sur l'existence de plusieurs dizaines de festivals, sur la création française et sur le spectacle vivant ?

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Je suis frappé de voir que nous sommes passés du roman noir - parfois grotesque sur le plan législatif - la semaine dernière, à un épisode de Bambi où tout le monde serait heureux. Pourtant, les positions restent radicalement opposées.

L'idée sur laquelle repose votre projet est simple : verrouiller l'ensemble des échanges sur le Net et empêcher l'exercice du droit à la copie privée. On imagine bien ce que feront les fabricants de DRM et les industriels du disque si vous leur laissez la faculté d'apprécier ce droit. Je n'ai aucun reproche à faire au PDG de la FNAC, qui fait son métier de marchand de disques en nous sollicitant, mais nous sommes dans un débat d'une autre nature. La question est en effet la suivante : la société a-t-elle, oui ou non, le droit de bénéficier du progrès technologique ? Il est troublant que le Gouvernement propose d'utiliser les capacités technologiques pour les retourner contre la société, notamment au travers des MTP.

Le débat sur la copie privée est essentiel, car ce droit qui, avec l'évolution des modes de vie et des comportements, apparaît comme légitime à des millions de personnes, est aujourd'hui remis en cause. Dès la loi de finances de 2004, j'avais proposé d'examiner cette question, car j'estimais que le fondement juridique de la redevance pour copie privée était remis en cause par l'existence d'un certain nombre de MTP. En effet, depuis 2002, certaines maisons de disques ont apposé des systèmes dits Copy control, qui empêchent non seulement de copier leurs disques, ce qui constitue une entrave au droit à la copie privée, mais aussi tout simplement de les écouter dans des conditions ordinaires, sur un autoradio par exemple. Le Gouvernement, là-dessus, n'a jamais levé le petit doigt, considérant que ces multinationales pouvaient bafouer la loi en toute impunité. En revanche, il se déchaîne aujourd'hui pour imposer des mesures et un système contraventionnel contre les internautes. En vérité, monsieur le ministre, votre projet n'est rien d'autre que la licence globale, mais au bénéfice du budget de l'État, puisque les contraventions l'alimenteront sans servir à la création !

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L'amendement n° 99 rectifié est extrêmement important, puisqu'il vise à ce que la répartition entre les ayants droit prenne en compte l'utilisation ou non des mesures techniques, ainsi que la limitation du nombre de copies prévue au deuxième alinéa de l'article L. 331-6.

La directive permet une telle disposition mais, en écartant son application, le Gouvernement a, une fois de plus, opté pour une transposition parmi les plus répressives, qui nous aligne au niveau de ce qui est pratiqué en Grèce ou en Mongolie.

Chacun a bien compris qu'aujourd'hui l'existence même de la copie privée est directement mise en cause. M. le rapporteur, dans une déclaration qui est en passe de devenir aussi célèbre que celle sur le rôle positif de la colonisation française, a déclaré que le droit à la copie privée pouvait être le droit à zéro copie. Si je comprends bien, une redevance serait perçue sur un droit que l'on ne pourrait plus exercer, donc sans aucune contrepartie ? Il faut faire en sorte que les consommateurs ne soient pas spoliés sur tous les plans !

Il y a deux ans, l'Australie a adopté une législation pratiquement calquée sur le Digital Millenium Copyright Act américain, donc extrêmement favorable aux industriels de la musique. Or un rapport du Parlement australien propose aujourd'hui de revenir sur cette législation, ses rédacteurs, Kim Weatherall et Michael Geist, estimant qu'« il devient nécessaire de protéger le public, les utilisateurs et le marché des "protections techniques" ; qu'il faut retrouver un équilibre menacé par l'extrémisme des "frénétiques de l'appropriation". »

Ce rapport, qui constate en fait la faillite de la transposition du Digital Millenium Copyright Act en Australie, devrait nous donner à réfléchir. La généralisation des DRM remet non seulement en cause les libertés publiques et individuelles, mais également la circulation économique des œuvres et de toutes les productions de l'esprit sur le Net, y compris, si l'on en croit ce rapport, la circulation d'informations entre des institutions officielles.

Alors que M. le ministre ne cesse de nous répéter que la France a l'obligation de transposer la directive, pourquoi choisit-il la transposition la plus répressive de tous les pays européens, et pourquoi écarte-t-il la possibilité qui nous est offerte d'étalonner la perception de la redevance en fonction des mesures de protection appliquées aux malheureux consommateurs ?

09/03/2006 Débats DADVSI : évolution technologique, copie privée, répression, licéité

Les propos de M. le rapporteur appellent une réaction. Qui ne voit pas en effet que nous sommes dans un domaine où les technologies évoluent très vite ? Ainsi, l'apparition des liens RSS, qui date de quelques mois, va modifier profondément l'économie générale de l'Internet, si bien que tout ce que vous allez voter sera totalement inopérant dans quelques mois, au mieux dans quelques années.

Ce texte, nous le savons, transpose une directive vieille de plus de quatre ans. La Commission de Bruxelles s'est déjà mise au travail pour en rédiger une nouvelle version et l'on voudrait nous faire croire que ce que le Gouvernement nous propose de voter pour venir à la rescousse des majors du disque sera gravé dans le marbre de toute éternité. C'est aussi injuste que déraisonnable !

Voilà pourquoi nous proposons que l'on s'en tienne à un régime transitoire, adapté à l'évolution très rapide de ces technologies. Il serait fallacieux d'imposer dans la loi des mesures qui sont d'ores et déjà techniquement inadaptées.

Enfin, il est évident que le Gouvernement n'a aucune chance de gagner son pari. Imagine-t-on vraiment que l'on va empêcher le téléchargement, que pratiquent aujourd'hui des millions de jeunes, par quelques mesures de répression et en instituant la police partout ?

Certes, c'est une tentation très répandue dans la majorité et chez les membres du Gouvernement que de s'en prendre aux jeunes avec le plus de virulence et de violence possible. L'exercice a toutefois ses limites. On ne peut pas déclarer tous les jours la guerre aux jeunes comme vous le faites en ce moment avec le CPE et cette loi anti-téléchargement, mes chers collègues de l'UMP !

Il faut savoir raison garder et avoir conscience des limites de l'exercice législatif : techniquement, tout cela n'a aucune chance de marcher. Seules quelques sociétés de gestion de droits peuvent nourrir l'illusion de dresser une sorte de barrage numérique contre l'évolution de la société et les mouvements qui la parcourent. Autant élever un barrage contre la mer avec une digue de sable.

Nous essayons de vous épargner le ridicule de graver cela dans la loi, en proposant un régime transitoire jusqu'à la fin de 2008.

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Nous abordons donc l'examen de l'article 2, qui concerne les exceptions aux droits voisins. À cet égard le Gouvernement va donner à la France la transposition la plus répressive d'Europe, au même niveau que la Grèce, ce qui nous placera en matière de développement de l'Internet quelque part entre la Chine et la Mongolie.

C'est bien ce que vont faire quelques-uns de nos collègues à travers l'amendement Vivendi qui nous sera présenté ultérieurement.

Je le répète avec force parce que c'est la réalité !

Je vous rappelle qu'en d'autres temps, en 1985, l'Assemblée avait voté l'exception pour copie privée à l'unanimité, mais nous avions à l'époque un grand ministre de la culture.

Le vote unanime de ce texte était à l'honneur de l'Assemblée. Depuis, avec la révolution numérique, la copie privée est en effet devenue un droit, comme certains d'entre vous l'ont très justement définie, en ce qu'elle sanctifie une forme d'élargissement des échanges de matière grise.

Aujourd'hui, vous voulez la remettre en cause, ou l'interpréter de la façon la plus restrictive possible. Ce n'est pas nouveau. Depuis 1985, un certain nombre des opérateurs institutionnels que sont les industriels de la culture tentent d'obtenir la disparition de la copie privée et ils œuvrent en ce sens à Bruxelles où se déroulent les négociations pour l'établissement de la nouvelle version de la directive sur les droits d'auteur.

Leur prêter main-forte aujourd'hui n'est pas une bonne action.

Certes on entend dire depuis des mois que la disparition de la copie privée est une nécessité pour sauver le marché du disque. Il suffit de se reporter aux chiffres pour avoir une vision plus exacte de la réalité : de 2003 à 2004, le résultat d'exploitation d'Universal music est passé de 70 à 388 millions d'euros ; je ne parle pas de la maison mère, mais uniquement de la branche musique. Les bénéfices réalisés par Warner music se sont élevés à 36 millions de dollars en 2005. La même année, Sony-BMG - qui n'a pas hésité à verrouiller ses CD avec des DRM, destructeurs pour les PC - affiche également de très bons résultats : 1,5 milliard de chiffre d'affaires et un bénéfice de 21 millions de dollars. EMI a également eu de bons résultats en 2005. C'est dire si ces sociétés sont dans le besoin !

Mes chers collègues, notre mission de député est-elle de défendre les opérateurs industriels, qui ont certes leur légitimité, ou de trouver un compromis entre les intérêts de ces acteurs et l'intérêt général, celui de millions d'internautes ?

Je me souviens d'une devise latine : « Parcere subjectis et debellare superbos » ce qui signifie : combattre les puissants et défendre les faibles.

Ce devrait être parfois celle des députés et de l'Assemblée nationale !

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Cet amendement, comme le précédent, veut inscrire dans notre droit le principe selon lequel les téléchargements par Internet sont assimilables à la copie privée. Ce n'est rien d'autre, au demeurant, que la jurisprudence actuelle, et Christine Boutin a rappelé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier. Le président de l'Union syndicale des magistrats disait fort justement, il y a quelques mois, que, lorsque toute une partie de la société est hors la loi, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans la loi. Ce que le ministre et la majorité s'apprêtent à faire, c'est tenter de durcir encore l'approche législative sur le téléchargement pour rendre hors la loi toute une génération.

C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit, mon cher collègue. Il y a plusieurs millions de personnes qui ont découvert de nouvelles possibilités d'enrichissement culturel à travers le téléchargement. On veut aujourd'hui les pourchasser, leur dresser des contraventions et les transformer en délinquants. On sait bien que, techniquement, ce rêve − ou, plutôt, ce cauchemar − est inaccessible, mais c'est le projet du Gouvernement. Je veux rappeler au ministre qui nous englue dans ses propos lyriques, voire pompeux, qu'il avait eu les mêmes accents, au mois de décembre, pour nous expliquer qu'il avait inventé la riposte graduée et que le monde entier nous l'enviait.

Aujourd'hui, la riposte graduée est tombée aux oubliettes. Il n'en est plus question − heureusement −, mais on nous en propose une variante qui, au fond, comme le rapporteur l'a dit très clairement, part du postulat qu'il y a une seule sorte de téléchargements licites, ceux qui sont contrôlés par des DRM, grâce à la traçabilité, et que tout le reste doit être interdit. C'est cette vision des choses que nous contestons formellement.

La loi, ce n'est jamais qu'un rapport de forces. Aujourd'hui, ce soir, dans cet hémicycle, avec ce gouvernement, nous savons où se situe le rapport de forces, nous voyons que la balance de la loi penche du côté des gros industriels de la musique. Mais ce ne sera pas toujours le cas. Les possibilités nouvelles offertes par Internet, la formidable capacité d'expansion du domaine de la connaissance et le droit au progrès technique que cela représente, tout cela, la société le gagnera, peut-être pas ce soir, ni dans les jours qui viennent − dans la suite de cette discussion biaisée par des artifices de procédure et les imprécisions du Gouvernement −, mais dans un an, dans deux ans, dans trois ans. La société a droit au progrès technologique et elle se l'octroiera, si, aujourd'hui, le législateur veut le lui refuser.

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Le rapporteur soulève à juste titre le problème de la redevance pour copie privée.

Quelle est la situation d'aujourd'hui ? La redevance pour copie privée a rapporté un peu plus de 200 millions d'euros en 2005, grâce à la taxe perçue sur les supports vierges, lors d'un achat de CD, de baladeur, de certains matériels numériques. Cette redevance permet de rémunérer des artistes, de financer le spectacle vivant, etc. Or le projet de loi du Gouvernement va assécher la copie privée.

Puisqu'il veut imposer des DRM sur tous les fichiers numériques.

Et donc rendre impossible, à l'ère du numérique, l'exercice de la copie privée.

Je me demande si les consommateurs vont accepter longtemps de perdre sur tous les tableaux.

Comment accepteront-ils de payer une taxe pour exercer un droit que le Gouvernement veut leur interdire d'exercer ?

C'est l'une des contradictions de ce projet qui mérite une explication.

Si le Gouvernement veut aller jusqu'au bout de son projet, dans sa course un peu audacieuse pour suivre les majors du disque, alors, il faut qu'il supprime la redevance pour copie privée parce que, encore une fois, pourquoi les consommateurs continueraient-ils de payer une taxe pour un droit qu'ils ne pourront plus exercer une fois que ce projet de loi aura été adopté.

Il faut que le Gouvernement nous réponde clairement là-dessus : oui ou non entend-il mettre fin à la redevance pour copie privée dans les semaines qui viennent ?

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Ce sous-amendement de précision vise à lever toute ambiguïté de rédaction, mais j'ai bien compris que le rapporteur et le ministre y seraient hostiles.

La redevance pour copie privée est un sujet d'une acuité toute particulière, sur lequel les associations de consommateurs se sont exprimées hier. Il était possible de transposer la directive en considérant le téléchargement par Internet comme une copie privée. Vous voulez poser une interdiction assortie de contraventions et, dans le même temps, continuer à percevoir une taxe sur les supports vierges ! Il y a un paradoxe à vouloir, d'un côté, plumer le contribuable-consommateur et, de l'autre, lui faire payer des contraventions pour l'exercice de cette liberté. Il faudrait donc clarifier les choses et cela suppose, monsieur le ministre, que vous vous exprimiez sur cette question. Quel est l'avenir de la redevance pour copie privée que votre projet de loi va assécher ? Allez-vous faire disparaître cette taxe à la demande des consommateurs, avec ce que cela implique pour le financement de la diversité culturelle ? Le choix que vous avez fait, avec ce projet de loi, d'industrialiser la culture dans notre pays va entraîner la disparition de tout ce qui pouvait porter la diversité culturelle, par exemple avec le financement de la copie privée. La question de la légitimité de ce financement va nécessairement se poser pour les consommateurs qui n'accepteront pas d'être perdants sur tous les fronts à la fois.

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Puisque j'en ai l'occasion, monsieur le président, je rappelle une fois encore au rapporteur que la distinction entre téléchargement licite et illicite n'a de sens qu'au regard du rapport de force que constitue notre assemblée.

Ce soir, puisque la loi n'est pas adoptée, la question n'est pas tranchée, d'autant que les tribunaux eux-mêmes sont partagés. Vous auriez donc tout intérêt, monsieur le rapporteur, à parler plutôt d'une préférence de votre part pour les téléchargements commerciaux et pour les plateformes contrôlées par DRM. Peut-être l'Assemblée sacrifiera-t-elle avec discipline au veau d'or que sont les nouvelles plateformes commerciales, Virgin, Fnac et Apple. Seule la loi en discussion déterminera ce qui est licite et ce qui ne l'est pas.

J'insiste sur l'importance de notre amendement n° 94 rectifié, qui apporte une innovation majeure en proposant d'étendre au fournisseur d'accès le financement au titre de la copie privée. C'est une question centrale. Par son hostilité brutale et unilatérale à la licence globale, le Gouvernement interdit aux internautes de participer au financement de la création et à la rémunération des artistes. Il faut par conséquent trouver une autre solution. Pour notre part, nous proposons l'extension aux fournisseurs d'accès du financement au titre de la copie privée.

C'est une grande tradition de l'exception culturelle française, désormais piétinée par le ministère de la culture, que de faire participer les tuyaux au financement des contenus.

Il s'agit d'une question majeure, qui mérite d'être posée au terme de notre discussion. Monsieur le ministre, allez-vous sanctuariser tous les opérateurs privés qui tentent de verrouiller Internet ? Ou êtes-vous prêt à un compromis équilibré qui permettra le financement de la culture par les nouvelles technologies ?

09/03/2006 Débats DADVSI : modèles économiques, plateforme légale

Oui, nous contestons le projet du Gouvernement - et heureusement que, en décembre, des députés de l'opposition comme de la majorité ont mis le Gouvernement en échec : ils ont évité le pire !

Ce qu'il nous propose aujourd'hui n'est pas à la hauteur des enjeux. Face à l'apparition du peer to peer, et, au-delà de celui-ci, des blogs, des wikis, du podcasting et des liens RSS, ce sont tous les modèles économiques du monde ancien qui sont en train de changer. Les acteurs essaient évidemment de préserver leur rente. Mais la liste que nous a lue M. Richard était plus pathétique qu'autre chose : c'était le long lamento des comptes en banque.

La réalité mérite mieux. Les enjeux de société qui sont derrière ce texte nécessitent un examen serein, dans le calme, dans la durée s'il le faut, avec, entre l'Assemblée nationale et le Sénat, des échanges propices à une amélioration du texte. Nous nous battons donc pour rétablir certaines dispositions, en utilisant, j'en conviens, les outils de la procédure.

Nous voulons que soient pris en compte les nouveaux progrès que permettent les modes d'échange destinés au bien-être collectif et à la culture. Nous voulons que l'acte de création, qui, dans les propositions du Gouvernement, n'est pas rémunéré, le soit enfin. Et nous voulons éviter que Microsoft puisse tracer des millions d'internautes. C'est un beau combat pour les esprits libres. Il mérite que l'on y consacre un peu de temps : un jeudi après-midi, voire un jeudi soir.

En tout cas le temps qu'il faudra. Nous sommes disponibles pour cette bataille, dont nous souhaitons qu'elle soit menée dans des conditions de clarté permettant la confrontation démocratique. C'est pour cette raison, monsieur le ministre, que nous vous demandons une réponse simple. Allez-vous oui ou non lever l'urgence, afin de permettre au Parlement de débattre dans de bonnes conditions ?

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Une précision sémantique tout d'abord : plateforme légale ou plateforme commerciale ? Le ministre nous parle de plateformes légales mais la loi n'est rien d'autre qu'un rapport de force, et l'on sent bien que, aujourd'hui, celui-ci est favorable aux majors du disque, puissamment relayés par le ministre de la culture. Il y a donc bien tentative d'imposer le recours aux plateformes commerciales à l'exclusion de tout autre mode d'échange.

L'initiative de notre collègue communiste soulève une vraie question : afin de lutter contre les pressions exercées par les industriels de la culture comme du logiciel, nous devrons tôt ou tard délimiter un espace public sur Internet.

Le besoin peut s'en faire d'ailleurs sentir assez rapidement et nous devrions y réfléchir dès maintenant de manière approfondie. N'oublions pas que les internautes doivent payer pour accéder à des documents émanant de services publics. C'est le cas pour les radios et les télévisions publiques, déjà financées par le contribuable, lequel paie donc deux fois ! À très court terme, nous serons obligés de délimiter cet espace public.

Je suggère de ne pas nous fier au ministère de la culture pour construire cette plateforme des jeunes talents : tout ce qu'il réalise coûte en effet très cher. Son blog de propagande a coûté 200 000 euros aux contribuables.

Il faut inventer quelque chose d'autre. Rêvons un instant : pourquoi ne pas imaginer une bibliothèque universelle rassemblant l'ensemble des catalogues libérés de droits et accessible à tous, en échange d'un forfait modique, qu'on pourrait appeler, par exemple, puisqu'il y a des mots qui vous font peur, « l'accès forfaitaire à la culture » ? Nous réinventerions ainsi l'échange public sur Internet.

07/03/2006 Débats DADVSI : copie privée

M. Vanneste est coutumier de propos excessifs, et les termes qu'il a employés tout à l'heure pour caractériser ces sous-amendements le sont.

Quant au ministre, il vient de nous lire un argumentaire qui a manifestement été rédigé en décembre dernier et qui n'a plus cours aujourd'hui.

M. Dionis du Séjour, pour sa part, conteste l'interprétation faite par la jurisprudence puisque, jusqu'à ce jour, le download a été considéré par tous les tribunaux comme une exception au droit d'auteur pour la copie privée.

Ce débat mérite mieux que des caricatures excessives, car c'est un problème de société. En France aujourd'hui, 10 millions de personnes, soit un foyer sur quatre, utilisent le téléchargement. C'est un formidable progrès pour les échanges culturels. La société a droit au progrès technique. Il nous est demandé de faire en sorte que ces téléchargements puissent également rémunérer la création. Vouloir, comme le fait le ministre, empêcher que le téléchargement soit reconnu comme un acte de copie privée revient à remettre en cause très clairement ce qui a été jusqu'à présent considéré comme une exception mais peu à peu comme un droit.

blockquote>Savez-vous que lorsque nos enfants achètent un baladeur MP3, ils paient une taxe qui leur donne le droit d'effectuer une copie ?

Si, demain, on interdit la copie, on menace directement les 240 millions d'euros qui alimentent aujourd'hui le fonds pour copie privée, qui servent essentiellement à financer des spectacles vivants dans vos circonscriptions.

Réfléchissez-y donc à deux fois avant de prononcer une condamnation à mort contre la copie privée.

On s'abrite derrière le droit de la propriété intellectuelle, mais qui ne voit qu'il subit une dérive considérable ? Les industriels de la biogénétique veulent breveter les molécules vivantes. Aujourd'hui, les industriels de la culture, modèle ancien, veulent breveter les fichiers qui circulent sur Internet, considérant qu'au titre de la propriété intellectuelle on a droit de camper sur la valeur patrimoniale de la culture. Comme s'il s'agissait d'un magot réservé à quelques-uns ! Internet permet un formidable développement des échanges culturels dans l'ensemble de la société. Vouloir aujourd'hui les condamner à mort est une grave erreur.

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Je voudrais m'assurer que tous nos collègues ont bien compris : l'alternative à ce sous-amendement, c'est-à-dire le projet du Gouvernement, suppose que l'on installe des DRM sur tous les fichiers qui circuleront sur l'Internet. Un DRM n'est rien d'autre qu'un verrou numérique qui distribue les fichiers sur tous les appareils numériques, qu'il s'agisse d'un baladeur, d'un ordinateur personnel ou d'un lecteur de disques compacts. Or ces DRM sont aujourd'hui aux mains de quatre entreprises seulement : Microsoft, Apple, Intertrust et Real Networks.

Le chiffre d'affaires de l'industrie de ces logiciels en 2005 s'est élevé à près de 4 milliards de dollars, soit plus que le produit des ventes de disques compacts. Cette loi favorisera donc bien la rémunération de la création... de DRM ! Or ces derniers sont dangereux. Sony en a fait les frais cet automne, quand on a découvert que le verrou posé sur ses disques compacts introduisait à l'insu des utilisateurs un logiciel espion - un rootkit - dans leur ordinateur.

C'est la réalité ! Un tel précédent en dit long sur l'éthique qui anime ces industriels !

Soit on se dirige vers un système de reconnaissance de la copie privée, soit on livre les clefs de nos échanges culturels sur l'Internet à ces quatre industriels. C'est ce qu'il faut bien comprendre !

07/03/2006 Débats DADVSI : industries du divertissement, DRM

Nous allons avoir l'occasion pendant trois jours de revenir sur de nombreux aspects de cet amendement n° 272.

Il est regrettable que le débat se déroule dans d'aussi mauvaises conditions. L'échec du Gouvernement en décembre a provoqué une prise de conscience générale de l'enjeu de société que constitue le téléchargement. Mais nous avons assisté à un lobbying, comme nous n'en avions jamais connu dans l'histoire du Parlement, à une pression souvent directe, exercée sur le Parlement. Et en fait d'argument on a souvent entendu le lamento déchirant des comptes en banque le soir au fond des bois numériques !

On aurait préféré de vrais arguments et un vrai débat sur cette révolution numérique, parce que c'est bien d'une révolution qu'il s'agit, face à laquelle les modèles anciens des industriels de la culture sont aujourd'hui obsolètes, périmés, inopérants. Le débat se situe entre ces deux termes : d'un côté un indiscutable accroissement du bien-être collectif pour la société que constituent les échanges de fichiers culturels par peer to peer, de l'autre des modèles économiques qui ne sont plus en place face à ces modes d'échanges, et des industriels de la culture qui tentent à toute force d'imposer leurs modèles économiques, leur rente de situation, sur de nouveaux modes d'échanges à de nouvelles générations.

Le Parlement ne devrait avoir qu'un seul guide : l'intérêt général. Malheureusement, le climat de pression est tel que nous avons beaucoup de mal à avoir ce débat dans de bonnes conditions.

Si le ministre de la culture entre dans l'histoire, ce sera pour avoir été le premier depuis quarante-cinq ans à retirer un article d'un projet de loi en cours de débat.

Le procédé est si extraordinaire qu'il laisse augurer des conditions de ce débat mené dans l'urgence.

Mon cher collègue Cazenave, il faut de temps en temps savoir de quoi on parle quand on parle de peer to peer.

Quant au fond de l'affaire, il n'y a rien de changé, mes chers collègues : l'universalisation des DRM reste le cœur du texte, c'est-à-dire la légalisation des verrouillages de contenus, qui entravent les échanges culturels sur le net. L'affaire du verrouillage de CD distribués par Sony par l'installation de rootkits, qu'a rappelée un de nos collègues tout à l'heure, montre le peu de cas que certains industriels de la culture font de l'éthique. Ces rootkits fonctionnent en effet comme des « logiciels espions », des spyware.

Alors que de vraies questions se posent, le corps du texte du Gouvernement n'a pas changé : l'imposition généralisée des DRM va entraîner la marchandisation globale de l'Internet accompagnée d'une surveillance généralisée des échanges, qui sont autant d'atteintes aux libertés individuelles.

21/12/2005 Débats DADVSI : licence globale

Je défendrai notre amendement dans des termes voisins de ceux d'Alain Suguenot. Nous sommes là, en effet, au cœur de la question à laquelle le projet de loi tente de répondre, de façon insatisfaisante selon nous.

Notre amendement est fondamental puisqu'il prend en compte la position jurisprudentielle après l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier qui a précisément estimé que les copies privées réalisées par téléchargement sur les réseaux peer to peer relevaient de l'exception pour copie privée.

Qu'il s'agisse des blogs, du courrier électronique ou des téléchargements dans les newsgroups, ou même des logiciels qui sont apparus depuis quelques mois pour « ripper » quelques fichiers sur les stations de radio - je pense au fameux Station Ripper - il est possible aujourd'hui, à partir d'une collection de streaming, de réaliser la même opération que le peer to peer mais dans des conditions juridiques différentes.

La question qui nous est posée est la même que celle qu'avait soulevée, au milieu des années quatre-vingt-dix, le développement massif de la photocopie. Nous sommes exactement dans un contexte identique. Le gouvernement de l'époque, issue de la famille politique dont se réclame l'UMP, avait su trouver, cependant, les dispositifs juridiques et l'encadrement nécessaires pour permettre à la législation de s'adapter. Il nous faut aujourd'hui franchir le gué en adaptant notre arsenal juridique à une technologie nouvelle qui s'est développée au niveau mondial et qui constitue un succès sans précédent.

Notre amendement esquisse ce que serait la sécurité juridique des échanges de fichiers. Il concilie à la fois le cadre juridique nécessaire et la prise en compte de ces nouvelles façons de partager des œuvres, de se cultiver, d'échanger et de faire circuler l'intelligence dans le monde entier. Il est évident en effet que les techniques nouvelles commandent de nouvelles règles. Ainsi, on n'applique pas le code de la route aux avions. Or ce projet tend précisément à appliquer un ancien code à des technologies radicalement nouvelles et qui changent fondamentalement les modes de vie.

Par notre amendement, nous donnons une véritable sécurité juridique aux échanges de fichiers sur le réseau peer to peer, en reconnaissant qu'il s'agit bien de l'exception pour copie privée pour les différents supports existant sur le net.

21/12/2005 Débats DADVSI : discussion générale

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis, dans une étrange urgence, de ce projet de transposition d'une directive européenne datant de plus de trois ans.

Vous nous avez parlé hier soir, monsieur le ministre, avec la modestie qui vous caractérise, d'un projet « historique ». Dans le même temps, notre rapporteur, qui est pourtant un spécialiste désormais reconnu en matière d'histoire, nous parlait d'un projet « modeste ». Qui dit vrai ?

Le projet est historique, pour trois raisons au moins.

Tout d'abord, c'est le projet des occasions manquées. Vous avez certes hérité d'un projet déposé par votre prédécesseur, mais vous avez attendu dix-huit mois, sans engager le moindre débat digne de ce nom avec les acteurs concernés, laissant évoluer le texte vers toujours plus de répression, sans saisir la chance d'être au rendez-vous de l'histoire : celui de la dématérialisation des œuvres culturelles, de l'évolution des modes de vie, des nouvelles façons d'échanger de toute une génération.

Ensuite, alors que la révolution numérique transforme sous nos yeux le monde de l'esprit, vous n'avez comme seule réponse qu'une posture : agiter le bâton de gendarme. Est-ce une posture historique ou modeste ?

Enfin, ce projet est historique s'agissant des conditions mêmes de son examen : on a rarement vu à l'Assemblée un texte dont la préparation a autant subi la pression directe des lobbys, déployés sans vergogne en son sein même.

Hier, en effet, les représentants commerciaux de plates-formes de téléchargement arboraient, dans la salle des conférences toute proche, les badges du ministère de la culture. Aujourd'hui, monsieur le ministre, comment doit-on considérer vos collaborateurs assis derrière vous, et qui portent le même badge : comme des membres de votre cabinet ou comme les représentants de ces plates-formes ?

On peut se poser la question tant la présence ici même des lobbys est choquante !

Ce qui s'est passé hier n'est pas anecdotique et devra nous faire réfléchir à une réglementation de l'action des lobbys auprès de la représentation nationale. Tous les pays démocratiques se sont dotés d'une législation pour encadrer ce lobbying : il serait temps que nous fassions de même.

Pour en revenir à l'urgence et à son côté baroque, il faut savoir que la commission s'est déjà réunie pour préparer la prochaine transposition, alors que nous allons seulement adopter celle-ci.

Dans celle qu'il nous propose aujourd'hui, le Gouvernement a systématiquement choisi les options les plus répressives à l'égard des internautes, et les plus complaisantes à l'égard des intérêts financiers des industries culturelles. Le tableau comparatif des vingt pays ayant déjà transposé le montre de façon parfaitement lumineuse !

Si le projet de loi était adopté en l'état, il placerait notre pays quelque part entre la Corée du Nord et l'Ouzbékistan en matière de liberté numérique.

L'échange des fichiers numériques à des fins non commerciales est aujourd'hui essentiel à la circulation de l'intelligence. Le plébiscite du peer to peer est fulgurant, mondial et massif. On estime le nombre d'internautes qui l'utilisent en France à plus de huit millions, et celui des fichiers échangés chaque mois dans le monde à trois milliards environ. Il est vrai que cette technologie constitue une formidable accélération des échanges culturels et un outil fabuleux pour assurer la diversité culturelle.

Comment consolider ce progrès, qui autorise le bien-être collectif et des libertés nouvelles, tout en assurant une juste rémunération des créateurs ?

Personne ici, j'y insiste, ne défend l'utopie de la gratuité dont on sait qu'elle peut être destructrice et sans issue.

Pour autant, monsieur Richard, parler de « gratuité » n'est pas employer un gros mot, même si dans notre société tellement arrimée aux valeurs de l'argent, l'emploi de ce terme peut paraître à certains inconvenant.

À cette question, vous avez choisi, monsieur le ministre, de faire la même réponse que les majors du disque et du cinéma, c'est-à-dire pénaliser, interdire, réprimer, au risque d'esquisser une société orwellienne où les géants des industries de l'informatique et des contenus contrôleraient la circulation de la matière grise par une sorte de droit de péage appelé DRM. Quel étonnant cadeau de Noël vous faites à Microsoft et à ces autres petites PME dans le besoin que sont Sony, Vivendi ou EMI !

Il aurait pourtant fallu accorder plus d'attention à ce sujet, au lieu d'un examen dans l'urgence, et plus de mesure dans l'appréciation de la situation. M. Barella, président de l'Union syndicale des magistrats - qui n'a pas, je crois, la réputation d'être un dangereux libertaire exalté - déclarait voilà quelques mois : « Quand une pratique infractionnelle devient généralisée pour toute une génération, c'est la preuve que l'application des textes à un domaine particulier est inepte. Plus les chantres du tout contrôle blinderont les œuvres numérisées et tenteront de revenir sur les droits du public en prétextant lutter contre la contrefaçon, plus le fait de contourner une mesure technique et le fait de partager de la musique deviendront des actes politiques ».

Peut-on en effet mettre hors la loi toute une génération au nom de modèles économiques obsolètes et de la préservation des intérêts des nouveaux oligarques de la culture industrialisée ?

Déjà, la campagne irresponsable lancée il y a quelques mois par le SNEP sur le téléchargement, a donné des multinationales du disque une image pour le moins étrange : a-t-on jamais vu des industriels partir en guerre contre leurs clients ?

À cet égard, l'article 9 de la loi d'août 2004 confiant à certaines sociétés privées de gestion de droits le privilège exorbitant de dresser des fichiers de contrevenants est une faute grave.

Pour la première fois en France, on a accordé à des sociétés privées l'autorisation de se substituer à l'État pour établir, par des moyens d'ailleurs peu fiables - on parle d'un taux d'erreur de 30 % - des listes de présumés coupables aux fins de sanctions pénales.

Cette privatisation, lourde de menaces pour les libertés individuelles, entraîne des actions judiciaires qui s'apparentent à la décimation des légions romaines : on prend au hasard un téléchargeur sur un million en espérant que son châtiment en place publique soit dissuasif.

C'est un procédé inacceptable dans une démocratie comme la nôtre.

Votre grande invention d'hier soir, monsieur le ministre, c'est la riposte graduée.

La riposte graduée, terme qui relève d'un vocabulaire guerrier déjà plutôt surprenant, est un concept qui a été inventé par M. McNamara dans le cadre de la stratégie atomique des États-Unis, en remplacement de la doctrine de riposte massive du président Eisenhower, élaborée dans le contexte d'un affrontement atomique avec l'Union soviétique. J'en déduis donc que, pour vous, les rapports entre le ministère de la culture, les acteurs du dossier et les internautes, s'apparentent à une guerre quasi atomique !

Voilà qui est tout de même un peu surprenant pour un ministre de la culture.

Pourquoi cette obstination à imposer une loi unilatérale, sans réel débat, à la sauvette, dans la discrétion espérée de la trêve de Noël ?

Face à près de neuf millions de consommateurs, à toutes les bibliothèques publiques de France, à la conférence des présidents d'université, à l'ensemble des enseignants-chercheurs, mais aussi à de nombreux artistes, il est dangereux de vouloir imposer de force, comme vous tentez de le faire, une législation à contre-courant de l'époque et du bon sens.

Ce texte pèsera profondément sur la vie quotidienne de millions de nos concitoyens et dominera pour longtemps peut-être l'évolution des comportements culturels. Il est indispensable qu'un authentique débat ait lieu avec l'ensemble des acteurs concernés et pas seulement avec la puissance très bien organisée du lobby industriel et des cercles familiers des couloirs du ministère de la culture.

Face à l'apparition des échanges de fichiers, l'industrie du disque et du cinéma tente d'obtenir une interdiction généralisée pour préserver la rente de situation des modèles économiques en place avant la révolution numérique. Dissimulée derrière le masque avantageux mais périmé du droit d'auteur exclusif, elle a pu enrôler dans cette douteuse croisade quelques créateurs de bonne foi. Mais il faudrait, pour imposer ce modèle, mettre en place un arsenal techno-totalitaire qui permettrait de contrôler l'ensemble des échanges sur Internet, arsenal qui se retournerait très vite contre ces mêmes créateurs.

Il est aberrant de vouloir retourner la technique contre la technique et verrouiller par des mesures techniques la circulation de la culture contemporaine, et il est consternant que le ministère de la culture ait cédé à cette tentation sans issue qui imposera une surenchère sans fin. Déjà, l'amendement dit « Vivendi-Sacem », relayé dans cette enceinte, aboutirait à interdire les logiciels non équipés de mesures techniques de protection, c'est-à-dire à tuer de facto les logiciels libres et à livrer intégralement Internet à Microsoft et à quelques industriels américains.

Cette menace est grave et je rappellerai simplement ici le rapport d'information récent - et non sa tribune publiée dans un quotidien de ce matin - de notre collègue Bernard Carayon sur les outils de la politique industrielle de la France, présenté au nom de la commission des finances : « L'industrie du logiciel et les flux financiers qu'elle draine, restent aux mains de quelques grands éditeurs, principalement américains. L'éclosion d'une industrie du logiciel libre permettrait à l'Europe de reprendre l'initiative en la matière ».

Le constat est clair et la mise en cause par ce projet de loi du logiciel libre est une faute extrêmement grave.

Cette fuite en avant dans l'illusion du tout répressif et du verrouillage technologique placerait donc la France dans une situation de marginalité dramatique.

Imagine-t-on que, seule au monde, la France interdise Linux et ses dérivés ?

Cette fuite en avant est dangereuse pour plusieurs de nos libertés.

La première des libertés mises en cause par ce texte, c'est le droit à la copie privée. Reconnue par la loi de 1985 comme une liberté nouvelle due aux progrès technologiques, elle a systématiquement été bafouée - sans que cela ne provoque de réaction de la part des gouvernements - par les majors du disque avec les MTP mises en place sur les CD et les DVD. Rappelons que la plupart des dispositifs de protection mis en place par les majors, EMI en particulier, non seulement rendait impossible l'exercice pourtant légal de la copie privée mais interdisait de facto la lecture des CD sur de simples autoradios ! C'est ce qui s'appelle escroquer sans vergogne le consommateur !

Pourtant la puissance publique, les différents ministères concernés, sont restés étrangement silencieux et inertes face à ce manquement manifeste à la loi. Dur avec les faibles, mais clément avec les puissants ! Cette disposition a été contestée devant les tribunaux jusqu'au jugement de la cour d'appel de Montpellier qui a rappelé que la copie privée à usage familial sans but lucratif était un droit.

Cela pose un autre problème. Les consommateurs pourront-ils longtemps tolérer d'acquitter une taxe sur les supports vierges pour un droit à la copie privée qu'on leur interdit dans les faits d'exercer ?

Rappelons que cette taxe n'est pas anecdotique : elle vient rémunérer les ayants droit et a rapporté près de 200 millions d'euros en 2005. Près du quart des sommes récoltées servent à financer des manifestations culturelles liées à la scène musicale. Sa mise en cause serait donc lourde de conséquences pour les artistes et le spectacle vivant.

Le droit à la copie privée a été une conquête dans les usages culturels correspondant à l'évolution des modes de vie. Sa remise en cause qu'entérine ce projet de loi aboutirait à un recul de vingt ans. Ne nous dites pas, monsieur le ministre, que votre projet garantit le droit à la copie privée.

Car c'est parfaitement faux. En soumettant ce droit au filtrage des DRM, c'est-à-dire à ce jour à trois groupes industriels au monde, Microsoft, Intertrust - groupement de Philips et de Sony - et Real Networks, vous donnez à ces multinationales le droit de vie et de mort sur la copie privée et sur l'ensemble des contenus du net.

Lorsque nous ne serons plus là, monsieur le ministre, ces groupes industriels seront, eux, toujours présents sur le net et ils exerceront toujours le pouvoir qu'ils voudront à travers ces DRM.

Cette copie privée n'est pas garantie, c'est le moins qu'on puisse dire, par ce projet de loi, elle est même directement mise en cause.

La deuxième des libertés mises en cause, c'est la liberté individuelle à travers la protection des données personnelles attaquées sur deux fronts.

Le premier, c'est le transfert à des sociétés privées organisé par la loi de 2004 que j'évoquais tout à l'heure. Il faut savoir que ces sociétés de gestion de droits ne traitent pas elles-mêmes les fichiers d'infraction, elles sous-traitent encore et, par un jeu de cascades, ce sont des sociétés étrangères qui, aujourd'hui, assument pour le compte de la puissance publique la capacité de dresser des fichiers de contrevenants présumés. Situation pour le moins étrange. Chaque fois que nous aurons l'occasion d'essayer de remettre en cause cette disposition scélérate, nous le ferons.

C'est d'une façon générale aussi une atteinte aux libertés personnelles parce que nous savons parfaitement que l'implantation des DRM est lourde de menaces pour la protection des données personnelles. Qui pourrait être assez naïf pour imaginer que Microsoft, Sony ou autre Real trust, n'implantent des DRM sur les œuvres numériques que pour venir en aide à l'héritage de Beaumarchais et pour protéger le droit d'auteur exclusif ?

La seconde attaque concerne le libre accès à Internet. La capacité donnée au juge d'ordonner à un fournisseur d'accès d'interrompre l'accès à un contenu illicite ne peut se faire qu'en bloquant la totalité de l'accès, même à des contenus parfaitement licites, et donc à porter gravement préjudice aux personnes concernées. À l'heure où, au contraire, la réflexion sur la fracture numérique conduit certains à proposer un droit d'accès garanti à un minimum de bande passante considéré comme un service public essentiel, cette disposition est particulièrement choquante.

La voie que vous avez choisie est donc trop dangereuse, trop liberticide, trop liée aux stricts intérêts de l'oligarchie des industries des contenus et des logiciels pour que nous vous suivions sur ce terrain. Rien ne peut nous faire admettre que l'influence de ces industries puisse déterminer la norme de la morale et du droit au détriment des consommateurs, des créateurs et de l'amélioration du bien-être collectif.

À travers nos amendements, nous proposerons donc un cadre juridique pour prendre acte du bénéfice qu'apporte le peer to peer aux échanges culturels humains, le sécuriser juridiquement et créer un mécanisme de rémunération des créateurs.

Nous proposerons de distinguer la musique du cinéma, pour lequel les problèmes sont plus complexes, d'instituer un forfait optionnel sur les abonnements auprès des fournisseurs d'accès permettant d'alimenter le fonds de répartition de la copie privée pour la rémunération des créateurs et de définir ce régime pour une durée de trois ans parce que nous sommes dans un domaine où les technologies évoluent et qu'il faut nous donner le temps de dresser un bilan.

Pourquoi proposer de distinguer la musique du cinéma ? Parce que les problèmes ne sont pas les mêmes. Les mécanismes de financement du cinéma sont complexes, les enjeux économiques sont considérables et nous n'avons pu maintenir une industrie nationale du cinéma qu'au prix de dispositions sophistiquées, comme la chronologie des médias, qu'il serait dangereux de remettre en cause. Par ailleurs, le téléchargement de film n'apporte pas de valeur ajoutée à l'exploitation standard en salle ou en DVD, contrairement à la musique. De ce point de vue, le téléchargement de film s'approche de la contrefaçon.

Ce qui n'est pas le cas de la musique. Car on voit bien que le succès du peer to peer est essentiellement dû aux possibilités nouvelles et à l'élargissement considérable de l'offre qu'il amène face à une industrie ultra-concentrée. Quatre multinationales en tout et pour tout dominent aujourd'hui 80 % du marché mondial de la musique, avec une production formatée, standardisée à l'extrême et qui s'est donc appauvrie au fil des concentrations.

Le peer to peer offre donc une diversité de choix, une liberté, la capacité d'essayer avant d'acheter, une plus-value que l'industrie ne sait pas fournir.

L'accès au fonds musical par Internet est un produit nouveau que les majors sont incapables d'offrir. Accrochées à la rente de situation de la distribution physique du Compact Disc, elles tentent du coup d'interdire le peer to peer pour préserver un modèle économique et un format aujourd'hui dépassés.

Les majors ne défendent ni la musique, ni les créateurs, elles défendent le portefeuille de leurs actionnaires. Elles ont tout à perdre au changement : dans le système actuel, les artistes sont vassalisés par leurs maisons, qui leur reversent 5 % à 8 % en moyenne du produit des ventes.

La diffusion par le peer to peer peut au contraire donner une liberté nouvelle aux créateurs pour peu qu'on mette en place, comme nous le proposons, un système convenable de rémunération de ces derniers.

Le téléchargement est-il responsable de l'érosion des ventes du disque ? Rien ne le prouve. Des études contradictoires ont été menées qui montrent un tassement des ventes, qui résulterait surtout d'un appauvrissement de l'offre. Les majors ont gagné énormément d'argent dans les années quatre-vingt en imposant le passage au CD, qui a entraîné le renouvellement de millions de discothèques vinyles. Les concentrations ultérieures et les mariages morganatiques avec la télévision et les radios musicales ont ensuite poussé à l'industrialisation, au formatage, au calibrage d'une offre toujours plus pauvre où l'investissement marketing compte plus que la richesse de la création.

La seconde explication, souvent négligée, réside dans la disparition progressive du réseau des disquaires au bénéfice des grandes surfaces, qui concentrent leurs efforts sur les blockbusters.

Il y a donc eu une raréfaction de l'offre musicale du disque. Il est d'ailleurs tout à fait significatif que les nouveaux talents apparus depuis deux ans - ce qu'on a appelé la nouvelle chanson française - aient été révélés par la scène et le bouche à oreille et aient littéralement été imposés aux majors par le public.

Le peer to peer désindustrialise l'accès à la musique. Les recherches thématiques, chronologiques permettent à chacun de construire une réponse personnelle à ses besoins ou à ses désirs musicaux. Elles ne dépendent d'aucune stratégie financière d'un producteur. L'accès à des titres souvent non réédités, la multiplicité des catalogues offrent une liberté et une diversité jusque-là inconnues. On peut enfin échapper à la « staracadémisation » et au marketing.

La diversité culturelle est imposée par les consommateurs et non plus régulée par les producteurs. Elle cesse d'être une diversité chichement consentie de l'offre pour devenir une diversité naturelle de la demande. De ce point de vue, l'échec des plateformes commerciales de peer to peer est révélateur. La pauvreté de l'offre mise en ligne, la concurrence sur les catalogues, ont fait qu'elles n'ont pas su répondre aux besoins exprimés par les consommateurs. C'est le consommateur qui impose, malgré les industriels, la bibliothèque universelle et la diversité. C'est donc tout un modèle économique qui est ainsi mis en cause.

On va me dire que ces grands groupes ont souffert, qu'il faut prendre soin d'eux - d'une certaine façon c'est ce que vous nous dites, monsieur le ministre. Mais enfin ! imagine-t-on que l'Assemblée nationale soit plus attentive aux inquiétudes financières de quelques grands groupes contrôlant l'industrie des contenus et des logiciels qu'à l'aspiration à un nouvel horizon de près de neuf millions de jeunes ? Faut-il pleurer sur le sort de ces groupes ? Je ne pense pas. L'apparition du peer to peer aura, à certains égards, été un contrepoison salutaire à la marchandisation de la culture. Et si la multiplication des échanges de fichiers à des fins non commerciales affaiblit, ne serait-ce qu'à la marge, un de ces conglomérats, je ne crois pas qu'il y ait lieu de s'alarmer !

Mais nous en sommes loin. Qui peut croire en effet que la copie privée par téléchargement mettrait en péril ces énormes conglomérats ?

Chacun comprend donc bien qu'au-delà du prétexte du droit d'auteur ou de celui d'une fallacieuse crise du disque, c'est bien la bataille du contrôle des contenus qui est lancée. Ces multinationales veulent verrouiller le net. L'alibi commode du droit d'auteur ne sert que de prétexte à une implantation massive des DRM rendant toute liberté sur le net improbable, livrant le réseau à terme à une véritable couverture quasi-policière, tout cela pour cadenasser la manne financière potentielle de la circulation des contenus.

Il y a quelques années, les industriels de la bio-génétique ont tenté d'imposer la brevetabilité du vivant. C'est une démarche du même ordre que tentent aujourd'hui d'engager les industriels des contenus et des logiciels avec votre soutien, et je le regrette, monsieur le ministre. Il s'agit - car il n'y a pas d'alternative dans le système que vous proposez - de rendre payant tout échange de fichier et donc de taxer, de breveter par le biais des DRM, de privatiser tout échange de culture et de matière grise. C'est la marchandisation générale de tous les échanges culturels qui est en cause.

Il y a quelques mois, vous aviez parlé, à propos du piratage, de « crime contre l'esprit » mais c'est dans ce texte que le crime contre l'esprit réside, dans le cadenassage généralisé que vous voulez imposer. Je suis navré de constater que le ministère de la culture, qui jusqu'à présent, avait toujours contribué à défricher des libertés nouvelles, sera l'opérateur de cette glaciation.

20/12/2005 Débats DADVSI : exception d'irrecevabilité

Nous allons voter l'exception d'irrecevabilité présentée par nos collègues communistes, en raison notamment des conditions extrêmement singulières dans lesquelles nous sommes saisis de ce projet de loi. Le Gouvernement a soudainement déclaré l'urgence, après trois ans de non-débat, d'absence de dialogue, hormis avec le lobby des industriels de la culture qui, semble-t-il, a été le seul à avoir l'oreille du ministère de la culture.

Ce n'est pas nous, monsieur le ministre, qui avons distribué des badges de votre ministère aux représentants dans ces locaux de Virgin ou de la FNAC.

C'est la pure et simple réalité.

L'examen de ce projet de loi se déroule donc dans des conditions particulièrement étranges et biaisées. Si vous l'adoptez, mes chers collègues, vous transcrirez dans notre droit l'interprétation la plus répressive en Europe de la directive de 2001. À l'égard des internautes, ce projet a retenu toutes les options les plus répressives, et toutes les options les plus complaisantes en faveur du lobby des industries de la culture. Telle est la réalité de votre texte, monsieur le ministre.

Vous nous opposez ce que vous appelez « la réponse graduée », espèce juridique inconnue portée par un amendement surgi à vingt heures du brouillard du ministère de la culture !

C'est cela, votre conception du débat parlementaire ?

La vérité, c'est que vous êtes soumis à la pression des industriels de l'entertainment , pour reprendre un terme américain, qui ont argué d'une prétendue crise de l'industrie du disque pour imposer une telle transcription de la directive. Cette crise n'est qu'un prétexte : sachez, mes chers collègues, que les ventes de disques ont augmenté de 16,5% au premier trimestre 2005 ; que cette année les bénéfices de Vivendi sont de 754 millions d'euros ; que ceux revendiqués par Sony-BMG s'élèvent à 21 millions de dollars.

Telles sont les malheureuses PME dans le besoin qui ont manifestement besoin du soutien massif du ministère de la culture pour faire face aux hordes des télénautes !

De tels faits posent des questions qui ne sont pas tout à fait étrangères à la Constitution. Jamais, de mémoire de parlementaire, on n'aura légiféré sous la pression aussi directe et insistante des lobbies, monsieur le ministre !

Pour toutes ces raisons, nous nous associons au vœu de nos collègues communistes. La position que nous défendrons tout au long de ces débats est simple et claire : la recherche d'un équilibre entre le souci de faire contribuer l'évolution technologique au bien-être collectif, en donnant une sécurité juridique aux huit millions de personnes qui téléchargent dans ce pays, et la rémunération de l'acte de création.

Pour résoudre cette équation, nous proposerons une panoplie de solutions, telles que des dispositifs provisoires ou la possibilité d'opter pour des dispositifs forfaitaires. Ces solutions visent à enrayer la surenchère pénale sans issue dans laquelle ce projet de loi nous engage.