Patrick Bloche

De La Quadrature du Net
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20090213

Je suis un peu étonné que Mme Marland-Militello retire un amendement de la commission des affaires culturelles. Un rapporteur a pour mission de présenter le travail qui a amené la commission à adopter un amendement. Je crains, en conséquence, que Mme Marland-Militello n’aille ici au-delà de son rôle. Mais nous avons fort heureusement déposé le même amendement, ce qui nous permet de lui assurer une vie, voire une survie.

Mme Marland-Militello a fait référence à l’amendement n° 69 du rapporteur. Il s’agit, en l’occurrence, des amendements n°, s , 58 et 59. De plus, cela n’a aucun rapport avec ce dont nous discutons actuellement, à savoir la transaction. En effet, ces amendements visaient la procédure relative à la sanction et, notamment, à l’injonction.

Notre amendement se justifie d’autant plus que le moyen de sécurisation, dont la HADOPI demandera à l’abonné qu’il le mette en œuvre, doit être adapté à la configuration de son installation. C’est le moins que l’on puisse faire ! Derrière tout cela, on retrouve toute la problématique, que nous avons déjà évoquée – et nous continuerons de le faire –, du logiciel libre et de notre souci, dès lors qu’il existe des moyens de sécurisation labellisés, de ne pas le pénaliser.

Interrogée sur cette question, Mme la ministre a répondu que le logiciel du ministère, qui est un logiciel libre, avait comme pare-feu , qui, lui, l’est déjà un peu moins !

Nous sommes attachés aux acquis du logiciel libre. Les employeurs de ce secteur en plein développement vous ont écrit une longue lettre, madame la ministre, pour vous dire combien les mesures de ce projet de loi pénalisaient cette branche de notre économie particulièrement dynamique et créatrice d’emplois, dans laquelle nombre de nos concitoyens font preuve de créativité, d’imagination et de talent.

Nous considérons, par conséquent, que cet amendement trouve sa pleine justification. Les moyens de sécurisation doivent être adaptés à la configuration de l’installation de l’abonné, y compris si celui-ci, en l’occurrence, a fait, comme notre assemblée, le choix judicieux du logiciel libre.

La transaction est une sanction ; même si l’objectif est une sanction moins sévère, cela reste une sanction.

Dans son rapport, M. Riester fait un constat frappé au coin du bon sens lorsqu’il écrit : « Se pose la question des délais aux termes desquels l’absence de mise en œuvre des mesures de nature à éviter le renouvellement d’un manquement sera considéré comme une inexécution de la transaction. » La transaction doit en effet conduire l’abonné à prendre de telles mesures et à en rendre compte à la Haute Autorité. À partir de quand, dès lors, peut-on considérer qu’il y a inexécution et que l’abonné n’a pas respecté la transaction avec la HADOPI ?

Nous nous attendions donc à ce que le rapporteur, par un amendement, nous propose un délai. Or, de façon étonnante, il affirme que « le bon sens » – son bon sens à lui ! – « recommande que la commission de protection des droits puisse constater la bonne exécution ou non à l’issue d’une durée qu’elle fixera au cas par cas en fonction des spécificités de chaque titulaire d’abonnement concerné ».

Je rappelle que la HADOPI, c’est sept petites mains qui enverront 10 000 mails d’avertissement, 3 000 lettres recommandées et notifieront 1 000 suspensions d’abonnement par jour. Elles devront de surcroît, pour chaque transaction, examiner à la loupe les spécificités de l’abonné pour déterminer un délai.

Monsieur le rapporteur, nous avons voulu vous aider à aller au bout de votre pensée, en déposant un amendement fixer ce délai. Considérant qu’il fallait laisser à tous ceux, notamment, qui développent et partagent des logiciels libres le temps de trouver les moyens de prévenir le renouvellement du manquement, nous proposons un an.

Nous sommes attachés au principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi. Il faut qu’un même délai s’applique à tous, que ce ne soit pas à la tête de l’internaute ! Nous restons confondus par le fait que le législateur laisse à la HADOPI une marge de manœuvre exorbitante, créant une situation arbitraire, avec une dimension aléatoire qui ne peut qu’être source de contentieux. Inévitablement, tel internaute contestera le fait qu’on ne lui aura laissé que deux mois pour prendre des mesures tandis que d’autres en auront eu six. Je souhaite bon courage aux tribunaux qui seront saisis de ce genre de litiges !

Monsieur Riester, nous savons que vous êtes député, puisque vous êtes rapporteur de la commission des lois.

Grâce à notre collègue Brard, nous savons également que vous êtes maire de Coulommiers, dont la mairie sera ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour tous les internautes de Coulommiers et des communes environnantes dont la connexion Internet aura été suspendue.

Vous avez suggéré, ainsi que Mme la ministre, qu’il n’était pas très grave d’avoir sa connexion Internet suspendue, n’importe qui pouvant aller chez ses voisins, dans sa famille, dans une mairie ou une bibliothèque publique pour se connecter à Internet. Si l’on résumait votre pensée, ce serait, en somme : « Viens chez moi, je télécharge chez une copine » !

Je pense d’ailleurs que les internautes commenceront en réalité à télécharger chez leurs copines ou leurs grands-mères et qu’une fois la connexion de la copine ou de la grand-mère coupée, ils rentreront tranquillement chez eux se connecter à Internet.

Vous êtes donc maire de Coulommiers, dont la mairie sera ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, surtout en hiver.

Mais vous êtes aussi chef d’entreprise, et en tant que tel, vous ne pouvez qu’être sensible à l’amendement n° 230, qui vise à prendre en considération ce que vous avez vous-même relevé dans votre rapport, et que Mme la ministre a écrit de sa blanche main dans l’exposé des motifs du projet, à savoir que, pour les personnes morales, collectivités ou entreprises, il est souhaitable de privilégier des alternatives à la coupure de l’accès Internet. Une telle coupure dans une entreprise peut en effet menacer l’activité et l’emploi.

C’est donc à bon droit que l’exposé des motifs plaide pour des sanctions alternatives, de préférence celles qui sont de nature à prévenir le renouvellement du manquement. Vous écrivez quant à vous, monsieur le rapporteur, que l’alternative à la coupure s’impose en raison « du souci légitime de ne pas exposer les entreprises et les personnes morales à une privation de leur utilisation d’Internet aux conséquences économiques potentiellement considérables ».

Or, bizarrement, vous n’avez déposé aucun amendement visant à garantir que la HADOPI, plutôt que d’infliger une suspension, enjoindra prioritairement aux personnes morales, notamment aux entreprises, de prendre des mesures pour prévenir le renouvellement du manquement.

C’est pourquoi, soucieux de vous aider, monsieur le rapporteur – c’est notre matinée de bonté –, nous avons déposé cet amendement qui vise à insérer, après l’alinéa 87, l’alinéa suivant : « Les personnes morales ne peuvent faire l’objet que de la mesure mentionnée au 2° du présent article. », c’est-à-dire faire l’objet d’une injonction à prévenir le renouvellement du manquement à l’obligation de surveillance de leur connexion.

[...]

Une erreur dans la composition de la liasse d’amendements par les services de l’Assemblée a conduit, en fait, Mme Billard à répondre à l’amendement n° 213, que nous venons d’adopter, et non à l’amendement n° 214, dont nous discutons. Mais ce n’est pas grave.

Pour en revenir à l’amendement n° 214, madame la ministre, c’est à juste titre que Christian Paul a pointé vos certitudes et les a qualifiées de paresseuses.

Au sein du Gouvernement, vous êtes censée être la ministre qui défend les artistes, qui se bat pour que les arbitrages soient favorables à la culture dans notre pays. Malheureusement, on vous fait un mauvais sort lors de ces arbitrages…

Hélas non ! Elle défend comme elle peut ses crédits, mais les arbitrages budgétaires, surtout en période de disette et d’endettement, tendent à sacrifier la culture.

Il faudrait que vous soyez aussi la ministre de toutes les Françaises et de tous les Français qui aspirent à un élargissement de leur accès à la culture. C’est sur ce point que nous considérons que vous avez des certitudes paresseuses : vous ne prenez pas en compte le fait qu’Internet est devenu un formidable moyen, pour nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens, de se rapprocher, au moins de manière virtuelle, de lieux de culture dont ils sont parfois éloignés, et d’avoir ainsi accès à des contenus culturels.

Actuellement, le ministère de la culture est coincé entre les puissants lobbies de ce secteur et des crédits budgétaires en berne. J’en suis désolé. Je voudrais que l’on en revienne, afin de reconstruire une politique culturelle ambitieuse, aux fondements de l’éducation populaire. En la matière, le ministre de la culture de référence est incontestablement Jean Zay, qui parlait des artistes comme de « travailleurs de la culture » – c’est tout dire – et qui a tant fait pour l’accès du plus grand nombre à la culture –, ce qui n’est hélas plus le souci de la rue de Valois.

S’agissant de l’amendement lui-même, je voudrais relativiser le succès d’estime que s’est taillé à bon compte le président de la commission des lois. Je suis désolé de son absence ce matin, mais personne ne lui en voudra. Son amendement prévoit que les ayants droit résidant dans un État étranger ou un territoire situé hors de France à régime fiscal privilégié ne pourront bénéficier des sanctions appliquées dans le cadre du texte dont nous discutons.

Cette nuit, j’ai relu cet amendement, identique à l’amendement n° 211 que nous avons examiné à un alinéa précédent, mais qui pêche par un détail qui change tout.

L’amendement n° 214 est ainsi rédigé : «Aucune sanction ne peut être prise sur le fondement du présent article pour des faits concernant une œuvre ou un objet protégé dont tous les ayants droit résident dans un État étranger ou un territoire situé hors de France à régime fiscal privilégié. »

Compte tenu du nombre possible d’ayants droit pour une œuvre ou un objet protégé, je suis prêt à parier qu’il y en aura toujours un pour avoir le réflexe patriotique de résider sur le territoire national et d’y payer ses impôts.

On peut voter cet amendement pour se faire plaisir et se donner bonne conscience, mais il n’aura strictement aucun effet concret : il est impossible que tous les ayants droit d’une œuvre résident dans un État étranger ou un territoire situé hors de France à régime fiscal privilégié.

Cet amendement n° 214 ne sert à rien, votez-le donc !

Nous n’avons pas de suffisance, nous n’avons que des regrets. Nous regrettons les certitudes paresseuses du Gouvernement et du rapporteur…

Même si je suis, chaque année depuis quinze ans, le budget de la culture tous les ans, je ne répondrai pas aux chiffres, contestables, de M. Gosselin.

Il suffit de rencontrer n’importe quel acteur culturel de notre pays, et tout particulièrement ceux qui travaillent dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques, pour savoir ce qu’est la triste réalité de l’action de l’État. Il est heureux que le financement public de la culture soit assuré aux deux tiers par les collectivités territoriales, car il n’y aurait plus, sinon, d’action publique dans ce domaine.

Vous savez comme moi que l’État est totalement absent des tables rondes qui réunissent habituellement la collectivité concernée – commune ou département –, la région et l’État. Le représentant de la DRAC n’ose même pas venir, faute d’avoir les crédits déconcentrés nécessaires pour porter certaines actions culturelles.

Donc, soyez plus discrets sur ce sujet.

L’amendement n° 231 vise simplement à vous aider à vous rattraper. Il concerne les transactions, sur lesquelles nous reviendrons plus tard, lorsque nous discuterons des fichiers qui seront constitués si le dispositif est adopté. S’agissant de ces transactions, nous souhaitons qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les critères et modalités selon lesquels la commission de protection des droits sera amenée à proposer une transaction.

Depuis le début, nous contestons l’arbitraire qui guidera les décisions de la commission des droits, et donc de la HADOPI : elles seront prises à la tête de l’internaute, de manière très aléatoire. En particulier, il n’est absolument pas précisé sur quels critères la commission de protection des droits sera amenée à privilégier la sanction directe plutôt que la transaction.

Des critères précis doivent donc être fixés par décret en Conseil d’État – nous aurions d’ailleurs souhaité que la ministre puisse nous informer sur son contenu. Afin qu’il présente une garantie supplémentaire pour nos concitoyens internautes, nous demandons même qu’il soit pris après avis de la CNIL.

Cet amendement vise à supprimer les alinéas n, os, 89, 90 et 91, et ce afin d’atténuer la quadruple peine que nous avons pointée à plusieurs reprises : la sanction administrative que pourra prendre la HADOPI ; la sanction pénale en vertu des dispositions, non abrogées, de la loi DADVSI, lesquelles punissent la contrefaçon de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende ; la peine qui consiste à priver les internautes des dispositions protectrices du droit de la consommation ; le fait, enfin, qu’un usager dont la HADOPI aura suspendu la connexion à l’Internet devra continuer à payer son abonnement.

Cet article L. 331-28 a vraiment été conçu pour les fournisseurs d’accès. À partir du moment où un abonnement est suspendu, il est extravagant que son titulaire continue de le payer. Avec la profondeur de pensée qui la caractérise, Mme de Panafieu a pu dire que couper l’Internet, c’est moins grave que couper l’eau ou l’électricité. Certes, mais, quand on vous coupe l’eau ou l’électricité, vous cessez de payer l’abonnement à l’eau ou à l’électricité. Or, chers amis internautes, dans le cas qui nous occupe, après avoir été sanctionnés par la coupure de votre connexion à Internet, vous continuerez de payer l’abonnement. Peut-être est-ce là une forme d’amende, peut-être s’agissait-il de faire plaisir à M. Dionis du Séjour et à M. Tardy.

Le fournisseur d’accès va donc gagner de l’argent grâce à une fraude présumée. Cette forme d’enrichissement sans cause paraît totalement immorale. Cette disposition est scandaleuse et n’apporte rien aux promoteurs de la HADOPI qui prétendent vouloir rémunérer la création : son seul intérêt est de faire plaisir aux fournisseurs d’accès à Internet.

Monsieur le président, je veux le retirer ! Je lève la main depuis tout à l’heure !

Monsieur le président, l’usage veut que l’on donne la parole à deux orateurs : un pour et un contre l’amendement. M. Dionis du Séjour a expliqué qu’il était opposé au nôtre parce qu’il en avait lui-même déposé un qui, prenant en compte la question du , était plus précis

Je m’étonne que Mme la ministre soit devenue, l’espace d’un instant, une sorte d’épicière veillant sur son fond de caisse.

Essayons, pour notre part, de prendre un peu de hauteur.

Quant à la constitutionnalité de la mesure que nous proposons, je ne saurais trop vous engager à manier de tels arguments avec une grande prudence, madame la ministre, car vous avez fait voter à votre majorité bien des dispositions remettant en cause des principes constitutionnels fondateurs.

En ce qui concerne la triple ou quadruple peine, nous voulions simplement, avec cet amendement de suppression, que puisse s’appliquer le droit de la consommation, qui est plus protecteur que vos dispositions. J’ai d’ailleurs rappelé les propos que M. Retailleau, qui n’est pas de mon bord politique, avait tenus au Sénat, lors de l’examen du projet de loi.

Compte tenu des observations qui ont été formulées, nous retirons l’amendement n° 232, qui sera satisfait par l’adoption des amendements identiques n, os, 446 et 458.

[...]

Puisque nous nous sommes ralliés aux amendements qui viennent d’être présentés, n, os, 446 et 458, ainsi qu’au sous-amendement n° 514, je retire l’amendement n° 233.

On ne parle pas petits sous, on parle de principes !

C’est que nous ne voulons pas la même chose que vous, madame la ministre ! Nous, nous essayons d’élever le débat !

Pas du tout !

Cet amendement n’a plus d’objet. Si l’internaute avait dû continuer de payer son abonnement, nous aurions proposé que le prix de cet abonnement n’aille pas au fournisseur d’accès Internet afin qu’il n’y ait pas d’enrichissement sans cause et que le FAI ne profite du prix d’un abonnement sans rendre aucun service.

Par ailleurs, lorsque je vous ai traitée d’épicière, madame la ministre, ce n’était pas désobligeant, car c’est un beau métier ! Enfants, nous avons tous joué au facteur ou à l’épicier, en comptant nos sous et en faisant un fond de caisse ! , Dès lors que nous soulevions une question de principe, il me paraissait déplacé de commencer à parler de centimes d’euros…

Dans l’hypothèse où l’internaute continuait à payer son abonnement, il aurait été profondément injuste que cette somme profite indûment au fournisseur d’accès à Internet. C’est pourquoi nous proposions qu’il vienne abonder un fonds de soutien à la création. Mais dès lors qu’il n’y a plus de triple ou quadruple peine, l’amendement n° 236 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 239 vise à supprimer les alinéas 92 à 96 de l’article 2. Nous sommes sortis, dans de bonnes conditions si j’ose dire, de la triple ou quadruple peine, c’est-à-dire de la sanction financière qui s’ajoutait à la sanction administrative et à la sanction pénale ; désormais, il s’agit d’introduire un nouvel article, L.331-29, dans le code de la propriété intellectuelle, qui enjoint le fournisseur d’accès à Internet a suspendre l’accès de l’abonné dans les quinze jours suivant la notification de la commission de la protection des droits de la HADOPI, faute de quoi le FAI passible d’une sanction de 5 000 euros par manquement.

Je sais bien, madame la ministre, que vous avez dit tout à l’heure qu’il y aurait le moins de coupures possible, seulement quelques-unes par jour. Probablement allez-vous mal réagir et j’en suis désolé, mais j’ai encore dans les oreilles les propos que vous avez tenus lors de votre audition : vous prévoyiez qu’il y aurait au départ, autrement dit au minimum, 1 000 suspensions d’abonnement par jour. Assumez ce chiffre, allez au bout de votre logique. Mille coupures par jour, cela fait trente mille par mois…

Avec 30 000 coupures par mois, et donc 360 000 par an, si jamais le FAI ne suspend pas la connexion Internet dans les quinze jours qui suivent la notification par la HADOPI, à raison de 5 000 euros par manquement, cela fera une grosse somme !

Le problème, et sans doute trouverai-je un relais du côté de M. Dionis du Séjour et de M. Tardy, c’est qu’au moment où nous la votons, cette loi est techniquement inapplicable. Et comme il n’est pas précisé que les dispositions dont nous débattons ne s’appliqueront qu’au 1, er, janvier 2011, à supposer que tous les obstacles techniques aient été surmonté dans les douze ou dix-huit mois à venir,…

...force est de dénoncer la disproportion totale entre les capacités techniques des fournisseurs d’accès à Internet et ce délai de quinze jours, ridiculement court : pour l’heure, les opérateurs sont dans l’incapacité de suspendre uniquement la connexion Internet sans affecter d’autres services, téléphonie ou télévision, particulièrement dans les zones non dégroupées. Même si ce point n’a pas été rendu public, cela concerne aujourd’hui – c’est inscrit noir sur blanc dans le rapport de l’ARCEP – 3 millions de foyers dans notre pays et ce nombre est en augmentation.

Après avoir refusé, madame la ministre, monsieur le rapporteur, tous les délais ô combien raisonnables qui visaient à assurer un principe d’égalité des citoyens devant la loi, voilà que vous nous en proposez un, un seul, et particulièrement coercitif ; totalement invraisemblable puisqu’il est techniquement impossible à un FAI de couper l’accès à Internet dans les quinze jours – à l’heure actuelle, il faut des mois – sauf à créer des discriminations entre abonnés.

Voilà une nouvelle preuve de la fragilité de votre projet de loi. Avec ce délai de quinze jours, vous créez une rupture d’égalité entre les abonnés : suivant le type d’abonnement qu’ils auront souscrit et le FAI qu’ils auront choisi, la coupure pourra intervenir dans les quinze jours ou beaucoup plus tard. Encore une raison qui nous amènera à saisir le juge constitutionnel.

L’amendement propose que la coupure de l’accès à Internet soit notifiée non par la commission de protection des droits, mais par une autorité judiciaire compétente.

Contrairement à ce que semble penser Mme la ministre, nous ne méconnaissons pas la possibilité pour l’État ou les pouvoirs publics de déléguer certaines compétences à une autorité administrative indépendante. Ce n’est pas sur ce point que porte notre contestation. En revanche, deux décisions au moins du Conseil constitutionnel, remontant à la fin des années quatre-vingt ou du début des années quatre-vingt-dix, ont rappelé qu’une telle délégation de compétence était possible, à la condition qu’elle ne conduise pas à une privation ou à une restriction des libertés individuelles. Sur ce point, vous prenez donc un risque constitutionnel, puisque la HADOPI sera par le fait amenée à prononcer des mesures restreignant les libertés individuelles de nos concitoyens.

Par cet amendement, nous essayons donc de vous protéger juridiquement, en proposant que la coupure de l’accès à Internet soit prononcée par un juge, avec toutes les garanties que prévoit la procédure judiciaire : le contradictoire, la présomption d’innocence et les droits de la défense.

Faut-il rappeler l’excellent amendement n° 138, voté par 88 % des députés du Parlement européen, aux termes duquel toute coupure de l’accès à Internet, considéré comme un droit fondamental, ne peut intervenir sans décision préalable de l’autorité judiciaire ?

Non, monsieur Gosselin. Je me réfère non au rapport de M. Lambrinidis, mais à l’amendement n° 138, sur le paquet Telecom, voté par les députés européens.

La valeur juridique d’un rapport, qui n’est pas normatif, peut sans doute être contestée, comme M. le rapporteur ou Mme la ministre se plaisent à le répéter. Tel n’est pas le cas d’un amendement adopté par le Parlement. Songez que le droit européen rattrapera probablement votre projet de loi avant même que celui-ci soit techniquement applicable.

Par le Conseil, justement, ce qui n’empêche qu’il ait été voté par l’Assemblée !

[...]

Le rapporteur présente cet amendement n° 320, qu’il a fallu rectifier une deuxième fois pour adapter les délais, comme un succès personnel. Or c’est le fruit de la mobilisation de l’opposition qui a réussi à porter le délai de sept jours, d’une funeste brièveté, à trente jours. Nous continuons à regretter cependant qu’on ne l’ait pas transformé en délai de deux mois, comme c’est la règle pour une décision administrative. Les internautes apprécieront cet allongement des délais et apprécieront de même le rôle joué par l’opposition pour l’obtenir.


20090212

En défendant l’amendement identique n° 267, je tiens d’abord à m’associer aux propos de Mme Billard, pour écarter toute confusion chez ceux qui suivraient le feuilleton de nos débats. De même que nous sommes contre la suspension de l’abonnement à Internet, nous sommes contre l’injonction. L’amendement vise donc à rendre l’action de la commission moins répressive, et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est allée dans le même sens, pour amortir le coup.

Reste que ce mauvais projet donne à la Haute autorité une latitude d’action qui laisse les députés de l’opposition perplexes. Nous saisirons d’ailleurs le Conseil constitutionnel sur ce point. En effet, la Haute autorité pourra, selon son bon plaisir, à la tête du client peut-être, choisir de suspendre l’abonnement à Internet ou, selon des critères qu’on ignore, se contenter d’une injonction. Ce pouvoir au mieux aléatoire, mais au vrai arbitraire, constitue une rupture d’égalité. Or le Conseil constitutionnel est particulièrement vigilant sur ce point. Nous souhaiterions donc que le rapporteur ou la ministre nous dise en fonction de quels critères la Haute autorité choisira la suspension ou l’injonction.

[...]

Madame la rapporteure, avec tout le respect que je vous dois, vous n’avez rien compris.

Non : je peux dire à Mme la rapporteur qu’elle n’a rien compris. Ce n’est pas désobligeant.

Je ne mets pas en cause ses capacités, je souligne une erreur d’interprétation qu’elle commet. Ou alors, elle a une telle affection pour le rapporteur qu’elle lui cède tout. J’ai observé en effet que chaque fois qu’il y a conflit entre la commission des lois et les commissions saisies pour avis, qui ont pourtant voté des amendements intéressants, les rapporteurs pour avis cèdent.

En effet, M. Gérard a tenu le choc.

Et puis, madame Marland-Militello, s’il y a bien trois magistrats dans la commission de protection des droits – un de la Cour des comptes, un du Conseil d’État et un de la Cour de cassation – il ne s’agit pas d’une procédure judiciaire, mais administrative, donc sans les garanties qui entourent une procédure pénale. De façon paradoxale, si un ayant droit saisit le juge pour délit de contrefaçon, passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende, l’internaute visé aura plus de garanties, s’agissant de la présomption d’innocence, des droits de la défense et de la procédure contradictoire, que si cet ayant droit saisit la Haute autorité, pour obtenir comme sanction la suspension de l’abonnement à Internet.

La logique de fond de ce projet de loi est bien de faire des dix-huit millions d’abonnés à haut débit que compte notre pays des suspects en puissance.

La présomption d’innocence ne joue pas : vous instaurez une présomption de culpabilité, et la charge de la preuve repose sur l’internaute.

L’amendement n° 267 prévoit que l’injonction faite par l’HADOPI portera sur la mise en œuvre d’un moyen de sécurisation « adapté à la configuration » de l’installation de l’internaute. Cette précision est indispensable. Or j’ai regardé de près les amendements n, os, 58 et 59 du rapporteur : ce point n’y figure pas.

L’amendement n° 58 vise seulement à ce que les mesures qui font l’objet de l’injonction soient prises « dans un délai » déterminé par l’HADOPI. Cela ne fait donc qu’ajouter au dispositif un nouveau critère aléatoire. Quant à l’amendement n° 59, il ne prévoit pas que le moyen de sécurisation pris par l’internaute doit être adapté à la configuration de son installation ; il se contente de préciser que ce moyen devra figurer sur une liste définie à un alinéa de l’article 2 que nous examinerons ultérieurement.

Voilà pourquoi, Mme la rapporteure pour avis, avec tout le respect que je vous dois, je vous ai dit que vous étiez trompée par le rapporteur de la commission saisie au fond. En fait, l’amendement n° 13, adopté par la commission des affaires culturelles et sociales, allait beaucoup plus loin dans la sécurisation ou, du moins, dans la protection de l’internaute que les amendements n, os, 58 et 59.

Mais non !

Cet amendement vise à insérer, après l’alinéa 78 de l’article 2, l’alinéa suivant : « Les personnes morales ne peuvent faire l’objet que de la sanction mentionnée au 2° du présent article », c’est-à-dire une injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté.

En effet, l’exposé des motifs du projet de loi lui-même précise que la « sanction alternative sous la forme d'une injonction délivrée à l'abonné de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement », mentionnée au 2° du nouvel article L.331-25, « est plus particulièrement destinée aux entreprises et aux personnes morales en général, pour lesquelles la suspension de l'accès à Internet pourrait revêtir des conséquences disproportionnées. »

Chacun, ici, peut comprendre la nécessité d’une telle mesure, nombre d’entre nous ayant des responsabilités dans des collectivités territoriales qui mettent en place, par exemple, des réseaux , ouverts, notamment dans les bibliothèques ou les espaces verts.

J’ajoute que le rapporteur lui-même a également affirmé que l’injonction s’adressait aux personnes morales en raison du « souci légitime de ne pas exposer les entreprises et les personnes morales à une privation de leur utilisation d’Internet, aux conséquences économiques potentiellement considérables. » Pourtant, cette précision ne figure pas dans le projet de loi. Notre amendement s’inscrit ainsi dans la même logique que celui de M. Gérard, qui visait à protéger les adeptes du télétravail contre une éventuelle suspension brutale de leur accès à Internet.

Mais j’entends déjà M. le rapporteur nous répondre que cela va de soi et qu’il faut faire confiance à la HADOPI, laquelle ne coupera évidemment jamais l’accès à Internet d’une entreprise, d’une collectivité territoriale ou d’une personne morale. Eh bien, il me semble qu’il vaut mieux l’inscrire dans la loi et exprimer ainsi clairement la volonté du législateur. Les meilleures lois sont celles qui énoncent clairement les choses.

On commence à vous connaître !

[...]

Cet amendement est une mesure de bon sens. Encore une fois, nous sommes contre ces alinéas. Nous voulons donc en quelque sorte faire votre bonheur malgré vous, puisque, craignant que ce texte ne soit voté, nous tentons, par ces amendements, de le sécuriser en anticipant les conséquences funestes de son application.

En l’espèce, il s’agit notamment de protéger l’économie du pays. Car enfin, chers collègues, vous savez bien que l’accès à Internet n’est pas accessoire dans la vie d’une entreprise ! C’est un moyen majeur de communication interne et externe sans lequel aucune entreprise ne pourrait actuellement fonctionner. Suspendre l’accès à Internet d’une entreprise aurait donc des conséquences totalement disproportionnées par rapport à l’objectif, au demeurant tout à fait louable, de protection des droits d’auteur. La CNIL a déjà souligné que ce texte instaurait un déséquilibre entre la protection du droit d’auteur et celle de la vie privée. En rejetant cet amendement, vous créeriez un autre déséquilibre, au détriment, cette fois, des intérêts économiques du pays et, je le dis sans esprit polémique, de l’emploi.

L’HADOPI, ce sont sept petites mains qui, quotidiennement, enverront 10 000 avertissements et 3 000 lettres recommandées et prononceront 1 000 suspensions : comment voulez-vous qu’elle procède à un examen au cas par cas ? C’est une des grandes faiblesses de votre projet de loi et l’une de ses contradictions majeures. D’un côté, vous plaidez en faveur d’un système automatisé ; de l’autre, vous nous expliquez que cette commission, composée de magistrats indépendants – combien de fois ne l’avons-nous pas entendu ! –, prendra des décisions au cas par cas, selon des critères encore inconnus de nous. Les risques d’erreur sont tels que nous essayons de limiter la casse, en évitant que votre texte n’ait pour conséquence de pénaliser l’activité économique de notre pays.

Je ne comprends pas pourquoi vous refusez un tel amendement, qui va dans le sens que vous souhaitez.

Très juste !

[...]

Le plaidoyer de Mme la rapporteure pour avis est tellement convaincant que je n’ai rien à ajouter, et je pense que nous voterons la suppression de l’alinéa 79 à l’unanimité.

[...]

Nous souhaitons tous avancer à bonne allure dans l’examen de ce projet de loi. C’est la raison pour laquelle je me suis contenté d’approuver le plaidoyer particulièrement convaincant de Mme Marland-Militello. Et voilà que nous allons perdre du temps, tout simplement parce que le rapporteur et Mme la ministre ne font pas les gestes que tout rapporteur et tout ministre font dans une discussion parlementaire.

Aux termes de cet alinéa, la commission peut décider que l’injonction « fera l’objet d’une insertion dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne », les frais étant supportés par les personnes sanctionnées. Mais cela n’apporte strictement rien, ni d’un point de vue pédagogique, ni d’un point de vue dissuasif. Cette disposition a un caractère purement punitif.

En outre, que penser de la publication dans des journaux à l’ère numérique ?

Enfin, critique que je réitère avec force, cette mesure relève de l’arbitraire. Le choix du support sera en effet soumis au bon vouloir de la HADOPI.

J’ai vécu plus d’un débat parlementaire dans cet hémicycle et il y a des sujets où il est nécessaire d’agir avec un peu de tact.

[...]

Monsieur le président, vous aurez noté notre souci de ne pas ralentir les débats. Cela dit, la réponse du rapporteur nous a interpellés, et notamment Mme Lebranchu, ancien garde des sceaux. M. Riester nous a indiqué en effet que c’était le juge qui décidait si le recours était suspensif ou non. Mme Lebranchu a répondu, le plus clairement possible, que soit le recours est suspensif, soit il ne l’est pas. Il est essentiel que nos concitoyens internautes sachent si, en cas de recours, la connexion à Internet sera immédiatement rétablie.

Mme Lebranchu a interpellé le président de la commission des lois pour qu’il nous donne son opinion en la matière. S’il ne lui a pas répondu, c’est sans doute parce qu’il n’a pas eu le temps de réfléchir.

Aussi, je demande, sur la base de l’article 58, alinéa 2, une suspension de séance afin de réunir mon groupe, en espérant qu’à la reprise de la séance la commission des lois pourra nous donner son avis sur cette question.

Où on a envie de chanter la Marseillaise.

[...]

Monsieur le rapporteur, cet amendement a été voté dans le cadre de l’article 88 de notre règlement. Pouvez-vous nous confirmer que c’est en vous fondant sur cet amendement que vous avez été conduit, de manière péremptoire, à répondre cet après-midi à Christian Paul que le recours est suspensif ?

Votre amendement, monsieur le rapporteur, vise à préciser que les « sanctions » – injonction ou suspension de l’abonnement – « prises en application du présent article peuvent faire l’objet d’un recours en annulation ou en réformation par les parties en cause devant les juridictions judiciaires, formé dans un délai de sept jours francs suivant leur notification à l’abonné ». Cela signifie que l’abonné n’aura que sept jours pour former un recours : au-delà de sept jours, il ne pourra plus former de recours devant le juge.

Et c’est ce que vous appelez un recours suspensif ! J’espère que cela n’a rien à voir !

De fait, cet amendement limite la possibilité pour l’abonné de former un recours devant le juge. S’il ne réagit pas dans les sept jours, il ne pourra plus en former. Que se passera-t-il pour un abonné parti en vacances durant deux semaines et dont on aura suspendu l’abonnement à Internet ? Non seulement, lorsqu’il reviendra, son abonnement sera suspendu mais comme, de plus, les sept jours francs après la notification de la sanction seront passés, il ne pourra même plus former de recours devant le juge !

Un amendement apparemment innocent dissimule en fait un ébranlement invraisemblable de notre État de droit ! Le déséquilibre ainsi créé au nom de la protection du droit d’auteur – après sept jours l’abonné n’aura plus aucun droit de recours – conduit à ce que la raison l’emporte : monsieur le rapporteur, retirez cet amendement indigne !

Il est ici question d’une décision d’une haute autorité administrative, donc d’une décision à caractère administratif, par délégation des pouvoirs publics. Or tous nos concitoyens savent qu’ils disposent d’un délai de deux mois pour déposer un recours contre une décision administrative dont ils estiment qu’elle leur porte préjudice.

Aussi, puisque vous inscrivez votre action dans une perspective pédagogique, donnons dans la simplicité et que tous nos concitoyens sachent que, dès lors que l’HADOPI prendra une sanction à leur encontre – injonction ou suspension de leur abonnement –, ils disposeront de deux mois pour former un recours, comme c’est le cas pour toute décision administrative.

Tout à fait !

Qui disait cela ? Des noms !

Qu’est-ce qui nous dit que c’est le vrai Nicolin ?

Bien sûr !

Très bien !

[...]

Nous retrouvons ici ce que nous appelons communément la double peine. On peut même parler de triple peine, sachant que l’abonné devra continuer à payer son abonnement sans bénéficier de la prestation due en contrepartie. Sanction financière, sanction administrative et sanction pénale se cumulent. Voilà le résultat pour ne pas avoir abrogé les dispositions de la loi DADVSI.

La CNIL a fait valoir que les ayants droit auront un pouvoir exorbitant de qualification des faits. Ils seront, en effet, en mesure de saisir soit l’HADOPI, pour sanctionner administrativement le manquement à l’obligation de surveillance, soit le juge au titre d’un délit de contrefaçon.

Plusieurs collègues ont comparé la coupure de l’accès à Internet à la coupure d’eau ou d’électricité en faisant référence au droit de la consommation, et nous avons avec nous, en Mme Lebranchu, une spécialiste de ce sujet. Mme de Panafieu, ici présente, indiquait dans une interview au , : « Une coupure d’abonnement Internet, ce n’est pas pire qu’une coupure d’eau ou d’électricité. »

M. Nicolin en a parlé également.

Permettez-moi, à cet égard, de citer les propos de notre collègue sénateur Bruno Retailleau, repris dans l’excellent rapport de Mme Marland-Militello :

« Dans le cas où la suspension de l’accès Internet serait prononcée par la commission de protection des droits, il convient d’écarter alors l’application des dispositions générales prévues par le code de la consommation concernant les contrats de services de télécommunications électroniques : en effet, la suspension constitue une modification contractuelle ; or, au titre de l’article L. 121-84 du code de la consommation, le fournisseur de services devrait normalement informer le consommateur de ce projet de modification au moins un mois avant son entrée en vigueur et lui indiquer qu’il peut, tant qu’il n’a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité de résiliation et sans droit à dédommagement, jusque dans un délai de quatre mois après l’entrée en vigueur de la modification. Ces dispositions sont évidemment inapplicables en cas de suspension imposée par l’HADOPI à titre de sanction. »

Si bien qu’à ce moment du débat, et grâce à la perspicacité du sénateur Retailleau, nous en arrivons à une quadruple peine : aux sanctions pénale, administrative et financière vient s’ajouter une quatrième sanction, que nous avions laissée de côté, consistant – je parle toujours sous le contrôle de Mme Lebranchu – en l’impossibilité pour l’internaute de bénéficier des dispositions plus protectrices du code de la consommation.

Nous proposons de supprimer les alinéas 84 à 88 de l’article 2, c’est-à-dire le nouvel article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle. Nous sommes en effet très défavorables à ce qui constitue l’une des originalités de ce projet de loi, à savoir la possibilité pour l’HADOPI de proposer une transaction. La Haute autorité pourrait ainsi sanctionner selon son bon vouloir : en envoyant une injonction, en suspendant l’abonnement à Internet ou en proposant une transaction – comme les instituteurs d’antan donnant un coup de règle sur les doigts d’un élève.

Cela revient quasiment à copier-coller le mécanisme de sanctions voté par la majorité à l’article précédent. Nous estimons pour notre part qu’il est préférable de supprimer ce dispositif marqué par un caractère fortement aléatoire : actuellement, ni le Gouvernement ni le rapporteur ne sont en mesure de nous indiquer sur quels critères l’HADOPI choisirait de suspendre la connexion d’un abonné ou de lui proposer une transaction. La loi serait donc appliquée à la tête du client par une haute autorité administrative, sans que soient garantis un certain nombre de principes généraux du droit. Cette nouvelle incertitude juridique contribuerait à la rupture d’égalité provoquée par ce texte et viendrait s’ajouter, si l’amendement n’était pas adopté, aux éléments que nous invoquerons à l’appui de notre saisine du Conseil constitutionnel.

[...]

Nous n’acceptons pas cette méthode. Nous, nous sommes en pleine forme et nous pouvons passer la nuit à travailler. Même si la séance reprend à neuf heures et demie demain matin, nous serons là pour défendre l’État de droit face à un projet de loi qui remet en cause nos libertés individuelles dans des conditions qui nous amèneront à saisir le juge constitutionnel. Point de fatigue chez les députés de l’opposition !

Comment le rapporteur peut-il se borner à dire « défendu » ? Certes, il agit sur la pointe des pieds. Pour qui regarde de près ses amendements – ce que nous faisons car c’est notre rôle –, il apparaît qu’il durcit systématiquement les dispositions initiales proposées par le Gouvernement ou celles adoptées par nos collègues sénateurs.

M. Riester a ainsi subrepticement durci le texte en début d’après-midi. Dans le texte initial du Gouvernement, je le rappelle, la suspension de l’abonnement à Internet était au minimum de trois mois et au maximum d’un an. Le Sénat, avec une certaine sagesse, avait fait passer cette durée minimale de trois à un mois. Or qu’a fait M. Riester ? Il s’est engouffré dans la brèche et a porté la durée minimale à deux mois. Voilà ce qu’il a fait passer grâce à ses amis de l’UMP !

Nous regardons donc de près les amendements du rapporteur, d’autant que nous avons noté qu’il voulait limiter à sept jours la possibilité de recours devant le juge par les internautes. Alors qu’avec l’évolution du droit au niveau européen, il faudra une décision préalable du juge avant de couper l’abonnement Internet, M. Riester souhaitait lui que la décision , soit confirmée dans les sept jours suivant la notification à l’abonné de la suspension de son accès à Internet.

Mesdames et messieurs de la majorité, il est minuit vingt, mais sachez quand même ce que vous vous apprêtez à voter. Nous, nous sommes en pleine forme et nous faisons notre boulot. Voici donc quelle était la rédaction du Sénat :

« Art. L. 331-26. – Avant d’engager une procédure de sanction dans les conditions prévues à l’article L. 331-25, la commission de protection des droits peut proposer à l’abonné passible de sanction une transaction. »

La rédaction que nous propose M. Riester est la suivante :

« Art. L. 331-26. – Avant d’engager une procédure de sanction dans les conditions prévues à l’article L. 331-25, la commission de protection des droits peut proposer une transaction à l’abonné qui s’engage à ne pas réitérer le manquement constaté à l’obligation prévue à l’article L. 336-3 ou à prévenir son renouvellement. »

Ainsi, la transaction n’est plus proposée à tous les abonnés passibles de sanction, comme l’avait prévu le Sénat. Mais le rapporteur n’a pas cru utile de présenter cet amendement. Il s’est borné à dire « défendu ». Même si nous contestons le fondement de cette transaction, pourquoi cette dernière ne devrait-elle être proposée qu’à un nombre limité d’abonnés ?

À genoux et en joignant les mains !

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

[...]

Nous légiférons sur des choses sérieuses. Or le rapporteur ne prend même pas la peine de présenter son amendement, ce qui nous amène à contre-argumenter, à expliquer pourquoi la disposition proposée nous pose problème. Mais il ne nous répond même pas.

Je demande une suspension de séance de dix minutes pour réunir mon groupe, au vu des conditions dans lesquelles nous délibérons. Nous écrivons la loi de façon tout à fait imprécise.

Il est clair que le rapporteur et la ministre ne maîtrisent plus rien sur le plan technique. , Depuis vingt et une heure trente, la ministre et le rapporteur pataugent.

Voilà la réalité ! Cela fait trois heures qu’ils pataugent ! C’est la raison pour laquelle je ressens le besoin de réunir mon groupe pour faire le point sur les conditions de ce débat.

et , Elle dort !

Nous sommes à l’origine de cet amendement par souci de précision.

La transaction permet de proposer des sanctions de moindre importance mais qui restent des sanctions. Que les choses soient claires : elle ne permet en aucun cas d’échapper à la sanction. Ainsi, la suspension, au lieu d’être de deux mois minimum à un an maximum pourra être ramenée de un à trois mois.

À bien y réfléchir, ce principe de transaction a quelque chose de judéo-chrétien. C’est un peu le confessionnal : si vous avouez votre péché et que, de surcroît, vous vous engagez à ne pas recommencer, le confesseur – en l’occurrence l’HADOPI – peut faire varier la pénitence, et ce qui distingue la transaction de la sanction, ce n’est finalement que le nombre d’, et de , !

Le texte du Sénat parlait de simples « mesures » ; nous souhaitons préciser qu’il s’agit toujours de sanctions. Car, comme on le sait grâce à Mme la ministre et à M. le rapporteur, la sanction est dissuasive, pédagogique, mais jamais répressive !


20090208

Monsieur le président, madame la ministre de la culture, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous examinons actuellement la composition du collège de la Haute autorité, qui doit comprendre neuf membres : un membre du Conseil d’État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, de l’Académie des technologies et du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique , quatre personnalités qualifiées étant désignées – en vertu de l’alinéa 23 – sur proposition conjointe des ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture.

L’amendement n° 407 vise à trouver – cela semble une évidence – dans la composition de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet des éléments d’équilibre entre les ayants droit et les internautes. C’est pourquoi notre amendement tend à préciser que, sur les quatre personnalités qualifiées, deux, au moins, représentent les utilisateurs des réseaux de communication en ligne.

Nous souhaitons qu’au sein du collège de la HADOPI, les internautes soient représentés. Ils ont été, rappelons-le, les grands absents des travaux qui ont conduit à la rédaction et au dépôt de ce projet de loi. Madame la ministre, vous nous répétez, à l’envi, que des accords historiques ont été signés à l’Élysée, il y a un an et demi, sous la haute autorité du Président de la République et vous indiquez que le monde de la culture et de l’Internet était représenté. C’est vrai pour ce qui concerne les opérateurs d’Internet. Mais les internautes, en tant que tels, n’étaient pas représentés. Ils ont été les grands oubliés de ces accords de l’Élysée, tout comme les consommateurs ; mais, quelque part, les deux se mêlent. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les internautes soient représentés dans le collège de la HADOPI. Nous le leur devons.

Vous considérez que votre projet de loi doit avoir des vertus pédagogiques, ce que nous contestons. Il serait souhaitable qu’au moins la pédagogie, que vous mettez en avant, puisse conduire à modifier le projet de loi dans le sens que nous vous proposons.

Comment ?

Ça rame !

Vous nous provoquez !

[...]

Je vois bien que le rapporteur de la commission des lois essaie de faire preuve d’un peu d’imagination, mais, force est de constater que voilà un amendement pour rien ! , )

On peut même dire que cet amendement va à contre-courant de l’histoire en prenant pour référence la composition du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour justifier de la nomination de deux personnalités qualifiées supplémentaires, respectivement désignées par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat, alors que tout le monde s’accorde à dire que la composition d’une autorité indépendante comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel est insatisfaisante. Tous les membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel ont, en effet, été nommés par un Président de la République de droite ou un président de l’Assemblée nationale de droite ou encore un président du Sénat de droite. De ce fait, sa composition est monocolore. La réflexion démocratique voudrait que le régulateur des médias, en tant que garant du pluralisme, en revoie la composition pour y introduire du pluralisme et de la diversité afin qu’elle ne puisse être contestée.

Donc, ajouter dans le collège de la HADOPI deux personnalités qualifiées supplémentaires, l’une désignée par le Président de l’Assemblée nationale, l’autre par le Président du Sénat, et ce juste après avoir refusé deux amendements prévoyant, pour le premier, un représentant des internautes, et pour le second – c’était notre amendement – deux représentants des internautes, parmi les quatre personnalités qualifiées mentionnées à l’alinéa 23, je vous le dis, monsieur le rapporteur, c’est presque de la provocation !

Assumez, monsieur le rapporteur !

Évidemment !

Il est évident que Mme la ministre donnerait un avis favorable quand le rapporteur de la commission des lois lui sert ainsi le plat, si j’ose m’exprimer ainsi ! Monsieur Riester, vous êtes devenu le porteur d’eau du Gouvernement ! Vous êtes certes membre de la majorité, mais là !

Dans son projet, le Gouvernement prévoit que le président est élu par le collège de la HADOPI, composé de onze membres – et non neuf – quatre personnalités qualifiées, cinq personnalités désignées par différentes institutions telles que, entre autres, le Conseil d’État, la Cour des comptes et la Cour de cassation auxquelles viennent s’ajouter deux personnalités, suite à l’adoption de l’amendement de M. Riester.

Et le rapporteur de la commission des lois propose maintenant, par cet amendement, que le président ne soit pas élu par les membres du collège de la HADOPI, mais soit nommé par décret, par le pouvoir exécutif, après avis des commissions du Parlement peut-être, mais sachant que l’opposition, dans le cadre constitutionnel en vigueur, ne pourra jamais s’opposer aux noms proposés, puisqu’elle sera toujours minoritaire. Nous avons longuement évoqué ce problème lorsqu’il s’est agi de fixer le nouveau mode de désignation du président de France Télévisions, de celui de Radio France et de celui de l’audiovisuel extérieur de la France.

En l’occurrence, monsieur le rapporteur de la commission des lois, après avoir exclu les internautes du collège de la HADOPI, après avoir, de façon cosmétique, prévu deux personnalités supplémentaires désignées par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, proposition dont on ne comprend pas vraiment les motivations, vous en rajoutez encore en proposant que le président soit nommé par le pouvoir exécutif. Et vous prétendez encore que la HADOPI est une haute autorité indépendante ! Il y a de quoi rire !

Cela ne change rien !

Vive le Sénat !

Le 30 mars, le ridicule tue autant que le 1, er, avril !

[...]

Je m’étonne presque que le rapporteur de la commission des lois ait donné un avis favorable à ces amendements. Il aurait été incontestablement mieux inspiré en donnant un avis favorable à celui de la commission des affaires économiques, qui, nous insistons, monsieur Riester, nous aurait permis d’avoir la certitude que des représentants des internautes siégeront au sein du collège de la HADOPI.

Par la position que vous avez prise, et en dépit de toutes vos dénégations, vous avez refusé que nous inscrivions de manière certaine dans la loi que les représentants des internautes seront représentés au sein du collège de la HADOPI. Nous restons dans un contexte totalement aléatoire. Oui, monsieur le rapporteur de la commission des lois, vous avez exclu les internautes de la HADOPI.

Quant à l’amendement de la commission des affaires culturelles, émanant d’ailleurs du groupe GDR, la non révocabilité est effectivement un élément déterminant. En l’occurrence, les membres de la HADOPI auront une chance que n’ont plus le président de France Télévisions, le président de Radio France ou le président de l’audiovisuel extérieur de la France.

Contrairement aux présidents des sociétés de l’audiovisuel, eux ne seront pas révocables.

[...]

L’amendement prévoit des incompatibilités entre les fonctions de membre de la Haute autorité et d’autres activités. Nous souhaitons que le secrétaire général de la Haute autorité soit soumis au même régime d’incompatibilité, pour que nous ayons les mêmes garanties d’indépendance.

L’objectif est le même. La fonction de secrétaire général doit offrir les mêmes garanties d’indépendance que celle de membre de l’Autorité. De plus, nous voulons éviter le cumul des fonctions.

[...]

C’est l’un des trop rares amendements qui ont été votés au sein de la commission des lois. Son objet est certes limité mais présente néanmoins un intérêt évident puisqu’il s’agit de rendre effective la prévention des incompatibilités que nous venons d’évoquer, visant à la fois les membres de la HADOPI et son secrétaire général, et d’éviter par là même d’éventuels conflits d’intérêt.

C’est pourquoi nous souhaitons que soient insérées après l’alinéa 43 les dispositions suivantes : « Un décret fixe le modèle de déclaration d’intérêts que chaque membre doit déposer au moment de sa désignation. »

Nous souhaitons porter de trois à cinq ans le délai minimal entre l’exercice de certaines fonctions, notamment dans l’industrie de la musique, et un mandat au sein de la HADOPI. Nous pensons en effet qu’un délai de cinq ans offre une meilleure garantie d’indépendance, la HADOPI étant bien, malgré les conditions de nomination de son président, une autorité indépendante.

[...]

Dans le même souci de rendre effective la prévention des incompatibilités et les éventuels conflits d’intérêt, nous proposons d’écrire qu’« un décret en Conseil d’État fixe le modèle de la déclaration d’intérêts que chaque membre de la Haute autorité doit déposer au moment de sa désignation ».

L’affaire est un peu plus sérieuse, si j’ose dire. L’alinéa 47 dispose : « Les rapporteurs chargés de l’instruction de dossiers auprès de la Haute Autorité sont nommés par le président. » Nous souhaitons ajouter un alinéa ainsi rédigé : « Les rapporteurs chargés de l’instruction des dossiers ne peuvent participer au délibéré des recommandations ou décisions qu’ils préparent », car nous considérons que la loi doit être en conformité avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, portant garantie d’un procès équitable.

[...]

Nous faisons référence à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et au droit qu’a chaque citoyen internaute à un procès équitable, et cela nous conduit à l’aspect dissuasif et pédagogique du projet de loi. M. le rapporteur et Mme la ministre traitent avec un peu de légèreté les mails d’avertissement ou les recommandations qui seront envoyés : « Un petit mail pour faire un peu de pédagogie, ce n’est pas grand-chose, messieurs, dames ! »

Or c’est essentiel car, dans notre droit – c’est la raison pour laquelle nous tenons à cette référence à l’article 6 de la Convention –, les décisions au fond doivent exclusivement s’appuyer sur les éléments de preuve sur lesquels les parties ont la possibilité de se faire entendre. Dans le présent texte, les avertissements ou les recommandations relèvent de la catégorie des actes administratifs qui produiront des effets dans la sphère juridique des titulaires d’un accès à Internet.

Le mail d’avertissement étant lui-même une étape qui amène à la sanction future, il devrait donc faire l’objet d’une possibilité de contestation par l’internaute. C’est une des grandes faiblesses de votre projet de loi que de ne pas prévoir une telle procédure. C’est pourquoi nous réclamons le respect des principes d’un procès équitable dès la première étape que constitue le mail d’avertissement. Nous voulons donc que soit inscrite dans la loi la référence à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

[...]

Tout à l’heure, madame la ministre, vous avez semblé lever le pied au sujet des chiffres sur lesquels vous insistiez tant à chacune de vos interventions publiques et de vos auditions devant les commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale, chiffres qui sont gravés dans nos esprits. « Le projet de loi “Création et Internet” », déclariez-vous, « sera calibré au départ » – on imagine ce que ce sera à l’arrivée ! – « pour envoyer 10 000 e-mails d’avertissement, 3 000 lettres recommandées et 1 000 décisions de suspension d’abonnement chaque jour. » C’est sur la base de ces statistiques, et en fonction du nombre d’agents de la HADOPI – puisque nous le savons grâce à Mme Marland-Militello –, que notre collègue M. Tardy a calculé qu’une décision de suspension devrait intervenir, me semble-t-il, toutes les 23,5 secondes.

C’est cela, 25 secondes ; j’étais un peu sévère avec le Gouvernement.

En proposant de supprimer les alinéas 54 à 56 – ou 53 à 56 avec l’amendement précédent –, nous voulons insister sur une question essentielle, dont le projet de loi ne parle pas : que se passera-t-il avant que la HADOPI ne soit saisie ? Cela reste flou, de sorte que les SPRD, les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur et droits voisins, et le CNC, qui sont visés un peu plus loin dans le texte, feront inévitablement appel à des entreprises privées pour traquer les internautes. Curieusement, le projet de loi ne dit rien sur cet aspect, et nous n’avons donc aucune garantie.

Nous avons été plusieurs à vous interpeller sur le sujet, madame la ministre. Que se passera-t-il pour les internautes que vous voulez traquer, et qui verront leur abonnement suspendu après avoir reçu des e-mails d’avertissement ? Comment les entreprises privées opéreront-elles ? Qui les labellisera ? Le texte ouvre la porte à toutes les dérives dans la surveillance de l’Internet.

En effet, vous venez de le faire.

Si la HADOPI le veut bien !

Je demande la parole, monsieur le président.

Autant de contrevérités !

[...]

On ne peut tout de même pas laisser dire autant de contrevérités. J’ai presque envie de demander à Mme la ministre et à M. le rapporteur d’assumer enfin leur texte et ses conséquences ! En effet, c’est de ce texte dont nous débattons aujourd’hui – et qui, par la volonté de la majorité, sera sans doute la loi demain – que nous essayons de mesurer les conséquences.

M. Paul a évoqué cette fusée à deux étages, et le fait que le projet de loi n’évoque pas – ou si peu – la saisine. Qui saisira la HADOPI des faits répréhensibles visés par le projet de loi ? Il s’agira manifestement de sociétés privées – des , – payées pour cela par les ayants droit.

De même, au second étage de la fusée, vous avez parlé de quelques agents publics dont on ne connaît d’ailleurs pas bien le statut – les « petites mains » de votre propos peu élogieux – et qui seront amenées à gérer – répétons-le, puisque vous avez vous-mêmes donné ces statistiques – 10 000 mails d’avertissement, 3 000 lettres recommandées et 1 000 suspensions par jour.

En ce domaine ô combien sensible, nous ne voulons pas autre chose que le respect d’un certain nombre de principes fondamentaux du droit. Compte tenu du risque considérable d’erreurs – qu’ont démontré Mme Billard, M. Paul et d’autres –qui seront commises sur l’identité des internautes incriminés, permettez au moins que nous disposions de garanties de procédure équitables, que le principe de la présomption d’innocence soit respecté, et que le « contradictoire » soit pris la règle !

C’est pour toutes ces raisons que l’amendement n° 115 vise tout simplement à ce que cette procédure se déroule sous le contrôle d’un juge, conformément aux fondements de notre État de droit. Faut-il rappeler que le Parlement européen a voté à 88 % en faveur d’un amendement n° 138, selon lequel toute interruption de l’accès à Internet – un droit fondamental – ne peut se faire sans décision préalable du juge ?

M. le rapporteur a voulu souligner que les membres de la HADOPI seront des magistrats indépendants : ayez l’honnêteté de ne pas entretenir la confusion. On dit de même que les membres de la Cour des comptes ou du Conseil d’État sont des magistrats indépendants mais, en l’occurrence, il s’agit d’une procédure judiciaire ! Nous ne parlons pas de la composition de la HADOPI, mais des garanties qu’apporte une procédure judiciaire.

C’est pourquoi cet amendement n° 115, parce qu’il fait référence à des éléments essentiels touchant à nos données personnelles, à la protection de notre vie privée et à un certain nombre de libertés individuelles fondamentales, demande des garanties élémentaires.

Nous vous avons démontré – et nous continuerons de le faire tout au long du débat – combien votre projet de loi est bancal, au plan technique d’abord et au plan juridique ensuite. Le nombre d’erreurs est tel que les garanties que nous demandons – qui sont celles de toute procédure judiciaire – s’imposent.


20090211

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

[...]

Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement et concerne le déroulement de nos travaux.

Chacun a remarqué que, sur ce projet de loi, l’opposition a pour objectif de faire un travail pédagogique. Nous nous opposons à ce texte, certes, mais de manière constructive, puisque nous formulons des contre-propositions. Nous avons ainsi défendu notamment la contribution créative à propos de la rémunération du droit d’auteur à l’ère numérique.

Ce faisant, les membres du groupe SRC et du groupe GDR sont amenés à avancer des arguments d’ordre technique – quelques-uns de nos collègues étant extrêmement compétents sur le sujet – et juridique. Ces arguments juridiques sont d’autant plus importants qu’ils ont trait à la défense de l’État de droit. Nous souhaitons en effet que les internautes soient avant tout considérés comme des citoyens, qui doivent bénéficier, dans le cadre du dispositif proposé dans ce texte, des garanties offertes par toute procédure judiciaire : présomption d’innocence, droits de la défense, procédure contradictoire.

Notre démarche est, je le répète, constructive. Nous avons déposé de nombreux amendements, certes, mais ceux-ci ne sont pas répétitifs, et personne ne peut nous accuser de vouloir prolonger indéfiniment les débats. Nous n’avons demandé que peu de suspensions de séance, et celles-ci ont, du reste, souvent eu pour origine des provocations émanant des bancs de la majorité.

Aussi souhaitons-nous, pour le bon déroulement de nos travaux – qui sont suivis par des millions d’internautes, comme en témoigne l’explosion du nombre des connexions sur le site de l’Assemblée nationale –, obtenir des réponses qui soient au niveau de nos questions. Nombre d’entre elles, qu’elles soient de nature juridique ou technique, n’ont en effet reçu, à ce jour, aucune réponse de la part de la ministre ou des rapporteurs. Et quand ceux-ci nous ont répondu, ils se sont contentés de faire référence à des enquêtes dont on ne connaît ni le fondement ni l’origine ou à des présupposés sur l’efficacité de la riposte graduée. Nous attendons au moins du Gouvernement et des rapporteurs qu’ils étayent davantage leurs arguments.

Pas aujourd’hui !

C’est de la provocation !

Ils sont scandaleusement trompés !

Ça n’a aucun rapport !

C’est vous qui les dressez les uns contre les autres alors qu’il faudrait les rassembler.

C’est faux !

, est gratuit !

Non, aux producteurs !

[...]

Parce que nous sommes viscéralement attachés à l’exception culturelle française, parce que nous voulons que le droit d’auteur perdure et puisse s’adapter aux évolutions technologiques comme il l’a toujours fait depuis deux siècles, nous refusons obstinément de rentrer dans la logique binaire dans laquelle vous voulez nous enfermer. Selon vous, il faudrait être soit du côté des artistes, soit du côté des internautes. Eh bien, nous refusons de choisir un camp contre l’autre ! Nous voulons concilier l’intérêt des internautes et l’intérêt des artistes.

Nous nous désolons de voir des artistes qui ont accès aux médias se tromper aussi lourdement sur ce qui se passe actuellement à l’Assemblée nationale.

Et s’ils se trompent lourdement, c’est que vous les avez trompés !

D’ailleurs, de manière révélatrice, M. Lefebvre, en bon porte-flingue qu’il est, a affirmé avec sa brutalité coutumière qu’il fallait tuer l’illégalité.

Selon les artistes qui se sont exprimés à l’Odéon lundi matin, la gratuité serait du vol et il faudrait la supprimer. Mais comment expliquer, de manière pédagogique, aux internautes que la gratuité serait du vol alors que des sites gratuits comme , , cité en exemple par M. Lefebvre lui-même, leur permettent d’accéder légalement à des milliers de contenus musicaux ?

Voilà toute l’ambiguïté de votre démarche. C’est en cela que vous trompez les artistes. Votre projet de loi ne rapportera pas un euro de plus à la création, car il ne prévoit aucun nouveau mode de rémunération.

Vous auriez dû nous écouter : grâce à une contribution de quelques euros sur chaque abonnement à Internet, des centaines de millions d’euros auraient pu être consacrées à la création.

Vous avez allégrement institué une taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet à l’automne dernier afin de compenser le manque à gagner des recettes publicitaires de France Télévisions. Mais pourquoi n’avoir pas fait bénéficier la création des 380 millions d’euros de son produit ?

On voit très clairement qui est pour et qui est contre la création dans ce pays !

Si nous entendons, par cet amendement, soumettre au contrôle du juge la coupure de la connexion Internet, qui remet en cause un droit essentiel de nos concitoyens, c’est que nous avons à l’esprit certaines décisions du Conseil constitutionnel.

Quand M. le rapporteur répète après Mme la ministre qu’une autorité administrative indépendante peut décider de la suspension de l’accès à Internet, il a tort. Certes, les pouvoirs publics ont la faculté de déléguer certaines de leurs compétences à des autorités administratives indépendantes, mais le Conseil constitutionnel a posé, à plusieurs reprises, des conditions à cette délégation : elle ne doit pas mettre en jeu des décisions privatives de libertés individuelles. Or ce serait bien l’effet de la coupure de la connexion à Internet.

Quelle horreur !

Rappel au règlement !

[...]

, Jusqu’à présent, on nous accusait d’être les complices des délinquants. Maintenant, nous serions les complices des pornographes ! Et pourquoi pas des pédophiles et des terroristes tant que vous y êtes ?

Monsieur le président, après les propos que vient de tenir Mme la ministre, je demande une suspension de séance de cinq minutes pour réunir mon groupe.

Plusieurs amendements comparables ont été déposés, qui visent à éviter un inconvénient supplémentaire, à savoir la possibilité d’un cumul de sanctions : suspension, limitation des services et injonction.

La procédure présente, de notre point de vue, bien des inconvénients. Je voudrais d’ailleurs en profiter pour répondre au rapporteur qui, avec beaucoup d’insistance, dit que la commission de protection des droits est composée de magistrats indépendants. Bien sûr, elle comprend un membre de la Cour des comptes, un membre du Conseil d’État et un membre de la Cour de cassation. Mais je lui ai déjà fait remarquer à plusieurs reprises que ce n’est pas parce que la commission de protection des droits est composée de magistrats indépendants que, de ce fait, nous nous trouvons dans un contexte de procédure judiciaire. Ce n’est pas une procédure judiciaire.

C’est d’ailleurs l’un des reproches que nous faisons à l’HADOPI : elle est en quelque sorte juge et partie. Elle est à la fois l’organisme qui va instruire la plainte des ayants droit et l’instance qui va décider de la sanction. Dans une procédure judiciaire, il y a une séparation – et nous le savons, puisqu’elle est actuellement remise en cause – entre celui qui instruit et celui qui juge.

Non seulement l’HADOPI n’est pas un organisme judiciaire, non seulement la procédure de sanction n’est pas une procédure judiciaire – si tel était le cas, les droits de la défense, le principe du contradictoire, la présomption d’innocence seraient respectés –, mais en plus, et ceci est une grave rupture d’égalité, ce texte ouvre la voie à l’arbitraire de l’HADOPI, étant donné le caractère aléatoire des mesures qu’elle peut prendre. Elle peut envoyer un ou plusieurs mails d’avertissement, envoyer une recommandation, décider de la suspension de l’abonnement, ou au contraire envoyer une injonction. Ce sera, je le répète, à la tête de l’internaute. Vous aurez peut-être la chance de n’avoir qu’une injonction après la recommandation, ou – pas de bol – vous verrez votre abonnement à Internet suspendu.

Ce caractère aléatoire, arbitraire, des mesures prises par l’HADOPI, nous conduit à répéter avec insistance que nous ne sommes pas dans une procédure judiciaire. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un certain nombre d’amendements, qui, hélas, ont tous été rejetés. Et nous les avons déposés parce que nous prenons en compte le contexte européen, notamment le contenu même de l’amendement n° 138, et aussi parce que, encore une fois, même si les pouvoirs publics peuvent confier à une autorité administrative la possibilité de prendre des sanctions, nous sommes dans un domaine de restriction des libertés individuelles. Et le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que seul le juge peut prendre des sanctions lorsqu’elles sont privatives de libertés individuelles.

L’amendement, assez unanime, que nous présentons aujourd’hui vise à éviter un inconvénient supplémentaire, qui serait, en plus de tout le reste, de par la rédaction adoptée par le Sénat, un cumul de sanctions. On imagine mal qu’il puisse y avoir à la fois suspension ou limitation des services et injonction. Ce cumul est d’ailleurs par nature contradictoire : s’il y a injonction, il n’y a pas de suspension de l’abonnement à Internet.

Je les ai auditionnés !

Nous parlons des artistes, nous !

Lequel ?

Un CD, ce n’est pas dix euros ! Vous n’en achetez jamais, on vous les offre !

[...]

Je ne sais pas s’il existe des décorations à l’UMP mais, incontestablement, notre collègue Patrice Martin-Lalande mériterait sinon de la patrie du moins de la majorité de cette assemblée.

Avec une compétence que tout le monde ne peut que lui reconnaître et beaucoup de constance, amendement après amendement, il essaie…

Non, vous allez voir.

…il essaie tout simplement de sauver la majorité du mauvais pas dans lequel elle s’est mise.

Plutôt que de vous réjouir, monsieur Gosselin, vous feriez mieux de porter attention au fait qu’avec des arguments d’une grande pertinence, Patrice Martin-Lalande, comme Lionel Tardy ou Jean Dionis du Séjour, essaie de sauver la majorité.

C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas participé au vote qui visait à substituer à la suspension de l’abonnement Internet une amende. Nous n’avons pas vocation, en tant que députés de l’opposition, à sauver la majorité ; les choses sont claires.

Ainsi Jean Dionis du Séjour a souligné qu’il y avait trois écoles dans cette assemblée. Nous, nous affirmons, depuis l’ouverture de ce débat, que ce projet de loi est un pari perdu d’avance, qu’il sera inapplicable et donc inappliqué comme l’a été la loi DADVSI. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé comme alternative la création d’une contribution créative afin de trouver un nouveau mode de rémunération pour la création culturelle dans notre pays.

Et pour ne pas perdre à nouveau de temps !

Le président Ayrault a qualifié tout à l’heure cette loi de nouvelle ligne Maginot. Nous savons ce qu’il advient des lignes Maginot, mais que de temps perdu !

Quel temps perdu pour les artistes qui, depuis trois ans, auraient pu bénéficier d’un nouveau mode de rémunération prenant en compte les nouvelles évolutions technologiques !

Si M. Martin-Lalande essaie désespérément de vous sauver, c’est parce que la suspension de l’abonnement à Internet présente trois défauts majeurs.

Premièrement, elle ne sera pas applicable techniquement avant douze à dix-huit mois. Le projet de loi que vous voulez nous faire adopter définitivement le 9 avril 2009 ne sera donc pas mis en œuvre avant le 1, er, janvier 2011. Quelle est cette pédagogie à retardement ? Par ce débat, vous prétendez alerter nos concitoyens, tous nos concitoyens et non pas seulement les plus jeunes, puisque, dans un pays qui compte 18 millions d’abonnés au haut débit, tout le monde télécharge ; il ne s’agit donc pas de donner un coup de règle sur les doigts à quelques enfants. Mais quel effet pédagogique aura une loi votée en avril 2009, qui ne s’appliquera que le 1, er, janvier 2011 ?

Deuxièmement, il est probable que le Conseil constitutionnel, que nous ne manquerons pas de saisir, considérera que la suspension de l’abonnement à Internet, décidée par une haute autorité administrative indépendante, et privative de liberté, introduit une rupture de l’égalité entre citoyens.

Troisièmement, le droit européen vous rattrapera avant que votre loi soit techniquement applicable. On rappellera à la France que l’accès à Internet est un droit fondamental qui ne peut pas être interrompu dans n’importe quelle condition. Les discussions actuelles sur le nouveau paquet Telecom montrent bien que vous allez à l’encontre de l’évolution du droit communautaire.

C’est pourquoi, chers collègues, nous ne participerons pas au vote. Nous ne nous mêlons pas de vos affaires.

Mais aidez au moins le soldat Martin-Lalande à sauver la majorité !


20090209

, Monsieur le président, je souhaite m’exprimer, en application de l’article 58 de notre règlement, sur les conditions dans lesquelles se déroule le débat que nous avons repris hier en fin d’après-midi et qui s’est poursuivi hier soir.

Amendement après amendement, l’opposition à laquelle se joignent d’ailleurs plusieurs députés de la majorité, essaie de démontrer combien ce projet de loi est inutile et inefficace. Nous souhaitons surtout montrer que les dispositions que le Gouvernement veut mettre en place seront facilement contournées et qu’elles donneront lieu à un très important contentieux. Avec l’anonymisation des adresses, le cryptage des contenus, et l’utilisation de certains logiciels qui existent déjà, il ne faudra pas être un , chevronné pour éviter les conséquences des dispositions que vous voulez nous faire voter.

Le caractère inapplicable de ce projet de loi est désormais prouvé. Nous avons exposé nos arguments à plusieurs reprises, mais nous avons été surpris que, la plupart du temps, ni les rapporteurs – notamment le rapporteur de la commission des lois – ni la ministre n’aient trouvé utile de nous répondre. Certes, les éléments que nous avons présentés étaient parfois ambitieux et techniques, mais il me semble que nous nous devons de maîtriser totalement ces questions – sans quoi nous légiférerions sans mesurer les effets des dispositions que nous votons.

Vous remarquerez que l’opposition n’a quasiment pas demandé de suspensions de séance ; elle n’a pas déposé d’amendements répétitifs. Nous cherchons tout simplement par notre travail à obtenir un certain nombre de garanties juridiques qui n’existent pas dans ce projet de loi, alors même qu’elles sont la traduction de principes fondamentaux du droit. Nous pensons, en effet, à nos concitoyens internautes qui doivent, selon nous, bénéficier des mêmes droits que tous les autres : droit à une procédure contradictoire, droit à la présomption d’innocence, garantie des droits de la défense… En conséquence, nous avons souhaité à plusieurs reprises – mais hélas ! vainement – que l’autorité judiciaire puisse intervenir dans la procédure.

L’actualité européenne pèse aussi terriblement sur nos débats, et nous avons été étonnés que M. Riester et Mme Albanel balaient les éléments que nous avons cités d’un revers de main en arguant qu’ils n’avaient aucune valeur juridique. Certes un rapport n’a pas de valeur juridique en soi, mais, en l’espèce, il traduit bien la réflexion du Parlement européen sur la question. Il montre aussi que la législation communautaire évolue à l’opposé des mesures que vous nous proposez, et il confirme ce que nous savions déjà : l’accès à Internet est un droit fondamental. L’interruption de cet accès remet donc ce droit en cause et, en conséquence, elle ne peut se faire que sous le contrôle du juge.

Sur le même sujet, alors que le nouveau paquet Télécom est en deuxième lecture au Parlement européen, nous regrettons que la France ait fait pression pour reporter le vote de ce texte au 21 avril, c'est-à-dire après la fin de la discussion parlementaire du projet de loi HADOPI. En effet, l’amendement 46 au nouveau paquet Télécom reprend l’amendement 138 de nos collègues Guy Bono et Daniel Cohn-Bendit. Le Gouvernement utilise un faux-fuyant alors que, plus que jamais, le débat nécessite de la clarté.

[...]

Je souhaite apporter mon soutien à Mme Billard. Il s’agit, en effet, d’un amendement de bons sens. Notre collègue a d’ailleurs indiqué, dans l’exposé sommaire, qu’il s’agit d’un amendement de précision. On pouvait donc penser qu’il passerait, si j’ose dire, comme une lettre – recommandée – à la poste. Or il n’en est rien.

On peut s’en étonner. En effet, cet amendement vise à protéger les données personnelles des internautes, dans une phase du processus qui nous préoccupe beaucoup, puisque la HADOPI ne sera pas encore saisie. Quelles seront ces entreprises privées qui iront traquer les internautes et récupérer leurs adresses IP ainsi que d’autres données personnelles, dont les coordonnées téléphoniques ?

Par ailleurs, vous nous dites, madame la ministre, que le téléphone est convivial et qu’il s’agit de discuter avec l’internaute. Mais quand les mails d’avertissement sont envoyés, aucune procédure contradictoire n’est prévue : ce n’est guère convivial ! À ce propos, je rappelle que le groupe SRC avait déposé un amendement, hélas rejeté au titre de l’article 40, qui visait à créer un service téléphonique gratuit – c’est bien le moins que l’on puisse faire – permettant aux internautes ayant reçu un mail d’avertissement de s’informer de ce qu’on leur reproche.

Le projet de loi ne contient aucune disposition qui faciliterait cette convivialité que vous appelez de vos vœux, madame la ministre. Nulle mesure ne prévoit un tel dialogue téléphonique avec les internautes, à moins que le Gouvernement ne décide finalement de créer un service téléphonique analogue à celui que nous avons proposé.

Surtout, aucune procédure contradictoire ne garantit à l’internaute la possibilité de se défendre. Or cette possibilité est d’autant plus importante que les risques de méprise et de fausse incrimination sont grands.

C’est vrai ! Nous défendons les artistes !

La HADOPI, censée, à entendre ceux qui la défendent encore, limiter le téléchargement qualifié d’illégal, se trouve à présent chargée d’une mission de labellisation des offres sur Internet. Le rapporteur introduit dans le texte, avec une grande légèreté, la notion d’offre légale alors que la neutralité des réseaux fait que, par définition, toutes les offres sont libres. Nous nous battrons donc pour supprimer les funestes dispositions de cet amendement. Nous le répétons avec force, seule une autorité judiciaire peut décider ou non de leur légalité.

C’est un principe fondamental du droit. C’est un élément majeur de ce qui fonde notre démocratie : l’autorité judiciaire est seule habilitée à déclarer qu’une offre est légale ou non. Donner ce rôle, comme le prévoit le funeste amendement du rapporteur, à une Haute autorité indépendante est une dérive inacceptable d’autant que le texte ne définit pas ce qu’est une offre ni à qui le label va être attribué. À la société qui propose des offres ou au service de communication au public en ligne ? Si plusieurs offres sont proposées sur un même site ou par différentes sociétés sur un même site, à qui ou à quoi va être apposé ce label ? Aucun critère n’est proposé par l’amendement.

De même, certains ayants droit exploitent des services de communication au public en ligne. On va donc créer un conflit d’intérêt. Un tel dispositif serait également discriminant pour les sites étrangers accessibles aux internautes français mais dont les offres ne seraient pas soumises aux éventuels « critères » de labellisation.

Je souhaite donc qu’il n’y ait pas de faux-fuyants sur cet amendement extrêmement important pour la suite de nos débats. J’attends en conséquence qu’on réponde précisément à nos questions. Je les rappelle pour conclure.

Comment peut-on donner à une Haute autorité le rôle de labellisation, de légalisation d’une offre sur Internet, qui par nature est libre ?

Comment peut-on accepter une procédure qui sera discriminante puisque c’est l’État, , la HADOPI, qui va favoriser en fait une offre par rapport à une autre ?

Comment va se faire concrètement cette labellisation ? Sur quels critères ? S’agira-t-il d’une labellisation de sites ou de produits ? Que se passera-t-il pour les sites contenant à la fois des offres légales et non légales ? Labellisera-t-on à moitié ou pas du tout ?

Comment se fera la mise à jour ? Cette question est loin d’être secondaire.

Comme il existe des millions de sites et de blogs, comment se fera le choix ? Enfin, dans quelles conditions se fera la définition de l’offre légale ?

On s’en fout !

Mais qu’est-ce qu’une offre légale ?

Mais qui décide qu’elle est légale ?

Jaimelesartistes.fr !

C’est bien l’objectif !

et , C’est plus prudent !

[...]

À chaque nouveau sous-amendement, nous nous enfonçons un peu plus, mais, plutôt que de liste noire évoquée par notre collègue Brard, je parlerai de liste blanche. D’ailleurs, la seule vraie question qui vaille est la suivante : pourquoi cette labellisation ? Quel est l’objectif ? J’observe que ni la ministre ni le rapporteur n’ont réellement répondu à cette question.

Le vote du Sénat a été invoqué. Mais si le Sénat a voté la labellisation des offres commerciales, c’est vous, monsieur le rapporteur, qui avez ouvert la boite de Pandore en supprimant la référence aux seules offres commerciales et en étendant la labellisation à toutes les offres présentes sur Internet.

Comme vient de le dire avec juste raison notre collègue Jean-Pierre Brard, si les libéraux s’opposent à cette logique de labellisation, c’est parce qu’ils croient à la neutralité des réseaux.

C’est parce que nous croyons à l’économie de marché que nous ne voulons pas inscrire dans la loi des règles qui visent à fausser la concurrence, à provoquer une rupture d’égalité et qui, à ce titre, sont anticonstitutionnelles.

En l’occurrence, vous proposez une labellisation étatique d’offres dont la légalité ne relève que de l’autorité judiciaire.

La révision proposée par Mme Marland-Militello selon une périodicité indéterminée – il y a vraiment de quoi s’inquiéter quant à l’écriture de la loi ferait que les offres soient, à un moment, légales, puis, un autre moment, illégales, labellisés puis délabellisées, présentes dans les sites de référencement puis retirées.

Sincèrement, cette volonté de labellisation étatique ne s’explique, fondamentalement, que par la méfiance chronique, congénitale, que vous avez à l’égard d’Internet. Vous voulez contrôler Internet parce que vous vous en méfiez et vous vous en méfiez parce que s’expriment sur Internet des contrepouvoirs qui vous gênent et qui gênent tout particulièrement la personne qui se trouve à la tête de l’État.

C’est le contraire !

C’est extrêmement dangereux !

[...]

Oui, mais pour bien comprendre ce que recherche Mme Marland-Militello par son sous-amendement n° 217, je voudrais relire l’amendement de M. Riester : « la Haute autorité attribue aux offres proposées par des personnes dont l’activité est d’offrir un service de communication au public en ligne un label permettant aux usagers de ce service d’identifier clairement le caractère légal de ces offres et elle veille à la mise en place ainsi qu’à l’actualisation d’un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communications électroniques ».

Votre démarche de labellisation de référencement et de légalisation – qui n’est pas l’affaire d’une haute autorité administrative indépendante – ne peut pas être plus claire. Au prétexte d’aider l’offre légale, c'est-à-dire l’offre commerciale, vous construisez une usine à gaz qui aura pour conséquence de remettre en cause la neutralité des réseaux et d’établir une labellisation d’État qui, espérons-le, comme l’évoquait Didier Mathus, fera fuir sans doute beaucoup de nos concitoyens internautes. La logique lourde qui vous anime traduit la réalité du rapport de méfiance que vous entretenez avec Internet.

Le sous-amendement de Mme Marland-Militello conduit à nous poser une nouvelle fois la même question.

Dans votre rapport, madame Marland-Militello, vous citez vous-même les chiffres concernant les moyens humains de l’HADOPI. Les « petites mains » évoquées hier par Mme la ministre seront peu nombreuses. Elles seront déjà chargées de prononcer une suspension toutes les vingt-trois secondes, et l’on voudrait leur imposer, en plus, de rédiger chaque année un rapport sur le développement de l’offre légale ? De qui se moque-t-on ?

[...]

Les réponses de M. le rapporteur et de Mme la ministre sont déconcertantes. À les entendre, il va de soi que l’ARCEP aura des contacts fréquents et réguliers avec l’HADOPI, mais il faut se garder d’introduire dans le texte la moindre référence à l’ARCEP ! Les sous-amendements s’inscrivent pourtant dans une logique de régulation, déjà évoquée à l’automne, qui devrait amener à fusionner la régulation des contenus et des tuyaux. Sans prétendre rouvrir ce débat, je rappelle qu’il est important.

Oon comprend pourquoi l’ARCEP gêne le Gouvernement. Il suffit de consulter le rapport qu’elle a rendu sur le projet de loi : ses réserves sur les obstacles techniques à la mise en œuvre du texte sont significatives et pertinentes. Elle pointe par exemple le fait que celui-ci aggravera les inégalités territoriales entre zones dégroupées et non-dégroupées. Elle signale en outre que, s’il est voté, il ne sera pas mis en œuvre avant plusieurs mois, tant les obstacles à lever sont nombreux, ce qu’ont également relevé les fournisseurs d’accès.

Le moment venu, il faudra encore évoquer le coût des propositions gouvernementales. Le CGTI, qui dépend de Bercy, a avancé le chiffre de 70 millions d’euros, au minimum. Autant de bombes à retardement qui lestent le projet de loi et confirment la nécessité d’y mentionner l’ARCEP.

[...]

Après l’adoption de l’amendement n° 50 deuxième rectification, l’HADOPI sera à la fois juge et partie puisqu’elle labellisera les offres légales mais aura également un pouvoir de sanction. Nous en faisons de ce fait une institution très schizophrène, ce qui est particulièrement dangereux.

Sur l’amendement présenté par nos collègues du groupe GDR, nous avons un regard positif dans la mesure où nous n’avons toujours pas eu de réponse à une question que nous avons pourtant posée avec insistance : qui l’article L.331-22 vise-t-il ? Cet article prévoit en effet que la commission de protection des droits agit sur saisine d’agents assermentés et agréés dans les conditions définies à l’article L. 331-2, et désignés par les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, les sociétés de perception et de répartition des droits et le centre national de la cinématographie, mais il ne dit pas dans quelles conditions se fait cette saisine.

Or, on parle beaucoup de ce qui se passe lorsque l’HADOPI est saisie, mais nous n’avons pas eu les réponses que nous attendions sur les conditions dans lesquelles elle est saisie. C’est pourquoi nous sommes particulièrement sensibles à l’amendement du groupe GDR, qui propose que la commission de protection des droits ne puisse agir que sur la base d’informations transmises par le procureur de la République.

S’il vous plaît, madame la ministre, évitez de citer systématiquement l’Allemagne comme étant l’exemple à ne pas suivre. Vous savez que la ministre allemande de la justice a eu des propos extrêmement sévères sur votre dispositif de riposte graduée, annonçant même qu’il allait provoquer de tels ravages qu’on en aurait l’écho jusqu’à Berlin ! Un ministre anglais a également porté un jugement défavorable. Les pays les plus proches du nôtre ne nous suivent pas, montrant une nouvelle fois, comme nous ne cessons de vous le dire, combien la France est isolée sur ce dossier.

Mme la ministre nous répète à satiété que la riposte graduée aura vocation à se substituer aux poursuites pénales actuellement prévues par la loi DADVSI.

Nous avions présenté un amendement visant tout simplement à abroger la loi DADVSI, loi promulguée en août 2006 qui n’a pas encore été appliquée, et qui ne le sera évidemment jamais puisqu’elle est tout aussi inapplicable que celle dont nous débattons aujourd’hui. Cet amendement ayant été rejeté, les sanctions pénales ne sont donc pas supprimées.

C’est la raison pour laquelle nous avons employé le terme de double peine, c’est-à-dire la possibilité de cumuler une sanction administrative et une sanction pénale. Nous avons même parlé de triple peine puisque s’ajoutera une sanction financière : un internaute dont l’abonnement aura été suspendu devra néanmoins continuer à payer cet abonnement sans avoir de prestation en contrepartie.

Outre l’accumulation disproportionnée des sanctions, la CNIL a relevé le pouvoir exorbitant donné aux ayants droit, qui auront la capacité de qualifier juridiquement les faits. En effet, des faits identiques pourront être qualifiés soit de manquement, associé à une sanction administrative, soit de délit de contrefaçon, associé à une sanction pénale, avec éventuellement une peine de privation de liberté.

La CNIL a déclaré qu’elle n’était pas en mesure de s’assurer de la proportionnalité d’un tel dispositif, dans la mesure où celui-ci laissera aux sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur et aux organismes de défense professionnelle le choix de la politique répressive à appliquer, sur la base d’un fondement juridique aux contours mal définis.

La Commission européenne, dans le cadre de la procédure de notification, a soulevé le risque que deux actions, l’une administrative et l’autre pénale, soient introduites en parallèle, le cumul de moyens de mise en œuvre pouvant donner lieu à plusieurs décisions différentes pour un même fait.

Nous voulons donc exclure explicitement la possibilité de cumuler sanction administrative et sanction pénale. Notre amendement propose que la commission de protection des droits ne puisse connaître des faits pour lesquels la juridiction judiciaire a été antérieurement saisie sur le fondement de l’article L.335-3. Il sera complété, après l’article 2, par un autre amendement visant à préciser que la juridiction judiciaire ne peut être saisie pour des faits traités devant la commission de protection des droits.

S’il s’agit vraiment de dissuasion et de pédagogie comme le répète à l’envi la ministre, les internautes ne doivent pas être sous la menace d’une double peine.

Vous parlez d’or !

Voilà !

Vous n’y êtes pas !

C’est ce que nous essayons d’obtenir !

Absolument ! Mais ce n’est pas le cas.

Pas du tout !

Ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte de loi !

[...]

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous êtes vraiment au pied du mur. Si vous aviez voulu être sincères dans votre démarche, encore eût-il fallu au préalable évaluer la loi DADVSI – comme cela du reste était prévu : cela devait être réalisé dans les dix-huit mois suivant sa promulgation, c’est-à-dire avant la fin 2007. Cela n’a pas été fait ! À partir du moment où vous nous vendez une démarche qui se veut dissuasive et pédagogique, le préalable aurait dû être d’abroger les dispositions de la loi DADVSI.

Au final, nous nous retrouvons dans une totale confusion. Sous la pression de qui nous savons, il y a le beurre et l’argent du beurre, fromage et dessert : on garde DADVSI au chaud, et on aura HADOPI en plus. Non seulement cela ne marche pas, mais toute votre démarche est désormais marquée par l’insincérité. Le cumul HADOPI-DADVSI qui revient à additionner sanctions pénales et administratives fait s’effondrer tout votre argumentaire sur la volonté d’adopter une approche pédagogique axée sur la dissuasion.

À cet égard, madame la ministre, je reviens sur une question majeure : le juge et la HADOPI ne s’autosaisissent pas, mais sont saisis par les ayants droit, c’est-à-dire par les organismes de défense professionnels ou les sociétés de perception et de répartition de droits d’auteur – les SPRD –, qui vont ainsi se retrouver avec la capacité exorbitante, notée par la CNIL, de qualifier eux-mêmes les faits. Selon leur bon vouloir, un peu à la tête du client, ou bien ils décideront qu’il s’agit d’un manquement à l’obligation de surveillance et transmettront le dossier à la HADOPI, ou bien ils considéreront qu’il s’agit de contrefaçon et ils saisiront le juge. Il faut lever l’ambiguïté !

On ne peut pas donner cette capacité exorbitante aux ayants droit ! Cela créerait une rupture d’égalité entre les internautes, inévitablement sanctionnée par juge constitutionnel que nous ne manquerions pas de saisir.

Madame la ministre, cette interpellation de la CNIL que nous faisons nôtre sur le pouvoir exorbitant des ayants droits de qualifier les faits et d’orienter le dossier vers HADOPI ou vers le juge, selon le client, n’aurait plus de raison d’être si vous aviez préalablement abrogé la loi DADVSI. Vous ne l’avez pas fait. C’est donc maintenant que vous devez répondre à cette interpellation de la CNIL que nous relayons.

Mais non !

[...]

Je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance. Il ne s’agit pas de retarder les débats – c’est la première suspension que je demande cet après-midi –, mais l’amendement n° 498, au profit duquel M. Suguenot a retiré son amendement n° 312, présente des similitudes avec les amendements en discussion ; je m’étonne d’ailleurs qu’il ne soit pas discuté en même temps qu’eux.

Nous avons besoin de cinq ou dix minutes pour nous mettre au clair sur cette affaire et aboutir à une rédaction commune, étant entendu que l’amendement n° 498 semble présenter bien des avantages.

[...]

Nous sommes vraiment confondus. Compte tenu des arguments pertinents qui ont été avancés, nous avons fait un geste en retirant notre amendement n° 252. C’est précisément parce que nous aimons les artistes et que nous sommes profondément attachés au droit d’auteur, que nous voulons l’adapter réellement à l’ère du numérique.

Nous l’avons répété à mille reprises, le droit d’auteur est tout à la fois un droit patrimonial à rémunération – et c’est pourquoi nous avons proposé la contribution créative – et un droit moral. L’auteur dispose en effet d’un droit inaliénable pour autoriser la diffusion de ses œuvres. Parallèlement, nous n’avons pas perdu de vue la chronologie des médias, qui, dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel, crée un cadre contraint, avec un calendrier de diffusion progressive des œuvres selon les supports.

Nous avons donc considéré que l’amendement n° 498 de notre collègue Suguenot présentait un double avantage : d’une part, il ne remet pas en cause la chronologie des médias, puisqu’il ne vise que les œuvres phonographiques ; d’autre part, il indique que l’auteur et les ayants droit doivent, pour atteindre l’objectif fixé par cet amendement, consentir à ce que l’internaute puisse télécharger cette œuvre si elle n’est pas disponible sur une offre commerciale. Aussi avons-nous retiré notre amendement au profit de l’amendement n° 498, dont je suis stupéfait d’entendre Mme la ministre dire qu’il ferait exploser le système. Ne respecte-t-il pas à la fois le droit moral des auteurs et la chronologie des médias ?

C’est scandaleux ! Vous êtes en train de faire pression sur les députés !

Vos pratiques sont inqualifiables !

Ce que vous faites est honteux !

Nous respectons le droit et la chronologie des médias !

Vous ajoutez de la confusion !

Mais la commission n’a pas été saisie ! Elle ne peut pas être défavorable !

[...]

Mais non !

C’est la pression des majors !

Vous êtes la ministre des lobbies !

Vous jouez contre les artistes !

C’est honteux ! C’est la ministre des majors !

Absolument !


20090214

Nous arrivons, si j’ose dire, à une haute étape de la procédure.

Nous nous sommes arrêtés ce matin aux moyens de sécurisation prévus aux alinéas 100 à 115, qui, nous l’avons déjà souligné plusieurs fois, compromettraient gravement l’industrie du logiciel libre dans notre pays, handicapant lourdement nos nombreux concitoyens qui utilisent des logiciels libres.

Je songe notamment, en cette période où ils sont particulièrement mobilisés, à tous les chercheurs et à tous les enseignants qui utilisent des logiciels libres pour travailler en réseau par la technique du , . Nombre d’entre eux nous alertent par e-mail sur le handicap manifeste dont souffriront leurs recherches et leurs échanges du fait de cette loi. Est-il utile de rappeler à une Assemblée aussi avertie qu’Internet fut créé par des universitaires ?

Les alinéas 100 à 115, en particulier les articles L. 331-31 et suivants, nous font donc pénétrer dans une zone à haut risque. Nous avons déjà évoqué cet aspect de la loi, et nous allons y revenir plus précisément. Les dispositions dont nous débattons tendent à créer un répertoire national des personnes dont la connexion à Internet a été suspendue. Il s’agit en quelque sorte, pour appeler les choses par leur nom, d’une liste noire privative de droits qui recensera tous les abonnés qui auront fait l’objet d’une suspension. Le contexte est dès lors celui du traitement automatisé des données personnelles, qui bénéficie d’une législation protectrice.

Or le problème est le suivant : les fournisseurs d’accès consulteront systématiquement le répertoire national chaque fois qu’ils ouvriront une ligne, de peur d’avoir affaire à un internaute dont l’abonnement précédent a été suspendu. Une fois encore, le caractère disproportionné du texte sur ce point valide les observations de la CNIL sur le déséquilibre patent, qui le caractérise et que nous avons maintes fois démontré, entre respect du droit d’auteur et respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel sera sans doute particulièrement vigilant s’agissant de ces dispositions attentatoires aux libertés individuelles.

[...]

Nous reconnaissons là la touche du rapporteur : toujours plus. Il ne vous suffisait pas que les FAI puissent consulter le répertoire lors de la conclusion de nouveaux contrats, non, il fallait encore qu’ils puissent le faire en cas de renouvellement de contrat.

Et cet ajout fait naître des inquiétudes supplémentaires, que j’aimerais que vous dissipiez.

J’aimerais savoir à partir de quel moment l’abonné sanctionné sera inscrit dans le répertoire. Est-ce que ce sera dès le moment où la commission de protection des droits lui aura notifié la sanction de suspension de connexion ? Attendra-t-on plutôt que le délai de trente jours dont il dispose pour déposer un recours – disposition adoptée hier – soit écoulé ? Cela paraîtrait logique puisque s’il forme un recours, c’est pour prouver sa bonne foi. Ensuite, sera-t-il tenu compte du délai de soixante jours – disposition adoptée ce matin – dont disposeront les FAI pour couper la connexion ?

La question se pose car tant que l’accès à Internet n’est pas coupé, la présence dans le répertoire n’a pas de sens puisque l’abonné n’ira pas solliciter un abonnement chez un autre fournisseur.

Ce texte souffre de multiples imprécisions et votre amendement, en contribuant à multiplier la possibilité pour les FAI de consulter le répertoire-liste noire, porte atteinte à la protection des données personnelles puisqu’il réduit leur confidentialité.

De ce fait, toutes les préventions de la CNIL se voient confirmées. Cela rend difficilement tenable votre argument selon lequel les travaux de la commission et les amendements du Sénat auraient rendu caduques les réserves de la CNIL.

L’avis de la CNIL n’a pas de caractère public et n’a pas été transmis aux parlementaires. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé une proposition de loi visant à ce que son avis sur les avant-projets de loi soit transmis aux parlementaires, dans un dialogue ouvert et permanent, et qu’un deuxième avis, après examen du texte au Sénat, voire un troisième, après les travaux de la commission, nous soient communiqués. Nous saurions alors vraiment si les réserves initiales qu’elles auraient sur un texte seraient ou non levées.

À l’heure actuelle, nous devons nous contenter des interprétations faites par les parlementaires qui siègent à la CNIL et qui prétendent parler en son nom.

Pour nous, elle seule a autorité et c’est son avis qui prévaut. En l’occurrence, s’agissant du présent projet de loi, elle a estimé qu’il y avait un déséquilibre manifeste entre protection des droits d’auteur et protection de la vie privée.

C’est vous qui l’instrumentalisez !

Encore heureux !

J’ai également auditionné la CNIL. Et je ne peux pas laisser M. Gérard dire que la CNIL est pleinement satisfaite du texte et que toutes les réserves qu’elles a émises en avril 2008 et auxquelles a fait référence Christian Paul ont été satisfaites.

Monsieur Gérard, vous qui êtes un honnête homme, vous savez fort bien que la CNIL émet encore aujourd’hui sur ce texte un certain nombre de réserves.

[...]

Notre groupe est à l’origine de ces amendements identiques qui ont été adoptés à la fois par la commission des lois, par celle des affaires culturelles et par celle des affaires économiques, ce qui devrait assurer leur adoption.

Dans l’exposé des motifs du projet de loi, il est indiqué que la « riposte graduée » ne se substitue pas aux sanctions pénales aujourd’hui existantes en cas de violation des droits d’auteurs ou droits voisins. Cette atteinte est considérée comme un acte de contrefaçon puni sur le plan pénal de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende en vertu des articles 335-2 et suivants du code pénal. Sur le plan civil, des dommages et intérêts peuvent être également décidés au titre du préjudice subi par la victime.

L’alinéa visé par ces amendements précise que les fournisseurs d’accès devront informer leurs abonnés, par une inscription dans le contrat d’abonnement, de leur obligation de surveillance de leur ligne Internet et des sanctions qui pourront être prises par la HADOPI. Si cette information est à nos yeux nécessaire – dans cet océan de répression, et non de pédagogie, qu’est le texte, il vaut mieux être informé des risques encourus –, elle demeure partielle, puisqu’il n’est pas prévu de faire figurer les sanctions pénales et civiles également encourues. Tel est donc l’objet de ces amendements : l’alinéa 107 ne doit pas seulement prévoir de faire figurer dans les contrats les risques de sanction administrative – la suspension de l’abonnement à Internet pour manquement à l’obligation de surveillance – mais également, puisque l’Assemblée a décidé malgré nous de maintenir les dispositions de la loi DADVSI, les sanctions pénales et civiles encourues par l’abonné en cas de violation des droits d’auteur et des droits voisins.

[...]

Cet amendement montre bien les limites de l’exercice !

De son point de vue, que nous ne partageons pas, je comprends le louable souci du rapporteur, qui craint que les internautes, lassés de recevoir régulièrement des courriels aussi subtils que « Télécharger tue la création ! » ou « La gratuité, c’est le vol », ne finissent par jeter par mégarde un courriel de recommandation ou d’avertissement de la HADOPI. Le rapporteur nous invite donc à lever le pied sur les messages pédagogiques relatifs aux risques du téléchargement dit illégal, qu’on peut lire y compris lorsqu’on visionne un DVD, voire à les supprimer, alors qu’il s’agit de vrais messages pédagogiques, même si souvent leur brutalité et leur côté effectivement un peu « trash » font plutôt rire nos jeunes concitoyens.

Cet amendement nous permet donc de soulever de nouveau un risque majeur, que nous avions évoqué il y a deux jours, à savoir que beaucoup de nos concitoyens internautes ne s’aperçoivent pas que la HADOPI leur aura envoyé un ou deux courriels les avertissant de l’imminence d’une sanction plus grave – la suspension de leur abonnement à Internet.

Cet amendement, qui traduit votre honnêteté, monsieur le rapporteur, ne fait donc que confirmer nos craintes en la matière : beaucoup d’internautes verront leur abonnement suspendu sans s’être auparavant aperçus de rien !

Cet amendement concerne le traitement automatisé des données à caractère personnel. Le texte prévoit la création d’un répertoire des personnes faisant l’objet d’une suspension – un véritable « Livre noir ». Nous avons bien compris que ces personnes ne pourront pas conclure de contrat avec un nouveau fournisseur d’accès à Internet puisque ce dernier pourra consulter ce répertoire.

Dieu sait si la question des fichiers est sensible dans notre pays – qu’on songe aux fichiers EDVIGE, STIC et autres. Il convient de désigner le répertoire établi par l’HADOPI pour ce qu’il est : un fichier. Or, à l’heure où l’on interconnecte les fichiers – sans doute l’une des plus graves menaces pour nos libertés individuelles et la protection de notre vie privée –, une notion reste essentielle sur laquelle la CNIL a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises avec force : la durée de conservation des données personnelles.

Je me souviens que nous avions déjà débattu de la question en 2004, au cours de l’examen de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.

Cette durée de conservation est simple à fixer : elle ne doit pas excéder la période pendant laquelle l’abonné fait l’objet d’une mesure de la part de l’HADOPI. Comme le soulignait Jean-Pierre Brard, laisser à un décret le soin de fixer ce délai de conservation n’est pas satisfaisant, d’autant que le délai suggéré par le rapporteur lui-même, à savoir trois ans, est pour nous excessif et ne se justifie pas.

Les prescriptions de la loi de 1978 dont il a été rappelé par M. Gosselin qu’elles s’appliquaient au projet HADOPI, soumettent les traitements de données à caractère personnel, et notamment la durée de leur conservation, à des conditions précises.

D’abord, « elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour. Les mesures appropriées doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées, soient effacées ou rectifiées ».

Ensuite, les données « sont conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées. »

C’est la raison pour laquelle nous déposons cet amendement de bon sens, qui vise à ce que ces données personnelles soient détruites, effacées, dès la fin de la procédure liant un abonné à l’HADOPI.

Si cet amendement n’était pas adopté, vous voyez le risque : un abonné étant sorti d’une procédure dans laquelle il était visé, si les données le concernant n’étaient pas effacées de ce répertoire, de ce fichier, de cette liste noire, il ne pourrait conclure un nouveau contrat avec un fournisseur d’accès à Internet, alors même qu’il ne ferait plus l’objet d’aucune mesure de la part de l’HADOPI.

Je ne voudrais pas que la réponse du rapporteur et de la ministre consiste à nous dire : « Faites-nous confiance. Il y aura le décret. » Vous avez parlé, monsieur le rapporteur, d’une durée de trois ans. Pour nous, cette durée n’a pas de sens en tant que telle, et surtout, elle ne va pas dans le sens que nous indique la CNIL : « une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ».

Nous attendons votre réponse, et nous saurons vous répondre.

[...]

Vous nous confirmez parfaitement, monsieur le rapporteur, que nous ne sommes pas d’accord.

Nous n’avons jamais dit que la suspension pouvait aller jusqu’à trois ans.

Non, monsieur le rapporteur, notre collègue Brard, qui est un parlementaire averti, a considéré, de manière très pertinente, et comme nous-mêmes, qu’il n’y avait aucune justification à ce que la durée de conservation des données puisse aller jusqu’à trois ans.

Vous nous avez honnêtement confirmé que telle était votre intention, monsieur le rapporteur. Nous en déduisons que le décret pris en Conseil d’État visera à ce que cette durée de conservation aille jusqu’à trois ans maximum. Il n’y a donc pas d’ambiguïté. La suspension, elle, est toujours d’un an maximum.

Mais alors, si elle est d’un an maximum, pourquoi faut-il conserver deux ans de plus dans ce répertoire le nom de ceux dont l’abonnement a été suspendu ?

Je répète les préconisations de la CNIL : les données « sont conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées. » La durée maximale devrait donc être la durée maximale de la suspension, c’est-à-dire d’un an et non de trois ans. Nos amendements s’en trouvent d’autant plus justifiés.

Très bien !

Pourquoi pas du Coulommiers ?

Ce qui revient à dire qu’il n’y aura pas de dessert !

Pour être extrêmement clair, l’exposé des motifs du projet de loi précise que l’HADOPI a vocation, en pratique, « à se substituer aux poursuites pénales actuellement encourues par les internautes qui portent atteinte aux droits des créateurs ».

En dépit de notre insistance, vous avez refusé d’abroger une disposition de la loi DADVSI, donc de supprimer les sanctions pénales – trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. Nous estimons, pour notre part, que les internautes ne doivent pas être soumis à ce que nous avons appelé, à juste raison et à plusieurs reprises, la double peine, c’est-à-dire sanction administrative et sanction pénale.

Vous avez laissé subsister, malgré nos appels à la raison, la capacité exorbitante des ayants droit de qualifier les faits et de saisir le juge pour contrefaçon ou l’HADOPI pour sanctionner le manquement à l’obligation de surveillance. Cet aspect aléatoire subsiste. Vous avez refusé d’abroger les dispositions de la loi DADVSI. Face à ce risque de double peine, il convient d’offrir aux internautes un certain nombre de garanties élémentaires. Dès l’instant où l’HADOPI est intervenue et a sanctionné un internaute fautif, selon elle, une poursuite pénale pour contrefaçon ne doit pas être déclenchée.

Je le rappelle, la CNIL qui s’est beaucoup penchée sur ce texte, comme nous l’avons rappelé voici peu de temps, a conclu qu’elle n’était pas « en mesure de s’assurer de la proportionnalité d’un tel dispositif dans la mesure où il laissera aux seuls [ayants droit] le choix de la politique répressive à appliquer sur la base d’un fondement juridique dont les contours sont mal définis ».

La Commission européenne, dans le cadre de la procédure de notification sur ce projet de loi, a interpellé le Gouvernement français en soulevant le risque que « deux actions, l’une administrative et l’autre pénale, [soient] introduites en parallèle. Le cumul de moyens de mise en œuvre pourrait donner lieu à plusieurs décisions différentes pour un même fait. »

Donc, ne pas voter cet amendement, dont l’objectif tend à éviter tout cumul dans le temps de deux sanctions pour un même fait, laisserait vraiment subsister une double peine évidente.

[...]

Si vous étiez de bonne foi, monsieur le rapporteur, vous auriez vraiment l’occasion de le prouver en votant notre amendement. Votre réponse n’est pas satisfaisante. Je ne vois pas ce qui vous empêche, à partir du moment ou l’HADOPI aura fait son travail en sanctionnant l’internaute, de préciser dans ce texte de loi que l’internaute ne vivra pas dans une insécurité juridique. En effet, non seulement il se verrait privé d’Internet pendant un mois, trois mois, voire un an, mais il connaîtrait une insécurité juridique puisqu’un ayant droit pourrait, pour le même fait, saisir le juge pour délit de contrefaçon.

En refusant cet amendement, je vous le dis sincèrement, monsieur le rapporteur, vous justifiez nos craintes les plus vives, car, dans l’état d’écriture du projet de loi, les internautes seront soumis à la double peine – sanction administrative et sanction pénale.

Enfin, en maintenant, après le travail prétendument pédagogique de l’HADOPI, l’internaute dans une telle insécurité juridique, vous validez une démarche répressive. Votre texte n’est, par conséquent, en rien pédagogique et dissuasif.

Il a le pistolet sur la tempe !

Elle a aussi le pistolet sur la tempe !

[...]

Vous vous plantez grave, diraient les jeunes. Quand on écrit la loi et qu’on qualifie un nouveau délit, il faut immédiatement prévoir la peine correspondante.

L’observation de Jean Dionis du Séjour est extrêmement pertinente, et une telle disposition fera l’objet d’une censure implacable du Conseil constitutionnel. À partir du moment où il y a trois niveaux de peine, il est indispensable de dire quelle peine est appliquée pour le délit de contrefaçon qu’est la captation d’un film dans une salle cinématographique.

Une telle disposition pose donc un problème, à supposer qu’elle soit appliquée un jour, comme la loi HADOPI d’ailleurs, et l’air de contentement de M. Lefebvre d’avoir découvert la poule aux œufs d’or fait presque sourire en cette fin de débat.

Qu’il faille lutter contre la captation totale ou partielle d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle en salle de spectacle cinématographique, oui, mais, si 450 000 films sont téléchargés chaque jour comme on nous l’a répété à satiété durant tout ce débat, ce n’est pas à partir d’une captation en salle, c’est avec des copies de bien meilleure qualité.

Comme l’a dit Mme Kosciusko-Morizet, il y en a certains qui en sont encore à la préhistoire. Il y avait la femme de Cro-Magnon avec Mme la ministre, il y a maintenant l’homme de Neandertal avec M. Lefebvre.

[...]

Cet article 5 a toute une histoire ; nous sommes en terrain particulièrement labouré, sur le plan législatif.

La première fois que nous avons été amenés à légiférer au sujet d’Internet à l’Assemblée nationale, c’était en 1999, par le biais d’un amendement posant les bases de ce que devait être la responsabilité des intermédiaires techniques, hébergeurs et fournisseurs d’accès. Nous étions confrontés à l’époque à un certain nombre de procédures judiciaires visant des hébergeurs. Il fallait combler le vide juridique qui avait par exemple permis qu’un hébergeur, Valentin Lacambre, soit poursuivi pour son site d’hébergement Altern sur le terrain de sa responsabilité civile, avec des demandes de dommages et intérêts tellement énormes qu’elles le condamnaient à cesser toute activité. J’ai eu l’honneur de porter cet amendement dans la loi sur l’audiovisuel promulguée en 2000.

Parallèlement a été élaborée la directive européenne à laquelle Jean Dionis du Séjour vient de faire référence, transposée en droit interne par la loi sur l’économie numérique de 2004. C’est ainsi que la responsabilité des hébergeurs et fournisseurs d’accès a été établie de façon qu’ils ne deviennent pas des censeurs de l’Internet, c’est-à-dire qu’ils ne se retrouvent pas dans une situation où, leur responsabilité étant engagée, ils soient conduits à prendre des mesures préventives qui établiraient une véritable censure de l’Internet. Comme cela vient d’être dit, si Internet ne doit pas être un espace de non-droit, il doit également rester un espace de liberté. Nous devons réaffirmer notre attachement à la neutralité des réseaux.

De ce fait, nous sommes extrêmement préoccupés par cet article. Nous retrouvons une vieille tentation des ayants droit. Je ne leur en veux pas ; ils essayent par tous les moyens de faire valoir leurs revendications. Plusieurs organisations d’ayants droit ne cachent pas leur volonté d’utiliser cet article, qui réécrit un article du code de la propriété intellectuelle voté dans le cadre de la loi sur l’économie numérique et modifié récemment en mars 2007, pour obtenir du juge des mesures de filtrage et empêcher l’accès à tel ou tel contenu.

Or, madame la ministre, vous nous l’avez rappelé, votre bréviaire, pour ne pas dire votre Bible, ce sont les accords de l’Élysée : de ces accords a jailli la lumière. Eh bien, dans les accords de l’Élysée avait été prévu de la manière la plus claire qu’il ne serait pas permis d’ordonner des mesures de filtrage.

Nous sommes préoccupés par le non-respect du principe essentiel de subsidiarité. Dans la rédaction actuelle de l’article 5, la notion « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin » est tellement large que le juge risque, en l’interprétant, d’être amené à ordonner aux intermédiaires techniques de prendre des mesures de filtrage.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements visant à ce que ces mesures soient, , , proportionnées. Le président de la commission des affaires économiques étant présent, je l’inviterai à prendre la mesure de ce que nous essayons de lui dire, Jean Dionis du Séjour et moi-même.

Il faut absolument que le filtrage du Net soit une mesure proportionnée au regard des objectifs poursuivis et respectueuse des libertés. Dans les cas précis où il n’y a pas de contestation pour filtrer le Net et qui ont été rappelés – terrorisme, négationnisme, racisme, pédophilie –, il convient naturellement que les intermédiaires techniques assument pleinement leurs responsabilités.

Mais, au-delà, toute obligation supplémentaire ferait porter sur les intermédiaires techniques une telle responsabilité qu’ils seraient amenés à prendre des mesures de filtrage inacceptables.

Non, non.

Vous n’avez absolument pas compris ce que j’ai dit !

Je suis étonné, monsieur Ollier, que vous vous en soyez pris ainsi à l’opposition, car j’ai développé exactement les mêmes arguments que , et , …

Quelle attitude ? Je n’ai rien dit !

J’ai seulement donné des conseils à M. Ollier qui a pris cela pour des leçons ! En l’occurrence et pour parler de l’essentiel, je veux dire que nous avons confiance dans le juge. Nous avons d’ailleurs tellement confiance en lui que nous avons, à maintes reprises tout au long de l’examen de ce projet de loi, demandé que la responsabilité de l’interruption de la connexion à Internet soit confiée au juge et non à une autorité administrative indépendante, la mesure étant privative de liberté individuelle.

Donc nous avons confiance dans le juge, et nous ne souhaitons absolument pas supprimer son rôle essentiel dans cet article, bien au contraire ! Seulement, nous estimons que la rédaction actuelle de l’article 5 le place dans une situation de contrainte, avec une seule solution à sa disposition : imposer des mesures de filtrage à des FAI ou à des hébergeurs. Nous ne le voulons pas.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons introduire l’adjectif « proportionnées » après le mot « mesures » dans l’alinéa 2 de l’article 5. Ce n’est qu’un adjectif, monsieur le rapporteur, mais il est essentiel. Nous souhaitons qu’il soit écrit : « toutes mesures proportionnées ». Ce n’est rien un adjectif, et ça change tout. Il s’agit de faire en sorte que le juge puisse appliquer des dispositions en proportion du délit commis.

En cas de négationnisme, de racisme, d’antisémitisme, de pornographie, de pédophilie ou de terrorisme, la mesure de filtrage est la sanction qui s’impose ; elle est proportionnée. Pour tout le reste, et notamment ce qui touche à l’application du code de la propriété intellectuelle dont nous n’ignorons pas la complexité, laissons au juge le soin d’infliger une sanction qui soit proportionnée.

Ne créons pas une situation d’insécurité juridique pour les fournisseurs d’accès à Internet et les hébergeurs qui les conduise à se protéger de manière préventive par l’introduction des dispositions de filtrage.

J’espère vraiment vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur : ce n’est qu’un adjectif, mais il essentiel. De plus, je le dis et le répète en dépit des affirmations de M. Ollier, nous sommes toutes et tous d’accord sur cet article. Encore faut-il écrire la loi dans un sens qui amène le juge à bien faire son travail, de manière juste.

[...]

Nous essayons de faire notre travail, et de le faire dans un esprit constructif.

Nous essayons de donner un peu de solidité juridique à votre texte sur un article 5 qui ne pose fondamentalement pas de problème, à partir du moment où les précisions nécessaires y sont apportées pour éviter toute méprise quant à son interprétation et à son application.

M. Tardy vient de vous rappeler que nous sommes dans un cadre où le droit communautaire est extrêmement précis.

Ce n’est pas le rapport Lambridinis, monsieur le rapporteur, qui n’a aucune portée juridique ! Nous avons là un cadre de droit communautaire extrêmement précis.

On l’a toujours dit ! Ne nous faites pas de procès d’intention ! De la même manière, nous avons dit que l’amendement n° 138 avait été voté par 88 % des eurodéputés.

Mais non !

Nous sommes dans un cadre communautaire précis, et la Communauté européenne ne veut pas faire porter aux intermédiaires techniques une obligation de surveillance des réseaux dont ils ont la responsabilité. À partir du moment où vous ne mettez pas l’adjectif « proportionnées », vous induisez une obligation de surveillance, dite filtrage.

Nous saisirons le juge constitutionnel sur cet article 5, et, comme la norme communautaire est supérieure aux normes de notre droit interne, vous fragilisez inutilement cet article. Puisque nous sommes d’accord sur l’objectif recherché, si vous aviez accepté notre amendement, vous aviez toutes les garanties juridiques. C’est vraiment dommage que, par réaction et uniquement parce que cet amendement vient de l’opposition, vous n’assuriez pas cette solidité juridique nécessaire. C’est du sectarisme, monsieur le rapporteur ! Excusez le terme, mais il s’impose à ce moment précis de notre discussion.

, !

Quel entêtement !

C’est l’objectif !

Absolument.

Le cas me semble désespéré, malgré les plaidoiries de Maître Dionis. Nous essayons, madame la ministre, de vous convaincre de respecter la norme communautaire et, par là même, de faire confiance au juge sans le placer dans une situation impossible, sous une pression continuelle qui le conduirait à faire porter sur les intermédiaires techniques une obligation de surveillance générale des réseaux. C’est ce contre quoi l’Union européenne s’est prononcée dès 2000, et la raison pour laquelle nous avons légiféré en 2004.

Si vous refusez cet amendement, c’est vraiment parce qu’il sera venu de l’opposition, car il ne vise qu’à rappeler le principe de subsidiarité tel qu’il figure dans le droit communautaire et la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Selon ce principe, un juge peut prescrire d’abord aux hébergeurs éventuellement responsables et, à défaut, aux fournisseurs d’accès à l’Internet, toute mesure propre à prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne. Ce principe, qu’il me paraît essentiel de rappeler à ce moment du débat, est défini au I, alinéa 8, de l’article 6 de la de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004.

Ne plaçons pas, je le répète, les intermédiaires techniques dans une logique qui les conduirait à filtrer les contenus qu’ils hébergent ou auxquels ils donnent accès.

Cette possibilité existe déjà !

[...]

Nous sommes tous attachés au droit d’auteur et au code de la propriété intellectuelle ; mais il y a quand même des limites à tout. Vous considérez que le terrorisme, la pédophilie, la pornographie, le négationnisme, le racisme ou l’antisémitisme ne sont pas plus graves qu’une violation du droit d’auteur.

Le président Ollier faisait allusion à sa vision de la société, qui serait différente de la nôtre ; soit.

Toute société comporte une échelle de valeurs. Dieu sait si je suis attaché au droit d’auteur et aux droits voisins ; Dieu sait si je considère que les ayants droit doivent défendre leurs droits, comme le leur permet fort heureusement le code de la propriété intellectuelle depuis deux siècles ; mais, dans un projet de loi prétendument pédagogique, casser toute échelle de valeurs et expliquer, notamment aux plus jeunes de nos concitoyens, qu’un téléchargement illégal est assimilable à un acte terroriste, un propos raciste ou antisémite, ou encore à la diffusion d’images pornographiques ou pédophiles, revient à ruiner l’objectif pédagogique affiché. Or c’est ce que vous êtes en train de faire en refusant d’amender l’article 5.

L’article L. 335-12 du code de la propriété intellectuel se contente de poser le principe d’une obligation de surveillance d’un accès à internet contre tout acte de piraterie. On nous propose de réécrire cet article, sous la forme de l’article L. 336-3, à l’article 6 du présent projet de loi. Le dispositif serait donc élargi avec une obligation de sanction et des clauses d’exonération.

Nous avons déjà abordé cette question à l’article 2, à propos de la procédure de sanction de la HADOPI. Il ne s’agit pas de sanctionner la mise à disposition d’œuvres protégées par le droit d’auteur ou les droits voisins, ni le téléchargement illégal en tant que tel ; il s’agit de sanctionner l’absence de surveillance de la connexion à Internet qui aurait permis ces actes de téléchargement illégal. Le lien entre le téléchargement illégal et la sanction est donc indirect, ce qui nous paraît très grave, car on ne respecte pas ici un principe général du droit, fondateur de l’état de droit : le principe de l’imputabilité de la faute.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 6 viole même le principe de la personnalité des délits et des peines. Un père de famille – celui-là même qui a souvent été appelé à la rescousse dans nos débats – risquerait donc d’être sanctionné à la place d’un autre, qui aurait téléchargé illégalement une œuvre protégée : l’un de ses enfants, son voisin qui se serait connecté à son réseau wifi ou toute autre personne ayant usurpé son adresse IP. Il ne serait pourtant complice ni directement ni indirectement de l’acte qu’on lui reprocherait.

L’internaute aura les plus grandes difficultés à prouver sa bonne foi, puisque l’on ne part pas du principe, lui aussi fondateur de notre état de droit, de la présomption d’innocence, mais du principe contraire, celui de la présomption de culpabilité – qui, dans ce projet de loi, fait de tous les internautes des suspects en puissance. Comment l’abonné pourra-t-il prouver qu’il n’a pas téléchargé une œuvre protégée ? Mme la ministre a suggéré qu’il pourrait prendre son disque dur sous le bras et l’apporter à la HADOPI. Notre collègue Gagnaire nous a mis en garde : il ne faut pas confondre le disque dur avec le circuit d’alimentation de l’ordinateur. Quand bien même l’internaute se pliera à cette procédure, cela ne prouvera rien.

Autre problème : l’abonné pourra être exonéré s’il a mis en œuvre un des moyens de sécurisation, mais lui demandera-t-on de prouver que ces moyens étaient activés au moment du délit ?

Enfin, pourquoi l’abonné ne serait-il puni du défaut de surveillance de sa connexion que si cela a permis le téléchargement illégal d’œuvres protégées, et non des échanges autrement plus graves ? Madame la ministre, nous reprenons ici une préoccupation que vous avez exprimée à propos des parents qui doivent protéger leurs enfants du visionnage de contenus pornographiques ou les empêcher d’être entraînés dans un réseau pédophile.

Ces questions sont posées, auxquelles il n’est pas apporté de réponses. Une fois de plus, un article du projet de loi place l’internaute dans une grande insécurité juridique.

[...]

Après l’article 5, l’article 6 : ensuite, nous lèverons le pied, monsieur le président, je vous rassure !

Comme tout président qui a pour mission d’aller jusqu’au bout de la séance !

Il ne s’agit pas de ralentir nos débats, mais l’article 6, comme le précédent, est lourd de conséquences.

Bien sûr, Mme la ministre et M. le rapporteur nous ont expliqué que l’HADOPI était basée sur le fait qu’il ne s’agissait pas de sanctionner le téléchargement illégal, mais le manque de surveillance et de sécurisation de sa connexion Internet. Nous ne le contestons pas. Reste que de nombreuses questions, très précises, se posent. Je voudrais faire référence à deux mails que j’ai reçus, qui m’interpellent et qui concernent tous deux le monde de la recherche, grand utilisateur de logiciels libres, qui, du fait de ces dispositions, est particulièrement inquiet et se sent en insécurité.

Permettez-moi de citer ces mails : « En ces temps de discussion à propos d’une réforme de la recherche en France, il me semble regrettable de fabriquer une loi qui pourrait potentiellement mettre de nombreux chercheurs dans une totale insécurité juridique.

« En effet (…) de nombreux chercheurs sont utilisateurs de logiciels libres, or la majorité des logiciels libres s’obtiennent , des protocoles , Cela place non seulement les chercheurs, mais également tous les utilisateurs de logiciels libres dans une double insécurité. À la fois au sujet de l’outil de sécurisation » – c’est ce dont nous parlons actuellement – « mais également sur les moyens de se procurer les logiciels libres.

« Pour en revenir à la recherche à proprement parler et non uniquement les moyens de la recherche, de nombreuses équipes francophones travaillent sur les protocoles , Il serait, à mon sens, opportun d’amener cette réflexion au sein de l’hémicycle. »

Voilà qui est fait, cher internaute chercheur !

Je terminerai en citant le second mail que j’ai reçu : « Comme de nombreuses universités et écoles d’ingénieurs, nous hébergeons une partie de nos étudiants dans des résidences étudiantes – non affiliées au CROUS – dont nous assurons entièrement la gestion. À ce titre, nous mettons à disposition de chacun de nos étudiants hébergés – plus d’un millier dans le cas de l’INSA – un accès gratuit au réseau Internet.

« Cet accès à Internet est effectué directement , le réseau RENATER – le réseau national de télécommunications pour la technologie, l’enseignement et la recherche – auquel plus de 1 000 établissements ayant une activité dans les domaines de la recherche, de la technologie et de l’enseignement sont raccordés. Nous avons par conséquent un rôle de FAI auprès de nos étudiants, bien qu’aucun contrat ne soit établi et que l’accès soit fourni à titre gracieux.

« Ma question est donc la suivante : les établissements d’enseignement supérieur offrant un accès à Internet aux étudiants qu’ils hébergent dans des résidences dont ils ont la gestion doivent-ils se sentir concernés par les dispositions concernant les FAI prévues dans le projet de loi ? »

Voilà les questions qui nous sont posées continuellement et qui démontrent une nouvelle fois, avec l’article 6, que l’on se trouve face à une insécurité juridique qui touche non seulement l’internaute en tant que personne physique – et nous reviendrons dans un instant sur les personnes morales –, mais plus largement tous ceux qui, notamment dans des réseaux de recherche ou d’enseignement, utilisent des protocoles , et, de ce fait, les logiciels libres.

Nous souhaitons que les entreprises, les collectivités territoriales, les universités, bref, toutes les personnes morales ne soient pas soumises à vos funestes dispositions, lesquelles se limiteraient aux personnes physiques. Nous pensons notamment aux collectivités territoriales et nous faisons appel à l’esprit de responsabilité du maire de Coulommiers mais aussi aux universités qui mettent à disposition du public des réseaux Wi-Fi, par nature ouverts.

Martine Billard, Serge Blisko et moi-même sommes tous trois députés de Paris, et nous pouvons vous dire qu’il y a 400 points d’accès Wi-Fi dans la capitale.

Certes, mais comme nous sommes des élus de la nation, je précise qu’il y a près d’un million de points d’accès gratuit en France, que ce soit dans les mairies – comme sans doute à Coulommiers ! –, les administrations, les hôpitaux, les lycées, les résidences universitaires, les gares, les aéroports, les hôtels, etc. Aujourd’hui, nombre de nos concitoyens se connectent à Internet dans une bibliothèque municipale ou dans un jardin public, sans qu’il soit possible pour la personne publique de vérifier l’usage qui est fait de la ligne.

En ce qui concerne un autre type de personne morale, comme l’entreprise, la CNIL, que nous avons souvent invoquée ici, a fait part de ses inquiétudes quant au risque que les chefs d’entreprise mettent en place, pour se protéger, un système de surveillance généralisé, donc individualisé, de leurs employés, l’employeur ayant obligation de surveiller sa ligne Internet. C’est l’occasion pour nous de pointer à nouveau les conséquences dommageables tant sur le plan économique que social de la suspension de l’abonnement à Internet dans une entreprise ou dans une collectivité locale en cas d’usage jugé illicite. Pour toutes ces raisons, notre amendement propose d’exclure les personnes morales de l’obligation de surveillance de leur accès Internet, et donc des sanctions possibles , l’HADOPI. Nous estimons que ces dispositions sont essentielles, notamment pour assurer et sécuriser un certain nombre d’activités économiques de notre pays – pour ne pas dire toutes !

Et les vrais pirates ? Ils ont les moyens, eux !

[...]

Christian Paul a décelé une faille supplémentaire. Il est assez étonnant qu’à l’issue de ce débat, la ministre se soit contentée de nous répondre que ceux qui disposent de plusieurs accès à Internet ne sont pas si nombreux ! Cette réponse vaut son pesant d’or !

Les vrais pirates au sens du code maritime, qui font du téléchargement illégal une activité lucrative et auront les moyens de disposer de plusieurs accès à Internet, pourront donc passer par les trous de ce gruyère qu’est en effet la loi HADOPI.

Pour immortaliser nos débats, je tiens à rappeler avec force que la ministre a répondu à Christian Paul, qui lui demandait ce qu’il en était des internautes disposant de plusieurs accès à Internet : « Ils sont quand même rares ! » Cela, c’est de la loi !

La rémunération pour copie privée prévue par le code de la propriété intellectuelle a pour objet de compenser le manque à gagner subi par les auteurs, artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes ainsi que les éditeurs, du fait des copies réalisées dans les conditions précisées dans les articles du code de la propriété intellectuelle. Cette rémunération vise notamment l’enregistrement de programmes audiovisuels par différents matériels audiovisuels, les magnétoscopes VHS ou numériques notamment.

Cette rémunération, exception au droit d’auteur, est une rémunération forfaitaire due pour chaque support. Son montant est calculé suivant la nature du support et la durée d’enregistrement qu’il permet. Elle est versée par le fabricant mais aussi par l’importateur, afin de ne pas pénaliser les produits fabriqués sur le territoire national.

Des évolutions technologiques permettent désormais l’accès à des services en ligne dématérialisant l’action physique d’enregistrement. Les copies sont réalisées dans les conditions fixées par le code de la propriété intellectuelle sur des supports qui ne sont pas individualisables. Les modalités de fixation de la rémunération ne sont donc pas applicables de fait.

L’objet de cet amendement est de soumettre les nouveaux services d’enregistrement en ligne dématérialisés au versement d’une rémunération proportionnelle au profit des ayants droit et déterminée par la commission de la copie privée.

Nous nous inscrivons ainsi dans la lignée de la loi Lang de 1985 et réaffirmons notre attachement à la rémunération de la création. C’est pour les artistes que nous avons déposé cet amendement.

Le présent projet de loi contraint les internautes à la mise en œuvre de moyens de sécurisation de leurs connexions à Internet, qui seule leur permet d’être exonérés de leurs responsabilités en cas de manquement dans la surveillance de la ligne.

Nous souhaitons que nos concitoyens ne soient pas pénalisés financièrement et proposons, par cet amendement, de rendre la mise en œuvre de ces moyens gratuite en ajoutant le mot « gratuitement ».

L’alinéa 2 se lirait ainsi : « Les personnes visées à l’alinéa précédent les informent également de l’existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l’obligation définie à l’article L. 336-3 du code la propriété intellectuelle et leur proposent gratuitement au moins un de ces moyens figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 331-30 du même code. »

[...]

D’un côté, le rapporteur considère que l’internaute doit payer, de l’autre, la ministre nous indique que de nombreux dispositifs sont déjà proposés gratuitement ! Vous allez obliger les consommateurs à acquérir des moyens de sécurisation de leur ligne Internet, ce manquement faisant l’objet d’une incrimination et d’une sanction de l’HADOPI, alors que nous connaissons une crise économique et sociale sans précédent. Dois-je vous rappeler que le candidat Nicolas Sarkozy avait promis, pendant la campagne électorale, d’être le Président du pouvoir d’achat ? Vous ne prenez pas en compte le fait que ces internautes sont aussi des consommateurs et qu’ils s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat. Faites au moins en sorte qu’on leur propose gratuitement ces moyens de sécurisation, sinon votre démarche, dite pédagogique, risque d’en prendre, une fois de plus, un sacré coup.

Quel sectarisme !

Quel sectarisme !

La proposition de Mme Billard vous gêne-t-elle ?

Cet amendement reprend un des engagements pris dans les accords de l’Élysée de novembre 2007, prévoyant que les films bénéficiant d’une aide publique par l’intermédiaire du Centre national de la cinématographie soient disponibles en vidéo à la demande, dans le respect de la fenêtre légale et dans un délai déterminé.

Il s’agit donc de compléter le 3° de l’article 7 du code de l’industrie cinématographique par la phrase suivante : « À ce titre, toute œuvre cinématographique, pour laquelle une aide du centre national est susceptible d’être accordée, doit être destinée, en plus de sa distribution usuelle, à une première exploitation sur un service offrant l’accès à des œuvres cinématographiques sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique ; ».

[...]

Nos amendements visent à développer l’offre légale. Ainsi, vous avez bien compris que, grâce au dispositif que nous proposons, les films aidés par le CNC seront disponibles en vidéo à la demande, tout en tenant compte de la chronologie des médias. Or vous nous répondez que ce serait impossible car, selon le rapporteur, on ne connaît pas , les modes d’exploitation des films. À vous entendre, rien ne serait jamais possible.

À chaque fois que nous voulons développer l’offre légale, vous répondez par la négative parce qu’il s’agit d’un amendement de l’opposition, donc frappé du sceau de l’infamie, ce qui vous conduit à vous empêtrer dans une contradiction dont il vous faudra bien sortir un jour.

Depuis le début de l’examen de ce texte, il a été rappelé à de nombreuses reprises que votre pari est perdu d’avance : l’existence de l’HADOPI ne conduira pas nos concitoyens à bouleverser leurs usages et ils les bouleverseront même d’autant moins que, malheureusement, par la faute des ayants droit, des titulaires des droits d’auteur et des droits voisins, l’offre légale n’est pas encore suffisamment attractive.

Si nous légiférons, c’est justement parce qu’ils ne sont pas d’accord entre eux.

C’est n’importe quoi !

Grâce à qui ? Grâce à la gauche, pas à la droite !

Quelle confusion !

Évidemment !

Il n’y a pas qu’eux !

Non !

[...]

Nous avons déjà évoqué la chronologie des médias lors de l’examen de la loi audiovisuelle, à la fin de l’année dernière.

Si nous sommes amenés à légiférer, c’est parce que le Gouvernement a échoué à obtenir un accord interprofessionnel. Madame la ministre, rassurez-vous, cela ne tient ni à votre personne, ni à votre couleur politique. Nous savons combien le sujet est conflictuel et combien les intérêts qui s’affrontent dans le monde du cinéma sont puissants, et rendent difficile l’obtention d’un accord interprofessionnel.

Je ne voudrais pas laisser croire que nous légiférons parce que tout le monde est d’accord. Nous légiférons, au contraire, parce qu’il n’y a pas d’accord général.

M. Dionis a cité une audition dans laquelle les participants ont failli en arriver aux mains. Je pourrais citer une audition qui s’est déroulée avec des gens extraordinairement sympathiques, représentant le syndicat des producteurs indépendants – autre organisation qui est opposée à ce que nous modifions la chronologie des médias.

Faisons bouger cette chronologie ! Nous voulons participer à cet effort collectif. Mais reconnaissons que, si le législateur prend aujourd’hui ses responsabilités, c’est parce que les professionnels ne sont pas parvenus, préalablement, à s’accorder.

Le II de l’amendement n’a pas grand sens. Soit on y verra un pistolet posé sur la tempe, soit on y lira la reconnaissance qu’il est impossible d’obtenir un accord interprofessionnel dans le délai d’un mois.

Je ne voudrais pas laisser penser, suite à la mise en scène de quelques orateurs, que nous vivons un moment historique pour l’histoire du cinéma en France.

Si nous avons vécu, dans notre pays, des moments historiques pour le cinéma et s’il y a encore un cinéma français aujourd’hui, alors qu’il n’y a plus de cinéma italien, ni de cinéma allemand, c’est parce que la gauche aux responsabilités, a su faire voter, dans les années quatre-vingt, des lois assurant la survie du cinéma au moment où il était menacé, en imposant notamment des obligations de production à la télévision.

C’est une réalité. C’est l’histoire du cinéma.

Et c’est le rôle historique de la gauche.

N’ayons donc pas l’impression que nous vivons, dans cet hémicycle, un moment historique en faisant évoluer la chronologie des médias.

Dernière observation – je ne voudrais pas abuser de mon temps de parole, mais je parlerai de toute manière moins longtemps que M. Lefebvre qui est le seul orateur que l’on n’ose pas interrompre, même lorsque, de façon magnanime, il annonce le retrait d’amendements qui tomberont en tout état de cause une fois que l’amendement de M. Riester sera voté !

Rendons à César ce qui appartient à César. Rendons à M. Riester ce qui appartient à M. Riester. Mais je voudrais encore modérer l’enthousiasme de notre Assemblée, qui votera sans doute à l’unanimité l’amendement du rapporteur sur la chronologie des médias. Vous nous avez suffisamment répété que le téléchargement illégal intervenait souvent avant même que le film soit exploité en salle, pour que vous ne puissiez nous convaincre qu’en réduisant à quatre mois la sortie du film en DVD ou en VoD, le problème de ce téléchargement illégal sera résolu. En effet, chacun sait que, pour l’essentiel, il a lieu au moment de la sortie en salles et dans les semaines qui suivent.

Ayez toujours à l’esprit que si , a été le film le plus téléchargé illégalement en France en 2008, c’est aussi celui qui a fait le plus d’entrées en salle. Cela doit nous amener à réfléchir sur la façon dont nos concitoyens accèdent aujourd’hui aux contenus culturels – musicaux ou cinématographiques.

J’ai l’impression – c’est une réflexion personnelle, nous verrons ce qu’elle vaudra dans quelques années – qu’Internet est un élément d’émulation et que, d’une certaine façon, téléchargement illégal et entrées en salle font bon ménage.

Gardons les yeux ouverts. Les films les plus téléchargés sont ceux qui font le plus d’entrées en salles. Le téléchargement ne représente pas une concurrence par rapport aux salles. Aujourd’hui, ce sont les séries américaines qui sont le plus téléchargées, en France.

Je veux en dire un mot, car ce n’est pas un mince sujet, monsieur le président ! Je sais qu’il est bientôt vingt et une heures quinze, mais vous aurez remarqué que, cet après-midi et jusqu’en début de soirée, ce n’est pas l’opposition qui a retardé les débats !

Ce point est essentiel et concerne le fameux « Blanc » qui a fait l’objet de nombreuses discussions au cours des états généraux de la presse. Le Président de la République y a lui-même fait référence lors de ses vœux à la presse en début d’année.

Ce n’est certes pas la faute du président de séance, mais je tiens tout de même à déplorer les conditions dans lesquelles nous légiférons. Ce dispositif est essentiel et peut, s’il fonctionne bien, pacifier pour longtemps les relations entre éditeurs et journalistes qui, sur ces questions de droits d’auteur, sont conflictuelles depuis des années – celles et ceux qui suivent ces sujets le savent parfaitement. Des femmes et des hommes de bonne volonté, du côté des éditeurs et du côté des journalistes, se sont assis autour d’une table pour tenter de trouver à un moment T – que nous vivons ce soir – un point d’équilibre.

Madame la ministre, vous venez de nous distribuer – c’est votre droit, le règlement de l’Assemblée nationale le prévoit – un amendement qui fait sept pages. Je pourrais demander une suspension de séance pour vérifier s’il correspond bien au « Blanc ». Je ne le ferai pas : le président m’accorderait sans doute cinq minutes, ce qui ne serait pas suffisant.

Je voudrais donc que vous puissiez nous garantir, en tant que ministre de la République, qu’il s’agit bien du « Blanc » , , c’est-à-dire ce document qui permet de trouver le point d’équilibre et d’accord entre éditeurs et journalistes.

Si vous nous le confirmez, je retirerai mon amendement et, comme Martine Billard, je voterai l’amendement du Gouvernement à condition qu’il ne soit pas sous-amendé.

Défavorable, j’espère.

[...]

Comme Martine Billard, je trouve que l’avis de sagesse émis par Mme la ministre introduit un élément de perturbation. Sur cette affaire, les députés de l’opposition sont prêts à voter le « Blanc », rien que le « Blanc ». L’amendement n° 490 rectifié du Gouvernement fait sept pages ; nous n’avons pas eu le temps de le lire mais n’avons pas demandé de suspension de séance pour ce faire, car nous croyons en la parole d’une ministre de la République.

Sur les quelque onze sous-amendements de M. Kert, nous étions même prêts à suivre les avis favorables ou défavorables de Mme la ministre. Si elle dit « sagesse », tout s’écroule comme un château de carte ! Je préférerais, madame la ministre, que vous disiez ce que vous pensez de ce sous-amendement. Si vous maintenez une position de sagesse, nous aurons tendance à considérer que ce n’est pas le « Blanc », rien que le « Blanc », et que votre amendement ainsi sous-amendé rompt l’équilibre obtenu entre journalistes et éditeurs.

Il ne s’agit pas d’un problème d’appréciation personnelle, mais de la nécessité de maintenir un point d’équilibre très fragile.

Monsieur le président, je demande la parole.

Monsieur le président, cela nous fera gagner du temps.

Je m’associe pleinement aux propos de Mme Billard. J’ai dit tout à l’heure que je voterais le « Blanc », rien que le « Blanc », mais tout le « Blanc ». À partir du moment où, Mme la ministre ayant donné un avis de sagesse, un sous-amendement de M. Kert non prévu par le « Blanc » a été voté par notre assemblée, ce n’est plus le « Blanc », rien que le « Blanc », tout le « Blanc », et, à l’instar de Mme Billard, les députés socialistes ne voteront pas cet amendement du Gouvernement.

Je reviens sur un sujet qui nous a beaucoup occupés en 2006, au moment des débats sur la loi DADVSI, au cours desquels nous avons essayé de protéger les bibliothèques.

À l’occasion de l’examen de cette loi, après bien des discussions – il est vrai qu’à l’époque, il y avait plusieurs lectures, ce qui n’était pas une mauvaise chose –, le Parlement avait souhaité protéger le patrimoine en autorisant la reproduction d’une œuvre par les bibliothèques accessibles au public, les musées ou les services d’archives, pour permettre sa conservation ou préserver les conditions de sa consultation sur place.

Mais cette autorisation de reproduction ne s’est pas accompagnée d’une autorisation de communiquer sur place la copie ainsi réalisée.

Il en résulte que seul peut être communiqué au public l’exemplaire original de l’œuvre et non la copie qui en a été permise, ce qui peut, par exemple, nuire à son intégrité dans le cas d’une fragilité ou d’une détérioration matérielles, ou encore rendre inopérante sa consultation dans le cas d’un support ou d’un format informatique obsolète.

Il s’agit donc de combler une lacune, tout en respectant l’esprit de la loi DADVSI, au moins sur ce point. Le présent amendement vise à permettre, outre la reproduction, la représentation de la reproduction ainsi réalisée, par consultation, visionnage ou écoute sur place. Il précise qu’il ne s’agit que de communiquer copie d’une œuvre déjà acquise légalement par la bibliothèque, le musée ou le service d’archives.

Cette proposition est conforme à la directive européenne du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, dont sont d’ailleurs reprises les expressions « faisant partie de leur collection » et « à des fins de recherche ou d’études privées ».

Je ne veux pas retarder le débat, mais je pense que l’Assemblée n’a pas été suffisamment informée après l’intervention de Mme , . Nous connaissons très bien la directive communautaire de 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins, et je peux vous affirmer qu’elle n’empêche pas, heureusement, les bibliothèques de fonctionner en réseau. Comme l’a dit très justement Martine Billard, nous n’en sommes pas à devoir prendre, à cause de la directive, le train ou tout autre moyen de locomotion, si possible le vélo , ,pour aller consulter un document. Ne prenez pas prétexte de la directive, madame la rapporteure pour avis, pour motiver le rejet de ces deux amendements. Vous auriez pu au moins faire un geste en fin de débat mais, jusqu’au bout, un amendement de l’opposition sera par principe mauvais !

J’en viens à l’amendement n° 427. Il relaie une revendication sur laquelle nous invitons ainsi Mme la ministre à s’exprimer. Il nous a été demandé de profiter de ce débat pour faire reconnaître un droit voisin au profit des producteurs de spectacles vivants. Alors que les producteurs de phonogrammes, de vidéogrammes ou les entreprises de communication audiovisuelle sont titulaires de droits voisins, les producteurs de spectacles vivants en sont exclus. De ce fait, ceux-ci se sont pas intéressés aux exploitations commerciales des spectacles qu’ils ont produits et financés, alors que les nouvelles technologies leur ouvrent pourtant de nombreuses perspectives : sites de , mettant en ligne des captations de spectacles de toutes sortes, enregistrées ou en direct, chaînes « 100 % , » proposées par certains fournisseurs d’accès, sites des , permettant d’écouter de la musique, , etc.

Nous avons déposé cet amendement pour vous donner l’occasion de faire part de votre avis sur l’éventuelle reconnaissance de ce nouveau droit voisin. En fonction des arguments que vous développerez, je vous dirai si je le maintiens ou non.

Je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre d’avoir apporté toutes ces précisions et d’avoir pris un soin particulier pour répondre sur cet amendement. Mais je ne voudrais pas que les professionnels du spectacle vivant voient ce droit voisin qu’ils revendiquent rejeté par une majorité de l’Assemblée nationale. En raison de l’issue du vote que je pressens, je préfère retirer mon amendement. Au passage, je sais gré à Mme la ministre comme à M. le rapporteur d’avoir confirmé ce que nous savons les uns et les autres, c’est-à-dire que le chiffre d’affaires global de la musique progresse d’année en année car si la vente de CD baisse, tout ce qui touche aux concerts explose. Cela amène une augmentation du chiffre d’affaires global de la musique. Merci pour cette bonne nouvelle de fin de débat…

Monsieur le président, puis-je présenter en même temps les amendements n°, s, 316 et 426 ?

Ces amendements traitent d’une question qui nous a déjà largement occupés durant le débat sur le texte relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Je sais que M. le rapporteur va me répondre que j’ai eu toute satisfaction avec le vote de l’amendement n° 317 rectifié, avant l’article 1, er, . Mais, après réflexion, je ne suis pas satisfait de cet amendement, qui n’est que vaguement incitatif et qui ne convaincra pas les puissants intérêts en jeu de permettre la réalisation de l’objectif majeur que visent nos deux amendements.

En effet, nous souhaitons toutes et tous que l’offre légale progresse dans ce pays. Or il existe une situation de blocage inadmissible dans l’audiovisuel : certaines clauses contractuelles freinent la circulation optimale des droits entre chaînes hertziennes, thématiques et TNT. Cette limitation de la circulation des programmes entraîne l’assèchement du marché et donc l’appauvrissement de l’économie du secteur. Nos deux amendements visent à sortir de cette situation de blocage en permettant la circulation des œuvres et la fluidité du marché. Il s’agit d’un enjeu stratégique pour toute la filière audiovisuelle. Il y a urgence à établir des modes de fonctionnement plus équitables et plus partenariaux.

Actuellement, des chaînes – que je ne citerai pas car cela ne sert à rien de susciter des polémiques inutiles – ont tendance à rallonger le délai de détention d’exploitation des droits et à augmenter ainsi le nombre de diffusions acquises, et ce sans contrepartie. Nos concitoyens sont dès lors incités à télécharger illégalement ces œuvres parce qu’elles ne sont pas diffusées par les autres chaînes de télévision, ni disponibles sur d’autres supports.

Tel est l’objet de ces deux amendements, qui vont plus loin que ce que le rapporteur a bien voulu concéder jusqu’à présent.

[...]

Monsieur le rapporteur, madame la ministre, que vous ne soyez pas d’accord avec moi, soit ; que vous ne vouliez pas permettre la circulation des œuvres et la fluidité du marché, soit encore ; mais ne me faites pas croire que le vote de l’amendement n° 317 rectifié règle le problème de la fluidité. Je l’ai lu : c’est un amendement exclusivement incitatif, qui ne contraindra en rien les chaînes à lâcher leurs droits pour permettre la circulation des œuvres ; c’est un coup d’épée dans l’eau. Je rappelle qu’en CMP, sur le texte sur l’audiovisuel, nous étions arrivés à une égalité de voix sur un amendement qui aurait permis la circulation des œuvres. Certes, il n’a donc pas été adopté, mais de justesse. C’est vraiment dommage que vous n’ayez pas accepté ces deux amendements qui auraient permis de développer l’offre légale.

[...]

Nous arrivons au terme de ce débat. Lorsque j’avais défendu l’exception d’irrecevabilité, j’avais dit que nous avions eu la saison 1 avec DADVSI, et que nous avions désormais la saison 2 avec HADOPI. J’ai en effet l’impression d’avoir revécu un mauvais feuilleton. Ce sont, plus ou moins, les mêmes arguments qui ont été développés. C’est surtout le même pari qui a été fait : on imagine que, par la loi, on va bouleverser l’usage de millions de nos concitoyens, et, en l’occurrence, des 18 ou 19 millions d’entre eux qui sont abonnés au haut débit.

DADVSI était un pari perdu d’avance – et c’est pourquoi nous n’avons pas vu le rapport d’évaluation que la loi avait prévu de remettre au Parlement dix-huit mois après sa promulgation ; HADOPI était, avant même que ne s’engage notre débat, un nouveau pari perdu d’avance. Comme l’a dit le président de notre groupe, cette nouvelle haute autorité administrative indépendante est une nouvelle ligne Maginot, à l’exemple des DRM que vous avez vainement essayé de construire hier.

Vous sacralisez le droit d’auteur de manière telle que vous l’enfermez dans une sorte de forteresse assiégée, alors que, à travers les décennies – pour ne pas dire les siècles –, le droit d’auteur a toujours prouvé, dans notre pays, qui est celui de l’exception culturelle, de la diversité culturelle, son extraordinaire vitalité et sa capacité à s’adapter aux évolutions technologiques. Je n’ai pas eu le temps de lire les débats qui ont eu lieu lorsque le piano mécanique a été introduit en France, mais je suis certain que, déjà, à propos de la propriété intellectuelle, avaient été formulés des arguments semblables à ceux qu’ont développés ces jours-ci le Gouvernement et la majorité.

Au bout du compte, nous avons un projet de loi dont il n’est pas difficile de prédire que, comme DADVSI, il ne sera jamais appliqué, ne serait-ce que pour des raisons techniques, sur lesquelles nous vous avons alertés à plusieurs reprises, mais sans doute aussi pour des raisons juridiques. Il est vrai que la messe est dite. La majorité a composé la commission mixte paritaire en ne retenant aucun des députés de l’UMP qui ont courageusement essayé de l’alerter sur les limites de l’exercice. Le 9 avril prochain, le texte qui sortira de la CMP sera comparable à celui qui va malheureusement être adopté ce soir.

Au-delà du vote négatif que le groupe socialiste va exprimer ce soir, nous serons amenés à saisir le juge constitutionnel, tant les faiblesses juridiques de ce texte sont patentes. Je ne vais pas reprendre tous nos arguments visant, notamment, la mise en cause répétée, dans la construction juridique hasardeuse que vous nous avez proposée, du principe de l’égalité des citoyens devant la loi.

À l’arrivée, la loi HADOPI est soit un monstre juridique, soit une usine à gaz – je laisse à chacun le soin de choisir son appellation préférée. Elle a surtout le désavantage majeur d’opposer nos concitoyens les uns aux autres, les créateurs aux internautes, les artistes à leur public. Il n’est jamais bon qu’une loi divise nos concitoyens.

Plus largement, cette loi sera inefficace et inutile. En disant cela, je pense tout particulièrement aux artistes et aux internautes. Les internautes sont des millions de nos concitoyens. Je pense à ce qui les attendrait demain si, par malheur, cette loi s’appliquait. Ils croient, aujourd’hui, qu’ils risquent d’être sanctionnés pour téléchargement illégal. Erreur : ils le seront pour manquement à l’obligation de surveillance et de sécurisation de leur connexion à Internet. Ce texte se voulait pourtant pédagogique. Je regrette qu’on donne ainsi une vision de la société repliée sur quelques certitudes paresseuses, comme le disait Christian Paul, et qu’ait émergé dans ce débat démocratique, où nous avons pu nous exprimer, même si nos amendements n’ont malheureusement pas été retenus, une vision de méfiance vis-à-vis de l’Internet.

Cette méfiance est sans doute ce qui a été le plus prégnant dans l’expression de la majorité de cet hémicycle.

Un dernier mot pour dire que, parlant de droits d’auteur, nous avons encore plus pensé aux artistes, trompés une nouvelle fois. Pourquoi ce retard dans l’adaptation du droit d’auteur à l’ère numérique ? Nous avons proposé la contribution créative ; il y avait une opportunité à saisir pour que les auteurs et les artistes bénéficient d’une nouvelle rémunération. Vous avez retardé cette échéance…

Je dis bien que vous avez retardé cette échéance, parce qu’il y aura inévitablement une saison 3, et j’espère que ce sera la gauche qui, revenue au pouvoir, fera enfin voter le projet de loi sur le droit d’auteur que notre pays attend avec impatience depuis plusieurs années !


20090207

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

[...]

Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous reprenons aujourd’hui nos débats sur le projet de loi dit « Création et Internet » après une interruption de dix-huit jours. Et si je me permets de faire ce rappel au règlement, fondé sur l’article 58, alinéa 2, de celui-ci, monsieur le président, c’est qu’en dix-huit jours, beaucoup de choses se sont passées.

Tout d’abord, le débat public s’est amplifié : cela a permis à nombre de nos concitoyens – et sans doute aussi à nombre de députés de la majorité – de prendre conscience des effets funestes du projet de loi dont nous débattons.

En second lieu, le contexte européen est en pleine évolution. Comme vous le savez, le rapport de M. Lambrinidis, eurodéputé grec, a été adopté pas plus tard que jeudi dernier par le Parlement européen, à une très large majorité : 481 voix contre 25. Il précise notamment, comme nous l’avons déjà relevé en défendant nos motions de procédure, que « les gouvernements ou les sociétés privées qui coupent, à titre punitif, l’accès à Internet des abonnés violent le droit d’accès à l’éducation des personnes ». Ainsi le Parlement européen a rappelé, une nouvelle fois et de la façon la plus nette, que l’accès à Internet est un droit fondamental que toute interruption volontaire, même temporaire, remet en cause.

Ce rapport confirme la pertinence de l’amendement n° 138, adopté par 88 % des eurodéputés lors de l’examen en première lecture du « paquet télécoms ». Aujourd’hui même, le Parlement européen entame la deuxième lecture de ce paquet et l’amendement n° 46, reprise de l’amendement n° 138, permettra de réaffirmer que l’accès à Internet constitue un droit fondamental, ne serait-ce que dans la mesure où il commande l’accès à toute une série d’autres droits – à l’éducation, à la recherche d’un emploi, à l’intégration sociale –, ce qui implique que toute coupure se fasse sous le contrôle du juge.

Je voudrais également – et je ne serai plus long, monsieur le président – me réjouir que la muette du sérail, Mme Kosciusko-Morizet, soit enfin intervenue dans ce débat. Malgré tout le respect que j’ai pour M. Karoutchi, dont je comprends la présence sur les bancs du Gouvernement à la reprise de nos débats, je dois dire que nous aurions aimé que Mme la secrétaire d’État chargée du développement de l’économie numérique soit également présente aux côtés de Mme Albanel.

En l’occurrence, le sujet dont nous débattons l’intéresse directement. Et hier, dans un hebdomadaire paraissant principalement le dimanche,

elle se plaçait déjà, avec quelque facilité, dans la perspective de l’après-HADOPI. Force est de constater, madame la ministre, qu’elle n’a assuré là qu’un service minimum en termes de solidarité gouvernementale. On parle souvent des rapports polémiques et tendus entre Mme Morano et Mme Boutin,

mais je dois bien constater, madame Albanel, que vous vous êtes trouvée comparée à la femme de Cro-Magnon ou de Neandertal, puisque votre collègue a considéré que la HADOPI relevait de la préhistoire. Et, sur ce sujet au moins, nous partageons son point de vue.

et , C’est ce que vous faites !

[...]

Non, sous la pression !

Madame la ministre, nous vous avons écoutée avec attention. Comme d’habitude, vous restez malheureusement droit dans vos bottes alors que M. Françaix essayait de vous protéger. Nous ne voulons pas qu’agrégée que vous êtes, vous sortiez de ce débat désagrégée ! , Ce serait dommage pour une ministre de la République.

Certains artistes se sont effectivement exprimés ce matin au théâtre de l’Odéon, d’autres ne l’ont pas fait par prudence. Mais, pour être complète, vous auriez pu citer Cali, qui déclarait, samedi dernier, sur une chaîne de l’audiovisuel public : « Il faut quand même faire le ménage chez nous. On ne peut pas traiter de voleur un jeune qui télécharge alors que c’est nous les voleurs. Les producteurs de disques se font des marges énormes, et ce que nous, les artistes, récoltons, est tout de même très minime. »

J’en viens maintenant à l’amendement de raison n° 406 qui vise à demander ce que prévoyait l’article 52 de la loi DADVSI mais qui n’a jamais été mis en œuvre. En effet, cet article disposait : « Le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions de la présente loi dans les dix-huit mois suivant sa promulgation. Ce rapport comporte un chapitre spécifique sur les conditions de mise en place d’une plate-forme publique de téléchargement permettant à tout créateur vivant, qui se trouve absent de l’offre commerciale en ligne, de mettre ses œuvres ou ses interprétations à la disposition du public et d’en obtenir une juste rémunération. »

Nous voyons bien, trois ans après sa publication, que la loi DADVSI a été un naufrage. De ce fait, aucun ministre n’a osé commander ce rapport qui aurait dû être rendu public entre le 1, er, août 2006 et la fin de 2007. Ce document aurait pourtant été bien utile pour débattre de la loi HADOPI, puisqu’il nous aurait permis de disposer d’une évaluation de la loi DADVSI, loi funeste qui n’a jamais été appliquée.

Je profite de l’occasion pour faire une piqûre de rappel : la plate-forme publique de téléchargement promise n’a jamais vu le jour. C’est parce que nous ne voulons pas que cela se reproduise que nous avons déposé cet amendement, qui vise à évaluer la mise en œuvre des dispositions que nous condamnons.

J’ajoute que la seconde phrase de l’amendement précise : « En cas d’échec au regard des effets attendus, le dispositif devra faire l’objet d’une suppression. » Nous voudrions en effet qu’« en cas d’échec », prévisible à nos yeux car nous pensons que ce texte est un pari perdu d’avance, la loi soit immédiatement suspendue, en attendant d’être abrogée.

[...]

Nous ne regrettons pas ces dix-huit jours de suspension, même si nous n’avons pas voté la révision constitutionnelle.

Nous nous en félicitons chaque jour, au contraire.

Du reste, sur ce texte, ce n’est pas dix-huit jours d’interruption que nous aurions voulu avoir, mais facilement trois ou quatre semaines. Comme l’a suggéré Christian Paul, nous aurions même souhaité que cet examen fût suspendu pour l’éternité !

Quoi qu’il en soit, nous nous permettons de vous mettre en garde car nous avons l’impression que vous vous voilez la face alors que le débat s’intensifie dans le pays. En effet, nombre de nos concitoyens, y compris ceux qui ne sont pas des internautes avertis et ne passent pas tout leur temps devant leur ordinateur, ont pris conscience des menaces terribles que ce texte fait peser sur les libertés publiques et la protection de la vie privée. Ils se sont rendu compte que l’on était en train de mettre en place un dispositif de surveillance de l’Internet.

Des appels ont été lancés – et même un « appel des appels » – pour dénoncer ce que nous constatons depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, à savoir une régression des libertés publiques qui se caractérise par deux mouvements parallèles : l’un tend à remettre en cause systématiquement, voire à supprimer tous les contre-pouvoirs, et est symptomatique de l’exercice personnel du pouvoir par le Président de la République ; l’autre tend à une surveillance généralisée de la société par l’interconnexion des fichiers existants, avec les conséquences que l’on devine.

Monsieur le rapporteur, si nous pouvons apprécier vos amendements de précision ou vos amendements rédactionnels, nous aurions aimé qu’à l’instar de Christian Kert, rapporteur de la loi sur l’audiovisuel, qui maîtrisait bien son dossier, vous vous comportiez intelligemment avec l’opposition. M. Kert avait en effet pris en compte des amendements de l’opposition qui ne remettaient pas en cause ses convictions, faisant dès lors preuve de l’ouverture qui sied à un rapporteur, et que vous n’avez pas su montrer en commission.

Les amendements que vous avez acceptés sont ridiculement secondaires.

Le Gouvernement, par exemple, s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée en ce qui concerne le rapport d’évaluation de la loi HADOPI que nous réclamions. Or, comme l’a dit Christian Paul, tel votre mentor, Frédéric Lefebvre, par sectarisme, vous avez rejeté cet amendement alors que vous auriez pu reprendre la parole tel un rapporteur responsable et, compte tenu de votre pouvoir d’initiative, convenir, après réflexion et compte tenu de l’avis du Gouvernement, de l’utilité de ce rapport d’évaluation.

Aussi permettez-nous, avec le respect dû à votre fonction et à votre personne, de remettre en cause la façon dont vous renforcez de façon récurrente les aspects les plus négatifs de ce projet, comme cela a été le cas avec la labellisation des offres sur Internet, en allant plus loin que le texte et en visant toutes les offres proposées sur Internet.

Ne vous donnez donc pas le beau rôle dans cette affaire.

Pas à tous !

[...]

M. Paul a été agressé !

Madame la rapporteure, vous êtes censée rapporter ! Vous n’avez pas à donner votre avis personnel, vous parlez au nom de la commission des affaires culturelles !

Mais vous rapportez au nom de la commission !

Mais je ne rapporte pas, moi !

Vous êtes une femme honnête !

[...]

J’ai lu avec attention les rapports de nos trois rapporteurs, notamment celui de Mme Marland-Militello. En voici un extrait de la page 89 :

« La Commission examine un amendement de M. Roland Muzeau tendant à prévoir la présence d’un représentant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) au sein du collège de la HADOPI.

« Mme Martine Billard. Une telle disposition est essentielle car c’est la CNIL qui est garante de la légalité des conditions d’institution de fichiers.

« Mme la rapporteure pour avis. Je suis favorable à cet amendement qui permettra de calmer les inquiétudes de certains et de mieux encadrer l’action de la HADOPI s’agissant de questions touchant aux libertés individuelles. »

Avec tout le respect que j’ai pour votre personne comme pour votre fonction, madame la rapporteure, je me permets de vous reprendre. Non seulement vous ne rapportez pas au nom de la commission, qui a voté cet amendement, mais vous nous donnez un avis personnel différent de celui que vous avez exprimé lors de l’examen de cet amendement.

On connaît la formule : « Il n’y a que les (…) qui ne changent pas d’avis ! » Mais vous auriez au moins pu être plus discrète et vous contenter de rapporter le débat fort intéressant qui s’est déroulé au sein de la commission des lois. Ce débat n’est pas mineur, et je trouve qu’on l’expédie un peu facilement, d’autant que l’article 2, dans son alinéa 112, prévoit qu’« un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application du présent article ». Ce décret devra préciser notamment – c’est prévu par l’alinéa 115 – « les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer, auprès de la Haute Autorité, leur droit d’accès aux données les concernant conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ».

Les dispositions de l’article 2 nous placent donc bien au cœur de la problématique de la protection des données personnelles, et plus largement de la vie privée. Qu’un amendement ait pu être défendu paraît donc légitime, et c’est la raison pour laquelle nous soutenons la démarche de notre collègue Martine Billard.

Il serait peut-être utile que Mme la rapporteure nous fasse savoir pourquoi elle a changé d’avis entre l’examen en commission et la séance. En tout cas, j’aimerais beaucoup que nos collègues rapporteurs se contentent de rapporter ce qu’ont décidé et voté les commissions auxquelles ils appartiennent. Cela participerait à la sérénité des débats.


20090210

Mais non !

[...]

Pour ma part, je ne partage pas le désespoir de Jean Dionis du Séjour car mon objectif n’est pas d’être agréable à la ministre ou au rapporteur, mais simplement de dire notre opposition à ce texte.

Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a l’ambition d’éviter de créer une fracture bien inutile entre nos concitoyens. Nous voulons éviter d’opposer les créateurs et les internautes ; en un mot, les artistes et leur public. Madame la ministre, puisque vous prétendez, bien injustement d’ailleurs, que votre dispositif est pédagogique et dissuasif, le moins que vous puissiez faire, c’est bien d’accepter l’amendement de Jean Dionis du Séjour !

Un amendement semblable du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche n’a pas franchi l’obstacle de l’article 40 de la Constitution. À l’attention des nombreux internautes qui nous regardent, je précise que cette disposition de la Constitution rend irrecevable les amendements créant ou aggravant une charge publique. Pour notre part, nous souhaitions que le centre d’appel dispose d’un numéro gratuit, une sorte de numéro vert.

Il semble tout de même bien normal que les internautes qui s’interrogent puissent obtenir un minimum d’informations sur le dispositif que vous mettez en place, pour peu que ce dernier soit réellement dissuasif et pédagogique – ce que nous contestons. Puisque, lors de la réception d’un premier mail d’avertissement, il n’est prévu aucune procédure contradictoire, quoi de plus simple que de passer un coup de téléphone pour interroger la Haute Autorité ? S’il y avait erreur – et nous avons été nombreux à signaler qu’en la matière le risque était important –, cela éviterait que naissent des contentieux inutiles qui se poursuivraient lors de l’étape de la lettre recommandée, puis lors d’une éventuelle suspension de l’abonnement à Internet.

Nous voulions un centre d’appel gratuit mais, dans le contexte contraint dans lequel nous travaillons, nous nous contenterions de la création d’un centre d’appel téléphonique payant – au prix d’un appel local – prévue par l’amendement de M. Dionis du Séjour. Cette possibilité d’un contact direct est en tout cas une nécessité !

L’amendement n° 273 permet d’introduire dans le dispositif de la médiation et du dialogue.

Il permet de donner une bonne information sur les missions de la HADOPI. Compte tenu du nombre d’erreurs possibles – au moins un tiers d’erreurs selon nos estimations –, cet amendement évitera surtout des contentieux inutiles. Il faut que nous puissions prévenir plutôt que guérir.

Quelle hypocrisie !

[...]

Voilà un sous-amendement de bon sens ! Puisque nous sommes au cœur du dispositif qui permettra à la HADOPI d’interpeller un certain nombre d’internautes – je rappelle les chiffres qui nous ont été communiqués : 10 000 messages d’avertissement, 3 000 recommandations et 1 000 suspensions par jour –, nous cherchons à faire respecter les principes fondamentaux du droit, notamment les droits de la défense, c’est-à-dire la garantie d’une procédure contradictoire et le respect de la présomption d’innocence. C’est bien le moins que l’on puisse faire, dès lors que l’internaute ne pourra pas contester les e-mails d’avertissement qui lui seront adressés.

À cet égard, le sous-amendement de la commission des affaires économiques – auquel le rapporteur a donné, à titre personnel, un avis timidement favorable, la ministre s’en remettant à la sagesse de l’Assemblée – est le bienvenu. En effet, puisque – ce qui est insensé, voire inacceptable – la charge de la preuve incombe de fait à l’abonné, tous les internautes étant ainsi suspects, le moins que l’on puisse faire est de tenter d’introduire dans le texte des éléments liés au respect de la présomption d’innocence. Si ce sous-amendement est adopté, l’internaute ne sera plus considéré comme coupable , .

Par ailleurs, il me paraît indispensable que le rapporteur ou la ministre nous éclairent sur la recommandation relative à la nécessité pour l’internaute de sécuriser son accès à Internet. Nous craignons en effet que l’on s’oriente ainsi vers un contrôle d’usage, un logiciel mouchard surveillant en permanence l’activité d’un poste client pour analyser ce qui est écouté, regardé, lu et vérifier si cela correspond à un dictionnaire d’œuvres protégées. , des internautes qui téléchargent légalement des œuvres protégées ? Comment ce logiciel pourra-t-il s’assurer de la licéité des données ?

Il n’est que temps que vous nous apportiez des précisions sur ces outils de sécurisation. En tout état de cause, il nous paraît nécessaire de limiter les possibilités de tels outils, afin de ne pas instaurer un système intrusif et incompatible avec la législation en vigueur sur le respect de la vie privée. En effet, si ces mouchards filtrants étaient consacrés dans ce texte de loi, cela aurait de lourdes conséquences pour les auteurs et utilisateurs de logiciels libres, qui seraient de nouveau les victimes d’une discrimination absolument inacceptable.

Puisque vous faites référence à des systèmes de sécurisation des connexions, monsieur le rapporteur, vous devez répondre à ces questions.

Quelle malhonnêteté !

C’est à la gueule du client !

En effet !

[...]

Quel est le film le plus piraté ? , . Quel film a été vu par le plus grand nombre de spectateurs en salle ? , !

Je demande la parole !

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

[...]

Ce rappel au règlement n’a pas de rapport direct avec la façon dont vous assumez votre présidence, que je ne conteste pas. J’ai souhaité répondre à la ministre, mais vous avez estimé que vous n’aviez pas à me donner la parole. C’est votre droit : je ne le conteste d’aucune façon.

Mon rappel au règlement porte sur les réponses que la ministre vient enfin de nous faire sur le financement.

Je proteste contre ce qui vient de se passer. Nous légiférons ici en parlementaires libres. Nous n’avons aucun mandat impératif : c’est inscrit dans la Constitution. Je trouve donc intolérable que la ministre, pour appuyer sa démonstration, se soit tournée vers la tribune, faisant appel à des réalisateurs connus pour nous impressionner. , Eh bien, cela ne nous impressionne pas ! Une seule chose nous motive ici : l’intérêt général. Nous souhaitons réconcilier les artistes et les internautes !

C’est ça, l’intérêt général, et c’est ainsi que nous sauverons l’exception culturelle française ! Il nous faut trouver un nouveau mode de rémunération des artistes, mais votre projet de loi ne leur rapportera pas un euro.

Compte tenu du comportement de la ministre, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

[...]

, Je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 2, au sujet du déroulement de nos débats.

L’opposition parlementaire n’a qu’un souci : rassembler les artistes et les internautes.

Défendre le droit d’auteur, ce n’est pas opposer les artistes à leur public. Il y a dans les tribunes, pour suivre nos débats, des réalisateurs de grand talent, que nous admirons, et des internautes. Nous refusons que ce projet de loi les oppose les uns aux autres et qu’il divise nos concitoyens. Nous refusons surtout que l’on abuse les créateurs de notre pays avec ce projet de loi présenté comme la solution miracle, prétendument pédagogique.

J’en termine, monsieur le président, en disant que ce projet de loi est inutile, inefficace et que c’est un pari perdu d’avance, puisque son application est techniquement impossible.

Nous souhaitons que nos débats se déroulent dans de bonnes conditions. Nous n’avons que rarement demandé des suspensions de séance, et nos amendements ne sont en aucun cas de l’obstruction.

Nous refusons donc le procès qui nous est fait de défendre des positions qui iraient contre les intérêts des artistes, tout simplement parce que nous nous opposons au projet de loi. Notre rôle au contraire, dans cet hémicycle, est de défendre la création et la rémunération de la création dans les années à venir. Pour cela, nous sommes les seuls à avoir proposé de vraies solutions.

M. Gosselin emploie la méthode Coué mais cela ne marche pas.

Rappelons-nous l’échec de la loi DADVSI il y a trois ans. Or ce qui nous frappe beaucoup dans ce débat, c’est que l’on utilise pour HADOPI exactement les mêmes arguments que ceux qui ont été utilisés pour DADVSI.

Et DADVSI a été un échec tel que le Gouvernement n’a même pas osé l’évaluer dans les dix-huit mois après sa promulgation comme pourtant la loi le lui imposait.

À l’époque, nous avions dit que c’était un pari perdu d’avance. Eh bien, c’est exactement le même pari que vous faites aujourd’hui. Vous vous dites qu’avec votre loi, c'est-à-dire avec un dispositif prétendument pédagogique et dissuasif, de fait répressif, vous allez faire migrer massivement les internautes vers les offres commerciales. Vous comptez sur un bouleversement des usages, exactement comme pour DADVSI. Pour cette raison, HADOPI est un pari perdu d’avance. Et, pendant ce temps, le modèle économique bouge. Alors qu’il faudrait dès maintenant créer de nouveaux modes de rémunération pour les auteurs, pour les artistes, pour les ayants droit – c’est la raison pour laquelle nous avons proposé la contribution créative –, vous ne faites rien.

Quand, à l’automne dernier, vous avez décidé de taxer les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de télécoms, c'est-à-dire les possesseurs du tuyau, vous auriez dû restituer le montant de la taxe aux créateurs de contenu, c'est-à-dire à la création. Qu’avez-vous fait ? Vous avez décidé que cette taxation devait compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévision. Les fournisseurs d’accès et les opérateurs de télécoms ne repasseront pas deux fois à la caisse !

Quand vous avez parlé des accords de l’Elysée et de la contribution financière des FAI, vous avez oublié de dire que les accords de l’Elysée dataient de novembre 2007, que la déclaration du Président de la République disant qu’il fallait supprimer la publicité à la télévision datait de janvier 2008 et que la loi que nous avons votée avec la taxation des FAI a été promulguée au mois de mars dernier. Les FAI, qui ont été taxés pour compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévision, ne repasseront pas deux fois à la caisse.

Comme l’a relevé très justement M. Tardy, le Conseil constitutionnel leur donne raison pour ne pas prendre en charge des frais que le CGTI, organisme dépendant de Bercy, a estimés à au moins 70 millions d’euros.

Cela, vous vous êtes bien gardée de le dire, madame la ministre, pas plus que vous n’avez dit que ce seront les contribuables français qui supporteront cette gabegie financière qui ne rapportera pas un euro de plus à la création. Voilà la vérité, qu’il fallait dire à ce moment du débat.

[...]

Avant de défendre le sous-amendement, je voudrais faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58-3. Nous sommes amenés à poser au rapporteur et au Gouvernement des questions précises, qui appelleraient des réponses du même type. Mais les questions de M. Paul sont si pertinentes que le rapporteur a peut-être besoin d’un peu de temps pour préparer ses réponses. C’est la raison pour laquelle je demande cinq minutes de suspension de séance, afin qu’il puisse nous fournir les réponses que nous attendons.

Je le ferai plus tard. N’allons pas trop vite.

Loin de nous l’idée de gêner la présidence ou de faire de l’obstruction. Nous ne souhaitons en aucune façon retarder le débat. Mais nous tenons à obtenir des réponses précises.

Le sous-amendement n° 290 porte sur l’amendement n° 52, que nous désapprouvons parce qu’il concrétise tout l’arbitraire de l’HADOPI, qui agira selon son bon vouloir. M. le rapporteur a protesté quand je lui ai dit qu’elle se déterminerait à la tête du client. Mais elle pourra envoyer un ou deux mails d’avertissement – ou non – et une recommandation qui pourra – ou non – être reçue par l’internaute. D’ailleurs, on ne vérifiera pas qu’il a pris connaissance de la lettre recommandée lui révélant les faits qui lui sont reprochés.

Plus grave encore, l’HADOPI pourra encore décider d’une sanction pour manquement à l’obligation de surveillance ou préférer – toujours à la tête du client – une simple injonction ou une transaction, qui amène à engager un dialogue avec l’internaute. Autant dire que l’arbitraire règne et que le principe essentiel d’égalité devant la loi est rompu. Sur ce point, nous saisirons le juge constitutionnel. Pour l’heure, grâce à ce sous-amendement n° 290, nous essayons dans la mesure du possible de corriger – j’évite le verbe « améliorer », de peur que le président ne me fasse remarquer qu’il est subjectif – le projet de loi, et de limiter les conséquences funestes de l’amendement n° 52.

Il paraît évident que les recommandations informant un internaute qu’il est présumé avoir été amené à faire un téléchargement dit illégal, et dont on lui fait reproche, doivent être motivées.

Si nous avons présenté ce sous-amendement, c’est tout simplement parce que l’HADOPI fonctionne selon des règles profondément arbitraires. Ce sera vraiment à la tête de l’internaute. On pourra adresser ou ne pas adresser un mail d’avertissement, une recommandation, décider d’une sanction ou d’une injonction.

Nous voulons réduire les éléments d’incertitude, l’aspect aléatoire que cela peut présenter pour l’internaute, et nous voulons que soient garantis un certain nombre de principes fondamentaux qui fondent notre État de droit.

L’internaute est interpellé et est en quelque sorte entraîné dans une procédure qui s’apparente évidemment à une procédure contentieuse. Oui, madame la ministre, les pouvoirs publics peuvent déléguer à une haute autorité administrative un pouvoir de sanction, mais à condition que les sanctions ne soient pas privatives de liberté. C’est la restriction qu’a apportée le Conseil constitutionnel. Or la sanction ultime, la suspension de l’abonnement à Internet, est privative de liberté, s’attaque à un droit fondamental.

Bref, nous sommes dans une matière suffisamment sérieuse pour que nous soyons garants à tout moment, en tant que législateurs, du fait que les droits de la défense, le droit à une procédure contradictoire, la présomption d’innocence, sont garantis.

C’est pour que la défense de l’internaute soit assurée dans les meilleures conditions que nous souhaitons que les recommandations soient motivées.

Il ne faut pas voter la loi alors !

[...]

Je voudrais rebondir, monsieur le rapporteur, sur deux de vos observations qui me paraissent ô combien contestables.

Vous avez expliqué, pour refuser notre sous-amendement demandant la motivation des recommandations, que les recommandations ne faisaient pas grief. C’est un peu comme les mails d’avertissement, qui sont de petits mails innocents, des petits rappels pédagogiques, des petites piqûres dissuasives en quelque sorte.

Dans notre droit, les choses sont précises. Les décisions au fond doivent exclusivement s’appuyer sur des éléments de preuve sur lesquels les parties ont la possibilité de se faire entendre. Or, dans votre texte, les avertissements ou, dans le cas présent, les recommandations ne sont pas de simples rappels de la loi ou d’innocentes mesures pédagogiques comme vous essayez de nous le faire croire. Ils relèvent de la catégorie des actes administratifs qui vont produire par la suite des effets dans la sphère juridique des titulaires d’un accès à Internet.

Le mail d’avertissement comme la recommandation sont en eux-mêmes des étapes qui amèneront à la sanction future, c’est-à-dire à la suspension de l’abonnement. Ils doivent pouvoir faire l’objet d’une contestation par l’internaute. Les recommandations doivent donc être motivées pour permettre à l’internaute d’appuyer sa contestation.

Vous nous expliquez ensuite, monsieur le rapporteur, que c’est une grande chance que l’HADOPI puisse décider si elle envoie ou non un mail d’avertissement ou une recommandation, mais un tel aspect aléatoire n’est pas possible quand on écrit le droit. Le droit a des conséquences sur la vie privée et sur nos libertés individuelles. Le Conseil constitutionnel est très vigilant sur la manière dont des procédures et des sanctions peuvent être privatives de liberté, et c’est en ce sens que nous estimons qu’il y a rupture d’égalité.

Que l’HADOPI puisse choisir à discrétion, à la tête de l’internaute, entre une sanction de suspension de la connexion Internet assortie d’une interdiction de souscrire un autre abonnement et une procédure d’injonction dont la définition est une fois de plus particulièrement floue puisqu’elle vise à obliger l’internaute à prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté et à rendre compte à la Haute autorité, le cas échéant sous astreinte, c’est incontestablement un élément d’arbitraire qui n’est pas acceptable.

[...]

Ce sous-amendement vise à modifier la rédaction de l’alinéa 5 de l’amendement n° 52 du rapporteur. Nous essayons tant bien que mal de corriger ces mauvaises dispositions, et surtout, de manière acharnée mais aussi, nos amendements étant systématiquement rejetés, quelque peu désespérée, de mettre du contradictoire dans le dispositif, tout simplement pour assurer les droits de la défense.

Qu’y a-t-il de plus légitime à ce qu’un internaute puisse contester par courrier le bien-fondé d’une recommandation que lui envoie la Haute Autorité ? Quand les impôts écrivent à un administré au sujet de sa déclaration ou du paiement de son impôt, l’administration fiscale, contrairement, d’ailleurs, à sa réputation, lui est accessible : tout citoyen peut se rendre à la perception ou à la trésorerie générale, et s’il préfère écrire un courrier, il lui sera répondu. Pourquoi ce que fait l’administration, répondant à toute contestation d’administrés qui jugent infondés les reproches qui lui sont adressés, ne vaudrait pas aussi pour la HADOPI ?

D’autant plus que, comme l’a souligné très justement Mme Billard, nous sommes dans l’imprécision puisque l’on nous dit : « Mesdames, messieurs les députés, circulez, y a rien à voir. Il y aura des critères et, en plus, tout cela va fonctionner de manière automatique. » Mais on ne sait quels sont ces critères et, question automaticité aux résultats imprévisibles, le tirage du Loto, ce n’est rien à côté du fonctionnement de la HADOPI !

L’envoi des recommandations fait partie intégrante de la procédure de ripostes graduées, et il s’agit, je le répète, d’un acte administratif qui influe sur la situation juridique du titulaire de l’abonnement parce qu’il permettra plus tard le déclenchement de la sanction de suspension. C’est pourquoi nous voulons que la procédure soit contradictoire dès le premier avertissement.

Cet amendement se justifie d’autant plus que l’ampleur des envois, attestée par les chiffres donnés par Mme la ministre elle-même, soit 10 000 mails adressés par jour, 300 000 mails par mois, laisse envisager de nombreuses erreurs. Il vise donc à renforcer les droits de la défense de l’internaute incriminé en rendant obligatoire, en cas de contestation, la motivation par la HADOPI de ses accusations.

Mais si, elles font grief puisqu’elles ont des conséquences juridiques !

L’amendement ne m’a pas été distribué, monsieur le président.

L’amendement n° 260 propose d’insérer un nouvel alinéa après l’alinéa 74. L’envoi des recommandations, nous l’avons expliqué à plusieurs reprises, fait partie intégrante de la procédure dite de riposte graduée. Il ne faut donc pas minimiser un tel envoi. Quand le rapporteur répète à l’envi que les recommandations ne font pas grief, je lui réponds que si car en tant qu’actes administratifs, elles ont des conséquences juridiques, notamment lorsqu’une sanction, en l’espèce une suspension de l’abonnement, est prise à l’encontre d’un internaute. Je rappelle que c’est l’envoi de ces recommandations qui va permettre le déclenchement de la sanction.

Nous considérons donc qu’il est inconcevable que la procédure ne soit pas soumise au principe du contradictoire dès l’envoi du premier avertissement, en raison notamment du nombre d’erreurs qui vont être provoquées par l’envoi massif de recommandations. À travers cet amendement, nous insistons sur ce point, peut-être lourdement mais il s’agit d’apporter des éléments essentiels à la garantie des droits de la défense et de la présomption d’innocence à laquelle a droit tout internaute. Ne pas chercher à garantir ces droits revient à considérer que tout internaute est un suspect en puissance, et il faudrait alors mettre tous les internautes à haut débit, soit 18 millions de personnes, dans un vaste fichier, que l’on pourrait appeler le « Fichier des suspects en puissance ».

Il ne serait même pas nécessaire de réglementer sa connexion avec d’autres fichiers puisqu’il serait exhaustif.

En l’occurrence, je me permets de faire remarquer à M. Gosselin que si la loi de 1978 avait un caractère si automatique que cela, le texte ferait l’économie des dispositions prévues de l’alinéa n, os , 112 à 115 qui tendent à renvoyer à un décret tout ce qui concerne les données personnelles et le rôle joué par la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Pour notre part, nous estimons qu’en matière de protection des données personnelles, c’est la loi qui doit apporter les garanties auxquelles tous les citoyens ont droit, pour qu’il n’y ait pas deux poids deux mesures.

De ce fait, nous souhaitons renforcer les garanties de la défense de l’internaute incriminé, et obliger la HADOPI à motiver ses accusations. Nous considérons que si elle ne justifie pas du bien fondé de la mise en cause de l’internaute dans un délai de trente jours, sa recommandation sera frappée de nullité.

Après l’alinéa 74, nous souhaitons insérer l’alinéa suivant : « En cas de contestation d’une recommandation de la part de l’abonné, la Haute autorité est tenue de préciser l’ensemble des œuvres ou objets dont l’utilisation illicite a été constatée, ainsi que la date et l’heure de cet usage illicite. »

Nous souhaitons que l’internaute puisse avoir connaissance, de manière précise, des éléments de preuve tangibles et quasiment matériels qui fondent les accusations de la HADOPI. Il s’agit de compenser le mieux possible les multiples erreurs qui seront commises sur l’identité de la personne, et le fait que des abonnés pourront voir leur ligne utilisée illégalement par d’autres internautes. Si les abonnés veulent prouver un usage illicite de leur adresse IP, ils doivent pouvoir contester et démontrer qu’ils n’utilisaient pas leur ordinateur à l’heure ou le jour dit, ou qu’ils n’ont jamais téléchargé les œuvres mentionnées. C’est à ces seules conditions que les abonnés pourront se défendre contre les accusations de la HADOPI.

Non, je ne retire pas cet amendement. À chaque fois, le rapporteur prétend que nos amendements sont satisfaits, mais c’est lui-même qui l’est !

Nous voudrions que nos amendements soient satisfaits, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Tout à l’heure, lors de l’examen de l’amendement n° 52, vous avez évoqué la discrétion et le secret qui devaient entourer la procédure, afin de ne pas perturber les familles par l’envoi et le contenu des recommandations. Bref, il s’agit d’en dire le moins possible. Certes, quand on envoie 10 000 recommandations par jour, on ne peut pas être disert et s’étendre. Mais le jour venu, la coupure à l’abonnement Internet ne se fera pas dans la discrétion ou le secret des familles.

Il a raison !

et , Où est le sourire ?

Je demande la parole pour un rappel au règlement !

J’ai une délégation pour réunir immédiatement mon groupe, afin de répondre aux provocations du président de la commission des lois ! Je sais qu’il se contrefout des libertés publiques dans notre pays , mais qu’il ne vienne pas perturber et retarder les débats inutilement, et mettre en cause le groupe socialiste. Je demande à réunir mon groupe immédiatement, et donc une suspension de séance de dix minutes.

L’amendement n° 262 vise à supprimer les alinéas 75 à 83, ceux qui ont trait à la sanction.

Comment peut-on encore prétendre que ce texte, qui propose de suspendre l’abonnement à Internet pour une durée pouvant aller jusqu’à un an, est dissuasif et pédagogique ? Il est avant tout répressif. Internet est devenu, pour nos concitoyens, un indispensable outil de travail, d’information et de communication. Il est frappant de découvrir, à la lecture des mails que nous envoient les internautes qui suivent notre débat, les mille façons dont Internet s’est introduit dans leur vie. Pour des raisons d’économie, les pouvoirs publics eux-mêmes ont incité nos concitoyens à déclarer leurs impôts sur Internet, et ils sont de plus en plus nombreux à le faire. C’est un moyen de communiquer avec sa famille, par mail ou par webcam. C’est la possibilité de suivre des cours par correspondance. Dans certains cas, c’est la seule façon d’accéder à une formation ou de rechercher un emploi. C’est aussi, tout simplement, le moyen de travailler en envoyant des mails professionnels. Et c’est encore la possibilité d’inscrire son enfant dans son lycée. Je ne vais pas dresser un inventaire à la Prévert : on le sait, Internet tient désormais une place essentielle dans la vie de chacun d’entre nous.

D’ailleurs, aujourd’hui même, le ministre de l’éducation a rappelé quelle place il tenait à l’école et dans l’effort général pour que nos plus jeunes concitoyens accèdent aux nouvelles technologies. Ce sont d’ailleurs les termes mêmes du rapport Lambrinidis que le Parlement européen vient d’adopter à une très large majorité et qui pose que l’accès à Internet est un droit fondamental pour chacun de nos concitoyens, notamment en matière d’éducation.

Couper l’accès à Internet pour une durée pouvant atteindre une année peut donc avoir de très graves conséquences : c’est priver nos concitoyens de libertés essentielles. Non seulement ce texte est répressif, autorisant une sanction disproportionnée, mais il n’apporte aucune réponse à la vraie question, qui est celle de la juste rémunération des ayants droit à l’ère numérique.

Puisque vous avez à de nombreuses reprises évoqué l’Allemagne, madame la ministre, je voudrais vous citer le propos de la ministre de la justice allemande, Brigitte Zypries, qui s’est intéressée de près à la riposte graduée : « Je ne pense pas que la riposte graduée soit un schéma applicable à l’Allemagne ou même à l’Europe. Empêcher quelqu’un d’accéder à Internet me semble être une sanction complètement déraisonnable. Ce serait hautement problématique d’un point de vue à la fois constitutionnel et politique. Je suis sûre qu’une fois que les premières déconnexions se produiront en France, nous entendrons le tollé jusqu’à Berlin. » Y a-t-il meilleure condamnation d’un dispositif répressif dont nous répétons, une nouvelle fois, qu’il est à la fois dangereux pour nos libertés, inefficace et inutile ?

C’est vrai !

[...]

N’insultez pas les Français !

C’est grotesque !

Avec elle, si : c’est la ministre des lobbies !

Non, c’est un droit fondamental !